Titre : Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche
Éditeur : Le Figaro (Paris)
Date d'édition : 1888-01-07
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343599097
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 07 janvier 1888 07 janvier 1888
Description : 1888/01/07 (Numéro 1). 1888/01/07 (Numéro 1).
Droits : Consultable en ligne
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Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
LE FIGARO SAMEDI 7 JANVIER i888
grand rôle dans la vie de l'aimable co-
médienne» En consultant les notes que i
j'ai sous les yeux, je crois qu'il s'agitde
Ch. un homme avec qui elle partagea
les plus belles années de sa jeunesse et
de qui elle a raconté les anecdotes les
plus véridiques et les plus invraisem-
blables à la fois. Les quelques. alinéas
qui vont suivre pourront donner une
idée de ce qu'était ce personnage qui, à
coup sûr, avait une physionomie toute
particulière. (Nous l'appellerons Charles
pour la facilité du récit.)
Charles, disait-elle, était un grand
diable de garçon, à grand nez, gros
yeux, très spirituel et encore plus dé-
bauché viveur par excellence. Il était
perdu de dettes et traqué partout. Il ne
demeurait pas deux nuits dans le même
endroit, courant d'hôtel en hôtel. C'était
pour moi une adoration, il nue paraissait
•rempli des plus beaux sentiments, celui
de la paternité excepté. Nous passâmes
ainsi trois mois il percher sur des bâtons
de chaise.
J'étais alors au Gymnase, où je ne ga-
gnais pas lourd tout y passait, et il
me fallait non seulement vivre moi-
même, mais faire vivre les miens. A cinq
heures du matin, à trois heures l'été,
Charles se levait plus souvent et filait
pour dépister ses créanciers. C'était à
moi de le réveiller. Jugez quelle fatigue,
j'avais joué, j'étais épuisée. enfin l
Le père de Charles était riche c'était
un avoué de Paris. Bien des fois, il avait
fait des remontrances à son fils, mais
celui-ci avait des raisons pour ne pas me
quitter. Notre liaison avait commencé
sous de meilleurs auspices. Charles tra-
vaillait alors chez son père, et j'allais le
voir à l'étude déguisée en homme; si
bien qu'un jour je faillis être prise. Le
père de- Charles traversa tout à coup l'é-
tude pendant que je me trouvais là; je
n'eus que le temps de me pencher sur
un pupitre et de griffonner, en apparence,
comme tous les autres clercs. L'avoué
ne me remarqua pas, mais dut. en ren-
trant à son cabinet, trouver que le per-
sonnel de son étude était bien zélé.
*̃
Quand là débâcle des créanciers arriva,
les recors qui suivaient partout Charles
et qui savaient très bien notre liaison,
firent ce raisonnement bien simple
qu'en me suivant ils étaient toujours
sûrs de le trouver. Tous les soirs donc,
à la sortie du théâtre, j'en trouvais ré-
gulièrement, dans les environs, deux ou
trois qui se trouvaient cachés dans l'om-
bre, et qui étaient tout prêts à me suivre.
C'était alors une lutte de Peaux-Rouges
en plein Paris, des marches et des contre-
marches, des ruses infinies. Tout cela si
'bien exécuté par moi que je parvenais
toujours à les dépister, le jour -comme
la nuit. J'entrais, par exemple, dans un
magasin, je me disais suivie .par un
homme, j'intéressais, je priais, bref, je
me faisais ouvrir une porte de derrière
et je filais.'
Les recors se donnaient! au diable.JDn
billet de spectacle perdit tout.
Après avoir usé toutes les cachettes de
Paris, Charles fut obligé de se rabattre
sur la banlieue il s'en alla élire domi-
cile à Saint-Denis, chez une mère Lecoq,
bonne femme très connue comme lo-
geuse. Tous les soirs, j'avais la cons-
tance de prendre la voiture après le spec-
tacle et de m'en aller à l'île. Il fallait en-
core descendre en bateau, passer l'eau,
car il n'y avait pas de pont alors. C'était
tout un voyage heureusement que c'é-
tait l'été Je ne parle pas des répétitions
dans le jour, autre voyage! 1
Un jour même, je fus obligée de faire.
la route à pied. J'avais manqué la voi-
ture pour venir au théâtre, j'avais mar-
ché en plein soleil, j'étais rouge, morte
de chaleur. Tout' cela me paraissait
charmant.
Bref, madame Lecoq me demanda un
jour un billet pour aller au Gymnase. Je
le lui donnai.
Comme toujours, quand je jouais, il y
avait deux ou trois recors dans la salle;
l'un d'eux reconnut la mère Lecoq et se
dit si elle est ici, c'est qu'on lui a donné
un billet, ce ne peut être que Déjazet,
donc Charles est chez Mme Lecoq. Le
spectacle fini, je partis 'et retournai à
Saint-Denis, comme d'habitude.
Vers deux heures *du matin -c'était
l'été, le jour n'était pas loin Charles
se réveilla et me dit -J'ai envie d'aller
me promener, les oiseaux chantent, le
temps est superbe; je ne sais pourquoi je
ne veux pas attendre le jour ce matin 1
Je me moquai ^e lui. Je l'assurai qu'il
n'y avait aucun danger il renonça à son
projet. »
Une demi-heure après, la mère Lecoq
vint m'appeler. Entendez-vous ?
Non. J'entends un drôle de bruit au-
tourde la maisondepuis un quart d'heure,
on parle tout bas et on dirait qu'il y a là.
des bruits d'armes t
Je me lève effrayée, je cours à la fe-
nêtre, je regarde par la fente des volets
FEitllLETOH BU SUPPIÉMEHT LITTÉRAIRE DU FIGARO
LEROMAN
Nous avons la bonne fortune d'offrir aujour-
d'hui à nos lecteurs la primeur de l'étude sur le
roman contemporain que Guy de Maupassant
a placée en tête de son nouveau roman Pierre
et Jean, qui paraît lundi chez l'éditeur Paul
OUendorff.
Je veux m'occuper du Roman en
général, dit M. Guy de Maupassant en
tête de sa préface
« Je ne suis pas le seul à qui le même
reproche soit adressé par les mêmes cri-
tiques, chaque fois que paraît un livre
nouveau..
Au milieu de phrases élogieuses, je
trouve régulièrement celle-ci, sous les
mêmes plumes
"I Le plus grand défaut de cette œu-
vre, c'est qu'elle n'est pas un roman à
proprement parler.
On pourrait répondre par le même ar-
gument.
Le plus grand défaut de l'écrivain
gui me fait l'honneur de me juger, c'est
Qu'il n'est pas un critique.
Quels sont en effet les caractères es-
sentiels du critique? 2
et je vois en effet trois recorset des gen-
darmes t Ah 1 mes amis » )
(II fallait ici l'entendre, la voir racon-
ter, mettre tout en scène et tomber at-.
terrée sur sa chaise, comme elle le fit à
ce moment.)
«C'était affreux! le soleil allait se lever i
Je me faisais mille reproches. Enfin je
réveillai Charles, qui dormait d'un
cœur!
Il sortit de son lit en jurant comme un
païen et s'approcha de la fenêtre. Le so-
leil se levait 1 et Dieu sait l'importance
qu'avait le lever et le coucher du soleil,
pour les débiteurs Impossible de fuir,
la maison était cernée.
Toc, toc 1
Qui est là ? 2
Ouvrez
Il fallut descendreet ouvrir. Charlesen
avait pris son parti.
Ah c'est vous, Y.? dit-il au chef
des recors, car tf les connaissait tous par
leur nom et n'en était point à sa pre-
mière affaire. ̃
Bonjour, monsieur Charles, fit af-
fectueusement le praticien puis, sou-
riant Ah vous nous avez donné beau-
coup de mal voilà une petite dame,
ajouta-t-il en me désignant, qui peut se
vanter d'être fièrement maligne et de
nous avoir souvent déroutés s'il n'y
avait qu'elle, vous ne seriez pas entre
nos mains .'mais lanière Lecoq.
Ah oui, le billet c'est juste
enfin 1
Votre dossier? interrompit Charles,
qui connaissait son affaire sur le bout du
doigt maintes fois il avait échappé aux
recors en leur prouvant l'absence de
telle ou telle formalité.
Cette fois, tout était en ordre.
Je suis pris! fit Charles, ah çà! com-
ment allons-nous sortir d'ici? fit-il en
les regardant.
Oh 1 soyez tranquille, nous avons
un bateau et là-bas une voiture.
#*#
Il fallut traverser la Seine avec les re-
cors et les gendarmes. Charles était fu-:
rieux de l'a présence de ces derniers, et
jurait comme un beau diable d'être
traité comme un voleur les recors ne-
disaient trop rien quant à moi, je tâchais
de me dissimuler sous la longue capote"
d'un chapeau de paille anglais comme
on en portait à cette époque.
Il y avait foule sur les rives c'était un
vrai supplice Une fois en voiture, et
quand on commença à respirer, Charles-
entama son petit discours; il s'expliquait
admirablement il savait enjôler son
monde 1
Ah çà dit-il, parlons peu et bien.
Vous allez m'écrouer à Sainte-Pélagie,
c'est une sottise; ma dette est de 6,000
francs avec les frais. Vous me faites en-
fermer ce soir tous mes créanciers (il
avait pour plus de 100,000 francs de let-
tres de change de 1,000 francs, et n'en
avait reçu que le tiers), tous mes créan-
ciers vont savoir la nouvelle naturelle-
ment ils vont tomber sur moi, et vous
n'aurez pas un sou de votre créance je
ferai, moi, cinq ans de prison la belle
avance pour vous tous? Si vous voulez
être bien gentils, je vais vous proposer
autre chose dans votre intérêt.
