Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1930-03-31
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 31 mars 1930 31 mars 1930
Description : 1930/03/31 (Numéro 25058). 1930/03/31 (Numéro 25058).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
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LUNDI 3i MARS 1930
SOJXANTE-DIXIEME ANNEE. N° 25058
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CHÈQUE POSTAI* tFsuria, Numéro 60
aroi~i~A.TEtr~ A.ucr~ste ~rsER. (1e61.)
Anciens Diexcteurs t
jfttdlrien HEBSe^R/ia (1887-1914)
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Adrien KC2SBR,Aï2.I3 (1935-1023)
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Ce numéro est accompagné du « TEMPS
ÉCONOMIQUE ET FINANCIER qui doit être
délivré gratuitement à nos lecteurs.
~OM;M:A.I:RE
̃ ,>AGB 2
£» Allemagne Le Cabinet Brûning. Nouvelles
de l'Etranger. Revue de la presse. Nou-
velles du Jour.
PAGE 3
!Les Accords de la Haye et le plan Young devant
la Chambre: le Projet de loi est adopté par
527 voix contre 38.
Chronique théâtrale, Pisrre Brisson.
PAGE 4
'Sénat le Budget de 4930-1931. Légion d'hon-
neur (ministère des affaires étrangères).
Armée A l'Union nationale des officiers de
réserve. Au Jour le Jour: Logis académiques,
A. Chksnier du Chesne. Académies.
PAGE 5
il l'Hôtel de Ville. Les Inondations dans le
Midi. i Hbunaux la Mise en liberté provi-
soire de Mme Hanau. Faits-divers. Hip-
pisme. Sports. Nouvelles commerciales.'
^Feuilleton « Homicide par imprudence », par
Alice MILLER, roman américain traduit par
M"" Sciobéret. (.° 17.)
PAGE 6
Théâtres. T. S. F'.
Pernières NOUVELLES. La Ratification du plan
Young par la Chambre le Scrutin. A la pré-
• sidenee du conseil.
Paris, le 30 mafs
BUbÈ~~YI'IN DU JOUR
BUIMTINJDD JOUR
LE NOUVEAU CABINET ALLEMAND
M. Brüning, chef du centre catholique, a
soumis dès hier soir au président Hindenburg
la liste des membres du nouveau cabinet
d'empire. L'assentiment du président de la
République ne faisant aucun doute, on peut
considérer la crise ministérielle allemande
comme résolue.
C'est bien la première fois qu'un change-
ment de gouvernement se sera accompli ainsi
à Berlin en quarante-huit heures. Les crises
politiques allemandes durent d'ordinaire des
jours et des semaines, mais, cette fois, les
choses ont marché si rondement que les par-
tis n'ont même pas eu le t&aps de se réunir
et de préciser leur attitude. ?n a appris jeudi
soir, l'entente ne pouvant se faire entre les
groupes de la coalition sur les mesures finan-
cières et notamment sur la contribution de
L'Etat à la caisse de l'assurance chômage, que
le chancelier Müller avait remis au président
de la République la démission du cabinet. Le
lendemain, on apprenait que le maréchal-
président, sans procéder aux traditionnelles
consultations des chefs des groupes parlemen-
taires, avait confié à M. Brüning, le leader du
centre catholique, la mission de former le nou-
veau ministère, et, dès hier soir, on pouvait an-
noncer que la combinaison Brüning était éta-
blie et qu'elle se présenterait -mardi devant le
Reichstag. II. est tout à fait surprenant qu'un
gouverntment. orienté vers la droite ait pu être
ainsi constitué en un tournemain, alors qu'on
sait parfaitement qu'il ne peut trouver une
majorité normale au Parlement pour le sou-
tenir.
M. Brüning va tenter une expérience dans
laquelle bien d'autres, avant lui, ont usé leur
autorité et leur énergie. Ce n'est pas la pre-
mière fois, en effet, que l'on essaye de for-
mer un cabinet dit de personnalités, afin de
dissimuler l'impossibilité où l'on se trouve de
concilier les aspirations et les intérêts des
différents, groupes appelés à collaborer à une
même œuvre gouvernementale. La preuve est
faite que populistes et socialistes ne peuvent se
mettre d'accord sur un programme de politique
financière et économique, de telle sorte que
toute tentative de reconstitution de la grande
coalition serait parfaitement vaine. Mais
l'obstacle à une coalition parlementaire n'est
pas seulement dans l'opposition irréductible
des populistes et des social-démocrates; il est
aussi dans les divergences qui subsistent en-
tre populistes et catholiques centristes et dans
le malaise qu'éprouvent les démocrates à de-
meurer dans une majorité s'orientant de plus
en plus vers la droite. Il eût été difficile dans
ces conditions de négocier un accord à pro-
pos duquel on n'eût pas manqué de voir se re-
produire les marchandages qui ont toujours
retardé pendant des semaines et des mois la
solution des crises politiques de l'autre côté
du Rhin.
M. Briining a cru pouvoir s'en tirer par un
expédient qui le dispense, en quelque sorte, de
négocier avec les groupes du Parlement. Il a
négocier avec les groupes du Parlement. Il a
établi une combinaison valant surtout par les
personnalités qui la composent, sans que l'on
sache exactement dans quelle mesure ces per-
sonnalités engagent réellement les partis dont
elles se réclament. On ne conteste point que
M. Brüning soit qualifié pour parler et agir
au nom du centre catholique, mais il est beau-
coup moins sûr que la presence dans le cabi-
net de M. Schiele, par exemple, suffira à dé-
terminer le ralliement, même partiel, des na-
tionalistes à une politique de concentration
d,es partis modérés. Tel qu'il est composé, le
nouveau cabinet allemand est essentiellement
représentatif des éléments des partis dits
lzeurgeois les plus disposés à la conciliation.
MM. Brûning, Wirth, Stegerwald et von Gue-
rard, pour le centre; MM. Curtius et Mol-
denhauer, pour les populistes; M. Schetzel,
pour les populistes bavarois, et M. Bredt, pour
le parti de l'économie nationale, c'est là une
oombinaison qui serait .accueillie avec un cer-
tain intérêt, si ces personnalités avaient qua-
lité pour engager fermement les partis dont
elles dépendent, et, surtout, si ces partis étaient
en situation de former au Reichstag une véri-
table majorité. Or, sous ce double rapport, on
est loin de compte.
Il n'y a pas que les social-démocrates qui
s'inquiéteront de voir le portefeuille de
l'agriculture confié à M. Schiele, chef des
nationalistes agrariens, et de 'voir, d'au-
tre part, entrer dans la combinaison M.
Treviranus, qui, s'il fut un des députés
nationalistes, qui" furent le courage ;de s'op-
poser à la politique de M. Hugenberg, n'en a
pas moins des tendances réactionnaires assez
inquiétantes pour la démocratie allemande.
Quel appui des: hommes comme M. Schiele et
M. Treviranus peuvent-ils apporter à un gou-
vernement des partis moyens dominé par le
centre catholique.?; Il serait difficile de le dire,
car on reconnaît en général que si M. Hugen-
b.erg reste irréductiblement hostile à tout gou-
vernement dont lui et ses amis n'auraient pas
le contrôle, M. Brûning n'aura pas d'appui à
attendre de la droite. D'ailleurs, si le ministère
nouveau ne peut vivre qu'avec le concours des
nationalistes, il est bien évident que les démo-
crates lui refuseront leur collaboration et qu'il
risquera de perdre à son aile gauche plus qu'il
ne peut raisonnablement espérer gagner à son
aile droite.
Le cabinet Brûning n'est et ne peut être qu'un
cabinet de minorité durant grâce à la com-
plaisance tantôt de la gauche, tantôt de la
droite,: suivant les gircoustances, mais inçâ-
pable d'imposer par ses propres moyens une
politique claire et ferme à un Parlement où
se heurtent les tendances les plus opposées.
Les social-démocrates, qui forment le parti
numériquement le plus puissant du Reichstag,
ne peuvent manquer de réagir 3e toute leur
énergie contre la politique qui tend à gouver-
ner sans eux, sinon contre eux. Le problème e
reste, dès lors, de savoir comment le cabinet
Brüning obtiendra de n'être pas renvei'sé dès
sa première prise de contact avec le Reichstag,
alors qu'il est évident qu'il ne peut trouver
une majorité stable. Il semble bien que dans
certains milieux on compte surtout sur le pres-
tige personnel du président Hindenburg pour
faire durer le ministère présidé par M. Brü-
ning. On est assez porté à croire, en effet, que
c'est le marééhal-président qui aurait en quel-
que sorte improvisé cette combinaison minis-
térielle et qu'il la tenait déjà en réserve lors-
que le chancelier Müller alla lui offrir la dé"-
mission du cabinet de coalition. Les conser-
vateurs et les nationalistes se résoudront-ils • à
soutenir le ministère Brüning par unique pré-
occupation de ne pas s'affirmer en opposition
avec le président Hindenburg et de ne pas pro-
voquer une crise politique qui serait d'autant
plus dangereuse .qu'elle découvrirait en quelque
sorte le chef de l'Etat? La situation est délicate
à tous les points de vue, car une crise de ré-
gime ouvrirait la porte à toutes les aventures,
de l'autre côté du Rhin, et créerait de sérieuses
préoccupations au sujet de la politique géné-
rale de l'Allemagne dans l'ordre européen.
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU ULtVXP»
Londres, 30 mars;
Suivant le Sunday Dispatch, on éprouve, une
certaine inquiétude au sujet de la santé de M.
Mac Donald qui se ressent des fatigues causées
par les difficultés rencontrées au cours de la con-
férence navale, et on ne serait pas surpris que
son médecin lui prescrive un repos complet.
Rome, 30 mars.
M. Mussolini a reçu M. Becker, ancien ministre
de l'instruction publique de Prusse.
Rome, 30 mars.
Les milieux du Vatican laissent clairement en-
tendre que le pape aurait décidé de convoquer
un concile œcuménique pour 1931, à la fin de 1 an-
née jubilaire. Budapest, 30 mars.
M. Gratz, ancien ministre des affaires étran-
gères M. Balkanyi, directeur de l'Association des
commerçants hongrois, et M. Kresz, directeur de
l'Union des banques et caisses d'épargne, repré-
senteront la Hongrie aux délibérations de la cham-
bre de commerce internationale qui auront lieu
mardi prochain à Paris.
Belgrade, 30 mars.
M. Kimanudi, ministre des affaires étrangères
par intérim, et lo comte Torrijos, ministre d'Es-
pagne à Belgrade, ont signé ce matin à if heu-
res au ministère des affaires étrangères, le
traité d'arbitrage et de conciliation pour le rè-
glement judiciaire des litiges entre le royaume
d'Espagne et le royaume yougoslave.
Washington, 30 mars.
M. Filipowicz, le nouvel ambassadeur de Polo-
gne à Washington, a présenté samedi ses lettres
de créance à M. Hoover- qui, dans sa réponse
à l'ambassadeur, s'est félicité que le gou-
vernement de la République de Pologne ait donné
témoignage de sa bonne volonté et des sentiments
d'amifré qu'il nourrit a l'égard des Etats-Unis en
élevant son poste diplomatique au rang d'ambas-
sade. ̃
LâRATIFICiTIOHDD PL4N YOUHG
LÀ R'RIPIFICiâ ï 1 DU PL'RliYOUIG
La Chambre a ratifié les accords de la Haye,
sinon à l'unanimité comme le lui demandait le
président du conseil, du moins à une majorité
véritablement imposante. Ces séances, où la
politique pure sans disparaître tout à fait cé-
dait cependant le pas aux grands intérêts qui
se trouvaient en jeu, compteront parmi les plus
remarquables de la législature.
M. André Tardieu avait ouvert la journée
par un discours d'une,maîtrise et d'une clarté
auxquelles tous les partis ont rendu hommage.
