Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1868-09-30
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 30 septembre 1868 30 septembre 1868
Description : 1868/09/30 (Numéro 274). 1868/09/30 (Numéro 274).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
IE FIGARO MERCREDI 50 SEPTEMBRE 1868
son stick, il le prit pour celui d'un filou
caché dans son appartement.
X. n'est pas aussi brave que distrait;
il descendit prudemment dans la rue, et,
dans la crainte d'être raillé, y attendit le
jour sans rien dire à personne et sous
une pluie battante.
Le bruit qui substituait M. Prévost Pa-
radol à M. Neffizer comme rédacteur en
cbef du journal le Temps est absolument
controuvé.
,^fce ministre de l'intérieur comptait faire
i- a Autun une entrée incognito. Mais ses
compatriotes ont violenté ses plus formel-
*les»ïûjontés, en se portant à sa rencontre,
généraux;" éfcéputg&évêque, clergé et pré-
fet en tête. ^^̃̃•«J
Cet accueil, tout sponfSné, était bien
fait pour être agréable à celui qui en était,
à son corps défendant, l'objet. Nous
croyons savoir que le ministre prolongera
son absence, à moins que les événements
d'Espagne ne le forcent à venir rejoin-
dre l'Empereur à Paris.
L'impératrice du Mexique est dans un
état de prostration dont elle ne sort que
pour pousser des cris déchirants. La reine
elle-même commence à succomber aux
émotions et aux fatigues. Entre une folle
et un enfant moribond, la mère seule sou-
tient encore la femme.
Connaissez-vous un tel?
Parbleu nous entretenons la même
femme.
Je le croyais si fidèle à la sienne!
C'est justement celle-là.
Adrien Marx.
MENUS PROPOS
° Après les gens qui nous veulent du bien,
je ne connais rien de plus dangereux que
les gens qui peuvent nous en faire. Nous
avons un exemple sous la main.
Les Russes se font volontiers traiter par
des médecins homœopathes cela ne me
parait point mériter les galères. Le gou-
vernement moscovite en a jugé autre-
ment. Un journal de médecine annonce
que le tzar vient de condamner, par ukase,
tout Russe qui « propagera l'homœopa-
thie» à deux ans de déportation en Si-
bérie.
Il est évident que les malades sont au
nombre des condamnés. J'aime d'ail-
leurs, cette façon de trancher les ques-
tions scientifiques. On ne dira plus main-
tenant que les drogues homœopathiques
n'ont plus d'effet. Il me semble, au moins,
-.qu'une potion qui peut vous envoyer en
Sibérie est une potion qui opère, et
même avec une certaine violence.,
L'allopathie est enfoncée! Figurez-vous
deux malades russes courant ensemble.
Moi, on m'a mis trois vésicatoires,
douze synapismes on m'a fait boire quinze
litres de bourrache; ça m'a fait suer.
Moi, on ne m'a donné qu'un grain
de sel dans un verre d'eau ça m'a fait
travailler deux ans dans les mines.
Je ne chicane pas le tzar sur ses inten-
tions. Elles sont excellentes; il pense à la
santé de ses sujets. Seulement, il va trop
loin. Hannemann prétendait guérir par
ce qu'il appelait « les semblables. » Si ce
grand innovateur revenait au monde, et
s'il apprenait que, lorsqu'un Russe a at-
trapé froid, on lui applique le pôle Nord
sur la partie malade, ce grand innovateur
trouverait, sans doute, qu'on pousse un
peu loin les conséquences de son sys-
tème.
Le tzar, seulement, me semble se don-
ner beaucoup d'ouvrage. Comme prince,
il doit combattre la révolution; s'il se met,
en outre, à lutter contra la colique, il
aura bien des affaires sur les bras. Je
comprends son alliance avec la Prusse.
Ce n'est pas trop de deux souverains pour
vaincre les mauvaises passions et les di-
gestions subversives l'un fait taire les
vieux partis, l'autre impose silence aux
flatuosités
Dame en proscrivant l'homœopathie,
le tzar n'a voulu que « le bonheur de son
peuple! C'est un vieux cliché! Mais, je
le répète, pour ma part, je n'ai jamais
douté de la bonté de ses intentions.
Je voudrais bien savoir, d'ailleurs, quel
est le souverain qui veut « le malheur de
son peuple Je voudrais qu'on me le
montrât. Je voudrais savoiroù il règne.
n'existe pas. Tous les princes désirent que
leurs sujets soient contents, C'est clair.
Mais, ce qui ne laisse pas d'étonner, par
moments, c'est la manière dont ils s'y
prennent pour arriver à ce résultat. Et t
c'en est une curieuse, que celle qui con-
siste à dire aux gens
Guérissez-vous, soyez heureux, ou je
cogne!
Mais vous, habitants de toutes les Rus-
sies, hommes assez heureux pour vivre
sous un prince qui s'occupe tant de votre
santé, gardez-vous du mal de go^ge et
surtout du coryza Si un éternuement vous
prend dans la rue, réfléchissez avant d'a-
gir informez-vous des opinions du tzar
sur la façon de traiter les rhumes de cer-
veau, et ne vous mouchez qu'à bon es-
cient. Pour accomplir ce grand acte, votre
foulard seul est trop petit. C'est le pôle
Nord qui vous pend au nez
Edouard Lockroy.
PARIS AU JOUR LE JOUR
Tous les journaux ont annoncé la mort
de M. Walewski, mais je ne vois guère
que le Journal de Pari? qui ait déjà appré-
cie l'homme d'Etat défunt. M. Hervé s'est
ac'quitlé de cette tâche avec beaucoup de
tact et d'esprit..
pans l'heureux temps où nous vivons, il
suffit d'une dose moyenne d'intelligence et de
iugement, d'une certaine habitude des affai-
res et d'un peu de modération et d'honnêteté
pour mettre un homme fort au-dessus du
commun. Ces qualités, M. Walewski les pos-
sédait. Il lui manquait, il est vrai, d'autres
qualités qui lui auraient été peut-être plus
utiles encore dans sa carrière politique. Il
n'avait ni cet heureux détachement de toutes
les opinions, qui permet de plaider tour à
tour le pour et le contre avec une égale cha-
leur, et de défendre à trois heures, dans la
Chambre, les mesures que l'on a combattues
à midi dans le cabinet; ni ce mélange d'étour-
derie et de pédantisme par lequel on se donne
si facilement des airs de réformateur, en se
bornant le plus souvent à remplacer Belle
marquise, vos beaux yeux me font mourir d'a-
mour, par Belle marquise, mourir me font
d'amour vos yeux beaux. Aussi n'a-t-il pas fait
une de ces fortunes politiques devant les-
quelles les badauds restent confondus. Il ne
s'est pas maintenu au pouvoir pendant quinze
ou vingt ans de suite. Il n'a guère fait qu'y
passer mais pour son bonheur, il y a tou-
jours passé avec assez d'à-propos.
On lira peut-être avec plaisir quelques
détails sur M. Walewski, auteur drama-
tique. Il passe pour avoir collaboré à Ma-
demoiselle de Belle-Isle, d'Alexandre Dumas,
et, d'autre part, on attribuait à mademoi-
selle Anaïs Aubert, une des sociétaires du
Théâtre-Français, une part de collabora-
tion dans sa pièce de l'Ecole du Monde
(8 janvier 1840). Si le lecteur se rappelle
encore certaines lettres inédites de made-
moiselle Mars, qui furent publiées par le
Figaro, il y a un an environ, il pourra fa-
cilement reconstituer les petites intrigues
qui agitaient vers cette époque la maison
de Molière, où la muse comique et la muse
tragique, Anaïs et Rachel, se disputaient
le cœur d'un jeune écrivain diplomate.
L'Ecole du Monde réussit peu au théâtre
après avoir eu un grand succès de lecture
dans les salons. Le sujet est une jeune
fille coquette qui, sans faire la grosse bou-
lette, laisse prendre sur elle des droits et
une influance qui font le malheur de sa
vie.
On plaisanta beaucoup un plateau d'ar-
gent, sur lequel on apportait une lettre.
L'auteur avait tenu à ce plateau, malgré
les résistances des comédiens, qui lui di-
saient
On prendra votre lettre pour un beef-
teack et l'on exigera qu'on mette autour
des pommes de terre ou du cresson.
On attribuait au duc d'Orléans ce mot
cruel :« C'est une pièce en cinq actes et en
«cinq pantalotis,» (en raison des diverses
sorties des acteurs motivées uniquement
par des changements de toilette). On ra-
contait aussi que M. Nestor Roqueplan
s'était écrié :« Cela ne va pas, mais on n'a
» pas écouté mes avis. J'avais conseillé à
» l'auteur d'inonder le second acte de traits
» d'esprit. »
Le feuilleton de M. Jules Janin sur les
hommes du monde littérateurs fut très spi-r
rituel, très méchant et très remarqué. ̃'
# On a eu de meilleures nouvelles du
prince royal de Belgique. Tout ce qu'on
sait de ce pauvre enfant le rend vraiment
très sympathique.
Le roi vient à chaque instant de la journée
constater l'état de son fils. Il ouvre une petite
porte pratiquée derrière le chevet du ma-
lade.
Le prince connaît le bruit particulier que
fait cette porte en s'ouvrant. Il sait que son
père est là, inquiet et préoccupé. Aussitôt il
feint de dormir.
Le roi l'appelle, ne reçoit pas de réponse,
et s'en va plus tranquille, sachant que le
sommeil est favorable au malade. A peine Sa
Majesté est-elle partie 'que le prince ouvre
les yeux et dit à son percepteur « Le roi
sera satisfait. »
#*# Les femmes ont enfin trouvé un
orateur qui revendique leurs droits avec
logique c'est M. Bongard, de Fribourg.
M. Blanc analyse dans l'Opinion nationale
le discours qi\'il a prononcé au Congrès
de Berne et qui a fait, à ce qu'il paraît,
rire une salle peu portée à la gaieté de sa
nature.
M. Bongard n'est que conséquent avec
le principe dont les Wauxhalliennnes font
le plus bel ornement.
Il voudrait que le langage et le costume des
femmes fussent pareils à ceux des hommes.
Ilfaut,dit-il,que le Code desfemmes qui est
le journal des modes, disparaisse: plus de ru-
bans, de verroteries, de boucles d'oreilles, de
bracelets; il y en a qui ne s'habillent qu'avec
cela,comme des bayadêres.Ce sont des fanfrelu-
ches qui sont incompatibles avec l'émanci-
pation. Il faut que l'homme s'habitue à res-
pecter la femme, qu'il ne lui adresse plus de
ces injures qu'on nomme compliments. Pour
mon compte, si on venait me dire que je mets
bien ma cravate ou que j'ai de beaux yeux,
je me fâcherais; ce sont autant d'insultes
qu'on prodigue aux femmes.
