Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1939-12-19
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 décembre 1939 19 décembre 1939
Description : 1939/12/19 (Numéro 28585). 1939/12/19 (Numéro 28585).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/01/2011
SOIXANTE-DIX-NEUVIEME ANNEE - N" 28585
On s'aboitee aux Bnreaux du Journal, 5, RUE DES ITALHSNS, I? PARIS (9'), et dans tous les Bureaux de Poste
MARDI 19 DECEMBRE 1939
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Emile HÉBR.ARD (leia-iaas) v
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CHÈQUE JPOSTAL t Parie, Numéro GO
SOMMAIRE
' ;PAGE!
Les Communiqués officiels. - La Fin ifc l'Admi-
ral-Graf-Spee. "
PAGE 2
Nouvelles de l'Etranger. - Séance publique an-
nuelle de l'Académie des sciences.
PAKE 3
Les Livres : le Combat contre les ombres, ANDRÉ
THÉRIVE. - Nouvelles du jour. - La Bourse.
, PAGE 4
LA JOURNÉE: DERNIÈRES NOUVELLES.- Les Opé-
rations militaires. - Sur mer. - Lettres du
front : D'un petit poste, JACQUES BOULENGER. -
A Paris.
BULLETIN DU JOUR
LA DESTRUCTION DU « GRAF-VON-SPEE »
La fin du « cuirassé de poche » Graf-von-
Spee, au large de la baie de Montevidec,
n'ajoute pas précisément une page glorieuse
à l'histoire de la marine de guerre allemande.
Pour un peuple qui, il faut le reconnaître, a
le. sens du courage militaire et de la bravoure
et pour un régime qui vit dé gestes spectacu-
laires, ce « suicide » du bâtiment qui " a
coulé impitoyablement tant de navires mar-
chands sans défense dans l'Atlantique du Sud
est difficile à expliquer du point de vue
psychologique. On rie doute pas que le com-
mandant du cuirassé allemand ne se soit stric-
tement conformé à des ordres donnés par
Berlin, probablement par le Fiihrer en per-
sonne, mais il a dû en coûter à sa fierté de
marin de succomber dans de telles conditions.
Les Anglais ont raison de rappeler, en pré-
sence de la fin lamentable du Graf-von-Spee,
la fin glorieuse du Rawalpindi, ce simple pa-
quebot transformé en bâtiment armé, qui
accepta héroïquement la bataille contre le
Deulschland, dont lés moyens de combat
étaient très supérieurs-aux siens, et qui sut
périr en combattant. Il est très vrai que dans
l'histoire de la marine allemande elle-même
il y eut, au cours-de l'autre guerre, des faits
d'armes - notamment la fin du croiseur
Emden et du Scharnhorst - qui contrastent
heureusement avec le * sort du meilleur « cui-
rassé de poche » dont disposait le Reich.
Le suicide, c'est-à-dire la fuite devant la
lutte pour la vie, n'est jamais un acte de cou-
rage. Dans le cas du Graf-von-Spee il prend
aux yeux du monde entier une signification
singulièrement pénible. Il est toujours glo-
rieux de succomber en combattant; .il peut
être douloureux, mais honorable, pour un
navire de guerre dont la puissance de combat
est irrémédiablement réduite, de devoir ,se
résigner à l'internement et au. désarmement
dans un port neutre; mais le cas du « cuirassé
de poche » construit et . armé de manière à
pouvoir affronter la lutte ; avec les meilleures
chances de succès contre des navires d'un ton-
nage supérieur, et que son équipage lui-même
détruit avant d'accepter le combat, est infi-
niment plus discutable. Il l'est surtout à la
lumière des informations complémentaires
que l'on transmet ce matin de Wontévideo
et .qui fixent ce drame dans „san, véritable
caractère, et*" à son véritable plan. Comme tout
ce qu'entreprennent les Allemands, ce « sui-'
cide » du' Graf-von-Spee fut minutieusement
organisé et mis en scène.' Les moindres détails
d'exécution avaient été prévus. Le transborde-
ment des- approvisionnements et de la plus
grande partie de l'équipage à bord d'un cargo
allemand, le Tacoma, lequel se tint à proxi-
mité du bâtiment d'avance sacrifié, afin dé
recueillir ceux qui étaient chargés de l'exécu-
tion du projet, le prouve. Le fait que le navire
fut détruit par des engins à retardement, alors
que le Graf-von-Spee était abandonné déjà
par son équipage et ses officiers, réfugiés sur
un aviso qui les transborda sur un bâtiment
de guerre argentin, le Libertad, qui les conduit
à Buenos-Aires, réduit à une simple opération
dé destruction mécanique ce qu'on avait voulu
représenter d'abord comme un sacrifice volon-
taire sublime, comme un acte d'héroïsme
personnel peut-être unique dans l'histoire des
guerres navales. La propagande allemande
aura sans doute quelque peine à réagir contre
l'impression produite par cette fin du bâtiment
allemand qui trop longtemps fit peser un si
grave danger sur la navigation commerciàle
.et pacifique dans l'Atlantique du Sud.
Les spécialistes des questions navales ne
manqueront pas de dégager de l'expérience
du Graf-von-Spee tous les enseignements
qu'elle comporte du point de vue technique;
mais, pour autant qu'on puisse en juger par
les faits tels qu'ils sont connus, il apparaît
bien que les « cuirassés de poché qui par
leur vitesse et la puissance de leur, armement
devaient pouvoir affronter lé combat dans, les
conditions les plus difficiles, ne rendent pas
ce que les Allemands en attendaient.. Ce sont
des croiseurs anglais de 8,600 tonnes seule-
ment, pourvus d'une artillerie de portée beau-
coup plus limitée que celle du cuirassé alle-
mand, qui ont su atteindre gravement celui-ci,
le. contraindre à fuir le combat et à chercher
un refuge dans la rafle de Montevideo. Le
monde entier a rendu hommage à l'habileté
manceuvrière et à la bravoure des "marins an-
glais, mais on peut supposer ' que celles-ci
eussent peut-être été. moins efficaces si le
« cuirassé dé poche » allemand avait réelle-
ment.été, tel qu'il fut construit et armé, à la
hauteur de la tâche pour, laquelle il avait été
créé. Ce qui est certain, c'est que la perte, du
Graf-von-Spee, qui prive l'Allemagne d'un
de ses trois « cuirassés de poche », porté un
coup sensible à la marine de guerre du Reich.
L'engagement naval de Montevideo confirme
dé façon éclatante, quoi que puisse prétendre
la propagande allemande, la maîtrisé franco-
britannique des mers.
On constate que le gouvernement de l'Uru-
guay" a agi dans, cette délicate affaire avec un
réel souci de som devoir de neutralité. Il semble
bien qu'il se soit conformé rigoureusement
&ux obligations résultant de la convention de
là Haye, qu'il ait. autorisé le bâtiment de
guerre allemand réfugié en rade de Montevi-
deo h procéder aux. réparations .indispensa-
bles' pour la remise en état de. ses moyens de
.navigation, tout en lui refusant la réparation
effective de ses moyens de combat. Lë délai
du séjour du Graf-von-Spe était normal, et
en refusant de prolonger ce-délai le gou-
vernement de l'Uruguay a agi conformé-
ment au droit établi. Ce refus a obligé le com-
mandant . du « cuirassé de poche » allemand
à choisir entre l'internement, un nouveau
combat dans des conditions désespérées ou le
sabordage de son bâtiment. S'il s'est décidé à
couler son navire sans essayer de combattre,
la responsabilité en incombe à ceux qui lui
ont donné l'ordre de le faire. Le cas du Graf-
von-Spee aura-t-il des suites diplomatiques ?
On a parlé, en effet, d'une protestation de
l'Uruguay, appuyée par les autres républi-'
ques sud-américaines, contre ce qu'on appelle
une violation de la zone de neutralité établie
pour |a sécurité du littoral des Etats amé-
ricains.
A l'heure où nous écrivons on ignore si une
telle protestation a été officiellement adressée
à Londres et à Berlin. Il est à noter que la
zone de neutralité de 300 milles - c'est-à-dire
dépassant de beaucoup la limite des eaux ter-
ritoriales proprement dites - a été fixée par
une simple déclaration de la conférence de-
Panama, qu'elle n'a, fait l'objet d'aucune con-
vention internationale, et que dès lors elle ne
saurait-constituer une stricte obligation pour
les puissances qui ne l'ont pas officiellement
admise et reconnue. Les Sud-Américains sa-
vent bien, au surplus, alliés franco-britanniques qjii transgresssent
sur mer la loiAinternationale, et qu'ils .ont le
constant souci d'éviter des complications de
nature à susciter des difficultés aux neutres
de bonne foi.
LA PAIX SOCIALE
On ne saurait méconnaître les efforts du
gouvernement pour maintenir la-paix sociale,
condition évidente de notre force de résistance
intérieure. Le décret du 10 novembre dernier
en ce qui concerne la désignation des délégués
du personnel a ainsi eu pour objet d'éviter
d'abord dans les entreprises, en supprimant
l'élection directe, « les discussions et une agi-
tation incompatibles avec l'état de guerre ».
Mais le gouvernement n'a nullement songé à
supprimer la délégation ouvrière, « institution
qui a fait ses preuves », dit la circulaire que
le ministre du travail vient d'adresser aux ins-
pecteurs divisionnaires et départementaux,
« et dont il escompte plus que jamais de bien-
faisants effets ».
La désignation des délégués, soustraite à
l'élection, a donc été, comme l'on sait, réservée
aux organisations ouvrières les plus représen-
tatives dans chaque établissement.
Cette modification était de nature à sou-
lever certaines objections, dont la plus grave
est sans doute de donner aux syndicats ou-
vriers affiliés à la C. G. T., où l'influence com-
muniste n'a peut-être pas entièrement disparu,
un privilège exorbitant. Et n'est-ce pas porter
atteinte à la liberté individuelle des ouvriers
que de les faire obligatoirement représenter
par un délégué du! syndicat - même si ce
syndicat est le plus représentatif ? N'est-ce pas
la voie ouverte au syndicat obligatoire ?