L'éloquence du président du conseil, on le sait
depuis longtemps, n'emprunte rien à la rhéto-
rique traditionnelle. Dépouillée d'ornements
fleuris, elle tire uniquement son éclat de sa
précision, de sa dialectique nue. C'est une élo-
quence jeune, comme il convient à cette
après-guerre avide d'action et de- positives
réalités. C'était plus qu'un bilan, infiniment
plus, mais il y avait l'élégance châtiée et la
sévère ordonnance d'un bilan. Qu'on relise à
ce propos l'historique de la commercialisation
de la dette, l'exposé rapide des conférences de
Genève et de la Haye, où le plan Young vit
officiellement, mais non douloureusement le
jour. Bonne solution financière, en somme,
bonne solution politique puisqu'elle a, suivant
le désir de la France, le caractère d'un règle-
ment définitif et complet, et qu'elle constitue
en effet une étape sérieuse vers le rapproche-
ment franco-allemand.
Ici, le président du conseil a repondu aux
craintes, aux critiques exprimées la veille par
des adversaires de choix, MM. Paul-Boncour,
Blum, Herriot.
Par un étrange paradoxe, l'extrême gauche,
qui ne s'est jamais beaucoup souciée de sanc-
tions, reprochait à M. Tardieu de ne pas avoir
sauvegardé, avec les textes actuels, la liberté
d'action de la France. Félicitons-nous de cette
inquiétude aisément dissipée. Elle a permis,
par l'intervention de M. Herriot lui-même, de
préciser des points délicats, le jeu des tribu-
naux internationaux et l'action prévue en cas
de carence de l'Allemagne.
Où avez-vous vu que nous ayons renoncé
à cette thèse? demanda le président du con-
seil.
Et M. Herriot de se réjouir bruyamment de
la déclaration que la procédure ne jouera que
dans le cadre général et préalable de la Société
des nations. 1
Mais M. Herriot, tenace, essaya encore de
pousser au président du conseil quelques
pointes acérées, de montrer que lui et ses
amis ne voulaient pas que l'on revînt à la
vieille procédure des sanctions, alors que na-
turellement le gouvernement de M. Tardieu
n'y renonçait pas. Toujours la même tacti-
que se saisir devant l'opinion de l'amour de
la paix et le dénier aux autres, ou du moins
prétendre que seules les méthodes de M. Her-
riot conduisent à la paix.. D'un mot, M. An-
dré Tardieu a écarté l'obstacle si vous ne
voulez pas de la précaution supplémentaire
que j'ai prise, renversez-moi!
Mais l'opposition d'extrême gauche, si elle
y songeait, a eu cependant la sagesse de ne
pas faire passer ses rancunes politiques
avant la nécessaire ratification.
Un nouvel engagement toutefois devait se
produire, dans la nuit, à propos de l'article 4,
qui attribue le produit des émissions à la
Caisse nationale d'amortissement. Jamais
M. Paul Reynaud ne manifesta avec autant
d'éclat ses qualités de debater. La veille, il
avait prononcé un discours dont nous avons
apprécié la haute valeur. Mais il s'agissait
cette fois d'éviter un piège qui menaçait
étrangement l'avenir. Duel scintillant où M.
Léon Blum mit toutes ses ressources de dia-
lèéticien, où M. Paul Reynaud ne céda pas
d'un pouce.
Pas d'affectation spéciale, proposait le
député socialiste,
̃̃• Ne mettez pas en cause ̃̃ l'équilibre, des
budgets de l'avenir, ripostait M. Paul Rey-
naud. • •'
Et M. MalvyV.au nom de la commission des
finances, de venir à là rescousse de M. i>éos.
Blum.
Ne nous lions pas les mains, dit-il.̃
Quelle arrière-pensée animait donc les as-
saillants ? Quel trésor voulaient-ils constituer
hors de l'amortissement ? Ce fut peut-être le
moment le plus décisif du débat et le plus
émouvant. M. Baudouin-Bugnet,. avec beau-
coup d'à-propos, sentit le péril et reprit le
texte retiré par la commission..
C'était la fin. Sans doute faut-il regretter
que certains modérés aient cru. devoir se sé-
parer de l'unanimité de la Chambre, poussés
par des scrupules fort honorables, et par des
craintes dont l'avenir, nous en, sommes con-
vaincus, démontrera la vanité. Mais les 527
voix qui se sont prononcées pour l'ensemble
du plan Young donnent à l'étranger une très
suffisante preuve de la volonté pacifique de
la France, liée à sa sécurité. Les 'partis n'ont
pas entièrement oublié leurs querelles au
cours de ces dernières séances. Mais au der-
.nier moment ils se sont ressaisis et ont fait
taire leurs sentiments personnels.
Et si nous considérons du point de vue
de la politique intérieure le4 vote d'hier, il est
également vrai que le ministère et le .prési-
dent du conseil sortent grandis de ces débats,
puisque autour d'eux s'est groupée la Cham-
:bre, en une majorité impressionnante, en dé-
pit des cliquetis d'épée que l'on avait enten-
dus et qui se sont effacés.
L'ÉCOLE D'ATHÈNES
"<
'.Une heureuse coïncidence, où le symbo-
lisme des anciens eût aperçu sans doute un
signe manifeste de la volonté favorable des
dieux bienveillants, fait qu'au moment même
où la célébration solennelle du centenaire de
l'indépendance hellénique rappelle les glo-
rieux souvenirs des relations séculaires de la
Grèce et de la France, le fiénat est appelé par
l'ordre du jour de ses délibérations a se pro-
noncer sur les nouveaux crédits que le projet
de, loi portant fixation du budget général de
l'exercice 1930 a prévus pour favoriser les
travaux de l'Ecole française d'Athènes.
Gouvernement et Parlement sont en plein
accord sur ce phapitre, également désireux l'un
et l'autre d'honorer par un témoignage public
de la satisfaction nationale une institution
française qui, vouée par ses fondateurs au
culte des sciences, des lettres et des arts,
inaugurée dans le voisinage de l'Acropole, a
bien mérité de l'humanité civilisée en cher-
chant ses fondements près des autels privilé-
giés de la sagesse divine, dans la terre anti-
que où se maintiennent les fortes et cordiales
traditions de la plus ingénieuse hospitalité.
Sœur cadette de l'Académie de France à
Rome, l'Ecole française d'Athènes est relative-
ment jeune. Elle ne compte que quatre-vingt-
quatre ans d'existence, tandis que déjà sa
grande aînée est plusieurs fois centenaire.
Elle eut pour parrains, au siècle dernier, deux
hommes de culture classique et d'imagination
volontiers romantique, M. de Salvandy, minis-
tre libéral, et M. Piscatory, diplomate philhel-
lène. Celui-ci, au cours d'une jeunesse héroï-
que et chevaleresque, avait fait le coup de feu,
dans la ,montagne, avec les Palikares, contre
les bachi-bouzouks du sultan Mahmoud. Celui-
là, journaliste d'opposition loyale sous la mo-
narchie absolue, orateur disert, écrivain élé-
gant, auteur très distingué de plusieurs ou-
vrages tour à tour historiques et romanesques,
était devenu, sous la monarchie constitution-
nelle, par l'effet des conséquences logiques
d'une révolution populaire, député de la majo-
rité et secrétaire d'Etat. C'est en qualité de
grand-maître de l'Université que M. de Sal-
vandy eut l'honneur de proposer à la signature
du roi Louis-Philippe l'ordonnance du i1 sep-
tembre 1846, dont l'article premier est ainsi
conçu « Il est institué une Ecole française
de perfectionnement pour l'étude de la lan-
gue, de l'histoire et des antiquités grecques à
Athènes. Cette école se compose d'élèves de
l'Ecole normale supérieure, reçus agrégés des
fiasses d'humanités, d'histoire ou de philoso-
phie. Elle est placée sous là direction d'un
professeur de faculté ou d'un membre de l'Ins-
titut. »
Tout de suite, dès le début de leur beau
voyage, les jeunes universitaires de notre
première promotion athénienne, dite promotion
des « Argonautes », ont parfaitement compris
qu'ils étaient les continuateurs d'une œuvre
déjà commencée, sur place, par leurs compa-
triotes de la commission de Morée. Cette com-
mission, avant-garde composée d'une élite
d'archéologues militants, d'artistes intrépides
et d'historiens aux pieds légers, avait donné
l'exemple à suivre en montrant les résultats
qu'obtient l'observation directe, par la méthode
excellente de l'étude en plein air. Trois res-
pectables in-folio, répertoires inépuisables,
meubles imposants des bibliothèques bien
approvisionnées, attestent l'activité de l'Expé-
dition scientifique en Morée. On y trouve no-
tamment des « inscriptions et vues du Pélo-
ponèse, des Cyclades et de l'Attique, mesu-
rées, dessinées, recueillies et publiées par
Abel Blouet, architecte, directeur de l'expédi-
tion ordonnée par le gouvernement français ».
Attachée au corps expéditionnaire du général
Maison, la troupe studieuse que dirigeait
Blouet, et dont faisait partie Edgar Quinet, a
repéré, en 1829, l'emplacement des sanctuai-
res d'Olympie, visité l'île d'Egine et l'Arcadie,
exploré les ruines de Mycènes, gravi jusqu'au
sommet les hauteurs du Taygète, fixé presque
partout, à chaque, étape d'un itinéraire métho-
dique, le point de départ d'une recherche fu-
ture. Les origines de l'Ecole française d'Athè-
nes sont très anciennes. La commission de Mo-
rée elle-même retrouvait à chaque pas les
traces de ses prédécesseurs proches ou loin-
tains. Grâce aux bons offices de l'ambassadeur
de France à Constantinople, un peintre fran-
çais a pu, au temps du roi Louis XIV et du
sultan Mohammed IV, monter à l'Acropole et
rapporter de ce pèlerinage une collection de
dessins qui sont aujourd'hui conservés au
cabinet des estampes de la Bibliothèque natio-
nale. Chateaubriand, au cours de son Itinéraire
de Paris à Jérusalem, trouva, chez le consul
de France à Athènes, un musée de précieuses
reliques, pieusement gardées. Ce sont nos
agents consulaires et nos officiers de marine
qui ont délivré d'une longue captivité la Venus
de Milo, quarante-trois ans avant le jour mé-
morable où la Victoire de Samalhrace trouva
également un refuge à l'abri de notre pavillon.
Les chantiers ouverts par l'Ecole française,
avec la collaboration amicale des autorités hel-
léniques, ont donné au Musée national d'Athè-
nes. un trésor de marbres antiques, découverts
notamment dans les fouilles de Délos, de Man-
tinée, d'Amorgos, de *Trézène, de Thèbés, de
Thespies, de Tégée. On entre à l'Acropole par
une porte dite Porte-Beulé, du nom d'un Fran-
çais de la quatrième promotion athénienne qui,
attaquant d'un vigoureux coup de pioche les
murailles d'un bastion turc, a découvert, en
1852, l'escalier des Propylées. La Crète, explo-
rée en 1857 par Georges Perrot et Léon The-
non, a livré, dans ces derniers temps, aux cu-
| riosités intelligentes des artistes" et des con-
[ naisseyrs, le magnifique trésor que la facilité
croissante des communications offre aujour-
d'hui, fort aisément, aux visiteurs émerveilles
du musée de Candie et du palais de Minos.
Le* prochaines fêtes de Delphes vont mettre
en itMière* un des plus beaux symboles de
i*unilié franco'-hellénique. La convention du
8 mars 1891 "a permis à' l'Ecole française de
posséder une maison et d'élire domicile. au pied
du Parnasse, à deux' pas de la source de Cas-
talie. La relève des équipes laborieuses qui ont
habité cette demeure d'apparence modeste
assure la continuité d'un travail dont la pers-
pective s'étend, sous le ciel du Levant, vers les
origines vénérables et sacrées de la civilisa-
tion occidentale. C'est l'âme profonde de la
Cité antique qui se révèle dans la splendeur
des sanctuaires ressuscités, des théâtres rani-
més, des stades ouverts aux spectateurs de la
force disciplinée et de la beauté harmonieuse.
C'est encore cette âme qui parle dans le re-
cueillement des nécropoles où l'on entend la
voix des morts, graves témoins d'un passé
toujours vivant. Il faut que l'œuvre de l'Ecole
française d'Athènes soit continuée, avec des
ressources dignes de son labeur, proportion-
nées à l'objet des légitimes ambitions qu'au-
torise l'importance des services rendus et des
titres acquis. Noblesse' oblige.