Les wauxhalliennes sont-elles prêtes à
faire ce sacrifice
A propos des femmes politiques,
M. Lucien Dubois a rappelé, dans l'Indé-
pendant des Pyrénées-Orientales, un curieux
souvenir de la Révolution.
Il s'agissait d'élire un maire à Lorient.
Les citoyens morbihannais, soit qu'ils fus-
sent conquis à la cause de l'émancipation des
femmes, soit par suite d'une tendance rail-
leuse des esprits, nommèrentpour cette fonc-
tion une actrice du théâtre de Lyon, gracieuse
et agaçante personne, Mlle Leroux. On essaya
successivement trois tours de scrutin qui
donnèrent invariablement le même résultat.
Force fut d'interdire à un quatrième tour la
liberté de donner des voix à une femme.
t1 était donc permis de compter cette fois
pur une élection sérieuse, lorsqu'une nouvelle
inspiration vint déjouer les calculs de l'au-
tyrité.
Le scrutin donna la majorité à un mendiant
aveugjz et sourd. Mais il faut convenu- que
cette fois l'épigramme pouvait aussi bien s'a-
dresser aux partisans des femmes qu'à la mu-
nicipalité. Il est vraisemblable que mademoi-
selle Leroux n'était ni aveugle ni sourde,
mais on sait d'autre part, que Cupidon, qui
est l'emblème de la femm«, a un bandeau qui
lui couvre aussi bien les oreilles que les
yeux.
#*# Le Nord cite un mot assez original
du roi Louis-Philippe
On lui demandait, quelques mois après Fé-
vrier, pourquoi il n'avait pas tenu tête à l'é-
meute.
Je sentais, répondit-il, que je n'avais plus
la force morale.
t\ Décidément M. Rouher n'est pas
heureux à la chasse voici la version vraie
que donne le Journal de Paris sur sa ma-
ladresse officielle
Nous avions ici même conté que M. Rouher,
chassant à Ferrières, avait tué un chien de
M. Rotscliild. Le vrai est que chassant dans
la forêt de Senart chez le duc de Caumont La
Force, il a tué un chien du marquis du Lau
et cela a amené un mot dont nous ne ga-
rantissons pas l'authenticité, mais qui nous
paraît mériter les honneurs de la chronique
Comme M. Rouher s'excusait beaucoup, le
marquis du Lau lui aurait répondu « Ah
monsieur le ministre, vous n'êtes pas respon-
sable. »
#*# Où l'amour-propre va-t-il se nicher.
Je remarque parmi les publications de ma-
riage le nom d'un monsieur qui s'intitule
artiste d'agilité. Un peu aussi, j'ai été en-
traîné à une douce rêverie par le nom de
madame veuve Colibri, et j'ai essayé de
me représenter feu Colibri. Peut-être
avait-il six pieds cinq pouces! ?
**# Continuons à prendre gaiement les
affaires d'Espagne.
Il circule bien des verrions à ce sujet-dit
Paris-Gazette.
Quelle est la vraie?
C'est l'aversion qu'inspire la reine.
#*# La Liberté annonce l'apparition
d'un journal dont le titre est encore un
mystère (on pourrait même dire peut-être
qu'il n'est' pas trouvé), qui aura M. de la
Ponterie, de la Presse, pour rédacteur en
chef et 650,000 francs dans la caisse.
#% On n'a pas assez remarqué,, je crois,
cet aimable dessinateur condamné l'autre
jour pour avoir tenté d'assassiner une
fillette qui ne voulait plus de lui.
Le président lui demande
Il n'y avait pas de motif grave de que-
relle entre vous et la fille Jouany, au moment
où vous l'avez frappée?
Et le dessinateur répond
Elle me disait que je n'avais pas de faux-
cols.
Voilà une élégance bien mal placée!
#*# Lorsque le général Lamoricière ar-
riva à Rome, il passa une revue générale
de l'armée pontificale. Cinq généraux ca-
racolaient à ses côtés parmi lesquels le
prince romain X.dont l'air remarquable-
ment martial et la moustache blanche cirée
à crocs formidables trompèrent Lamori-
cière.
Combien avez-vous de campagnes?
lui demanda-t-il.
J'en avais cinq, répondit le prince,
mais j'en ai vendu quatre. y
Francis Magnard.
CHRONIQUE DE PARIS
Vingt-neuf lignes voilà en gros tout
ce que le Moniteur de ce matin consacre à
l'oraison funèbre de M. le comte Wa-
lewski.
Certes, la mort prématurée de cet hom-
me politique n'amènera point un grand
trouble dans l'harmonie de l'Etat; mais,
dans les rangs, qui s'éclaircissent tous
les jours, des anciens amis du chef de
l'Etat, M. Walewski laissera un vide nou-
veau et peut-être difficile à combler.
M. Walewski avait des aspirations parle-
mentaires et libérales fort accusées, et,
s'il n'était pas précisément un homme de
1 progrès, il n'était certainement point un
partisan de la réaction; 'il était loyal, et
jamais il ne s'est rendu complice de l'un
de ces mensonges politiques qui sont au-
jourd'hui la menue tactique de presque
tous les hommes d'Etat.
Homme du monde, élégant et artiste
autant que M. de Morny, il n'avait pas la
fermeté égoïste de ce dernier et ce qu'il
considéra dans sa 'vie publique comme la
loi d'un galant homme le respect des
personnes et des convictions lui couta
le fauteuil de président du corps légis-
latif.
Je ne veux point faire ici la biographie
de M. le comte Walewski on la trouve
assez sèche et assez exacte dans Vape-
reau j'entends simplement esquisser
quatre ou cinq traits de sa vie politique.
M. Walewski n'a point pris part au coup
d'Etat. En décembre 1851, il n'était pas à
Paris, d'où le tenaient éloigné ses fonc-
tions diplomatiques. Cette circonstance
heureuse lui permettait une plus grande
action, lui ouvrait un champ plus large
dans la politique. Il n'avait point à justi-
fier une œuvre qui n'était point sienne, et
il pouvait demander qu'on la perfection-
nât et même qu'on la détournât de la voie
où l'avaient engagée les autoritaires de la
première heure.
C'est ce que M. le comte Walewski paraît
avoir toujours tenté depuis qu'il a quitté
la diplomatie active. Son nom n'a jamais
été attaché à une mesure de réaction, et
beaucoup de personnes racontent qu'il
s'employait toujours avec activité à l'élar-
gissement des vaincus de décembre elA
toutes les négociations qui pouvaient di-
minuer les ennemis du règne actuel et
augmenter ses amis.
Cette cordialité conciliante qui parait
être le fond du caractère privé de M. le
comte Walewski, il l'apporta dans les
fonctions difficiles de président du Corps
législatif, qui lui échurent après la mort
de M. de Morny.
M. de Morny fut un président parfait
mais il n'avait pas eu à dominer de grands
orages parlementaires; M. de Morny ne
s'était trouvé en face de l'opposition nou-
velle que pendant la session de 1863-1864,
cependant il laissait une réputation de
fermeté, d'habileté; on vantait surtout
son coup d'œil, sa promptitude et son sa-
voir taire lorsqu'il s'agissait de contenir
une discussion et de presser un vote; par
cela même son héritage était lourd. Ce fut
peut-être avec trop de confiance que M.
Walewski l'accepta il ne savait pas en-
core qu'il y a des hommes dont il ne faut
jamais prendre la place avant qu'elle soit
refroiclie; et où brille aujourd'hui la bour-
geoise médiocrité de M. Schneider, l'élé-
gante aptitude de M. Walewski échoua.
Le nouveau président était un peu dis-
trait, il ne suivait pas avec une attention
bien suivie les discussions, et plusieurs
fuis il commit des erreurs qui encoura-
geaient les interrupteurs et les turbulents.
La Chambre n'était pas sous sa main, et,
au commencement de plusieurs séances,
on le vit conférer avec le ministre d'Etat
qui paraissait gourmander sa longanimité
et son calme. Les vrais parlementaires
^présageaient quelque catastrophe; les dé-
pûtes de la majorité intriguaient sourde-
ment en faveur de M. Jérôme David; les
ministres, dont, il faut le reconnaître, la
besogne n'est pas facile à la Chambre, ne
se sentaient pas assez soutenus par le bu-
reau un complot s'organisa. Mais M. Wa-
lewski, dans sa suprême confiance, ne se
doutait point que le terrain craquait sous
lui.
Fit-t-on naître l'occasion qui devait le
faire succomber? Je serais tenté de le
croire; les rôles étaient trop bien distri-
bués pour que la pièce n'eût pas été répé-
tée d'avance.
Un tumulte de discussion provo qué par
une imprudence ou une adresse du gou-
vernement eut lieu M. Walewski, sur-
pris comme toujours, hésita, refusa de
rappeler à l'ordre M. Thiers, et la ques-
tion de cabinet fut posée, dit-on, par
M. Rouher.
C'était un honnête homme que M. Wa-
lewski, il se retira il se retira volontai-
rement, mais l'âme ulcérée; il descendit
dignement du fauteuil presque honni par
la droite, qui n'était encore qu'à ses débuts,
mais qui devait plus tard, dans l'affaire
Kervéguen, montrer de quoi elle était ca-
pable.
La gauche entière se leva pour saluer
M. Walewski et V 'wr vma jusqu'aux I
appartements ])véa^ia qu'il quittait
une heure après.
M. Walewski n'avait pas de fermeté,
cet échec le bouleversa il était descendu
dignement du fauteuil, il devait aller
s'asseoir à son banc de député, il devenait
du coup un personnage politique il ne le t
comprit pas, il rentra au Sénat, et au lieu
de jouer à la face du soleil la partie libé-
rale qu'il s'était déterminé à tenter, il la
joua comme conseiller intime.
Il parait avoir été le seul confident et
presque l'inspirateur de la lettre du 19
janvier il est certain qu'il avait hérité de
M. de Morny d'une certaine prédilection
pour M. Emile Ollivier; on pense même
que certains projets manuscrits rédigés
de 1862 par M. de Morny étaient arrivés
entre ses mains, et que le nom de M. Emile
Ollivier y était relaté avec des appré-
ciations favorables. M. Walewski le pré-
senta à l'Empereur qui l'accueillit avec
bienveillance.
M. Ollivier, non-seulement parce qu'il
était M. Ollivier, mais aussi parce qu'il
était amené par M. Walewski, ne trouva
que morgue et défiance chez les ministres.
