Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1916-03-27
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 27 mars 1916 27 mars 1916
Description : 1916/03/27 (Numéro 19987). 1916/03/27 (Numéro 19987).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
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LUNDI 27 MARS 1910
CINQUANTE-SIXIEME ANNEE N4 19987
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DERNIÈRES NOUVELLES
owaoar~s~e
Paris, 26 mars
BULLETIOU JOUR
LA VISITE DE MM. SALANDRA ET SONNINO
M. Salandra et M. Sonnino arrivent ce soir à
,'Paris. En venant assister à la conférence des
alliés ils rendent en mcme temps la visite de
,M. Briand et des ministres français à Rome.
Le peuple romain fit à cette occasion aux repré-
sentants de la France un accueil grandiose. La
manifestation de la place Farnèse rappela,
'par l'enthousiasme spontané des foules, les soi-
rées de mai, lorsque tout le peuple, debout à la
voix de d'Annunzio, marchait à la. guerre d'une
,ardente et ferme volonté. Paris, grave et ré-
solu, ne rendra pas un hommage moins cha-
leureux aux envoyés de la nation sœur qui,
n'obéissant qu'à la voix de sa conscience, vint
se ranger à nos côtés sans se laisser impres-
sionner par les perspectives d'une lutte san-
glante et sans merci.
M. Salandra a succédé à M. Giolitti au mois
'de mars 1913, et M. 'Sonnino est devenu son
collaborateur en novembre 1914, en prenant le
portefeuille des affaires étrangères après la
mort du marquis de San Giuliano. Les, deux
amis dirigèrent de commun accord l'Italie dans
la voie que leur clairvoyance leur indiquait, as-
surés de l'appui du souverain, certains des sen-
timents de la nation. Le prince de Bûlow ils*
sait, avec le concours d'une puissante minorité,
'la trame de ses intrigues mais MM. Salandra
et Sonn,ino poursuivaient patiemment leurpoli-
tique. Ils sauvegardaient la dignité de l'Italie*
affirmaient les droits de leur pays sur l'Adria-
tique, et un mois après son arrivée à la Con-
sulta, M. Sonnino prit position. Il exigea de
l' Autriche-Hongrie, par sa dépêche du 9 dé-
cembre,-le respect de l'article 7 de l'alliance,
qui assurait à l'Italie des compensations si la
double monarchie moditlait l'équilibre balka-
nique. M. Salandra, de son côté, encourageait
les espérances patriotiques, animait le peuple.
Il parlait à Gaëte, à Gènes, à Rome au Capitole,
le conduisant d'une main sûre vers le dénoue-
ment qui approchait et dont la dénonciation de,
la Triple-Alliance donna le signal. Le souve-
rain et ses ministres concevaient le traité
comme un pacte conclu entre égaux. L'Alle-
magne et l'Autriche-Hongrie, en déclarant la
guerre ensemble et sans prévenir l'Italie,
l'avaient rompu. L'Italie reprenait sa liberté et
s'unissait aux puissances vers lesquelles la
portaient ses traditions, ses sentiments et ses
aspirations.
Les journées de mai sont encore présentes
à la mémoire de tous. Le gouvernement italien,
soutenu par le peuple qui réclamait la guerre,
eut raison de toutes les. résistances. La direc-
tion une fois prise, il l'a suivie avec une logique
imperturbable et un sens profond des néces-
sités du moment. On sait quelle belle vaillance
l'armée italienne déploie sur le plus difficile
des théâtres de la guerre.. Le général Cadorna
conduit les opérations avec la méthode qu'il
employa à réparer le défaut de préparation
'dans lequel la. conflagration européenne sur-
prit l'armée italienne. Le problème des indus-
tries de guerre a reçu des solutions pratiques
sous l'impulsion du' général Dall'Olio, et les
liens économiques et politiques qui s'étaient
̃resserrés entre ~Allemagne et l'Italie pendant
jtrerite-quatre ans de Triplice ont été progressi-
vement rompus.Les étapes vers une guerre uni-
:que étaient franchies. L'adhésion de l'Italie au
:pacte de Londres fut une manifestation déci-
'sive. Elle est confirmée par la participation à
'•la conférence de Paris où la solidarité des alliés
s'affirmera en face de l'ennemi commun.
Chacun des Etats qui défendent leur liberté
.en même temps que les droits de toutes les
mations dans ce monstrueux conflit déchaîné
par les empires du centre, a le devoir de contri-
buer dans la mesure de ses ressources à la
'défaite des puissances de proie. L'examen de
̃ ces ressources, leur utilisation la plus effective
pour le bien général, les moyens pratiques de
̃les accroître et de les combiner occuperont la
première place dans* les délibérations du con-
grès de demain. La France a dépensé son effort
sans compter. La Belgique et la Serbie- ont
donné leur sang, leur sol et leurs biens. La
Russie reprend l'offensive et la Douma procla-
mait hier encore la volonté du peuple russe
d'abattre l'auteur de la catastrophe qui ensan-
glante l'Europe. L'empire britannique redouble
.d'ardeur dans la transformation prodigieuse de
son recrutement et met en ligne dès à présent
des millions de soldats. Le rôle militaire de
"-l'Italie se développe progressivement et la bra-
Woùre de ses troupes sur l'Isonzo et sur les
,'Alpes montre ce qu'on peut encore attendre
'd'elle. La tâche des marines 'alliées devient de
plus en plus lourde pour resserrer le blocus,
~protéger la navigation contre la piraterie ger-
̃manique et assurer le ravitaillement des alliés.
iEnfin, les rapports avec les neutres, les bases
'do l'entente économique qui survivra à la
guerre et préparera l'Europe nouvelle sont au-
•tant de points qui s'imposent à l'examen de la
'conférence et l'obligent à envisager le but à
̃atteindre en subordonnant les vues particu-
lières à l'intérêt général.
C'est pour réaliser cette étroite collaboration
Çiie MM. Salandra et Sonnino viennent à Paris.
Avant leur départ de Rome, ils ont obtenu, un
vote de confiance du Parlement, qui a démontré
,que les dernières résistances avaient perdu
.toute consistance et que le patriotisme italien
'avait purifié l'atmosphère des dernières ten-
dances germanophiles. Le Sénat a apporté ses
vœux à M. Salandra avant de s'ajourner pen-
dant l'absence du président du conseil. La na-
tion entière a exprimé le désir que les mi-
nistres qui ont déclaré la guerre la fassent jus-
,qu.'au bout sans en excepter l'ennemi principal.
.C'est forts de ce mandat que les deux hommes
d'Etat italiens prennent part au congrès qui
oppose à l'Allemagne et à ses complices le
~formidable faisceau des défenseurs du droit.
c90
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
•DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU ©TJttpS
Londres, 20 mars..
Le War office annonce que depuis dimanche der-
nier, 4 des personnes blessées au cours du raid
d'avion sur le Kent sont mortes de tours blessures.
Les résultats de ce raid sont donc de 13 tués
4 hammos, 3 femmes et 6 enfants, et de 29 blessés
1S hommes, 3 femmes et 10 enfants.
Petrograd, 26 mars.
Le bureau de la Douma a dressé une liste des
députés qui iront en France et en Angleterre. Cette
liste comprend un représentant de chaque groupe
et notamment le vice,-prèsident, M. Protopopof, et
le chef des cadets, M. Schingarof président de la
commission de la marine militaire de la Douma.
Copenhague, 26 mars.
Le Politiken dit, à propos des nouvelles restric-
tions relatives aux passeports, qui entreront en vi-
gueur en Allemagne à partir du 1er avril, qu'on a
irintention d'introduire le système Bertillon, pro-
bablement à toutes les frontières. On prendra tout.
au moins les emereintes dicritales des voyaceur~.
Genève, 26 mars.
Les Basler Nachrichten annoncent que depuis
quelque temps les voyageurs allant de Suisse en
Allemagne sont dépouilles à la frontière non seule-
ment de l'or, mais aussi de l'argent suisse dont ils
sont porteurs. Cet argent leur est changé contre
de la inonnaie allemande au cours du mark.
Un fonctionnaire allemand a déclaré au rédac-
teur du journal bâlois « Oui, nous prenons tout
l'argent. » Genève, 26 mars.
Genève, 26 mars.
Par ordonnance en date du 23 mars, signée par
M. Decoppet, chef du département militaire fédéral,
le colonel Reichel, auditeur en chef de l'armée, a
décidé qu'à partir du 1er avril, toute la juridiction
militaire sera remise sur le pied de paix à l'excep-
tion des tribunaux des première et seconde divi-
sions encore mobilisées.
Le tribunal territorial de langue française, sié-
-geânt à Neuchâtel sera seul compétent pour le
Jura bernois et tout l'arrondissement de la seconde
division, moins Soleure, ainsi que pour les affaires
de langue française concernant les fortifications de
Morat.
Il est composé du grand-juge Jacottet, de l'audi-
teur major do Week, de Fribourg, et des juges
d'instruction capitaines Dupraz et Haldiman.
Barcelone, 26 mars.
La colonie française de Barcelone, sous la prési-
dence de M. Gaussen, consul général, a offert un
grand banquet au poète Angel Guimera, à l'occa-
sion de sa nomination au grade de chevalier de la
Légion d honneur.
M. Emmanuel Brousse, député des Pyrénées-
Orientales, a prononcé un discours patriotique.
New-York, 26 mars.
Le New-York Herald dit que le gouvernement
américain, tout en adressant une note circulaire
aux puissances de l'Entente qui refusent de désar-
mer leurs navires de commerce, et en précisant
l'attitude des Etats-Unis sur cette question, main-
tiendra son refus d'admettre le point de vue alle-
mand à savoir que des canons placés à bord do
navires marchands pour leur défense ne les trans-
forment pas en croiseurs auxiliaires pouvant être
comme tels torpillés sans avertissement.
Dans la note circulaire aux puissances alliées, le
gouvernement américain définirait sa conception
do ce qui constitue l'armement défensif et l'arme-
ment oflensif pour les navires marchands.
La chancellerie de Berlin avait demandé à Was-
hington des éclaircissements sur ce point, mais le
gouvernement américain, d'accord avec sa nouvelle
politique qui est d'éviter d'être entraîné dans une
controverse interminable avec l'Allemagne, n'avait
fait aucune réponse officielle.
-~t»
LE GERMANISME
Les Allemands multiplient les groupements
destinés à préciser leur emprise sur les peuples
avec lesquels ils croient avoir certaines affi-
nités. Leur propagande tend essentiellement
à absorber intellectuellement les éléments qui
touchent par de lointaines origines au ger-
manisme et que des siècles d'évolution en ont
totalement éloignés. On nous signale de Hol-
lande qu'une association nouvelle du nom de
« Germanen Gilde » (Ligue des Germains), ayant
son siège central à Hambourg, se livre actuel-
lement à une active campagne dans les Pays-
Bas et les provinces flamandes de Belgique, en
cherchant à atteindre les personnalités aux-
quelles, à tort ou a, raison, on suppose des
tendances germanophiles et dont on voudrait 't
'faire des agents de propagande dans •les~irfi-
lieux les plus divers. L'idée est celle-ci l'ave-
nir du monde appartient au groupe puissant
des peuples germains et il importe donc de
masser autour des Allemands les Hollandais,
les Flamands de Belgique et du nord de la
France, les Suisses allemands, les Luxembour-
geois, les Allemands d'Autriche, les Suédois,
les Norvégiens, les Danois, les Finlandais, les
Allemands d'Amérique et les Boers de l'Afrique
du sud, Hollandais d'origine. Avec une désin-
volture inouïe, et sans tenir compte le moins du
monde des influences si diverses qui ont joué
un rôle dans la formation nationale de ces
peuples, si dissemblables par l'esprit général,
les traditions, la culture, les aspirations et les
intérêts, on les englobe tous dans le germa-
nisme et on prétend se servir d'eux pour assu-
rer le triomphe de la « Kultur » dans le monde.