La circulaire de M. Pomaret, ministre du
travail, qu'a publiée le Journal officiel du
16 décembre répond visiblement à ces. préoc-
cupations. _ "v*"
Il va sans dire que, surtout en période de
guerre, l'institution des délégués ouvriers, « doit
rester un" instrument de paix sociale »:. Elle
doit être * un organe dé collaboration, et non,
comme il est arrivé trop souvent, une arme
de lutte de classe. Le ministre du travail in-
siste en outre sur le fait que « le gouvernement
a considéré comme attentatoires à l'unité na-
tionale et à la paix publique lès agissements
de ceux qui, avec cynisme ou sournoisement,
se sont faits . les exécuteurs de consignes ve-
nues de l'étranger et ont risqué de détruire
l'armature du pays ». Il conviendra de veiller
avec soin à ce que, sous le masque de défen-
seurs de la cause ouvrière, ne se glissent
parmi les délégués dés fauteurs de désordre
plus ou moins habilement dissimulés. Les ins-
pecteurs du "travail auront donc une sorte de
droit Ae veto, puisque, dit la' circulaire, fis de-
vront exiger « que le délégué n'ait appartenu
a aucune des formations visées par le décret-
loi du 20 septembre 1939 », ët que, par suite,
l'exercice du mandat de délégué sera interdit
« non seulement à un ouvrier qui aurait adhéré
à une de ces formations, mais encore à celui
qui aurait participé personnellement à la di-
rection d'organisations professionnelles ratta-
chées en quelque manière à ces formations »,
sans exclure toutefois tous les adhérents de
naguère qui ont donné, « par des témoignages
certains », des gages d'indépendance à l'égard
du communisme.-
II y a là une série de précautions qui étaient
en effet indispensables. Suffiront-elles pour
dépister et pour empêcher de nuire tous les
agents clandestins du parti communiste, c'est-
à-dire du parti de l'étranger, qui ne sont pas
toujours les mêmes que les militants officiels
de naguère ?
En ce qui concerne la désignation par les
syndicats, la circulaire ministérielle est, il faut
le reconnaître, assez libérale. Toutefois, pren-
dre « comme élément indicatif les résultats
de la dernière consultation électorale » n'est
peut-être pas d'une absolue prudence. Il est
vrai que les Organisations légales consultées
ne pourront être que celles dont les dirigeants
n'ont appartenu à aucune des formations in-
terdites, sauf si ces groupements « ont procédé
à leur réorganisation après épuration ». Mais
là aussi un contrôle sérieux devra être exercé.
En cas de partage des voix lors de la der-
nière consultation électorale, chacune des or-
ganisations en présence qui peuvent « préten-
dre au caractère'représentatif, à la fois par
leur indépendance, leur importance et leur
activité », sera associée au partage des sièges
des délégués à pourvoir. Il ne saurait donc
y avoir exclusivité en faveur d'un syndicat
- et cette stipulation est extrêmement pré-
cieuse. Il importe qu'elle soit appliquée dans
un esprit de-très large libéralisme.- Même
des groupements « n'ayant pas la forme stric-
tement syndicale », pourvu qu'ils puissent
prétendre âù « caractère .représentatif » indi-
qué plus haut, pourront; se voir attribuer la
désignation de délégués. Souhaitons que cette
décision ne reste pas lettre morte.
La circulaire exige, conformément au dé-
cret, certaines conditions concernant les délé-
gués : ils devront avoir, saug impossibilité, un
an d'ancienneté dans l'établissement, être
Français, âgés de 25 ans, savoir lire et écrire,
n'avoir encouru-' aucune condamnation. Tout
cela n'était pas toujours observé jusqu'à
présent. ,.>' -,
Soulignons enfin que le délai de deux mois
prévu ? par 1 le décret-loi'du 40 novembre pour
la désignation des délégués ouvriers n'est pas
absolument* rigoùreux «Il faut " laisser au
temps, dit sagement la circulaire ministérielle,
le soin de développer et dè consolider les élé-
ments de représentation ; ouvrière. Une trop
grande hâte assortie d'improvisation seràit
nuisible au bon fonctionnement de l'institu-
tion. » Nous, avons pu, hélas ! mesurer les
désastres que provoque une législation sociale
improvisée et hâtive: H serait temps de recon-
naître que les seules réformes viables et effi-
caces sont celles qui, entrées déjà dans les
moeurs presque spontanément, ont eu le temps
de mûrir. "
Le ministre du travail s'est donc efforcé
d'atténuer ,les inconvénients que. pouvait faire
redouter le décret-loi sûr la désignation des
délégués du personnel. Il ne pouvait les effa-
cer entièrement. Mais la circulaire du 16 dé-
cembre apporte des garanties sérieusés, et qûi
seront efficaces - si les inspecteurs' du travail
les appliquent dans l'esprit qui les a dictées.
En marge
.. \ 4
Nous voici à la fin d'une année; j'essaie de me
rappeler comment 'finît la précédente. Nous'
I venions d'être éprouvés par une grève générale
[ qui,'du reste, était restée assez « particulière »;
; t outefois, / les journaux n'avaient pu paraître
I qu'avec des moyens de fortune. On reprenait In
Dame de chez Maxim, à l'Odéon. Dans une page
fulgurante, M. Albert Bayet dénonçait les calom-
niateurs de la politique moscovite. Tels sont me.*,
souvenirs de décembre 1938. Comme vous le
[ voyez, nous nous acheminions vers le promon-
toire de la sagesse, d'où l'on domine les événe-
ments...
Il est vain de récriminer; il est vain de décou-
per le temps en tranches, pour comparer les uns
aux autres ces morceaux de l'amer gâteau qu'est
la vie. Les divisions du calendrier sont arbi-
traires. Les années ne finissent ni ne commen-
cent; elles passent lentement. Nos erreurs n'ont
pas de saisons. Il n'y a pas de printemps pour
I l'intelligence, et il n'y a pas d'hiver pour l'en-
gourdissement de notre clairvoyance. Nous vivons
en nous trompant; nous vivons même de nous
tromper. Toutes les philosophies sont des images
qui'représentent le bien ou le mal à notre gré,
selon notre humeur passagère et changeante. « Je
vols le'bien; je l'approuve, et je fais le mal », dit le
personnage d'Ovide. « Danses macabres » et « Ker-
messes » décorent la galerie des jours, et nous ou-
blions que nous y avons servi de modèles. L'orage
nous surprend toujours, quelque sombres
qu'aient été les mauvais nuages annonciateurs,
et nous croyons que l'éclaircie vient à l'appel de
notre désir.
Ce pessimisme, bien entendu, ne s!inspire pas
des faits:'présents. Taillants devant le péril, nous
faisons 'trêve à nos imprévoyances. Pour la .pre-
mière, fois depuis que les années s'achèvent, nous
sommés prêts à commencer la prochaine en par-
fait état d'esprit, de vigueur, de volonté. Tout ce
qui doit se faire se fait et rien ne se fait qui ne
doive se faire. Les meilleurs d'entre nous donnent
le meilleur d'eux-mêmes, et les moins bons exé-
cutent la besogne qui leur est naturellement ré-
servée. Chacun est à sa place, aucune place
n'étant vide; Il n'est plus permis de douter des
hommes, devant ce spectacle réconfortant; les
hommes, du reste, ne doutent point de leurs
mérites. Il n'y a de rivalités que pour l'effort
utile.; Les; ambitions égoïstes se sont anéanties,
ou,'plutôt, elles se sont transformées en vertus.
Ariel entraîne Cal iiban, et Caliban suit Ariel.
Sous ces: auspices heureux, jouons donc à
construire l'année 1940 et à la pavoiser de tous
les agréments, ou du moins à y aménager toutes
les commodités. Je me sens, il est vrai, assez
impropre à cet art divinatoire; mais j'ai lu les
prédictions id'une sibylle que consultent volon-
tiers mes contemporains. Cette voyante parisienne
fait commerce gracieux d' « anticipations ». En-
trons, si vous y consentez, dans son temple, qui
n'est point un antre, mais un salon moderne, con-
fortablement meublé. Nous voici sur le sopha des
confidences, devant le guéridon où s'évapore le thé.
Notre hôtesse croque un biscuit mince et dit :
« Nous entrons dans l'ère de la stabilité. Toutes
les réputations seront consolidées. En mars, où
en avril-, au plus tard, nous connaîtrons une tem-
pérature clémente qui accompagnera la, réalisation
de nos espoirs. Plus longues; les journées seront
? rassérénantes plus courtes, -les nuits, seront repo-
- santes. Il y aura des,fleur? dans; les pré«.et sujç Ja ;
fenêtre de Jenny l'ouvrière, comme dans les vases
de nos boudoirs. Nous né manquerons ni d'huile
ni de café.: Les femmes porteront les modes nou-
velles avec une grâce rajeunie. Puis viendra un
été tempéré, préparant un automne d'or et de
légers voiles... En somme, l'année qui vient nous
sera favorable, parce que l'ardeur de nos voeux
l'aura favorisée. » Et la devineresse nous sourit
alors béatement...
JEAN LEFRANC.
LES OPERATIONS
MILITAIRES
COMMUNIQUÉS OFFICIELS FRANÇAIS
DU 17 DÉCEMBRE (SOIR)
Activité réduite.Rien d'important à signaler,
DU 18 DÉCEMBRE (MATIN)
Nuit: calme, quelques tirs d'artillerie,
L'U. R. S. S. et la décision de Genève
Commentaires de la « Pravda »
et des « Izvestia »
On mande de Moscou, le 17 décembre:
La Pravda consacre un long article aux récents
événements de Genève. Cet article est intitulé :
« la Société des nations, instrument de guerre ».
Le ton est celui de l'invective, le thème celui
qui a déjà été exploité par la Pravda elle-même,
d'une France et d'une Angleterre mettant en
scène un spectacle hypocrite « destiné à servir,
leurs visées impérialistes ».
L'article dénie à la réunion de Genève toute
raison d'être. L'assemblée, dit-il, s'est réunie pour
une « prétendue question finlandaise ». Or, il
affirme qu'il n'y a pas de question finlandaise.
L'U. R- S. S. ne mène pas une guerre contre la Fin-
lande et ne la menace pas. L'U. R. S. S. a conclu un
pacte d'asistance mutuelle et d'amitié avec la Répu-
blique démocratique finlandaise, en vertu duquel il est
garanti au peuple finlandais une indépendance totale, '
ainsi qu'un accroissement territorial.
Ce pacte, ajoute la Pravda, « est une réalité
politique. Il est réalisé en collaboration étroite
et amicale avec le gouvernement de la républi-
que démocratique de Finlande. » L'armée rouge,
dit-elle encore, lutte avec l'armée populaire de
Finlande contre les ennemis du peuple ; H laî
clique Mannerheim »., ,s H
Puis, l'article accuse les « puissances impéria-
listes » d'avoir fait de la Société dés nations uni
instrument de guerre à leur usage et d'avoir cher-*
ché, lorsque ?1 U. R. S. -S. eut démasqué leurs;
menées, à dresser contre elle un bloc d'Etats à
leur dévotion. ? <
Ce sont là les passages les plus substantiels de 1
l'article. Le reste n'est que chicanes juridiques,:
moqueries grossières contre la réunion dè; Genève'
où figurait en particulier une « Pologne'- (foutre-
tombe », d'injures aux « tartufes politiques »,:
aux « joueurs de cartes impérialistes qui lisent
d'un jeu truqué », d'allusions perfides aux
Etats-Unis qui, s'étant tenus à l'écart de lu
Société des nations, n'en continuent pas moins iu
y envoyer un « maître d'études » chargé de sur-
veiller les faits ei gestes des Etats de l'Amérique
latine.
