Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1915-06-24
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 24 juin 1915 24 juin 1915
Description : 1915/06/24 (Numéro 19710). 1915/06/24 (Numéro 19710).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
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Date de mise en ligne : 15/10/2007
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JEUDI 24 JUIN, 1915"
CINQUANTE-CINQUIEME ANNEE– N* 19710
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JASIS, SEINE «tSEINE-ST-OISS. Trois moi», 14 fr.; Six mois, 28 fr.; Su an, (53 ft,
DÉPART» «tÀLSACE-lORRAIirB. IV fr.; S4tr.i 68t
mnMPOSTAlE lSft.; SSfr.} -7at
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1" ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un, numéro (départements) SO centimes
PRIX DE L'ABONNEMENT
WBB, SEMS et SHKE-IT-OISE.. Trois mois, 14 fr. six mois, 88 Ir.; m m, 53 fr.
BtPABT" et'ALSAŒ-ipRRAINE.. 17 fr.; 34 Ir.; esir.
JWIOH. postais. 18 fr,; 33 fr.; "T'a fr. k..
LES AEONJiEJBEKTS DATENT DES 1" ET 16 DE CHAQUE KOB
Un numéro (à Paris) 125 centimes
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Paris, 23 jym
BULLETIN DU JOUR
LA SERBIE' ET L'ITALIE
Un "dé tachenîent de troupes serbes a passé le
Danube et s'est emparé dans l'île de Moldova,
qui fait partiel du banat de Ternes var, d'un
lassez nombreux matériel ainsi que du piquet
austro-hongrois préposé à sa garde. Ce coup de
main, d'importance restreinte au point de ?.rue
inilitaire, n'en fait pas moins- prévoir une re-
prise prochaine de l'activité des troupes du roi-
Pierre sur le front du Danube, et leur intention
de porter la guerre en territoire austro-hongrois.
Des corps serbes ont récemment pénétré en
'Albanie. Depuis plusieurs mois des bandes
conduites, par. des Autrichiens ou des Turcs
entretiennent l'anarchie dans la principauté,
aujourd'hui sans maître, de l'éphémère prince
de Wied. 'Elles se sont 'livrées à d'incessantes
incursions en; Serbie.. Celle-ci a répondu par
l'envoi d'une expédition qui a atteint Tirana et
El-Bassan. Les .postes établis sur quelques
.points stratégiques importants préserveront les
frontières. 4u royaume des agressions des Ski-
p&tars qui pourraient inquiéter l'arrière de l'ar-
mée du voïvqde, Putnik. La précaution n'était
;pas superflue .et l'opération fut exécutée avec
promptitude et décision. Elle ne justifiait en rien
les arrière-pensées que les agents de l'Alle-
magne ont essayé d'insinuer à cette occasion
dans l'opinion italienne, qui n'a, du reste, pas
Jardé à découvrir là manoeuvre.
Lorsqu'on vit la Serbie reprendre la route
qui l'avait conduite en 1912 jusqu'au bord de
l'Adriatique, on a prétendu que le gouverne-
ment de Nieh songeait à profiter des circons-
tances pour rétablir le débouché dont l'Europe
l'avait privée sur les injonctions de l'Autriche-
Hongrie. Le roi Pierre n'a plus besoin de pren-
dre de gage sur '.l'Adriatique; il sait que son
royaume aura sur la mer une sortie beaucoup
plus vaste que celle que la conférence de Lon-
dues lui enleva par la. création de l'artificielle
principauté d'Albanie. La Triple-Entente se
soumit par amour de la paix aux pressantes
exigences de Vienne. La conflagration déchaî-
née par les AustrorAïlemands l'a libérée du
souci de ses responsabilités et elle a réparé
l'injustice commise. La Serbie sait qu'elle élar-
gira son territoire jusque sur les rives de la
;« nier très amëre » ou son héroïsme et ses vic-
'toires ont glorieusement affirmé ses droits.
iL'Italie en dénonçant la Triplice et en venant
prendre place parmi les défenseurs de l'Eu-
rope a souscrit de son côté à la constitution
d'une grande Serbie et c'esten complet .accord
,que les deux royaumes collaboreront désormais
de toutes leurs forces à la réalisation du but
commun. .'•'̃̃̃
.Des officiers, italiens sont arrivés au quartier
général du voïvode Putnik. La Serbie a envoyé
au quartier général du roi Victor-Emmanuel
un attaché militaire pour compléter la liaison
entre les deux armées. Et à l'heure voulue,
?50,000 hommes c'est le chiffre des combat-
fânts" dont la Serbie disposa actuellement en
dehors des services de l'arrière attaqueront
1' Autriche-Hongrie sur son propre territoire et
dans des régions où ils sont attendus en libé-
rateurs par leurs frères de race prêts à se join-
dre à eux. Depuis que la Serbie a chassé. les
,troupes de François-Joseph de son territoire en
âeur capturant 30,000 hommes, et un matériel
de guerre immense, elle a pu refaire ses effec-
tifs et réapprovisionner son armée, remise. au-
jourd'hui des souffrances et des épreuves
qu'elle a endurées. La population serbe, admi-
rable de résolution elj d'énergie, est prête à tous
les sacrifices pour la réalisation de ses aspira-
tions nationales. Elle veut être de sa propre
main l'artisan de la renaissance des Slaves du
sud. Elle ne ménage ni son sang ni sa peine
pour libérer là race et faire triompher le droit.
L'idéal patriotique qui soutient ce petit peu-
ple et le graridit à l'égal des plus glorieuses na-
tions ne sera pas déçu. L'honneur et la solida-
rité des alliés lui en donnent l'assurance.
Ceux-ci' connaissent le noble et superbe dé-
vouement de la Serbie à la cause de tous les
•Etats libres. Lé eune royaume n'a pas une
moindre confiance dans le bon vouloir et la
loyauté de ses frères d'armes. Des millions
'd'hommes se battent aujourd'hui pour venger
l'offense faîte au droit par l'agression contre
les Serbes. Des milliers d'existences se. sacri-
fient chaque jour pour s'opposer à l'entreprise
de conquête et de domination dont l'asservis-
sement serbe devait être le début et à laquelle
l'attentat de Sarajevo servit. de prétexte. Le
sort de la Serbie est ainsi indissolublement lié
à celui des belligérants qui, en la défendant,
sont devenus les défenseurs de l'humanité.
L'opinion publique serbe s'est à diverses re-
prises émue d'informations tendancieuses qui
m'avaient 'd'autre but que de l'alarmer. Elles
représentaient 'les puissances disposantarbitrai-
rèment"des territoires serbes comme de terri-
toires sans maîtres. Le gouvernement de Nich
ne peut ignorer que l'égalité entre les alliés est
̃une des bases fondamentales du pacte qui les
unit" 11 sait que dans les négociations où ses
(intérêts seraient en jeu, ceux-ci ne serontpassa-
i enflés. Les manœuvres obliques pour ébranler
i la confiance de la Serbie et qui correspondent à
la recrudescence de là propagande allemande
dans les Balkans, provoquée par l'entrée en
scène de l'Italie, ne peuvent pas briser l'élan
!de la Serbie. Et le moment que choisit ce brave
petit peuple pour rappeler que 'sur le Danube,
comme sur la Save et "la Driha, il est prêt à
reprendre son effort, est celui où les agents
austro-allemands exploitent avec le plus de
piiffisme la retraite russe en Galicie, et veulent
faire croire à un retour de chances en faveur
des armées austro-hongroises. `
Il serait difficile d'évaluer pour quelle part
la retraité momentanée de la Russie entre dans
.les calculs des cabinets de Bucarest et de Sofia.
ï/attitude de la Roumanie et de la Bulgarie ne
s'est pas modifiée depuis ces derniers mois, et
ce permet pas d'apprécier jusqu'à quel point
l'avance allemande peut influencer leurs réso-
lutions. En Serbie, la confiance dans la vic-
toire finale n'en a subi nulle atteinte. Quand
elle jugera le moment opportun ou au pré-
inier signal, l'armée du roi. Pierre est prête à
(reprendre ;son rang dans la lutté en envahis-
sant le territoire ennemi. La place qu'a laissée
H'acante la Roumanie et la distance qui sépare
Se Danube du Pruth. empêchent le roi Pierre
id'apporter en ce moment aux Russes le con-
cours direct qu'il souhaite. Il ne peut qu'obli-
ger les Austro-Hongrois à faire face sur le
front danubien qu'ils ont aujourd'hui dégarni.
Par contre, l'offensive serbe est à même de col-
ïoborer efficacement à l'avance italienne par
vne action concertée. C'est ce qui paraît se
préparer, et l'étroite fraternité d'armes qui en
résultera sera le meilleur gage de l'amitié du-
.rable des deux nations qui sont désormais ap-
pelées à vivre en voisines sur les rives de
l'Adriatique. “»-
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU tEtlttïTS
Londres, 23 juin.
Dans une lettre au Times, l'écrivain anglais bien
toanu H. G. Wells jbroDOse d'organiser un bureau
central des inventeurs qui aurait pour objet de con-
centre~ toutes les nouvelles inventions "ht de les
soumettre ensuite à un bureau de la guerre pour
examiner le parti qu'il y aurait lieu d'en tirer.
Londres, 23 juin.
M. Brookmaîi, propriétaire du North London Guar-
dian, â, été condamné à, payer une amende de cin-
quante livres sterling, et l'auteur d'un article paru
dans ce journal. M. Richard Sinnott, à un mois de
prison et vingt-cinq livres sterling d'amende, pour
avoir livré à la publicité certaines informations de
nature à pouvoir être directement utiles à l'ennemi.
Petrograd, 23 juin.
L'hôpital municipal n° 5, afiecté aux blessés, est
dénommé hôpital du généralissime Joff're.
Petrograd, 23 juin,
On annonce que le gouvernement projette un
nouvel emprunt d'un milliard de roubles.
Genève, 23 juin.
La quatrième liste des rapatriés civils français
vient de paraître. Elle contient 16,000 noms. Avec
les trois premières listes on atteint un chiflre de
46,000 noms.
Les nouveaux douzièmes provisoires
On a vu hier, par l'analyse que le Temps a
donnée du rapport de M. Albert Métin, l'im-
portance des crédits demandés pour les trois
nouveaux douzièmes provisoires. applicables à à
l'exercice 1915. Ils concernent les mois de juil-
let, d'août et de septembre. En pleine guerre on
est bien forcé de se passer de budget véritable.
Toute prévision régulière devient impossible.
Les chiffres énoncés ne peuvent être qu'ap-
proximatifs. Le rapport de M. Métin ne le
prouve que trop.
Après avoir dit que le total des crédits con-
cernant le troisième trimestre de 1915 ressort
à 5,754,196,252 francs, le rapport ajoute que,
« en définitive, les dépenses à prévoir pour ce
trimestre approcheront de 6 milliards, en te-
nant compte d'importants crédits supplémen-
taires qu'on nous annonce dès à présent pour
la défense nationale ». L'écart entre les deux
évaluations est grand. Mais comment ne pas
subir un aléa dans les circonstances actuelles?
Autant, avant la guerre, lorsque la situation
était normale, on devait déplorer que le bud-
get fût fait en quelque sorte au jour le jour,
autant on doit à présent s'incliner devant la
nécessité du recours aux douzièmes provi-
soires.