C OMME DANS L'ÉVANGILE
Une fois encore, le syndicalisme illégal tient
le gouvernement en échec. « L'affaire Doron »
lui procure cet avantage. Nos lecteurs n'ont
pas oublié le cas de cet instituteur communiste,
« chef de rayon » appointé par le parti, « en
congé pour lui consacrer toute son activité,
ainsi qu'il le fit valoir dans sa demande », pa-
raîfcrjl, condamné par le tribunal correctionnel
à vliï^t jours de prison pour outrages aux
agents de la force publique, absous par le con-
seil départemental de la Loire grâce à la coali-
tion de trois conseillers généraux et des quatre
maîtres délégués et finalement révoqué par le
préfet dans le plein exercice de son droit. On
se rappelle aussi que, sur l'injonction du syn-
dicat dit national des instituteurs, tous lés con-
seillers départementaux de son obédience se
démirent, le 10 février dernier, en manière de
protestation, à l'exemple des unitaires, sabo-
tant de compagnie la loi libérale de 1886. Grève
préméditée, démissions collectives la parole
est aux pouvoirs publics.
Six semaines durant, ils semblent muets.
Non pas, certes, que la faute fût douteuse
c'était même une récidive, ni la riposte dif-
ficile l'autorité constituée avait tout son jeu
en main. Une première solution s'offrait, au-
tant dire s'imposait à elle. Aucun texte ne
l'obligeait d'accepter des « démissions concer-
tées ». Après convocation régulière des démis-
sionnaires, leur absence est considérée comme
une « abstention systématique » par suite, la
majorité des membres présents n'est pas né-
cessaire, et ces assemblées départementales
peuvent délibérer valablement. A deux reprises
le conseil d'Etat a fixé sur ce point la jurispru-
dence. Il était donc loisible aux préfets de re-
fuser ces démissions et au ministre de laisser
les protestataires mariner dans leur grève jus-
qu'au renouvellement triennal. Pour n'être pas
s'i longtemps évincés a'une part de l'adminis-
tïa,tï6n scolaire à laquelle ils attachent un
̃gitand prix, il y a apparence qu'ils fussent re-
venus d'eux-mêmes avec leur courte honte.
Une récente délibération de leur bureau mon-
tre clairement leur inquiétude. Au demeurant,
la sanction eût été proportionnée à la faute; et
si cette mesure, impliquait quelque fermeté,
elle n'avait rien en soi qui exigeât, du ministre
l'héroïsme. .̃'
-Il ne s'y est pas arrêté. Une autre décision,
moins entière, n'eût pourtant pas laissé de pro-
duire quelque effet. On pouvait accepter les
démissions et, dans les délais habituels, repor-
ter les élections au 1" août prochain. Les ma-
nifestants, plus attachés, malgré tout, à leurs
prérogatives qu'à la « liberté d'opinion du
jQlcheviste Doron, se voyaient privés de pren-
dre part en juillet au mouvement du person-
nel. De la sorte, la répression eût été plus spi-
rituelle que vigoureuse; du moins eût-elle pu
servir d'un avertissement. Mais il semble
qu'elle dépassât encore les forces gouverne-
mentales. En conséquence, de réflexion faite,
l(j grand-maître de l'Université, pour relever le
défi de ces grévistes par ordre du syndicat et en
faveur d'un condamné de droit commun, les
prie tout simplement, avec prévenance, de se
mettre d'accord sur la date des futures élec-
tions et les invite à la lui soumettre avant de
l'arrêter définitivement. En vérité, c'est témoi-
gner avec modestie d'une mansuétude propre-
ment chrétienne. « Si l'on vous frappe sur la
joue' droite. » Bref, tout se passe comme dans
l'Evangile.
::UNE INDÉCENCE-
Michel Walter nous envoie une nouvelle
rectification au sujet de son vote dans c
scrutin du conseil municipal de Strasbouig
du 16 mars
''Vous aviez prétendu, dit-il, dans votre article
que j'ai appuyé la proposition communiste; je
vous ai prouvé à l'aide du compte rendu officiel
que j'ai combattu cette proposition Vous dites
maintenant que je me suis abstenu dans le vote
avec mes ami,s. lue vous
J'ai le regret de vous affirmer que ce que vous
avancez maintenant est également contraire à la
vérité. J'ai voté avec mes amis Merkel eU Spresser
contre la proposition communiste.
Voici le compte rendu donné par le Nouveau
• Tournai de M. le député Charles Frey, qui, certai-
nement;, à vos yeux, n'est pas suspect de manquer
de. patriotisme, compte rendu que vous trouverez
dans le numéro du 18 mars de ce journal
« M. Walter déclare que toute discussion porte-
rait préjudice à la valeur morale de ce vote. Il
faudrait un vote unanime dans ce sens que les
ÎOO'.OOO francs soient versés à la Banque de
France.
» Le socialiste Riehl n'a rien à objecter à
ce que les 50,000 francs soient envoyés au Se-
cours rouge international, mais il trouve juste
oaé l'on envoie la moitié de la somme à la Confé-
dération générale du'travail.
» Après de longues discussions, on procède au
vote. Sur la proposition d'envoyer 50,000 francs
âa Secours rougê international, ont voté pour
les communistes, le socialiste Riehl, les auto-
nomistes, à l'exception de M. Heil; ont voté
contre les sept démocrates, 'MM. Walter, Merkel
et' Spiesser, de l'U. P. R., et M. Heil. Les autres
se sont abstenus. La proposition communiste a
donc été adoptée par 16 voix contre 11 voix. »
-Vôi'là le compte rendu du journal de M. ,1e dé-
puté Frey, qui confirme dans tous les détails ce
que je vous ai écrit dans ma lettre de rectiil-
tion.
Il en résulte que votre article et votre com-
mentaire sont tout à fait contraires à la vérité.
Il en' résulte ensuite que si les socialistes, si chers
à votre journal. avaient voté comme moi et nos
amis, la proposition communiste aurait été reje-
tée. Et, il en résulte eniin que si une indécence a
été commise, elle a été faite par vos socialistes et
'non pas par moi et mes amis.
Les renseignements sur le scrutin non no-
minal.et non public du 18 mars ne peuvent
être obtenus que par des recoupements. Tou-
tefois, M. Michel Walter paraît trop heureux
d'avoir une fois voté contre ses amis commu-
nistes pour que nous lui contestions cette joie
dont il a trop besoin.
Pourquoi cependant M. Michel Walter, en
signalant ,jine erreur, écrit-il, lui aussi, une
contre-vérité en indiquant que « ses amis » ont
voté comme lui? Il nous donne lui-même les
chiffres du scrutin. Il en ressort que la mino-
rité qui s'est prononcée contre l'envoi au Se-
cours rouge international se compose de
li voix; soit sept démocrates qui connais-
sent leur .devoir et n'ont pas besoin que M.
Walter le leur claironne, trois membres du
parti de M. Walter, et M. Heil. Qu'est devenu
le quatrième membre du parti de M. Walter?
Il s'est volatilisé. Il s'est abstenu, et non sans
raison. Nous connaissons trop M. Walter pour
supposer qu'il n'est pas pour quelque chose
dans cette abstention, comme il fut pour quel-
que chose dans le prêt d'une voix catholique
aux communistes quand il s'agit d'élire M.
Hueber.
Dans le vote du 16 mars, si les quatre socialis-
tes avaient voté contre la proposition commu-
niste, le résultat était encore douteux. Mais pour
qu'il ne le fût plus, pour que les communistes
obtinssent la majorité, il fallait et il suffisait,
dans ce cas, de l'abstention d'un membre de
l'Union populaire. Cette abstention a été ac-
cordée et constitue une indécence. Les paroles
de M. Walter mettant sur le même pied la
Banque de France et le Secours rouge inter-
national en sont une autre.
M. Michel Walter nous renvoie en raillant
aux « socialistes nationaux ». Comme il a tort!
Il nous permet ainsi de le renvoyer lui-
même à ses communistes, aux hôtes des gens
de son parti, par exemple l'espion Friedrich
von Lama, et au conseil excellent que lui
donne M. Oscar de Ferenzy lui-même « II
serait désirable de faire comprendre à' M. Wal-
ter, dit ce dernier, que; dans l'intérêt même de
l'Union populaire, il serait préférable qu'il
s'abstînt, pendant quelque temps au moins, de
se mettre en vedette par des manifestations
extérieures; qu'il vaudrait mieux qu'il écrivîi
̃ moins dans les journaux, qu'il fît moins par-
ler de sa personne, mais qu'il travaillât sans
bruit, à l'intérieur du parti, à l'œuvre de re-
dressement rendue nécessaire par sa faute &
lui. »
«••
Vn pamphlet contre la culture
La pensée bourgeoise ayant trépassé l'an dernier
sous ses coups, M. Emmanuel Berl s'en prend au-
jourd'hui à la morale bourgeoise, qu'il vient de
condamner à mort, dans un petit livre prophéti-
que et fuligineux, de lecture assez difficile, bien
qu'abondant en pirouettes. Mais M. Emmanuel
Berl a tout l'air du monsieur qui se chatouille
pour se faire rire, sans communiquer à personne
sa gaieté peu persuasive. C'est que sa gaieté n'est
pas aimable. Sous couleur de critique et de phi-
losophie, elle est nourrie de haine et fait un peu
penser à la jovialité des Sioux devant leur vic-
time liée au poteau d'exécution.
C'est à la bourgeoisie qu'en veut M. Berl. Bien
qu'il admire Karl Marx, il assure n'être affilié à
aucun parti et prétend ne juger des choses qu'en
intellectuel pur, pour qui la révolution n'est ja-
mais que « le refus pur et simple opposé par
l'esprit au monde qui l'indigne ». Nous savons
où le mènera ce vertueux désintéressement, quand
il aura fini de penser sur la corde nous retrou-
verons ce démagogue aux prochaines élections.
C'est son droit, mais on a aussi .ici le droit de
souligner la singularité de son cas le monde
qui indigne M. Berl est le sien, et M. Berl trahit
doublement, car il est bourgeois.: et il est clerc.
Et il n'est pas certain non plus que le prolétariat
au nom duquel il mène aujourd'hui la campagne
soit parfaitement satisfait de son zèle, le peuple
n'ayant jamais eu de plus maladroit défenseur et
de plus indiscret ami.
On pourrait lui demander d'abord de définir
exactement cet esprit bourgeois, objet de sa
verve. C'est un mot sur lequel on ne s'entend
guère « J'appelle bourgeois tout ce qui pense
bassement », disait autrefois le bon Flaubert,
comme s'il avait prévu notre pamphlétaire; et
cette définition suffit à déterminer le philistin,
lequel, pour être en lui-même haïssable, n'a rien
à voir avec la querelle de classe qu'attise à plai-
sir M. Berl. Pour lui, ce reproche est inopérant.
Est bourgeois, à ses yeux, seulement ce qui
pense; et ce même Fiaubert eût été bien surpris
d'apprendre de ce moraliste que bourgeoisie et
culture sont synonymes, et condamnables au
même titre. Tel est pourtant le thème du réqui.
sitoire de M. Berl, qui voit dans la culture le pri-
vilège exclusif de la bourgeoisie, met M. Herriot
et M. Léon Bérard dans le même sac parce qu'ils
sont également forts en latin, et tient pour traî-
tres à leur parti tous les prolétaires qui, séduits
par le plaisir d'apprendre, réussissent à partici-
per, de près ou de loin, à cette culture. Ainsi les
humanités, l'esthétique, la connaissance de l'his-
toire, le sens de la civilisation, le goût de l'ana-
îiran et Ho la nhilosonhie. apanages exclusifs de
la classe bourgeoise, ne seraient que viande
creuse pour le peuple, qui cesserait d'être lui!-
même s'il bénéficiait de cet inutile savoir, gage
de son accession à cette bourgeoisie détestée,
mais dont M. Berl oublie un peu trop qu'elle est
ce qu'on la voit aujourd'hui, précisément pour
être sortie de ce peuple en 1789, et depuis n'a
tiré sa vitalité que de cela. Mais l'esprit de parti
est si fort que M. Berl préférerait encore le pro-
létaire enfermé volontairement dans sa condi-
tion misérable, plutôt que de le voir s'en libérer
par une ascension matéri'elle et spirituelle qui
réduirait à néant l'utilité de ses mauvais maî-
tres, exploiteurs d'antagonismes et docteurs en
révolutions. Il ne faut cependant rien exagérer.
et nous avons tout lieu de croître, l'ayant lu, que
l'auteur de la Mort de la morale bourgeoise se
soucie de son cher prolétariat comme d'une gui-
gne et ne s'est pas donné d'autre objet que le
malin plai'sir d'embêter surtout le bourgeois,
pour lequel il écrit. Comme si d'ailleurs il n'y
avait de prolétaires que chez les ouvriers, et si
tout ce qui vit de son travail n'en était pas, à
commencer par les travailleurs de l'esprit, que
leur culture au moins console d'être nés sans
fortune. Ne servirait-elle qu'à cela, la culture se-
rait encore digne d'amour et de respect, et dans
cette efficacité accessoire trouverait sa moralité.