La fusion, qui eut peut-être réussi menée
par M. de Morny, qui dominait, échoua
sous la direction de M. Walewski, qui ne
savait pas imposer sa volonté.
On a raconté de mille facons l'intrigue
sous laquelle succomba la'bonne volonté
du 19 janvier; aucune version n'est sans
doute vraie chacun a intérêt à cacher
la vérité toujours est-il que la lettre du
19 janvier n'a pas été acceptée par les mi-
nistres et la Chambre et que tout ce qu'on
a pu faire pour l'atténuer a été fait.
Cependant on raconte que dans la nuit
qui précéda le vote des sept sages contre
l'article 1er de la loi sur la presse, tous les
ministres et tous les membres du conseil
privé, sauf deux, pressèrent l'Empereur
pour qu'il consentît à retirer le.projet en
discussion. La conspiration qui avait fait
tomber M. Walewski s'était renouée plus
forte, plus hardie, plus puissante; cette
fois elle voulait ouvertement imposer au
chef de l'Etat un déni de parole carré et
presque violent.
Des deux membres du conseil privé
fermes sur le petit chemin libéral tracé
par l'article 1", l'un était M. Walewski.
Aussi ne faut-il point trop s'étonner que
le Moniteur ne puisse disposer que de vingt-
neuf lignes pour chanter ses vertus poli-
tiques.
• Jules Richard.
NOTES ET COMENTAIBES
Il y a bien à Paris, hélas quatre ou
cinq mille hommes graves. Le matin
l'homme grave reçoit son journal favori
des mains de son valet de chambre. C'est,
on l'entend bien, le Journal des Débats ou
le Constitutionnel. Il le déplie, l'étend d'un
revers de main sur sa table à côté de son
cnocolat, lit la première page, le replie et
sonnant
Joseph, dit-il, non sans une nuance de
dédain, tu peux- porter maintenant le jour-
nal à madame.
L'homme grave sait que M. Duruy a
écrit une circulaire, ou que les Espagnols
ont fait une révolution, et il en a pour sa
journée. Il se croit quitte envers les autres
et envers lui-même et, son devoir accom-
pli, sort de chez lui, l'âme tranquille
comme un bon chrétien qui a dit ses priè-
res. Il n'a point lu les faits-divers; c'est
affaire, selon ce nigaud solennel, aux
femmes et aux gens de l'office. Et aux
moralistes aussi, s'il vous plaît.
Pour moi, qui ai le bonheur de ne pas
être une femme, car si j'en étais une j'i-
rais peut-être faire des discours au Waux-
hall, et j'en serais bien fâché, et qui me
pique de ne point être un laquais, pas
même de ceux dont le galon est en estime,
ce sont les faits-divers dont j'approfondis
la lecture. C'est dans ces mille nouvelles,
jetées ensemble au hasard par des repor-
ters inconscients de leur tâche, que je lis
l'histoire de mon temps. Je n'apprends
point là, il est vrai, que la Prusse gagna
la bataille de Sadowa en 1866, et la France
celle de Suippes en 1868; mais j'y trouve
des choses qui valent bien celles-là et qui
échappent à plus d'un, tandis que le bruit
des succès et la rumeurdes parades ne sau-
raient pas plus manquer d'arriver à nous
que l'addition après dîner. Et c'est à la
troisième page des journaux que je me
renseigne le mieux, tantôt sur notre état
religieux, tantôt sur notre façon de poli-
tiquer ou sur ce que sont nos mœurs, et
sur ce que vaut au juste notre magistra-
ture, que je vénère du reste de tout mon
cœur. (Art. 222, Code pénal.)
Ne pensez-vous pas, par exemple, qu'il
soit intéressant de méditer sur l'aventure
arrivé à deux pauvres femmes de Caen,
la mère et la fille? Peu fortunées, elles
avaient pris pension dans une gargo-
te moyennant 45 francs chacune. Tan-
tôt elles venaient y dîner, tantôt, retenues
au loin par leur travail, elles ne venaient
pas. Un jour il leur passa à l'esprit de
faire à cette triste table leur provision
pour le lendemain elles mirent donc dans
leur poche un peu de pain, un peu de su-
cre, un peu de viande oui, un peu de
viande, car on n'est point délicat quand
on est pauvre.
Mais, l'oeil au trou de la serrure, le gar-
gotier veillait sur l'appétit de ses pension-
naires. Il les dénonça et les convia, par
l'intermédiaire d'un gendarme, à déjeu-
ner au grand numéro 6 du Palais-de-Jus-
tice de l'endroit. Encore si c'eût été pour
le lendemain! Mais, après plus d'un mois
seulement, on condamna les malheureu-
ses, l'une à quinze mois, l'autre à six mois
de prison. Cela soit dit pour les amateurs
de contrastes, à l'heure où les ouvriers
réunis en congrès et excessifs à leur tour,
votent l'abolition de la propriété particu-
lière Terrifiée, hébétée par cette condam-
nation, la fille ne se pourvut pas.
Comme madame Doize, elle pensait que,
puisqu'on pouvait, à la rigueur, l'envoyer
pour cinq ans en prison, elle n'avait ç||'à
remercier « ces bons messieurs du tribu-
nal qui se contentaient de six mois. Mais
la mère, plus courageuse, alla en appel.
Là, le procureur impérial se pourvut d'of-
fice au nom de la fille, et conclut à l'ac-
quittement des prévenues, qui fut pronon-
cé. Les journaux de l'endroit font le plus
grand éloge de la conduite tenue par M. le
procureur impérial. Me sera-t-il permis de
lui demander s'il ne trouve pas imperti-
nentes les louanges qu'on lui adresse pour
avoir accompli son strict devoir?
Je voudrais encore poser une question
à ce magistrat, et qu'on remarque bien
que, plus discret que ne l'a été son collè-
gue de Nîmes avec M. Sanier, je ne la lui
pose pas au travers du ventre. Cette pau-
vre fille, qui a fait trente-six jours de
prison préventive pour n'avoir pas volé
un morceau de sucre, ne mérite-t-eUe
pas une indemnité? Je donnei'ai pour
mon compte la seule satisfaction qui suit
ea mon pouvoir à ces deux victimes jud..
ciaires, e a disant que leur vie est irrépro-
chable, et qu'elles s'appellent les dames
Gautier. C'est encore quelque chose qu'on
puisse proclamer tout haut leur innocence
par la voix de la presse, de cette presse
« qui est une trompette qui ne trompe
pas », comme disait un jour, dans un élan
d'éloquence sorti de l'estomac, notre con-
frère M. Ch. Sauvestre.
En Perse, au temps jadis, quand on
cassait un jugement, on avait également
le soin d'écorcher vif le juge qui l'avait
rendu, et de sa peau, on faisait un fau-
teuil pour son successeur. Depuis, Ton a
perdu cette habitude, et, sous prétexte de
porter respect à la loi, nous avons con-
tracté une véritable superstition vis-à-vis
des magistrats qui sont, après tout, des
hommes comme les autres, peuvent bien
se tromper et méritent qu'on le leur dise.
Cependant, il ne fait pas bon d'en appeler
de leurs arrêts à l'opinion publique; et
quiconque prendrait à leur égard les li-
bertés que Racine se permettait jadis, ris-
querait fort d'aller méditer en un lieu
tranquille sur la vérité de cette proposi-
tion que la liberté de langage n'a pas
fait, depuis Louis XIV, autant de progrès
qu'on le croit.
Si nous parlions des avoués comme Mo-
lière a parlé des procureurs, ah mes
amis, que de procis en diffamation. Et y
a-t-il un théâtre, excepté celui de Guignol,
que j'engage à se méfier, où l'on puisse
rosser le commissaire et disperser le guet?
Tout au plus nous laisse-t-on rire un peu
de la police, non de cette police organisée
qu'on assimile parfois à une magistrature,
mais de la police non avouée, qui vit des
fonds appelés a secrets u parce que tout
le monde sait à quoi ils servent.
Avez-vous vu, moi, je l'ai lue dans
les faits divers d'un journal de province
la délicieuse histoire des « messieurs
décorés, » envoyés à Bade pour surveiller
les princes d'Orléans, et savoir qui les
visitait? Tandis qu'ils prenaient leurs no-
tes, un photographe subtil prenait leurs
portraits, et bientôt ces portraits étaient
entre toutes les mains.
Or, si un honnête homme peut à la ri-
gueur vivre quoique couché sur les tablet-
tes de ces messieurs un agent secret
soyons polis une fois photographié, est
un agent secret perdu. Il n'a plus qu'à de-
mander ses invalides. Je ne sais trop si,
avant d'engager ces pauvres gens pour
une campagne, on leur demande ou non
s'ils ont eu des malheurs vous savez où
mais on ne pourra se dispenser de.s'en-
quérir désormais s'ils n'ont point été visés
par l'objectif d'un photographe, et mieux
vaudrait pour eux la gueule d'un canon! (
Je ne m'étonne pas, étant donné la
bassesse humaine et hélas la misère de
notre civilisation dorée, qu'on trouve des
gens pour ce médiocre métier mais je
m'élonne qu'on en cherche. La police se-
crète, appliquée à la politique, est une
inutile tradition d'autrefois. Si le gouver-
nement tient à savoir quels sont les gens
qui vont, de temps en temps, serrer à l'é-
tranger la main des proscrits, princes ou
autres, il peut employer un procédé plus
économique et plus.$ net, que celui d'en-
voyer à Londres ou à Bade, une nuée de
surveillants! Qu'il mette à la disposition
des voyageurs une passe de chemin de
fer et un léger viatique, et je jure bien,
pour mon compte, de ne point user d'autre
moyen quand il me prendra fantaisie
d'aller m'assurer que les poires mûrissent
aussi bien à Twickenham qu'en Tou-
raine, et que les joueurs de Bade ont ga-
gné une belle série de rouges. Cette no-
tion que j'ai de la profonde inutilité de la
police politique, qui n'a jamais surpris
que les opinions de gens qui crient la leur
sur les toits, et dont tout l'effort va jus-
qu'à constater que M. Ledru-Rollin n'est
pas très bonapartiste, et que M. le comte
de Paris n'est point partisan chaud de la
dynastie, –j'entends de la dynastie ré-
gnante, fait qu'il me prend souvent en-
vie de nier son existence.
