Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1913-12-10
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 décembre 1913 10 décembre 1913
Description : 1913/12/10 (Numéro 19151). 1913/12/10 (Numéro 19151).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
On s'aBonne aux Bureaux du Journal, 5, RUS DES ITALIMS, *PAEIS (8e), et dans tous les Bureaux de Poste
MERCREDI 10 DECEMBRE 1913
CINQUANTE-TROISIEME~NNEE. N° 10151
PRIX DE L'ABONNEMENT
PAMS, SEMI et seinE-et-oisc. Trois mois, 14fr.; siz mois, S3 fr.; un an. SS fr.
DtPAHI" etAlSACE-IORÎlAINE.. 17Ir.; S4b.; 6Stt.
UNION POSTALE .̃ lStr.; SQfr. T'ait.
LES ABOKXEHEXTS DATEST DES 1" ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (départements) 2O centimes
ANNONCES MM. Lagrange, CERF ET Gio, 8, place de la Bourse
Le Joutt.oX et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant à leur teneur
téléphonie:, s ugags
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PRIX DE L'ABONNEMENT
fABIs, SEME et snnjrET-oiSE.Trois mois, 14 fr.; Six Eiois, 33 fr.; Un an, SS fr.
D»AHI" etAlSACE-KRBADiE.. 17 tr.| 34 fr.; 68 fr.
mnOHPQSTAix 18 fr.; 36 fr.; VS fr.
1ES ABONNEMENTS BATENT DES i" ET 16 DE CHAQUE MOIS
ILJ21 mumEéro (à l*îirîs) 12> centimes
Directeur politique Adrien Hébrard
toutes les lettres destinées à la Rédaction doivent être adressées au Directeur
Le Journal ne pouvant répondre des manuscrits communiqués
prie-les auteurs d'en garde)' copie
(Adresse. TÉ.LÉGR aphique iehps fahis
6OMMÂIR$|
PAGE 2
Le MiNrsTÈâE-DiicMKKâWE.
Les AFFAIRES d'Orient l'Aetion diplomatique;
les Elections bulgares; le Rôle de l'Autriche dans
la seconde guerre, etc.
NOUVELLES DE L'ETRANGER l'Affaire de Saverne.
Une réunion de l'Asociation pangermaniste.
»– La Mission militaire allemande en Turquie.
Les Réformes en Arménie, etc..
PAGE 3
La Petite Histoire Vendetta, G. Lenotre.
Les Livres, PAUL Souday.
Hansi à la Société des gens de lettres. Acadé-
mie des sciences. Conseil municipal. Nou-
velles du jour. Les « Indésirables ».
PAGE 4
Faits-divers. • Courrier commercial Industrie,
Commerce, Agriculture. Art et curiosité
Neiges et forêts du Canada, Thiébault-Sisson.
Théâtres.
PAGE 5
Sport le Match Carpentier-Bontbardier Wells.
Bulletin commercial. In formations finan-
cières. Marchés étrangers. Bourse.
PAGE 6
Dernjère3 Nouvelles les Nouveaux ministres à
l'Elysée. –> Dans les ministères. Au
Reichstag. Les AFFAIRES D'ORIENT. Les
'Affaires du Maroc. La Retraite de M. Bédorez.
Au Palais Martin-Gauthier devant les as-
sises, etc.
Paris, 9 décembre
BULLETIN ïffi_L'ÉTRANGER
LES CHRÉTIENS DE TURQUIE ET LES ÉLECTIONS
Où parle beaucoup, dans les milieux chré-
tiens de Turquie, d'une question, dont la Fran-
ce, protectrice traditionnelle des populations
chrétiennes du Levant, ne peut pas se désin-
téresser c'est la question électorale, question
d'équité pour les gouvernés, de prudence
pour les gouvernants.
Chaque vilayet turc est pourvu d'un conseil
général. Autrefois ces conseils comprenaient
en Syrie un nombre égal de musulmans et de
chrétiens. La population chrétienne était ain-
si avantagée numériquement, puisqu'elle re-
présente le tiers de la population totale. Mais
cet avantage était légitime d'abord en raison
de l'importance des intérêts de la minorité, en-
suite et plus spécialement parce que les chré-
tiens payent plus de la moitié des impôts et
que les attributions principales des conseils de
,vilayet sont d'ordre financier et économique.