On invite les Hollandais et les Flamands à se
faire représenter dans la « Gildekamer », ou
comité directeur, par six délégués qui seront
chargés d'organiser ensuite en Hollande et en
Belgique des « Landesgilden » ou sections na-
tionales, directement rattachées au « Germa-
nen Gilde ». Comme on procède évidemment
de même pour les autres pays, des foyers per-
manents de propagande germanique se trou-
veraient ainsi créés, et on devine sans peine
ce que serait bientôt leur action politique, car
les menées des Allemands aux Etats-Unis nous
ont édifiés sur les moyens par lesquels les
Teutons prétendent asservir toutes les forces
vives d'un pays à leurs ambitions.
C'est une forme nouvelle du rêve de domina-
tion- universelle qui hante les Allemands.
Longtemps ils. ont cru que la. seule affirmation
de leur puissance militaire suffirait à leur as-
surer la possession des contrées qu'ils estiment
indispensables au plein développement de leur
activité. En présence de l'échec de leur crimi-
nelle entreprise, et redoutant les effets à lon-
gue portée des haines que leur valent leurs for-
faits, ils changent de méthode. Avant même
que soit terminée la guerre qu'ils ont délibéré-
ment" provoquée, ils organisent les campagnes
qu'ils poursuivront demain; ils jettent les ba-
ses d'une politique qui, dans leur esprit, doit
leur ramener les chances de domination que
la fortune des armes ne leur a pas permis d'ex-
ploiter jusqu'au bout. Il s'agit en principe de
raviver le sentiment germain qui peut exister
encore chez certains peuples en dehors du sen-
timent national; il s'agit, sous prétexte de cul-
ture germanique, de créer entre ces peuples
une plus étroite communauté de pensée, une
plus ferme liaison des intérêts moraux et maté-
riels. En réalité, c'est encore et toujours pour
la plus grande Allemagne qu'on travaille, car
le germanisme' se développant de la sorte, le
milieu allemand se trouverait tout naturelle-
ment créé au sein de chaque pays et il exerce-
rait son influenae intellectuelle, politique et
économique dans chaque vie nationale, jus-
qu'au jour où, sous prétexte de réaliser l'unité
du germanisme, tous les pays qui seraient en-
trés dans cette voie glisseraient par la force
même des choses dans la sphère purement al-
lemande et se trouveraient asservis par une
méthode de pénétration pacifique aussi dange-
reuse que la conquête brutale.
Avant 1914, certains éléments flamands, hol-
landais ou scandinaves se fussent peut-être
laissé prendre à cette tactique; mais il est tout
à fait invraisemblable qu'il en soit ainsi à
l'heure présente. Cette guerre a obligé l'Alle-
magne à se montrer telle qu'elle est. La bar-
barie de ses procédés a révélé le fond de son
âme; le cynisme de ses méthodes a trop ré-
volté les consciences pour qu'on puisse encore
être dupe de son hypocrisie. Quel est le peuple
civilisé disposé à collaborer, sous prétexte d'af-
finités germaniques, avec la nation pour la-
quelle les traités sont des « chiffons de pa-
pier », qui ne connaît d'autre'loi que la néces-
sité, quand il s'agit de réaliser ses ambitions,
qui avilit la guerre jusqu'au massacre des fem-
mes et des enfants? Quelle est la nation qui, de
son propre mouvement, veut se placer sous la
botte prussienne? L'appel du « Germanen
Gilde » tombera dans le vide, car la leçon qui
se dégage des événements actuels a tué toute
confiance dans la parole allemande.
'Et c'est au lfmrtp.mam de la destruction de
Louvain et des massacres de, Termonde que
l'on ose, au nom du germanisme, s'adresser
aux Flamands; c'est au lendemain du torpil-
lage du Palembang et de la Tubantia que l'on
se risque à faire cet appel aux Hollandais On
escompte encore les sympathies de petits pays
neutres, comme le Danemark la Norvège, la
Suède et la Suisse, alors que nul n'ignore com-
ment l'Allemagne a traité la Belgique et la Ser-
bie qui défendaient leur indépendance! Cela
témoigne d'une monstrueuse inconscience et
suffit à déshonorer aux yeux de tous la « Kul-
tur » qui créa une telle mentalité.
«o-
L'AUTRE GUERRE
II y a des titres d'ouvrages qui forcent l'atten-
tion et ramènent la curiosité aux sujets que l'on
croyait le plus épuisés. Tel est le cas de celui que
M. Henry Dartigue a donné à sa brochure l'In-
fluence de' la guerre de 4870 dans la littérature
française. On s'accordait généralement à recon-
naître que cette influence avait été insignifiante.
Mais les personnes plus pu moins consciemment
imbues des doctrines de Joseph de Maistre et du
maréchal de Moltke ne peuvent admettre que la
guerre, étant nécessaire et divine, ne bouleverse
pas profondément toute l'activité humaine, y com-
pris l'activité littéraire, qui, d'ailleurs, n'est pas
habituellement au premier rang de leurs préoccu-
pations. Il est possible que si la littérature ne se
renouvelle pas de fond en comble après chaque
guerre, ce soit la littérature qui ait tort. Mais,
avant de juger, il faut d'abord voir les faits. Si
absurde et quasi scandaleuse que paraisse aux
partisans du mysticisme guerrier l'opinion con-
testée par M. Henry Dartigue, il n'en avoue pas
moins qu'elle a été soutenue par Ferdinand Bru-
netière, qui n'était pas un esprit des plus sub-
versifs. « La guerre de France (de 1870), a dit
Brunetière, n'a pas plus interrompu ni modifié le
cours de l'évolution littéraire que jadis la Révo-
lution et les guerres de l'Empire n'ont empoché
les écrivains d'alors, les Delille ouïes Morellet,
les Ducis ou les Lemercier, combien d'autres en-
core, de se retrouver, au lendemain de Friedland
ou de Wagram, tout ce qu'ils étaient à la veille
de la convocation des Etats-Généraux. » II y au-
rait même des distinctions à faire, et l'on pourrait
trouver Brunetière un peu trop'radical en ce qui
concerne la Révolution et l'Empire; mais en ce
qui touche les événements de 1870, il semble bien
qu'il ait pleinement raison, à moins que M. Henry
Dartigue ne réussisse à le réfuter.
Son premier argument est 'que l'Allemagne au-
rait exercé sur la pensée française au dix-neu-
vième siècle une action considérable, à laquelle les
révélations de 1870 auraient mis fln. Or, cette ac-
tion de l'Allemagne a été très exagérée M. Joseph
Texte a établi que les principaux romantiques
français ignoraient la langue allemande et ne con-
naissaient l'Allemagne que par Mme de Staël.
C'est dire qu'ils s'en faisaient une idée chiméri.
que et surannée.. M. Dartigue rappelle les théo-
ries humanitaires et cosmopolites; il ne manque
point de citer la Marseillaise de la Paix, etc..11
observe que l'on attribuait naïvement lés mêmes
tendances à l'Allemagne, malgré les avertissements
d'Henri Heine qu'on n'écoutait pas. Soft! Mais
puisque l'Allemagne était en réalité htailleuse, en gestation d'un nouvel. jniftérialigaïio,
c'est donc que nous étions a mille lieues de nous
mettre à son école. Il s'agissait d'une Allemagne
imaginaire, rêvée par la France, création du gé-
néreux esprit français. Ce n'est guère que dans 'la
seconde moitié du dix-neuvième siècle, ou même
dans les dernières années du second Empire, que
la philosophie et l'érudition allemandes ont com-
mencé d'avoir une influence; niais comme ces cho-
ses n'avaient rien à voir avec lia guerre, cette in-
fluence, qu'il ne faut pas exagérer non plus, n'a
pas cessé après 1870. Quant à la grande illusion
staëlienne, l'année 1870 l'a évidemment ruinée,
mais on ne voit pas que la découverte du vrai ca-
ractère allemand ait rien changé à notre littéra-
ture..
>M. Henry Dartigue signale que Mérimée et Mi-
chelet ont succombé au chagrin que la. guerre
leur a causé. D'abord, la mort d'un écrivain cé-
lèbre n'est qu'un événement littéraire négatif.
Ces deux-là avaient fait leur œuvre. Mérimée ne
s'était pas beaucoup occupé de l'Allemagne. Mi-
chelet a eu, certes, une cuisante déception. Mais
a-t-il renié ses principes? Non point. Il a dû
seulement constater qu'un peuple auquel il avait
cru ne méritait pas sa confiance. De ce qu'il existe
des méchants, il n'en résulte pas que la notion
du bien soit atteinte ou altérée. Michelet avait
commis une erreur de fait; son idéal n'en a pas
moins subsisté et lui a même survécu. Le cas de
Victor Hugo est tout pareil. Il .avait toujours été
patriote; il n'avait jamais séparé son patrio-
tisme de la foi au progrès démocratique et paci-
fique il aimait la France à la fois comme sa
mère et comme la plus noble incarnation de l'hu-
manité. Il resta après 1870, et jusque dans l'An-
née terrible, ce qu'il était auparavant.
Taine et Renan, eux aussi, furent cruellement
déçus, mais leur jugement sur l'Allemagne de
Bismarck ne les obligea point à reviser celui
qu',ils portaient sur Hegel. M. Dartigue articule
que, sans cette guerre, Taine n'eût pas écrit les
Origines de la France contemporaine. Ce qui est
vrai, c'est qu'il n'eût peut-être pas entrepris ce
'travail à cette date. Mais il y songeait depuis
1849; c'est lui-même qui le raconte dans la pré-
face de l'Ancien régime. Ce qui est vrai aussi,
c'est que non pas la guerre, mais la Commune a
influencé d'une manière excessive ses vues sur/la
Révolution, pour laquelle il plaidait, quelques an-
nées auparavant, contre Carlyle. Mais, contraire-
ment à ce qu'avance M. Dartigue, il n'a jamais
désavoué sa doctrine essentielle, son culte de la
science. Dans cette même préface de l'Ancien ré-
gime, il affirme avec une sincérité évidente qu'il
a procédé en naturaliste et qu'il a étudié son su-
jet comme la métamorphose d'un insecte. Et
n'a-t-il pas énergiquement maintenu ses posi-
tions philosophiques contre l'auteur du Disciple,
dans une lettre relative à ce fameux roman?
Quant à Renan, que M. Dartigue poursuit d'une
haine mal informée, il a pu écrire avec une en-
tière vérité, en 1890, dans la préface de son
.«vieux pourana », rédigé quarante, ans plus tôt
et resté inédit « Pour les idées fondamentales,
j'ai peu varié depuis que je commençai de pen-
ser librement. Ma religion, c'est toujours le pro-
grès de la raison, c'est-à-dire de la science. »
D'ailleurs, depuis un siècle, il n'y a rien de moins
allemand.
Venant à Flaubert, M. Dartigue mentionne qu'il
fut, en 1870, lieutenant de la garde nationale. Il
fit son devoir de bon Français. Mais a-t-il rectifié
son esthétique? Il aurait eu hien tort, et il s'en
est bien gardé. La guerre finie, il se remit à la
Tentation de saint Antoine. M. Dartigue croit que
l'art pour l'art, la tour d'ivoire et tout ce qui s'en-
suit sont des fantaisies d'avant 1870, que cette
guerre a définitivement supprimées. Pourtant, La-
martine et Hugo n'ont pas craint, dès le règne de
Louis-Philippe, de se lancer dans la mêlée poli-
tique et par contre, le Parnasse a persisté après
l'année 1870, ainsi que le naturalisme et l'impres-
sionnisme le symbolisme est entièrement posté-
rieur. Enfin les conversions religieuses ou politi-
ques des Bourget, des Brunetière, des Jules Le-
maître, suryenues longtemps après cette guerre,
n'ont pas été déterminées par elle comme le sup-
pose M. Dartigue, mais par la crainte de la dé-
mocratie et de la libre pensée. La conclusion,
c'est que si toutes les guerres ne doivent, pas for-
cément se ressembler, si l'on peut espérer de la
guerre actuelle une moisson littéraire, on doit
continuer à considérer celle de 1870 comme gjiyant
joué aucun rôle à ce noint de vue.. P. &k
Six cent-unième jour
i CU ERRE
ra H U Sa Sa !s Ea.