Les recors ''l'examinèrent curieuse-
ment.
C'est aujourd'hui samedi. Passons la
journée où vous voudrez.
Ce soir vous me coffrerez à la brune
demain dimanche mes autres créanciers
ne sauront rien de l'affaire, et par consé-
quent ne pourront pas agir! Aujourd'hui
avant la fin de la journée j'aurai obtenu,
d'un ami à qui je vais écrire, le montant
de votre créance; vous faites ainsi votre
affaire et la mienne est-ce dit?
Les recors se consultèrent longtemps,
puis après mûre délibération et en pré-
sence de si bonnes raisons, acceptèrent
la proposition. On dit au cocher d'aller
rue Saint-Honoré, chez un marchand de
vin. Arrivé là, Charles commanda à déjeu-
ner pour tout le monde. Ce farceur-là se
faisait adorer des gardes du commer ce
on le connaissait bien pour un bon gar- _1'
çon, mais on y avait été pris tant de
fois 1
Pendant qu'on déjeunait, moi je réflé-
chissais !Le marchand de vin me voyant
ainsi triste dans mon coin, ne mangeant
pas, me fit un petit [signe et m'attira à
part. b.
Mademoiselle, me dit-il, je sais bien
de quoi il retourne; ce jeune homme-là
est arrêté pou%dettes, je connais ça l
Oui, Monsieur, et c'est bien cruel.
Il ne faut pas vous désoler comme
cela: j'ai là une porte de derrière; si vous
savez le prévenir il pourra s'écnàpper;
les autres sont un peu gris, ils n'y ver-
ront que du feu et moi et mes garçons
nous les empêcnerons bien de vous pour-
suivre 1
Vous comprenez que je ne me fis
pas répéter deux fois" la proposition je
me remis à table et cette fois je bus, je
mangeai avec un rare entrain, je ch an-
Il faut que sans parti pris, sans opi-
nions préconçues, sans idées d'école,
sans attaches avec aucune famille d'ar-
tistes, il comprenne, distingue et expli-
que toutes les tendances les plus oppo-
sées, les tempéraments les plus contrai-
res, et admette les recherches d'art les
plus diverses.
Le critique ne doit apprécier le résul-
tat que.suivant la nature de l'effort; et il
n'a pas le droit de se préoccuper des
tendances.
Cela a été écrit déjà mille fois. Il fau-
dra toujours le répéter.
Donc, après les écoles littéraires qui
ont voulu nous donner une vision défor-
mée, surhumaine, poétique, attendris-
sante, charmante ou superbe de la vie,
est venue une école réaliste ou natura-
liste qui a prétendu nous montrer la vé-
rité, rien que la vérité et toute la vé-
rité
Mais en se plaçant au point de vue
même de ces artistes réalistes, on doit
discuter et contester leur théorie qui
semble pouvoir être résumée par ces
mots « Rien que la vérité et toute la
vérité. »
Leur intention étant de dégager la phi-
losophie de certains faits constants et
courants, ils devront souvent corriger
les événements au profit de la vraisem-
blance et au détriment de la vérité, car
Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable.
Le réaliste, s'il est un artiste, cher-
chera, non pas à nous montrer la photo-
graphie banale de la vie, mais à nous en
donner la vision plus complète, plus sai-
sissante, plus probante que la réalité
même..
tai avec les recors qui étaient ivres-
morts. Que vous dire? jefis tant queChar-
les,profîtantdeleurengourdissement,sor-
tit à quatre pattes sous prétexte de ramas-
ser sa serviette. Je ne tardai pas aie sui-
vre et vous jugez de notre joie l
La première fois que je vis jouer la
Sirène je rîe.pus m'empêcherdem'éerier:
« Mais la pièce est de moi » »
*##
Quelques jours plus tard, Charles était
repris et incarcéré à Sainte-Pélagie, cette
fois sérieusement. J'obtins lapernlission'
de l'aller visiter. J'avais les yeux pleins
de larmes dès l'entrée j'entendis rire,
chanter. Etonnée, j'arrive à la salle où
je trouve mon Charles attablé avec de
nouveaux amis qui l'adoraient déjà, bu-
vant du champagne et déclarant qu'il
n'a jamais habité plus agréable lieu de
plaisance et que son bonheur serait d'y
rester.
A six heures, l'argent arriva l'écrou
fut levé. Charles partit presque avec re-
gret.
Ce scélérat était l'inconstance même, et
quelque bonne volonté que j'y aie mise,
je n'ai jamais pu l'en corriger.
Je me rappelle qu'un jour, pour plaire
à je ne sais qui, il s'était fait raser com-
plètement la tête c'était une mode qui
avait été adoptée par les jeunes beaux
de l'époque, sous prétexte que les: che-
veux repoussaient plus dru et que cela
préservait dé la calvitie.
Je le trouvai si laid quand il rentra
ainsi tondu à la maison, qu'il en eut
conscience et qu'il courut bien vite ache-
ter une perruque 1
Nous allâmes le soir au théâtre, du
Palais-Royal à côté de notre loge était t
une petite dame. Bien vite Charles se
met entre elle et moi; au bout d'un quart
d'heure je surpris leur manège.
C'est trop fort lui dis-je tout bas.
Charles se récria et prit un air indif-
férent au bout d'un instant je remarquai
le même jeu, cette fois plus couvert! 1
Charles croisait les bras, s 'appuyant sur-
le rebord de la loge et sa main cherchait
en dessous celle de la dame qui n'op po-
sait pas la moindre résistance.. Cette fois
là rage me prit je me levai peu à peu et
au moment où Charles était le plus tendre,
crac! je lui tirai sa perruquel,par derrière
et découvris sa tête polie avec une rare
prestesse.
Il était affreux
La dame poussa un cri, la salle tout
entière nous regarda. Charles cherchait
sa perruque; on riait de tous côtés; le
scandale était à son comble il se leva
furieux et sortit.
Je courus après lui dans le corridor; il
arracha de son doigt une certaine bague
sacrée, et me la. jeta en se sauvant, Bien
vite je rentrai dans la loge pour dire son
fait à la petite dame et je retournai à la
maison.
Charles se vengea bientôt de cette mér-
saventure. La paix était faite; il vint
un jour me proposer d'aller faire avec
lui un tour sur le boulevard; très vite je
m'habillai, comme on s'habillait alors;
je mis un chapeau rose, une robe_de je
ne sais quelle couleur, une pelisse vio-
lette avec des fourrures, enfin. une toi-
lette affreuse. Nous sortons, nous nous
promenons; nous étions arrivés à la
hauteur du Gymnase lorsque Charles ôte
tout à coup son chapeau, retire sa perru-
que et se promène gravement comme
cela au milieu aes eutate ûBi-irtr.
En vain je le suppliai de se recoiffer,
il n'y voulut pas consentir, et me força
à me promener ainsi avec lui pendant
une heur e Vous m'aviez rendu ridi-
cule, mé dit-il sévèrement, nous voilà
quittes
#*#
J'arrive, ensautantbien desépisodes, à la
fin des histoires de Charles. Son père lui
ayant absolument refusé de payer ses
dettes, il me suivit à Bruxelles. Là il
trouva à. écrire dans un journal; pendant
ce temps j'allai chez Talma qui donnait
des représentations en Belgique; je me
recommandai à lui,et le grand comédien
me fit assurer à Bruxelles un engage-
ment de trois mille francs. Charles ga-
gnait une somme égale à son journal,
c'était de quoi vivre; -I
J'étais dans la joie, je venais de signer
et j'attendais Charles pour lui annoncer
cette bonne nouvelle. Au lieu de sa per-
sonne je reçus une lettre de lui; il était
arrêté et me priait de l'aller voir à sa
prison.
J'y courus bien vite et le trouvai sous
les verrous, toujours gai d'ailleurs. Il
avait fait un article insensé intitulé les
artistes en voyage, très spirituel, très
moraaat. Les actrices étaient Mlle Râu-
court et la duchesse d'Angoulême qui se
promenaient alors par toute la France.
Plaintes de Paris à Bruxelles, recher-
che et prise du coupable. Force me fut
de revenir à Paris sans lui; il s'était créé
en prison des distractions auxquelles
n'était point étrangère la fille d'un geô-
lier Je pris la diligence et j'arrivai à
Raconter tout serait impossible, car il
faudrait alors un volume au moins par
journée, pour énumérer les multitudes
d'incidents insignifiants qui emplissent
notre existence.
Un choix s'impose donc, ce qui est
une première atteinte à la théorie de
toute la vérité.
La vie, en outre, est composée des cho-
ses les plus différentes, les plus impré-
vues, les plus contraires, les plus dispa-
rates elle est brutale, sans suite, sans
chaîne, pleine de catastrophes inexpli-
caltles, illogiques et contradictoires qui
doivent être classées, au chapitre faits
divers.
Voilà pourquoi l'artiste, ayant choisi
son thème, ne prendra dans cette vie
encombrée de hasards et de futilités que
les détails caractéristiques utiles à son
sujet et il rejettera tout le reste, tout Pà-
Faire vrai consiste donc à donner l'illu-
sion complète du vrai, suivant la logique
ordinaire des faits, et non à les trans-
crire servilement dans le pêle-mêle de
leur succession.