Il ne s'ensuit nullement, cependant, que
l'examen de ces crédits comporte une attention
diminuée. C'est tout le contraire. La méthode
des douzièmes provisoires est en soi vicieuse.
S'appliquant à des dépenses non plus relati-
vement faibles, mais exceptionnellement éle~
vées, elle appelle un redoublement de vigi-
lance. Pour les neuf premiers mois de l'exer-
cice en cours, le montant total des douzièmes
provisoires atteint près de 16 milliards. La vi-
gilance des contrôlés doit grandir avec l'énor-
mîté des dépenses. •
On se demande si la commission du budget
s'est suffisamment rendu compte de cette obli-
gation. Par exemple, le jour où elle a émis un
avis favorable aa projet dl'achat de viandes frigorifiées, ce qui engageait
une dépense estimée par elle-même à 900 mil-
lions, elle acquiesçait à des charges budgétai-
res mal définies, s'étendant bien au delà du
temps vraisemblable de la guerre, et n'ayant
pour appui aucune justification. Le rapport de
M. Albert Métin essaye, il ,est vrai, de les en-
glober dans les dépenses de « solidarité natio-
nale ». Au chapitre qui porte ce nom, on lit ce
qui suit « A la solidarité nationale doivent
se rattacher les achats de denrées par l'Etat
pour le ravitaillement de la population civile,
soit 86 -millions, sans compter les projets en
instance pour l'achat de blés, de viandes fri-
gorifiées et de bétail; l'achat de blés, à lui seul,
y ajouterait 120,054,000 francs. » Or, il est des
assimilations qui sont vraiment par trop har-
dies. L'opération sur les viandes frigorifiées
ne saurait être, dans une mesure quelconque,
assimilée à un acte de « solidarité nationale ».
Quant aux achats de blés, pour lesquels un
crédit de 120,054,000 francs avait été inscrit
pour 70,054,000 francs au ministre du com-
merce, et 50 millions au ministre de la guerre,
sommes dont la commission sénatoriale pro-
pose de faire un seul compte, au ministre du
commerce,– peut-être le rapport de M. Albert
Métin eût-il pu signaler à la Chambre, comme
M Emile Aimond l'a fait dans son rapport au
Sénat, l'erreur commise dans le calcul des en-
gagements de dépenses fixés à 150 millions.
Dans le rapport au Sénat, on trouve cette
observation,
Votre commission doit faire observer que le
chiffre de 150 millions voté par la Chambre est in-
suffisant, puisque, à l'heure actuelle, le total des
engagements atteint 200 millions.
Ainsi que l'a fait remarquer le rapport de la
commission sénatoriale, « la loi fonctionne
dans ses parties essentielles avant que d'être
votée définitivement ». Aussi la commission sé-
natoriale a-t-elle dû renoncer à- formuler dans
son rapport « un certain nombre d'observa-
tions » qu'elle aurait eu à présenter au sujet
des instructions données aux préfets pour le
recensement et la « prise de possession » des
blés, et s'est-elle vue amenée à conclure en ces
termes « Ce qui importe, avant tout, c'est de
rendre légales les mesures qui sont en, cours
d'exécution ». Seulement, si les engagements
de dépenses reconnus dépassent de 50 millions
le chiffre qu'avait admis la Chambre, une
question se pose.
En effet, le rapport de la commission séna-
toriale nous apprend que « le prix des reventes,
qui devait, aussitôt la loi votée, compenser pour
une grande part les dépenses d'acquisitions,
n'est pas intervenu ». Dès lors, le fonds de
roulement constitué à l'aide de crédits budgé-
taires, et destiné aux acquisitions de blés et de
farines, aura-t-il été suffisant? INPa4-il pas
besoin d'une dotation plus élevée? C'est tou-
jours, pourtant, du crédit de 120,054,000 francs
que -le rapport sur les douzièmes provisoires
fait état.
D'autre part, on eût aimé que la commis-
sion du budget dénonçât les abus auxquels
donne lieu le système des allocations et se-
cours, système qui va grever de plusieurs mil-
liards le budget et qui n'incite guère au travail.
La comnïis*si6n dit, sans doute, qu'elle « ne
manquera jamais de présenter toutes les ob-
servations utiles, pour qu'allocations et se-
cours s'accordent suivant les règles de la jus-
tice, que les abus soient réprimés et les omis-
sions réparées ». Mais on eût désiré avoir
mieux que ce souci de tenir la balance ~gale
entre une indication d'économies absolument
nécessaires et celle d'accroissements possibles.
Le rapport souhaite que la commisison cen-
trale d'appel et de revision devienne « une
véritable Cour de cassation, fixant la jurispru-
dence pour tout le pays ». Vœu bien théorique,
la commission centrale statuant sur des cas
d'espèce infiniment variés. On pourrait surtout
désirer que les jugements rendus ne se vis-
sent jamais revisés, à la suite d'interventions
politiques fâcheuses. Et; si le vœu de la com-
mission du budget était écouté, devant quel
tribunal la nouvelle Cour de cassation ren-
•«errait-elle les causes ? Tout serait encore à
recommencer, avec la possibilité d'interven-
tions nouvelles.
Le, imdget devient lourd, qu'on ne s'y trompe
fias. Rien que pour les pensions militaires, le
nombre des demandes parvenues depuis le
début des hostilités dépasse 30,000. Sur 'ce
nombre, 000 pensions seulement ont été défi-
nitivement concédées à ce jour. D'où cette con-
séquence « Le troisième trimestre de la pré-
sente année ne supportera donc qu'une faible
partie du poids des pensions militaires nou-
velles. » ̃
L'avenir apparaît très chargé. Le devoir strict
du gouvernement et des Chambres est de limi-
ter rigoureusement les dépenses, de façon à
obtenir ce double résultat consacrer aux be-
soins de la défense nationale le plus clair des
ressources du pays; et en même temps faci-
liter le retour à des budgets réguliers.
L'ACCORD DÉSIRABLE
Demain, la proposition Dalbiez revient 'de-
vant la Chambre. Un nouveau texte est présenté.
L'article 1" ordonne d'incorporer « les .'hommes
autorisés à ne pas rejoindre leur corps immé-
diatenent » et ceux « placés en sursis d'appel
pour le service des administrations publi-
ques » mais cette incorporation ne pourra
avoir lieu qu'à des conditions qui sauvegar-
dent le bon fonctionnement des services pu-
blics. Il faudra que les hommes incorporés
soient « remplacés » et encore leur « chef
responsable » aura-t-il le droit de les mainte-
nir en .déclarant que ce remplacement est « de
nature à entraver le fonctionnement des ser-
vices ». Les remplacements ne pourront, d'ail-
leurs, être opérés que par « fractions ».
.En ce qui concerne les usines, le nouveau
texte de la commission institue dans chaque
région « une ou plusieurs commissions com-
posées à nombre égal de patrons et de mem-
bres ouvriers ». On n'y a pas pris garde ce
texte est une concession .dangereuse à 1 esprit
syndicaliste. On ne nous dit pas, en effet, qui
nommera la commission. Par qui les membres
ouvriers seront-ils désignés? Par les syndicats?
Alors, c'est l'exclusion obligatoire des ouvriers
non syndiqués. Alors, c'est la faveur et la
prime accordées au zèle syndicaliste. L'habi-
leté professionnelle risque d'être sacrifiée par-
fois au profit des opinions révolutionnaires.
Le texte de la commission crée une difficulté
que nous avions signalée dès le premier mo-
ment. Qu'on nous excuse de nous citer nous-
mêmes. Nous écrivions à la date du 2 mai
II ne nous est pas possible de terminer cet exposé
sans relater un incident qui nous paraît porter avec
lui un certain enseignement. On sait que l'article 6
de la proposition, rapportée ci-dessus, permet que
certains hommes du service armé, fonctionnaires
ott bien ouvriers travaillant dans les manufactu-
res de l'armée, soient maintenus dans ces services
ou ces manufactures, sur la désignation du chef
responsable. L'Humanité nous apprend qu'un dé-
puté, membre de la commission, a dépose, au nom
de ses collègues du parti socialiste, un amendement
portant que la désignation de ces hommes serait
faite « après avis des- syndicats et associations ou-
vrières et patronales ». N'est-il pas au moins inat-
tendu de voir des syndicats intervenir en semblable
cas? C'est auprès des syndicats qu'on irait chercher,
en matière de désignation militaire, cette justice
sereine et inébranlable qu'on n'a pas pu trouver
dansées déeisionsrélmiés des conseils dé revision,
des commissions de réforme, des commissions mé-
dicales, des médecins-majors!
Nous appelons l'attention de la Chambre sur
cette innovation pleine de périls. Ge n'est pas
'au moment où, en Angleterre, le gouvernement
juge indispensable d'assurer le fonctisnnement
régulier du travail et prend à cet effet des ga-
ranties, qu'il pourrait être prudent d'exposer
les usines françaises au risque d'une désorga-
nisation quelconque.
Voilà pour la question du travail. Sont et doi-
vent rester juges des aptitudes et des compé-
tences les chefs de l'industrie. Absolument
distincte de cette question est celle des « em-
busqués » contre ceux-ci l'autorité militaire
ne prendra jamais de trop viriles décisions.
Mais ce n'est pas à des commissions d'ouvriers
et de patrons, si bien composées qu'on les
veuille faire, de dire si tel ou tel devrait ou
non être au front ou à l'usine.
On comprend que des sanctions soient édic-
tées contre tous ceux qui se seront soustraits
ou auront tenté de se soustraire au devoir mi-
litaire en trompant « l'autorité sur leurs véri-
tables qualités, professions ou aptitudes ». On
conçoit également que des pénalités frappent
les complices dans l'ordre administratif ou mi-
litaire, les- directeurs d'usine ou d'entreprise
privée, ou « toute autre personne ayant sciem-
ment. facilité le délit ». Encore faudra-t-il veil-
ler à ne pas exciter aux dénonciations anony-
mes et aux poursuites téméraires.
Qu'on s'inspire de ces principes, et ainsi
prendra fin, par un accord désirable, la que-
relle que les. partis pris personnels s'effor-
çaient de compliquer. Il en est beaucoup d'au-
tres qu'avec un peu de sang-froid et un peu
de bonne volonté réciproque on pourrait ré-
soudre dans le même esprit de conciliation.
L'opinion publique ne parvient pas à com-
prendre que l'expérience de la guerre, une ex-
périence faite en commun, avec des erreurs
inévitables, puisse -servir de prétexte à ré-
criminations, alors qu'il s'agit tout simplement
de réparer les fautes commises, de redresser
les méthodes condamnées et de rattraper le
temps perdu. Quoi qu'on dise et quoi qu'on
ressasse, l'on ne fera pas que nous ayons com-
mencé la guerre dans un état de préparation
suffisante. Nous nous sommes instruits chemin
faisant, et même parfois ce que l'on croyait ap-
prendre tout d'abord n'était pas la leçon défini-
tive. Un peu de modestie, de mesure et d'équité
ne messiérait pas, même à ceux qui auraient eu
la chance de tomber toujours juste, comme on
dit, sur l'observation vraie. Mais on cherche-
rait en vain ces privilégiés, car malheureuse-
ment nul n'est infaillible. Le pays n'est pas
assez sot pour exiger de personne qu'il ne se
soit jamais trompé; mais il veut que tout le
monde travaille à l'œuvre de la défense na-
tionale et ne comprendrait pas que cette tâche
sacrée fût sacrifiée ou compromise par des
partis pris, des rancunes ou des questions de
cuisine parlementaire qui sont d'importance
très médiocre en ce moment.