Après avoir assuré, sans ironie, que les peuples
« soviétique et finnois considèrent avec un pro-
fond mépris le jeu malpropre des politiciens »,
la Pravda conclut : « L'U. R. S. S. continuera fer-
mement sa politique de paix et d'assistance au
peuple finnois. »
.Faisant écho à la Pravda, les Izvestia attribuent
à une « machination » anglo-française l'exclusion
.de l'U. R. S. S. de la Société des nations.
K .Le journal présente le dernier acte du drame
de' la Baltique comme l'heureux complément des
mesures d'« organisation de la paix » que consti-
tuent les pactes conclus avec l'Estonie, la Letto-
nie et là Lituanie.
'iLe journal officieux montre le « peuple sovié-
tique unanime, complant 183 millions d'habitants,
avec son armée rouge invincible », dressé contre
lé'verdict d'une « organisation pourrissante »
aux mains impérialistes anglo-françaises.
Après s'être demandé ironiquement ce que
.pourrait faire une assemblée des nations sans la
collaboration « de la plus grande puissance du
monde », les Izvestia concluent en se félicitant
de voir Moscou, « les mains libres vis-à-vis des
engagements découlant du covenant, poursuivre
tranquillement son chemin, celui de la lutte pour
la paix, pour le bonheur des travailleurs de tous
les pays et- de tous les peuples, ».
Questions extérieures
il JAPON, L'U.R.S.S. ÊÎ XES ETATS-UNIS
On sait que le traité de commerce nippo-
américain expire le' 20 janvier prochain. Les
événements donnent à la question de-la con-
clusion d'un nouveau traité une particulière
importance.
D'abord le Japon a tiré des Etats-Unis une
grande partie des moyens qui iui ont permis,
tout en combattant en Chine pendant plus de
deux ans, de maintenir au Mandchoukouo des
forces suffisantes en face des Russes. La
guerre de Chine n'étant pas terminée, il a inté-
rêt à conclure sans attendre un nouveau traité
de commerce avec les Etats-Unis.
Mais ce n'est pas tout. La situation écono-
mique du Japon devient de plus en plus diffi-
cile. Sans parler de l'embargo mis sur les
exportations allemandes par la Grande-Bre-
tagne et la France, qui l'empêche de recevoir
le matériel allemand prévu par les accords "de
troc germano-nippons, les matières premières
qu'il trouvait en Australie et au Canada de-
vront être cherchées ailleurs, car ces pays,
réservent leurs ressources à l'Angleterre. Pour
cela encore, c'est vers les Etats-Unis qu'il doit
nécessairement se tourner.
Or la politique américaine à son égard a
été jusqu'à ces derniers temps dépourvue de
sympathie. L'expansion japonaise en Chine a
créé aux Etats-Unis un esprit tellement hos-
tile au Japon que l'on a pu craindre un conflit,
qui, sans qu'on puisse dire qu'il est . devenu
pour toujours impossible, est écarté pour l'ins-
tant '
On a pu remarquer que tant que cet esprit
subsistait en Amérique les Américains ne
voyaient pas d'un mauvais oeil l'aide donnée
par les Russes à la République chinoise; ce
n'est que depuis peu qu'ils voient dans l'action
japonaise en Chine un moyen d'y atténuer
l'influence soviétique.
Quoi qu'il en soit, deux opinions se font jour
aux Etats-Unis à propos de la conclusion
éventuelle d'un nouveau traité de commerce
avec le Japon. Les uns sont pour la conclusion
immédiate, afin d'en tirer au plus vite tous
lès avantages; les autres sont pour attendre
que le Japon ait témoigné d'un désir d'entente
générale et'd'un règlement de toutes les ques-
tions pendantes, entre les deux nations.
L'on peut être sûr, pour les raisons que nous
avons dites, que Tokio n'a nulle envie de sou-
lever des difficultés; des télégrammes récents
le montrent hautement. N'empêche que le
Jàpon laisse entendre qu'il. n'a pas dit son
dernier mot au sujet, des avances que lui font
les Soviets. « Quelque chose .doit être fait du
côté des Soviets », disait le porte-parole du
Gaimusho lors d'une des dernières confé-
rences de presse. Un pacte de non-agression,
spécifiait-il, n'est pas envisagé; mais on sait
d'autre part qu'un accord économique l'est. Et
les Japonais,, à l'étranger comme au Japon
même, déclarent à qui veut les entendre :
<çcNotre attitude à l'égard des Soviets dépen-
,dra de l'attitude de certaines puissances, et des
Etats-Unis en particulier, à notre égard.
! Quel qu'en soit lé dégré de sincérité, lë pro-
|pos ne doit pas nous laisser indifférents. Sur-
tout qu'on, n'aille pas croire absolument im-
i possible quelque accord entre Russes et Japo-
nais. Ce ne serait pas la première fois qu'un
:tp£ accord se verrait. Sans remonter bien loin,
rappelons celui du 20 janvier 1925, qui suivit
' de près l'accord russo-chinois du 31 mai 1924.
: Ce n'est pas sans esprit politique, écrivions-
nous dans le Problème du Pacifique (Dela-
, grave, 1927), qu'après s'être mis d'accord avec
la: Chine, puissance passive de l'Extrême-
Orient, les Soviets, saisissaient l'occasion de se
rapprocher de la puissance active, que les
Anglais et les Américains venaient de déce-
voir et d'humilier, les premiers par l'abandon
de l'alliance, les seconds par l'« Immigration
Act- ». Et nous ajoutions: quoi qu'il en soit
advenu dans la pratique de l'accord russo-
japonais de 1925, cet accord indique de part et
d'autre des tendances et même des puissances
d'entente qui ne sont pas sans signification,
ët qui pourraient être le point de départ d'une
vaste et redoutable politique.
Nous n'avons jamais changé d'avis. Nous
sommes revenu à maintes reprises depuis
lors sur cette politique qui se traduit dans la
bouche des Asiatiques par ces mots ; « L'Asie
: aux Asiatiques. » Certes nous savons que, loin
i de la juger inquiétante par les convoitises que
! ses promoteurs pourraient étendre au delà de
| l'Asie, d'aucuns y voient au contraire de la
part de ceux-ci une concentration d'efforts qui
tend à un équilibre asiatique au moins plus
accessible que l'équilibre mondial dont les
hommes rêvent, parfois au cours des temps de
fixer les conditions. Le monde est fait de diver-
sités que la sagesse consiste à concilier, non
point à supprimer. Le secret de la paix est
peut-être dans la perméabilité et la pénétra-
lion-relative et réciproque d'une Asie et d'une
Europe équilibrées chacune selon son propre
génie...
Malgré tout, le bloc asiatique ne nous paraît
pas souhaitable, et ce n'est pas à nous de l'ai-
der à se constituer. D'ailleurs la France a do
loyaux sujets asiatiques, qui se battent pour
elle en ce moment, et ceux-là ne sauraient ni
peu ni prou faire partie d'un tel bloc.
Les Américains et les Anglais, qui voient le
danger sous l'angle économique, s'en rendent
peut-être mieux compte que nous-mêmes.
Leurs affaires avec la Chine et le Japon sont
à une autre échelle que les nôtres, et se chif-
frent par d'autres sommes dans leur com-
merce général. Déjà l'entente économique à
laquelle tend Tokio entre le Japon, le Mand-
choukouo et la Chine, et qui permettrait à ces
trois pays de se suffire à eux-mêmes pour la
plupart des produits, sauf le pétrole, le cui-
vre et le caoutchouc - ce qui pourtant n'est
pas peu de chose, -^ les inquiète et les tour-
mente. Que serait-ce d'une entente politique
étendue à d'autres pays ! En tout cas Washing-
ton et Londres ont, depuis quelques jours, à
l'égard de Tokio une attitude qui ne peut que
faciliter la conclusion de nouveaux arrange-
ments, et qui en même temps ne permet plus
;à celui-ci de les menacer de se lier à fond
avec Moscou; des nouvelles toutes récentes
.montrent même que les. Soviets s'en sont .im-
médiatement offusqués.
Une partie diplomatique très serrée est donc
engagée entre ces capitales, et elle doit d'au-
tant plus retenir notre attention que, quelle
qu'en soit l'issue, elle aura nécessairement ses
répercussions sur la guerre.
ANDRÉ DUBOSCQ.
LA FIN DE L' « ADMIRAL-GRAF-SPEE »
Le " cuirassé de poche )) allemand quitte le port de Montevideo
dimanche à 17 h. 15, gagne le large et à 17 h. 55 se fait sauter
S'étant vu refuser par les experts, un délai sup-
plémentaire que son'commandant avait demandé
pour achever la réparation des avaries, l'Admiral-
Graf-Spee, qui s'était réfugié dans le port de Mon-
tevideo après le combat de mercredi dernier, a
leyé l'ancre dimanche à 17 h. 15 (heure locale),
après avoir débarqué son équipage. Le navire a
gagné le large. Arrivés à cinq milles de la côte,
ls commandant et les officiers ont quitté le na-
vire, après avoir tout disposé pour le sabordage.
Une heure après, que le canot se fut éloigné,
on entendit trois explosions, et le navire orgueil
de la flotte' allemande, disparut en quelques
instants dans'tes flots. .
Lé commandant et les officiers de l'Admiral-
Gràf-Spee ont été recueillis par un croiseur ar-
gentin. .
Voici, dans l'ordre chronologique, la série des
dépêches reçues à Paris dans la soirée de di-
manche, et la matinée de. lundi,
Un délai supplémentaire avait été demandé
et refusé r
Montevideo, 47 décembre.
. .. . . "' - "..
Le délai de soixante-douze heures accordé à
l'Admiral-Graf-Spee par les autorités uruguayen-
nes pour quitter le port de Montevideo prenait
fin ce soir à dix-huit heures, heure locale, soit
environ à 21 h. 30, heure française.
Le ministre d'Allemagne à Montevideo, le doc-
teur Langmann, a demandé au gouvernement uru-
guayen de prolonger ce délai.
Trente et un blessés, dont douze grièvement,
ont été débarqués dans le courant de l'après-
midi.
Berlin, 17 décembre.
L'agence officielle D. N. B. annonce que « c'est
après le refus par le gouvernement uruguayen
d'accorder un nouveau délai au cuirassé allemand
Admiral-Graf-Spee que le commandant s'est dé-
cidé à. détruire son navire en dehors des eaux
territoriales uruguayennes en le faisant sauter. »
Départ de 1' « Admiral-Graf-Spee »
Montevideo, 17 décembre.