Aujourd'hui une loi nouvelle est en vigueur,
qui a supprimé là garantie dont bénéficiaient
les chrétiens. Contre cette disposition on a vu
protester même les musulmans éclairés. L'as-
semblée générale de Beyrouth, qui à joué un
rôle si honorable pour la défense des intérêts
syriens, s'est fait l'écho de. cette protestation.
Aucun compte n'a été tenu de ses plaintes et
lors des élections dans les cantons du vilayet
de Beyrouth un seul chrétien a été élu. La
.ville même de Beyrouth, après avoir d'abord
refusé de voter, a voté de mauvaise grâce. Sur
50 électeurs 29 seulement se sont présentés, la
presque totalité des chrétiens ayant maintenu
leur abstention.
Cet état de choses ne peut pas durer. Sur
30 membres élus il n'y a que trois chrétiens
et encore faut-il noter qu'ils ont été choisis par
̃ des musulmans. La situation n'est pas seule-
ment fâcheuse en raison du sacrifice qu'elle
inflige aux droits de la minorité. Elle est irré-
gulière car aux termes de la loi, pour que
les élections soient valables, il faut que 80 0/0
des électeurs soient présents. Ce quorum
n'ayant pas été atteint, on peut contester la
validité du scrutin.
Mais il y a plus. Les collèges électoraux
qui se constituent par les élections au pre-
mier degré, sont les mêmes pour les conseils
provinciaux et pour la Chambre. On se sou-
vient de la pression, si lourde de conséquen-
ces, qui fut exercée lors des dernières élec-
tions. Or ce sont ces mêmes électeurs qui sont
en cause aujourd'hui et ni le peuple, ni les
notables de Beyrouth ne leur reconnaissent
aucune autorité soit en matière provinciale soit
en matière nationale. En un mot la popula-
tion chrétienne juge qu'elle n'est pas et qu'elle
ne sera pas représentée.
Si l'on retient que les provinces arabes de
l'empire turc comptent une population de
1~500,000 chrétiens et que la loi prévoit un
député pour 50,000 habitants, on voit que les
chrétiens ont droit à 30 représentants. Or à en
juger par le passé, cette population, systéma-
̃tiquement disséminée, risque de n'en avoir au-
cun. Dans ces conditions, les chrétiens de Bey-
routh, que leurs frères de Syrie imiteront vrai-
:FEtJMJLETT<~ MU ~W
DU 10 DECEMBRE 1913 <»»>
LES RONCESJU CHEMIH
TROISIEME PARTIE (Suite)
Jochen von Sandow aurait voulu répliquer,
mais elle ne lui en laissa pas le temps.
Oui, c'est ainsi que vous pensez, bien que
vous ayez passé dix ans hors de ce milieu de
préjuges et de mesquinerie, que vous ayez ap-
pris à respirer l'air divin de la liberté. Et
voilà que pour la deuxième fois je commets une
action choquante. Je me précipite à votre' pour-
suite parce que je ne veux pas que mon image
reste dans votre souvenir entachée d'une vilenie.
Il faut que vous sachiez qu'a un certain point
de vue je suis absolument terre à terre, pro-
saïque et dénuée de tout romanesque et que ce
que je fais passer en première ligne; en toute
première, ligne,- c'est l'intégrité du caractère.
Je ne déroberai jamais le bien d'autrui, dusse-
je en mourir. Et maintenant, monsieur de
Sandow, bon voyage, je n'ai plus rien à vous
dire!
Il demeurait immobile, à sa place, un peu
penché en avant, les mains appuyées sur ses
genoux.
Nelda s'était jurée de garder son sang-froid,
mais entraînée par son tempérament passion-
né, elle s'était exprimée avec trop de véhé-
mence. Pourquoi ne pas savoir se dominer, se
montrer plus calme, plus flère?. Son cœur se
serra' de telle sorte qu'elle faillit se mettre à
pleurer. Après quelques instants de silence,
Sandow releva la tête.