L'État marchand de viande
Nous avons reçu la lettre suivante s
Monsieur le directeur, `
Le Temps s'est élevé contre les équivoques et
les obscurités contenues dans le'projet de loi sou-
mis actuellement au Sénat, et aux termes duquel
l'Etat va acheter pour 900 millions de francs de
viandes, puis consacrer au moins 100 millions do
francs pour le transport intérieur et la distribu-
tion de ces marchandises en France; soit, au total,
un milliard de francs, et enfin mettre en vente au
public, même après la guerre, une marchandise
que celui-ci n'achètera peut-être pas.
Il y a équivoques dans l'énumération fallacieuse
des risques et charges qui seraient, paraît-il, sup-
portés par les compagnies de transport et les four-
nisseurs.
Il y a obscurités dans le texte très ambigu qui
est proposé et qui risque*d'amener l'étranglement
des affaires frigorifiques en France sous le pré-
texte de limiter la capacité des entrepôts frigori-
fiques des ports maritimes ainsi que le nombre des
abattoirs modernes. pouvant être construits, alors
que cependant leur création est unanimement ré-
cteffiée par les agriculteurs et les hygiénistes.
En faisant un achat pour une durée qui s'éten-
drait légalement, dès à présent, jusqu'au 31 dé-
combre 1920, l'Etat prétend couvrir les risques
imposés aux ~fournisseurs; mais quels sont ces
risques, et pourquoi ne pas les préciser nette-
ment? En quoi les vendeurs actuels sont-ils inté-
ressés dans cette question de possibilité de réta-
blissement des droits de douane sur des marchan-
dises autres que celles qu'ils vont livrer? Quant, à
ces services, tant que. les droits ne seront pas ré-
tablis, les vendeurs n'auront rien à payer à l'Etat;
et le jour où il rétablirait les taxes, rien ne serait
simple comme d'en rembourser le montant aux
contractants. Ceux-ci n'auront pas le moindre ris-
que, et la liberté de l'Etat sera restée entière.
On parle d'imposer, l'usage du pavillon français
pour les transports maritimes et l'on prétend que
les navires spéciaux manquent absolument. Ce
n'est pas très exact, et la preuve en est que les
bénéficiaires du contrat proposé ont pris l'enga-
gement d'avoir du fret maritime frigorifique dans
un délai pour lequel il ne peut être question de
constructions nouvelles. Il y a donc quelque part
des navires frigorifiques existants, prêts à paraî-
tre au moment opportun.
Assurément, la création d'une flotte frigorifique
française nombreuse est tout à fait désirable.
Mais quelle serait donc l'importance de la dépense
à engager pour qu'on obtienne ce progrès? Elle
est facile à calculer.*
En admettant des steamers faisant chacun qua-
tre voyages par an sur l'Amérique du sud, il suf-
firait largement de cent mille mètres cubes:de
cales frigorifiques, contenant 33 mille tonnes par
voyage, pour assurer un apport annuel de cent
virct mille tonnes. L'ensemble de cette installa-
tion peut être réalisé en six ou huit mois et
n'exigera pas une dépense supérieure à huit ou
dix millions de francs.
Il est facile de couvrir cette dépense en tout ou
partie, notamment par l'attribution d'une sub-
vention immédiate formant avance de capitaux
égale à la moitié par exemple de la dépense totale,
soit 50 francs ou 60 francs par mètre cube de
cales frigorifiques utilisables. On peut également
donner des primes aux importateurs amenant en
France des viandes frigorifiées sous pavillon
français et favoriser les producteurs présents ou
futurs qui apporteront des viandes des colonies
françaises..
A cet effet, qu'on augmente les chiffres ci-des-
sus en prévoyant la répartition de 50,000 mètres
cubes de cales frigorifiques sur les navires des
lignes de la Méditerranée, du Maroc, du Sénégal,
de Madagascar, de la Nouvelle-Calédonie, par une
nouvelle subvention de 3 millions de francs. On
arrivera ainsi à mobiliser tous les ans plus de
50,000 tonnes de viandes coloniales frigorifiées,
pour le plus grand profit des colonies françaises
et de la métropole, et l'on aura assuré de cette
manière le développement du cheptel et de la
production agricole, si intéressante, de ces ré-
gions.
D'autre part, on peut être certain que les
grands producteurs 'étrangers, importateurs de
viandes congelées, prendraient volontiers l'enga-
gement d'amener et de vendre leurs produits sans
aucune subvention si on leur assurait simple-
ment là sécurité et la liberté de leur négoce.
îflAii&erfé créera .la, concurrence entre les ven-
deurs au profit des consommateurs français.
La sécurité résultera de ce que le gouverne-
ment français, dûment autorisé par la loi, aura
garanti à ces importateurs que chacun d'eux
pourra entrer en France par exemple 25,000 ton-
nes chaque année pendant cinq années consécu-
tives, soit au total, pour six ou sept exportateurs,
choisis parmi les producteurs réels possédant des
usines (et non des intermédiaires), une entrée li-
bre de 120,000 à 140,000 tonnes pendant cinq ans.
Le Parlement resterait maître d'autoriser l'entrée
libre de nouvelles quantités de viandes, suivant
les besoins, et, s'il venait à rétablir des taxes
douanières sur les viandes et à s'assurer ainsi
une recette nouvelle, la compensation serait ai-
sée, elle ne coûterait pas un centime à l'Etat, au-
cune atteinte n'aurait été portée à son droit sou-
verain.
En résumé, on peut avoir des viandes frigori-
fiées par un appel à la libre concurrence.
On peut avoir des navires frigorifiques sous pa-
villon français par l'attribution d'une subvention
initiale, et même de primes annuelles de transport,
faciles à calculer.
En tout cas, il est essentiel qu'il soit présenté
une proposition mieux déterminée dans ses ré-
percussions, prévenant toute affaire qui institue-
rait fatalement des monopoles commerciaux dégui-
sés, enfin excluant toute possibilité de création d'un
nouveau commerce d'Etat avec toutes ses incerti-
tudes techniques et financières si redoutables pour
le budget et pour le contribuable.
Ces observations montrent combien là com-
mission sénatoriale des finances a été sage en
concluant au rejet du projet de loi si hâtive-
ment voté par la Chambre. La combinaison à
laquelle le gouvernement s'est arrêté ne résiste
point à l'examen. Heureusement, on semble en
droit d'espérer qu'elle ne sera pas soustraite à
tout libre débat. En renonçant au rapport,
M. Jules Develle a cédé à des scrupules et à
un mouvement de délicatesse auxquels tous
ses collègues ont rendu hommage. Le nouveau
rapporteur, M. Alexandre Bérard, ne manquera
pas de mettre en lumière les raisons de la cou-
rageuse résistance que la commission sénato-
riale oppose au projet.
«S&»
L'AME PIEUSE DE FLORENCE
C'est Florence, maternelle, qui va recevoir dans
ses palais et ses couvents illustres les blessés ita-
liens de la grande guerre. Ainsi cette ville unique
se transfigure. République de la pensée, puis
vaste musée silencieux, la voici enfin régénérée
par la douleur. Elle apparaissait hautaine et
volontaire, avec ses édifices bâtis de blocs bruts,
ses tours, carrées et crénelées, ses rues sombres,
avec les gestes de meurtre, de rapt et de domi-
nation de ses statues immortelles. Elle était pleine
de souvenirs orgueilleux; elle parlait de Dante,
de Léonard, de Savonarole et des Médicis. On la
croyait rigide, à jamais immobile et fière dans
son manteau de pierre, gardant au fond du cœur
d«s paroles de commandement; ou pareille à une
belle morte debout dans un apparat fastueux. Mais
la voici qui s'éclaire d'un sourire de bonté; elle
s'incline vers la souffrance:; elle se découvre des
gestes pieux et doux. Elle se fera charitable et
trouvera une gloire nouvelle dans la pitié; et cette
cité qui nous semblait si grave, dont nous n'avions
jamais vu que l'impérieux visage,, nous apparaît
maintenant comme la plus accueillante des bonnes
consolatrices.
11 est de vastes salles dans les palais, où l'ombre
es fraîche pendant les jours d'été, et des cloîtres
tranquilles, où ne vivait plus que le peuple effacé
des fresques. Je me figure les files de lits blancs
au pied des hautes murailles toutes glorieuses de
cortèges pathétiques, ou tout emparadisées de
scènes galiléennes. Je vois les endoloris couchés
dans les galeries du Palazzo-Vecchio les panneaux
de Vasari y célèbrent les anciennes victoires, celles
où l'on se battait corps à corps, dans 'la toute no-
blesse des beaux gestes. Et les héros que la douleur
aura rendus enfants se réveiller dans les cellules de
San-Marco la lumière y tourne lentement, aveu-
gla les fresques veloutées que l'Angélique, par
humblesse, peignit à contre-jour; dans les cours
fleuries, c'est le parfum des pins et la chute régu-
lière des vibrations de cloches dans le soleil; aux
portes, un Jésus tendre et blond accueillera les
pauvres gens d'un. baiser fraternel et semblera les
conduire, après le fracas de la lutte, dans la paix
d/i silence. Les cloîtres de Santa-Croce, de Santa-
Maria-Novella, si vides et si' glacés depuis des siè-
cles, se rempliront de bruits feutrés et.tiè'des, de
chuchotements, de plaintes, hélas! Il n'est point
jusqu'à la merveilleuse et si pensive chapelle des
Espagnols où ne siège, parmi les figures de Memmi,
cette blanche allégorie de l'Espérance qui semble,
avec ses voiles et son manteau, une de nos infir-
mières. Le jardinet, entre les galeries du cloître,
est plein de ces petites roses à quelques pétales qui
forment les haies dans la campagne toscane elles
embaument, le soleil embaume, l'air est clair et
transparent. Il y fera bon sentir la vie pénétrer à
nouveau les corps exsangues; comme aussi, sous
les berceaux de laurier et par les allées de cyprès
des jardins Boboli, essayer les pauvres forces
parmi l'été splendide qui y règne. De leur terras-
ses, l'on voit toute la ville étendue dans la vallée,
le dôme rose et vert de Sainte-Màrie-des-Fleurs,
les tours rouillées, et l'Arno traînant le nonchaloir
do ses eaux couleur de chrysoprase. Séjour d'i-
vresse pour celui qui renaît à la vie, et qui sent la
joie de chaque goutte de son sang se ruer dans ses
artères!
Elle est étrange aussi là destinée de cette ville
qui, après avoir dominé la pensée et l'art de la Re-
naissance, était morte dans son vêtement de faste
et n'était plus que le séjour d'amateurs passionnés,
d'artistes, de ces errants qui parcourent le monde
entier avec le désir d'étreindre un peu de beauté.