LA SITVATICN MILITAIRE
La situation ne s'est pas modifiée hier au
nord de Verdun;on brûle beaucoup de poudre
dans les canons et l'ennemi a très violemment
bombardé le secteur Malancourt-cote 304-
Esnes mais son infanterie ne s'est pas fait
voir. Il lui a fallu reconstituer ses corps d'ar-
mée, le 3° surtout qui a été particulièrement. t
éprouvé; les deux tiers do ses cadres ont dû
être renouvelés; presque la moitié de son effec-
tif de fantassins est composée aujourd'hui de
recrues de la classe 1910.
L'insuccès de cette bataille sur laquelle les
Allemands fondaient de si grands espoirs leur
cause des inquiétudes faciles à constater dans
les explications destinées à l'étranger. Ainsi le
correspondant à Berlin de ÏUnited Press amé-
ricaine télégraphie à son association que les
opérations n'ont été retardées que par le mau-
vais temps, mais maintenant que le temps est
beau et que, dit-il, les forts de Verdun ont été.
détruits par les 420, les attaques d'infanterie
vont reprendre avec une nouvelle violence.
La tournure qu'a prise 'la bataille de Verdun
n'est pas seule à donner de l'inquiétude à l'en-
nemi l'offensive de nos Jliés de Russie prend
sur le front oriental une intensité que les ar-
mées,- d'Hindenburg ne contiennent que diffici-
lement. Les explications qu'a recueillies à Ber-
lin le correspondant de YUnited Press cher-
chent, à déguiser, les inquiétudes causées par
les succès de nos alliés. L'offensive russe se-
rait d'un ordre tout à fait secondaire; les Russes
ne l'auraient entreprise. que pour retenir les
corps allemands sur le front oriental; ils se
seraient dévoués pour secourir la place de
Verdun, dont les Français redoutent la prise
prochaine; mais, ajoute ce correspondant, le
public berlinois a une confiance illimitée dans
Hindenburg et le sentiment général est que
l'offensive russe est impuissante à exercer une
influence sérieuse sur les opérations engagées
sur le front occidental.
Tout cela n'est que de la littérature. La réa-
lité est bien plus simple. L'ennemi a cru ne
trouver à Verdun qu'une forteresse, et il y a
trouvé une armée. Ses 420 n'ont pas mis hors
de combat les forts de Verdun; ils n'en ont
démoli qu'un seul, celui de Douaumont, sans
même assurer la. possession de la hauteur
sur laquelle il se trouvait et sans ébranler la
vaillance de nos soldats. Les Russes n'ont pas
attaqué pour secourir Verdun, mais parce que,
l'ennemi ayant engagé toutes ses forces dispo-
nibles sur le théâtre occidental, le moment était
venu de prendre l'offensive..
Nos alliés l'ont prise avec vigueur, cette of-
fensive, et ce n'est pas, à une simple diversion
qu'ils se livrent, par pur dévouement pour
nous, sur un front qui s'étend du golfe de Riga
jusqu'au Pripet. Dans le secteur de Jacobstadt,
̃«àtr.e~R'igi* •̃*&• Dvkïsk, -ils «ont ~déveteppéHksafs
succès de ces jours derniers, et auraient même
percé les lignes des Allemands. A l'ouest de
Dvinsk, les troupes russes qui en formaient la
garnison attaquent l'ennemi, au nord du lac
Sventen, sur la ligne formée par les villages
Tchichkovo-Garbouhovka. C'est au sud de
Dvinsk surtout que les opérations de nos alliés
prennent une forme des plus sérieuses. Les en-
virons du lac de Drisviaty, la région au nord de
Vidzy, près du lac de Sekly, celle au nord et au
sud du chemin de fer de Svientziany, les alen-
tours du lac de Narotch sont le théâtre des com-
bats les plus acharnés et les plus violents. Près
du lac de Sekly, 'les balles explosibles alleman-
des n'ont pas arrêté les fantassins russes qui
ont franchi les barrages artificiels de l'ennemi.
Au nord du chemin de Svientziany, les Alle-
mands avaient profité d'une tempête de neige
pour lancer une contre-attaque qui a été re-
poussée. Près du lac de Narotch, ces derniers
jours, nos alliés, sur un front de deux kilomè-
tres, avaient délogé l'ennemi d'un terrain qu'il
avait précédemment conquis; il n'a pas essayé
de réparer cet échec avoué à Berlin. On voit
qu'Hindeniburg est incapable de renouveler ses
opérations foudroyantes d'autrefois et que,
bien loin de courir à Petrograd, il contient avec
les plus grandes difficultés les attaques de nos
alliés qui ont des forces supérieures et sont
abondamment pourvus de munitions. Sur le
théâtre oriental de la guerre, l'ennemi doit
s'épuiser encore plus qu'en France.
En Italie, les opérations restent limitées par
suite 'du mauvais temps qui ne permet guère
que l'action de l'artillerie.
LA SITVATICN DIPLOMATIQVE
Si la démission de l'amiral von Tirpitz avait
pu éveiller au delà de l'Atlantique l'espoir
d'une atténuation de la guerre sous-marine- do
l'Allemagne, ces illusions auront été de peu de
durée. Le torpillage sans avertissement du pa-
quebot Sussex ajoutera de nouveaux noms à la
liste des victimes américaines de la piraterie
teutonne; sur le transatlantique Englishman,
détruit dans des conditions identiques, quatre
citoyens des Etats-Unis ont disparu. Les ba-
teaux neutres n'ont d'ailleurs pas été plus épar-
gnés que ceux des alliés. L'amirauté hollan-
daise a pu constater que la Tubantia avait été
torpillée, et une série de vaisseaux de commerce
norvégiens ont subi le même sort. Il ne s'agit
plus seulement de couler sans avertissement
les navires marchands armés, mais tous les
bateaux sans distinction de pavillon. Au mépris
des injonctions du président Wilson, en dépit
des colères des neutres, l'Allemagne va beau-
coup plus loin que les mesures annoncées dans
le mémorandum qui avait déjà indisposé
le gouvernement de Washington. Les métho-
des de l'amiral von Tirpitz sont distancées.
C'est l'application pure et simple des exigences
des partisans de la guerre à outrance. L'Alle-
magne veut tenter une suprême épreuve avant
de se risquer à se mesurer, avec la Grande-Bre-
tagne sur mer elle cherche à instituer dans
les eaux anglaises un blocus de sous-marins
qui tenteraient de détruire tous les bateaux
venant du Royaume-Uni ou y allant.
L'état troublé de l'opinion allemande, le dé-
sarroi que révèle la séance du Reichstag, et
les intrigues qui se nouent dans les milieux
politiques et gouvernementaux expliquent la
recherche d'un coup d'éclat qui relèverait ce be-
soin moral teuton.Les efforts sur Verdun restent
vains. La Russie attaque. On veut répondre à
la conférence des alliés par quelque chose de
sensationnel. Les protestations des neutres im-
portent peu. L'Allemagne, d'ailleurs, a pris l'ha-
bitude de ne plus s'en inquiéter, convaincue
par l'expérience que. la crainte qu'elle leur ins-
pire sera toujours plus forte que les colères
qu'elle suscite. Avec une fureur de fauve tra-
qué, le monstre germanique se venge aveuglé-
ment de ses angoisses.
On ne saurait douter que ces accès de férocité
n'auront d'autre effet sur les belligérants que
de renforcer leur résolution. Quant aux neu-
tres, nous ne pouvons pas juger jusqu'où leur
\désir de rester en dehors du conflit leur-conseils
lera la longanimité malgré la guerre qu'on leur
fait sur mer. Mais il est peu vraisemblable que
le président- Wilson soit disposé.à se conten-
ter, en présence de ce nouveau défl allemand,
des explications dilatoires qui ont servi à l'Al-
lemagne pour laisser sans solution depuis dix
mois l'affaire de la Lusitania.
CQRI8IUHIQUÉ OFFICIEL DU 25 MARS
Onze heures soir
En Belgique, nous avons bombardé les
tranchées ennemies à l'est de Boesinghe et
aux abords d'IM-Sas.
En Argonne, actions d'artillerie assez vio-
lentes dans des secteurs du Four-de-iParis, des
Gourtes-'Gbausses et de la Haute-Chevauchée.
Activité assez grande de l'artillerie à l'ouest
de la Meuse sur nos deuxièmes lignes, à l'est
dans la région de la côte du Poivre et de
Douaumont, en Woëvre dans les secteurs des
Côtes-de-Meuse.
Aucune action d'infan journée.
Journée calme sur de reste du front.
COMMUNIQUÉ OFFICIEL BRITANNIQUE DU 25 MARS
Hier soir, les Allemands ont fait éclater une
mine près de la redoute Hohenzallern ils ont
pénétré dans une de nos tranchées dont ils ont
été chassés par nos grenadiers.
Aujourd'hui, près des .Bois-Blancs, nous
avons attaqué à la grenade les tranchées alle-
mandes, causant de sérieux dégâts au parapet
sur une centaine de mètres. L'ennemi n'a ri-
posté que faiblement
L'artillerie allemande a manifesté aujour-
d'hui de l'activité près de Berthonyal, Neuve-
Chapelle, Wormezeele, Ypres et Wielltjé. L'ar-
tillerie britannique lui a répondu.
»
COfUmUHIQUÉ OFFICIEL BELGE DU 25 MARS
Aotions d'artillerie ordinaires sur tout le
front belge.
LA BATAILLE DE VERDUN
HOIIHtSE DU PRIME DE SERBIE A DOS SOLDATS
Au retour de sa visite avec le président de la
République dans la région de Verdun, le prince
Alexandre de Serbie a adressé à M. Poinearé la
lettre suivante
Monsieur le président de la République,
Encore sous une vigoureuse impression du
grandiose spectacle que nous avons contemplé en-
semble hier, je viens vous prier de vouloir bien
dire au général commandant en chef les armées
de la République, aux généraux, officiers, sous-
officiers et soldats do la France, combien j'ai été
he-ureuà unis pour défendre de leur poitrine la patrimoine
dix fois séculaire de leur glorieasa patrie.
Toute la journée d'hier j'ai admiré l'entrain, le
courage et la belle humeur de vos hommes, et ni
vous ni eux, monsieur le président, vous ne m'en
voudrez, j'en suis sûr, si je vous dévoile le senti-
ment intime, qui m'a étreint pendant toutes ces
heures inoubliables, et qui enveloppait dans .la
même affection, et serrés les uns contre les au-
tres, vos héros et mes braves. Le soldat serbe a
toujours été dans l'admiration devant son frère
d'armes français. Les uns aux côtés des autres, ils
lutteront demain, en dignes partenaires également
des soldats de nos alliés et amis. Hier déjà, j'ai
entrevu la victoire resplendir sur nos baïonnettes.
En envoyant à tous les soldats de France un
salut fraternel, je vous prie, monsieur le prési-
dent, de vouloir bien trouver ici l'expression de
ma profonde reconnaissance pour cette journée
pleine de beauté et de réconfort, ainsi que l'assu-
rance de mon amitié sincère et dévouée.
ALEXANDRE.
Le président de la République a répondu en ces
termes
Monseigneur,
Je remercie Votre Altesse du message qu'Elle
a bien voulu m'adresser et que je m'empresse de
communiquer à l'armée française.