Je propose, avant toute chose, que vous
veniez dîner, dit-il du ton le plus posé. Je vais
faire servir quelque chose au wagon-restau-
rant ce sera bientôt prêt.
Elle le regarda étonnée. Etait-ce là le résul-
tat de son apostrophe. Et comme il sortait du
Reproduction Interdits»
semblablement, annoncent qu'ils s'abstiendront
de prendre part aux élections tant que leurs
droits ne seront pas sauvegardés. Comment
s'en étonner puisque qu'ils rotent ou ne vo-
tent pas le résultat sera le même ?
Telle est la situation. En l'exposant ici, nous
n'avons qu'un dessein attirer sur elle l'at-
tention du gouvernement ottoman. Il sait que
les populations chrétiennes de Syrie sont loya-
les. Il sait que la France a des devoirs envers
elles. Il sait enfin qu'en remplissant ces de-
voirs la France est parfaitement libre de préoc-
cupation égoïste. Au surplus c'est l'intérêt de
la Turquie de ne pas créer des mécontents et
d'assurer à ses sujets de toutes races, comme
elle s'y est solennellement, engagée, l'égalité
des droits.
Bref, en appuyant les voeux légitimes des.
chrétiens de Syrie, le gouvernement français
servira à la fois ses clients traditionnels et
l'empire ottoman. Il a donc toute liberté pour
agir et l'on doit compter qu'il n'y manquera
pas.
«»
DÉPÊCHES TËIÉGRAPHJDUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU (EïNttpa
Berlin, 9 décembre.
Le lieutenant-colonel Ismaïl Hakki bey et le pre-
mier secrétaire du comité jeune-turc, Atik bey, sont
arrivés à Berlin. Leur voyage aurait pour but l'é-
tude des sociétés de boy-scouts des diverses nations
européennes. Hakki bey a été attaché militaire turc
à Vienne; c'est un ami personnel d'Enver bey.
Une dépêche annonce la prochaine venue a Berlin
de Hakki pacha, l'ancien grand-vizir. Cette visite
n'est pas encore confirmée. Hakki pacha viendrait
dans la capitale allemande pour y voir sa fille.. qui
est mariée à l'attaché militaire ottoman.
Enfin le Berliner Lokal-Anzeiger croit savoir
qu'Envor bey arrivera prochainement à Berlin. 11
désirerait y consulter des médecins allemands.
Vienne, 9 décembre.
L'empereur François-Joseph a reçu hier en au-
dience le nouvel attaché militaire russe à Vienne,
le colonel Wynneken.
Le Caire, 9 décembre.
On annonce que le gouvernement italien enver-
rait un certain nombre d'étudiants de l'Erythrée et
de la Tripolitaine pour suivre les cours de l'univer-
sité égytienne Al-Azhar.
Genève, 9 décembre.
Par suite de l'explosion d'une cartouche dans le
tunnel du Mont-d'Or, près de Vallorbe, un ouvrier
a été tué, sept ont été blessés.
Londres, 9 décembre.
Le roi et la reine d'Espagne sont partis ce matin
pour Paris, où ils ont l'intention de séjourner deux
jours. Durazzo, 9 décembre.
La commission de contrôle de l'Albanie a ex-
primé le désir qu'on mette à sa disposition la
somme de 60,000 francs pour ses dépenses maté-
rielles.
Rabat, 8 décembre.
Le groupe mobile de la région de Meknès et le
groupe beni-m'tir concentrés à Agouraï sous le
commandement du colonel Claudel ont opéré leur
jonction avec le. groupe de Rabat sur l'oued Khar-
fan, affluent de l'oued Beht:
Le groupe do Meknès comprend dix-huit com-
pagnies, deux escadrons, trois sections de mon-
tagne.
Le groupe de Rabat, commandé par le colonel
Andrieux, comprend onsJC compagnies, un escadron,
un peloton de cavalerie, des ambulances et des mu-
nitions.
Durrazo, 9 décembre.