M. Berl, au reste, l'a bien vu, et c'est ce qui
l'entraîne à dénoncer un autre péché de l'esprit
bourgeois son idéalisme. Voilà qui eût encore
assez diverti notre Flaubert, et le reproche est
pour le moins inattendu, venant d'un côté d'où
l'on n'a point cessé jusqu'ici de vitupérer les appé-
tits matériels de cette bourgeoisie assoiffée des
biens de ce monde M. Berl, qui n'en est pas à
une contradiction près, renverse la proposition et
veut que le peuple soit résolument matérialiste.
« Seul, le matérialisme exprime la fidélité au
peuple. Le matérialisme est une certaine ma-
nière de déprécier. Il signifie un certain goût de
la dépréciation. Toutes les valeurs de considéra-
tion qu'inlassablement la bourgeoisie instaure,
inlassablement il les disqualifie. Il porte contre
l'honneur une accusation permanente et sans cesse
vérifiée. Il est cynique. Il ne veut que la vérité.
Et pour lui, le plus vrai coïncide avec le moins
noble. La matière, c'est ce qui ne dure pas. Le
matérialisme refuse donc toutes les valeurs de
permanence, tout ce qui s'accroche à la durée. »
Et quoi encore ? « Le matérialisme est pour moi
le courage dans la pensée et l'irrévérence dans le
cœur», ajoute M. Berl pour terminer éloquem-
ment sa profession de foi électorale. L'irrévérence,
on s'en doutait. Mais le courage dans la pensée,
c'est peut-être pourtant autre chose, et qui en-
traîne habituellement plus de risque que le cha-
grin de n'être pas lu. On pense à Galilée, à Renan.
à Pasteur. Mais on saura tout de même gré à
M. Berl de nous avoir appris, ou rappelé, à travers
I se- fumeux petit livre, que la révolution, qu'il
attend, c'est d'abord de tout embrouiller. E. B.
LE RÈGLEMENT DE LA PAIX
Conférence Havaie fle Londres
(Par téléphone, de notre correspondant particulier)
Londres, 30 mars.
Malgré la vague de pessimisme quii avait déferlé
vendredi soir et samedi parmi les observateurs
de la conférence, la semaine s'est terminée sur
une note plus confiante. En réalité, les pourpar-
lers sont loin d'être terminés et pourront conti-
nuer assez longtemps encore comme lis l'ont fait
ces iours derniers, dans de bonnes conditions. M.
Henderson, porte-parole du gouvernement britan-
nique, dans ces négociations, est la cordialité
même. Mais le ministère travailliste, comme on le
sait, est devenu conscient de certaines résistances
dans son opinion publique dont apparemment Hl
ne s'est pas rendu compte en 1924 lorsqu'il a ad-
héré au protocole de Genève, et il fait état d une»,
opposition, à notre sens beaucoup plus imagi-
naire que réelle, pour essayer de réduire au mi-
nimum des engagements précis que l'Angleterre
doit prendre pour l'application des clauses du con-
venant de la Société des nations.La longueur même
de ces pourparlers franco-britanniques n'est pas
sans présenter quelques avantages, car elle contri-
bue notamment à corriger peu à peu dans l'opinion
anelatee l'idée erronée que la France demande une
protection unilatérale, alors que, aujourd'hui com-i
me depuis dix ans, la thèse ae la séeuruté qu'elle
défend intéresse toutes les nations. Les nombreux
éléments de l'opinion anglaise qui. sont sincère-
ment dévoués, la Société des nations n ont pas
fardé à découvrir ce fait important et c est un
des traits les plus caractéristiques de la situation
créée par la conférence que ces partisans chaleu^
reux de l'organisation de Genève se sont ralliés a
notre point de vue pour le soutenir contre l'atti-i
tude incertaine ..et un peu vacillante du gouverne-*
ment. < t rluV
D'autre part, les adversaires les plus résolus des
thèses françaises, qui les ont critiquées avec d au-;
tant plus de chaleur qu'ils les comprenaient moins,
ont eu le temps de se rendre compte que dans cer-
tains cas ils faisaient fausse route. C'est le cas no-é
tamment pour le rédacteur diplomatique de 1 06-
server qui constate, ce matin, avec satisfaction que
« la politique française pourrait bien aider la
cause commune ». En réalité, la situation est en-
tièrement dominée par la nécessité pour l'Angle-
terre et les Etats-Unis de conclure cette confé-
rence navale par une convention entre les cita.q
puissances participantes.
L'opinion américaine aussi bien que 1 opinion
anglaise est partagée entre les deux tendances
qui n'ont cessé d'être en lutte dans les cinq pays
intéressés depuis le début de cette conférence:
tendance conservatrice nationaliste ou de droite
à conserver et à développer ses armements na-
vals en toute indépendance, et tendance pacifiste
ou de gauche à chercher les moyens de réduire,
les charges financières et les dangers pour la
paix résultant des rivalités d'armements. La ma-
nilfestation la plus récente et la plus violente du
nati'onali'sme agressif qui refuse de laisser ré-
duire la flotte navale pour faire plaisir aux' pays
étrangers, a été celle de M. Hearst hier aux
Etats-Unis.
C'est en somme à la France et à l'Angleterre
qu'il incombe de résoudre les questions relatives
à l'entr'aide prévue dans le covenant qui sont
maintenant évoquées. Le seul fait qu'on y dis-
cute et qu'on en prépare la mise en œuvre cons-
titue un progrès considérable. Une impression
que nous avons déjà eu l'occasion de noter est
que le gouvernement de M. Mac Donald accep-
tera certaines sanctions, mais il fera des réser-
ves sur l'application de l'article 16 alinéa 2 du
covenant où il est question du secours aux ar-
mes pour faire respecter les engagements de la
Société des nations. .»
On a dit que, dans ces discussions, il fallait
trouver une formule assez vague pour ne pas
effaroucher les susceptibilités de l'Angleterre, qui
ne veut pas se lier, et cependant assez précise
pour donner à la France l'assurance de sécurité
qu'elle désire. Ainsi énoncé, le problème est mal
posé. Ce que les deux principales puissances na-
vales de l'Europe recherchent, ce sont les moyens
les plus simples et les plus efficaces, sans sortir
du covenant, de rendre une guerre impossible ou
inconcevable. L'existence d'un organisme qui, eu
cas de besoin, fonctionnera aussitôt sans mêma
aller jusqu'au recours aux armes, aura pour effet
d'intimider les éléments qui pourraient encore as-
pirer à trancher leurs différends par le recours
à la force brutale. C'est en ce sens que les coa-
versations franco-anglaises se poursuivent au-
jourd'hui dans une atmosphère de cordialité sin-
cère et d'optimisme tempéré, et l'on fera proba-
blement connaître demain, 31 mars, les résultats
auxquels il aura été possible d'aboutir dans les.
conditions présentes.
La presse anglaise réagit vivement contre
article de la presse Hearst contre M. Mac Do-
nald et prend la défense du premier ministre
britannique. Le Sunday Times montre combien
cette attaque peut faire de tort à la conférence
navale elle-même. Heureusement, de l'avis de ce
journal, le public anglais pas plus que son premier
ministre n'attacheront d'importance aux injures
de M. Hearst.
M. Price Bell, journaliste américain bien connu,
i l'initiative de qui a été due la visite du pre-
nier ministre britannique aux Etats-Unis l'année
dernière, a déclaré hier
M. Hearst n'aime pas la conférence. Il est de ceux
qui, aux Etats-Unis, ont toujours voulu qu'elle échouât
et qui ont fait tout ce qu'ils ont pu pour en assurer
l'échec. Ce genre-là appartient à l'école de publicistes
qui soutient que les Etats-Unis doivent construire la
flotte qu'ils veulent et laisser les autres nations en
faire autant. En d'autres termes, ils sont nationalistes
et non internationalistes. Je ne fais pas le procès du
patriotisme, de cette école de penseurs, mais je n'at-
tache pas la moindre foi à leur philosophie. Il n'est
pas douteux, à mon avis, que la masse formidable de
l'opinion publique américaine les a tellement dépassés
qu'ils sont à peu près impuissants. M. Hoover s'atten-
dait à l'hostilité de gens du type Hearst contre son
grand effort pour amener une coopération avec M. Mao
Donald en vue d'une réduction considérable des ar-
mements navals. Malgré tout, le président des États-
Unis espère toujours aboutir et cet espoir est partagé
par tous les politiciens progressistes des Etats-Unis. Je
m'attends à tout, de la part de Hearst, pour ruiner
l'œuvre magnifique des nations, à Londres, maginikiue
dans son idéal. Néanmoins, je suis profondément cho-
qué des termes ignobles et injurieux qu'il emploie con-
tre M. Mao Donald que je connais depuis trente ans et
pour les qualités duquel, comme homme d'Etat paciflste,
j'ai une très grande admiration. L'attaque de Hearst
contre M. Mac Donald ne fera aucun tort au premier
ministre britannique dans l'opinion américaine, cela lui
fera plutôt du bien.
Le Sunday Express constate que la lettre de la
presse Hearst à M. Mac Donald est « un ouragan
d'injures sans pareilles dans les annales du jour-
nalisme » et voit dans cette lettre une attaque,;
non seulement contre le chef du gouvernement^
mais contre la nation britannique en général.
Le' Sunday Referee déclare que la visite de M.
Grandi, aujourd'hui à Chequers pourra avoir
pour objet de poursuivre l'examen de l'article 15
du covenant de la Société des nations et de l'en,
visager du point de vue italien.
M. Wickham Steed déplore la confusion qui
règne actuellement à la conférence de Londres et
écrit notamment « Tout est en l'air et personne
ne sait encore si la prochaine séance plénière sera
un enterrement ou un baptême. » R.-L. Cru.
L'attitude de l'Italie
Notre correspondant particulier de Rome télégra*
phie:
Les nouvelles qui parviennent de Londres ne
sont pas sans répandre une certaine perplexité
dans les milieux politiques romains.
Le Giornale d'Halia prêche la circonspection et
la prudence en ajoutant que la délégation ita-
lienne ne se laissera émouvoir par aucune me-
nace comme par aucune manœuvre. La Tribuna
émet toute une série d'hypothèses sur le pacte
méditerranéen -à l'ordre du jour, en exposant
qu'il ne peut être que quelque chose d'intermé'-
diaire entre un pacte de consultatibn comme celui
concernant le Pacifique et un pacte prévoyant
des engagements de caractère militaire comme le
traité de Locarno. Ce même journal ajoute qu'un
pareil pacte soulève dès maintenant une foule de
problèmes gui se. sont pas faciles à réj3ouçl£e, Il
LUNDI 3i MARS 1930
SOJXANTE-DIXIEME ANNEE. N° 25058
PRIX DE L'ABONNEMENT
PAEIS,BÉPARTIIKEllTSetOOL0H1"FRAHÇ'" Troiimois 3Ofr. Sixmois 58fr. Bn*a I lOtt,
t Pays accordait un» rHuotion da de
ÊTRÀHQER< 50 0/0 sur 1m teifc postaux; S2.it. IO2fr. 2°°»*
"mH ( Aut». pays 7Sfr. I47fr. -290fr.