Elle s'offrait à eux comme un cimetière de choses
sublimes, avec ses rues plus riches que des musées
et ses musées plus peuplés que ses rues. Ils étaient
pleins .de souvenirs trop grands dont la noblesse
accablait la ville d'aujourd'hui des vers de Dante
y apparaissaient au coin des rues, gravés sur des
plaques de marbre, comme des épitaphes. On con-
servait les maisons du poète, celle de Michel-Ange.
Et tous les palais aux noms sonores parlaient de
familles disparues, comme il en est au long des
Céramiques.
Et voici qu'une vie nouvelle la redresse, vie
poignante, tragique, pleine de frissons et de lar-
mes voici qu'un devoir lui est donné: celui d'ac-
cueillir les braves tombés sur le champ de bataille,
celui de les envelopper de tendresse émue. La
grande force de la vie réelle va pénétrer, avec ses
douleurs et ses splendeurs, dans les demeures so-
lennelles de l'antique Florence.Les couvents déserts
se repeupleront de moniales en voiles blancs, aux
mains douces et intelligentes, aux clairs sourires,
aux voix confiantes. La ville ensommeillée, à nou-
veau respirera d'un souffle héroïque et sacré. Elle
connaîtra les anciennes angoisses, les grands dra-
mes de jadis. Et ces heures de sang et de gloire fe-
ront refleurir, au blason de la cité, la fleur de gloire
et de sang, le lis pourpre! A. S.
Trois cent vingt-septième jour
LA GUERRE
LA SITVATION MILITAIRE
Les communiqués ne nous apportent aucune
nouvelle importante; notre offensive en Artois
paraît momentanément suspendue. Aux envi-
rons de Souchez, après un bombardement de
grande intensité, l'ennemi a attaqué sur plu-
sieurs points; il a été refoulé dans ses tran-
chées et au cours de la journée d'hier il n'y a
plus eu sur tout le front d'Ecurie à Souchez
qu'une canonnade.
Du côté de Traoy-le-Mont, près de la ferme
de Quennevières, les Allemands ont tenté sans
succès de reprendre les tranchées qu'ils ont ré-
cemment perdues.
En Lorraine, à l'est de la forêt de Parroy,
nous avons gagné un peu de terrain et repoussé
des contre-attaques allemandes; de même dans
•les Vosges où, au sud de Metzeral, nous nous
sommes avancés dans la direction de Sonder-
nach.
Les Italiens ont pour la première fois trouvé
devant eux des forces autrichiennes de quel-
que importance; à l'est de Plava, ils ont été
également attaqués; partout ils ont repoussé
ces adversaires qu'ils croient récemment arri-
vés de Galicie.
Nous prévoyons l'abandon prochain de Lem-
berg par les Russes qui veulent se dérober à
une grande bataille dont le résultat pourrait
être de les affaiblir assez pour permettre aux
Austro-Allemands de ne laisser devant eux
qu'un rideau et de se reporter en masse contre
le front français. Les Allemands ont grand in-
térêt à précipiter les événements en Galicie
tandis que leurs adversaires cherchent à ga-
gner du temps; pendant les jours qui s'écou-
lent sans engagements décisifs, les usines rus-
ses fabriquent des obus en même temps qu'on
transporte d'Arkhangel et de Vladivostok les
munitions qu'on y a débarquées en grande
quantité. Tout cela est parfaitement logique;
les Russes peuvent se replier même au delà de
leurs frontières sans qu'il en résulte pour leur
pays d'inconvénients irréparables. Il n'en est
peut-être pas tout à fait de même pour nous; il
peut arriver qu'après avoir refoulé les Russes
assez loin pour que la Hongrie ne soit plus ex-
posée à un péril immédiat, les Allemands re-
noncent à un succès décisif en Orient pour re-
venir en masse contre nous.
LA SîTVÂTJON DIPLOMATIQVE
Le ministère espagnol a remis sa démission
au roi. La cause immédiate de cette retraite est
l'échec de l'emprunt intérieur. Sur le montant
de 750 millions de pesetas, 80 millions seule-
ment ont été souscrits. Le gouvernement a jugé
que l'abstention des capitaux espagnols rendait
impossible la réorganisation militaire projetée
et imposait la résiliation de divers contrats
dont le crédit du pays souffrirait. Il a voulu
dans ces conditions laisser le souverain maître
de ses décisions.
La crise ministérielle espagnole a toutefois
des origines plus lointaines et plus profondes.
Elle est le résultat de la division des opinions
au sujet de la guerre et de la violence toute
particulière avec laquelle s'expriment les grou-
pes ultramontains et germanophiles dans leur
campagne contre les alliés, dofit la cause fait
des progrès notables dans les sympathies des
milieux libéraux et indépendants. Le gouver-
nement espagnol est resté strictement neutre,
mais cette attitude n'implique pas de la part
du public la neutralité des sentiments. Ceux-ci
se combattent même avec d'autant plus de
force que leur opposition s'accroît de toute
la violence que les partis mettent à défendre
leur vues divergentes sur les principes fonda-
mentaux de la politique intérieure.
M. Dato n'a pu éviter aux Cortès des dis-
cussions sur les questions extérieures entre les
groupes hostiles qu'en ajournant les débats
parlementaires. L'antagonisme entre les grou-
pes politiques, les excitations de la propagande
allemande qui ont réveillé même l'opposition
antidynastique ont abouti à créer dans le
royaume une atmosphère telle que les passions
se sont manifestées même au détriment du
crédit public et de la défense nationale. Les
partisans de la neutralité bienveillante pour
l'Allemagne ont craint de fournir au gouverne~
ment des armes qui auraient éventuellement
pu servir contre les empires du centre. D'autre.
part, l'opinion était rendue méfiante par des
bruits relatifs à une campagne marocaine. Des
rumeurs circulaient au sujet d'une interven-
tion militaire au Portugal; enfin on s'était ému
de l'interdiction, aujourd'hui levée, de l'expor-
tation du charbon anglais en Espagne, qui.
avait suivi de près des informations publiées,
au sujet du ravitaillement de sous-marins B.U
lemands près des côtes cantabriques. Des mé-:
fiances, d'origines diverses se sont ainsi ren-<
contrées pour refuser au gouvernement con-s.
servateur de M. Dato les rentrées qu'il juge in-
dispensables, et qu'à défaut des Chambres, qu'il
ne veut pas convoquer, on ne peut demander
au pays que par voie d'emprunt.
M. Dato, en annonçant hier télégraphique-,
ment au roi la démission collective du cabinet,
a reçu de la Granja, pu villégiature la famille
royale, la réponse suivante « Je regrette que.
les capitaux espagnols n'aient pas répondu aux
espérances; mais ce contretemps ne doit pas
éloigner le gouvernement de son labeur patrio-i
tique. Je vous attendrai demain, à déjeuner. »'
On ne connaîtra pas avant ce soir le résultat
de cet entretien. Les opinions qui prévoient le
retour au pouvoir des libéraux ou la reconstitu-
tion d'un cabinet Dato ne reposent que sur des
conjectures, ou sur le ton cordial du message
royal à M. Dato. La prudence d'Alphonse XIII
lui inspirera vraisemblablement la solution la
plus conforme aux intérêts espagnols.
COMMUNIQUÉ OFFICIEL DU 22 JUIN
Onze heures soir
Au cours de la matinée, une quinzaine d'obus
ont encore été tirés sur Dunkerque; nos battes
ries lourdes ont pris à partie la pièce ennemie
qui opérait ce bombardement.
Dans la région du nord d'Arras, les. contre-:
attaques allemandes ont pris fin vers le matin;
il n'y a eu au cours de la journée qu'une lutte
d'artillerie extrêmement violente entre Souchez
et Ecurie.
En Champagne, près de Perthes, l'ennemi a
fait exploser quelques fourneaux de mines
sans aucun résultat.
Sur les Hauts-de-Meuse, à la tranchée de Ca-
lonne, les Allemands, à la.fln.de la nuit, ont
prononcé une violente attaque pour reprendre
les positions qu'ils avaient perdues; ils ne sont
parvenus qu'à occuper une partie de leur an-:
cienne deuxième ligne; une contre-attaque de
notre part l'a fait de nouveau presque entière-
ment tomber en nos mains.
Le nombre des prisonniers faits dans cette
région depuis le 20 juin s'élève à 220 hommes
et 3 officiers.
Près de Marcheville-en-Woëvre, une faible
attaque allemande (une demi-compagnie), qui
essayait de réoccuper une tranchée abandon-
née, entre les deux lignes, a été dispersée par
notre feu.
[Marclieville est à 4 kilomètres à l'est de Fresnes-en-
Woëvre.]
En Lorraine, une contre-attaque ennemie,
débouchant à l'est de Leintrey, a été arrêtée
par notre artillerie. ̃
Dans les Vosges, entre les 'deux branches de
la Fecht, nous avons poursuivi notre avance
dans la direction de Sondernach.
NOUVELLES DU FRONT
(OPPICIEi
LA CONQUÊTE DU « LABYRINTHE »̃
(8O maHS juin)
LA POSITION
Le système d'ouvrages et de tranchées que nos
soldats ont baptisé le Labyrinthe formait, entre
Neuville-Saint-Vaast et Ecurie, un saillant de là
ligne ennemie et c'est sa position qui expliquait sa
puissance.
On l'avait renforcé pendant des; mois, parce
qu'on le sentait exposé d'où le dédale de block-
haus, d'abris, de tranchées et de boyaux, dont
nos avions avaient rapporté l'impressionnante
image.
Orienté d'ouest en est, dans une sorte de cuvette,
le Labyrinthe avait pour axes principaux'deux
chemins creux profonds d'où rayonnaient, sur
deux kilomètres de côté, des ouvrages de toutes
sortes garnis de mitrailleuses et de -lance-bombes.
Notre attaque du 9 mai avait à peine mordu sur
l'extrémité sud. Les journées suivantes n'avaient
pas modifié la situation et notre offensive, soit au
nord, soit au sud, restait toujours exposée aux
feux de ce redoutable flanquement.
A la fin de mai, le commandement français dé-'
cida d'en finir, et l'ordre fut donné d'enlever pied
à pied le Labyrinthe.
LES DIFFICULTÉS
L'opération comportait deux phases principale»'
et de nature différente.
Il fallait d'abord, par un assaut bien préparé et
vivement mené, prendre pied dans l'organisation
ennemie. Il fallait ensuite progresser à l'inté-i
rieur des boyaux en refoulant pas à pas l'adver-
saire.
Ces deux opérations ont duré plus de trois se-i
maines. Elles nous ont valu un succès complet.
Le débouché devait être dur, car de nombreuses
batteries allemandes, comprenant du 77, du 150,
du 201, du 280 et même du 305, concentraient
leurs feux sur nous. Il y en avait à Givenchy, à la
Folie, à Thélus, à Farbus et à Beaurains, au sud
d'Arras.
Les trois régiments chargés de l'attaque dispo-
saient, il est vrai, d'une nombreuse artillerie. Mais
si nos canons devaient infliger à l'infanterie en-
nemie plus de pertes encore que les canons alle-
mands n'en causaient à la nôtre, les batteries
opposées restaient insaisissables les unes pour les
autres et des deux côtés c'est le fantassin qui
recevait les coups..
Nos hommes le savaient et en prenaient leui,
parti.