L'Admiral-Graf-Spee a levé l'ancre à 17 h. 15
(heure locale).
Avant de lever l'ancre, l'Admiral-Graf-Spee a
fait passer sept cents membres de son équipage
et la plupart de ses approvisionnements à bord
du navire allemand Tacoma, qui se trouve à l'an-
cre dans le port.
Après avoir quitté lentement le port, l'Admiral-
Graf-Spee a augmenté sa vitesse et a franchi
l'entrée du port. A 18 h. 35, il avait quitté le port.
Un poste de radio annonce que l'Admiral-Graf-
Spee sera coulé à 20 heures par son équipage.
Montevideo, 17 décembre.
L'Admiral-Graf-Spee a pris lentement la di-
rection du sud, suivi par le Tacoma.
Deux navires ont été .observés à quelques mè-
tres en dehors des eaux territoriales. Lun était
britannique, l'autre argentin.
Montevideo, 17 décembre.
L'Admiral-Graf-Spee est maintenant hors de
vue.
On l'a vu en dernier lieu suivre la direction
sud-est, le drapeau à svastika déployé sur le mât
principal et le mât arrière.
Le sabordage du navire
New-York, 17 décembre.
L'Admiral-Graf-Spee s'est sabordé à cinq milles
au large de la côte uruguayenne, à 17 h. 55 (heure
locale).
Il y a eu une explosion à la suite de laquelle le
navire a commencé à.couler.
Montevideo, 17 décembre.
L'Admiral-Graf-Spee a disparu dans les flots
à 19 h. 37, après que plusieurs explosions eurent
démantelé ce qui restait du bâtiment.
Le Tacoma croisait à proximité, ainsi que, dan?
les eaux territorales, deux navires de guerre ar-
gentins.
Montevideo, 17 décembre.
L'Admiral-Graf-Spee a coulé après trois explo-
sions successives, pendant que cinq canots s'éloi-
gnaient de lui avec, à bord, le commandant, les
officiers et une partie de l'équipage.
Le sauvetage
de l'équipage de 1' « Admiral-Graf-Spee »
Montevideo, 18 décembre.
Le pétrolier allemand. Tacoma a recueilli le3
membres de l'équipage qui s'étaient sauvés dans
des canots.
De nombreux bateaux du service du port, ainsi
que des embarcations particulières, étaient ac-
courus pour coopérer au sauvetage des survi-
vants.
D'autre part, un bateau de guerre britannique
s'est dirigé à toute vitesse vers le lieu du sabor-
dage.
Montevideo, 18 décembre.
-. . _. ?.' . , ... - . . . . . >
Un canot du croiseur argentin Libertad & re-,
cueilli le commandant-et les officiers de l'Admiral-
Graf-Spee. ,
Montevideo, 18 décembre,
Pendant tout , le temps que l'Admiral-Graf-Spee
mit à couler, les avions des croiseurs britanniques
n'ont cessé de le survoler, sans d'ailleurs lancer de
bombes.
On apprend qu'avant son départ de Montevideo,
ie commandant de ll'Admiral-Graf-Spee avait fait-
parvenir aux autorités maritimes uruguayennes
une lettre dont on ignore encore le contenu.
On déclare que l'ordre donné par le goùverne-
ment allemand de saborder l'Admiral-Graf-Spee a
été lancé en raison de la certitude que les navires
do guerre alliés infligeraient au navire allemand
uiie rude défaite, qu'il fallait éviter, l'Admiral-
Graf-Spee étant l'orgueil de la marine allemande.
Remerciements et protestation
du, commandant de 1' « Admiral-Graf-Spee »
. . i , ? Montevideo, 18 décembre.
Le commandant de l'Admiral-Graf-Spee, dans
ui$ lettre adressée au ministre d'Allemagne à
Montevideo, a exprimé ses remerciements au peu-
ple uruguayen pour ses démonstrations de sympa-
thie et ses sentiments chevaleresques à l'égard des
morts et des blessés du croiseur allemand. Mais
il a, d'autre part, protesté contre le refus du gou-
vernement uruguayen d'accorder une prolongation
de quinze jours du délai qu'il avait demandé pour
effectuer les réparations de son navire.
Montevideo, 18 décembre.
Le ministre d'Allemagne a présenté au minis-
tre des affaires étrangères, M. Guani, une note
protestant contre la violation du droit interna-
tional, dans le cas de l'Admiral-Graf-Spee.
1
La neutralité américaine a-t-elle été violée ?
Washington, 18 décembre.
Le sabordage de l'Admiral-Graf-Spee a
mis fin à l'inquiétude des milieux diplomatiques
américains qui redoutaient qu'une nouvelle ba-
taille navale ne se déroulât, dans la zone de
sécurité de 300 milles, définie dans la conférence
de Panama.
La violation de cette zone est une question qui
n'est, d'ailleurs, pas encore réglée : celle-ci doit
faire l'objet de conversations diplomatiques entre
tous les pays de l'hémisphère américain en vue
d'empêcher "la répétition d'incidents analogues a
celui de l'Admiral-Graf-Spee.
Dans les mêmes milieu;:, on fait remarquer
toutefois qu'il n'est' pas question d'envoyer une
force navale pour faire respecter cette "zone de
sécurité.
Une réunion à la chancellerie des représentants
diplomatiques des pays américains avait eu lieu
dimanche après-midi à Montevideo en présente
de M. Guani, ministre des affaires étrangères, afin
d'examiner les conclusions du congrès panamé-
ricain de Panama et les problèmes résultant du
combat naval de Punta dej Este. La réunion avait
été convoquée par l'ambassadeur du Brésil, vice-
doyen du corps diplomatique, le doyen, l'ambas-
sadeur de l'Argentine étant absent.
M. Roosevelt a refusé de commenter la nouvelle
du sabordage du navire allemand.
Les sabordages précédents
Londres, 18 décembre.
Le sabordage de l'Admiral-Graf-Spee par
sson équipage évoque, dans les milieux britan-
niques, le souvenir de la flotte allemande qui,
après la défaite du Reich, s'est envoyée par le
lond à Scapa-Flow, le 21 juin 1919.
74 navires de guerre allemands, dont 10 navires
de ligne et 5 croiseurs ont été ainsi détruits sur
l'ordre de leurs commandants.
Le chancelier Hitler a d'ailleurs rappelé cet
événement lors du lancement du Bismarck, en
février dernier.
On rappelle, en outre, dans les milieux britan-
niques, que depuis le début de la guerre 19 na-
vires de commerce allemands, ont été coulés par
leurs équipages plutôt que de se rendre aux An-
glais. Le dernier était le Ténériffe qui s'est en-
voyé par le fond la semaine dernière.
Les Allemands ont perdu en tout, depuis le
début de la guerre, 186,000 tonnes de navires
marchands.
Les victimes de l'« Exeter »
et de l'« Ajax »
L'amirauté britannique fait connaître les perles
éprouvées par les croiseurs britanniques au
au cours du combat du rio de la Plata.
L'Exeter a perdu 5 officiers et 56 matelots tués,
3 officiers et 20 matelots blessés. L'Ajax a perdu
7 matelots tués, 1 blessé grièvement, 4 blessés.
Après avoir indiqué le bilan des victimes de
l'Exeter, le communiqué de l'amirauté ajoute :
« L'ambassadeur de Grande - Bretagne à
Buenos-Aires a pris des dispositions pour qu'un
navire hôpital temporaire soit envoyé à la ren-
contre de l'Exeter. Le personnel de ce navire sera
placé sous la direction du docteur Petty, doyen
des chirurgiens do l'hôpital britannique de
Buenos-Aires, et se compose de trois docteurs,
d'un radiologue et de douze infirmiers. Le navire
doit également emmener un appareil à rayons X
et un matériel complet d'hôpital. »
L'EMBARGO
sur les exportations allemandes
Le ministère britannique de la guerre économique
publie le communiqué suivant :
Le vapeur japonais Sanyo-Màru, transportant
une cargaison d'exportations allemandes, a été
relâché de la base de contrôle de contrebande
des downs, cet après-midi, après y être demeuré
vingt-quatre heures.
Le gouvernement japonais avait auparavant
donné l'assurance que tous les produits d'origine
allemande se trouvant à bord avaient été payés
antérieurement au 27 novembre.
On se souviendra que la déclaration officielle
publiée avec l'ordre en conseil du 27 novembre
sur l'embargo des exportations allemandes indi-
quait que pourraient être exemptés les produits
d'origine allemande qui étaient devenus propriété
neutre antérieurement à cette date. Par consé-
quent, lorsque le Sanyo-Maru, est arrivé aux
downs, il était simplement nécessaire de vérifier
que sa cargaison no contenait pas d'autres pro-
duits d'origine allemande non couverts par la
garantie japonaise.
EN LETTONIE
Le rapatriement des Allemands est terminé
On mande de Riga :
Les opérations de rapatriement du groupe eth-
nique des Allemands de Lettonie se sont terminées
conformément au traité conclu le 30 octobre.
Lés derniers émigrants se sont rendus à bord
du paquebot Sierra-Cordoba, qui est parti samedi.
Le nombre total des émigrants atteint presque
48,009.
SUR MER
Navires coulés
On mande de Londres :
Après avoir passé sept heures dans des canots
de sauvetage, les dix-sept membres de l'équipage
du vapeur Amble, enregistré à Newcastle. «t jau-
geant 1.162 tonnes, coulé par une mine, ont été
recueillis et débarqués dans un port de la côte
nord-est de l'Angleterre samedi dernier.
L'un des membres de l'équipage a rapporté
qu'immédiatement après l'explosion les canots
avaient été mis à la mer, et que, légèrement
vêtus, lui et la plupart de ses camarades avaient
considérablement souffert du froid avant d'être
recueillis par un bateau à moteur. L'Amble a som-
bré trois quarts d'heure après que l'explosion se
tut produite:
Un bateau de sauvetage de la côte nord-est est
rentré ce soir à son port ayant à bord huit resca-
pés du vapeur londonien Serenity (487 tonnes),
qui avait été coulé.