Les troupes qui déploient aujourd'hui tant
d'héroïsme dans la défense de Verdun ont été très
heureuses de recevoir hier la visite de Votre Al-
tesse elle ne seront pas moins Hères de ses féli-
citations. •
Elles savent qu'elles ne se battent pas seulement
pour le salut de la France, mais pour la liberté
du monde, et elles n'oublient pas que dans cette
lutte sublime, elles ont pour alliés les vaillants
soldats de l'immortelle Serbie. Vous avez vu vous-
même, Monseigneur; avec quel calme et quelle
confiance elles .préparent notre commune victoire.
Je prie Votre Altesse royale de croire à ma fi-
dèle amitié.
Raymond Poincaré.
Le président a communiqué la lettre du prince
au ministre de la guerre avec ces mots
Mon cher ministre,
J'ai le très grand plaisir de vous transmettre,
en vous priant de la communiquer au général en
chef, l'émouvante lettre que je viens de recevoir
de S. A. R. le prince de Serbie.
L'ATTITUDE ALLEMANDE
L'état-major allemand publie des bulletins de
plus en plus sobres. « La situation, dit le bulletin
du 25, comparée à celle d'hier, ne comporte aucun
changement important. Dans la région de la
Meuse, il y a eu des combats d'artillerie particu-
lièrement animés au cours desquels des incendies
ont été allumés à Verdun. »
Aussi les journaux officieux se bornent-ils à
prêcher la patience. On lit par exemple dans la
Gazette de Francfort
Si nos opérations suivent un cours satisfaisant, ce que
nous devons espérer, il peut se faire que la situation
stratégique à Verdun devienne un jour intenable pour,
nos adversaires.
Le chemin que nous avons encore à .parcourir est long
et exige une vigoureuse tactique.
Lee forces ne nous manquent pas. Attendons 1
Mais d'autres journaux ne peuvent dissimuiler
leur mécontentement et refusent d'être dupes.
C'est ainsi qu'un officier d'état-major écrit dans
le Berliner Tage6latt
'Nos succès surprenants de rapidité nous ont gâtés.
L'été passé, nous nous emparions au vol des forteres-
ses russes. Or, aujourd'hui, nous commettons une belle
gaffe à nous obstiner à mettre sur le même pied la for-
teresse de Verdun et les forteresses russes. La compa-
raison ne tient pas debout. Elle ne tient aucun compte
des circonstances de terrain, ni de l'état respectif des
armements russes et français.
Notons encore cette opinion de la Gazette de Co-
logne
Le mot d'ordre reste pour nous tenir jusqu'au bout,
quand même les désagréments du temps de guerre
devraient se faire sentir à l'intérieur plus que par le
passé. Nous savons que ces souffrances sont peu de
choses comparées à ce que nos fils et nos frères ont
supporté et supporteront encore dans los tranchées.
Nous savons que nous nous rendrons dignes de leurs
actes d'iiéroïsme seulement si nous prenons exemple
sur eux et si nous nous acquittons de nos devotea-avee
la même" endurance et le mSme dévouement. j
n I
LA CONFÉRENCE DES ALLIÉS
La conférence des alliés, qui s'ouvre demain
matin à Paris, réunira les représentants les plus
qualifiés do tous les pays alliés. La France sera
représentée par M. Briand, président du conseil et
ministre des affaires étrangères, le général Ro-:
ques, ministre de la guerre, et le général Joiïre
la Grande-Bretagne sera représentée par M. As-
quith, premier ministre, sir Edward, Grey, secré-
taire d'Etat pour le Foreign office, lord Kitchener,
secrétaire d'Etat pour le War office, le général
sir Douglas Haig, commandant en chef de l'armée
britannique en France, le général Robertson, chef
d'état-major général, et M. O'Bierne, ministre plé-.
nipotentiaire la Russie sera représentée par
M. Iswolsky, ambassadeur à Paris, et le général
Gilinsky, représentant militaire permanent russe
au quartier général français; les représentants de
l'Italie sont M. Salandra, président du conseil,
M. Sonnino, ministre des affaires étrangères, le
général Dall'Olio, sous-secrétaire d'Etat aux mu-'
nitions, le général Cadorna et M. di San-Martino,.
secrétaire général du ministère des affaires étran-
gères le Japon aura pour représentant son ambas-
sadeur à Paris; la Belgique sera représentée par
le baron de Broqueville, ministre de la guerre,'
le baron Beyens, ministre des affaires étrangères,
et un officier général; enfin les représentant»
de la Serbie sont M. Pachitch, président du conseil,
et M. Jovanovitch, ancien ministre de Serbie ai
Vienne.
LES DÈLÉGUÉS ITALIENS
Une communication faite aux journaux italiens
donne les détails suivants sur le séjour de MM. Sa-
landra'et Sonnino à Paris.
Aussitôt après leur arrivée, les ministres italiens
se rendront, de l'hôtel Bristol, où ils vont s'ins-
taller, faire visite à M. Poincaré, à l'Elysée.
Le soir, ils seront retenus à dîner, dans l'inti-
mité, par M. Briand.
La première séance de la conférence, à laquelle
ils prendront part avec M. Tittoni, le général Ca-
dorna et le général Dall'Olio, est fixée à lundi;
neuf heures du matin. C'est dans la salle même oü
furent tenues les séances de la conférence de Pa-
ris en 1856 que les signataires du pacte de Londres
se retrouveront tous ensemble, pour la première
fois. m
Ce même jour, un déjeuner sera servi au quai
d'Orsay même.
Le lendemain mardi, les délégués de l'Italie se-*
ront reçus à déjeuner par le président de la Répu-
blique. L'après-midi, ils assisteront à la réception
organisée en leur honneur à l'Hôtel de Ville. Le
soir, grand dîner à l'ambassade d'Italie.
MM. Salandra et Sonnino se sont entretenus
longuement avec le roi Victor-Emmanuel III
avant leur départ pour Paris. Les journaux ita-
liens interprètent cet entretien du souverain avec
les deux ministres comme un indice que les ac-
cords imminents créeront une situation nou-.1
velle.
D'après la Tribuna, la conférence plénière des
alliés durera deux jours. Tnès probablement MM.
Salandra et Sonnino seront de retour à Rome
vendredi matin.
Les problèmes les iplus importants qui seront
traités à la conférence ont évidemment été dis«
̃eûtes à l'avance par les divers gouvernements,
de sorte que la conférence aura devant elle un
travail tracé dans ses grandes lignes auquel elle
devra donner, d'un commun accord, une forme dé-
finitive.
Dans l'opinion générale, on a la certitude qué
de la conférence de Paris sortira la décision qui
sera considérée comme la condition essentielle
de la victoire commune. Naturellement, le se-
cret le plus absolu sera gardé sur les décisions
de la conférence, et il serait oiseux de vouloir se
livrer à ce sujet à des inductions.
M. SALANDRA
M. Salandra est le premier grand ministre que
le parti constitutionnel modéré ait eu au pouvoir
depuis trente ans en Italie. Sa hauteur de vues,
son libéralisme vrai l'ont d'ailleurs élevé au-des-
sus du niveau de l'homme de parti, si distingue~
qu'il soit. Nous ne rappellerons ici que quelques
dates d'une vie politique a laquelle les événements
ont donné une si grande portée.
M. Salandra est né en 1853, à Troja, dans les
Pouilles, pays qu'il représente depuis 1886 à la
Chambre comme député de Lucera, province de
Foggia. Il siégeait au centre, à l'aile droite du
parti libéral. Il fut successivement, en 1891, sous-
secrétaire d'Etat des finances dans un cabinet
Rudini, de 189-i à 1896, sous-secrétaire d'Etat
au Trésor dans le second cabinet Crispi; son
ministre était M. Sonnino. Lorsqu'en mai 1899
le second cabinet Pelloux se forma sous les
auspices de M. Sonnino, il fut, pour un an envi-
ron, ministre du commerce. Il se trouva alors
classé, comme M. Sonnino lui-même, parmi les
conservateurs.
Dans le premier cabinet que constitua M. Son-
nino, en 1906, M. Salandra fut ministre des finan-
ces, et dans le second cabinet Sonnino (1909-
1910), il fut ministre du Trésor.
Il est inutile de rappeler quelle fut l'influence
morale que personnifia M. Salandra depuis le
jour où, M. Giolitti se retirant du pouvoir, le
problème redoutable se posa pour 'l'Italie de
refaire à la fois ses forces militaires usées et sa
politique extérieure fourvoyée. Dans cette tâche
dont, brusquement, se révélait toute ll'étendue,
après la disparition du dictateur habile à masquer;
ses fautes de brillantes apparences, M. Salandra
déploya des qualités d'homme d'Etat de premier
ordre volonté, clarté de conception, ressources
d'idées, éloquence sobre et nerveuse, allant droit
au cœur du peuple, inspirant confiance à l'étran-
ger et estime à l'aréopage des nations impartia-i
les. Son discours du Capitole, dans lequel il dé-<
ohira les artifices et les faux semblants de la po-
litique des empires germaniques, était digne du
lieu, digne du grand moment historique, vérj-i
table manifeste de la seconde renaissance poli-
tique de l'Italie.
M. SON3STIUO
L'ami politique du président du conseil, son:
précieux collaborateur dans les graves problèmes
que la guerre européenne propose à l'Italie, est
une personnalité d'une force d'esprit et d'une con-
centration singulières. Sa figure se dessine à part
dans le monde parlementaire italien où le rayon-
nement et l'éclat de la parole donnent à tous les po-
litiques un air de famille.
̃M. Sonnino est un méditatif et un silencieux. Né
à Alexandrie d'Egypte, d'un père italien et d'une
mère anglaise, c'est l'Angleterre qui domine dans
le tempérament de l'homme d'Etat italien, qui a
formé son intelligence et lui a donné le modèle
de son éloquence, toute nerveuse, concise et di-
recte comme un coup droit.
M. Sonnino, ministre des affaires étrangères, à
débuté par la diplomatie avant le Parlement. i) a `
été secrétaire d'ambassade à Madrid, à Vienne, U
Berlin, quelque temps à Paris, au moment même;
de la guerre, en 1871. Rentré en Italie, il fonda à
Florence une revue sur le plan de la Saturday
Rewiew, la Rassegna Seltimanalo, recueil à la fois
politique et littéraire qui eut d'illustres collabo-
rateurs Carducci, Pasquale Villari, l'historien,
Ferdinando Martini, styliste de haut mérite, qui
est devenu ministre à l'instruction publique et
aux colonies.
M. Sonnino entra dans la vie politique en .1880a
Dans ce milieu, où la théorie du « transformisme»!
mise en vogue par un vétéran du parlementarisme,
M. Depretis, paraissait le dernier mot do la sa-
gesse politique, le caractère qu'apporta M. Son-
nino a été défini par. cette image assez significa-
tive « 11 donna l'impression d'une veine d'eau
pure jaillissant de la conscience même du pays. ̃»,
M. Sonnino, par son langage, toute sa manière
d'être, toute son activité, était une protestation~
continuelle contre le « transformisme » et sa con-
tinuation descendante, le ie giolittisme ». Il s'est
toujours prononcé pour les partis tranchés et pre-
nant leurs responsabilités, les programmes nets;'
les lignes de conduite conséquentes. En .4893,
il foMoa, avec vingt-trois membres du çenûre»
LUNDI 27 MARS 1910
CINQUANTE-SIXIEME ANNEE N4 19987
PRIX DE L'ABONNEMENT
JUBIS.SHfflBrtSElHE-ET-OISE. Trois mois, 14 fr.; Six mois, 88 fr.; Vnts, 5G H.