L'épithète de «mouchard», qui, dans
un certain monde se décerne avec une
aimable facilité, me fait l'effet de tomber
souvent sur des gens fort innocents et
jouant plutôt les Michel Perrin que les
Peyrade. Vers la fin du règne de Louis-
Philippe, sous l'influence de la lecture de
Balzac, homme d'imagination avant tout,
et qui a inventé une police tout idéale, les
meilleures cervelles ont été troublées par
l'idée qu'il y avait des espions partout.
Un homme honnête et intelligent, qui
est fort de mes amis,-me racontait, il y a
quelque temps, ce qu'il avait vu des évé-
nements du Deux-Décembre. On en parle
souvent à Paris; et, en s'éloignant cette
date grandit comme les fantômes dans la
nuit. Mon ami faisait quelque part ce que
j'eusse sans doute fait, si j'avais eu vingt
ans à ce jour. Il tâchait d'arriver à l'Hôtel-
de-Ville, par les omnibus, en y mettant
des pavés dedans. Mais me disàit-il,
nous étions peu dans notre quartier, et
parmi nous se trouvait un mouchard.
Et que faisait-il? Et pourquoi n'avez-vous
pas.
Cest qu'il était à peu près le seul qui
eût un fusil, et il tirait sur la troupe. C'é-
tait un de ces mouchards qui se battent
au besoin. Parbleu un gouvernement
qui aurait à son service quelques milliers
de ces gens-là, irait vite très loin, recon-
duit par ces hommes zélés, qui se dé-
guisent trop!
Voilà ce que m'apprennent les faits di-
vers et sur quels sujets variés ils at-
tirent et ramènent chaque jour ma ré-
flexion. J'y vois encore les miracles tout
frais, et que le pape a été franc-maçon,
quand il s'appelait le capitaine Mastaï, et
que les Polonais sont tenus de se faire
couper la barbe, en même temps qu'il leur
est interdit de se réunir même à deux, ce
qui semble contradictoire; et qu'un com-
missionnaire a voulu se tuer pour avoir
perdu cent francs confiés à sa garde; et
que M. Pereire se porte bien et que M. de
Bourgoing s'est engagé à entrer à la Cham-
bre, en crevant un transparent; et qu'un
conseiller municipal a déclaré que siM. Du-
faure eût été nommé, Toulon eût cessé
d'être port de mer; et qu'un monsieur, qui
a épousé un garçon par mégarde, n'a de-
mandé la séparation qu'après quatre an-
nées de ménage ce qui explique assez
pourquoi les révolutions sont si rares en
France. De tous ces faits j'extrais la
moelle philosophique, pour l'offrir, sur
mon pain, aux lecteurs du Figaro et aux
hommes qui ont le double malheur d'être
graves et pressés
Ce travail, je l'appellerai « Notes et
commentaires. »
Ce livre est encore une méthode un peu
vagabonde, et le «je», si charmant sous
la plume de Montaigne, et plus modeste
sous la mienne que le « nous » de tel de
mes confrères et que le « mes amis et
moi », de M. Emile Ollivier. La simplicité
dans le dire la bonne foi dans l'admira-
tion la sincérité dans la haine, rendent
toute œuvre supportable. Je tâcherai de
n'y point manquer, et je n'oublierai pas
le boa conseil iiliéraire que donnait incii- j
reclemerit, à bou'6 génération de cher- j
cheurs d'o:<>rlt, aa homme auquel on pro-.
posait d'épouser une fille assez laide. v
Soit, répondit-il, pourvu qu'elle n'ait pas
de talents d'agrément!
•; ._£ Henry Fouquier. ]
̃̃ .:•:̃
CORRESPONDANCE
Lundi 28 septembre 1868,
Monsieuj le rédacteur en chef du Figaro.
Il vient de nouveau de se passer un fait que
vous avez signalé bien souvent. J'hésiterais
presque à vous en importuner s'il ne s'était
accompli dans des circonstances qui nécessi-
tent le concours de votre publicité.
Hier soir, vers onze heures, sur la place
Saint-Jacques, un militaire en état d'ivresse
(caporal au 71* de ligne) se prend de querelle
avec un passant.
Les coups suivent les menaces et les inju-
res. Le sabre est dégainé.
Avant qu'on ait pu accourir pour arracher
cette arme et s'emparer du furieux, le sang
avait coulé. La malheureuse victime a la ma-
choire tout ensanglantée et une plaie béante
près des lèvres.
Grâce au concours de deux courageuses
personnes, l'ivrogne galonné est conduit au
poste de municipaux installé à l'ancienne bar-
rière d'Enfer, ainsi que le blessé.
Jusqu'ici, même histoire.
Mais voici. Loin de trouver au poste l'assis-
tance dont nous avons tant besoin, nous ren-
controns presque de l'hostilité.
Un militaire, un caporal, cela demandait
des ménagements.
Un municipal se permet d'observer que la
même aventure lui est arrivée, et qu'il n'en a
rien été il conseille au caporal de rentrer
bien vite à son corps. Le brigadier se croise
les bras. Il faut alors l'insistance énergique
d'un témoin de cette scène (M. Viandier, né-
gociant du Havre) et jusqu'à ses menaces d'en
écrire aux journaux pour obtenir du briga-
dier une espèce de procès-verbal de ce qui
vient de se passer.
Deux sergents de ville, requis par une autre
personne sur la route d'Orléans, répondent
que cela ne les regarde pas, que d'ailleurs le
commissariat est fermé.
Enfin il est pris note sur une feuille volante-
des noms et adresses de quatre personnes pré-
sentes, et l'on nous congédie, assurant qu'on
donnera suite à cette affaire.
Vous comprenez, monsieur, tout ce qu'a
d'insuffisant une pareille promesse, et com-
bien la publicité de ce fait est indispensable
pour qu'il ne tombe pas dans l'oubli.
Et maintenant, permettez-moi deux seules
réflexions
Puisque les commissariats sont, il paraît,
formés à onze heures du soir, un registre
quelconque sur lequel on puisse déposer en
toute sécurité sa plainte et sa signature, ne
serait-il pas nécessaire dans les postes de
municipaux.
Croyez-vous que nous nous soyons retirés
tranquilles quant à la poursuite du coupa-
ble, après avoir vu nos noms écorchés sur un
chiffon de papier. Oh non, monsieur; et pour
vous dire toute ma pensée, j'ai si grand peur
qu'il n'en soit rien, que je m'empresse de vous
l'écrire.
Que signifie ensuite cette plaque « secours
aux blessés », que porte le mur extérieur du
poste. Ne concerna-t elle que les gens écrasés
dans la rue et non ceux défigurés par les mili-
taires.
L'humanité la plus vulgaire ne comman-
dait-elle pas à ces municipaux indolents de
donner un peu d'eau au malheureux tout dé-
goûtant de sang! Il est sorti comme un chien
sans un verre d'eau -de ce poste de se-
cours aux blessés
Bien que vos plaintes réitérées sur le port
d'armes des militaires n'aient encore eu au-
cun résultat, ne pensez-vous pas qu'en conti-
nuant à signaler à l'autorité les dangers de
cettetolérance, vous ne voyiez enfin vos ré-
clamations accueillies? 1
Je suis, monsieur, etc.
J. LEJOLLIOT, 18, rue Magnan.
Voici les noms des personnes présentes à
la scène que je vous rapporte
M. Viandier, négociant en nouveautés, au
Havre, hôtel de France, rue du Caire.
M. E. Bouge, 16, rue Richelieu.
.o.
ENTRE DEUX BOURSES
Le marché est au calme plat. Très peu
d'affaires, des variations presque insigni-
fiantes dans les cours, tel est le bilan des
deux dernières journées. Cependant nous
touchons à cette liquidation de septem-
bre, signalée comme le cap des tempêtes.
Un bon point au Journal des Débats, et à
M. Saint-Marc-G-irardin, pour avoir sage-
ment apprécié les dispositions pacifiques
qui régnent dans les hautes régions du
pouvoir en France Que toutes les feuil-
les ayant crédit chez leurs lecteurs en di-
sent autant.
On commence à voir un peu plus clair
dans le mouvement espagnol. Il était
temps; l'imbroglio devenait fastidieux.
Ce n'est pas que le résultat se dessine en-
core d'une façon précise, mais du moins
connaît-on le programme concerté entre
les chefs disparates qui ont pris, en com-
mun, l'initiative de l'insurrection.
Si le sort des programmes n'était pas
d'être oubliés au lendemain de la victoire,
je connais bien des pays qui s'accommo-
deraient volontiers de ce que l'ofl promet
à l'Espagne.
Régénération morale, politique et finan-
cière, le règne de la liberté, de la justice
et de la probité, les délices de l'Alcazar,
moins la favorite cependant. Qu'en dites-
vous, messieurs les porteurs de rentes es-
pagnoles ? et vous actionnaires ou obliga-
taires de chemins de fer, qui avez perdu
l'habitude de toucher vos coupons? Avais-
je donc si grand tort de dire que vous ne
pouviez rien perdre au change?
Malheureusement il ne s'agit encore
que de promesses, et ceux qui s'y fieraient
pour aligner leurs comptes de fin d'année,
ou projeter des largesses au premier jan-
vier, pourraient bien faire des châteaux
en- Espagne. Jusqu'ici, en effet, ce qu'il y
a de moins douteux, c'est que les caisses
sont au pillage et les voies de fer sacca-
gées. Il faudra donc remplir les unes et
réparer les autres avant que l'on songe à
vous.
Aussi voyez-vous, pour l'instant, Inté-
rieure, Extérieure, Pagarès, Chemins et
Mobilier, tout le cortège des valeurs espa-
gnoles, faire une triste figure sur le mar-
ché.
Une bonne figure est celle de M. Mirès,
par ma foi, dans sa revue financière de
lundi. Cet enfant terrible des affaires con-
tinue à s'en prendre à tout le monde, ex-
cepté à lui-même, de la ruine de ses ac-
tionnaires. Dans sa douleur, il ne peut
se consoler de ne pas rendre impossibles
les opérations des autres, en bâillonnant
la presse à sa manière.
A ce propos, il réédite un ancien projet
de loi qu'il avait proposé, dit-il.
Les journaux n'ont pas assez de res-
ponsabilités et de procès, il faudrait en-
core leur faire payer les fautes et les su-
percheries de MM. les fondateurs et gé-
rants des entreprises industrielles. Qui
croirait que ce beau projet a pris nais-
sance au cerveau d'un homme vivant dans
la presse, ayant très longtemps usé et
abusé d'elle pour ses opérations"? Oh! l'in-
grat! f ̃̃
Dans sa. dernière sortie contre tov.i le
monde, cet excellent M. Mirès me prouve
une seule chose c'est qu'il n'est pas aussi
à plaindre qu'il veut bien en avoir l'air,
puisqu'il perd la mémoire et la retrouve
avec tant de facilité.