J'en conclus que les Réalistes de talent
devraient s'appeler plutôt des illusion-
nistes.
Quel enfantillage, d'ailleurs, de croire
à la réalité puisque nous portons chacun
la nôtre dans notre pensée et dans nos
organes. Nos yeux, nos oreilles, notre
odorat, notre goût différents créent au-
tant de vérités qu'il y a d'hommes sur la
terre. Et nos esprits qui reçoivent les
instructions de ces organes, diversement
impressionnés, comprennent, analysent
et jugent comme si chacun de nous ap-
partenait à une autre race.
Paris. Dieu sait dans quel état! N'ayant
pas de quoi payer la place du petit, j'a-
vais dû le -porter sur mes genoux pen-
dant toute la route en suspendant un
mouchoir à mes reins; mes bras étaient
trop fatigués. »
#
J'arrête là mes citations relatives à
Charles elles ont servi à prouver que
dans la vie de Déjazet le dévouement et
l'amour maternel ont tenu la plus grande
place. En lui voyant tant d'esprit, quel-
ques sceptiques ont avancé qu'elle man-
quait peut-être de cœur. Je crois que les
quelques anecdotes que je viens de citer
établiront facilement lé contraire.
H. de Villemessant.
On ferait peut-être de tonnes lois socia-
les pour l'avenir si Von se ^décidait enfin à
tenir compte de ce fait qu'entre l'homme et
la femme la haine est un instinct et l'amour
une fiction.
#*#
Exemple de politesse positiviste dans le
prochain siècle
Un de nos arrière-neveux en aborde un
autre
Pardon, Monsieur, d'oser vous de-
mander, sans profit pour vous, une seconde
de votre temps. Je sais à quel point l'égo'is-
me absolu, justifié parles âpres nécessités
de la vie en même temps que fortifié par
les instincts, rend pénible à l'homme l'obli-
gation de prêter le moindre service, de
faire acte de la plus insignifiante complai-
sance. Néanmoins, persuadé que, si cela ne
vous rapporte rien, il ne vous en coûtera
pas davantage, je me hasarde à vous prier
de vouloir bien me dire l'heure. etc.
II y des personnes dont l'outrance "de
pessimisme aime à prévoir les catastrophes
les plus lointaines.
Notre ami Henry C. par exemple, se
plaint, dès à présent, de la fréquence des
rencontres de trains qui, par la négligence
des administrations, « n'aurontpas man-
qué » de se produire depuis l'application de
la navigation aérienne.
La célèbre Mme de Z. commence à être
très mûre, mais elle montre encore le soir,
dans sa loge, d'admirables épaules, de vëri-
tables épaules de marbre, telles que doitles
avoir une personne de l'âge de pierre.
**#
La femme trouve toujours un peu ridi-
cule l'amour sincère d'un homme pour une
autre femme.
LETTRES INÉDITES
D'E
FRANÇOIS BONVIN
Bonvin, qui vient de mourir, n'était pas
seulementun grand peintre dont les toiles vont
enfin prendre rang dans les grandes galeries Is
et dans les Musées, c'était de plus un esprit
très fin qui, sous l'aspect de la « gouaillerie »
parisienne, savait juger très habilement les
hommes et les choses.
Son amour sincère et profond de la nature,
s'accommodant mal de la vie de Paris, des
salons et des antichambres qui lui eussent
facilement donné cette rosette de la Légion
d'honneur que l'administration doit regretter
aujourd'hui d'avoir offerte à un autre, Bonvin
s'était retiré à la campagne, ou à peu prés
fixé à Saint-Germain-en-Laye. Il s'était fait,
dans une vieille maison, un atelier à la--façon
des maîtres hollandais, à côté desquels il
peut prendre une place très honorable; au-
cun luxe, une propreté méticuleuse, partout
des dressoirs brillants de pots, de plats, de
vases d'étain de toutes les époques* sur les
murs un médaillon, une photographie, un
dessin révélant toujours son goût exquis. Sa
joie était de se promener dans la forêt de
Saint-Germain et de gagner le village de
Carrières-sous-Bois, pour aller déjeuner avec
des amis au charmant cabaret Strebelin. Il a
laissé quelques études prises dans la cour de
ce restaurant pittoresque; ce sont mainte-
nant des œuvres de haute valeur. De ces
Chacun de nous se fait donc simple-
ment une illusion du monde, illusion
poétique, sentimentale, joyeuse, mélan-
colique, sale ou lugubre, suivant sa na-
ture. Et l'écrivain n'a d'autre mission
que de reproduire fidèlement cette illu-
sion avec tous les procédés d'art qu'il a
appris et dont il peut disposer.
Illusion du beau qui est une conven-
tion humaine illusion- du laid qui est
une opinion changeante 1- Illusion du
vraijamais immuable 1 Illusion de l'igno-
ble qui attire tant d'êtres Les grands
artistes sont ceux qui imposent à l'hu-
manité leur illusion particulière.
Ne nous fâchons donc contre aucune
théorie puisque chacune d'elles est sim-
plement l'expression généralisée d'un
tempérament qui s'analyse.
Il en est deux surtout qu'on a souvent
discutées en les opposant l'une à l'autre,
au lieu de les admettre l'une et l'autre,
celle du roman d'analyse pure et celle du
roman objectif. Les partisans de l'ana-
lyse demandent que l'écrivain s'attache
à indiquer les moindres évolutions d'un
esprit et tous les mobiles les plus secrets
qui déterminent nos actions, en n'accor-
dant au fait lui-même qu'une importance
très secondaire. Il est le point d'arrivée,
une simple borne, le prétexte du roman.
Il faudrait donc, d'après eux, écrire ces
œuvres précises et rêvées où l'imagina-
tionse confond avec l'observation, à la
manière d'un philosophe composant un
livre de psychologie exposer les causes'
en les prenant aux origines les plus loin-
taines, dire tous les pourquoi de tous les
vouloirs et discerner toutes les réactions
de l'âme agissant sous l'impulsion des
intérêts, des passions ou des instincts.
Les partisans de l'objectivité (quel vi-
lain mot !), prétendant, au contraire, nous
donner la représentation exacte de ce qui
études il avait composé un éventail que pos-
sède un gentilhomme de très grand nom, et
qui est un véritable chef-d'œuvre.
Un peu exilé volontaire, il écrivait, quand
il ne peignait pas, à ses amis épars de tous
les côtés. Ses lettres ont gardé la franchise
et la simplicité de sa nature et nous sommes
heureux de fournir aux lecteurs du Figaro
un échantillon de son style épistolaire, fa-
milier et plein de bonne humeur. C'était de
plus un brave cœur, comme on en pourra
juger d'après ces quelques extraits.
Le billet qui suit était~adressé à un de ses
amis qu'il avait rencontré au Louvre.
J'espère bien, cher ami, que vous m'ex-
cuserez de ne vous avoir pas retrouvé au
Louvre l'autre fois. J'étais en grande con-
férence sur les maîtres anciens avec M.
Jules 'Dupré, et la satanée maladie ne
me permettant jamais d'aller le voir à
l'Isle-Adam, ou il me convie depuis si
longtemps, j'ai voulu profiter de sa rare
rencontre. Depuis deux jours je suis cou-
ché sur des fagots d'épines; je vous di-
sais bien que je paierais cher mon
voyage à Paris. Je regrette bien de n'a-
voir pas pu bavarder avec vous; j'espé-
rais vous voir repasser; mais vous vous
êtes évadé par la galerie française!
C'eût été un bon moment pour moi
qui avais le cœur gros et les yeux salis
par les monstruosités du Palais de l'In-
dustrie, où je jure bien qu'on ne me re-
pincera plus jamais. Je n'aurais jamais
assez de temps pour demander pardon
aux chers morts du Louvre.
#*#
La seconde lettre est écrite en sortant de
la représentation d'un ballet à l'Opéra.
Mon cher ami,
Nous vous remercions très chaude-
ment, vous avez là un ravissant opéra
dont la musique est également ravis-
sante 1
J'ai fait tous mes compliments au com-
positeur que je n'avais plus revu de-
puis vingt-cinq ans. Comme il y avait
trente-six pieds de neige dans la rue,
nous n'avons pas été du tout étonnés,
qu'il- en fût resté un peu beaucoup sur
notre chevelure.
Je me suis amusé comme un pendu et
j'ai failli crever au 4" acte, faute de pou-
voir sortir de ma stalle. Je me suis rat-
trapé au ballet en me tenant près de la
porte et à portée de Rambuteau.
Par exemple, je trouve ce théâtre af-
freux et tout à fait nuisible aux specta-
cles qu'on y donne. Quelle lourdeur 1
Quel mauvais goût d'ornementation et de
dorures Comment est-il venu à l'idée
d'un homme d'art et de véritable talent
de mettre dans la salle ce qui ne devrait
être que sur la scène ? .Et les cariatides,
et les peintures écrasantes. Cela me
faisait peur 1
Allons, les architectes ne devraient ja-
mais se mêler d'autre chose que de la
bâtisse, le dernier des décorateurs de
théâtre s'en serait infiniment mieux tiré.
Quel préjugé de faire des figures orne-
mentales plus grandes que nature pour
le faîte de la coupole ça rapetisse et
écrase Voyez les gothiques et voyez
surtout la nature est-ce que sur le dôme
d'une forêt, les feuilles, au contraire, et
les branches ne sont pas. plus petites
qu'au pied? Tout le grandiose d'un mo-
nument est là 1
Couvrez un toit Louis XIII en zinc où
couvrez-le de fines ardoises! Vitrez de
grands carreaux, vous rapetissez tout.