3)ÉPABT««tJLtSAOE-L0K8AINB. IV fr.; S4 fr.; 6St
TOIOS POSTAIS 18fe; SQfr. 7Q &
LES AïOnKEUENTS DATENT DES 1" ET 16 DB CHAQUE MOIS
Un numéro (départements) 20 centimes
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tUIS, SEDŒ et SEIKt-lT-OKE.. Trois mon, 14 fr.; Six mois, SS fr.; nn n, 53 fr.
WP/aP» et AlSAC&IOEEAira.. 17* fr.; 34 fr.; eSlr.
«non rosTiiE.. ism; se fr.; 7a&
LUS ABONNEMENTS DATENT DES 1" ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (à Paris) IIS centimes
Directeur politique Emile-Adrien Hébrard
Tontes les lettres destinées à la Rédaction doivent être adressées an Directeur
te Journal ne pouvant répondre des manuscrits communiquai
prie les auteurs d'en garder copie
ADRESSE télégraphique TEMPS FABIS
Voir à la 4* page les
DERNIÈRES NOUVELLES
owaoar~s~e
Paris, 26 mars
BULLETIOU JOUR
LA VISITE DE MM. SALANDRA ET SONNINO
M. Salandra et M. Sonnino arrivent ce soir à
,'Paris. En venant assister à la conférence des
alliés ils rendent en mcme temps la visite de
,M. Briand et des ministres français à Rome.
Le peuple romain fit à cette occasion aux repré-
sentants de la France un accueil grandiose. La
manifestation de la place Farnèse rappela,
'par l'enthousiasme spontané des foules, les soi-
rées de mai, lorsque tout le peuple, debout à la
voix de d'Annunzio, marchait à la. guerre d'une
,ardente et ferme volonté. Paris, grave et ré-
solu, ne rendra pas un hommage moins cha-
leureux aux envoyés de la nation sœur qui,
n'obéissant qu'à la voix de sa conscience, vint
se ranger à nos côtés sans se laisser impres-
sionner par les perspectives d'une lutte san-
glante et sans merci.
M. Salandra a succédé à M. Giolitti au mois
'de mars 1913, et M. 'Sonnino est devenu son
collaborateur en novembre 1914, en prenant le
portefeuille des affaires étrangères après la
mort du marquis de San Giuliano. Les, deux
amis dirigèrent de commun accord l'Italie dans
la voie que leur clairvoyance leur indiquait, as-
surés de l'appui du souverain, certains des sen-
timents de la nation. Le prince de Bûlow ils*
sait, avec le concours d'une puissante minorité,
'la trame de ses intrigues mais MM. Salandra
et Sonn,ino poursuivaient patiemment leurpoli-
tique. Ils sauvegardaient la dignité de l'Italie*
affirmaient les droits de leur pays sur l'Adria-
tique, et un mois après son arrivée à la Con-
sulta, M. Sonnino prit position. Il exigea de
l' Autriche-Hongrie, par sa dépêche du 9 dé-
cembre,-le respect de l'article 7 de l'alliance,
qui assurait à l'Italie des compensations si la
double monarchie moditlait l'équilibre balka-
nique. M. Salandra, de son côté, encourageait
les espérances patriotiques, animait le peuple.
Il parlait à Gaëte, à Gènes, à Rome au Capitole,
le conduisant d'une main sûre vers le dénoue-
ment qui approchait et dont la dénonciation de,
la Triple-Alliance donna le signal. Le souve-
rain et ses ministres concevaient le traité
comme un pacte conclu entre égaux. L'Alle-
magne et l'Autriche-Hongrie, en déclarant la
guerre ensemble et sans prévenir l'Italie,
l'avaient rompu. L'Italie reprenait sa liberté et
s'unissait aux puissances vers lesquelles la
portaient ses traditions, ses sentiments et ses
aspirations.
Les journées de mai sont encore présentes
à la mémoire de tous. Le gouvernement italien,
soutenu par le peuple qui réclamait la guerre,
eut raison de toutes les. résistances. La direc-
tion une fois prise, il l'a suivie avec une logique
imperturbable et un sens profond des néces-
sités du moment. On sait quelle belle vaillance
l'armée italienne déploie sur le plus difficile
des théâtres de la guerre.. Le général Cadorna
conduit les opérations avec la méthode qu'il
employa à réparer le défaut de préparation
'dans lequel la. conflagration européenne sur-
prit l'armée italienne. Le problème des indus-
tries de guerre a reçu des solutions pratiques
sous l'impulsion du' général Dall'Olio, et les
liens économiques et politiques qui s'étaient
̃resserrés entre ~Allemagne et l'Italie pendant
jtrerite-quatre ans de Triplice ont été progressi-
vement rompus.Les étapes vers une guerre uni-
:que étaient franchies. L'adhésion de l'Italie au
:pacte de Londres fut une manifestation déci-
'sive. Elle est confirmée par la participation à
'•la conférence de Paris où la solidarité des alliés
s'affirmera en face de l'ennemi commun.
Chacun des Etats qui défendent leur liberté
.en même temps que les droits de toutes les
mations dans ce monstrueux conflit déchaîné
par les empires du centre, a le devoir de contri-
buer dans la mesure de ses ressources à la
'défaite des puissances de proie. L'examen de
̃ ces ressources, leur utilisation la plus effective
pour le bien général, les moyens pratiques de
̃les accroître et de les combiner occuperont la
première place dans* les délibérations du con-
grès de demain. La France a dépensé son effort
sans compter. La Belgique et la Serbie- ont
donné leur sang, leur sol et leurs biens. La
Russie reprend l'offensive et la Douma procla-
mait hier encore la volonté du peuple russe
d'abattre l'auteur de la catastrophe qui ensan-
glante l'Europe. L'empire britannique redouble
.d'ardeur dans la transformation prodigieuse de
son recrutement et met en ligne dès à présent
des millions de soldats. Le rôle militaire de
"-l'Italie se développe progressivement et la bra-
Woùre de ses troupes sur l'Isonzo et sur les
,'Alpes montre ce qu'on peut encore attendre
'd'elle. La tâche des marines 'alliées devient de
plus en plus lourde pour resserrer le blocus,
~protéger la navigation contre la piraterie ger-
̃manique et assurer le ravitaillement des alliés.
iEnfin, les rapports avec les neutres, les bases
'do l'entente économique qui survivra à la
guerre et préparera l'Europe nouvelle sont au-
•tant de points qui s'imposent à l'examen de la
'conférence et l'obligent à envisager le but à
̃atteindre en subordonnant les vues particu-
lières à l'intérêt général.
C'est pour réaliser cette étroite collaboration
Çiie MM. Salandra et Sonnino viennent à Paris.
Avant leur départ de Rome, ils ont obtenu, un
vote de confiance du Parlement, qui a démontré
,que les dernières résistances avaient perdu
.toute consistance et que le patriotisme italien
'avait purifié l'atmosphère des dernières ten-
dances germanophiles. Le Sénat a apporté ses
vœux à M. Salandra avant de s'ajourner pen-
dant l'absence du président du conseil. La na-
tion entière a exprimé le désir que les mi-
nistres qui ont déclaré la guerre la fassent jus-
,qu.'au bout sans en excepter l'ennemi principal.
.C'est forts de ce mandat que les deux hommes
d'Etat italiens prennent part au congrès qui
oppose à l'Allemagne et à ses complices le
~formidable faisceau des défenseurs du droit.
c90
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
•DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU ©TJttpS
Londres, 20 mars..
Le War office annonce que depuis dimanche der-
nier, 4 des personnes blessées au cours du raid
d'avion sur le Kent sont mortes de tours blessures.
Les résultats de ce raid sont donc de 13 tués
4 hammos, 3 femmes et 6 enfants, et de 29 blessés
1S hommes, 3 femmes et 10 enfants.
Petrograd, 26 mars.
Le bureau de la Douma a dressé une liste des
députés qui iront en France et en Angleterre. Cette
liste comprend un représentant de chaque groupe
et notamment le vice,-prèsident, M. Protopopof, et
le chef des cadets, M. Schingarof président de la
commission de la marine militaire de la Douma.
Copenhague, 26 mars.
Le Politiken dit, à propos des nouvelles restric-
tions relatives aux passeports, qui entreront en vi-
gueur en Allemagne à partir du 1er avril, qu'on a
irintention d'introduire le système Bertillon, pro-
bablement à toutes les frontières. On prendra tout.
au moins les emereintes dicritales des voyaceur~.
Genève, 26 mars.
Les Basler Nachrichten annoncent que depuis
quelque temps les voyageurs allant de Suisse en
Allemagne sont dépouilles à la frontière non seule-
ment de l'or, mais aussi de l'argent suisse dont ils
sont porteurs. Cet argent leur est changé contre
de la inonnaie allemande au cours du mark.
Un fonctionnaire allemand a déclaré au rédac-
teur du journal bâlois « Oui, nous prenons tout
l'argent. » Genève, 26 mars.
Genève, 26 mars.
Par ordonnance en date du 23 mars, signée par
M. Decoppet, chef du département militaire fédéral,
le colonel Reichel, auditeur en chef de l'armée, a
décidé qu'à partir du 1er avril, toute la juridiction
militaire sera remise sur le pied de paix à l'excep-
tion des tribunaux des première et seconde divi-
sions encore mobilisées.
Le tribunal territorial de langue française, sié-
-geânt à Neuchâtel sera seul compétent pour le
Jura bernois et tout l'arrondissement de la seconde
division, moins Soleure, ainsi que pour les affaires
de langue française concernant les fortifications de
Morat.
Il est composé du grand-juge Jacottet, de l'audi-
teur major do Week, de Fribourg, et des juges
d'instruction capitaines Dupraz et Haldiman.
Barcelone, 26 mars.
La colonie française de Barcelone, sous la prési-
dence de M. Gaussen, consul général, a offert un
grand banquet au poète Angel Guimera, à l'occa-
sion de sa nomination au grade de chevalier de la
Légion d honneur.
M. Emmanuel Brousse, député des Pyrénées-
Orientales, a prononcé un discours patriotique.
New-York, 26 mars.
Le New-York Herald dit que le gouvernement
américain, tout en adressant une note circulaire
aux puissances de l'Entente qui refusent de désar-
mer leurs navires de commerce, et en précisant
l'attitude des Etats-Unis sur cette question, main-
tiendra son refus d'admettre le point de vue alle-
mand à savoir que des canons placés à bord do
navires marchands pour leur défense ne les trans-
forment pas en croiseurs auxiliaires pouvant être
comme tels torpillés sans avertissement.
Dans la note circulaire aux puissances alliées, le
gouvernement américain définirait sa conception
do ce qui constitue l'armement défensif et l'arme-
ment oflensif pour les navires marchands.
La chancellerie de Berlin avait demandé à Was-
hington des éclaircissements sur ce point, mais le
gouvernement américain, d'accord avec sa nouvelle
politique qui est d'éviter d'être entraîné dans une
controverse interminable avec l'Allemagne, n'avait
fait aucune réponse officielle.
-~t»
LE GERMANISME
Les Allemands multiplient les groupements
destinés à préciser leur emprise sur les peuples
avec lesquels ils croient avoir certaines affi-
nités. Leur propagande tend essentiellement
à absorber intellectuellement les éléments qui
touchent par de lointaines origines au ger-
manisme et que des siècles d'évolution en ont
totalement éloignés. On nous signale de Hol-
lande qu'une association nouvelle du nom de
« Germanen Gilde » (Ligue des Germains), ayant
son siège central à Hambourg, se livre actuel-
lement à une active campagne dans les Pays-
Bas et les provinces flamandes de Belgique, en
cherchant à atteindre les personnalités aux-
quelles, à tort ou a, raison, on suppose des
tendances germanophiles et dont on voudrait 't
'faire des agents de propagande dans •les~irfi-
lieux les plus divers. L'idée est celle-ci l'ave-
nir du monde appartient au groupe puissant
des peuples germains et il importe donc de
masser autour des Allemands les Hollandais,
les Flamands de Belgique et du nord de la
France, les Suisses allemands, les Luxembour-
geois, les Allemands d'Autriche, les Suédois,
les Norvégiens, les Danois, les Finlandais, les
Allemands d'Amérique et les Boers de l'Afrique
du sud, Hollandais d'origine. Avec une désin-
volture inouïe, et sans tenir compte le moins du
monde des influences si diverses qui ont joué
un rôle dans la formation nationale de ces
peuples, si dissemblables par l'esprit général,
les traditions, la culture, les aspirations et les
intérêts, on les englobe tous dans le germa-
nisme et on prétend se servir d'eux pour assu-
rer le triomphe de la « Kultur » dans le monde.