RENÉ RÉVAROL.
son stick, il le prit pour celui d'un filou
caché dans son appartement.
X. n'est pas aussi brave que distrait;
il descendit prudemment dans la rue, et,
dans la crainte d'être raillé, y attendit le
jour sans rien dire à personne et sous
une pluie battante.
Le bruit qui substituait M. Prévost Pa-
radol à M. Neffizer comme rédacteur en
cbef du journal le Temps est absolument
controuvé.
,^fce ministre de l'intérieur comptait faire
i- a Autun une entrée incognito. Mais ses
compatriotes ont violenté ses plus formel-
*les»ïûjontés, en se portant à sa rencontre,
généraux;" éfcéputg&évêque, clergé et pré-
fet en tête. ^^̃̃•«J
Cet accueil, tout sponfSné, était bien
fait pour être agréable à celui qui en était,
à son corps défendant, l'objet. Nous
croyons savoir que le ministre prolongera
son absence, à moins que les événements
d'Espagne ne le forcent à venir rejoin-
dre l'Empereur à Paris.
L'impératrice du Mexique est dans un
état de prostration dont elle ne sort que
pour pousser des cris déchirants. La reine
elle-même commence à succomber aux
émotions et aux fatigues. Entre une folle
et un enfant moribond, la mère seule sou-
tient encore la femme.
Connaissez-vous un tel?
Parbleu nous entretenons la même
femme.
Je le croyais si fidèle à la sienne!
C'est justement celle-là.
Adrien Marx.
MENUS PROPOS
° Après les gens qui nous veulent du bien,
je ne connais rien de plus dangereux que
les gens qui peuvent nous en faire. Nous
avons un exemple sous la main.
Les Russes se font volontiers traiter par
des médecins homœopathes cela ne me
parait point mériter les galères. Le gou-
vernement moscovite en a jugé autre-
ment. Un journal de médecine annonce
que le tzar vient de condamner, par ukase,
tout Russe qui « propagera l'homœopa-
thie» à deux ans de déportation en Si-
bérie.
Il est évident que les malades sont au
nombre des condamnés. J'aime d'ail-
leurs, cette façon de trancher les ques-
tions scientifiques. On ne dira plus main-
tenant que les drogues homœopathiques
n'ont plus d'effet. Il me semble, au moins,
-.qu'une potion qui peut vous envoyer en
Sibérie est une potion qui opère, et
même avec une certaine violence.,
L'allopathie est enfoncée! Figurez-vous
deux malades russes courant ensemble.
Moi, on m'a mis trois vésicatoires,
douze synapismes on m'a fait boire quinze
litres de bourrache; ça m'a fait suer.
Moi, on ne m'a donné qu'un grain
de sel dans un verre d'eau ça m'a fait
travailler deux ans dans les mines.
Je ne chicane pas le tzar sur ses inten-
tions. Elles sont excellentes; il pense à la
santé de ses sujets. Seulement, il va trop
loin. Hannemann prétendait guérir par
ce qu'il appelait « les semblables. » Si ce
grand innovateur revenait au monde, et
s'il apprenait que, lorsqu'un Russe a at-
trapé froid, on lui applique le pôle Nord
sur la partie malade, ce grand innovateur
trouverait, sans doute, qu'on pousse un
peu loin les conséquences de son sys-
tème.
Le tzar, seulement, me semble se don-
ner beaucoup d'ouvrage. Comme prince,
il doit combattre la révolution; s'il se met,
en outre, à lutter contra la colique, il
aura bien des affaires sur les bras. Je
comprends son alliance avec la Prusse.
Ce n'est pas trop de deux souverains pour
vaincre les mauvaises passions et les di-
gestions subversives l'un fait taire les
vieux partis, l'autre impose silence aux
flatuosités
Dame en proscrivant l'homœopathie,
le tzar n'a voulu que « le bonheur de son
peuple! C'est un vieux cliché! Mais, je
le répète, pour ma part, je n'ai jamais
douté de la bonté de ses intentions.
Je voudrais bien savoir, d'ailleurs, quel
est le souverain qui veut « le malheur de
son peuple Je voudrais qu'on me le
montrât. Je voudrais savoiroù il règne.
n'existe pas. Tous les princes désirent que
leurs sujets soient contents, C'est clair.
Mais, ce qui ne laisse pas d'étonner, par
moments, c'est la manière dont ils s'y
prennent pour arriver à ce résultat. Et t
c'en est une curieuse, que celle qui con-
siste à dire aux gens
Guérissez-vous, soyez heureux, ou je
cogne!
Mais vous, habitants de toutes les Rus-
sies, hommes assez heureux pour vivre
sous un prince qui s'occupe tant de votre
santé, gardez-vous du mal de go^ge et
surtout du coryza Si un éternuement vous
prend dans la rue, réfléchissez avant d'a-
gir informez-vous des opinions du tzar
sur la façon de traiter les rhumes de cer-
veau, et ne vous mouchez qu'à bon es-
cient. Pour accomplir ce grand acte, votre
foulard seul est trop petit. C'est le pôle
Nord qui vous pend au nez
Edouard Lockroy.
PARIS AU JOUR LE JOUR
Tous les journaux ont annoncé la mort
de M. Walewski, mais je ne vois guère
que le Journal de Pari? qui ait déjà appré-
cie l'homme d'Etat défunt. M. Hervé s'est
ac'quitlé de cette tâche avec beaucoup de
tact et d'esprit..
pans l'heureux temps où nous vivons, il
suffit d'une dose moyenne d'intelligence et de
iugement, d'une certaine habitude des affai-
res et d'un peu de modération et d'honnêteté
pour mettre un homme fort au-dessus du
commun. Ces qualités, M. Walewski les pos-
sédait. Il lui manquait, il est vrai, d'autres
qualités qui lui auraient été peut-être plus
utiles encore dans sa carrière politique. Il
n'avait ni cet heureux détachement de toutes
les opinions, qui permet de plaider tour à
tour le pour et le contre avec une égale cha-
leur, et de défendre à trois heures, dans la
Chambre, les mesures que l'on a combattues
à midi dans le cabinet; ni ce mélange d'étour-
derie et de pédantisme par lequel on se donne
si facilement des airs de réformateur, en se
bornant le plus souvent à remplacer Belle
marquise, vos beaux yeux me font mourir d'a-
mour, par Belle marquise, mourir me font
d'amour vos yeux beaux. Aussi n'a-t-il pas fait
une de ces fortunes politiques devant les-
quelles les badauds restent confondus. Il ne
s'est pas maintenu au pouvoir pendant quinze
ou vingt ans de suite. Il n'a guère fait qu'y
passer mais pour son bonheur, il y a tou-
jours passé avec assez d'à-propos.
On lira peut-être avec plaisir quelques
détails sur M. Walewski, auteur drama-
tique. Il passe pour avoir collaboré à Ma-
demoiselle de Belle-Isle, d'Alexandre Dumas,
et, d'autre part, on attribuait à mademoi-
selle Anaïs Aubert, une des sociétaires du
Théâtre-Français, une part de collabora-
tion dans sa pièce de l'Ecole du Monde
(8 janvier 1840). Si le lecteur se rappelle
encore certaines lettres inédites de made-
moiselle Mars, qui furent publiées par le
Figaro, il y a un an environ, il pourra fa-
cilement reconstituer les petites intrigues
qui agitaient vers cette époque la maison
de Molière, où la muse comique et la muse
tragique, Anaïs et Rachel, se disputaient
le cœur d'un jeune écrivain diplomate.
L'Ecole du Monde réussit peu au théâtre
après avoir eu un grand succès de lecture
dans les salons. Le sujet est une jeune
fille coquette qui, sans faire la grosse bou-
lette, laisse prendre sur elle des droits et
une influance qui font le malheur de sa
vie.
On plaisanta beaucoup un plateau d'ar-
gent, sur lequel on apportait une lettre.
L'auteur avait tenu à ce plateau, malgré
les résistances des comédiens, qui lui di-
saient
On prendra votre lettre pour un beef-
teack et l'on exigera qu'on mette autour
des pommes de terre ou du cresson.
On attribuait au duc d'Orléans ce mot
cruel :« C'est une pièce en cinq actes et en
«cinq pantalotis,» (en raison des diverses
sorties des acteurs motivées uniquement
par des changements de toilette). On ra-
contait aussi que M. Nestor Roqueplan
s'était écrié :« Cela ne va pas, mais on n'a
» pas écouté mes avis. J'avais conseillé à
» l'auteur d'inonder le second acte de traits
» d'esprit. »
Le feuilleton de M. Jules Janin sur les
hommes du monde littérateurs fut très spi-r
rituel, très méchant et très remarqué. ̃'
# On a eu de meilleures nouvelles du
prince royal de Belgique. Tout ce qu'on
sait de ce pauvre enfant le rend vraiment
très sympathique.
Le roi vient à chaque instant de la journée
constater l'état de son fils. Il ouvre une petite
porte pratiquée derrière le chevet du ma-
lade.
Le prince connaît le bruit particulier que
fait cette porte en s'ouvrant. Il sait que son
père est là, inquiet et préoccupé. Aussitôt il
feint de dormir.
Le roi l'appelle, ne reçoit pas de réponse,
et s'en va plus tranquille, sachant que le
sommeil est favorable au malade. A peine Sa
Majesté est-elle partie 'que le prince ouvre
les yeux et dit à son percepteur « Le roi
sera satisfait. »
#*# Les femmes ont enfin trouvé un
orateur qui revendique leurs droits avec
logique c'est M. Bongard, de Fribourg.
M. Blanc analyse dans l'Opinion nationale
le discours qi\'il a prononcé au Congrès
de Berne et qui a fait, à ce qu'il paraît,
rire une salle peu portée à la gaieté de sa
nature.
M. Bongard n'est que conséquent avec
le principe dont les Wauxhalliennnes font
le plus bel ornement.
Il voudrait que le langage et le costume des
femmes fussent pareils à ceux des hommes.
Ilfaut,dit-il,que le Code desfemmes qui est
le journal des modes, disparaisse: plus de ru-
bans, de verroteries, de boucles d'oreilles, de
bracelets; il y en a qui ne s'habillent qu'avec
cela,comme des bayadêres.Ce sont des fanfrelu-
ches qui sont incompatibles avec l'émanci-
pation. Il faut que l'homme s'habitue à res-
pecter la femme, qu'il ne lui adresse plus de
ces injures qu'on nomme compliments. Pour
mon compte, si on venait me dire que je mets
bien ma cravate ou que j'ai de beaux yeux,
je me fâcherais; ce sont autant d'insultes
qu'on prodigue aux femmes.