Je crois que nous en sommes au style
de la pâtisserie.
C'est la Favorite aussi qui a été mal
chantée oh' 1
J'espère bien qu'un jour nous pour-
rons disserter sur cette décadence.
En attendant, cher ami, croyez-nous
vos très reconnaissants,
*##
La maladie qui devra l'emporter le force à
se soumettre à une douloureuse opération;
voici les lettres qu'il écrit avant de la subir.
19, rue Oudinot, ch. 57.
Donc; mon cher ami, puisque vous
voulez savoir de mes nouvelles directe-
ment, je vous dirai que j'ai la pierre et
que l'opération tentée et ratée il y a qua-
tre ans met quelque obstacle à celle que
l'on me fera subir d'ici peu. Les préli-
minaires de la chose sont ceux qu'on
emploie, toutes proportions gardées,
pour percer un puits artésien on sonde;
des douleurs, du vinaigre sur des cou-
put'ea ft'nt&h~5-6- y~a~ ~f-totjtt b
c'est tout Pour Je-*a.ïs fta«, f-to-ut bao crV
çhlorbformisé, je ne puis vous dire
quand.
J'ai pour opérateur le premier d'au-
jourd'hui, qui est en même temps le
plus doux, le plus aimable.et le meilleur
homme du monde. Pour infirmiers, des
caniches, des barbets, des chiens de.befcr
a lieu dans la vie, évitent avec soin toute
explication compliquée, toute disserta-
tion sur les motifs, et se bornent à faire
passer sous nos yeux les personnages et
les événements.
Pour eux, la psychologie doit être ca-
chée dans le livre comme elle est cachée
en réalité sous les faits dans l'existence.
Le roman conçu de cette manière y
gagne de l'intérêt, du mouvement dans
le récit, de la couleur, de la vie re-
muante. '•
Donc, au lieu d'expliquer longuement
l'état d'esprit d'un personnage, les écri-
vains objectifs chercheront l'action ou le
geste que cet état d'âme doit faire ac-
complir fatalement à cet homme dans
une situation déterminée. Et ils le font
se conduire de telle manière, d'un. bout
à l'autre du volume, que tous ses actes,
tous ses mouvements, soient le reflet de
sa nature intime, de toutes ses pensées,
de toutes ses volontés ou de toutes ses
hésitations. Ils cachent donc la psycho-
logie au lieu de l'étaler, ils en font la
carcasse de l'œuvre, comme l'ossature
invisible est la carcasse du corps hu-
main. Le peintre qui fait notre portrait
ne montre pas notre squelette.
Il me semble aussi que le'roman exé-
cuté de cette façon y gagne en sincérité.
Il est d'abord plus vraisemblable.car les
gens que nous voyons agir autour de
nous ne racontent point les mobiles aux-
quels ils nous obéissent.
Il faut ensuite tenir compte de ce que,
à force d'observer les hommes, nous
pouvons déterminer leur nature assez
exactement pour prévoir leur manière
d'être dans presque toutes les circons-
tances. Si nous pouvons dire avec préci-
sion « Tel homme de tel tempérament,
dans tel cas, fera ceci », il ne s'ensuit
F. BONVIN.
8 janvier 1882.
ger, des êtres enfin dont la résignation. /|
et le dévouement me font rougir d'être '`
si indigne de leurs soins, qui me son»
donnés avec une gaîté qui me défrise!
Et puis, j'ai ma nièce qui passe ses
journées près de moi.
Vous voyez, cher ami, que je ne suis
pas à plaindre, et que l'issue funeste ou
réussie ne peut avoir lieu dans de mèiî- i|
leures conditions.
Je serais très heureux de votre lettrs
sans le sombre passage qui mentionne
et la cinquantaine et les accidents qu'ello
amène pour votre santé et votre carac-
tère. Moi, cher ami, je crois que l'âge n'y
est pour rien, et si vous vouliez bien
prendre ma tardive expérience en consi-
dération, elle vous dirait Ne/umèzplks'
jamais, nipeunibeaucowp PAS DU tout, ¡
et dans trois ou quatre ans, vous n'au-
rez peut-être plus ni vertiges, ni indiges-
tions, ni malaises.
Tâchez; d'ajouter à cela quelques î-e ro-
ches réguliers à votre trop- excessi ̃:4)
application:au travail.journalier ou jiv
turne; et je suis jbiea. sûr que votre su •.••
se rétablira comme par enchantement ï
Dois-je vous faire peur pour vous cor-
vaincre ?
Depuis trois semaines qua je loge p\i
cette maison, je suis le témoin dv la
deuxième opération de l'abf.ation de U
langue ayant pour cause le cancer des s
fumeurs cinq en un an! Aucun n'a suc-
combé, heureusement; mais le damier ,j
fumeur enragé, auquel on avait esjK-A1:
rendre la parole au moyen d'un bout rJ»
langue en bois, n'a pu résister à sa m?s;-
dite habitude. Il a fumé une oign;1,^
pendant la nuit, et à son réveil, .<
trouvé la langue en braise! ¡
Ne fumez plus, cher ami l
F. Bon vin.
Une dernière lettre qui ne manque y* cte
gaîté, pour finir
Ceci, mon cher ami, est ma carte dc
visite.
Ma Guyon agit toujours en sondeur en-
vers moi: comme plaisir, c'est manqué,
comme douleur, quand on est mal con-
formé je le suis c'est assez réussi.
Bornez-vous à me croire, cher: ami, n'es-
sayez pas sur vous 1.
Le jour, j'ai des visites, ma nièce, tes
FRERES; mais, la nuit oh! la nuit I.
quelle longueur!
Défense de lire, à cause du sulfate
de quinine; alors, je fais des nouvelles
à la main. Voici
A l'hôpital.
Un vieux repenti demande l'aumônier,
lequel s'empresse de venir recevoir ses
confidences.
Mon père, j'ai beaucoup péché, je
m'en repens sincèrement, et je prie Dieu
de me pardonner! 1
--Bien, mon fils; votre aveu est déjà
quelque chose un peu de précision, de
détails, cependant, seraient nécessaires
pour obtenir l'absolution.
Mon père, si vous exigez des dé-
tails, dit le mourant, vous allez me faire
manquer le train (
Agréez mes excuses, cher ami,
F. BONVIN.
Il y a d'adorables façons d'être spiriy*
tuellement'bêté sous le strict costume mon-
dain. L 'aimable dévergondage et là fît-
roublardise s'acceptent en des attitudes
qu'enveloppent les atours prescrits par le
journal des modes. Rien de charmant
comme les Pierrots en habit noir de la (l
pantomime moderne; c'est une délicieuse
trouvaille dit génie américain que le clovni
en habit noir,et les mots des gavroches à
trois ponts, dits gamins de Paris, nc sont
jolis que sous le chapeau à haute jonris
des boulevardiers qui les inventent.
#*# '.̃̃̃•
Depuis quelques semaines on remarque,
dans les quartiers aristocratiques, le pas-
sage d'une calèche au fond de laquelle .«
tient assise une dame jeune, très belle, très
pale, les yeux tragiques, l'air évident nent
frappé d'hallucination:
En face d'elle est installée une pi >/s
délicieusement fanfreluchée' en bébé de hir'
à dix ans. On devine du premier -:o..t
̃ d'œil la folie d'une mère croyant g rder
revivante sous ses yeux sa chère eu f uni
morte. `
Mais ne vous apitoyé^ pas trop vite
La dante ^tl'tittt des s^iipîajr^s .«
agence qui vient de se fonder dans li
de fournir, à tant par mois, des émiitwiï.
variées et périodiques aux âmes senstfrlesu
.La calèche fait des stations, à hr-.ixs
fixes, sous les fenêtres des abonnés.
point que nous puissions déterminer,
une à une, toutes les secrètes évolutions
de sa pensée qui n'est pas la nôtre, lou-
tes les mystérieuses sollicitations de ses
instincts qui ne sont pas 'pareils aux nô-
tres, toutes les incitations confuses da
sa nature dont les organes, les nerfs,
le sang, la chair sont différents des nô-
tres.
Quel que soit le génie d'un homme fai-
ble, doux, sans passions, aimant unique-
ment la science et le travail, jamais il ne
pourra se transporter assez complète-
ment dansl?âme etle corps d'un gaillard
exubérant, sensuel, violent, soulevé par
tous les désirs et même par tous les vi-
ces, pour comprendre et indiquer les
impulsions et les sensations les plus in-
times de cet être si différent, alors même
qu'il peut fort bien prévoir et raconter
tous les actes de sa vie.