On invite les Hollandais et les Flamands à se
faire représenter dans la « Gildekamer », ou
comité directeur, par six délégués qui seront
chargés d'organiser ensuite en Hollande et en
Belgique des « Landesgilden » ou sections na-
tionales, directement rattachées au « Germa-
nen Gilde ». Comme on procède évidemment
de même pour les autres pays, des foyers per-
manents de propagande germanique se trou-
veraient ainsi créés, et on devine sans peine
ce que serait bientôt leur action politique, car
les menées des Allemands aux Etats-Unis nous
ont édifiés sur les moyens par lesquels les
Teutons prétendent asservir toutes les forces
vives d'un pays à leurs ambitions.
C'est une forme nouvelle du rêve de domina-
tion- universelle qui hante les Allemands.
Longtemps ils. ont cru que la. seule affirmation
de leur puissance militaire suffirait à leur as-
surer la possession des contrées qu'ils estiment
indispensables au plein développement de leur
activité. En présence de l'échec de leur crimi-
nelle entreprise, et redoutant les effets à lon-
gue portée des haines que leur valent leurs for-
faits, ils changent de méthode. Avant même
que soit terminée la guerre qu'ils ont délibéré-
ment" provoquée, ils organisent les campagnes
qu'ils poursuivront demain; ils jettent les ba-
ses d'une politique qui, dans leur esprit, doit
leur ramener les chances de domination que
la fortune des armes ne leur a pas permis d'ex-
ploiter jusqu'au bout. Il s'agit en principe de
raviver le sentiment germain qui peut exister
encore chez certains peuples en dehors du sen-
timent national; il s'agit, sous prétexte de cul-
ture germanique, de créer entre ces peuples
une plus étroite communauté de pensée, une
plus ferme liaison des intérêts moraux et maté-
riels. En réalité, c'est encore et toujours pour
la plus grande Allemagne qu'on travaille, car
le germanisme' se développant de la sorte, le
milieu allemand se trouverait tout naturelle-
ment créé au sein de chaque pays et il exerce-
rait son influenae intellectuelle, politique et
économique dans chaque vie nationale, jus-
qu'au jour où, sous prétexte de réaliser l'unité
du germanisme, tous les pays qui seraient en-
trés dans cette voie glisseraient par la force
même des choses dans la sphère purement al-
lemande et se trouveraient asservis par une
méthode de pénétration pacifique aussi dange-
reuse que la conquête brutale.
Avant 1914, certains éléments flamands, hol-
landais ou scandinaves se fussent peut-être
laissé prendre à cette tactique; mais il est tout
à fait invraisemblable qu'il en soit ainsi à
l'heure présente. Cette guerre a obligé l'Alle-
magne à se montrer telle qu'elle est. La bar-
barie de ses procédés a révélé le fond de son
âme; le cynisme de ses méthodes a trop ré-
volté les consciences pour qu'on puisse encore
être dupe de son hypocrisie. Quel est le peuple
civilisé disposé à collaborer, sous prétexte d'af-
finités germaniques, avec la nation pour la-
quelle les traités sont des « chiffons de pa-
pier », qui ne connaît d'autre'loi que la néces-
sité, quand il s'agit de réaliser ses ambitions,
qui avilit la guerre jusqu'au massacre des fem-
mes et des enfants? Quelle est la nation qui, de
son propre mouvement, veut se placer sous la
botte prussienne? L'appel du « Germanen
Gilde » tombera dans le vide, car la leçon qui
se dégage des événements actuels a tué toute
confiance dans la parole allemande.
'Et c'est au lfmrtp.mam de la destruction de
Louvain et des massacres de, Termonde que
l'on ose, au nom du germanisme, s'adresser
aux Flamands; c'est au lendemain du torpil-
lage du Palembang et de la Tubantia que l'on
se risque à faire cet appel aux Hollandais On
escompte encore les sympathies de petits pays
neutres, comme le Danemark la Norvège, la
Suède et la Suisse, alors que nul n'ignore com-
ment l'Allemagne a traité la Belgique et la Ser-
bie qui défendaient leur indépendance! Cela
témoigne d'une monstrueuse inconscience et
suffit à déshonorer aux yeux de tous la « Kul-
tur » qui créa une telle mentalité.
«o-
L'AUTRE GUERRE
II y a des titres d'ouvrages qui forcent l'atten-
tion et ramènent la curiosité aux sujets que l'on
croyait le plus épuisés. Tel est le cas de celui que
M. Henry Dartigue a donné à sa brochure l'In-
fluence de' la guerre de 4870 dans la littérature
française. On s'accordait généralement à recon-
naître que cette influence avait été insignifiante.
Mais les personnes plus pu moins consciemment
imbues des doctrines de Joseph de Maistre et du
maréchal de Moltke ne peuvent admettre que la
guerre, étant nécessaire et divine, ne bouleverse
pas profondément toute l'activité humaine, y com-
pris l'activité littéraire, qui, d'ailleurs, n'est pas
habituellement au premier rang de leurs préoccu-
pations. Il est possible que si la littérature ne se
renouvelle pas de fond en comble après chaque
guerre, ce soit la littérature qui ait tort. Mais,
avant de juger, il faut d'abord voir les faits. Si
absurde et quasi scandaleuse que paraisse aux
partisans du mysticisme guerrier l'opinion con-
testée par M. Henry Dartigue, il n'en avoue pas
moins qu'elle a été soutenue par Ferdinand Bru-
netière, qui n'était pas un esprit des plus sub-
versifs. « La guerre de France (de 1870), a dit
Brunetière, n'a pas plus interrompu ni modifié le
cours de l'évolution littéraire que jadis la Révo-
lution et les guerres de l'Empire n'ont empoché
les écrivains d'alors, les Delille ouïes Morellet,
les Ducis ou les Lemercier, combien d'autres en-
core, de se retrouver, au lendemain de Friedland
ou de Wagram, tout ce qu'ils étaient à la veille
de la convocation des Etats-Généraux. » II y au-
rait même des distinctions à faire, et l'on pourrait
trouver Brunetière un peu trop'radical en ce qui
concerne la Révolution et l'Empire; mais en ce
qui touche les événements de 1870, il semble bien
qu'il ait pleinement raison, à moins que M. Henry
Dartigue ne réussisse à le réfuter.
Son premier argument est 'que l'Allemagne au-
rait exercé sur la pensée française au dix-neu-
vième siècle une action considérable, à laquelle les
révélations de 1870 auraient mis fln. Or, cette ac-
tion de l'Allemagne a été très exagérée M. Joseph
Texte a établi que les principaux romantiques
français ignoraient la langue allemande et ne con-
naissaient l'Allemagne que par Mme de Staël.
C'est dire qu'ils s'en faisaient une idée chiméri.
que et surannée.. M. Dartigue rappelle les théo-
ries humanitaires et cosmopolites; il ne manque
point de citer la Marseillaise de la Paix, etc..11
observe que l'on attribuait naïvement lés mêmes
tendances à l'Allemagne, malgré les avertissements
d'Henri Heine qu'on n'écoutait pas. Soft! Mais
puisque l'Allemagne était en réalité h
c'est donc que nous étions a mille lieues de nous
mettre à son école. Il s'agissait d'une Allemagne
imaginaire, rêvée par la France, création du gé-
néreux esprit français. Ce n'est guère que dans 'la
seconde moitié du dix-neuvième siècle, ou même
dans les dernières années du second Empire, que
la philosophie et l'érudition allemandes ont com-
mencé d'avoir une influence; niais comme ces cho-
ses n'avaient rien à voir avec lia guerre, cette in-
fluence, qu'il ne faut pas exagérer non plus, n'a
pas cessé après 1870. Quant à la grande illusion
staëlienne, l'année 1870 l'a évidemment ruinée,
mais on ne voit pas que la découverte du vrai ca-
ractère allemand ait rien changé à notre littéra-
ture..
>M. Henry Dartigue signale que Mérimée et Mi-
chelet ont succombé au chagrin que la. guerre
leur a causé. D'abord, la mort d'un écrivain cé-
lèbre n'est qu'un événement littéraire négatif.
Ces deux-là avaient fait leur œuvre. Mérimée ne
s'était pas beaucoup occupé de l'Allemagne. Mi-
chelet a eu, certes, une cuisante déception. Mais
a-t-il renié ses principes? Non point. Il a dû
seulement constater qu'un peuple auquel il avait
cru ne méritait pas sa confiance. De ce qu'il existe
des méchants, il n'en résulte pas que la notion
du bien soit atteinte ou altérée. Michelet avait
commis une erreur de fait; son idéal n'en a pas
moins subsisté et lui a même survécu. Le cas de
Victor Hugo est tout pareil. Il .avait toujours été
patriote; il n'avait jamais séparé son patrio-
tisme de la foi au progrès démocratique et paci-
fique il aimait la France à la fois comme sa
mère et comme la plus noble incarnation de l'hu-
manité. Il resta après 1870, et jusque dans l'An-
née terrible, ce qu'il était auparavant.
Taine et Renan, eux aussi, furent cruellement
déçus, mais leur jugement sur l'Allemagne de
Bismarck ne les obligea point à reviser celui
qu',ils portaient sur Hegel. M. Dartigue articule
que, sans cette guerre, Taine n'eût pas écrit les
Origines de la France contemporaine. Ce qui est
vrai, c'est qu'il n'eût peut-être pas entrepris ce
'travail à cette date. Mais il y songeait depuis
1849; c'est lui-même qui le raconte dans la pré-
face de l'Ancien régime. Ce qui est vrai aussi,
c'est que non pas la guerre, mais la Commune a
influencé d'une manière excessive ses vues sur/la
Révolution, pour laquelle il plaidait, quelques an-
nées auparavant, contre Carlyle. Mais, contraire-
ment à ce qu'avance M. Dartigue, il n'a jamais
désavoué sa doctrine essentielle, son culte de la
science. Dans cette même préface de l'Ancien ré-
gime, il affirme avec une sincérité évidente qu'il
a procédé en naturaliste et qu'il a étudié son su-
jet comme la métamorphose d'un insecte. Et
n'a-t-il pas énergiquement maintenu ses posi-
tions philosophiques contre l'auteur du Disciple,
dans une lettre relative à ce fameux roman?
Quant à Renan, que M. Dartigue poursuit d'une
haine mal informée, il a pu écrire avec une en-
tière vérité, en 1890, dans la préface de son
.«vieux pourana », rédigé quarante, ans plus tôt
et resté inédit « Pour les idées fondamentales,
j'ai peu varié depuis que je commençai de pen-
ser librement. Ma religion, c'est toujours le pro-
grès de la raison, c'est-à-dire de la science. »
D'ailleurs, depuis un siècle, il n'y a rien de moins
allemand.