Les wauxhalliennes sont-elles prêtes à
faire ce sacrifice
A propos des femmes politiques,
M. Lucien Dubois a rappelé, dans l'Indé-
pendant des Pyrénées-Orientales, un curieux
souvenir de la Révolution.
Il s'agissait d'élire un maire à Lorient.
Les citoyens morbihannais, soit qu'ils fus-
sent conquis à la cause de l'émancipation des
femmes, soit par suite d'une tendance rail-
leuse des esprits, nommèrentpour cette fonc-
tion une actrice du théâtre de Lyon, gracieuse
et agaçante personne, Mlle Leroux. On essaya
successivement trois tours de scrutin qui
donnèrent invariablement le même résultat.
Force fut d'interdire à un quatrième tour la
liberté de donner des voix à une femme.
t1 était donc permis de compter cette fois
pur une élection sérieuse, lorsqu'une nouvelle
inspiration vint déjouer les calculs de l'au-
tyrité.
Le scrutin donna la majorité à un mendiant
aveugjz et sourd. Mais il faut convenu- que
cette fois l'épigramme pouvait aussi bien s'a-
dresser aux partisans des femmes qu'à la mu-
nicipalité. Il est vraisemblable que mademoi-
selle Leroux n'était ni aveugle ni sourde,
mais on sait d'autre part, que Cupidon, qui
est l'emblème de la femm«, a un bandeau qui
lui couvre aussi bien les oreilles que les
yeux.
#*# Le Nord cite un mot assez original
du roi Louis-Philippe
On lui demandait, quelques mois après Fé-
vrier, pourquoi il n'avait pas tenu tête à l'é-
meute.
Je sentais, répondit-il, que je n'avais plus
la force morale.
t\ Décidément M. Rouher n'est pas
heureux à la chasse voici la version vraie
que donne le Journal de Paris sur sa ma-
ladresse officielle
Nous avions ici même conté que M. Rouher,
chassant à Ferrières, avait tué un chien de
M. Rotscliild. Le vrai est que chassant dans
la forêt de Senart chez le duc de Caumont La
Force, il a tué un chien du marquis du Lau
et cela a amené un mot dont nous ne ga-
rantissons pas l'authenticité, mais qui nous
paraît mériter les honneurs de la chronique
Comme M. Rouher s'excusait beaucoup, le
marquis du Lau lui aurait répondu « Ah
monsieur le ministre, vous n'êtes pas respon-
sable. »
#*# Où l'amour-propre va-t-il se nicher.
Je remarque parmi les publications de ma-
riage le nom d'un monsieur qui s'intitule
artiste d'agilité. Un peu aussi, j'ai été en-
traîné à une douce rêverie par le nom de
madame veuve Colibri, et j'ai essayé de
me représenter feu Colibri. Peut-être
avait-il six pieds cinq pouces! ?
**# Continuons à prendre gaiement les
affaires d'Espagne.
Il circule bien des verrions à ce sujet-dit
Paris-Gazette.
Quelle est la vraie?
C'est l'aversion qu'inspire la reine.
#*# La Liberté annonce l'apparition
d'un journal dont le titre est encore un
mystère (on pourrait même dire peut-être
qu'il n'est' pas trouvé), qui aura M. de la
Ponterie, de la Presse, pour rédacteur en
chef et 650,000 francs dans la caisse.
#% On n'a pas assez remarqué,, je crois,
cet aimable dessinateur condamné l'autre
jour pour avoir tenté d'assassiner une
fillette qui ne voulait plus de lui.
Le président lui demande
Il n'y avait pas de motif grave de que-
relle entre vous et la fille Jouany, au moment
où vous l'avez frappée?
Et le dessinateur répond
Elle me disait que je n'avais pas de faux-
cols.
Voilà une élégance bien mal placée!
#*# Lorsque le général Lamoricière ar-
riva à Rome, il passa une revue générale
de l'armée pontificale. Cinq généraux ca-
racolaient à ses côtés parmi lesquels le
prince romain X.dont l'air remarquable-
ment martial et la moustache blanche cirée
à crocs formidables trompèrent Lamori-
cière.
Combien avez-vous de campagnes?
lui demanda-t-il.
J'en avais cinq, répondit le prince,
mais j'en ai vendu quatre. y
Francis Magnard.
CHRONIQUE DE PARIS
Vingt-neuf lignes voilà en gros tout
ce que le Moniteur de ce matin consacre à
l'oraison funèbre de M. le comte Wa-
lewski.
Certes, la mort prématurée de cet hom-
me politique n'amènera point un grand
trouble dans l'harmonie de l'Etat; mais,
dans les rangs, qui s'éclaircissent tous
les jours, des anciens amis du chef de
l'Etat, M. Walewski laissera un vide nou-
veau et peut-être difficile à combler.
M. Walewski avait des aspirations parle-
mentaires et libérales fort accusées, et,
s'il n'était pas précisément un homme de
1 progrès, il n'était certainement point un
partisan de la réaction; 'il était loyal, et
jamais il ne s'est rendu complice de l'un
de ces mensonges politiques qui sont au-
jourd'hui la menue tactique de presque
tous les hommes d'Etat.
Homme du monde, élégant et artiste
autant que M. de Morny, il n'avait pas la
fermeté égoïste de ce dernier et ce qu'il
considéra dans sa 'vie publique comme la
loi d'un galant homme le respect des
personnes et des convictions lui couta
le fauteuil de président du corps légis-
latif.
Je ne veux point faire ici la biographie
de M. le comte Walewski on la trouve
assez sèche et assez exacte dans Vape-
reau j'entends simplement esquisser
quatre ou cinq traits de sa vie politique.
M. Walewski n'a point pris part au coup
d'Etat. En décembre 1851, il n'était pas à
Paris, d'où le tenaient éloigné ses fonc-
tions diplomatiques. Cette circonstance
heureuse lui permettait une plus grande
action, lui ouvrait un champ plus large
dans la politique. Il n'avait point à justi-
fier une œuvre qui n'était point sienne, et
il pouvait demander qu'on la perfection-
nât et même qu'on la détournât de la voie
où l'avaient engagée les autoritaires de la
première heure.
C'est ce que M. le comte Walewski paraît
avoir toujours tenté depuis qu'il a quitté
la diplomatie active. Son nom n'a jamais
été attaché à une mesure de réaction, et
beaucoup de personnes racontent qu'il
s'employait toujours avec activité à l'élar-
gissement des vaincus de décembre elA
toutes les négociations qui pouvaient di-
minuer les ennemis du règne actuel et
augmenter ses amis.
Cette cordialité conciliante qui parait
être le fond du caractère privé de M. le
comte Walewski, il l'apporta dans les
fonctions difficiles de président du Corps
législatif, qui lui échurent après la mort
de M. de Morny.
M. de Morny fut un président parfait
mais il n'avait pas eu à dominer de grands
orages parlementaires; M. de Morny ne
s'était trouvé en face de l'opposition nou-
velle que pendant la session de 1863-1864,
cependant il laissait une réputation de
fermeté, d'habileté; on vantait surtout
son coup d'œil, sa promptitude et son sa-
voir taire lorsqu'il s'agissait de contenir
une discussion et de presser un vote; par
cela même son héritage était lourd. Ce fut
peut-être avec trop de confiance que M.
Walewski l'accepta il ne savait pas en-
core qu'il y a des hommes dont il ne faut
jamais prendre la place avant qu'elle soit
refroiclie; et où brille aujourd'hui la bour-
geoise médiocrité de M. Schneider, l'élé-
gante aptitude de M. Walewski échoua.
Le nouveau président était un peu dis-
trait, il ne suivait pas avec une attention
bien suivie les discussions, et plusieurs
fuis il commit des erreurs qui encoura-
geaient les interrupteurs et les turbulents.
La Chambre n'était pas sous sa main, et,
au commencement de plusieurs séances,
on le vit conférer avec le ministre d'Etat
qui paraissait gourmander sa longanimité
et son calme. Les vrais parlementaires
^présageaient quelque catastrophe; les dé-
pûtes de la majorité intriguaient sourde-
ment en faveur de M. Jérôme David; les
ministres, dont, il faut le reconnaître, la
besogne n'est pas facile à la Chambre, ne
se sentaient pas assez soutenus par le bu-
reau un complot s'organisa. Mais M. Wa-
lewski, dans sa suprême confiance, ne se
doutait point que le terrain craquait sous
lui.
Fit-t-on naître l'occasion qui devait le
faire succomber? Je serais tenté de le
croire; les rôles étaient trop bien distri-
bués pour que la pièce n'eût pas été répé-
tée d'avance.
Un tumulte de discussion provo qué par
une imprudence ou une adresse du gou-
vernement eut lieu M. Walewski, sur-
pris comme toujours, hésita, refusa de
rappeler à l'ordre M. Thiers, et la ques-
tion de cabinet fut posée, dit-on, par
M. Rouher.
C'était un honnête homme que M. Wa-
lewski, il se retira il se retira volontai-
rement, mais l'âme ulcérée; il descendit
dignement du fauteuil presque honni par
la droite, qui n'était encore qu'à ses débuts,
mais qui devait plus tard, dans l'affaire
Kervéguen, montrer de quoi elle était ca-
pable.
La gauche entière se leva pour saluer
M. Walewski et V 'wr vma jusqu'aux I
appartements ])véa^ia qu'il quittait
une heure après.
M. Walewski n'avait pas de fermeté,
cet échec le bouleversa il était descendu
dignement du fauteuil, il devait aller
s'asseoir à son banc de député, il devenait
du coup un personnage politique il ne le t
comprit pas, il rentra au Sénat, et au lieu
de jouer à la face du soleil la partie libé-
rale qu'il s'était déterminé à tenter, il la
joua comme conseiller intime.
Il parait avoir été le seul confident et
presque l'inspirateur de la lettre du 19
janvier il est certain qu'il avait hérité de
M. de Morny d'une certaine prédilection
pour M. Emile Ollivier; on pense même
que certains projets manuscrits rédigés
de 1862 par M. de Morny étaient arrivés
entre ses mains, et que le nom de M. Emile
Ollivier y était relaté avec des appré-
ciations favorables. M. Walewski le pré-
senta à l'Empereur qui l'accueillit avec
bienveillance.
M. Ollivier, non-seulement parce qu'il
était M. Ollivier, mais aussi parce qu'il
était amené par M. Walewski, ne trouva
que morgue et défiance chez les ministres.