JEUDI 24 JUIN, 1915"
CINQUANTE-CINQUIEME ANNEE– N* 19710
PRIX DE L'ABONNEMENT
JASIS, SEINE «tSEINE-ST-OISS. Trois moi», 14 fr.; Six mois, 28 fr.; Su an, (53 ft,
DÉPART» «tÀLSACE-lORRAIirB. IV fr.; S4tr.i 68t
mnMPOSTAlE lSft.; SSfr.} -7at
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1" ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un, numéro (départements) SO centimes
PRIX DE L'ABONNEMENT
WBB, SEMS et SHKE-IT-OISE.. Trois mois, 14 fr. six mois, 88 Ir.; m m, 53 fr.
BtPABT" et'ALSAŒ-ipRRAINE.. 17 fr.; 34 Ir.; esir.
JWIOH. postais. 18 fr,; 33 fr.; "T'a fr. k..
LES AEONJiEJBEKTS DATENT DES 1" ET 16 DE CHAQUE KOB
Un numéro (à Paris) 125 centimes
.Directeur politique Émile-Adrien Hébrard
Tîntes Jês lettres destinées à la Rédaction doivent étre adressées au Directew
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le Journal et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant à leur teneur
Le Journal ne pouvant répondre des manuscrits communiqué»
'̃ prie les auteurs d'en gttrder cppk
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Paris, 23 jym
BULLETIN DU JOUR
LA SERBIE' ET L'ITALIE
Un "dé tachenîent de troupes serbes a passé le
Danube et s'est emparé dans l'île de Moldova,
qui fait partiel du banat de Ternes var, d'un
lassez nombreux matériel ainsi que du piquet
austro-hongrois préposé à sa garde. Ce coup de
main, d'importance restreinte au point de ?.rue
inilitaire, n'en fait pas moins- prévoir une re-
prise prochaine de l'activité des troupes du roi-
Pierre sur le front du Danube, et leur intention
de porter la guerre en territoire austro-hongrois.
Des corps serbes ont récemment pénétré en
'Albanie. Depuis plusieurs mois des bandes
conduites, par. des Autrichiens ou des Turcs
entretiennent l'anarchie dans la principauté,
aujourd'hui sans maître, de l'éphémère prince
de Wied. 'Elles se sont 'livrées à d'incessantes
incursions en; Serbie.. Celle-ci a répondu par
l'envoi d'une expédition qui a atteint Tirana et
El-Bassan. Les .postes établis sur quelques
.points stratégiques importants préserveront les
frontières. 4u royaume des agressions des Ski-
p&tars qui pourraient inquiéter l'arrière de l'ar-
mée du voïvqde, Putnik. La précaution n'était
;pas superflue .et l'opération fut exécutée avec
promptitude et décision. Elle ne justifiait en rien
les arrière-pensées que les agents de l'Alle-
magne ont essayé d'insinuer à cette occasion
dans l'opinion italienne, qui n'a, du reste, pas
Jardé à découvrir là manoeuvre.
Lorsqu'on vit la Serbie reprendre la route
qui l'avait conduite en 1912 jusqu'au bord de
l'Adriatique, on a prétendu que le gouverne-
ment de Nieh songeait à profiter des circons-
tances pour rétablir le débouché dont l'Europe
l'avait privée sur les injonctions de l'Autriche-
Hongrie. Le roi Pierre n'a plus besoin de pren-
dre de gage sur '.l'Adriatique; il sait que son
royaume aura sur la mer une sortie beaucoup
plus vaste que celle que la conférence de Lon-
dues lui enleva par la. création de l'artificielle
principauté d'Albanie. La Triple-Entente se
soumit par amour de la paix aux pressantes
exigences de Vienne. La conflagration déchaî-
née par les AustrorAïlemands l'a libérée du
souci de ses responsabilités et elle a réparé
l'injustice commise. La Serbie sait qu'elle élar-
gira son territoire jusque sur les rives de la
;« nier très amëre » ou son héroïsme et ses vic-
'toires ont glorieusement affirmé ses droits.
iL'Italie en dénonçant la Triplice et en venant
prendre place parmi les défenseurs de l'Eu-
rope a souscrit de son côté à la constitution
d'une grande Serbie et c'esten complet .accord
,que les deux royaumes collaboreront désormais
de toutes leurs forces à la réalisation du but
commun. .'•'̃̃̃
.Des officiers, italiens sont arrivés au quartier
général du voïvode Putnik. La Serbie a envoyé
au quartier général du roi Victor-Emmanuel
un attaché militaire pour compléter la liaison
entre les deux armées. Et à l'heure voulue,
?50,000 hommes c'est le chiffre des combat-
fânts" dont la Serbie disposa actuellement en
dehors des services de l'arrière attaqueront
1' Autriche-Hongrie sur son propre territoire et
dans des régions où ils sont attendus en libé-
rateurs par leurs frères de race prêts à se join-
dre à eux. Depuis que la Serbie a chassé. les
,troupes de François-Joseph de son territoire en
âeur capturant 30,000 hommes, et un matériel
de guerre immense, elle a pu refaire ses effec-
tifs et réapprovisionner son armée, remise. au-
jourd'hui des souffrances et des épreuves
qu'elle a endurées. La population serbe, admi-
rable de résolution elj d'énergie, est prête à tous
les sacrifices pour la réalisation de ses aspira-
tions nationales. Elle veut être de sa propre
main l'artisan de la renaissance des Slaves du
sud. Elle ne ménage ni son sang ni sa peine
pour libérer là race et faire triompher le droit.
L'idéal patriotique qui soutient ce petit peu-
ple et le graridit à l'égal des plus glorieuses na-
tions ne sera pas déçu. L'honneur et la solida-
rité des alliés lui en donnent l'assurance.
Ceux-ci' connaissent le noble et superbe dé-
vouement de la Serbie à la cause de tous les
•Etats libres. Lé eune royaume n'a pas une
moindre confiance dans le bon vouloir et la
loyauté de ses frères d'armes. Des millions
'd'hommes se battent aujourd'hui pour venger
l'offense faîte au droit par l'agression contre
les Serbes. Des milliers d'existences se. sacri-
fient chaque jour pour s'opposer à l'entreprise
de conquête et de domination dont l'asservis-
sement serbe devait être le début et à laquelle
l'attentat de Sarajevo servit. de prétexte. Le
sort de la Serbie est ainsi indissolublement lié
à celui des belligérants qui, en la défendant,
sont devenus les défenseurs de l'humanité.
L'opinion publique serbe s'est à diverses re-
prises émue d'informations tendancieuses qui
m'avaient 'd'autre but que de l'alarmer. Elles
représentaient 'les puissances disposantarbitrai-
rèment"des territoires serbes comme de terri-
toires sans maîtres. Le gouvernement de Nich
ne peut ignorer que l'égalité entre les alliés est
̃une des bases fondamentales du pacte qui les
unit" 11 sait que dans les négociations où ses
(intérêts seraient en jeu, ceux-ci ne serontpassa-
i enflés. Les manœuvres obliques pour ébranler
i la confiance de la Serbie et qui correspondent à
la recrudescence de là propagande allemande
dans les Balkans, provoquée par l'entrée en
scène de l'Italie, ne peuvent pas briser l'élan
!de la Serbie. Et le moment que choisit ce brave
petit peuple pour rappeler que 'sur le Danube,
comme sur la Save et "la Driha, il est prêt à
reprendre son effort, est celui où les agents
austro-allemands exploitent avec le plus de
piiffisme la retraite russe en Galicie, et veulent
faire croire à un retour de chances en faveur
des armées austro-hongroises. `
Il serait difficile d'évaluer pour quelle part
la retraité momentanée de la Russie entre dans
.les calculs des cabinets de Bucarest et de Sofia.
ï/attitude de la Roumanie et de la Bulgarie ne
s'est pas modifiée depuis ces derniers mois, et
ce permet pas d'apprécier jusqu'à quel point
l'avance allemande peut influencer leurs réso-
lutions. En Serbie, la confiance dans la vic-
toire finale n'en a subi nulle atteinte. Quand
elle jugera le moment opportun ou au pré-
inier signal, l'armée du roi. Pierre est prête à
(reprendre ;son rang dans la lutté en envahis-
sant le territoire ennemi. La place qu'a laissée
H'acante la Roumanie et la distance qui sépare
Se Danube du Pruth. empêchent le roi Pierre
id'apporter en ce moment aux Russes le con-
cours direct qu'il souhaite. Il ne peut qu'obli-
ger les Austro-Hongrois à faire face sur le
front danubien qu'ils ont aujourd'hui dégarni.
Par contre, l'offensive serbe est à même de col-
ïoborer efficacement à l'avance italienne par
vne action concertée. C'est ce qui paraît se
préparer, et l'étroite fraternité d'armes qui en
résultera sera le meilleur gage de l'amitié du-
.rable des deux nations qui sont désormais ap-
pelées à vivre en voisines sur les rives de
l'Adriatique. “»-
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU tEtlttïTS
Londres, 23 juin.
Dans une lettre au Times, l'écrivain anglais bien
toanu H. G. Wells jbroDOse d'organiser un bureau
central des inventeurs qui aurait pour objet de con-
centre~ toutes les nouvelles inventions "ht de les
soumettre ensuite à un bureau de la guerre pour
examiner le parti qu'il y aurait lieu d'en tirer.
Londres, 23 juin.
M. Brookmaîi, propriétaire du North London Guar-
dian, â, été condamné à, payer une amende de cin-
quante livres sterling, et l'auteur d'un article paru
dans ce journal. M. Richard Sinnott, à un mois de
prison et vingt-cinq livres sterling d'amende, pour
avoir livré à la publicité certaines informations de
nature à pouvoir être directement utiles à l'ennemi.
Petrograd, 23 juin.
L'hôpital municipal n° 5, afiecté aux blessés, est
dénommé hôpital du généralissime Joff're.
Petrograd, 23 juin,
On annonce que le gouvernement projette un
nouvel emprunt d'un milliard de roubles.
Genève, 23 juin.
La quatrième liste des rapatriés civils français
vient de paraître. Elle contient 16,000 noms. Avec
les trois premières listes on atteint un chiflre de
46,000 noms.
Les nouveaux douzièmes provisoires
On a vu hier, par l'analyse que le Temps a
donnée du rapport de M. Albert Métin, l'im-
portance des crédits demandés pour les trois
nouveaux douzièmes provisoires. applicables à à
l'exercice 1915. Ils concernent les mois de juil-
let, d'août et de septembre. En pleine guerre on
est bien forcé de se passer de budget véritable.
Toute prévision régulière devient impossible.
Les chiffres énoncés ne peuvent être qu'ap-
proximatifs. Le rapport de M. Métin ne le
prouve que trop.
Après avoir dit que le total des crédits con-
cernant le troisième trimestre de 1915 ressort
à 5,754,196,252 francs, le rapport ajoute que,
« en définitive, les dépenses à prévoir pour ce
trimestre approcheront de 6 milliards, en te-
nant compte d'importants crédits supplémen-
taires qu'on nous annonce dès à présent pour
la défense nationale ». L'écart entre les deux
évaluations est grand. Mais comment ne pas
subir un aléa dans les circonstances actuelles?