Le délégué français a demandé hier l'internatio-
nalisation de la Banque d'Etat d'Albanie. Tous les
délégués, sauf celui de la Russie qui est d'accord
avec son collègue français, ont exprimé le désir
d'en référer à leur gouvernement.
Tetouan, 7 décembre.
Au cours do l'attaque dirigée hier contre une
section qui quittait Lauxien, les Espagnols eurent
deux morts et cinq blessés. Le canon du poste de
Lauxien a tiré toute la journée contre les groupes
ennemis installés à El Karrich. Il y eut également
une fusillade nourrie sur le djebel Dersa et sur la
route de Martin.
LE CABINET DOUMERGUE
Le nouveau cabinet a terminé hier soir la
distribution des portefeuilles et des sous-por-
tefeuilles. Nous avons failli avoir M. Malvy au
ministère de l'intérieur, où déjà M. René Re-
noult n'est pas très rassurant. Le ministère du
travail échoit à M. Albert Métin, dont V Hu-
manité justifle la désignation en rappelant que
le nouveau ministre a fait une étude approfon-
die de la question sociale au « Groupe des étu-
diants socialistes révolutionnaires internatio-
nalistes de Paris ». Excellente école, excellen-
te préparation pour intervenir dans les conflits
du capital et du travail! f
Le nouveau président du conseil et ses* col-
lègues, ayant relu la liste ministérielle, l'ont
trouvée un peu montée de ton. Ils ont résolu
de l'adoucir par le choix des sous-secrétaires
d'Etat qui n'étaient pas encore désignés. Les
noms de MM. Raoul Péret, Ajam et Jacquier
wagon avec une entière sérénité, elle retrouva
en lui l'homme sensé et expérimenté, le voya-
geur que rien ne peut surprendre, qui en tout
événement pense d'abord aux choses raison-
nables, l'homme calme et vraiment supérieur
qui dans son manque absolu de pose et d'af-
fectation est toujours dans le vrai. Elle avait
un sens trop aigu de l'humour, pour ne point
sourire, en dépit des battements tumultueux et
pénibles de son cœur.
Jl revint au bout de peu de minutes.
Puis-je vous prier de venir, madame?
Il prit sa main pour la conduire à travers
l'étroit corridor jusqu'au wagon-restaurant. Elle
aperçut, près de la cloison, une petite table
servie pour deux personnes, lui en face d'elle.
Les dîneurs étaient peu nombreux, en raison
de l'époque de Noël. Une douce chaleur régnait
dans l'étroit espace, partout des fleurs em-
baumées et sur la nappe éblouissante de cris-
taux et d'argenterie, un garçon portant la
livrée des sleeping-cars déposait devant eux
le potage fumant.
De sa vie la jeune femme n'avait avalé un
bouillon de si bon appétit; Jochen von Sandow
la considérait avec un sourire.
]LJn doigt de vin rouge, baronne?,
Oui, dit-elle, du chianti, puisque nous
sommes en Italie. Il y a longtemps que j'avais
envie d'en boire.
Sa main tremblait, encore mal raffermie,
quand elle porta le verre à ses lèvres.
On servit des pesce persico, ces délicats pois-
sons du lac Majeur d'une tendre nuance fleur
de pêcher.
J'en ai mangé pour la dernière fois il y a
cinq ans, dit-elle. C'était à l'Isola Bella. Mon
père vivait encore; nous avions déjeuné au
Delfino. Le baron Saddler n'aimait pas l'Italie.
Quand nous voyagions il allait de préférence
en Angleterre, à cause des achats de chevaux.
A propos, ajouta-t-elle en fixant sur son inter-
locuteur ses yeux veloutés, pourquoi ne m'avez-
vous jamais signalé l'incapacité de mon in-
tendant Zimmermann? C'est le vieux Henning
qui m'en a parlé. Il paraît qu'il boit, qu'il passe
son temps dans les cabarets de la ville, au lieu,
de s'occuper des chevaux.