La fusion, qui eut peut-être réussi menée
par M. de Morny, qui dominait, échoua
sous la direction de M. Walewski, qui ne
savait pas imposer sa volonté.
On a raconté de mille facons l'intrigue
sous laquelle succomba la'bonne volonté
du 19 janvier; aucune version n'est sans
doute vraie chacun a intérêt à cacher
la vérité toujours est-il que la lettre du
19 janvier n'a pas été acceptée par les mi-
nistres et la Chambre et que tout ce qu'on
a pu faire pour l'atténuer a été fait.
Cependant on raconte que dans la nuit
qui précéda le vote des sept sages contre
l'article 1er de la loi sur la presse, tous les
ministres et tous les membres du conseil
privé, sauf deux, pressèrent l'Empereur
pour qu'il consentît à retirer le.projet en
discussion. La conspiration qui avait fait
tomber M. Walewski s'était renouée plus
forte, plus hardie, plus puissante; cette
fois elle voulait ouvertement imposer au
chef de l'Etat un déni de parole carré et
presque violent.
Des deux membres du conseil privé
fermes sur le petit chemin libéral tracé
par l'article 1", l'un était M. Walewski.
Aussi ne faut-il point trop s'étonner que
le Moniteur ne puisse disposer que de vingt-
neuf lignes pour chanter ses vertus poli-
tiques.
• Jules Richard.
NOTES ET COMENTAIBES
Il y a bien à Paris, hélas quatre ou
cinq mille hommes graves. Le matin
l'homme grave reçoit son journal favori
des mains de son valet de chambre. C'est,
on l'entend bien, le Journal des Débats ou
le Constitutionnel. Il le déplie, l'étend d'un
revers de main sur sa table à côté de son
cnocolat, lit la première page, le replie et
sonnant
Joseph, dit-il, non sans une nuance de
dédain, tu peux- porter maintenant le jour-
nal à madame.
L'homme grave sait que M. Duruy a
écrit une circulaire, ou que les Espagnols
ont fait une révolution, et il en a pour sa
journée. Il se croit quitte envers les autres
et envers lui-même et, son devoir accom-
pli, sort de chez lui, l'âme tranquille
comme un bon chrétien qui a dit ses priè-
res. Il n'a point lu les faits-divers; c'est
affaire, selon ce nigaud solennel, aux
femmes et aux gens de l'office. Et aux
moralistes aussi, s'il vous plaît.
Pour moi, qui ai le bonheur de ne pas
être une femme, car si j'en étais une j'i-
rais peut-être faire des discours au Waux-
hall, et j'en serais bien fâché, et qui me
pique de ne point être un laquais, pas
même de ceux dont le galon est en estime,
ce sont les faits-divers dont j'approfondis
la lecture. C'est dans ces mille nouvelles,
jetées ensemble au hasard par des repor-
ters inconscients de leur tâche, que je lis
l'histoire de mon temps. Je n'apprends
point là, il est vrai, que la Prusse gagna
la bataille de Sadowa en 1866, et la France
celle de Suippes en 1868; mais j'y trouve
des choses qui valent bien celles-là et qui
échappent à plus d'un, tandis que le bruit
des succès et la rumeurdes parades ne sau-
raient pas plus manquer d'arriver à nous
que l'addition après dîner. Et c'est à la
troisième page des journaux que je me
renseigne le mieux, tantôt sur notre état
religieux, tantôt sur notre façon de poli-
tiquer ou sur ce que sont nos mœurs, et
sur ce que vaut au juste notre magistra-
ture, que je vénère du reste de tout mon
cœur. (Art. 222, Code pénal.)
Ne pensez-vous pas, par exemple, qu'il
soit intéressant de méditer sur l'aventure
arrivé à deux pauvres femmes de Caen,
la mère et la fille? Peu fortunées, elles
avaient pris pension dans une gargo-
te moyennant 45 francs chacune. Tan-
tôt elles venaient y dîner, tantôt, retenues
au loin par leur travail, elles ne venaient
pas. Un jour il leur passa à l'esprit de
faire à cette triste table leur provision
pour le lendemain elles mirent donc dans
leur poche un peu de pain, un peu de su-
cre, un peu de viande oui, un peu de
viande, car on n'est point délicat quand
on est pauvre.
Mais, l'oeil au trou de la serrure, le gar-
gotier veillait sur l'appétit de ses pension-
naires. Il les dénonça et les convia, par
l'intermédiaire d'un gendarme, à déjeu-
ner au grand numéro 6 du Palais-de-Jus-
tice de l'endroit. Encore si c'eût été pour
le lendemain! Mais, après plus d'un mois
seulement, on condamna les malheureu-
ses, l'une à quinze mois, l'autre à six mois
de prison. Cela soit dit pour les amateurs
de contrastes, à l'heure où les ouvriers
réunis en congrès et excessifs à leur tour,
votent l'abolition de la propriété particu-
lière Terrifiée, hébétée par cette condam-
nation, la fille ne se pourvut pas.
Comme madame Doize, elle pensait que,
puisqu'on pouvait, à la rigueur, l'envoyer
pour cinq ans en prison, elle n'avait ç||'à
remercier « ces bons messieurs du tribu-
nal qui se contentaient de six mois. Mais
la mère, plus courageuse, alla en appel.
Là, le procureur impérial se pourvut d'of-
fice au nom de la fille, et conclut à l'ac-
quittement des prévenues, qui fut pronon-
cé. Les journaux de l'endroit font le plus
grand éloge de la conduite tenue par M. le
procureur impérial. Me sera-t-il permis de
lui demander s'il ne trouve pas imperti-
nentes les louanges qu'on lui adresse pour
avoir accompli son strict devoir?
Je voudrais encore poser une question
à ce magistrat, et qu'on remarque bien
que, plus discret que ne l'a été son collè-
gue de Nîmes avec M. Sanier, je ne la lui
pose pas au travers du ventre. Cette pau-
vre fille, qui a fait trente-six jours de
prison préventive pour n'avoir pas volé
un morceau de sucre, ne mérite-t-eUe
pas une indemnité? Je donnei'ai pour
mon compte la seule satisfaction qui suit
ea mon pouvoir à ces deux victimes jud..
ciaires, e a disant que leur vie est irrépro-
chable, et qu'elles s'appellent les dames
Gautier. C'est encore quelque chose qu'on
puisse proclamer tout haut leur innocence
par la voix de la presse, de cette presse
« qui est une trompette qui ne trompe
pas », comme disait un jour, dans un élan
d'éloquence sorti de l'estomac, notre con-
frère M. Ch. Sauvestre.
En Perse, au temps jadis, quand on
cassait un jugement, on avait également
le soin d'écorcher vif le juge qui l'avait
rendu, et de sa peau, on faisait un fau-
teuil pour son successeur. Depuis, Ton a
perdu cette habitude, et, sous prétexte de
porter respect à la loi, nous avons con-
tracté une véritable superstition vis-à-vis
des magistrats qui sont, après tout, des
hommes comme les autres, peuvent bien
se tromper et méritent qu'on le leur dise.
Cependant, il ne fait pas bon d'en appeler
de leurs arrêts à l'opinion publique; et
quiconque prendrait à leur égard les li-
bertés que Racine se permettait jadis, ris-
querait fort d'aller méditer en un lieu
tranquille sur la vérité de cette proposi-
tion que la liberté de langage n'a pas
fait, depuis Louis XIV, autant de progrès
qu'on le croit.
Si nous parlions des avoués comme Mo-
lière a parlé des procureurs, ah mes
amis, que de procis en diffamation. Et y
a-t-il un théâtre, excepté celui de Guignol,
que j'engage à se méfier, où l'on puisse
rosser le commissaire et disperser le guet?
Tout au plus nous laisse-t-on rire un peu
de la police, non de cette police organisée
qu'on assimile parfois à une magistrature,
mais de la police non avouée, qui vit des
fonds appelés a secrets u parce que tout
le monde sait à quoi ils servent.
Avez-vous vu, moi, je l'ai lue dans
les faits divers d'un journal de province
la délicieuse histoire des « messieurs
décorés, » envoyés à Bade pour surveiller
les princes d'Orléans, et savoir qui les
visitait? Tandis qu'ils prenaient leurs no-
tes, un photographe subtil prenait leurs
portraits, et bientôt ces portraits étaient
entre toutes les mains.
Or, si un honnête homme peut à la ri-
gueur vivre quoique couché sur les tablet-
tes de ces messieurs un agent secret
soyons polis une fois photographié, est
un agent secret perdu. Il n'a plus qu'à de-
mander ses invalides. Je ne sais trop si,
avant d'engager ces pauvres gens pour
une campagne, on leur demande ou non
s'ils ont eu des malheurs vous savez où
mais on ne pourra se dispenser de.s'en-
quérir désormais s'ils n'ont point été visés
par l'objectif d'un photographe, et mieux
vaudrait pour eux la gueule d'un canon! (
Je ne m'étonne pas, étant donné la
bassesse humaine et hélas la misère de
notre civilisation dorée, qu'on trouve des
gens pour ce médiocre métier mais je
m'élonne qu'on en cherche. La police se-
crète, appliquée à la politique, est une
inutile tradition d'autrefois. Si le gouver-
nement tient à savoir quels sont les gens
qui vont, de temps en temps, serrer à l'é-
tranger la main des proscrits, princes ou
autres, il peut employer un procédé plus
économique et plus.$ net, que celui d'en-
voyer à Londres ou à Bade, une nuée de
surveillants! Qu'il mette à la disposition
des voyageurs une passe de chemin de
fer et un léger viatique, et je jure bien,
pour mon compte, de ne point user d'autre
moyen quand il me prendra fantaisie
d'aller m'assurer que les poires mûrissent
aussi bien à Twickenham qu'en Tou-
raine, et que les joueurs de Bade ont ga-
gné une belle série de rouges. Cette no-
tion que j'ai de la profonde inutilité de la
police politique, qui n'a jamais surpris
que les opinions de gens qui crient la leur
sur les toits, et dont tout l'effort va jus-
qu'à constater que M. Ledru-Rollin n'est
pas très bonapartiste, et que M. le comte
de Paris n'est point partisan chaud de la
dynastie, –j'entends de la dynastie ré-
gnante, fait qu'il me prend souvent en-
vie de nier son existence.
L'épithète de «mouchard», qui, dans
un certain monde se décerne avec une
aimable facilité, me fait l'effet de tomber
souvent sur des gens fort innocents et
jouant plutôt les Michel Perrin que les
Peyrade. Vers la fin du règne de Louis-
Philippe, sous l'influence de la lecture de
Balzac, homme d'imagination avant tout,
et qui a inventé une police tout idéale, les
meilleures cervelles ont été troublées par
l'idée qu'il y avait des espions partout.