LES ABOXNBBENTS DATENT DES t" ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (PARIS et DÊPARTEHEMS) -4O centime»
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à l'Agence Havas et dans ses succursales
et dans tputes les Agences de Publicité
le Journal décline toute responsabilité quant à leur teneur
CHÈQUE POSTAI* tFsuria, Numéro 60
aroi~i~A.TEtr~ A.ucr~ste ~rsER. (1e61.)
Anciens Diexcteurs t
jfttdlrien HEBSe^R/ia (1887-1914)
Eîiziile IîE;23K,A.K.ÏD (1015-1925)
Adrien KC2SBR,Aï2.I3 (1935-1023)
Z3ïïU3c:xETr». XjOXJIS-IMIXjXj
Toutes les lettres destinées à la Rédaction doivent être adressées au Directeur
le Journal ne répond pas des manuscrits communiqués
/(.DRESSE TÉLÉGRAPHIQUE TEMPS PARIA
TÉLÉPHONE CINQ JCJfES, Gutenberg 03.07 03.08 03.09 03.33 03.33
Ce numéro est accompagné du « TEMPS
ÉCONOMIQUE ET FINANCIER qui doit être
délivré gratuitement à nos lecteurs.
~OM;M:A.I:RE
̃ ,>AGB 2
£» Allemagne Le Cabinet Brûning. Nouvelles
de l'Etranger. Revue de la presse. Nou-
velles du Jour.
PAGE 3
!Les Accords de la Haye et le plan Young devant
la Chambre: le Projet de loi est adopté par
527 voix contre 38.
Chronique théâtrale, Pisrre Brisson.
PAGE 4
'Sénat le Budget de 4930-1931. Légion d'hon-
neur (ministère des affaires étrangères).
Armée A l'Union nationale des officiers de
réserve. Au Jour le Jour: Logis académiques,
A. Chksnier du Chesne. Académies.
PAGE 5
il l'Hôtel de Ville. Les Inondations dans le
Midi. i Hbunaux la Mise en liberté provi-
soire de Mme Hanau. Faits-divers. Hip-
pisme. Sports. Nouvelles commerciales.'
^Feuilleton « Homicide par imprudence », par
Alice MILLER, roman américain traduit par
M"" Sciobéret. (.° 17.)
PAGE 6
Théâtres. T. S. F'.
Pernières NOUVELLES. La Ratification du plan
Young par la Chambre le Scrutin. A la pré-
• sidenee du conseil.
Paris, le 30 mafs
BUbÈ~~YI'IN DU JOUR
BUIMTINJDD JOUR
LE NOUVEAU CABINET ALLEMAND
M. Brüning, chef du centre catholique, a
soumis dès hier soir au président Hindenburg
la liste des membres du nouveau cabinet
d'empire. L'assentiment du président de la
République ne faisant aucun doute, on peut
considérer la crise ministérielle allemande
comme résolue.
C'est bien la première fois qu'un change-
ment de gouvernement se sera accompli ainsi
à Berlin en quarante-huit heures. Les crises
politiques allemandes durent d'ordinaire des
jours et des semaines, mais, cette fois, les
choses ont marché si rondement que les par-
tis n'ont même pas eu le t&aps de se réunir
et de préciser leur attitude. ?n a appris jeudi
soir, l'entente ne pouvant se faire entre les
groupes de la coalition sur les mesures finan-
cières et notamment sur la contribution de
L'Etat à la caisse de l'assurance chômage, que
le chancelier Müller avait remis au président
de la République la démission du cabinet. Le
lendemain, on apprenait que le maréchal-
président, sans procéder aux traditionnelles
consultations des chefs des groupes parlemen-
taires, avait confié à M. Brüning, le leader du
centre catholique, la mission de former le nou-
veau ministère, et, dès hier soir, on pouvait an-
noncer que la combinaison Brüning était éta-
blie et qu'elle se présenterait -mardi devant le
Reichstag. II. est tout à fait surprenant qu'un
gouverntment. orienté vers la droite ait pu être
ainsi constitué en un tournemain, alors qu'on
sait parfaitement qu'il ne peut trouver une
majorité normale au Parlement pour le sou-
tenir.
M. Brüning va tenter une expérience dans
laquelle bien d'autres, avant lui, ont usé leur
autorité et leur énergie. Ce n'est pas la pre-
mière fois, en effet, que l'on essaye de for-
mer un cabinet dit de personnalités, afin de
dissimuler l'impossibilité où l'on se trouve de
concilier les aspirations et les intérêts des
différents, groupes appelés à collaborer à une
même œuvre gouvernementale. La preuve est
faite que populistes et socialistes ne peuvent se
mettre d'accord sur un programme de politique
financière et économique, de telle sorte que
toute tentative de reconstitution de la grande
coalition serait parfaitement vaine. Mais
l'obstacle à une coalition parlementaire n'est
pas seulement dans l'opposition irréductible
des populistes et des social-démocrates; il est
aussi dans les divergences qui subsistent en-
tre populistes et catholiques centristes et dans
le malaise qu'éprouvent les démocrates à de-
meurer dans une majorité s'orientant de plus
en plus vers la droite. Il eût été difficile dans
ces conditions de négocier un accord à pro-
pos duquel on n'eût pas manqué de voir se re-
produire les marchandages qui ont toujours
retardé pendant des semaines et des mois la
solution des crises politiques de l'autre côté
du Rhin.
M. Briining a cru pouvoir s'en tirer par un
expédient qui le dispense, en quelque sorte, de
négocier avec les groupes du Parlement. Il a
négocier avec les groupes du Parlement. Il a
établi une combinaison valant surtout par les
personnalités qui la composent, sans que l'on
sache exactement dans quelle mesure ces per-
sonnalités engagent réellement les partis dont
elles se réclament. On ne conteste point que
M. Brüning soit qualifié pour parler et agir
au nom du centre catholique, mais il est beau-
coup moins sûr que la presence dans le cabi-
net de M. Schiele, par exemple, suffira à dé-
terminer le ralliement, même partiel, des na-
tionalistes à une politique de concentration
d,es partis modérés. Tel qu'il est composé, le
nouveau cabinet allemand est essentiellement
représentatif des éléments des partis dits
lzeurgeois les plus disposés à la conciliation.
MM. Brûning, Wirth, Stegerwald et von Gue-
rard, pour le centre; MM. Curtius et Mol-
denhauer, pour les populistes; M. Schetzel,
pour les populistes bavarois, et M. Bredt, pour
le parti de l'économie nationale, c'est là une
oombinaison qui serait .accueillie avec un cer-
tain intérêt, si ces personnalités avaient qua-
lité pour engager fermement les partis dont
elles dépendent, et, surtout, si ces partis étaient
en situation de former au Reichstag une véri-
table majorité. Or, sous ce double rapport, on
est loin de compte.
Il n'y a pas que les social-démocrates qui
s'inquiéteront de voir le portefeuille de
l'agriculture confié à M. Schiele, chef des
nationalistes agrariens, et de 'voir, d'au-
tre part, entrer dans la combinaison M.
Treviranus, qui, s'il fut un des députés
nationalistes, qui" furent le courage ;de s'op-
poser à la politique de M. Hugenberg, n'en a
pas moins des tendances réactionnaires assez
inquiétantes pour la démocratie allemande.
Quel appui des: hommes comme M. Schiele et
M. Treviranus peuvent-ils apporter à un gou-
vernement des partis moyens dominé par le
centre catholique.?; Il serait difficile de le dire,
car on reconnaît en général que si M. Hugen-
b.erg reste irréductiblement hostile à tout gou-
vernement dont lui et ses amis n'auraient pas
le contrôle, M. Brûning n'aura pas d'appui à
attendre de la droite. D'ailleurs, si le ministère
nouveau ne peut vivre qu'avec le concours des
nationalistes, il est bien évident que les démo-
crates lui refuseront leur collaboration et qu'il
risquera de perdre à son aile gauche plus qu'il
ne peut raisonnablement espérer gagner à son
aile droite.
Le cabinet Brûning n'est et ne peut être qu'un
cabinet de minorité durant grâce à la com-
plaisance tantôt de la gauche, tantôt de la
droite,: suivant les gircoustances, mais inçâ-
pable d'imposer par ses propres moyens une
politique claire et ferme à un Parlement où
se heurtent les tendances les plus opposées.
Les social-démocrates, qui forment le parti
numériquement le plus puissant du Reichstag,
ne peuvent manquer de réagir 3e toute leur
énergie contre la politique qui tend à gouver-
ner sans eux, sinon contre eux. Le problème e
reste, dès lors, de savoir comment le cabinet
Brüning obtiendra de n'être pas renvei'sé dès
sa première prise de contact avec le Reichstag,
alors qu'il est évident qu'il ne peut trouver
une majorité stable. Il semble bien que dans
certains milieux on compte surtout sur le pres-
tige personnel du président Hindenburg pour
faire durer le ministère présidé par M. Brü-
ning. On est assez porté à croire, en effet, que
c'est le marééhal-président qui aurait en quel-
que sorte improvisé cette combinaison minis-
térielle et qu'il la tenait déjà en réserve lors-
que le chancelier Müller alla lui offrir la dé"-
mission du cabinet de coalition. Les conser-
vateurs et les nationalistes se résoudront-ils • à
soutenir le ministère Brüning par unique pré-
occupation de ne pas s'affirmer en opposition
avec le président Hindenburg et de ne pas pro-
voquer une crise politique qui serait d'autant
plus dangereuse .qu'elle découvrirait en quelque
sorte le chef de l'Etat? La situation est délicate
à tous les points de vue, car une crise de ré-
gime ouvrirait la porte à toutes les aventures,
de l'autre côté du Rhin, et créerait de sérieuses
préoccupations au sujet de la politique géné-
rale de l'Allemagne dans l'ordre européen.
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU ULtVXP»
Londres, 30 mars;
Suivant le Sunday Dispatch, on éprouve, une
certaine inquiétude au sujet de la santé de M.
Mac Donald qui se ressent des fatigues causées
par les difficultés rencontrées au cours de la con-
férence navale, et on ne serait pas surpris que
son médecin lui prescrive un repos complet.
Rome, 30 mars.
M. Mussolini a reçu M. Becker, ancien ministre
de l'instruction publique de Prusse.
Rome, 30 mars.
Les milieux du Vatican laissent clairement en-
tendre que le pape aurait décidé de convoquer
un concile œcuménique pour 1931, à la fin de 1 an-
née jubilaire. Budapest, 30 mars.
M. Gratz, ancien ministre des affaires étran-
gères M. Balkanyi, directeur de l'Association des
commerçants hongrois, et M. Kresz, directeur de
l'Union des banques et caisses d'épargne, repré-
senteront la Hongrie aux délibérations de la cham-
bre de commerce internationale qui auront lieu
mardi prochain à Paris.
Belgrade, 30 mars.
M. Kimanudi, ministre des affaires étrangères
par intérim, et lo comte Torrijos, ministre d'Es-
pagne à Belgrade, ont signé ce matin à if heu-
res au ministère des affaires étrangères, le
traité d'arbitrage et de conciliation pour le rè-
glement judiciaire des litiges entre le royaume
d'Espagne et le royaume yougoslave.
Washington, 30 mars.
M. Filipowicz, le nouvel ambassadeur de Polo-
gne à Washington, a présenté samedi ses lettres
de créance à M. Hoover- qui, dans sa réponse
à l'ambassadeur, s'est félicité que le gou-
vernement de la République de Pologne ait donné
témoignage de sa bonne volonté et des sentiments
d'amifré qu'il nourrit a l'égard des Etats-Unis en
élevant son poste diplomatique au rang d'ambas-
sade. ̃
LâRATIFICiTIOHDD PL4N YOUHG
LÀ R'RIPIFICiâ ï 1 DU PL'RliYOUIG
La Chambre a ratifié les accords de la Haye,
sinon à l'unanimité comme le lui demandait le
président du conseil, du moins à une majorité
véritablement imposante. Ces séances, où la
politique pure sans disparaître tout à fait cé-
dait cependant le pas aux grands intérêts qui
se trouvaient en jeu, compteront parmi les plus
remarquables de la législature.