Moi, baronne? Vous oubliez que ce qui se
passe à Franzensliof ne me regarde en rient
seront favorablement accueillis. Mais qu'est-ce I'
'que cette 'minime concession auprès de tous
les sacrifices que l'on a faits aux exigences de
la rue de Valois? Le seul sous-secrétaire d'Etat
polltïq'uè • estMï Raoul Pêrët,- que l'on place au
ministère de l'intérieur. La présence de M.
Raoul Péret pourrait offrir certaines garan-
ties mais on annonce l'intention de définir
strictement ses attributions et de le confi-
ner dans l'hygiène. Ce serait alors une mysti-
fication.
M. René. Viviani, qui prend le portefeuille
de l'instruction publique, avait été bien inspiré
en offrant à M. Léon Bérard de garder le
sous-secrétariat d'Etat. M. Léon Bérard a dé-
cliné la proposition qui était certainement faite
par M. René Viviani dans un esprit amical;
mais il a gardé dans son refus ce ton de discré-
tion élégante qu'il a su mettre à tous ses dis-
cours et à tous ses actes. Pour sortir comme
pour entrer, il y a la manière. A l'exemple de
leur chef, on peut dire que presque tous les
collègues de M. Louis Barthou ont su s'en aller.
On ne connaît encore rien de précis sur les in-
tentions et le programme du nouveau cabinet.
Il paraît qu'on va nous promettre l'application
intégrale et loyale de la loi de trois ans. On
annonce aussi l'ajournement de la réforme
électorale. Quand même M. Jaurès voudrait
égarer son parti par complaisance envers le
pouvoir, les socialistes unifiés ne le suivraient
pas. Aussi bien l'approche des élections inter-
dit-elle à ce groupe de se montrer trop minis-
tériel. Donc, il ne sera pas très commode au
gouvernement d'escamoter ou d'éluder la ré-
forme. Les événements de ces derniers jours,
surtout les compromissions de personnes et
de groupes, les marchandages de portefeuilles
e. de sous-portefeuilles qui ont précédé~ la
crise, tout cela rend plus que jamais néces-
saire une réforme électorale profonde d'où dé-
coulera tout naturellement un changement
dans les mœurs parlementaires.
LES SŒURS DANS LES HOPITAUX
Le Conseil municipal a discuté hier sur la réin-
tégration des sœurs dans. les hôpitaux. Il l'a fait
non sans ardeur de part et d'autre, mais en somme-
le débat fut presque exempt de violence. Et nous
devons voir dans cet exemple un signe heureux de
l'apaisement des passions religieuses et irréli-
gieuses dans notre pays.
Le contraire serait d'ailleurs absurde. L'Etat
français, en prononçant la séparation entre les
Eglises et lui, s'est, par voie de conséquence logi-
que, interdit de considérer les serviteurs d'une
confession quelconque comme des gens mis hors
la loi commune. Les rares congrégations tolérées
ne bénéficient de cette faveur qu'à raison des ser-
vices rendus à la collectivité. Elles ne peuvent
donc inspirer aucune méfiance. Et quand M. de
Puymaigre propose au Conseil municipal de con-
fier aux sœurs de Saint-Vincent de Paul la chari-
tabje mission qui consiste à servir et à soigner les
malades dans les hôpitaux de la Ville, cette propo-
sition ne devrait soulever, chez les hommes im-
partiaux, ni enthousiasme, ni indignation précon-
çues. Si la loi de séparation n'avait pas eu au
moins cet avantage de libérer les esprits en libé-
rant l'Etat et l'Eglise de leur servitude mutuelle,
ce serait à désespérer du progrès des mœur,s Pu-
bliques. La proposition de M. de Puymaigre me-
ritait donc d'être examinée en soi, sans parti pris.
Il en fut d'ailleurs ainsi, ou à peu près: et son au-
teur, tout le premier, sut imprégner d'un certain
libéralisme les arguments dont il se servit pour la
soutenir.