Un homme honnête et intelligent, qui
est fort de mes amis,-me racontait, il y a
quelque temps, ce qu'il avait vu des évé-
nements du Deux-Décembre. On en parle
souvent à Paris; et, en s'éloignant cette
date grandit comme les fantômes dans la
nuit. Mon ami faisait quelque part ce que
j'eusse sans doute fait, si j'avais eu vingt
ans à ce jour. Il tâchait d'arriver à l'Hôtel-
de-Ville, par les omnibus, en y mettant
des pavés dedans. Mais me disàit-il,
nous étions peu dans notre quartier, et
parmi nous se trouvait un mouchard.
Et que faisait-il? Et pourquoi n'avez-vous
pas.
Cest qu'il était à peu près le seul qui
eût un fusil, et il tirait sur la troupe. C'é-
tait un de ces mouchards qui se battent
au besoin. Parbleu un gouvernement
qui aurait à son service quelques milliers
de ces gens-là, irait vite très loin, recon-
duit par ces hommes zélés, qui se dé-
guisent trop!
Voilà ce que m'apprennent les faits di-
vers et sur quels sujets variés ils at-
tirent et ramènent chaque jour ma ré-
flexion. J'y vois encore les miracles tout
frais, et que le pape a été franc-maçon,
quand il s'appelait le capitaine Mastaï, et
que les Polonais sont tenus de se faire
couper la barbe, en même temps qu'il leur
est interdit de se réunir même à deux, ce
qui semble contradictoire; et qu'un com-
missionnaire a voulu se tuer pour avoir
perdu cent francs confiés à sa garde; et
que M. Pereire se porte bien et que M. de
Bourgoing s'est engagé à entrer à la Cham-
bre, en crevant un transparent; et qu'un
conseiller municipal a déclaré que siM. Du-
faure eût été nommé, Toulon eût cessé
d'être port de mer; et qu'un monsieur, qui
a épousé un garçon par mégarde, n'a de-
mandé la séparation qu'après quatre an-
nées de ménage ce qui explique assez
pourquoi les révolutions sont si rares en
France. De tous ces faits j'extrais la
moelle philosophique, pour l'offrir, sur
mon pain, aux lecteurs du Figaro et aux
hommes qui ont le double malheur d'être
graves et pressés
Ce travail, je l'appellerai « Notes et
commentaires. »
Ce livre est encore une méthode un peu
vagabonde, et le «je», si charmant sous
la plume de Montaigne, et plus modeste
sous la mienne que le « nous » de tel de
mes confrères et que le « mes amis et
moi », de M. Emile Ollivier. La simplicité
dans le dire la bonne foi dans l'admira-
tion la sincérité dans la haine, rendent
toute œuvre supportable. Je tâcherai de
n'y point manquer, et je n'oublierai pas
le boa conseil iiliéraire que donnait incii- j
reclemerit, à bou'6 génération de cher- j
cheurs d'o:<>rlt, aa homme auquel on pro-.
posait d'épouser une fille assez laide. v
Soit, répondit-il, pourvu qu'elle n'ait pas
de talents d'agrément!
•; ._£ Henry Fouquier. ]
̃̃ .:•:̃
CORRESPONDANCE
Lundi 28 septembre 1868,
Monsieuj le rédacteur en chef du Figaro.
Il vient de nouveau de se passer un fait que
vous avez signalé bien souvent. J'hésiterais
presque à vous en importuner s'il ne s'était
accompli dans des circonstances qui nécessi-
tent le concours de votre publicité.
Hier soir, vers onze heures, sur la place
Saint-Jacques, un militaire en état d'ivresse
(caporal au 71* de ligne) se prend de querelle
avec un passant.
Les coups suivent les menaces et les inju-
res. Le sabre est dégainé.
Avant qu'on ait pu accourir pour arracher
cette arme et s'emparer du furieux, le sang
avait coulé. La malheureuse victime a la ma-
choire tout ensanglantée et une plaie béante
près des lèvres.
Grâce au concours de deux courageuses
personnes, l'ivrogne galonné est conduit au
poste de municipaux installé à l'ancienne bar-
rière d'Enfer, ainsi que le blessé.
Jusqu'ici, même histoire.
Mais voici. Loin de trouver au poste l'assis-
tance dont nous avons tant besoin, nous ren-
controns presque de l'hostilité.
Un militaire, un caporal, cela demandait
des ménagements.
Un municipal se permet d'observer que la
même aventure lui est arrivée, et qu'il n'en a
rien été il conseille au caporal de rentrer
bien vite à son corps. Le brigadier se croise
les bras. Il faut alors l'insistance énergique
d'un témoin de cette scène (M. Viandier, né-
gociant du Havre) et jusqu'à ses menaces d'en
écrire aux journaux pour obtenir du briga-
dier une espèce de procès-verbal de ce qui
vient de se passer.
Deux sergents de ville, requis par une autre
personne sur la route d'Orléans, répondent
que cela ne les regarde pas, que d'ailleurs le
commissariat est fermé.
Enfin il est pris note sur une feuille volante-
des noms et adresses de quatre personnes pré-
sentes, et l'on nous congédie, assurant qu'on
donnera suite à cette affaire.
Vous comprenez, monsieur, tout ce qu'a
d'insuffisant une pareille promesse, et com-
bien la publicité de ce fait est indispensable
pour qu'il ne tombe pas dans l'oubli.
Et maintenant, permettez-moi deux seules
réflexions
Puisque les commissariats sont, il paraît,
formés à onze heures du soir, un registre
quelconque sur lequel on puisse déposer en
toute sécurité sa plainte et sa signature, ne
serait-il pas nécessaire dans les postes de
municipaux.
Croyez-vous que nous nous soyons retirés
tranquilles quant à la poursuite du coupa-
ble, après avoir vu nos noms écorchés sur un
chiffon de papier. Oh non, monsieur; et pour
vous dire toute ma pensée, j'ai si grand peur
qu'il n'en soit rien, que je m'empresse de vous
l'écrire.
Que signifie ensuite cette plaque « secours
aux blessés », que porte le mur extérieur du
poste. Ne concerna-t elle que les gens écrasés
dans la rue et non ceux défigurés par les mili-
taires.
L'humanité la plus vulgaire ne comman-
dait-elle pas à ces municipaux indolents de
donner un peu d'eau au malheureux tout dé-
goûtant de sang! Il est sorti comme un chien
sans un verre d'eau -de ce poste de se-
cours aux blessés
Bien que vos plaintes réitérées sur le port
d'armes des militaires n'aient encore eu au-
cun résultat, ne pensez-vous pas qu'en conti-
nuant à signaler à l'autorité les dangers de
cettetolérance, vous ne voyiez enfin vos ré-
clamations accueillies? 1
Je suis, monsieur, etc.
J. LEJOLLIOT, 18, rue Magnan.
Voici les noms des personnes présentes à
la scène que je vous rapporte
M. Viandier, négociant en nouveautés, au
Havre, hôtel de France, rue du Caire.
M. E. Bouge, 16, rue Richelieu.
.o.
ENTRE DEUX BOURSES
Le marché est au calme plat. Très peu
d'affaires, des variations presque insigni-
fiantes dans les cours, tel est le bilan des
deux dernières journées. Cependant nous
touchons à cette liquidation de septem-
bre, signalée comme le cap des tempêtes.
Un bon point au Journal des Débats, et à
M. Saint-Marc-G-irardin, pour avoir sage-
ment apprécié les dispositions pacifiques
qui régnent dans les hautes régions du
pouvoir en France Que toutes les feuil-
les ayant crédit chez leurs lecteurs en di-
sent autant.
On commence à voir un peu plus clair
dans le mouvement espagnol. Il était
temps; l'imbroglio devenait fastidieux.
Ce n'est pas que le résultat se dessine en-
core d'une façon précise, mais du moins
connaît-on le programme concerté entre
les chefs disparates qui ont pris, en com-
mun, l'initiative de l'insurrection.
Si le sort des programmes n'était pas
d'être oubliés au lendemain de la victoire,
je connais bien des pays qui s'accommo-
deraient volontiers de ce que l'ofl promet
à l'Espagne.
Régénération morale, politique et finan-
cière, le règne de la liberté, de la justice
et de la probité, les délices de l'Alcazar,
moins la favorite cependant. Qu'en dites-
vous, messieurs les porteurs de rentes es-
pagnoles ? et vous actionnaires ou obliga-
taires de chemins de fer, qui avez perdu
l'habitude de toucher vos coupons? Avais-
je donc si grand tort de dire que vous ne
pouviez rien perdre au change?
Malheureusement il ne s'agit encore
que de promesses, et ceux qui s'y fieraient
pour aligner leurs comptes de fin d'année,
ou projeter des largesses au premier jan-
vier, pourraient bien faire des châteaux
en- Espagne. Jusqu'ici, en effet, ce qu'il y
a de moins douteux, c'est que les caisses
sont au pillage et les voies de fer sacca-
gées. Il faudra donc remplir les unes et
réparer les autres avant que l'on songe à
vous.
Aussi voyez-vous, pour l'instant, Inté-
rieure, Extérieure, Pagarès, Chemins et
Mobilier, tout le cortège des valeurs espa-
gnoles, faire une triste figure sur le mar-
ché.
Une bonne figure est celle de M. Mirès,
par ma foi, dans sa revue financière de
lundi. Cet enfant terrible des affaires con-
tinue à s'en prendre à tout le monde, ex-
cepté à lui-même, de la ruine de ses ac-
tionnaires. Dans sa douleur, il ne peut
se consoler de ne pas rendre impossibles
les opérations des autres, en bâillonnant
la presse à sa manière.
A ce propos, il réédite un ancien projet
de loi qu'il avait proposé, dit-il.
Les journaux n'ont pas assez de res-
ponsabilités et de procès, il faudrait en-
core leur faire payer les fautes et les su-
percheries de MM. les fondateurs et gé-
rants des entreprises industrielles. Qui
croirait que ce beau projet a pris nais-
sance au cerveau d'un homme vivant dans
la presse, ayant très longtemps usé et
abusé d'elle pour ses opérations"? Oh! l'in-
grat! f ̃̃
Dans sa. dernière sortie contre tov.i le
monde, cet excellent M. Mirès me prouve
une seule chose c'est qu'il n'est pas aussi
à plaindre qu'il veut bien en avoir l'air,
puisqu'il perd la mémoire et la retrouve
avec tant de facilité.
RENÉ RÉVAROL.
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