A/0X ETATS-UNIS
M. John Nance Garner
candidat à la présidence des Etats-Unis
On télégraphie de Vualde (Texas) :
M. John Nance Garner, vice-président des Etats-
Unis, a annoncé qu'il accepterait d'être le candidat
du parti démocrate aux élections de 1940 à la
présidence des Etats-Unis. M. Garner représente
les éléments conservateurs du parti démocrate qui
s'opposent aux réformes sociales entreprises par
M. Roosevelt, et aux partisans du New Deal,
On s'aboitee aux Bnreaux du Journal, 5, RUE DES ITALHSNS, I? PARIS (9'), et dans tous les Bureaux de Poste
MARDI 19 DECEMBRE 1939
FONDATEUR S A-UGRUISTO NEPPTZSR (îssi)
A.KRCIEÎIRS DIRECTEURS ;
?Axir-ien. HBBRARD :lias7-i9i*)
Emile HÉBR.ARD (leia-iaas) v
?A-cixvlexi IïÉBK.A.R.13 îsSB-isas)
LQXTXS-MZIjIj (1938-1B31)
XSrELEGXETjH.s :
Jsuoquea OHASTENET et Emile .M-TU.TT A, J-RV
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LES ABOSKEMElrés DATENT DES i" ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (PARIS et DÉPARTEMENTS) : ÎS centimes
ANNONCES : AUX BUREAUX DU OEsmps, 5, rue des Italiens,
et dans toutes les Agences de Publicité
Le Journal décline toute responsabilité quant à leur teneur
CHÈQUE JPOSTAL t Parie, Numéro GO
SOMMAIRE
' ;PAGE!
Les Communiqués officiels. - La Fin ifc l'Admi-
ral-Graf-Spee. "
PAGE 2
Nouvelles de l'Etranger. - Séance publique an-
nuelle de l'Académie des sciences.
PAKE 3
Les Livres : le Combat contre les ombres, ANDRÉ
THÉRIVE. - Nouvelles du jour. - La Bourse.
, PAGE 4
LA JOURNÉE: DERNIÈRES NOUVELLES.- Les Opé-
rations militaires. - Sur mer. - Lettres du
front : D'un petit poste, JACQUES BOULENGER. -
A Paris.
BULLETIN DU JOUR
LA DESTRUCTION DU « GRAF-VON-SPEE »
La fin du « cuirassé de poche » Graf-von-
Spee, au large de la baie de Montevidec,
n'ajoute pas précisément une page glorieuse
à l'histoire de la marine de guerre allemande.
Pour un peuple qui, il faut le reconnaître, a
le. sens du courage militaire et de la bravoure
et pour un régime qui vit dé gestes spectacu-
laires, ce « suicide » du bâtiment qui " a
coulé impitoyablement tant de navires mar-
chands sans défense dans l'Atlantique du Sud
est difficile à expliquer du point de vue
psychologique. On rie doute pas que le com-
mandant du cuirassé allemand ne se soit stric-
tement conformé à des ordres donnés par
Berlin, probablement par le Fiihrer en per-
sonne, mais il a dû en coûter à sa fierté de
marin de succomber dans de telles conditions.
Les Anglais ont raison de rappeler, en pré-
sence de la fin lamentable du Graf-von-Spee,
la fin glorieuse du Rawalpindi, ce simple pa-
quebot transformé en bâtiment armé, qui
accepta héroïquement la bataille contre le
Deulschland, dont lés moyens de combat
étaient très supérieurs-aux siens, et qui sut
périr en combattant. Il est très vrai que dans
l'histoire de la marine allemande elle-même
il y eut, au cours-de l'autre guerre, des faits
d'armes - notamment la fin du croiseur
Emden et du Scharnhorst - qui contrastent
heureusement avec le * sort du meilleur « cui-
rassé de poche » dont disposait le Reich.
Le suicide, c'est-à-dire la fuite devant la
lutte pour la vie, n'est jamais un acte de cou-
rage. Dans le cas du Graf-von-Spee il prend
aux yeux du monde entier une signification
singulièrement pénible. Il est toujours glo-
rieux de succomber en combattant; .il peut
être douloureux, mais honorable, pour un
navire de guerre dont la puissance de combat
est irrémédiablement réduite, de devoir ,se
résigner à l'internement et au. désarmement
dans un port neutre; mais le cas du « cuirassé
de poche » construit et . armé de manière à
pouvoir affronter la lutte ; avec les meilleures
chances de succès contre des navires d'un ton-
nage supérieur, et que son équipage lui-même
détruit avant d'accepter le combat, est infi-
niment plus discutable. Il l'est surtout à la
lumière des informations complémentaires
que l'on transmet ce matin de Wontévideo
et .qui fixent ce drame dans „san, véritable
caractère, et*" à son véritable plan. Comme tout
ce qu'entreprennent les Allemands, ce « sui-'
cide » du' Graf-von-Spee fut minutieusement
organisé et mis en scène.' Les moindres détails
d'exécution avaient été prévus. Le transborde-
ment des- approvisionnements et de la plus
grande partie de l'équipage à bord d'un cargo
allemand, le Tacoma, lequel se tint à proxi-
mité du bâtiment d'avance sacrifié, afin dé
recueillir ceux qui étaient chargés de l'exécu-
tion du projet, le prouve. Le fait que le navire
fut détruit par des engins à retardement, alors
que le Graf-von-Spee était abandonné déjà
par son équipage et ses officiers, réfugiés sur
un aviso qui les transborda sur un bâtiment
de guerre argentin, le Libertad, qui les conduit
à Buenos-Aires, réduit à une simple opération
dé destruction mécanique ce qu'on avait voulu
représenter d'abord comme un sacrifice volon-
taire sublime, comme un acte d'héroïsme
personnel peut-être unique dans l'histoire des
guerres navales. La propagande allemande
aura sans doute quelque peine à réagir contre
l'impression produite par cette fin du bâtiment
allemand qui trop longtemps fit peser un si
grave danger sur la navigation commerciàle
.et pacifique dans l'Atlantique du Sud.
Les spécialistes des questions navales ne
manqueront pas de dégager de l'expérience
du Graf-von-Spee tous les enseignements
qu'elle comporte du point de vue technique;
mais, pour autant qu'on puisse en juger par
les faits tels qu'ils sont connus, il apparaît
bien que les « cuirassés de poché qui par
leur vitesse et la puissance de leur, armement
devaient pouvoir affronter lé combat dans, les
conditions les plus difficiles, ne rendent pas
ce que les Allemands en attendaient.. Ce sont
des croiseurs anglais de 8,600 tonnes seule-
ment, pourvus d'une artillerie de portée beau-
coup plus limitée que celle du cuirassé alle-
mand, qui ont su atteindre gravement celui-ci,
le. contraindre à fuir le combat et à chercher
un refuge dans la rafle de Montevideo. Le
monde entier a rendu hommage à l'habileté
manceuvrière et à la bravoure des "marins an-
glais, mais on peut supposer ' que celles-ci
eussent peut-être été. moins efficaces si le
« cuirassé dé poche » allemand avait réelle-
ment.été, tel qu'il fut construit et armé, à la
hauteur de la tâche pour, laquelle il avait été
créé. Ce qui est certain, c'est que la perte, du
Graf-von-Spee, qui prive l'Allemagne d'un
de ses trois « cuirassés de poche », porté un
coup sensible à la marine de guerre du Reich.
L'engagement naval de Montevideo confirme
dé façon éclatante, quoi que puisse prétendre
la propagande allemande, la maîtrisé franco-
britannique des mers.
On constate que le gouvernement de l'Uru-
guay" a agi dans, cette délicate affaire avec un
réel souci de som devoir de neutralité. Il semble
bien qu'il se soit conformé rigoureusement
&ux obligations résultant de la convention de
là Haye, qu'il ait. autorisé le bâtiment de
guerre allemand réfugié en rade de Montevi-
deo h procéder aux. réparations .indispensa-
bles' pour la remise en état de. ses moyens de
.navigation, tout en lui refusant la réparation
effective de ses moyens de combat. Lë délai
du séjour du Graf-von-Spe était normal, et
en refusant de prolonger ce-délai le gou-
vernement de l'Uruguay a agi conformé-
ment au droit établi. Ce refus a obligé le com-
mandant . du « cuirassé de poche » allemand
à choisir entre l'internement, un nouveau
combat dans des conditions désespérées ou le
sabordage de son bâtiment. S'il s'est décidé à
couler son navire sans essayer de combattre,
la responsabilité en incombe à ceux qui lui
ont donné l'ordre de le faire. Le cas du Graf-
von-Spee aura-t-il des suites diplomatiques ?
On a parlé, en effet, d'une protestation de
l'Uruguay, appuyée par les autres républi-'
ques sud-américaines, contre ce qu'on appelle
une violation de la zone de neutralité établie
pour |a sécurité du littoral des Etats amé-
ricains.
A l'heure où nous écrivons on ignore si une
telle protestation a été officiellement adressée
à Londres et à Berlin. Il est à noter que la
zone de neutralité de 300 milles - c'est-à-dire
dépassant de beaucoup la limite des eaux ter-
ritoriales proprement dites - a été fixée par
une simple déclaration de la conférence de-
Panama, qu'elle n'a, fait l'objet d'aucune con-
vention internationale, et que dès lors elle ne
saurait-constituer une stricte obligation pour
les puissances qui ne l'ont pas officiellement
admise et reconnue. Les Sud-Américains sa-
vent bien, au surplus,
sur mer la loiAinternationale, et qu'ils .ont le
constant souci d'éviter des complications de
nature à susciter des difficultés aux neutres
de bonne foi.
LA PAIX SOCIALE
On ne saurait méconnaître les efforts du
gouvernement pour maintenir la-paix sociale,
condition évidente de notre force de résistance
intérieure. Le décret du 10 novembre dernier
en ce qui concerne la désignation des délégués
du personnel a ainsi eu pour objet d'éviter
d'abord dans les entreprises, en supprimant
l'élection directe, « les discussions et une agi-
tation incompatibles avec l'état de guerre ».
Mais le gouvernement n'a nullement songé à
supprimer la délégation ouvrière, « institution
qui a fait ses preuves », dit la circulaire que
le ministre du travail vient d'adresser aux ins-
pecteurs divisionnaires et départementaux,
« et dont il escompte plus que jamais de bien-
faisants effets ».
La désignation des délégués, soustraite à
l'élection, a donc été, comme l'on sait, réservée
aux organisations ouvrières les plus représen-
tatives dans chaque établissement.
Cette modification était de nature à sou-
lever certaines objections, dont la plus grave
est sans doute de donner aux syndicats ou-
vriers affiliés à la C. G. T., où l'influence com-
muniste n'a peut-être pas entièrement disparu,
un privilège exorbitant. Et n'est-ce pas porter
atteinte à la liberté individuelle des ouvriers
que de les faire obligatoirement représenter
par un délégué du! syndicat - même si ce
syndicat est le plus représentatif ? N'est-ce pas
la voie ouverte au syndicat obligatoire ?