En somme, celui qui fait de la psycho-
logie pure ne peut que se substituer à
tous ses personnages dans les différen-
tes situations où il les place, car il lui
est impossible de changer ses organes,
qui sont les seuls intermédiaires entre
la vie extérieure et nous, qui nous im-
posent leurs perceptions, déterminent
notre sensibilité, créent en nous une âme
essentiellement différente de toutes celles
qui nous entourent. Notre vision, notre
connaissance du monde acquise par le
secours de nos sens, nos idées sur la
vie, nous ne pouvons que les transpor-
ter en partie dans tous les personnages
dont nous prétendons dévoiler l'être in-
time et inconnu. C'est donc toujours
nous que nous montrons dans le corps
d'un roi, d'un assassin, d'un voleur ou
d'un honnête homme, d'une courtisane,
d'une religieuse, d'une jeune fille ou
d'une marchande aux halles, car nous
grand rôle dans la vie de l'aimable co-
médienne» En consultant les notes que i
j'ai sous les yeux, je crois qu'il s'agitde
Ch. un homme avec qui elle partagea
les plus belles années de sa jeunesse et
de qui elle a raconté les anecdotes les
plus véridiques et les plus invraisem-
blables à la fois. Les quelques. alinéas
qui vont suivre pourront donner une
idée de ce qu'était ce personnage qui, à
coup sûr, avait une physionomie toute
particulière. (Nous l'appellerons Charles
pour la facilité du récit.)
Charles, disait-elle, était un grand
diable de garçon, à grand nez, gros
yeux, très spirituel et encore plus dé-
bauché viveur par excellence. Il était
perdu de dettes et traqué partout. Il ne
demeurait pas deux nuits dans le même
endroit, courant d'hôtel en hôtel. C'était
pour moi une adoration, il nue paraissait
•rempli des plus beaux sentiments, celui
de la paternité excepté. Nous passâmes
ainsi trois mois il percher sur des bâtons
de chaise.
J'étais alors au Gymnase, où je ne ga-
gnais pas lourd tout y passait, et il
me fallait non seulement vivre moi-
même, mais faire vivre les miens. A cinq
heures du matin, à trois heures l'été,
Charles se levait plus souvent et filait
pour dépister ses créanciers. C'était à
moi de le réveiller. Jugez quelle fatigue,
j'avais joué, j'étais épuisée. enfin l
Le père de Charles était riche c'était
un avoué de Paris. Bien des fois, il avait
fait des remontrances à son fils, mais
celui-ci avait des raisons pour ne pas me
quitter. Notre liaison avait commencé
sous de meilleurs auspices. Charles tra-
vaillait alors chez son père, et j'allais le
voir à l'étude déguisée en homme; si
bien qu'un jour je faillis être prise. Le
père de- Charles traversa tout à coup l'é-
tude pendant que je me trouvais là; je
n'eus que le temps de me pencher sur
un pupitre et de griffonner, en apparence,
comme tous les autres clercs. L'avoué
ne me remarqua pas, mais dut. en ren-
trant à son cabinet, trouver que le per-
sonnel de son étude était bien zélé.
*̃
Quand là débâcle des créanciers arriva,
les recors qui suivaient partout Charles
et qui savaient très bien notre liaison,
firent ce raisonnement bien simple
qu'en me suivant ils étaient toujours
sûrs de le trouver. Tous les soirs donc,
à la sortie du théâtre, j'en trouvais ré-
gulièrement, dans les environs, deux ou
trois qui se trouvaient cachés dans l'om-
bre, et qui étaient tout prêts à me suivre.
C'était alors une lutte de Peaux-Rouges
en plein Paris, des marches et des contre-
marches, des ruses infinies. Tout cela si
'bien exécuté par moi que je parvenais
toujours à les dépister, le jour -comme
la nuit. J'entrais, par exemple, dans un
magasin, je me disais suivie .par un
homme, j'intéressais, je priais, bref, je
me faisais ouvrir une porte de derrière
et je filais.'
Les recors se donnaient! au diable.JDn
billet de spectacle perdit tout.
Après avoir usé toutes les cachettes de
Paris, Charles fut obligé de se rabattre
sur la banlieue il s'en alla élire domi-
cile à Saint-Denis, chez une mère Lecoq,
bonne femme très connue comme lo-
geuse. Tous les soirs, j'avais la cons-
tance de prendre la voiture après le spec-
tacle et de m'en aller à l'île. Il fallait en-
core descendre en bateau, passer l'eau,
car il n'y avait pas de pont alors. C'était
tout un voyage heureusement que c'é-
tait l'été Je ne parle pas des répétitions
dans le jour, autre voyage! 1
Un jour même, je fus obligée de faire.
la route à pied. J'avais manqué la voi-
ture pour venir au théâtre, j'avais mar-
ché en plein soleil, j'étais rouge, morte
de chaleur. Tout' cela me paraissait
charmant.
Bref, madame Lecoq me demanda un
jour un billet pour aller au Gymnase. Je
le lui donnai.
Comme toujours, quand je jouais, il y
avait deux ou trois recors dans la salle;
l'un d'eux reconnut la mère Lecoq et se
dit si elle est ici, c'est qu'on lui a donné
un billet, ce ne peut être que Déjazet,
donc Charles est chez Mme Lecoq. Le
spectacle fini, je partis 'et retournai à
Saint-Denis, comme d'habitude.
Vers deux heures *du matin -c'était
l'été, le jour n'était pas loin Charles
se réveilla et me dit -J'ai envie d'aller
me promener, les oiseaux chantent, le
temps est superbe; je ne sais pourquoi je
ne veux pas attendre le jour ce matin 1
Je me moquai ^e lui. Je l'assurai qu'il
n'y avait aucun danger il renonça à son
projet. »
Une demi-heure après, la mère Lecoq
vint m'appeler. Entendez-vous ?
Non. J'entends un drôle de bruit au-
tourde la maisondepuis un quart d'heure,
on parle tout bas et on dirait qu'il y a là.
des bruits d'armes t
Je me lève effrayée, je cours à la fe-
nêtre, je regarde par la fente des volets
FEitllLETOH BU SUPPIÉMEHT LITTÉRAIRE DU FIGARO
LEROMAN
Nous avons la bonne fortune d'offrir aujour-
d'hui à nos lecteurs la primeur de l'étude sur le
roman contemporain que Guy de Maupassant
a placée en tête de son nouveau roman Pierre
et Jean, qui paraît lundi chez l'éditeur Paul
OUendorff.
Je veux m'occuper du Roman en
général, dit M. Guy de Maupassant en
tête de sa préface
« Je ne suis pas le seul à qui le même
reproche soit adressé par les mêmes cri-
tiques, chaque fois que paraît un livre
nouveau..
Au milieu de phrases élogieuses, je
trouve régulièrement celle-ci, sous les
mêmes plumes
"I Le plus grand défaut de cette œu-
vre, c'est qu'elle n'est pas un roman à
proprement parler.
On pourrait répondre par le même ar-
gument.
Le plus grand défaut de l'écrivain
gui me fait l'honneur de me juger, c'est
Qu'il n'est pas un critique.
Quels sont en effet les caractères es-
sentiels du critique? 2
et je vois en effet trois recorset des gen-
darmes t Ah 1 mes amis » )
(II fallait ici l'entendre, la voir racon-
ter, mettre tout en scène et tomber at-.
terrée sur sa chaise, comme elle le fit à
ce moment.)
«C'était affreux! le soleil allait se lever i
Je me faisais mille reproches. Enfin je
réveillai Charles, qui dormait d'un
cœur!
Il sortit de son lit en jurant comme un
païen et s'approcha de la fenêtre. Le so-
leil se levait 1 et Dieu sait l'importance
qu'avait le lever et le coucher du soleil,
pour les débiteurs Impossible de fuir,
la maison était cernée.
Toc, toc 1
Qui est là ? 2
Ouvrez
Il fallut descendreet ouvrir. Charlesen
avait pris son parti.
Ah c'est vous, Y.? dit-il au chef
des recors, car tf les connaissait tous par
leur nom et n'en était point à sa pre-
mière affaire. ̃
Bonjour, monsieur Charles, fit af-
fectueusement le praticien puis, sou-
riant Ah vous nous avez donné beau-
coup de mal voilà une petite dame,
ajouta-t-il en me désignant, qui peut se
vanter d'être fièrement maligne et de
nous avoir souvent déroutés s'il n'y
avait qu'elle, vous ne seriez pas entre
nos mains .'mais lanière Lecoq.
Ah oui, le billet c'est juste
enfin 1
Votre dossier? interrompit Charles,
qui connaissait son affaire sur le bout du
doigt maintes fois il avait échappé aux
recors en leur prouvant l'absence de
telle ou telle formalité.
Cette fois, tout était en ordre.
Je suis pris! fit Charles, ah çà! com-
ment allons-nous sortir d'ici? fit-il en
les regardant.
Oh 1 soyez tranquille, nous avons
un bateau et là-bas une voiture.
#*#
Il fallut traverser la Seine avec les re-
cors et les gendarmes. Charles était fu-:
rieux de l'a présence de ces derniers, et
jurait comme un beau diable d'être
traité comme un voleur les recors ne-
disaient trop rien quant à moi, je tâchais
de me dissimuler sous la longue capote"
d'un chapeau de paille anglais comme
on en portait à cette époque.
Il y avait foule sur les rives c'était un
vrai supplice Une fois en voiture, et
quand on commença à respirer, Charles-
entama son petit discours; il s'expliquait
admirablement il savait enjôler son
monde 1
Ah çà dit-il, parlons peu et bien.
Vous allez m'écrouer à Sainte-Pélagie,
c'est une sottise; ma dette est de 6,000
francs avec les frais. Vous me faites en-
fermer ce soir tous mes créanciers (il
avait pour plus de 100,000 francs de let-
tres de change de 1,000 francs, et n'en
avait reçu que le tiers), tous mes créan-
ciers vont savoir la nouvelle naturelle-
ment ils vont tomber sur moi, et vous
n'aurez pas un sou de votre créance je
ferai, moi, cinq ans de prison la belle
avance pour vous tous? Si vous voulez
être bien gentils, je vais vous proposer
autre chose dans votre intérêt.