M. de Puymaigre ne demandait pas le licencie-
ment des infirmiers et infirmières laïques, au dé-
vouement desquels M. Mesureur a rendu un com-
plet hommage. Il se bornait à spécifier que les
établissements créés en vertu d'une fondation sti-
pulant les soins religieux, seraient desservis par
des sœurs diplômées, remplissant les fonctions
de surveillantes et d'infirmières. Les partisans des
sœurs vont, on le voit, au-devant des objections
qui pourraient leur être opposées. Personne,
même parmi les libres penseurs, ne conteste au-
jourd'hui l'esprit de sacrifice que les sœurs pui-
sent aux sources do leur foi religieuse, mais on
pouvait discuter sur leurs connaissances techni-
ques. Si les sœurs, pour exercer leur mission, doi-
vent être munies du même diplôme que les laï-
ques, pourquoi seraient-elles frappées d'interdit ? f
Parce qu'elles sont sœurs ? Mais l'Etat ignore cette
qualité. Il les exclurait donc seulement à raison
de leurs croyances spirituelles. Ce serait odieux.
Néanmoins la -majorité du Conseil municipal n'a
pas adopté la proposition de M. de Puymaigre, qui
comprenait en outre la fondation d'un hôpital des-
servi par des religieuses, où les malades seraient
admis sur leur demande.
Il n'a pas voulu que les indigents pussent
bénéficier de l'émulation née de la concur-
rence entre infirmières d'origine différente. Il
n'r, pas davantage consenti à un référendum sur
la question, mais il a adopté une motion de M.
Galli tendant à allouer une subvention aux hospi-
ces libres, en vue d'y établir des lits qui seraient
mis gratuitement à la disposition des malades dé-
sirant être soignés par des sœurs.
Elle parut embarrassée.
Il me semblait que par intérêt pour le do-
maine oü vous êtes né. dit-elle.
Pouvais-je me permettre d'intervenir ?
Mais puisque vous en parlez la première, oui,
j'en conviens. Ce brave Zimmermann n'est pas
un homme de confiance, il serait désirable de
le remplacer.
Sans répondre, elle regarda à travers la por-
tière on voyait passer maintenant des lumiè-
res et des arbres. « Nous devons approcher de
la mer », pensa-t-elle. Puis se souvenant de la
situation présente:
Quel étrange et heureux hasard que je
vous ai rencontré avant d'arriver à Gênes, s'é-
cria-t-elle. ̃
̃̃ Oui, c'est un singulier hasard, dit-il en se
versant à boire. Je m'étais arrêté à Milan pour
voir un vieil ami que j'espérais décider à m 'ac-
compagner, mais il n'a pas voulu, ou n'a pas'
pu. Qui sait ce qui.
Les yeux de Nelda s'étaient fixés sur les siens
avec une expression d'interrogation craintive;
en même temps elle posait son couteau et sa
fourchette sur son assiette sans entà'nifer l'aile;
de volaille qu'il venait de lui servir
Mangez donc, baronne! dit-il. ̃
̃ Je ne puis pas.
Si, il le faut.
Par un grand effort elle obéit, finit vaillam-
ment son rôti, puis un peu de glace à l'orange
et du dessert.
Voulez-vous qu'on serve le café ici ou dans
votre compartiment? '1
Là-bas, dit-elle..
Ils allèrent se rasseoir devant la petite table
mobile, l'un en face de l'autrè, dans leur voi-
ture.
Et maintenant, baronne, que dois-je ré-
pondre à vos reproches? demanda-t-il.
• Défendez-vous; si vous le pouvez!
Certainement je*le puis, dit-il avec assu-
rance.
Il tira sa montre.
Deux heures encore jusqu'à Gênes. Là, je
vous conduirai soit à un omnibus, soit au Grand
Hôtel, tout près de la gare, si c'est là que vous
comptez descendre. Et alors nous nous dirons
adieu, car au moment de votre réveil, demain
Ce vote est un premier pas dans la voie du li-
béralisme. Les pauvres ont droit au respect de
leurs croyances positives ou négatives en matière
religieuse. Toutes les mesures ayant po,ur objet
#3steurër leur satisfaction ce point do vue sont
dignes d'être approuvées par les hommes sincère-
ment imbus de leur devoir social.