M. André Tardieu avait ouvert la journée
par un discours d'une,maîtrise et d'une clarté
auxquelles tous les partis ont rendu hommage.
L'éloquence du président du conseil, on le sait
depuis longtemps, n'emprunte rien à la rhéto-
rique traditionnelle. Dépouillée d'ornements
fleuris, elle tire uniquement son éclat de sa
précision, de sa dialectique nue. C'est une élo-
quence jeune, comme il convient à cette
après-guerre avide d'action et de- positives
réalités. C'était plus qu'un bilan, infiniment
plus, mais il y avait l'élégance châtiée et la
sévère ordonnance d'un bilan. Qu'on relise à
ce propos l'historique de la commercialisation
de la dette, l'exposé rapide des conférences de
Genève et de la Haye, où le plan Young vit
officiellement, mais non douloureusement le
jour. Bonne solution financière, en somme,
bonne solution politique puisqu'elle a, suivant
le désir de la France, le caractère d'un règle-
ment définitif et complet, et qu'elle constitue
en effet une étape sérieuse vers le rapproche-
ment franco-allemand.
Ici, le président du conseil a repondu aux
craintes, aux critiques exprimées la veille par
des adversaires de choix, MM. Paul-Boncour,
Blum, Herriot.
Par un étrange paradoxe, l'extrême gauche,
qui ne s'est jamais beaucoup souciée de sanc-
tions, reprochait à M. Tardieu de ne pas avoir
sauvegardé, avec les textes actuels, la liberté
d'action de la France. Félicitons-nous de cette
inquiétude aisément dissipée. Elle a permis,
par l'intervention de M. Herriot lui-même, de
préciser des points délicats, le jeu des tribu-
naux internationaux et l'action prévue en cas
de carence de l'Allemagne.
Où avez-vous vu que nous ayons renoncé
à cette thèse? demanda le président du con-
seil.
Et M. Herriot de se réjouir bruyamment de
la déclaration que la procédure ne jouera que
dans le cadre général et préalable de la Société
des nations. 1
Mais M. Herriot, tenace, essaya encore de
pousser au président du conseil quelques
pointes acérées, de montrer que lui et ses
amis ne voulaient pas que l'on revînt à la
vieille procédure des sanctions, alors que na-
turellement le gouvernement de M. Tardieu
n'y renonçait pas. Toujours la même tacti-
que se saisir devant l'opinion de l'amour de
la paix et le dénier aux autres, ou du moins
prétendre que seules les méthodes de M. Her-
riot conduisent à la paix.. D'un mot, M. An-
dré Tardieu a écarté l'obstacle si vous ne
voulez pas de la précaution supplémentaire
que j'ai prise, renversez-moi!
Mais l'opposition d'extrême gauche, si elle
y songeait, a eu cependant la sagesse de ne
pas faire passer ses rancunes politiques
avant la nécessaire ratification.
Un nouvel engagement toutefois devait se
produire, dans la nuit, à propos de l'article 4,
qui attribue le produit des émissions à la
Caisse nationale d'amortissement. Jamais
M. Paul Reynaud ne manifesta avec autant
d'éclat ses qualités de debater. La veille, il
avait prononcé un discours dont nous avons
apprécié la haute valeur. Mais il s'agissait
cette fois d'éviter un piège qui menaçait
étrangement l'avenir. Duel scintillant où M.
Léon Blum mit toutes ses ressources de dia-
lèéticien, où M. Paul Reynaud ne céda pas
d'un pouce.
Pas d'affectation spéciale, proposait le
député socialiste,
̃̃• Ne mettez pas en cause ̃̃ l'équilibre, des
budgets de l'avenir, ripostait M. Paul Rey-
naud. • •'
Et M. MalvyV.au nom de la commission des
finances, de venir à là rescousse de M. i>éos.
Blum.
Ne nous lions pas les mains, dit-il.̃
Quelle arrière-pensée animait donc les as-
saillants ? Quel trésor voulaient-ils constituer
hors de l'amortissement ? Ce fut peut-être le
moment le plus décisif du débat et le plus
émouvant. M. Baudouin-Bugnet,. avec beau-
coup d'à-propos, sentit le péril et reprit le
texte retiré par la commission..
C'était la fin. Sans doute faut-il regretter
que certains modérés aient cru. devoir se sé-
parer de l'unanimité de la Chambre, poussés
par des scrupules fort honorables, et par des
craintes dont l'avenir, nous en, sommes con-
vaincus, démontrera la vanité. Mais les 527
voix qui se sont prononcées pour l'ensemble
du plan Young donnent à l'étranger une très
suffisante preuve de la volonté pacifique de
la France, liée à sa sécurité. Les 'partis n'ont
pas entièrement oublié leurs querelles au
cours de ces dernières séances. Mais au der-
.nier moment ils se sont ressaisis et ont fait
taire leurs sentiments personnels.
Et si nous considérons du point de vue
de la politique intérieure le4 vote d'hier, il est
également vrai que le ministère et le .prési-
dent du conseil sortent grandis de ces débats,
puisque autour d'eux s'est groupée la Cham-
:bre, en une majorité impressionnante, en dé-
pit des cliquetis d'épée que l'on avait enten-
dus et qui se sont effacés.
L'ÉCOLE D'ATHÈNES
"<
'.Une heureuse coïncidence, où le symbo-
lisme des anciens eût aperçu sans doute un
signe manifeste de la volonté favorable des
dieux bienveillants, fait qu'au moment même
où la célébration solennelle du centenaire de
l'indépendance hellénique rappelle les glo-
rieux souvenirs des relations séculaires de la
Grèce et de la France, le fiénat est appelé par
l'ordre du jour de ses délibérations a se pro-
noncer sur les nouveaux crédits que le projet
de, loi portant fixation du budget général de
l'exercice 1930 a prévus pour favoriser les
travaux de l'Ecole française d'Athènes.
Gouvernement et Parlement sont en plein
accord sur ce phapitre, également désireux l'un
et l'autre d'honorer par un témoignage public
de la satisfaction nationale une institution
française qui, vouée par ses fondateurs au
culte des sciences, des lettres et des arts,
inaugurée dans le voisinage de l'Acropole, a
bien mérité de l'humanité civilisée en cher-
chant ses fondements près des autels privilé-
giés de la sagesse divine, dans la terre anti-
que où se maintiennent les fortes et cordiales
traditions de la plus ingénieuse hospitalité.
Sœur cadette de l'Académie de France à
Rome, l'Ecole française d'Athènes est relative-
ment jeune. Elle ne compte que quatre-vingt-
quatre ans d'existence, tandis que déjà sa
grande aînée est plusieurs fois centenaire.
Elle eut pour parrains, au siècle dernier, deux
hommes de culture classique et d'imagination
volontiers romantique, M. de Salvandy, minis-
tre libéral, et M. Piscatory, diplomate philhel-
lène. Celui-ci, au cours d'une jeunesse héroï-
que et chevaleresque, avait fait le coup de feu,
dans la ,montagne, avec les Palikares, contre
les bachi-bouzouks du sultan Mahmoud. Celui-
là, journaliste d'opposition loyale sous la mo-
narchie absolue, orateur disert, écrivain élé-
gant, auteur très distingué de plusieurs ou-
vrages tour à tour historiques et romanesques,
était devenu, sous la monarchie constitution-
nelle, par l'effet des conséquences logiques
d'une révolution populaire, député de la majo-
rité et secrétaire d'Etat. C'est en qualité de
grand-maître de l'Université que M. de Sal-
vandy eut l'honneur de proposer à la signature
du roi Louis-Philippe l'ordonnance du i1 sep-
tembre 1846, dont l'article premier est ainsi
conçu « Il est institué une Ecole française
de perfectionnement pour l'étude de la lan-
gue, de l'histoire et des antiquités grecques à
Athènes. Cette école se compose d'élèves de
l'Ecole normale supérieure, reçus agrégés des
fiasses d'humanités, d'histoire ou de philoso-
phie. Elle est placée sous là direction d'un
professeur de faculté ou d'un membre de l'Ins-
titut. »
Tout de suite, dès le début de leur beau
voyage, les jeunes universitaires de notre
première promotion athénienne, dite promotion
des « Argonautes », ont parfaitement compris
qu'ils étaient les continuateurs d'une œuvre
déjà commencée, sur place, par leurs compa-
triotes de la commission de Morée. Cette com-
mission, avant-garde composée d'une élite
d'archéologues militants, d'artistes intrépides
et d'historiens aux pieds légers, avait donné
l'exemple à suivre en montrant les résultats
qu'obtient l'observation directe, par la méthode
excellente de l'étude en plein air. Trois res-
pectables in-folio, répertoires inépuisables,
meubles imposants des bibliothèques bien
approvisionnées, attestent l'activité de l'Expé-
dition scientifique en Morée. On y trouve no-
tamment des « inscriptions et vues du Pélo-
ponèse, des Cyclades et de l'Attique, mesu-
rées, dessinées, recueillies et publiées par
Abel Blouet, architecte, directeur de l'expédi-
tion ordonnée par le gouvernement français ».
Attachée au corps expéditionnaire du général
Maison, la troupe studieuse que dirigeait
Blouet, et dont faisait partie Edgar Quinet, a
repéré, en 1829, l'emplacement des sanctuai-
res d'Olympie, visité l'île d'Egine et l'Arcadie,
exploré les ruines de Mycènes, gravi jusqu'au
sommet les hauteurs du Taygète, fixé presque
partout, à chaque, étape d'un itinéraire métho-
dique, le point de départ d'une recherche fu-
ture. Les origines de l'Ecole française d'Athè-
nes sont très anciennes. La commission de Mo-
rée elle-même retrouvait à chaque pas les
traces de ses prédécesseurs proches ou loin-
tains. Grâce aux bons offices de l'ambassadeur
de France à Constantinople, un peintre fran-
çais a pu, au temps du roi Louis XIV et du
sultan Mohammed IV, monter à l'Acropole et
rapporter de ce pèlerinage une collection de
dessins qui sont aujourd'hui conservés au
cabinet des estampes de la Bibliothèque natio-
nale. Chateaubriand, au cours de son Itinéraire
de Paris à Jérusalem, trouva, chez le consul
de France à Athènes, un musée de précieuses
reliques, pieusement gardées. Ce sont nos
agents consulaires et nos officiers de marine
qui ont délivré d'une longue captivité la Venus
de Milo, quarante-trois ans avant le jour mé-
morable où la Victoire de Samalhrace trouva
également un refuge à l'abri de notre pavillon.
Les chantiers ouverts par l'Ecole française,
avec la collaboration amicale des autorités hel-
léniques, ont donné au Musée national d'Athè-
nes. un trésor de marbres antiques, découverts
notamment dans les fouilles de Délos, de Man-
tinée, d'Amorgos, de *Trézène, de Thèbés, de
Thespies, de Tégée. On entre à l'Acropole par
une porte dite Porte-Beulé, du nom d'un Fran-
çais de la quatrième promotion athénienne qui,
attaquant d'un vigoureux coup de pioche les
murailles d'un bastion turc, a découvert, en
1852, l'escalier des Propylées. La Crète, explo-
rée en 1857 par Georges Perrot et Léon The-
non, a livré, dans ces derniers temps, aux cu-
| riosités intelligentes des artistes" et des con-
[ naisseyrs, le magnifique trésor que la facilité
croissante des communications offre aujour-
d'hui, fort aisément, aux visiteurs émerveilles
du musée de Candie et du palais de Minos.
Le* prochaines fêtes de Delphes vont mettre
en itMière* un des plus beaux symboles de
i*unilié franco'-hellénique. La convention du
8 mars 1891 "a permis à' l'Ecole française de
posséder une maison et d'élire domicile. au pied
du Parnasse, à deux' pas de la source de Cas-
talie. La relève des équipes laborieuses qui ont
habité cette demeure d'apparence modeste
assure la continuité d'un travail dont la pers-
pective s'étend, sous le ciel du Levant, vers les
origines vénérables et sacrées de la civilisa-
tion occidentale. C'est l'âme profonde de la
Cité antique qui se révèle dans la splendeur
des sanctuaires ressuscités, des théâtres rani-
més, des stades ouverts aux spectateurs de la
force disciplinée et de la beauté harmonieuse.