Les recors ''l'examinèrent curieuse-
ment.
C'est aujourd'hui samedi. Passons la
journée où vous voudrez.
Ce soir vous me coffrerez à la brune
demain dimanche mes autres créanciers
ne sauront rien de l'affaire, et par consé-
quent ne pourront pas agir! Aujourd'hui
avant la fin de la journée j'aurai obtenu,
d'un ami à qui je vais écrire, le montant
de votre créance; vous faites ainsi votre
affaire et la mienne est-ce dit?
Les recors se consultèrent longtemps,
puis après mûre délibération et en pré-
sence de si bonnes raisons, acceptèrent
la proposition. On dit au cocher d'aller
rue Saint-Honoré, chez un marchand de
vin. Arrivé là, Charles commanda à déjeu-
ner pour tout le monde. Ce farceur-là se
faisait adorer des gardes du commer ce
on le connaissait bien pour un bon gar- _1'
çon, mais on y avait été pris tant de
fois 1
Pendant qu'on déjeunait, moi je réflé-
chissais !Le marchand de vin me voyant
ainsi triste dans mon coin, ne mangeant
pas, me fit un petit [signe et m'attira à
part. b.
Mademoiselle, me dit-il, je sais bien
de quoi il retourne; ce jeune homme-là
est arrêté pou%dettes, je connais ça l
Oui, Monsieur, et c'est bien cruel.
Il ne faut pas vous désoler comme
cela: j'ai là une porte de derrière; si vous
savez le prévenir il pourra s'écnàpper;
les autres sont un peu gris, ils n'y ver-
ront que du feu et moi et mes garçons
nous les empêcnerons bien de vous pour-
suivre 1
Vous comprenez que je ne me fis
pas répéter deux fois" la proposition je
me remis à table et cette fois je bus, je
mangeai avec un rare entrain, je ch an-
Il faut que sans parti pris, sans opi-
nions préconçues, sans idées d'école,
sans attaches avec aucune famille d'ar-
tistes, il comprenne, distingue et expli-
que toutes les tendances les plus oppo-
sées, les tempéraments les plus contrai-
res, et admette les recherches d'art les
plus diverses.
Le critique ne doit apprécier le résul-
tat que.suivant la nature de l'effort; et il
n'a pas le droit de se préoccuper des
tendances.
Cela a été écrit déjà mille fois. Il fau-
dra toujours le répéter.
Donc, après les écoles littéraires qui
ont voulu nous donner une vision défor-
mée, surhumaine, poétique, attendris-
sante, charmante ou superbe de la vie,
est venue une école réaliste ou natura-
liste qui a prétendu nous montrer la vé-
rité, rien que la vérité et toute la vé-
rité
Mais en se plaçant au point de vue
même de ces artistes réalistes, on doit
discuter et contester leur théorie qui
semble pouvoir être résumée par ces
mots « Rien que la vérité et toute la
vérité. »
Leur intention étant de dégager la phi-
losophie de certains faits constants et
courants, ils devront souvent corriger
les événements au profit de la vraisem-
blance et au détriment de la vérité, car
Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable.
Le réaliste, s'il est un artiste, cher-
chera, non pas à nous montrer la photo-
graphie banale de la vie, mais à nous en
donner la vision plus complète, plus sai-
sissante, plus probante que la réalité
même..
tai avec les recors qui étaient ivres-
morts. Que vous dire? jefis tant queChar-
les,profîtantdeleurengourdissement,sor-
tit à quatre pattes sous prétexte de ramas-
ser sa serviette. Je ne tardai pas aie sui-
vre et vous jugez de notre joie l
La première fois que je vis jouer la
Sirène je rîe.pus m'empêcherdem'éerier:
« Mais la pièce est de moi » »
*##
Quelques jours plus tard, Charles était
repris et incarcéré à Sainte-Pélagie, cette
fois sérieusement. J'obtins lapernlission'
de l'aller visiter. J'avais les yeux pleins
de larmes dès l'entrée j'entendis rire,
chanter. Etonnée, j'arrive à la salle où
je trouve mon Charles attablé avec de
nouveaux amis qui l'adoraient déjà, bu-
vant du champagne et déclarant qu'il
n'a jamais habité plus agréable lieu de
plaisance et que son bonheur serait d'y
rester.
A six heures, l'argent arriva l'écrou
fut levé. Charles partit presque avec re-
gret.
Ce scélérat était l'inconstance même, et
quelque bonne volonté que j'y aie mise,
je n'ai jamais pu l'en corriger.
Je me rappelle qu'un jour, pour plaire
à je ne sais qui, il s'était fait raser com-
plètement la tête c'était une mode qui
avait été adoptée par les jeunes beaux
de l'époque, sous prétexte que les: che-
veux repoussaient plus dru et que cela
préservait dé la calvitie.
Je le trouvai si laid quand il rentra
ainsi tondu à la maison, qu'il en eut
conscience et qu'il courut bien vite ache-
ter une perruque 1
Nous allâmes le soir au théâtre, du
Palais-Royal à côté de notre loge était t
une petite dame. Bien vite Charles se
met entre elle et moi; au bout d'un quart
d'heure je surpris leur manège.
C'est trop fort lui dis-je tout bas.
Charles se récria et prit un air indif-
férent au bout d'un instant je remarquai
le même jeu, cette fois plus couvert! 1
Charles croisait les bras, s 'appuyant sur-
le rebord de la loge et sa main cherchait
en dessous celle de la dame qui n'op po-
sait pas la moindre résistance.. Cette fois
là rage me prit je me levai peu à peu et
au moment où Charles était le plus tendre,
crac! je lui tirai sa perruquel,par derrière
et découvris sa tête polie avec une rare
prestesse.
Il était affreux
La dame poussa un cri, la salle tout
entière nous regarda. Charles cherchait
sa perruque; on riait de tous côtés; le
scandale était à son comble il se leva
furieux et sortit.
Je courus après lui dans le corridor; il
arracha de son doigt une certaine bague
sacrée, et me la. jeta en se sauvant, Bien
vite je rentrai dans la loge pour dire son
fait à la petite dame et je retournai à la
maison.
Charles se vengea bientôt de cette mér-
saventure. La paix était faite; il vint
un jour me proposer d'aller faire avec
lui un tour sur le boulevard; très vite je
m'habillai, comme on s'habillait alors;
je mis un chapeau rose, une robe_de je
ne sais quelle couleur, une pelisse vio-
lette avec des fourrures, enfin. une toi-
lette affreuse. Nous sortons, nous nous
promenons; nous étions arrivés à la
hauteur du Gymnase lorsque Charles ôte
tout à coup son chapeau, retire sa perru-
que et se promène gravement comme
cela au milieu aes eutate ûBi-irtr.
En vain je le suppliai de se recoiffer,
il n'y voulut pas consentir, et me força
à me promener ainsi avec lui pendant
une heur e Vous m'aviez rendu ridi-
cule, mé dit-il sévèrement, nous voilà
quittes
#*#
J'arrive, ensautantbien desépisodes, à la
fin des histoires de Charles. Son père lui
ayant absolument refusé de payer ses
dettes, il me suivit à Bruxelles. Là il
trouva à. écrire dans un journal; pendant
ce temps j'allai chez Talma qui donnait
des représentations en Belgique; je me
recommandai à lui,et le grand comédien
me fit assurer à Bruxelles un engage-
ment de trois mille francs. Charles ga-
gnait une somme égale à son journal,
c'était de quoi vivre; -I
J'étais dans la joie, je venais de signer
et j'attendais Charles pour lui annoncer
cette bonne nouvelle. Au lieu de sa per-
sonne je reçus une lettre de lui; il était
arrêté et me priait de l'aller voir à sa
prison.
J'y courus bien vite et le trouvai sous
les verrous, toujours gai d'ailleurs. Il
avait fait un article insensé intitulé les
artistes en voyage, très spirituel, très
moraaat. Les actrices étaient Mlle Râu-
court et la duchesse d'Angoulême qui se
promenaient alors par toute la France.
Plaintes de Paris à Bruxelles, recher-
che et prise du coupable. Force me fut
de revenir à Paris sans lui; il s'était créé
en prison des distractions auxquelles
n'était point étrangère la fille d'un geô-
lier Je pris la diligence et j'arrivai à
Raconter tout serait impossible, car il
faudrait alors un volume au moins par
journée, pour énumérer les multitudes
d'incidents insignifiants qui emplissent
notre existence.
Un choix s'impose donc, ce qui est
une première atteinte à la théorie de
toute la vérité.
La vie, en outre, est composée des cho-
ses les plus différentes, les plus impré-
vues, les plus contraires, les plus dispa-
rates elle est brutale, sans suite, sans
chaîne, pleine de catastrophes inexpli-
caltles, illogiques et contradictoires qui
doivent être classées, au chapitre faits
divers.
Voilà pourquoi l'artiste, ayant choisi
son thème, ne prendra dans cette vie
encombrée de hasards et de futilités que
les détails caractéristiques utiles à son
sujet et il rejettera tout le reste, tout Pà-
Faire vrai consiste donc à donner l'illu-
sion complète du vrai, suivant la logique
ordinaire des faits, et non à les trans-
crire servilement dans le pêle-mêle de
leur succession.
J'en conclus que les Réalistes de talent
devraient s'appeler plutôt des illusion-
nistes.