La circulaire de M. Pomaret, ministre du
travail, qu'a publiée le Journal officiel du
16 décembre répond visiblement à ces. préoc-
cupations. _ "v*"
Il va sans dire que, surtout en période de
guerre, l'institution des délégués ouvriers, « doit
rester un" instrument de paix sociale »:. Elle
doit être * un organe dé collaboration, et non,
comme il est arrivé trop souvent, une arme
de lutte de classe. Le ministre du travail in-
siste en outre sur le fait que « le gouvernement
a considéré comme attentatoires à l'unité na-
tionale et à la paix publique lès agissements
de ceux qui, avec cynisme ou sournoisement,
se sont faits . les exécuteurs de consignes ve-
nues de l'étranger et ont risqué de détruire
l'armature du pays ». Il conviendra de veiller
avec soin à ce que, sous le masque de défen-
seurs de la cause ouvrière, ne se glissent
parmi les délégués dés fauteurs de désordre
plus ou moins habilement dissimulés. Les ins-
pecteurs du "travail auront donc une sorte de
droit Ae veto, puisque, dit la' circulaire, fis de-
vront exiger « que le délégué n'ait appartenu
a aucune des formations visées par le décret-
loi du 20 septembre 1939 », ët que, par suite,
l'exercice du mandat de délégué sera interdit
« non seulement à un ouvrier qui aurait adhéré
à une de ces formations, mais encore à celui
qui aurait participé personnellement à la di-
rection d'organisations professionnelles ratta-
chées en quelque manière à ces formations »,
sans exclure toutefois tous les adhérents de
naguère qui ont donné, « par des témoignages
certains », des gages d'indépendance à l'égard
du communisme.-
II y a là une série de précautions qui étaient
en effet indispensables. Suffiront-elles pour
dépister et pour empêcher de nuire tous les
agents clandestins du parti communiste, c'est-
à-dire du parti de l'étranger, qui ne sont pas
toujours les mêmes que les militants officiels
de naguère ?
En ce qui concerne la désignation par les
syndicats, la circulaire ministérielle est, il faut
le reconnaître, assez libérale. Toutefois, pren-
dre « comme élément indicatif les résultats
de la dernière consultation électorale » n'est
peut-être pas d'une absolue prudence. Il est
vrai que les Organisations légales consultées
ne pourront être que celles dont les dirigeants
n'ont appartenu à aucune des formations in-
terdites, sauf si ces groupements « ont procédé
à leur réorganisation après épuration ». Mais
là aussi un contrôle sérieux devra être exercé.
En cas de partage des voix lors de la der-
nière consultation électorale, chacune des or-
ganisations en présence qui peuvent « préten-
dre au caractère'représentatif, à la fois par
leur indépendance, leur importance et leur
activité », sera associée au partage des sièges
des délégués à pourvoir. Il ne saurait donc
y avoir exclusivité en faveur d'un syndicat
- et cette stipulation est extrêmement pré-
cieuse. Il importe qu'elle soit appliquée dans
un esprit de-très large libéralisme.- Même
des groupements « n'ayant pas la forme stric-
tement syndicale », pourvu qu'ils puissent
prétendre âù « caractère .représentatif » indi-
qué plus haut, pourront; se voir attribuer la
désignation de délégués. Souhaitons que cette
décision ne reste pas lettre morte.
La circulaire exige, conformément au dé-
cret, certaines conditions concernant les délé-
gués : ils devront avoir, saug impossibilité, un
an d'ancienneté dans l'établissement, être
Français, âgés de 25 ans, savoir lire et écrire,
n'avoir encouru-' aucune condamnation. Tout
cela n'était pas toujours observé jusqu'à
présent. ,.>' -,
Soulignons enfin que le délai de deux mois
prévu ? par 1 le décret-loi'du 40 novembre pour
la désignation des délégués ouvriers n'est pas
absolument* rigoùreux «Il faut " laisser au
temps, dit sagement la circulaire ministérielle,
le soin de développer et dè consolider les élé-
ments de représentation ; ouvrière. Une trop
grande hâte assortie d'improvisation seràit
nuisible au bon fonctionnement de l'institu-
tion. » Nous, avons pu, hélas ! mesurer les
désastres que provoque une législation sociale
improvisée et hâtive: H serait temps de recon-
naître que les seules réformes viables et effi-
caces sont celles qui, entrées déjà dans les
moeurs presque spontanément, ont eu le temps
de mûrir. "
Le ministre du travail s'est donc efforcé
d'atténuer ,les inconvénients que. pouvait faire
redouter le décret-loi sûr la désignation des
délégués du personnel. Il ne pouvait les effa-
cer entièrement. Mais la circulaire du 16 dé-
cembre apporte des garanties sérieusés, et qûi
seront efficaces - si les inspecteurs' du travail
les appliquent dans l'esprit qui les a dictées.
En marge
.. \ 4
Nous voici à la fin d'une année; j'essaie de me
rappeler comment 'finît la précédente. Nous'
I venions d'être éprouvés par une grève générale
[ qui,'du reste, était restée assez « particulière »;
; t outefois, / les journaux n'avaient pu paraître
I qu'avec des moyens de fortune. On reprenait In
Dame de chez Maxim, à l'Odéon. Dans une page
fulgurante, M. Albert Bayet dénonçait les calom-
niateurs de la politique moscovite. Tels sont me.*,
souvenirs de décembre 1938. Comme vous le
[ voyez, nous nous acheminions vers le promon-
toire de la sagesse, d'où l'on domine les événe-
ments...
Il est vain de récriminer; il est vain de décou-
per le temps en tranches, pour comparer les uns
aux autres ces morceaux de l'amer gâteau qu'est
la vie. Les divisions du calendrier sont arbi-
traires. Les années ne finissent ni ne commen-
cent; elles passent lentement. Nos erreurs n'ont
pas de saisons. Il n'y a pas de printemps pour
I l'intelligence, et il n'y a pas d'hiver pour l'en-
gourdissement de notre clairvoyance. Nous vivons
en nous trompant; nous vivons même de nous
tromper. Toutes les philosophies sont des images
qui'représentent le bien ou le mal à notre gré,
selon notre humeur passagère et changeante. « Je
vols le'bien; je l'approuve, et je fais le mal », dit le
personnage d'Ovide. « Danses macabres » et « Ker-
messes » décorent la galerie des jours, et nous ou-
blions que nous y avons servi de modèles. L'orage
nous surprend toujours, quelque sombres
qu'aient été les mauvais nuages annonciateurs,
et nous croyons que l'éclaircie vient à l'appel de
notre désir.
Ce pessimisme, bien entendu, ne s!inspire pas
des faits:'présents. Taillants devant le péril, nous
faisons 'trêve à nos imprévoyances. Pour la .pre-
mière, fois depuis que les années s'achèvent, nous
sommés prêts à commencer la prochaine en par-
fait état d'esprit, de vigueur, de volonté. Tout ce
qui doit se faire se fait et rien ne se fait qui ne
doive se faire. Les meilleurs d'entre nous donnent
le meilleur d'eux-mêmes, et les moins bons exé-
cutent la besogne qui leur est naturellement ré-
servée. Chacun est à sa place, aucune place
n'étant vide; Il n'est plus permis de douter des
hommes, devant ce spectacle réconfortant; les
hommes, du reste, ne doutent point de leurs
mérites. Il n'y a de rivalités que pour l'effort
utile.; Les; ambitions égoïstes se sont anéanties,
ou,'plutôt, elles se sont transformées en vertus.
Ariel entraîne Cal iiban, et Caliban suit Ariel.
Sous ces: auspices heureux, jouons donc à
construire l'année 1940 et à la pavoiser de tous
les agréments, ou du moins à y aménager toutes
les commodités. Je me sens, il est vrai, assez
impropre à cet art divinatoire; mais j'ai lu les
prédictions id'une sibylle que consultent volon-
tiers mes contemporains. Cette voyante parisienne
fait commerce gracieux d' « anticipations ». En-
trons, si vous y consentez, dans son temple, qui
n'est point un antre, mais un salon moderne, con-
fortablement meublé. Nous voici sur le sopha des
confidences, devant le guéridon où s'évapore le thé.
Notre hôtesse croque un biscuit mince et dit :
« Nous entrons dans l'ère de la stabilité. Toutes
les réputations seront consolidées. En mars, où
en avril-, au plus tard, nous connaîtrons une tem-
pérature clémente qui accompagnera la, réalisation
de nos espoirs. Plus longues; les journées seront
? rassérénantes plus courtes, -les nuits, seront repo-
- santes. Il y aura des,fleur? dans; les pré«.et sujç Ja ;
fenêtre de Jenny l'ouvrière, comme dans les vases
de nos boudoirs. Nous né manquerons ni d'huile
ni de café.: Les femmes porteront les modes nou-
velles avec une grâce rajeunie. Puis viendra un
été tempéré, préparant un automne d'or et de
légers voiles... En somme, l'année qui vient nous
sera favorable, parce que l'ardeur de nos voeux
l'aura favorisée. » Et la devineresse nous sourit
alors béatement...
JEAN LEFRANC.
LES OPERATIONS
MILITAIRES
COMMUNIQUÉS OFFICIELS FRANÇAIS
DU 17 DÉCEMBRE (SOIR)
Activité réduite.Rien d'important à signaler,
DU 18 DÉCEMBRE (MATIN)
Nuit: calme, quelques tirs d'artillerie,
L'U. R. S. S. et la décision de Genève
Commentaires de la « Pravda »
et des « Izvestia »
On mande de Moscou, le 17 décembre:
La Pravda consacre un long article aux récents
événements de Genève. Cet article est intitulé :
« la Société des nations, instrument de guerre ».
Le ton est celui de l'invective, le thème celui
qui a déjà été exploité par la Pravda elle-même,
d'une France et d'une Angleterre mettant en
scène un spectacle hypocrite « destiné à servir,
leurs visées impérialistes ».
L'article dénie à la réunion de Genève toute
raison d'être. L'assemblée, dit-il, s'est réunie pour
une « prétendue question finlandaise ». Or, il
affirme qu'il n'y a pas de question finlandaise.
L'U. R- S. S. ne mène pas une guerre contre la Fin-
lande et ne la menace pas. L'U. R. S. S. a conclu un
pacte d'asistance mutuelle et d'amitié avec la Répu-
blique démocratique finlandaise, en vertu duquel il est
garanti au peuple finlandais une indépendance totale, '
ainsi qu'un accroissement territorial.
Ce pacte, ajoute la Pravda, « est une réalité
politique. Il est réalisé en collaboration étroite
et amicale avec le gouvernement de la républi-
que démocratique de Finlande. » L'armée rouge,
dit-elle encore, lutte avec l'armée populaire de
Finlande contre les ennemis du peuple ; H laî
clique Mannerheim »., ,s H
Puis, l'article accuse les « puissances impéria-
listes » d'avoir fait de la Société dés nations uni
instrument de guerre à leur usage et d'avoir cher-*
ché, lorsque ?1 U. R. S. -S. eut démasqué leurs;
menées, à dresser contre elle un bloc d'Etats à
leur dévotion. ? <
Ce sont là les passages les plus substantiels de 1
l'article. Le reste n'est que chicanes juridiques,:
moqueries grossières contre la réunion dè; Genève'
où figurait en particulier une « Pologne'- (foutre-
tombe », d'injures aux « tartufes politiques »,:
aux « joueurs de cartes impérialistes qui lisent
d'un jeu truqué », d'allusions perfides aux
Etats-Unis qui, s'étant tenus à l'écart de lu
Société des nations, n'en continuent pas moins iu
y envoyer un « maître d'études » chargé de sur-
veiller les faits ei gestes des Etats de l'Amérique
latine.