Autant, avant la guerre, lorsque la situation
était normale, on devait déplorer que le bud-
get fût fait en quelque sorte au jour le jour,
autant on doit à présent s'incliner devant la
nécessité du recours aux douzièmes provi-
soires.
Il ne s'ensuit nullement, cependant, que
l'examen de ces crédits comporte une attention
diminuée. C'est tout le contraire. La méthode
des douzièmes provisoires est en soi vicieuse.
S'appliquant à des dépenses non plus relati-
vement faibles, mais exceptionnellement éle~
vées, elle appelle un redoublement de vigi-
lance. Pour les neuf premiers mois de l'exer-
cice en cours, le montant total des douzièmes
provisoires atteint près de 16 milliards. La vi-
gilance des contrôlés doit grandir avec l'énor-
mîté des dépenses. •
On se demande si la commission du budget
s'est suffisamment rendu compte de cette obli-
gation. Par exemple, le jour où elle a émis un
avis favorable aa projet d
une dépense estimée par elle-même à 900 mil-
lions, elle acquiesçait à des charges budgétai-
res mal définies, s'étendant bien au delà du
temps vraisemblable de la guerre, et n'ayant
pour appui aucune justification. Le rapport de
M. Albert Métin essaye, il ,est vrai, de les en-
glober dans les dépenses de « solidarité natio-
nale ». Au chapitre qui porte ce nom, on lit ce
qui suit « A la solidarité nationale doivent
se rattacher les achats de denrées par l'Etat
pour le ravitaillement de la population civile,
soit 86 -millions, sans compter les projets en
instance pour l'achat de blés, de viandes fri-
gorifiées et de bétail; l'achat de blés, à lui seul,
y ajouterait 120,054,000 francs. » Or, il est des
assimilations qui sont vraiment par trop har-
dies. L'opération sur les viandes frigorifiées
ne saurait être, dans une mesure quelconque,
assimilée à un acte de « solidarité nationale ».
Quant aux achats de blés, pour lesquels un
crédit de 120,054,000 francs avait été inscrit
pour 70,054,000 francs au ministre du com-
merce, et 50 millions au ministre de la guerre,
sommes dont la commission sénatoriale pro-
pose de faire un seul compte, au ministre du
commerce,– peut-être le rapport de M. Albert
Métin eût-il pu signaler à la Chambre, comme
M Emile Aimond l'a fait dans son rapport au
Sénat, l'erreur commise dans le calcul des en-
gagements de dépenses fixés à 150 millions.
Dans le rapport au Sénat, on trouve cette
observation,
Votre commission doit faire observer que le
chiffre de 150 millions voté par la Chambre est in-
suffisant, puisque, à l'heure actuelle, le total des
engagements atteint 200 millions.
Ainsi que l'a fait remarquer le rapport de la
commission sénatoriale, « la loi fonctionne
dans ses parties essentielles avant que d'être
votée définitivement ». Aussi la commission sé-
natoriale a-t-elle dû renoncer à- formuler dans
son rapport « un certain nombre d'observa-
tions » qu'elle aurait eu à présenter au sujet
des instructions données aux préfets pour le
recensement et la « prise de possession » des
blés, et s'est-elle vue amenée à conclure en ces
termes « Ce qui importe, avant tout, c'est de
rendre légales les mesures qui sont en, cours
d'exécution ». Seulement, si les engagements
de dépenses reconnus dépassent de 50 millions
le chiffre qu'avait admis la Chambre, une
question se pose.
En effet, le rapport de la commission séna-
toriale nous apprend que « le prix des reventes,
qui devait, aussitôt la loi votée, compenser pour
une grande part les dépenses d'acquisitions,
n'est pas intervenu ». Dès lors, le fonds de
roulement constitué à l'aide de crédits budgé-
taires, et destiné aux acquisitions de blés et de
farines, aura-t-il été suffisant? INPa4-il pas
besoin d'une dotation plus élevée? C'est tou-
jours, pourtant, du crédit de 120,054,000 francs
que -le rapport sur les douzièmes provisoires
fait état.
D'autre part, on eût aimé que la commis-
sion du budget dénonçât les abus auxquels
donne lieu le système des allocations et se-
cours, système qui va grever de plusieurs mil-
liards le budget et qui n'incite guère au travail.
La comnïis*si6n dit, sans doute, qu'elle « ne
manquera jamais de présenter toutes les ob-
servations utiles, pour qu'allocations et se-
cours s'accordent suivant les règles de la jus-
tice, que les abus soient réprimés et les omis-
sions réparées ». Mais on eût désiré avoir
mieux que ce souci de tenir la balance ~gale
entre une indication d'économies absolument
nécessaires et celle d'accroissements possibles.
Le rapport souhaite que la commisison cen-
trale d'appel et de revision devienne « une
véritable Cour de cassation, fixant la jurispru-
dence pour tout le pays ». Vœu bien théorique,
la commission centrale statuant sur des cas
d'espèce infiniment variés. On pourrait surtout
désirer que les jugements rendus ne se vis-
sent jamais revisés, à la suite d'interventions
politiques fâcheuses. Et; si le vœu de la com-
mission du budget était écouté, devant quel
tribunal la nouvelle Cour de cassation ren-
•«errait-elle les causes ? Tout serait encore à
recommencer, avec la possibilité d'interven-
tions nouvelles.
Le, imdget devient lourd, qu'on ne s'y trompe
fias. Rien que pour les pensions militaires, le
nombre des demandes parvenues depuis le
début des hostilités dépasse 30,000. Sur 'ce
nombre, 000 pensions seulement ont été défi-
nitivement concédées à ce jour. D'où cette con-
séquence « Le troisième trimestre de la pré-
sente année ne supportera donc qu'une faible
partie du poids des pensions militaires nou-
velles. » ̃
L'avenir apparaît très chargé. Le devoir strict
du gouvernement et des Chambres est de limi-
ter rigoureusement les dépenses, de façon à
obtenir ce double résultat consacrer aux be-
soins de la défense nationale le plus clair des
ressources du pays; et en même temps faci-
liter le retour à des budgets réguliers.
L'ACCORD DÉSIRABLE
Demain, la proposition Dalbiez revient 'de-
vant la Chambre. Un nouveau texte est présenté.
L'article 1" ordonne d'incorporer « les .'hommes
autorisés à ne pas rejoindre leur corps immé-
diatenent » et ceux « placés en sursis d'appel
pour le service des administrations publi-
ques » mais cette incorporation ne pourra
avoir lieu qu'à des conditions qui sauvegar-
dent le bon fonctionnement des services pu-
blics. Il faudra que les hommes incorporés
soient « remplacés » et encore leur « chef
responsable » aura-t-il le droit de les mainte-
nir en .déclarant que ce remplacement est « de
nature à entraver le fonctionnement des ser-
vices ». Les remplacements ne pourront, d'ail-
leurs, être opérés que par « fractions ».
.En ce qui concerne les usines, le nouveau
texte de la commission institue dans chaque
région « une ou plusieurs commissions com-
posées à nombre égal de patrons et de mem-
bres ouvriers ». On n'y a pas pris garde ce
texte est une concession .dangereuse à 1 esprit
syndicaliste. On ne nous dit pas, en effet, qui
nommera la commission. Par qui les membres
ouvriers seront-ils désignés? Par les syndicats?
Alors, c'est l'exclusion obligatoire des ouvriers
non syndiqués. Alors, c'est la faveur et la
prime accordées au zèle syndicaliste. L'habi-
leté professionnelle risque d'être sacrifiée par-
fois au profit des opinions révolutionnaires.
Le texte de la commission crée une difficulté
que nous avions signalée dès le premier mo-
ment. Qu'on nous excuse de nous citer nous-
mêmes. Nous écrivions à la date du 2 mai
II ne nous est pas possible de terminer cet exposé
sans relater un incident qui nous paraît porter avec
lui un certain enseignement. On sait que l'article 6
de la proposition, rapportée ci-dessus, permet que
certains hommes du service armé, fonctionnaires
ott bien ouvriers travaillant dans les manufactu-
res de l'armée, soient maintenus dans ces services
ou ces manufactures, sur la désignation du chef
responsable. L'Humanité nous apprend qu'un dé-
puté, membre de la commission, a dépose, au nom
de ses collègues du parti socialiste, un amendement
portant que la désignation de ces hommes serait
faite « après avis des- syndicats et associations ou-
vrières et patronales ». N'est-il pas au moins inat-
tendu de voir des syndicats intervenir en semblable
cas? C'est auprès des syndicats qu'on irait chercher,
en matière de désignation militaire, cette justice
sereine et inébranlable qu'on n'a pas pu trouver
dansées déeisionsrélmiés des conseils dé revision,
des commissions de réforme, des commissions mé-
dicales, des médecins-majors!
Nous appelons l'attention de la Chambre sur
cette innovation pleine de périls. Ge n'est pas
'au moment où, en Angleterre, le gouvernement
juge indispensable d'assurer le fonctisnnement
régulier du travail et prend à cet effet des ga-
ranties, qu'il pourrait être prudent d'exposer
les usines françaises au risque d'une désorga-
nisation quelconque.
Voilà pour la question du travail. Sont et doi-
vent rester juges des aptitudes et des compé-
tences les chefs de l'industrie. Absolument
distincte de cette question est celle des « em-
busqués » contre ceux-ci l'autorité militaire
ne prendra jamais de trop viriles décisions.
Mais ce n'est pas à des commissions d'ouvriers
et de patrons, si bien composées qu'on les
veuille faire, de dire si tel ou tel devrait ou
non être au front ou à l'usine.
On comprend que des sanctions soient édic-
tées contre tous ceux qui se seront soustraits
ou auront tenté de se soustraire au devoir mi-
litaire en trompant « l'autorité sur leurs véri-
tables qualités, professions ou aptitudes ». On
conçoit également que des pénalités frappent
les complices dans l'ordre administratif ou mi-
litaire, les- directeurs d'usine ou d'entreprise
privée, ou « toute autre personne ayant sciem-
ment. facilité le délit ». Encore faudra-t-il veil-
ler à ne pas exciter aux dénonciations anony-
mes et aux poursuites téméraires.
Qu'on s'inspire de ces principes, et ainsi
prendra fin, par un accord désirable, la que-
relle que les. partis pris personnels s'effor-
çaient de compliquer. Il en est beaucoup d'au-
tres qu'avec un peu de sang-froid et un peu
de bonne volonté réciproque on pourrait ré-
soudre dans le même esprit de conciliation.
L'opinion publique ne parvient pas à com-
prendre que l'expérience de la guerre, une ex-
périence faite en commun, avec des erreurs
inévitables, puisse -servir de prétexte à ré-
criminations, alors qu'il s'agit tout simplement
de réparer les fautes commises, de redresser
les méthodes condamnées et de rattraper le
temps perdu. Quoi qu'on dise et quoi qu'on
ressasse, l'on ne fera pas que nous ayons com-
mencé la guerre dans un état de préparation
suffisante. Nous nous sommes instruits chemin
faisant, et même parfois ce que l'on croyait ap-
prendre tout d'abord n'était pas la leçon défini-
tive. Un peu de modestie, de mesure et d'équité
ne messiérait pas, même à ceux qui auraient eu
la chance de tomber toujours juste, comme on
dit, sur l'observation vraie. Mais on cherche-
rait en vain ces privilégiés, car malheureuse-
ment nul n'est infaillible. Le pays n'est pas
assez sot pour exiger de personne qu'il ne se
soit jamais trompé; mais il veut que tout le
monde travaille à l'œuvre de la défense na-
tionale et ne comprendrait pas que cette tâche
sacrée fût sacrifiée ou compromise par des
partis pris, des rancunes ou des questions de
cuisine parlementaire qui sont d'importance
très médiocre en ce moment.