Quel enfantillage, d'ailleurs, de croire
à la réalité puisque nous portons chacun
la nôtre dans notre pensée et dans nos
organes. Nos yeux, nos oreilles, notre
odorat, notre goût différents créent au-
tant de vérités qu'il y a d'hommes sur la
terre. Et nos esprits qui reçoivent les
instructions de ces organes, diversement
impressionnés, comprennent, analysent
et jugent comme si chacun de nous ap-
partenait à une autre race.
Paris. Dieu sait dans quel état! N'ayant
pas de quoi payer la place du petit, j'a-
vais dû le -porter sur mes genoux pen-
dant toute la route en suspendant un
mouchoir à mes reins; mes bras étaient
trop fatigués. »
#
J'arrête là mes citations relatives à
Charles elles ont servi à prouver que
dans la vie de Déjazet le dévouement et
l'amour maternel ont tenu la plus grande
place. En lui voyant tant d'esprit, quel-
ques sceptiques ont avancé qu'elle man-
quait peut-être de cœur. Je crois que les
quelques anecdotes que je viens de citer
établiront facilement lé contraire.
H. de Villemessant.
On ferait peut-être de tonnes lois socia-
les pour l'avenir si Von se ^décidait enfin à
tenir compte de ce fait qu'entre l'homme et
la femme la haine est un instinct et l'amour
une fiction.
#*#
Exemple de politesse positiviste dans le
prochain siècle
Un de nos arrière-neveux en aborde un
autre
Pardon, Monsieur, d'oser vous de-
mander, sans profit pour vous, une seconde
de votre temps. Je sais à quel point l'égo'is-
me absolu, justifié parles âpres nécessités
de la vie en même temps que fortifié par
les instincts, rend pénible à l'homme l'obli-
gation de prêter le moindre service, de
faire acte de la plus insignifiante complai-
sance. Néanmoins, persuadé que, si cela ne
vous rapporte rien, il ne vous en coûtera
pas davantage, je me hasarde à vous prier
de vouloir bien me dire l'heure. etc.
II y des personnes dont l'outrance "de
pessimisme aime à prévoir les catastrophes
les plus lointaines.
Notre ami Henry C. par exemple, se
plaint, dès à présent, de la fréquence des
rencontres de trains qui, par la négligence
des administrations, « n'aurontpas man-
qué » de se produire depuis l'application de
la navigation aérienne.
La célèbre Mme de Z. commence à être
très mûre, mais elle montre encore le soir,
dans sa loge, d'admirables épaules, de vëri-
tables épaules de marbre, telles que doitles
avoir une personne de l'âge de pierre.
**#
La femme trouve toujours un peu ridi-
cule l'amour sincère d'un homme pour une
autre femme.
LETTRES INÉDITES
D'E
FRANÇOIS BONVIN
Bonvin, qui vient de mourir, n'était pas
seulementun grand peintre dont les toiles vont
enfin prendre rang dans les grandes galeries Is
et dans les Musées, c'était de plus un esprit
très fin qui, sous l'aspect de la « gouaillerie »
parisienne, savait juger très habilement les
hommes et les choses.
Son amour sincère et profond de la nature,
s'accommodant mal de la vie de Paris, des
salons et des antichambres qui lui eussent
facilement donné cette rosette de la Légion
d'honneur que l'administration doit regretter
aujourd'hui d'avoir offerte à un autre, Bonvin
s'était retiré à la campagne, ou à peu prés
fixé à Saint-Germain-en-Laye. Il s'était fait,
dans une vieille maison, un atelier à la--façon
des maîtres hollandais, à côté desquels il
peut prendre une place très honorable; au-
cun luxe, une propreté méticuleuse, partout
des dressoirs brillants de pots, de plats, de
vases d'étain de toutes les époques* sur les
murs un médaillon, une photographie, un
dessin révélant toujours son goût exquis. Sa
joie était de se promener dans la forêt de
Saint-Germain et de gagner le village de
Carrières-sous-Bois, pour aller déjeuner avec
des amis au charmant cabaret Strebelin. Il a
laissé quelques études prises dans la cour de
ce restaurant pittoresque; ce sont mainte-
nant des œuvres de haute valeur. De ces
Chacun de nous se fait donc simple-
ment une illusion du monde, illusion
poétique, sentimentale, joyeuse, mélan-
colique, sale ou lugubre, suivant sa na-
ture. Et l'écrivain n'a d'autre mission
que de reproduire fidèlement cette illu-
sion avec tous les procédés d'art qu'il a
appris et dont il peut disposer.
Illusion du beau qui est une conven-
tion humaine illusion- du laid qui est
une opinion changeante 1- Illusion du
vraijamais immuable 1 Illusion de l'igno-
ble qui attire tant d'êtres Les grands
artistes sont ceux qui imposent à l'hu-
manité leur illusion particulière.
Ne nous fâchons donc contre aucune
théorie puisque chacune d'elles est sim-
plement l'expression généralisée d'un
tempérament qui s'analyse.
Il en est deux surtout qu'on a souvent
discutées en les opposant l'une à l'autre,
au lieu de les admettre l'une et l'autre,
celle du roman d'analyse pure et celle du
roman objectif. Les partisans de l'ana-
lyse demandent que l'écrivain s'attache
à indiquer les moindres évolutions d'un
esprit et tous les mobiles les plus secrets
qui déterminent nos actions, en n'accor-
dant au fait lui-même qu'une importance
très secondaire. Il est le point d'arrivée,
une simple borne, le prétexte du roman.
Il faudrait donc, d'après eux, écrire ces
œuvres précises et rêvées où l'imagina-
tionse confond avec l'observation, à la
manière d'un philosophe composant un
livre de psychologie exposer les causes'
en les prenant aux origines les plus loin-
taines, dire tous les pourquoi de tous les
vouloirs et discerner toutes les réactions
de l'âme agissant sous l'impulsion des
intérêts, des passions ou des instincts.
Les partisans de l'objectivité (quel vi-
lain mot !), prétendant, au contraire, nous
donner la représentation exacte de ce qui
études il avait composé un éventail que pos-
sède un gentilhomme de très grand nom, et
qui est un véritable chef-d'œuvre.
Un peu exilé volontaire, il écrivait, quand
il ne peignait pas, à ses amis épars de tous
les côtés. Ses lettres ont gardé la franchise
et la simplicité de sa nature et nous sommes
heureux de fournir aux lecteurs du Figaro
un échantillon de son style épistolaire, fa-
milier et plein de bonne humeur. C'était de
plus un brave cœur, comme on en pourra
juger d'après ces quelques extraits.
Le billet qui suit était~adressé à un de ses
amis qu'il avait rencontré au Louvre.
J'espère bien, cher ami, que vous m'ex-
cuserez de ne vous avoir pas retrouvé au
Louvre l'autre fois. J'étais en grande con-
férence sur les maîtres anciens avec M.
Jules 'Dupré, et la satanée maladie ne
me permettant jamais d'aller le voir à
l'Isle-Adam, ou il me convie depuis si
longtemps, j'ai voulu profiter de sa rare
rencontre. Depuis deux jours je suis cou-
ché sur des fagots d'épines; je vous di-
sais bien que je paierais cher mon
voyage à Paris. Je regrette bien de n'a-
voir pas pu bavarder avec vous; j'espé-
rais vous voir repasser; mais vous vous
êtes évadé par la galerie française!
C'eût été un bon moment pour moi
qui avais le cœur gros et les yeux salis
par les monstruosités du Palais de l'In-
dustrie, où je jure bien qu'on ne me re-
pincera plus jamais. Je n'aurais jamais
assez de temps pour demander pardon
aux chers morts du Louvre.
#*#
La seconde lettre est écrite en sortant de
la représentation d'un ballet à l'Opéra.
Mon cher ami,
Nous vous remercions très chaude-
ment, vous avez là un ravissant opéra
dont la musique est également ravis-
sante 1
J'ai fait tous mes compliments au com-
positeur que je n'avais plus revu de-
puis vingt-cinq ans. Comme il y avait
trente-six pieds de neige dans la rue,
nous n'avons pas été du tout étonnés,
qu'il- en fût resté un peu beaucoup sur
notre chevelure.
Je me suis amusé comme un pendu et
j'ai failli crever au 4" acte, faute de pou-
voir sortir de ma stalle. Je me suis rat-
trapé au ballet en me tenant près de la
porte et à portée de Rambuteau.
Par exemple, je trouve ce théâtre af-
freux et tout à fait nuisible aux specta-
cles qu'on y donne. Quelle lourdeur 1
Quel mauvais goût d'ornementation et de
dorures Comment est-il venu à l'idée
d'un homme d'art et de véritable talent
de mettre dans la salle ce qui ne devrait
être que sur la scène ? .Et les cariatides,
et les peintures écrasantes. Cela me
faisait peur 1
Allons, les architectes ne devraient ja-
mais se mêler d'autre chose que de la
bâtisse, le dernier des décorateurs de
théâtre s'en serait infiniment mieux tiré.
Quel préjugé de faire des figures orne-
mentales plus grandes que nature pour
le faîte de la coupole ça rapetisse et
écrase Voyez les gothiques et voyez
surtout la nature est-ce que sur le dôme
d'une forêt, les feuilles, au contraire, et
les branches ne sont pas. plus petites
qu'au pied? Tout le grandiose d'un mo-
nument est là 1
Couvrez un toit Louis XIII en zinc où
couvrez-le de fines ardoises! Vitrez de
grands carreaux, vous rapetissez tout.