Après avoir assuré, sans ironie, que les peuples
« soviétique et finnois considèrent avec un pro-
fond mépris le jeu malpropre des politiciens »,
la Pravda conclut : « L'U. R. S. S. continuera fer-
mement sa politique de paix et d'assistance au
peuple finnois. »
.Faisant écho à la Pravda, les Izvestia attribuent
à une « machination » anglo-française l'exclusion
.de l'U. R. S. S. de la Société des nations.
K .Le journal présente le dernier acte du drame
de' la Baltique comme l'heureux complément des
mesures d'« organisation de la paix » que consti-
tuent les pactes conclus avec l'Estonie, la Letto-
nie et là Lituanie.
'iLe journal officieux montre le « peuple sovié-
tique unanime, complant 183 millions d'habitants,
avec son armée rouge invincible », dressé contre
lé'verdict d'une « organisation pourrissante »
aux mains impérialistes anglo-françaises.
Après s'être demandé ironiquement ce que
.pourrait faire une assemblée des nations sans la
collaboration « de la plus grande puissance du
monde », les Izvestia concluent en se félicitant
de voir Moscou, « les mains libres vis-à-vis des
engagements découlant du covenant, poursuivre
tranquillement son chemin, celui de la lutte pour
la paix, pour le bonheur des travailleurs de tous
les pays et- de tous les peuples, ».
Questions extérieures
il JAPON, L'U.R.S.S. ÊÎ XES ETATS-UNIS
On sait que le traité de commerce nippo-
américain expire le' 20 janvier prochain. Les
événements donnent à la question de-la con-
clusion d'un nouveau traité une particulière
importance.
D'abord le Japon a tiré des Etats-Unis une
grande partie des moyens qui iui ont permis,
tout en combattant en Chine pendant plus de
deux ans, de maintenir au Mandchoukouo des
forces suffisantes en face des Russes. La
guerre de Chine n'étant pas terminée, il a inté-
rêt à conclure sans attendre un nouveau traité
de commerce avec les Etats-Unis.
Mais ce n'est pas tout. La situation écono-
mique du Japon devient de plus en plus diffi-
cile. Sans parler de l'embargo mis sur les
exportations allemandes par la Grande-Bre-
tagne et la France, qui l'empêche de recevoir
le matériel allemand prévu par les accords "de
troc germano-nippons, les matières premières
qu'il trouvait en Australie et au Canada de-
vront être cherchées ailleurs, car ces pays,
réservent leurs ressources à l'Angleterre. Pour
cela encore, c'est vers les Etats-Unis qu'il doit
nécessairement se tourner.
Or la politique américaine à son égard a
été jusqu'à ces derniers temps dépourvue de
sympathie. L'expansion japonaise en Chine a
créé aux Etats-Unis un esprit tellement hos-
tile au Japon que l'on a pu craindre un conflit,
qui, sans qu'on puisse dire qu'il est . devenu
pour toujours impossible, est écarté pour l'ins-
tant '
On a pu remarquer que tant que cet esprit
subsistait en Amérique les Américains ne
voyaient pas d'un mauvais oeil l'aide donnée
par les Russes à la République chinoise; ce
n'est que depuis peu qu'ils voient dans l'action
japonaise en Chine un moyen d'y atténuer
l'influence soviétique.
Quoi qu'il en soit, deux opinions se font jour
aux Etats-Unis à propos de la conclusion
éventuelle d'un nouveau traité de commerce
avec le Japon. Les uns sont pour la conclusion
immédiate, afin d'en tirer au plus vite tous
lès avantages; les autres sont pour attendre
que le Japon ait témoigné d'un désir d'entente
générale et'd'un règlement de toutes les ques-
tions pendantes, entre les deux nations.
L'on peut être sûr, pour les raisons que nous
avons dites, que Tokio n'a nulle envie de sou-
lever des difficultés; des télégrammes récents
le montrent hautement. N'empêche que le
Jàpon laisse entendre qu'il. n'a pas dit son
dernier mot au sujet, des avances que lui font
les Soviets. « Quelque chose .doit être fait du
côté des Soviets », disait le porte-parole du
Gaimusho lors d'une des dernières confé-
rences de presse. Un pacte de non-agression,
spécifiait-il, n'est pas envisagé; mais on sait
d'autre part qu'un accord économique l'est. Et
les Japonais,, à l'étranger comme au Japon
même, déclarent à qui veut les entendre :
<çcNotre attitude à l'égard des Soviets dépen-
,dra de l'attitude de certaines puissances, et des
Etats-Unis en particulier, à notre égard.
! Quel qu'en soit lé dégré de sincérité, lë pro-
|pos ne doit pas nous laisser indifférents. Sur-
tout qu'on, n'aille pas croire absolument im-
i possible quelque accord entre Russes et Japo-
nais. Ce ne serait pas la première fois qu'un
:tp£ accord se verrait. Sans remonter bien loin,
rappelons celui du 20 janvier 1925, qui suivit
' de près l'accord russo-chinois du 31 mai 1924.
: Ce n'est pas sans esprit politique, écrivions-
nous dans le Problème du Pacifique (Dela-
, grave, 1927), qu'après s'être mis d'accord avec
la: Chine, puissance passive de l'Extrême-
Orient, les Soviets, saisissaient l'occasion de se
rapprocher de la puissance active, que les
Anglais et les Américains venaient de déce-
voir et d'humilier, les premiers par l'abandon
de l'alliance, les seconds par l'« Immigration
Act- ». Et nous ajoutions: quoi qu'il en soit
advenu dans la pratique de l'accord russo-
japonais de 1925, cet accord indique de part et
d'autre des tendances et même des puissances
d'entente qui ne sont pas sans signification,
ët qui pourraient être le point de départ d'une
vaste et redoutable politique.
Nous n'avons jamais changé d'avis. Nous
sommes revenu à maintes reprises depuis
lors sur cette politique qui se traduit dans la
bouche des Asiatiques par ces mots ; « L'Asie
: aux Asiatiques. » Certes nous savons que, loin
i de la juger inquiétante par les convoitises que
! ses promoteurs pourraient étendre au delà de
| l'Asie, d'aucuns y voient au contraire de la
part de ceux-ci une concentration d'efforts qui
tend à un équilibre asiatique au moins plus
accessible que l'équilibre mondial dont les
hommes rêvent, parfois au cours des temps de
fixer les conditions. Le monde est fait de diver-
sités que la sagesse consiste à concilier, non
point à supprimer. Le secret de la paix est
peut-être dans la perméabilité et la pénétra-
lion-relative et réciproque d'une Asie et d'une
Europe équilibrées chacune selon son propre
génie...
Malgré tout, le bloc asiatique ne nous paraît
pas souhaitable, et ce n'est pas à nous de l'ai-
der à se constituer. D'ailleurs la France a do
loyaux sujets asiatiques, qui se battent pour
elle en ce moment, et ceux-là ne sauraient ni
peu ni prou faire partie d'un tel bloc.
Les Américains et les Anglais, qui voient le
danger sous l'angle économique, s'en rendent
peut-être mieux compte que nous-mêmes.
Leurs affaires avec la Chine et le Japon sont
à une autre échelle que les nôtres, et se chif-
frent par d'autres sommes dans leur com-
merce général. Déjà l'entente économique à
laquelle tend Tokio entre le Japon, le Mand-
choukouo et la Chine, et qui permettrait à ces
trois pays de se suffire à eux-mêmes pour la
plupart des produits, sauf le pétrole, le cui-
vre et le caoutchouc - ce qui pourtant n'est
pas peu de chose, -^ les inquiète et les tour-
mente. Que serait-ce d'une entente politique
étendue à d'autres pays ! En tout cas Washing-
ton et Londres ont, depuis quelques jours, à
l'égard de Tokio une attitude qui ne peut que
faciliter la conclusion de nouveaux arrange-
ments, et qui en même temps ne permet plus
;à celui-ci de les menacer de se lier à fond
avec Moscou; des nouvelles toutes récentes
.montrent même que les. Soviets s'en sont .im-
médiatement offusqués.
Une partie diplomatique très serrée est donc
engagée entre ces capitales, et elle doit d'au-
tant plus retenir notre attention que, quelle
qu'en soit l'issue, elle aura nécessairement ses
répercussions sur la guerre.
ANDRÉ DUBOSCQ.
LA FIN DE L' « ADMIRAL-GRAF-SPEE »
Le " cuirassé de poche )) allemand quitte le port de Montevideo
dimanche à 17 h. 15, gagne le large et à 17 h. 55 se fait sauter
S'étant vu refuser par les experts, un délai sup-
plémentaire que son'commandant avait demandé
pour achever la réparation des avaries, l'Admiral-
Graf-Spee, qui s'était réfugié dans le port de Mon-
tevideo après le combat de mercredi dernier, a
leyé l'ancre dimanche à 17 h. 15 (heure locale),
après avoir débarqué son équipage. Le navire a
gagné le large. Arrivés à cinq milles de la côte,
ls commandant et les officiers ont quitté le na-
vire, après avoir tout disposé pour le sabordage.
Une heure après, que le canot se fut éloigné,
on entendit trois explosions, et le navire orgueil
de la flotte' allemande, disparut en quelques
instants dans'tes flots. .
Lé commandant et les officiers de l'Admiral-
Gràf-Spee ont été recueillis par un croiseur ar-
gentin. .
Voici, dans l'ordre chronologique, la série des
dépêches reçues à Paris dans la soirée de di-
manche, et la matinée de. lundi,
Un délai supplémentaire avait été demandé
et refusé r
Montevideo, 47 décembre.
. .. . . "' - "..
Le délai de soixante-douze heures accordé à
l'Admiral-Graf-Spee par les autorités uruguayen-
nes pour quitter le port de Montevideo prenait
fin ce soir à dix-huit heures, heure locale, soit
environ à 21 h. 30, heure française.
Le ministre d'Allemagne à Montevideo, le doc-
teur Langmann, a demandé au gouvernement uru-
guayen de prolonger ce délai.
Trente et un blessés, dont douze grièvement,
ont été débarqués dans le courant de l'après-
midi.
Berlin, 17 décembre.