L'État marchand de viande
Nous avons reçu la lettre suivante s
Monsieur le directeur, `
Le Temps s'est élevé contre les équivoques et
les obscurités contenues dans le'projet de loi sou-
mis actuellement au Sénat, et aux termes duquel
l'Etat va acheter pour 900 millions de francs de
viandes, puis consacrer au moins 100 millions do
francs pour le transport intérieur et la distribu-
tion de ces marchandises en France; soit, au total,
un milliard de francs, et enfin mettre en vente au
public, même après la guerre, une marchandise
que celui-ci n'achètera peut-être pas.
Il y a équivoques dans l'énumération fallacieuse
des risques et charges qui seraient, paraît-il, sup-
portés par les compagnies de transport et les four-
nisseurs.
Il y a obscurités dans le texte très ambigu qui
est proposé et qui risque*d'amener l'étranglement
des affaires frigorifiques en France sous le pré-
texte de limiter la capacité des entrepôts frigori-
fiques des ports maritimes ainsi que le nombre des
abattoirs modernes. pouvant être construits, alors
que cependant leur création est unanimement ré-
cteffiée par les agriculteurs et les hygiénistes.
En faisant un achat pour une durée qui s'éten-
drait légalement, dès à présent, jusqu'au 31 dé-
combre 1920, l'Etat prétend couvrir les risques
imposés aux ~fournisseurs; mais quels sont ces
risques, et pourquoi ne pas les préciser nette-
ment? En quoi les vendeurs actuels sont-ils inté-
ressés dans cette question de possibilité de réta-
blissement des droits de douane sur des marchan-
dises autres que celles qu'ils vont livrer? Quant, à
ces services, tant que. les droits ne seront pas ré-
tablis, les vendeurs n'auront rien à payer à l'Etat;
et le jour où il rétablirait les taxes, rien ne serait
simple comme d'en rembourser le montant aux
contractants. Ceux-ci n'auront pas le moindre ris-
que, et la liberté de l'Etat sera restée entière.
On parle d'imposer, l'usage du pavillon français
pour les transports maritimes et l'on prétend que
les navires spéciaux manquent absolument. Ce
n'est pas très exact, et la preuve en est que les
bénéficiaires du contrat proposé ont pris l'enga-
gement d'avoir du fret maritime frigorifique dans
un délai pour lequel il ne peut être question de
constructions nouvelles. Il y a donc quelque part
des navires frigorifiques existants, prêts à paraî-
tre au moment opportun.
Assurément, la création d'une flotte frigorifique
française nombreuse est tout à fait désirable.
Mais quelle serait donc l'importance de la dépense
à engager pour qu'on obtienne ce progrès? Elle
est facile à calculer.*
En admettant des steamers faisant chacun qua-
tre voyages par an sur l'Amérique du sud, il suf-
firait largement de cent mille mètres cubes:de
cales frigorifiques, contenant 33 mille tonnes par
voyage, pour assurer un apport annuel de cent
virct mille tonnes. L'ensemble de cette installa-
tion peut être réalisé en six ou huit mois et
n'exigera pas une dépense supérieure à huit ou
dix millions de francs.
Il est facile de couvrir cette dépense en tout ou
partie, notamment par l'attribution d'une sub-
vention immédiate formant avance de capitaux
égale à la moitié par exemple de la dépense totale,
soit 50 francs ou 60 francs par mètre cube de
cales frigorifiques utilisables. On peut également
donner des primes aux importateurs amenant en
France des viandes frigorifiées sous pavillon
français et favoriser les producteurs présents ou
futurs qui apporteront des viandes des colonies
françaises..
A cet effet, qu'on augmente les chiffres ci-des-
sus en prévoyant la répartition de 50,000 mètres
cubes de cales frigorifiques sur les navires des
lignes de la Méditerranée, du Maroc, du Sénégal,
de Madagascar, de la Nouvelle-Calédonie, par une
nouvelle subvention de 3 millions de francs. On
arrivera ainsi à mobiliser tous les ans plus de
50,000 tonnes de viandes coloniales frigorifiées,
pour le plus grand profit des colonies françaises
et de la métropole, et l'on aura assuré de cette
manière le développement du cheptel et de la
production agricole, si intéressante, de ces ré-
gions.
D'autre part, on peut être certain que les
grands producteurs 'étrangers, importateurs de
viandes congelées, prendraient volontiers l'enga-
gement d'amener et de vendre leurs produits sans
aucune subvention si on leur assurait simple-
ment là sécurité et la liberté de leur négoce.
îflAii&erfé créera .la, concurrence entre les ven-
deurs au profit des consommateurs français.
La sécurité résultera de ce que le gouverne-
ment français, dûment autorisé par la loi, aura
garanti à ces importateurs que chacun d'eux
pourra entrer en France par exemple 25,000 ton-
nes chaque année pendant cinq années consécu-
tives, soit au total, pour six ou sept exportateurs,
choisis parmi les producteurs réels possédant des
usines (et non des intermédiaires), une entrée li-
bre de 120,000 à 140,000 tonnes pendant cinq ans.
Le Parlement resterait maître d'autoriser l'entrée
libre de nouvelles quantités de viandes, suivant
les besoins, et, s'il venait à rétablir des taxes
douanières sur les viandes et à s'assurer ainsi
une recette nouvelle, la compensation serait ai-
sée, elle ne coûterait pas un centime à l'Etat, au-
cune atteinte n'aurait été portée à son droit sou-
verain.
En résumé, on peut avoir des viandes frigori-
fiées par un appel à la libre concurrence.
On peut avoir des navires frigorifiques sous pa-
villon français par l'attribution d'une subvention
initiale, et même de primes annuelles de transport,
faciles à calculer.
En tout cas, il est essentiel qu'il soit présenté
une proposition mieux déterminée dans ses ré-
percussions, prévenant toute affaire qui institue-
rait fatalement des monopoles commerciaux dégui-
sés, enfin excluant toute possibilité de création d'un
nouveau commerce d'Etat avec toutes ses incerti-
tudes techniques et financières si redoutables pour
le budget et pour le contribuable.
Ces observations montrent combien là com-
mission sénatoriale des finances a été sage en
concluant au rejet du projet de loi si hâtive-
ment voté par la Chambre. La combinaison à
laquelle le gouvernement s'est arrêté ne résiste
point à l'examen. Heureusement, on semble en
droit d'espérer qu'elle ne sera pas soustraite à
tout libre débat. En renonçant au rapport,
M. Jules Develle a cédé à des scrupules et à
un mouvement de délicatesse auxquels tous
ses collègues ont rendu hommage. Le nouveau
rapporteur, M. Alexandre Bérard, ne manquera
pas de mettre en lumière les raisons de la cou-
rageuse résistance que la commission sénato-
riale oppose au projet.
«S&»
L'AME PIEUSE DE FLORENCE
C'est Florence, maternelle, qui va recevoir dans
ses palais et ses couvents illustres les blessés ita-
liens de la grande guerre. Ainsi cette ville unique
se transfigure. République de la pensée, puis
vaste musée silencieux, la voici enfin régénérée
par la douleur. Elle apparaissait hautaine et
volontaire, avec ses édifices bâtis de blocs bruts,
ses tours, carrées et crénelées, ses rues sombres,
avec les gestes de meurtre, de rapt et de domi-
nation de ses statues immortelles. Elle était pleine
de souvenirs orgueilleux; elle parlait de Dante,
de Léonard, de Savonarole et des Médicis. On la
croyait rigide, à jamais immobile et fière dans
son manteau de pierre, gardant au fond du cœur
d«s paroles de commandement; ou pareille à une
belle morte debout dans un apparat fastueux. Mais
la voici qui s'éclaire d'un sourire de bonté; elle
s'incline vers la souffrance:; elle se découvre des
gestes pieux et doux. Elle se fera charitable et
trouvera une gloire nouvelle dans la pitié; et cette
cité qui nous semblait si grave, dont nous n'avions
jamais vu que l'impérieux visage,, nous apparaît
maintenant comme la plus accueillante des bonnes
consolatrices.
11 est de vastes salles dans les palais, où l'ombre
es fraîche pendant les jours d'été, et des cloîtres
tranquilles, où ne vivait plus que le peuple effacé
des fresques. Je me figure les files de lits blancs
au pied des hautes murailles toutes glorieuses de
cortèges pathétiques, ou tout emparadisées de
scènes galiléennes. Je vois les endoloris couchés
dans les galeries du Palazzo-Vecchio les panneaux
de Vasari y célèbrent les anciennes victoires, celles
où l'on se battait corps à corps, dans 'la toute no-
blesse des beaux gestes. Et les héros que la douleur
aura rendus enfants se réveiller dans les cellules de
San-Marco la lumière y tourne lentement, aveu-
gla les fresques veloutées que l'Angélique, par
humblesse, peignit à contre-jour; dans les cours
fleuries, c'est le parfum des pins et la chute régu-
lière des vibrations de cloches dans le soleil; aux
portes, un Jésus tendre et blond accueillera les
pauvres gens d'un. baiser fraternel et semblera les
conduire, après le fracas de la lutte, dans la paix
d/i silence. Les cloîtres de Santa-Croce, de Santa-
Maria-Novella, si vides et si' glacés depuis des siè-
cles, se rempliront de bruits feutrés et.tiè'des, de
chuchotements, de plaintes, hélas! Il n'est point
jusqu'à la merveilleuse et si pensive chapelle des
Espagnols où ne siège, parmi les figures de Memmi,
cette blanche allégorie de l'Espérance qui semble,
avec ses voiles et son manteau, une de nos infir-
mières. Le jardinet, entre les galeries du cloître,
est plein de ces petites roses à quelques pétales qui
forment les haies dans la campagne toscane elles
embaument, le soleil embaume, l'air est clair et
transparent. Il y fera bon sentir la vie pénétrer à
nouveau les corps exsangues; comme aussi, sous
les berceaux de laurier et par les allées de cyprès
des jardins Boboli, essayer les pauvres forces
parmi l'été splendide qui y règne. De leur terras-
ses, l'on voit toute la ville étendue dans la vallée,
le dôme rose et vert de Sainte-Màrie-des-Fleurs,
les tours rouillées, et l'Arno traînant le nonchaloir
do ses eaux couleur de chrysoprase. Séjour d'i-
vresse pour celui qui renaît à la vie, et qui sent la
joie de chaque goutte de son sang se ruer dans ses
artères!
Elle est étrange aussi là destinée de cette ville
qui, après avoir dominé la pensée et l'art de la Re-
naissance, était morte dans son vêtement de faste
et n'était plus que le séjour d'amateurs passionnés,
d'artistes, de ces errants qui parcourent le monde
entier avec le désir d'étreindre un peu de beauté.