Je crois que nous en sommes au style
de la pâtisserie.
C'est la Favorite aussi qui a été mal
chantée oh' 1
J'espère bien qu'un jour nous pour-
rons disserter sur cette décadence.
En attendant, cher ami, croyez-nous
vos très reconnaissants,
*##
La maladie qui devra l'emporter le force à
se soumettre à une douloureuse opération;
voici les lettres qu'il écrit avant de la subir.
19, rue Oudinot, ch. 57.
Donc; mon cher ami, puisque vous
voulez savoir de mes nouvelles directe-
ment, je vous dirai que j'ai la pierre et
que l'opération tentée et ratée il y a qua-
tre ans met quelque obstacle à celle que
l'on me fera subir d'ici peu. Les préli-
minaires de la chose sont ceux qu'on
emploie, toutes proportions gardées,
pour percer un puits artésien on sonde;
des douleurs, du vinaigre sur des cou-
put'ea ft'nt&h~5-6- y~a~ ~f-totjtt b
c'est tout Pour Je-*a.ïs fta«, f-to-ut bao crV
çhlorbformisé, je ne puis vous dire
quand.
J'ai pour opérateur le premier d'au-
jourd'hui, qui est en même temps le
plus doux, le plus aimable.et le meilleur
homme du monde. Pour infirmiers, des
caniches, des barbets, des chiens de.befcr
a lieu dans la vie, évitent avec soin toute
explication compliquée, toute disserta-
tion sur les motifs, et se bornent à faire
passer sous nos yeux les personnages et
les événements.
Pour eux, la psychologie doit être ca-
chée dans le livre comme elle est cachée
en réalité sous les faits dans l'existence.
Le roman conçu de cette manière y
gagne de l'intérêt, du mouvement dans
le récit, de la couleur, de la vie re-
muante. '•
Donc, au lieu d'expliquer longuement
l'état d'esprit d'un personnage, les écri-
vains objectifs chercheront l'action ou le
geste que cet état d'âme doit faire ac-
complir fatalement à cet homme dans
une situation déterminée. Et ils le font
se conduire de telle manière, d'un. bout
à l'autre du volume, que tous ses actes,
tous ses mouvements, soient le reflet de
sa nature intime, de toutes ses pensées,
de toutes ses volontés ou de toutes ses
hésitations. Ils cachent donc la psycho-
logie au lieu de l'étaler, ils en font la
carcasse de l'œuvre, comme l'ossature
invisible est la carcasse du corps hu-
main. Le peintre qui fait notre portrait
ne montre pas notre squelette.
Il me semble aussi que le'roman exé-
cuté de cette façon y gagne en sincérité.
Il est d'abord plus vraisemblable.car les
gens que nous voyons agir autour de
nous ne racontent point les mobiles aux-
quels ils nous obéissent.
Il faut ensuite tenir compte de ce que,
à force d'observer les hommes, nous
pouvons déterminer leur nature assez
exactement pour prévoir leur manière
d'être dans presque toutes les circons-
tances. Si nous pouvons dire avec préci-
sion « Tel homme de tel tempérament,
dans tel cas, fera ceci », il ne s'ensuit
F. BONVIN.
8 janvier 1882.
ger, des êtres enfin dont la résignation. /|
et le dévouement me font rougir d'être '`
si indigne de leurs soins, qui me son»
donnés avec une gaîté qui me défrise!
Et puis, j'ai ma nièce qui passe ses
journées près de moi.
Vous voyez, cher ami, que je ne suis
pas à plaindre, et que l'issue funeste ou
réussie ne peut avoir lieu dans de mèiî- i|
leures conditions.
Je serais très heureux de votre lettrs
sans le sombre passage qui mentionne
et la cinquantaine et les accidents qu'ello
amène pour votre santé et votre carac-
tère. Moi, cher ami, je crois que l'âge n'y
est pour rien, et si vous vouliez bien
prendre ma tardive expérience en consi-
dération, elle vous dirait Ne/umèzplks'
jamais, nipeunibeaucowp PAS DU tout, ¡
et dans trois ou quatre ans, vous n'au-
rez peut-être plus ni vertiges, ni indiges-
tions, ni malaises.
Tâchez; d'ajouter à cela quelques î-e ro-
ches réguliers à votre trop- excessi ̃:4)
application:au travail.journalier ou jiv
turne; et je suis jbiea. sûr que votre su •.••
se rétablira comme par enchantement ï
Dois-je vous faire peur pour vous cor-
vaincre ?
Depuis trois semaines qua je loge p\i
cette maison, je suis le témoin dv la
deuxième opération de l'abf.ation de U
langue ayant pour cause le cancer des s
fumeurs cinq en un an! Aucun n'a suc-
combé, heureusement; mais le damier ,j
fumeur enragé, auquel on avait esjK-A1:
rendre la parole au moyen d'un bout rJ»
langue en bois, n'a pu résister à sa m?s;-
dite habitude. Il a fumé une oign;1,^
pendant la nuit, et à son réveil, .<
trouvé la langue en braise! ¡
Ne fumez plus, cher ami l
F. Bon vin.
Une dernière lettre qui ne manque y* cte
gaîté, pour finir
Ceci, mon cher ami, est ma carte dc
visite.
Ma Guyon agit toujours en sondeur en-
vers moi: comme plaisir, c'est manqué,
comme douleur, quand on est mal con-
formé je le suis c'est assez réussi.
Bornez-vous à me croire, cher: ami, n'es-
sayez pas sur vous 1.
Le jour, j'ai des visites, ma nièce, tes
FRERES; mais, la nuit oh! la nuit I.
quelle longueur!
Défense de lire, à cause du sulfate
de quinine; alors, je fais des nouvelles
à la main. Voici
A l'hôpital.
Un vieux repenti demande l'aumônier,
lequel s'empresse de venir recevoir ses
confidences.
Mon père, j'ai beaucoup péché, je
m'en repens sincèrement, et je prie Dieu
de me pardonner! 1
--Bien, mon fils; votre aveu est déjà
quelque chose un peu de précision, de
détails, cependant, seraient nécessaires
pour obtenir l'absolution.
Mon père, si vous exigez des dé-
tails, dit le mourant, vous allez me faire
manquer le train (
Agréez mes excuses, cher ami,
F. BONVIN.
Il y a d'adorables façons d'être spiriy*
tuellement'bêté sous le strict costume mon-
dain. L 'aimable dévergondage et là fît-
roublardise s'acceptent en des attitudes
qu'enveloppent les atours prescrits par le
journal des modes. Rien de charmant
comme les Pierrots en habit noir de la (l
pantomime moderne; c'est une délicieuse
trouvaille dit génie américain que le clovni
en habit noir,et les mots des gavroches à
trois ponts, dits gamins de Paris, nc sont
jolis que sous le chapeau à haute jonris
des boulevardiers qui les inventent.
#*# '.̃̃̃•
Depuis quelques semaines on remarque,
dans les quartiers aristocratiques, le pas-
sage d'une calèche au fond de laquelle .«
tient assise une dame jeune, très belle, très
pale, les yeux tragiques, l'air évident nent
frappé d'hallucination:
En face d'elle est installée une pi >/s
délicieusement fanfreluchée' en bébé de hir'
à dix ans. On devine du premier -:o..t
̃ d'œil la folie d'une mère croyant g rder
revivante sous ses yeux sa chère eu f uni
morte. `
Mais ne vous apitoyé^ pas trop vite
La dante ^tl'tittt des s^iipîajr^s .«
agence qui vient de se fonder dans li
de fournir, à tant par mois, des émiitwiï.
variées et périodiques aux âmes senstfrlesu
.La calèche fait des stations, à hr-.ixs
fixes, sous les fenêtres des abonnés.
point que nous puissions déterminer,
une à une, toutes les secrètes évolutions
de sa pensée qui n'est pas la nôtre, lou-
tes les mystérieuses sollicitations de ses
instincts qui ne sont pas 'pareils aux nô-
tres, toutes les incitations confuses da
sa nature dont les organes, les nerfs,
le sang, la chair sont différents des nô-
tres.
Quel que soit le génie d'un homme fai-
ble, doux, sans passions, aimant unique-
ment la science et le travail, jamais il ne
pourra se transporter assez complète-
ment dansl?âme etle corps d'un gaillard
exubérant, sensuel, violent, soulevé par
tous les désirs et même par tous les vi-
ces, pour comprendre et indiquer les
impulsions et les sensations les plus in-
times de cet être si différent, alors même
qu'il peut fort bien prévoir et raconter
tous les actes de sa vie.
En somme, celui qui fait de la psycho-
logie pure ne peut que se substituer à
tous ses personnages dans les différen-
tes situations où il les place, car il lui
est impossible de changer ses organes,
qui sont les seuls intermédiaires entre
la vie extérieure et nous, qui nous im-
posent leurs perceptions, déterminent
notre sensibilité, créent en nous une âme
essentiellement différente de toutes celles
qui nous entourent. Notre vision, notre
connaissance du monde acquise par le
secours de nos sens, nos idées sur la
vie, nous ne pouvons que les transpor-
ter en partie dans tous les personnages
dont nous prétendons dévoiler l'être in-
time et inconnu. C'est donc toujours
nous que nous montrons dans le corps
d'un roi, d'un assassin, d'un voleur ou
d'un honnête homme, d'une courtisane,
d'une religieuse, d'une jeune fille ou
d'une marchande aux halles, car nous
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