L'agence officielle D. N. B. annonce que « c'est
après le refus par le gouvernement uruguayen
d'accorder un nouveau délai au cuirassé allemand
Admiral-Graf-Spee que le commandant s'est dé-
cidé à. détruire son navire en dehors des eaux
territoriales uruguayennes en le faisant sauter. »
Départ de 1' « Admiral-Graf-Spee »
Montevideo, 17 décembre.
L'Admiral-Graf-Spee a levé l'ancre à 17 h. 15
(heure locale).
Avant de lever l'ancre, l'Admiral-Graf-Spee a
fait passer sept cents membres de son équipage
et la plupart de ses approvisionnements à bord
du navire allemand Tacoma, qui se trouve à l'an-
cre dans le port.
Après avoir quitté lentement le port, l'Admiral-
Graf-Spee a augmenté sa vitesse et a franchi
l'entrée du port. A 18 h. 35, il avait quitté le port.
Un poste de radio annonce que l'Admiral-Graf-
Spee sera coulé à 20 heures par son équipage.
Montevideo, 17 décembre.
L'Admiral-Graf-Spee a pris lentement la di-
rection du sud, suivi par le Tacoma.
Deux navires ont été .observés à quelques mè-
tres en dehors des eaux territoriales. Lun était
britannique, l'autre argentin.
Montevideo, 17 décembre.
L'Admiral-Graf-Spee est maintenant hors de
vue.
On l'a vu en dernier lieu suivre la direction
sud-est, le drapeau à svastika déployé sur le mât
principal et le mât arrière.
Le sabordage du navire
New-York, 17 décembre.
L'Admiral-Graf-Spee s'est sabordé à cinq milles
au large de la côte uruguayenne, à 17 h. 55 (heure
locale).
Il y a eu une explosion à la suite de laquelle le
navire a commencé à.couler.
Montevideo, 17 décembre.
L'Admiral-Graf-Spee a disparu dans les flots
à 19 h. 37, après que plusieurs explosions eurent
démantelé ce qui restait du bâtiment.
Le Tacoma croisait à proximité, ainsi que, dan?
les eaux territorales, deux navires de guerre ar-
gentins.
Montevideo, 17 décembre.
L'Admiral-Graf-Spee a coulé après trois explo-
sions successives, pendant que cinq canots s'éloi-
gnaient de lui avec, à bord, le commandant, les
officiers et une partie de l'équipage.
Le sauvetage
de l'équipage de 1' « Admiral-Graf-Spee »
Montevideo, 18 décembre.
Le pétrolier allemand. Tacoma a recueilli le3
membres de l'équipage qui s'étaient sauvés dans
des canots.
De nombreux bateaux du service du port, ainsi
que des embarcations particulières, étaient ac-
courus pour coopérer au sauvetage des survi-
vants.
D'autre part, un bateau de guerre britannique
s'est dirigé à toute vitesse vers le lieu du sabor-
dage.
Montevideo, 18 décembre.
-. . _. ?.' . , ... - . . . . . >
Un canot du croiseur argentin Libertad & re-,
cueilli le commandant-et les officiers de l'Admiral-
Graf-Spee. ,
Montevideo, 18 décembre,
Pendant tout , le temps que l'Admiral-Graf-Spee
mit à couler, les avions des croiseurs britanniques
n'ont cessé de le survoler, sans d'ailleurs lancer de
bombes.
On apprend qu'avant son départ de Montevideo,
ie commandant de ll'Admiral-Graf-Spee avait fait-
parvenir aux autorités maritimes uruguayennes
une lettre dont on ignore encore le contenu.
On déclare que l'ordre donné par le goùverne-
ment allemand de saborder l'Admiral-Graf-Spee a
été lancé en raison de la certitude que les navires
do guerre alliés infligeraient au navire allemand
uiie rude défaite, qu'il fallait éviter, l'Admiral-
Graf-Spee étant l'orgueil de la marine allemande.
Remerciements et protestation
du, commandant de 1' « Admiral-Graf-Spee »
. . i , ? Montevideo, 18 décembre.
Le commandant de l'Admiral-Graf-Spee, dans
ui$ lettre adressée au ministre d'Allemagne à
Montevideo, a exprimé ses remerciements au peu-
ple uruguayen pour ses démonstrations de sympa-
thie et ses sentiments chevaleresques à l'égard des
morts et des blessés du croiseur allemand. Mais
il a, d'autre part, protesté contre le refus du gou-
vernement uruguayen d'accorder une prolongation
de quinze jours du délai qu'il avait demandé pour
effectuer les réparations de son navire.
Montevideo, 18 décembre.
Le ministre d'Allemagne a présenté au minis-
tre des affaires étrangères, M. Guani, une note
protestant contre la violation du droit interna-
tional, dans le cas de l'Admiral-Graf-Spee.
1
La neutralité américaine a-t-elle été violée ?
Washington, 18 décembre.
Le sabordage de l'Admiral-Graf-Spee a
mis fin à l'inquiétude des milieux diplomatiques
américains qui redoutaient qu'une nouvelle ba-
taille navale ne se déroulât, dans la zone de
sécurité de 300 milles, définie dans la conférence
de Panama.
La violation de cette zone est une question qui
n'est, d'ailleurs, pas encore réglée : celle-ci doit
faire l'objet de conversations diplomatiques entre
tous les pays de l'hémisphère américain en vue
d'empêcher "la répétition d'incidents analogues a
celui de l'Admiral-Graf-Spee.
Dans les mêmes milieu;:, on fait remarquer
toutefois qu'il n'est' pas question d'envoyer une
force navale pour faire respecter cette "zone de
sécurité.
Une réunion à la chancellerie des représentants
diplomatiques des pays américains avait eu lieu
dimanche après-midi à Montevideo en présente
de M. Guani, ministre des affaires étrangères, afin
d'examiner les conclusions du congrès panamé-
ricain de Panama et les problèmes résultant du
combat naval de Punta dej Este. La réunion avait
été convoquée par l'ambassadeur du Brésil, vice-
doyen du corps diplomatique, le doyen, l'ambas-
sadeur de l'Argentine étant absent.
M. Roosevelt a refusé de commenter la nouvelle
du sabordage du navire allemand.
Les sabordages précédents
Londres, 18 décembre.
Le sabordage de l'Admiral-Graf-Spee par
sson équipage évoque, dans les milieux britan-
niques, le souvenir de la flotte allemande qui,
après la défaite du Reich, s'est envoyée par le
lond à Scapa-Flow, le 21 juin 1919.
74 navires de guerre allemands, dont 10 navires
de ligne et 5 croiseurs ont été ainsi détruits sur
l'ordre de leurs commandants.
Le chancelier Hitler a d'ailleurs rappelé cet
événement lors du lancement du Bismarck, en
février dernier.
On rappelle, en outre, dans les milieux britan-
niques, que depuis le début de la guerre 19 na-
vires de commerce allemands, ont été coulés par
leurs équipages plutôt que de se rendre aux An-
glais. Le dernier était le Ténériffe qui s'est en-
voyé par le fond la semaine dernière.
Les Allemands ont perdu en tout, depuis le
début de la guerre, 186,000 tonnes de navires
marchands.
Les victimes de l'« Exeter »
et de l'« Ajax »
L'amirauté britannique fait connaître les perles
éprouvées par les croiseurs britanniques au
au cours du combat du rio de la Plata.
L'Exeter a perdu 5 officiers et 56 matelots tués,
3 officiers et 20 matelots blessés. L'Ajax a perdu
7 matelots tués, 1 blessé grièvement, 4 blessés.
Après avoir indiqué le bilan des victimes de
l'Exeter, le communiqué de l'amirauté ajoute :
« L'ambassadeur de Grande - Bretagne à
Buenos-Aires a pris des dispositions pour qu'un
navire hôpital temporaire soit envoyé à la ren-
contre de l'Exeter. Le personnel de ce navire sera
placé sous la direction du docteur Petty, doyen
des chirurgiens do l'hôpital britannique de
Buenos-Aires, et se compose de trois docteurs,
d'un radiologue et de douze infirmiers. Le navire
doit également emmener un appareil à rayons X
et un matériel complet d'hôpital. »
L'EMBARGO
sur les exportations allemandes
Le ministère britannique de la guerre économique
publie le communiqué suivant :
Le vapeur japonais Sanyo-Màru, transportant
une cargaison d'exportations allemandes, a été
relâché de la base de contrôle de contrebande
des downs, cet après-midi, après y être demeuré
vingt-quatre heures.
Le gouvernement japonais avait auparavant
donné l'assurance que tous les produits d'origine
allemande se trouvant à bord avaient été payés
antérieurement au 27 novembre.
On se souviendra que la déclaration officielle
publiée avec l'ordre en conseil du 27 novembre
sur l'embargo des exportations allemandes indi-
quait que pourraient être exemptés les produits
d'origine allemande qui étaient devenus propriété
neutre antérieurement à cette date. Par consé-
quent, lorsque le Sanyo-Maru, est arrivé aux
downs, il était simplement nécessaire de vérifier
que sa cargaison no contenait pas d'autres pro-
duits d'origine allemande non couverts par la
garantie japonaise.
EN LETTONIE
Le rapatriement des Allemands est terminé
On mande de Riga :
Les opérations de rapatriement du groupe eth-
nique des Allemands de Lettonie se sont terminées
conformément au traité conclu le 30 octobre.
Lés derniers émigrants se sont rendus à bord
du paquebot Sierra-Cordoba, qui est parti samedi.
Le nombre total des émigrants atteint presque
48,009.
SUR MER
Navires coulés
On mande de Londres :
Après avoir passé sept heures dans des canots
de sauvetage, les dix-sept membres de l'équipage
du vapeur Amble, enregistré à Newcastle. «t jau-
geant 1.162 tonnes, coulé par une mine, ont été
recueillis et débarqués dans un port de la côte
nord-est de l'Angleterre samedi dernier.
L'un des membres de l'équipage a rapporté
qu'immédiatement après l'explosion les canots
avaient été mis à la mer, et que, légèrement
vêtus, lui et la plupart de ses camarades avaient
considérablement souffert du froid avant d'être
recueillis par un bateau à moteur. L'Amble a som-
bré trois quarts d'heure après que l'explosion se
tut produite:
Un bateau de sauvetage de la côte nord-est est
rentré ce soir à son port ayant à bord huit resca-
pés du vapeur londonien Serenity (487 tonnes),
qui avait été coulé.
A/0X ETATS-UNIS
M. John Nance Garner
candidat à la présidence des Etats-Unis
On télégraphie de Vualde (Texas) :
M. John Nance Garner, vice-président des Etats-
Unis, a annoncé qu'il accepterait d'être le candidat
du parti démocrate aux élections de 1940 à la
présidence des Etats-Unis. M. Garner représente
les éléments conservateurs du parti démocrate qui
s'opposent aux réformes sociales entreprises par
M. Roosevelt, et aux partisans du New Deal,
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