C'est encore cette âme qui parle dans le re-
cueillement des nécropoles où l'on entend la
voix des morts, graves témoins d'un passé
toujours vivant. Il faut que l'œuvre de l'Ecole
française d'Athènes soit continuée, avec des
ressources dignes de son labeur, proportion-
nées à l'objet des légitimes ambitions qu'au-
torise l'importance des services rendus et des
titres acquis. Noblesse' oblige.
C OMME DANS L'ÉVANGILE
Une fois encore, le syndicalisme illégal tient
le gouvernement en échec. « L'affaire Doron »
lui procure cet avantage. Nos lecteurs n'ont
pas oublié le cas de cet instituteur communiste,
« chef de rayon » appointé par le parti, « en
congé pour lui consacrer toute son activité,
ainsi qu'il le fit valoir dans sa demande », pa-
raîfcrjl, condamné par le tribunal correctionnel
à vliï^t jours de prison pour outrages aux
agents de la force publique, absous par le con-
seil départemental de la Loire grâce à la coali-
tion de trois conseillers généraux et des quatre
maîtres délégués et finalement révoqué par le
préfet dans le plein exercice de son droit. On
se rappelle aussi que, sur l'injonction du syn-
dicat dit national des instituteurs, tous lés con-
seillers départementaux de son obédience se
démirent, le 10 février dernier, en manière de
protestation, à l'exemple des unitaires, sabo-
tant de compagnie la loi libérale de 1886. Grève
préméditée, démissions collectives la parole
est aux pouvoirs publics.
Six semaines durant, ils semblent muets.
Non pas, certes, que la faute fût douteuse
c'était même une récidive, ni la riposte dif-
ficile l'autorité constituée avait tout son jeu
en main. Une première solution s'offrait, au-
tant dire s'imposait à elle. Aucun texte ne
l'obligeait d'accepter des « démissions concer-
tées ». Après convocation régulière des démis-
sionnaires, leur absence est considérée comme
une « abstention systématique » par suite, la
majorité des membres présents n'est pas né-
cessaire, et ces assemblées départementales
peuvent délibérer valablement. A deux reprises
le conseil d'Etat a fixé sur ce point la jurispru-
dence. Il était donc loisible aux préfets de re-
fuser ces démissions et au ministre de laisser
les protestataires mariner dans leur grève jus-
qu'au renouvellement triennal. Pour n'être pas
s'i longtemps évincés a'une part de l'adminis-
tïa,tï6n scolaire à laquelle ils attachent un
̃gitand prix, il y a apparence qu'ils fussent re-
venus d'eux-mêmes avec leur courte honte.
Une récente délibération de leur bureau mon-
tre clairement leur inquiétude. Au demeurant,
la sanction eût été proportionnée à la faute; et
si cette mesure, impliquait quelque fermeté,
elle n'avait rien en soi qui exigeât, du ministre
l'héroïsme. .̃'
-Il ne s'y est pas arrêté. Une autre décision,
moins entière, n'eût pourtant pas laissé de pro-
duire quelque effet. On pouvait accepter les
démissions et, dans les délais habituels, repor-
ter les élections au 1" août prochain. Les ma-
nifestants, plus attachés, malgré tout, à leurs
prérogatives qu'à la « liberté d'opinion du
jQlcheviste Doron, se voyaient privés de pren-
dre part en juillet au mouvement du person-
nel. De la sorte, la répression eût été plus spi-
rituelle que vigoureuse; du moins eût-elle pu
servir d'un avertissement. Mais il semble
qu'elle dépassât encore les forces gouverne-
mentales. En conséquence, de réflexion faite,
l(j grand-maître de l'Université, pour relever le
défi de ces grévistes par ordre du syndicat et en
faveur d'un condamné de droit commun, les
prie tout simplement, avec prévenance, de se
mettre d'accord sur la date des futures élec-
tions et les invite à la lui soumettre avant de
l'arrêter définitivement. En vérité, c'est témoi-
gner avec modestie d'une mansuétude propre-
ment chrétienne. « Si l'on vous frappe sur la
joue' droite. » Bref, tout se passe comme dans
l'Evangile.
::UNE INDÉCENCE-
Michel Walter nous envoie une nouvelle
rectification au sujet de son vote dans c
scrutin du conseil municipal de Strasbouig
du 16 mars
''Vous aviez prétendu, dit-il, dans votre article
que j'ai appuyé la proposition communiste; je
vous ai prouvé à l'aide du compte rendu officiel
que j'ai combattu cette proposition Vous dites
maintenant que je me suis abstenu dans le vote
avec mes ami,s. lue vous
J'ai le regret de vous affirmer que ce que vous
avancez maintenant est également contraire à la
vérité. J'ai voté avec mes amis Merkel eU Spresser
contre la proposition communiste.
Voici le compte rendu donné par le Nouveau
• Tournai de M. le député Charles Frey, qui, certai-
nement;, à vos yeux, n'est pas suspect de manquer
de. patriotisme, compte rendu que vous trouverez
dans le numéro du 18 mars de ce journal
« M. Walter déclare que toute discussion porte-
rait préjudice à la valeur morale de ce vote. Il
faudrait un vote unanime dans ce sens que les
ÎOO'.OOO francs soient versés à la Banque de
France.
» Le socialiste Riehl n'a rien à objecter à
ce que les 50,000 francs soient envoyés au Se-
cours rouge international, mais il trouve juste
oaé l'on envoie la moitié de la somme à la Confé-
dération générale du'travail.
» Après de longues discussions, on procède au
vote. Sur la proposition d'envoyer 50,000 francs
âa Secours rougê international, ont voté pour
les communistes, le socialiste Riehl, les auto-
nomistes, à l'exception de M. Heil; ont voté
contre les sept démocrates, 'MM. Walter, Merkel
et' Spiesser, de l'U. P. R., et M. Heil. Les autres
se sont abstenus. La proposition communiste a
donc été adoptée par 16 voix contre 11 voix. »
-Vôi'là le compte rendu du journal de M. ,1e dé-
puté Frey, qui confirme dans tous les détails ce
que je vous ai écrit dans ma lettre de rectiil-
tion.
Il en résulte que votre article et votre com-
mentaire sont tout à fait contraires à la vérité.
Il en' résulte ensuite que si les socialistes, si chers
à votre journal. avaient voté comme moi et nos
amis, la proposition communiste aurait été reje-
tée. Et, il en résulte eniin que si une indécence a
été commise, elle a été faite par vos socialistes et
'non pas par moi et mes amis.
Les renseignements sur le scrutin non no-
minal.et non public du 18 mars ne peuvent
être obtenus que par des recoupements. Tou-
tefois, M. Michel Walter paraît trop heureux
d'avoir une fois voté contre ses amis commu-
nistes pour que nous lui contestions cette joie
dont il a trop besoin.
Pourquoi cependant M. Michel Walter, en
signalant ,jine erreur, écrit-il, lui aussi, une
contre-vérité en indiquant que « ses amis » ont
voté comme lui? Il nous donne lui-même les
chiffres du scrutin. Il en ressort que la mino-
rité qui s'est prononcée contre l'envoi au Se-
cours rouge international se compose de
li voix; soit sept démocrates qui connais-
sent leur .devoir et n'ont pas besoin que M.
Walter le leur claironne, trois membres du
parti de M. Walter, et M. Heil. Qu'est devenu
le quatrième membre du parti de M. Walter?
Il s'est volatilisé. Il s'est abstenu, et non sans
raison. Nous connaissons trop M. Walter pour
supposer qu'il n'est pas pour quelque chose
dans cette abstention, comme il fut pour quel-
que chose dans le prêt d'une voix catholique
aux communistes quand il s'agit d'élire M.
Hueber.
Dans le vote du 16 mars, si les quatre socialis-
tes avaient voté contre la proposition commu-
niste, le résultat était encore douteux. Mais pour
qu'il ne le fût plus, pour que les communistes
obtinssent la majorité, il fallait et il suffisait,
dans ce cas, de l'abstention d'un membre de
l'Union populaire. Cette abstention a été ac-
cordée et constitue une indécence. Les paroles
de M. Walter mettant sur le même pied la
Banque de France et le Secours rouge inter-
national en sont une autre.
M. Michel Walter nous renvoie en raillant
aux « socialistes nationaux ». Comme il a tort!
Il nous permet ainsi de le renvoyer lui-
même à ses communistes, aux hôtes des gens
de son parti, par exemple l'espion Friedrich
von Lama, et au conseil excellent que lui
donne M. Oscar de Ferenzy lui-même « II
serait désirable de faire comprendre à' M. Wal-
ter, dit ce dernier, que; dans l'intérêt même de
l'Union populaire, il serait préférable qu'il
s'abstînt, pendant quelque temps au moins, de
se mettre en vedette par des manifestations
extérieures; qu'il vaudrait mieux qu'il écrivîi
̃ moins dans les journaux, qu'il fît moins par-
ler de sa personne, mais qu'il travaillât sans
bruit, à l'intérieur du parti, à l'œuvre de re-
dressement rendue nécessaire par sa faute &
lui. »
«••
Vn pamphlet contre la culture
La pensée bourgeoise ayant trépassé l'an dernier
sous ses coups, M. Emmanuel Berl s'en prend au-
jourd'hui à la morale bourgeoise, qu'il vient de
condamner à mort, dans un petit livre prophéti-
que et fuligineux, de lecture assez difficile, bien
qu'abondant en pirouettes. Mais M. Emmanuel
Berl a tout l'air du monsieur qui se chatouille
pour se faire rire, sans communiquer à personne
sa gaieté peu persuasive. C'est que sa gaieté n'est
pas aimable. Sous couleur de critique et de phi-
losophie, elle est nourrie de haine et fait un peu
penser à la jovialité des Sioux devant leur vic-
time liée au poteau d'exécution.
C'est à la bourgeoisie qu'en veut M. Berl. Bien
qu'il admire Karl Marx, il assure n'être affilié à
aucun parti et prétend ne juger des choses qu'en
intellectuel pur, pour qui la révolution n'est ja-
mais que « le refus pur et simple opposé par
l'esprit au monde qui l'indigne ». Nous savons
où le mènera ce vertueux désintéressement, quand
il aura fini de penser sur la corde nous retrou-
verons ce démagogue aux prochaines élections.
C'est son droit, mais on a aussi .ici le droit de
souligner la singularité de son cas le monde
qui indigne M. Berl est le sien, et M. Berl trahit
doublement, car il est bourgeois.: et il est clerc.
Et il n'est pas certain non plus que le prolétariat
au nom duquel il mène aujourd'hui la campagne
soit parfaitement satisfait de son zèle, le peuple
n'ayant jamais eu de plus maladroit défenseur et
de plus indiscret ami.
On pourrait lui demander d'abord de définir
exactement cet esprit bourgeois, objet de sa
verve. C'est un mot sur lequel on ne s'entend
guère « J'appelle bourgeois tout ce qui pense
bassement », disait autrefois le bon Flaubert,
comme s'il avait prévu notre pamphlétaire; et
cette définition suffit à déterminer le philistin,
lequel, pour être en lui-même haïssable, n'a rien
à voir avec la querelle de classe qu'attise à plai-
sir M. Berl. Pour lui, ce reproche est inopérant.