Venant à Flaubert, M. Dartigue mentionne qu'il
fut, en 1870, lieutenant de la garde nationale. Il
fit son devoir de bon Français. Mais a-t-il rectifié
son esthétique? Il aurait eu hien tort, et il s'en
est bien gardé. La guerre finie, il se remit à la
Tentation de saint Antoine. M. Dartigue croit que
l'art pour l'art, la tour d'ivoire et tout ce qui s'en-
suit sont des fantaisies d'avant 1870, que cette
guerre a définitivement supprimées. Pourtant, La-
martine et Hugo n'ont pas craint, dès le règne de
Louis-Philippe, de se lancer dans la mêlée poli-
tique et par contre, le Parnasse a persisté après
l'année 1870, ainsi que le naturalisme et l'impres-
sionnisme le symbolisme est entièrement posté-
rieur. Enfin les conversions religieuses ou politi-
ques des Bourget, des Brunetière, des Jules Le-
maître, suryenues longtemps après cette guerre,
n'ont pas été déterminées par elle comme le sup-
pose M. Dartigue, mais par la crainte de la dé-
mocratie et de la libre pensée. La conclusion,
c'est que si toutes les guerres ne doivent, pas for-
cément se ressembler, si l'on peut espérer de la
guerre actuelle une moisson littéraire, on doit
continuer à considérer celle de 1870 comme gjiyant
joué aucun rôle à ce noint de vue.. P. &k
Six cent-unième jour
i CU ERRE
ra H U Sa Sa !s Ea.
LA SITVATICN MILITAIRE
La situation ne s'est pas modifiée hier au
nord de Verdun;on brûle beaucoup de poudre
dans les canons et l'ennemi a très violemment
bombardé le secteur Malancourt-cote 304-
Esnes mais son infanterie ne s'est pas fait
voir. Il lui a fallu reconstituer ses corps d'ar-
mée, le 3° surtout qui a été particulièrement. t
éprouvé; les deux tiers do ses cadres ont dû
être renouvelés; presque la moitié de son effec-
tif de fantassins est composée aujourd'hui de
recrues de la classe 1910.
L'insuccès de cette bataille sur laquelle les
Allemands fondaient de si grands espoirs leur
cause des inquiétudes faciles à constater dans
les explications destinées à l'étranger. Ainsi le
correspondant à Berlin de ÏUnited Press amé-
ricaine télégraphie à son association que les
opérations n'ont été retardées que par le mau-
vais temps, mais maintenant que le temps est
beau et que, dit-il, les forts de Verdun ont été.
détruits par les 420, les attaques d'infanterie
vont reprendre avec une nouvelle violence.
La tournure qu'a prise 'la bataille de Verdun
n'est pas seule à donner de l'inquiétude à l'en-
nemi l'offensive de nos Jliés de Russie prend
sur le front oriental une intensité que les ar-
mées,- d'Hindenburg ne contiennent que diffici-
lement. Les explications qu'a recueillies à Ber-
lin le correspondant de YUnited Press cher-
chent, à déguiser, les inquiétudes causées par
les succès de nos alliés. L'offensive russe se-
rait d'un ordre tout à fait secondaire; les Russes
ne l'auraient entreprise. que pour retenir les
corps allemands sur le front oriental; ils se
seraient dévoués pour secourir la place de
Verdun, dont les Français redoutent la prise
prochaine; mais, ajoute ce correspondant, le
public berlinois a une confiance illimitée dans
Hindenburg et le sentiment général est que
l'offensive russe est impuissante à exercer une
influence sérieuse sur les opérations engagées
sur le front occidental.
Tout cela n'est que de la littérature. La réa-
lité est bien plus simple. L'ennemi a cru ne
trouver à Verdun qu'une forteresse, et il y a
trouvé une armée. Ses 420 n'ont pas mis hors
de combat les forts de Verdun; ils n'en ont
démoli qu'un seul, celui de Douaumont, sans
même assurer la. possession de la hauteur
sur laquelle il se trouvait et sans ébranler la
vaillance de nos soldats. Les Russes n'ont pas
attaqué pour secourir Verdun, mais parce que,
l'ennemi ayant engagé toutes ses forces dispo-
nibles sur le théâtre occidental, le moment était
venu de prendre l'offensive..
Nos alliés l'ont prise avec vigueur, cette of-
fensive, et ce n'est pas, à une simple diversion
qu'ils se livrent, par pur dévouement pour
nous, sur un front qui s'étend du golfe de Riga
jusqu'au Pripet. Dans le secteur de Jacobstadt,
̃«àtr.e~R'igi* •̃*&• Dvkïsk, -ils «ont ~déveteppéHksafs
succès de ces jours derniers, et auraient même
percé les lignes des Allemands. A l'ouest de
Dvinsk, les troupes russes qui en formaient la
garnison attaquent l'ennemi, au nord du lac
Sventen, sur la ligne formée par les villages
Tchichkovo-Garbouhovka. C'est au sud de
Dvinsk surtout que les opérations de nos alliés
prennent une forme des plus sérieuses. Les en-
virons du lac de Drisviaty, la région au nord de
Vidzy, près du lac de Sekly, celle au nord et au
sud du chemin de fer de Svientziany, les alen-
tours du lac de Narotch sont le théâtre des com-
bats les plus acharnés et les plus violents. Près
du lac de Sekly, 'les balles explosibles alleman-
des n'ont pas arrêté les fantassins russes qui
ont franchi les barrages artificiels de l'ennemi.
Au nord du chemin de Svientziany, les Alle-
mands avaient profité d'une tempête de neige
pour lancer une contre-attaque qui a été re-
poussée. Près du lac de Narotch, ces derniers
jours, nos alliés, sur un front de deux kilomè-
tres, avaient délogé l'ennemi d'un terrain qu'il
avait précédemment conquis; il n'a pas essayé
de réparer cet échec avoué à Berlin. On voit
qu'Hindeniburg est incapable de renouveler ses
opérations foudroyantes d'autrefois et que,
bien loin de courir à Petrograd, il contient avec
les plus grandes difficultés les attaques de nos
alliés qui ont des forces supérieures et sont
abondamment pourvus de munitions. Sur le
théâtre oriental de la guerre, l'ennemi doit
s'épuiser encore plus qu'en France.
En Italie, les opérations restent limitées par
suite 'du mauvais temps qui ne permet guère
que l'action de l'artillerie.
LA SITVATICN DIPLOMATIQVE
Si la démission de l'amiral von Tirpitz avait
pu éveiller au delà de l'Atlantique l'espoir
d'une atténuation de la guerre sous-marine- do
l'Allemagne, ces illusions auront été de peu de
durée. Le torpillage sans avertissement du pa-
quebot Sussex ajoutera de nouveaux noms à la
liste des victimes américaines de la piraterie
teutonne; sur le transatlantique Englishman,
détruit dans des conditions identiques, quatre
citoyens des Etats-Unis ont disparu. Les ba-
teaux neutres n'ont d'ailleurs pas été plus épar-
gnés que ceux des alliés. L'amirauté hollan-
daise a pu constater que la Tubantia avait été
torpillée, et une série de vaisseaux de commerce
norvégiens ont subi le même sort. Il ne s'agit
plus seulement de couler sans avertissement
les navires marchands armés, mais tous les
bateaux sans distinction de pavillon. Au mépris
des injonctions du président Wilson, en dépit
des colères des neutres, l'Allemagne va beau-
coup plus loin que les mesures annoncées dans
le mémorandum qui avait déjà indisposé
le gouvernement de Washington. Les métho-
des de l'amiral von Tirpitz sont distancées.
C'est l'application pure et simple des exigences
des partisans de la guerre à outrance. L'Alle-
magne veut tenter une suprême épreuve avant
de se risquer à se mesurer, avec la Grande-Bre-
tagne sur mer elle cherche à instituer dans
les eaux anglaises un blocus de sous-marins
qui tenteraient de détruire tous les bateaux
venant du Royaume-Uni ou y allant.
L'état troublé de l'opinion allemande, le dé-
sarroi que révèle la séance du Reichstag, et
les intrigues qui se nouent dans les milieux
politiques et gouvernementaux expliquent la
recherche d'un coup d'éclat qui relèverait ce be-
soin moral teuton.Les efforts sur Verdun restent
vains. La Russie attaque. On veut répondre à
la conférence des alliés par quelque chose de
sensationnel. Les protestations des neutres im-
portent peu. L'Allemagne, d'ailleurs, a pris l'ha-
bitude de ne plus s'en inquiéter, convaincue
par l'expérience que. la crainte qu'elle leur ins-
pire sera toujours plus forte que les colères
qu'elle suscite. Avec une fureur de fauve tra-
qué, le monstre germanique se venge aveuglé-
ment de ses angoisses.
On ne saurait douter que ces accès de férocité
n'auront d'autre effet sur les belligérants que
de renforcer leur résolution. Quant aux neu-
tres, nous ne pouvons pas juger jusqu'où leur
\désir de rester en dehors du conflit leur-conseils
lera la longanimité malgré la guerre qu'on leur
fait sur mer. Mais il est peu vraisemblable que
le président- Wilson soit disposé.à se conten-
ter, en présence de ce nouveau défl allemand,
des explications dilatoires qui ont servi à l'Al-
lemagne pour laisser sans solution depuis dix
mois l'affaire de la Lusitania.
CQRI8IUHIQUÉ OFFICIEL DU 25 MARS
Onze heures soir
En Belgique, nous avons bombardé les
tranchées ennemies à l'est de Boesinghe et
aux abords d'IM-Sas.
En Argonne, actions d'artillerie assez vio-
lentes dans des secteurs du Four-de-iParis, des
Gourtes-'Gbausses et de la Haute-Chevauchée.
Activité assez grande de l'artillerie à l'ouest
de la Meuse sur nos deuxièmes lignes, à l'est
dans la région de la côte du Poivre et de
Douaumont, en Woëvre dans les secteurs des
Côtes-de-Meuse.
Aucune action d'infan
Journée calme sur de reste du front.
COMMUNIQUÉ OFFICIEL BRITANNIQUE DU 25 MARS
Hier soir, les Allemands ont fait éclater une
mine près de la redoute Hohenzallern ils ont
pénétré dans une de nos tranchées dont ils ont
été chassés par nos grenadiers.
Aujourd'hui, près des .Bois-Blancs, nous
avons attaqué à la grenade les tranchées alle-
mandes, causant de sérieux dégâts au parapet
sur une centaine de mètres. L'ennemi n'a ri-
posté que faiblement
L'artillerie allemande a manifesté aujour-
d'hui de l'activité près de Berthonyal, Neuve-
Chapelle, Wormezeele, Ypres et Wielltjé. L'ar-
tillerie britannique lui a répondu.
»
COfUmUHIQUÉ OFFICIEL BELGE DU 25 MARS
Aotions d'artillerie ordinaires sur tout le
front belge.
LA BATAILLE DE VERDUN
HOIIHtSE DU PRIME DE SERBIE A DOS SOLDATS
Au retour de sa visite avec le président de la
République dans la région de Verdun, le prince
Alexandre de Serbie a adressé à M. Poinearé la
lettre suivante
Monsieur le président de la République,
Encore sous une vigoureuse impression du
grandiose spectacle que nous avons contemplé en-
semble hier, je viens vous prier de vouloir bien
dire au général commandant en chef les armées
de la République, aux généraux, officiers, sous-
officiers et soldats do la France, combien j'ai été
he-ureuà
dix fois séculaire de leur glorieasa patrie.
Toute la journée d'hier j'ai admiré l'entrain, le
courage et la belle humeur de vos hommes, et ni
vous ni eux, monsieur le président, vous ne m'en
voudrez, j'en suis sûr, si je vous dévoile le senti-
ment intime, qui m'a étreint pendant toutes ces
heures inoubliables, et qui enveloppait dans .la
même affection, et serrés les uns contre les au-
tres, vos héros et mes braves. Le soldat serbe a
toujours été dans l'admiration devant son frère
d'armes français. Les uns aux côtés des autres, ils
lutteront demain, en dignes partenaires également
des soldats de nos alliés et amis. Hier déjà, j'ai
entrevu la victoire resplendir sur nos baïonnettes.