Elle s'offrait à eux comme un cimetière de choses
sublimes, avec ses rues plus riches que des musées
et ses musées plus peuplés que ses rues. Ils étaient
pleins .de souvenirs trop grands dont la noblesse
accablait la ville d'aujourd'hui des vers de Dante
y apparaissaient au coin des rues, gravés sur des
plaques de marbre, comme des épitaphes. On con-
servait les maisons du poète, celle de Michel-Ange.
Et tous les palais aux noms sonores parlaient de
familles disparues, comme il en est au long des
Céramiques.
Et voici qu'une vie nouvelle la redresse, vie
poignante, tragique, pleine de frissons et de lar-
mes voici qu'un devoir lui est donné: celui d'ac-
cueillir les braves tombés sur le champ de bataille,
celui de les envelopper de tendresse émue. La
grande force de la vie réelle va pénétrer, avec ses
douleurs et ses splendeurs, dans les demeures so-
lennelles de l'antique Florence.Les couvents déserts
se repeupleront de moniales en voiles blancs, aux
mains douces et intelligentes, aux clairs sourires,
aux voix confiantes. La ville ensommeillée, à nou-
veau respirera d'un souffle héroïque et sacré. Elle
connaîtra les anciennes angoisses, les grands dra-
mes de jadis. Et ces heures de sang et de gloire fe-
ront refleurir, au blason de la cité, la fleur de gloire
et de sang, le lis pourpre! A. S.
Trois cent vingt-septième jour
LA GUERRE
LA SITVATION MILITAIRE
Les communiqués ne nous apportent aucune
nouvelle importante; notre offensive en Artois
paraît momentanément suspendue. Aux envi-
rons de Souchez, après un bombardement de
grande intensité, l'ennemi a attaqué sur plu-
sieurs points; il a été refoulé dans ses tran-
chées et au cours de la journée d'hier il n'y a
plus eu sur tout le front d'Ecurie à Souchez
qu'une canonnade.
Du côté de Traoy-le-Mont, près de la ferme
de Quennevières, les Allemands ont tenté sans
succès de reprendre les tranchées qu'ils ont ré-
cemment perdues.
En Lorraine, à l'est de la forêt de Parroy,
nous avons gagné un peu de terrain et repoussé
des contre-attaques allemandes; de même dans
•les Vosges où, au sud de Metzeral, nous nous
sommes avancés dans la direction de Sonder-
nach.
Les Italiens ont pour la première fois trouvé
devant eux des forces autrichiennes de quel-
que importance; à l'est de Plava, ils ont été
également attaqués; partout ils ont repoussé
ces adversaires qu'ils croient récemment arri-
vés de Galicie.
Nous prévoyons l'abandon prochain de Lem-
berg par les Russes qui veulent se dérober à
une grande bataille dont le résultat pourrait
être de les affaiblir assez pour permettre aux
Austro-Allemands de ne laisser devant eux
qu'un rideau et de se reporter en masse contre
le front français. Les Allemands ont grand in-
térêt à précipiter les événements en Galicie
tandis que leurs adversaires cherchent à ga-
gner du temps; pendant les jours qui s'écou-
lent sans engagements décisifs, les usines rus-
ses fabriquent des obus en même temps qu'on
transporte d'Arkhangel et de Vladivostok les
munitions qu'on y a débarquées en grande
quantité. Tout cela est parfaitement logique;
les Russes peuvent se replier même au delà de
leurs frontières sans qu'il en résulte pour leur
pays d'inconvénients irréparables. Il n'en est
peut-être pas tout à fait de même pour nous; il
peut arriver qu'après avoir refoulé les Russes
assez loin pour que la Hongrie ne soit plus ex-
posée à un péril immédiat, les Allemands re-
noncent à un succès décisif en Orient pour re-
venir en masse contre nous.
LA SîTVÂTJON DIPLOMATIQVE
Le ministère espagnol a remis sa démission
au roi. La cause immédiate de cette retraite est
l'échec de l'emprunt intérieur. Sur le montant
de 750 millions de pesetas, 80 millions seule-
ment ont été souscrits. Le gouvernement a jugé
que l'abstention des capitaux espagnols rendait
impossible la réorganisation militaire projetée
et imposait la résiliation de divers contrats
dont le crédit du pays souffrirait. Il a voulu
dans ces conditions laisser le souverain maître
de ses décisions.
La crise ministérielle espagnole a toutefois
des origines plus lointaines et plus profondes.
Elle est le résultat de la division des opinions
au sujet de la guerre et de la violence toute
particulière avec laquelle s'expriment les grou-
pes ultramontains et germanophiles dans leur
campagne contre les alliés, dofit la cause fait
des progrès notables dans les sympathies des
milieux libéraux et indépendants. Le gouver-
nement espagnol est resté strictement neutre,
mais cette attitude n'implique pas de la part
du public la neutralité des sentiments. Ceux-ci
se combattent même avec d'autant plus de
force que leur opposition s'accroît de toute
la violence que les partis mettent à défendre
leur vues divergentes sur les principes fonda-
mentaux de la politique intérieure.
M. Dato n'a pu éviter aux Cortès des dis-
cussions sur les questions extérieures entre les
groupes hostiles qu'en ajournant les débats
parlementaires. L'antagonisme entre les grou-
pes politiques, les excitations de la propagande
allemande qui ont réveillé même l'opposition
antidynastique ont abouti à créer dans le
royaume une atmosphère telle que les passions
se sont manifestées même au détriment du
crédit public et de la défense nationale. Les
partisans de la neutralité bienveillante pour
l'Allemagne ont craint de fournir au gouverne~
ment des armes qui auraient éventuellement
pu servir contre les empires du centre. D'autre.
part, l'opinion était rendue méfiante par des
bruits relatifs à une campagne marocaine. Des
rumeurs circulaient au sujet d'une interven-
tion militaire au Portugal; enfin on s'était ému
de l'interdiction, aujourd'hui levée, de l'expor-
tation du charbon anglais en Espagne, qui.
avait suivi de près des informations publiées,
au sujet du ravitaillement de sous-marins B.U
lemands près des côtes cantabriques. Des mé-:
fiances, d'origines diverses se sont ainsi ren-<
contrées pour refuser au gouvernement con-s.
servateur de M. Dato les rentrées qu'il juge in-
dispensables, et qu'à défaut des Chambres, qu'il
ne veut pas convoquer, on ne peut demander
au pays que par voie d'emprunt.
M. Dato, en annonçant hier télégraphique-,
ment au roi la démission collective du cabinet,
a reçu de la Granja, pu villégiature la famille
royale, la réponse suivante « Je regrette que.
les capitaux espagnols n'aient pas répondu aux
espérances; mais ce contretemps ne doit pas
éloigner le gouvernement de son labeur patrio-i
tique. Je vous attendrai demain, à déjeuner. »'
On ne connaîtra pas avant ce soir le résultat
de cet entretien. Les opinions qui prévoient le
retour au pouvoir des libéraux ou la reconstitu-
tion d'un cabinet Dato ne reposent que sur des
conjectures, ou sur le ton cordial du message
royal à M. Dato. La prudence d'Alphonse XIII
lui inspirera vraisemblablement la solution la
plus conforme aux intérêts espagnols.
COMMUNIQUÉ OFFICIEL DU 22 JUIN
Onze heures soir
Au cours de la matinée, une quinzaine d'obus
ont encore été tirés sur Dunkerque; nos battes
ries lourdes ont pris à partie la pièce ennemie
qui opérait ce bombardement.
Dans la région du nord d'Arras, les. contre-:
attaques allemandes ont pris fin vers le matin;
il n'y a eu au cours de la journée qu'une lutte
d'artillerie extrêmement violente entre Souchez
et Ecurie.
En Champagne, près de Perthes, l'ennemi a
fait exploser quelques fourneaux de mines
sans aucun résultat.
Sur les Hauts-de-Meuse, à la tranchée de Ca-
lonne, les Allemands, à la.fln.de la nuit, ont
prononcé une violente attaque pour reprendre
les positions qu'ils avaient perdues; ils ne sont
parvenus qu'à occuper une partie de leur an-:
cienne deuxième ligne; une contre-attaque de
notre part l'a fait de nouveau presque entière-
ment tomber en nos mains.
Le nombre des prisonniers faits dans cette
région depuis le 20 juin s'élève à 220 hommes
et 3 officiers.
Près de Marcheville-en-Woëvre, une faible
attaque allemande (une demi-compagnie), qui
essayait de réoccuper une tranchée abandon-
née, entre les deux lignes, a été dispersée par
notre feu.
[Marclieville est à 4 kilomètres à l'est de Fresnes-en-
Woëvre.]
En Lorraine, une contre-attaque ennemie,
débouchant à l'est de Leintrey, a été arrêtée
par notre artillerie. ̃
Dans les Vosges, entre les 'deux branches de
la Fecht, nous avons poursuivi notre avance
dans la direction de Sondernach.
NOUVELLES DU FRONT
(OPPICIEi
LA CONQUÊTE DU « LABYRINTHE »̃
(8O maHS juin)
LA POSITION
Le système d'ouvrages et de tranchées que nos
soldats ont baptisé le Labyrinthe formait, entre
Neuville-Saint-Vaast et Ecurie, un saillant de là
ligne ennemie et c'est sa position qui expliquait sa
puissance.
On l'avait renforcé pendant des; mois, parce
qu'on le sentait exposé d'où le dédale de block-
haus, d'abris, de tranchées et de boyaux, dont
nos avions avaient rapporté l'impressionnante
image.
Orienté d'ouest en est, dans une sorte de cuvette,
le Labyrinthe avait pour axes principaux'deux
chemins creux profonds d'où rayonnaient, sur
deux kilomètres de côté, des ouvrages de toutes
sortes garnis de mitrailleuses et de -lance-bombes.
Notre attaque du 9 mai avait à peine mordu sur
l'extrémité sud. Les journées suivantes n'avaient
pas modifié la situation et notre offensive, soit au
nord, soit au sud, restait toujours exposée aux
feux de ce redoutable flanquement.
A la fin de mai, le commandement français dé-'
cida d'en finir, et l'ordre fut donné d'enlever pied
à pied le Labyrinthe.
LES DIFFICULTÉS
L'opération comportait deux phases principale»'
et de nature différente.
Il fallait d'abord, par un assaut bien préparé et
vivement mené, prendre pied dans l'organisation
ennemie. Il fallait ensuite progresser à l'inté-i
rieur des boyaux en refoulant pas à pas l'adver-
saire.
Ces deux opérations ont duré plus de trois se-i
maines. Elles nous ont valu un succès complet.
Le débouché devait être dur, car de nombreuses
batteries allemandes, comprenant du 77, du 150,
du 201, du 280 et même du 305, concentraient
leurs feux sur nous. Il y en avait à Givenchy, à la
Folie, à Thélus, à Farbus et à Beaurains, au sud
d'Arras.
Les trois régiments chargés de l'attaque dispo-
saient, il est vrai, d'une nombreuse artillerie. Mais
si nos canons devaient infliger à l'infanterie en-
nemie plus de pertes encore que les canons alle-
mands n'en causaient à la nôtre, les batteries
opposées restaient insaisissables les unes pour les
autres et des deux côtés c'est le fantassin qui
recevait les coups..
Nos hommes le savaient et en prenaient leui,
parti.
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