Est bourgeois, à ses yeux, seulement ce qui
pense; et ce même Fiaubert eût été bien surpris
d'apprendre de ce moraliste que bourgeoisie et
culture sont synonymes, et condamnables au
même titre. Tel est pourtant le thème du réqui.
sitoire de M. Berl, qui voit dans la culture le pri-
vilège exclusif de la bourgeoisie, met M. Herriot
et M. Léon Bérard dans le même sac parce qu'ils
sont également forts en latin, et tient pour traî-
tres à leur parti tous les prolétaires qui, séduits
par le plaisir d'apprendre, réussissent à partici-
per, de près ou de loin, à cette culture. Ainsi les
humanités, l'esthétique, la connaissance de l'his-
toire, le sens de la civilisation, le goût de l'ana-
îiran et Ho la nhilosonhie. apanages exclusifs de
la classe bourgeoise, ne seraient que viande
creuse pour le peuple, qui cesserait d'être lui!-
même s'il bénéficiait de cet inutile savoir, gage
de son accession à cette bourgeoisie détestée,
mais dont M. Berl oublie un peu trop qu'elle est
ce qu'on la voit aujourd'hui, précisément pour
être sortie de ce peuple en 1789, et depuis n'a
tiré sa vitalité que de cela. Mais l'esprit de parti
est si fort que M. Berl préférerait encore le pro-
létaire enfermé volontairement dans sa condi-
tion misérable, plutôt que de le voir s'en libérer
par une ascension matéri'elle et spirituelle qui
réduirait à néant l'utilité de ses mauvais maî-
tres, exploiteurs d'antagonismes et docteurs en
révolutions. Il ne faut cependant rien exagérer.
et nous avons tout lieu de croître, l'ayant lu, que
l'auteur de la Mort de la morale bourgeoise se
soucie de son cher prolétariat comme d'une gui-
gne et ne s'est pas donné d'autre objet que le
malin plai'sir d'embêter surtout le bourgeois,
pour lequel il écrit. Comme si d'ailleurs il n'y
avait de prolétaires que chez les ouvriers, et si
tout ce qui vit de son travail n'en était pas, à
commencer par les travailleurs de l'esprit, que
leur culture au moins console d'être nés sans
fortune. Ne servirait-elle qu'à cela, la culture se-
rait encore digne d'amour et de respect, et dans
cette efficacité accessoire trouverait sa moralité.
M. Berl, au reste, l'a bien vu, et c'est ce qui
l'entraîne à dénoncer un autre péché de l'esprit
bourgeois son idéalisme. Voilà qui eût encore
assez diverti notre Flaubert, et le reproche est
pour le moins inattendu, venant d'un côté d'où
l'on n'a point cessé jusqu'ici de vitupérer les appé-
tits matériels de cette bourgeoisie assoiffée des
biens de ce monde M. Berl, qui n'en est pas à
une contradiction près, renverse la proposition et
veut que le peuple soit résolument matérialiste.
« Seul, le matérialisme exprime la fidélité au
peuple. Le matérialisme est une certaine ma-
nière de déprécier. Il signifie un certain goût de
la dépréciation. Toutes les valeurs de considéra-
tion qu'inlassablement la bourgeoisie instaure,
inlassablement il les disqualifie. Il porte contre
l'honneur une accusation permanente et sans cesse
vérifiée. Il est cynique. Il ne veut que la vérité.
Et pour lui, le plus vrai coïncide avec le moins
noble. La matière, c'est ce qui ne dure pas. Le
matérialisme refuse donc toutes les valeurs de
permanence, tout ce qui s'accroche à la durée. »
Et quoi encore ? « Le matérialisme est pour moi
le courage dans la pensée et l'irrévérence dans le
cœur», ajoute M. Berl pour terminer éloquem-
ment sa profession de foi électorale. L'irrévérence,
on s'en doutait. Mais le courage dans la pensée,
c'est peut-être pourtant autre chose, et qui en-
traîne habituellement plus de risque que le cha-
grin de n'être pas lu. On pense à Galilée, à Renan.
à Pasteur. Mais on saura tout de même gré à
M. Berl de nous avoir appris, ou rappelé, à travers
I se- fumeux petit livre, que la révolution, qu'il
attend, c'est d'abord de tout embrouiller. E. B.
LE RÈGLEMENT DE LA PAIX
Conférence Havaie fle Londres
(Par téléphone, de notre correspondant particulier)
Londres, 30 mars.
Malgré la vague de pessimisme quii avait déferlé
vendredi soir et samedi parmi les observateurs
de la conférence, la semaine s'est terminée sur
une note plus confiante. En réalité, les pourpar-
lers sont loin d'être terminés et pourront conti-
nuer assez longtemps encore comme lis l'ont fait
ces iours derniers, dans de bonnes conditions. M.
Henderson, porte-parole du gouvernement britan-
nique, dans ces négociations, est la cordialité
même. Mais le ministère travailliste, comme on le
sait, est devenu conscient de certaines résistances
dans son opinion publique dont apparemment Hl
ne s'est pas rendu compte en 1924 lorsqu'il a ad-
héré au protocole de Genève, et il fait état d une»,
opposition, à notre sens beaucoup plus imagi-
naire que réelle, pour essayer de réduire au mi-
nimum des engagements précis que l'Angleterre
doit prendre pour l'application des clauses du con-
venant de la Société des nations.La longueur même
de ces pourparlers franco-britanniques n'est pas
sans présenter quelques avantages, car elle contri-
bue notamment à corriger peu à peu dans l'opinion
anelatee l'idée erronée que la France demande une
protection unilatérale, alors que, aujourd'hui com-i
me depuis dix ans, la thèse ae la séeuruté qu'elle
défend intéresse toutes les nations. Les nombreux
éléments de l'opinion anglaise qui. sont sincère-
ment dévoués, la Société des nations n ont pas
fardé à découvrir ce fait important et c est un
des traits les plus caractéristiques de la situation
créée par la conférence que ces partisans chaleu^
reux de l'organisation de Genève se sont ralliés a
notre point de vue pour le soutenir contre l'atti-i
tude incertaine ..et un peu vacillante du gouverne-*
ment. < t rluV
D'autre part, les adversaires les plus résolus des
thèses françaises, qui les ont critiquées avec d au-;
tant plus de chaleur qu'ils les comprenaient moins,
ont eu le temps de se rendre compte que dans cer-
tains cas ils faisaient fausse route. C'est le cas no-é
tamment pour le rédacteur diplomatique de 1 06-
server qui constate, ce matin, avec satisfaction que
« la politique française pourrait bien aider la
cause commune ». En réalité, la situation est en-
tièrement dominée par la nécessité pour l'Angle-
terre et les Etats-Unis de conclure cette confé-
rence navale par une convention entre les cita.q
puissances participantes.
L'opinion américaine aussi bien que 1 opinion
anglaise est partagée entre les deux tendances
qui n'ont cessé d'être en lutte dans les cinq pays
intéressés depuis le début de cette conférence:
tendance conservatrice nationaliste ou de droite
à conserver et à développer ses armements na-
vals en toute indépendance, et tendance pacifiste
ou de gauche à chercher les moyens de réduire,
les charges financières et les dangers pour la
paix résultant des rivalités d'armements. La ma-
nilfestation la plus récente et la plus violente du
nati'onali'sme agressif qui refuse de laisser ré-
duire la flotte navale pour faire plaisir aux' pays
étrangers, a été celle de M. Hearst hier aux
Etats-Unis.
C'est en somme à la France et à l'Angleterre
qu'il incombe de résoudre les questions relatives
à l'entr'aide prévue dans le covenant qui sont
maintenant évoquées. Le seul fait qu'on y dis-
cute et qu'on en prépare la mise en œuvre cons-
titue un progrès considérable. Une impression
que nous avons déjà eu l'occasion de noter est
que le gouvernement de M. Mac Donald accep-
tera certaines sanctions, mais il fera des réser-
ves sur l'application de l'article 16 alinéa 2 du
covenant où il est question du secours aux ar-
mes pour faire respecter les engagements de la
Société des nations. .»
On a dit que, dans ces discussions, il fallait
trouver une formule assez vague pour ne pas
effaroucher les susceptibilités de l'Angleterre, qui
ne veut pas se lier, et cependant assez précise
pour donner à la France l'assurance de sécurité
qu'elle désire. Ainsi énoncé, le problème est mal
posé. Ce que les deux principales puissances na-
vales de l'Europe recherchent, ce sont les moyens
les plus simples et les plus efficaces, sans sortir
du covenant, de rendre une guerre impossible ou
inconcevable. L'existence d'un organisme qui, eu
cas de besoin, fonctionnera aussitôt sans mêma
aller jusqu'au recours aux armes, aura pour effet
d'intimider les éléments qui pourraient encore as-
pirer à trancher leurs différends par le recours
à la force brutale. C'est en ce sens que les coa-
versations franco-anglaises se poursuivent au-
jourd'hui dans une atmosphère de cordialité sin-
cère et d'optimisme tempéré, et l'on fera proba-
blement connaître demain, 31 mars, les résultats
auxquels il aura été possible d'aboutir dans les.
conditions présentes.
La presse anglaise réagit vivement contre
article de la presse Hearst contre M. Mac Do-
nald et prend la défense du premier ministre
britannique. Le Sunday Times montre combien
cette attaque peut faire de tort à la conférence
navale elle-même. Heureusement, de l'avis de ce
journal, le public anglais pas plus que son premier
ministre n'attacheront d'importance aux injures
de M. Hearst.
M. Price Bell, journaliste américain bien connu,
i l'initiative de qui a été due la visite du pre-
nier ministre britannique aux Etats-Unis l'année
dernière, a déclaré hier
M. Hearst n'aime pas la conférence. Il est de ceux
qui, aux Etats-Unis, ont toujours voulu qu'elle échouât
et qui ont fait tout ce qu'ils ont pu pour en assurer
l'échec. Ce genre-là appartient à l'école de publicistes
qui soutient que les Etats-Unis doivent construire la
flotte qu'ils veulent et laisser les autres nations en
faire autant. En d'autres termes, ils sont nationalistes
et non internationalistes. Je ne fais pas le procès du
patriotisme, de cette école de penseurs, mais je n'at-
tache pas la moindre foi à leur philosophie. Il n'est
pas douteux, à mon avis, que la masse formidable de
l'opinion publique américaine les a tellement dépassés
qu'ils sont à peu près impuissants. M. Hoover s'atten-
dait à l'hostilité de gens du type Hearst contre son
grand effort pour amener une coopération avec M. Mao
Donald en vue d'une réduction considérable des ar-
mements navals. Malgré tout, le président des États-
Unis espère toujours aboutir et cet espoir est partagé
par tous les politiciens progressistes des Etats-Unis. Je
m'attends à tout, de la part de Hearst, pour ruiner
l'œuvre magnifique des nations, à Londres, maginikiue
dans son idéal. Néanmoins, je suis profondément cho-
qué des termes ignobles et injurieux qu'il emploie con-
tre M. Mao Donald que je connais depuis trente ans et
pour les qualités duquel, comme homme d'Etat paciflste,
j'ai une très grande admiration. L'attaque de Hearst
contre M. Mac Donald ne fera aucun tort au premier
ministre britannique dans l'opinion américaine, cela lui
fera plutôt du bien.
Le Sunday Express constate que la lettre de la
presse Hearst à M. Mac Donald est « un ouragan
d'injures sans pareilles dans les annales du jour-
nalisme » et voit dans cette lettre une attaque,;
non seulement contre le chef du gouvernement^
mais contre la nation britannique en général.
Le' Sunday Referee déclare que la visite de M.
Grandi, aujourd'hui à Chequers pourra avoir
pour objet de poursuivre l'examen de l'article 15
du covenant de la Société des nations et de l'en,
visager du point de vue italien.
M. Wickham Steed déplore la confusion qui
règne actuellement à la conférence de Londres et
écrit notamment « Tout est en l'air et personne
ne sait encore si la prochaine séance plénière sera
un enterrement ou un baptême. » R.-L. Cru.
L'attitude de l'Italie
Notre correspondant particulier de Rome télégra*
phie:
Les nouvelles qui parviennent de Londres ne
sont pas sans répandre une certaine perplexité
dans les milieux politiques romains.
Le Giornale d'Halia prêche la circonspection et
la prudence en ajoutant que la délégation ita-
lienne ne se laissera émouvoir par aucune me-
nace comme par aucune manœuvre. La Tribuna
émet toute une série d'hypothèses sur le pacte
méditerranéen -à l'ordre du jour, en exposant
qu'il ne peut être que quelque chose d'intermé'-
diaire entre un pacte de consultatibn comme celui
concernant le Pacifique et un pacte prévoyant
des engagements de caractère militaire comme le
traité de Locarno. Ce même journal ajoute qu'un
pareil pacte soulève dès maintenant une foule de
problèmes gui se. sont pas faciles à réj3ouçl£e, Il
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