En envoyant à tous les soldats de France un
salut fraternel, je vous prie, monsieur le prési-
dent, de vouloir bien trouver ici l'expression de
ma profonde reconnaissance pour cette journée
pleine de beauté et de réconfort, ainsi que l'assu-
rance de mon amitié sincère et dévouée.
ALEXANDRE.
Le président de la République a répondu en ces
termes
Monseigneur,
Je remercie Votre Altesse du message qu'Elle
a bien voulu m'adresser et que je m'empresse de
communiquer à l'armée française.
Les troupes qui déploient aujourd'hui tant
d'héroïsme dans la défense de Verdun ont été très
heureuses de recevoir hier la visite de Votre Al-
tesse elle ne seront pas moins Hères de ses féli-
citations. •
Elles savent qu'elles ne se battent pas seulement
pour le salut de la France, mais pour la liberté
du monde, et elles n'oublient pas que dans cette
lutte sublime, elles ont pour alliés les vaillants
soldats de l'immortelle Serbie. Vous avez vu vous-
même, Monseigneur; avec quel calme et quelle
confiance elles .préparent notre commune victoire.
Je prie Votre Altesse royale de croire à ma fi-
dèle amitié.
Raymond Poincaré.
Le président a communiqué la lettre du prince
au ministre de la guerre avec ces mots
Mon cher ministre,
J'ai le très grand plaisir de vous transmettre,
en vous priant de la communiquer au général en
chef, l'émouvante lettre que je viens de recevoir
de S. A. R. le prince de Serbie.
L'ATTITUDE ALLEMANDE
L'état-major allemand publie des bulletins de
plus en plus sobres. « La situation, dit le bulletin
du 25, comparée à celle d'hier, ne comporte aucun
changement important. Dans la région de la
Meuse, il y a eu des combats d'artillerie particu-
lièrement animés au cours desquels des incendies
ont été allumés à Verdun. »
Aussi les journaux officieux se bornent-ils à
prêcher la patience. On lit par exemple dans la
Gazette de Francfort
Si nos opérations suivent un cours satisfaisant, ce que
nous devons espérer, il peut se faire que la situation
stratégique à Verdun devienne un jour intenable pour,
nos adversaires.
Le chemin que nous avons encore à .parcourir est long
et exige une vigoureuse tactique.
Lee forces ne nous manquent pas. Attendons 1
Mais d'autres journaux ne peuvent dissimuiler
leur mécontentement et refusent d'être dupes.
C'est ainsi qu'un officier d'état-major écrit dans
le Berliner Tage6latt
'Nos succès surprenants de rapidité nous ont gâtés.
L'été passé, nous nous emparions au vol des forteres-
ses russes. Or, aujourd'hui, nous commettons une belle
gaffe à nous obstiner à mettre sur le même pied la for-
teresse de Verdun et les forteresses russes. La compa-
raison ne tient pas debout. Elle ne tient aucun compte
des circonstances de terrain, ni de l'état respectif des
armements russes et français.
Notons encore cette opinion de la Gazette de Co-
logne
Le mot d'ordre reste pour nous tenir jusqu'au bout,
quand même les désagréments du temps de guerre
devraient se faire sentir à l'intérieur plus que par le
passé. Nous savons que ces souffrances sont peu de
choses comparées à ce que nos fils et nos frères ont
supporté et supporteront encore dans los tranchées.
Nous savons que nous nous rendrons dignes de leurs
actes d'iiéroïsme seulement si nous prenons exemple
sur eux et si nous nous acquittons de nos devotea-avee
la même" endurance et le mSme dévouement. j
n I
LA CONFÉRENCE DES ALLIÉS
La conférence des alliés, qui s'ouvre demain
matin à Paris, réunira les représentants les plus
qualifiés do tous les pays alliés. La France sera
représentée par M. Briand, président du conseil et
ministre des affaires étrangères, le général Ro-:
ques, ministre de la guerre, et le général Joiïre
la Grande-Bretagne sera représentée par M. As-
quith, premier ministre, sir Edward, Grey, secré-
taire d'Etat pour le Foreign office, lord Kitchener,
secrétaire d'Etat pour le War office, le général
sir Douglas Haig, commandant en chef de l'armée
britannique en France, le général Robertson, chef
d'état-major général, et M. O'Bierne, ministre plé-.
nipotentiaire la Russie sera représentée par
M. Iswolsky, ambassadeur à Paris, et le général
Gilinsky, représentant militaire permanent russe
au quartier général français; les représentants de
l'Italie sont M. Salandra, président du conseil,
M. Sonnino, ministre des affaires étrangères, le
général Dall'Olio, sous-secrétaire d'Etat aux mu-'
nitions, le général Cadorna et M. di San-Martino,.
secrétaire général du ministère des affaires étran-
gères le Japon aura pour représentant son ambas-
sadeur à Paris; la Belgique sera représentée par
le baron de Broqueville, ministre de la guerre,'
le baron Beyens, ministre des affaires étrangères,
et un officier général; enfin les représentant»
de la Serbie sont M. Pachitch, président du conseil,
et M. Jovanovitch, ancien ministre de Serbie ai
Vienne.
LES DÈLÉGUÉS ITALIENS
Une communication faite aux journaux italiens
donne les détails suivants sur le séjour de MM. Sa-
landra'et Sonnino à Paris.
Aussitôt après leur arrivée, les ministres italiens
se rendront, de l'hôtel Bristol, où ils vont s'ins-
taller, faire visite à M. Poincaré, à l'Elysée.
Le soir, ils seront retenus à dîner, dans l'inti-
mité, par M. Briand.
La première séance de la conférence, à laquelle
ils prendront part avec M. Tittoni, le général Ca-
dorna et le général Dall'Olio, est fixée à lundi;
neuf heures du matin. C'est dans la salle même oü
furent tenues les séances de la conférence de Pa-
ris en 1856 que les signataires du pacte de Londres
se retrouveront tous ensemble, pour la première
fois. m
Ce même jour, un déjeuner sera servi au quai
d'Orsay même.
Le lendemain mardi, les délégués de l'Italie se-*
ront reçus à déjeuner par le président de la Répu-
blique. L'après-midi, ils assisteront à la réception
organisée en leur honneur à l'Hôtel de Ville. Le
soir, grand dîner à l'ambassade d'Italie.
MM. Salandra et Sonnino se sont entretenus
longuement avec le roi Victor-Emmanuel III
avant leur départ pour Paris. Les journaux ita-
liens interprètent cet entretien du souverain avec
les deux ministres comme un indice que les ac-
cords imminents créeront une situation nou-.1
velle.
D'après la Tribuna, la conférence plénière des
alliés durera deux jours. Tnès probablement MM.
Salandra et Sonnino seront de retour à Rome
vendredi matin.
Les problèmes les iplus importants qui seront
traités à la conférence ont évidemment été dis«
̃eûtes à l'avance par les divers gouvernements,
de sorte que la conférence aura devant elle un
travail tracé dans ses grandes lignes auquel elle
devra donner, d'un commun accord, une forme dé-
finitive.
Dans l'opinion générale, on a la certitude qué
de la conférence de Paris sortira la décision qui
sera considérée comme la condition essentielle
de la victoire commune. Naturellement, le se-
cret le plus absolu sera gardé sur les décisions
de la conférence, et il serait oiseux de vouloir se
livrer à ce sujet à des inductions.
M. SALANDRA
M. Salandra est le premier grand ministre que
le parti constitutionnel modéré ait eu au pouvoir
depuis trente ans en Italie. Sa hauteur de vues,
son libéralisme vrai l'ont d'ailleurs élevé au-des-
sus du niveau de l'homme de parti, si distingue~
qu'il soit. Nous ne rappellerons ici que quelques
dates d'une vie politique a laquelle les événements
ont donné une si grande portée.
M. Salandra est né en 1853, à Troja, dans les
Pouilles, pays qu'il représente depuis 1886 à la
Chambre comme député de Lucera, province de
Foggia. Il siégeait au centre, à l'aile droite du
parti libéral. Il fut successivement, en 1891, sous-
secrétaire d'Etat des finances dans un cabinet
Rudini, de 189-i à 1896, sous-secrétaire d'Etat
au Trésor dans le second cabinet Crispi; son
ministre était M. Sonnino. Lorsqu'en mai 1899
le second cabinet Pelloux se forma sous les
auspices de M. Sonnino, il fut, pour un an envi-
ron, ministre du commerce. Il se trouva alors
classé, comme M. Sonnino lui-même, parmi les
conservateurs.
Dans le premier cabinet que constitua M. Son-
nino, en 1906, M. Salandra fut ministre des finan-
ces, et dans le second cabinet Sonnino (1909-
1910), il fut ministre du Trésor.
Il est inutile de rappeler quelle fut l'influence
morale que personnifia M. Salandra depuis le
jour où, M. Giolitti se retirant du pouvoir, le
problème redoutable se posa pour 'l'Italie de
refaire à la fois ses forces militaires usées et sa
politique extérieure fourvoyée. Dans cette tâche
dont, brusquement, se révélait toute ll'étendue,
après la disparition du dictateur habile à masquer;
ses fautes de brillantes apparences, M. Salandra
déploya des qualités d'homme d'Etat de premier
ordre volonté, clarté de conception, ressources
d'idées, éloquence sobre et nerveuse, allant droit
au cœur du peuple, inspirant confiance à l'étran-
ger et estime à l'aréopage des nations impartia-i
les. Son discours du Capitole, dans lequel il dé-<
ohira les artifices et les faux semblants de la po-
litique des empires germaniques, était digne du
lieu, digne du grand moment historique, vérj-i
table manifeste de la seconde renaissance poli-
tique de l'Italie.
M. SON3STIUO
L'ami politique du président du conseil, son:
précieux collaborateur dans les graves problèmes
que la guerre européenne propose à l'Italie, est
une personnalité d'une force d'esprit et d'une con-
centration singulières. Sa figure se dessine à part
dans le monde parlementaire italien où le rayon-
nement et l'éclat de la parole donnent à tous les po-
litiques un air de famille.
̃M. Sonnino est un méditatif et un silencieux. Né
à Alexandrie d'Egypte, d'un père italien et d'une
mère anglaise, c'est l'Angleterre qui domine dans
le tempérament de l'homme d'Etat italien, qui a
formé son intelligence et lui a donné le modèle
de son éloquence, toute nerveuse, concise et di-
recte comme un coup droit.
M. Sonnino, ministre des affaires étrangères, à
débuté par la diplomatie avant le Parlement. i) a `
été secrétaire d'ambassade à Madrid, à Vienne, U
Berlin, quelque temps à Paris, au moment même;
de la guerre, en 1871. Rentré en Italie, il fonda à
Florence une revue sur le plan de la Saturday
Rewiew, la Rassegna Seltimanalo, recueil à la fois
politique et littéraire qui eut d'illustres collabo-
rateurs Carducci, Pasquale Villari, l'historien,
Ferdinando Martini, styliste de haut mérite, qui
est devenu ministre à l'instruction publique et
aux colonies.
M. Sonnino entra dans la vie politique en .1880a
Dans ce milieu, où la théorie du « transformisme»!
mise en vogue par un vétéran du parlementarisme,
M. Depretis, paraissait le dernier mot do la sa-
gesse politique, le caractère qu'apporta M. Son-
nino a été défini par. cette image assez significa-
tive « 11 donna l'impression d'une veine d'eau
pure jaillissant de la conscience même du pays. ̃»,
M. Sonnino, par son langage, toute sa manière
d'être, toute son activité, était une protestation~
continuelle contre le « transformisme » et sa con-
tinuation descendante, le ie giolittisme ». Il s'est
toujours prononcé pour les partis tranchés et pre-
nant leurs responsabilités, les programmes nets;'
les lignes de conduite conséquentes. En .4893,
il foMoa, avec vingt-trois membres du çenûre»
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