̃«*
Le développement Se l'Afrique occidentalB
Le discours par lequel M. Ponty, gouverneur
général, a ouvert la session du conseil de gouver-
nement et que le JournaL officiel do la colonie
nous apporte, expose que 1912 a été une année de
crise pour l'Afrique occidentale.
Pour diverses causes, dont la.principale a été
l'arrêt des grands travaux publics, les importa-
tions qui étaient de 150,300,000 francs en 1911
sont tombées à 134,700,000 francs. En revanche,
les exportations, ont tenu bon, et ont même passé
par une légère augmentation de 116,100,000 fr.
à 118,500,000 francs. Bien des raisons, notam-
ment l'effondrement des prix du caoutchouc et
une sécheresse terrible au Dahomey et à la Côte-
d'Ivoire, auraient dû les faire baisser également.
Elles ont été sauvées par un phénomène des plus
intéressants à signaler. C'est que l'Afrique occi-
dentale échappe de plus en plus à la monocul-
ture. Au caoutchouc, à l'arachide et à l'huile de
palme, qui constituaient autrefois à peu près
toute l'exportation, la Guinée, le Soudan et la
Casamance ajoutent aujourd'hui le riz, le sésame
et le maïs; la Côte-d'Ivoire, le cacao et la noix
de kola; le Dahomey et le Soudan, le beurre de
karité et. le coton. Enfin, l'élevage figure déjà
pour 3,600,000 francs à l'exportation de l'année
dernière et paraît appelé au plus bel «Venir dans
les plaines soudanaises.
Ce qui caractérise d'ailleurs l'exposé de M.
Ponty, c'est la préoccupation intelligente du dé-
veloppement économique de la colonie. Le grand
obstacle à la mise en valeur de l'intérieur de l'A-
frique est son éloignement de la côte qui fait du
transport des produits agricoles un promeme au-
ficile. M. Ponty nous paraît l'avoir heureusement
résolu. La meilleure prime à l'agriculture, dit-il,
est le transport à bon marché qui profite à tous
les producteurs, indigènes et colons. Il a donc con-<
sidéré que les chemins de fer de la colonie sont
faits avant tout pour faciliter les communications
et non pour donner des bénéfices d'exploitation. En
vertu de ce principe, il a abaissé les tarifs de l'in-
térieur vers la mer à un taux aussi faible que
possible; pour certaines céréales, il ne dépasse
pas cinq centimes par tonne kilométrique. D'au-
tres mesures stimuleront la production. Un réseau
de routes est commencé en Guinée et au Dahomey.
Une mission hydraulique étudie en ce moment la
question de l'irrigation dans le bassin du Sénégal
et se rendra ensuite dans le bassin du Niger. La
station d'expérimentation agricole pour l'étude
culturale de l'arachide, dont nous avions craint un
moment que le projet ne fût abandonné, est défi-
nitivement créée à M'Bambey.
Dans les pays tropicaux, où seul il peut se li-
vrer au travail manuel, c'est encore une manière
de préparer l'essor économique que d'améliorer la
condition de l'indigène. L'administration est de-
puis longtemps bien orientée à ce sujet dans
l'Afrique occidentale. Elle a, en 1912, limité la
"'prestation, amélioré la. justice indigène, entre-
pris résolument une lutte contre l'alcoolisme,
continué à multiplier les œuvres d'assistance et
les écoles.
M. Ponty signale qu'une période nouvelle sem-
ble commencer pour la colonie, la période indus-
trielle. Les capitaux, longtemps défiants, com-
mencent à se porter vers les entreprises colonia-
les et l'on voit apparaître dans l'Afrique occiden-
tale de puissantes sociétés. Quatre d'entre elles,
pour préparer le poisson, ne sont établies déjà ou
sont en; voie d'établissement à Port-Etienne où
les pêcheurs bretons viennent de plus en plus
nombreux. D'autres entreprennent la frigoriflca-
tion de la viande, et l'on se demande pourquoi,
sous un climat semblable, le Soudan n'offrirait pas
autant de facilités à cette industrie que le nord de
l'Argentine. Une autre a ouvert une usine pour le
traitement des noix de palme.
On le voit, malgré les circonstances adverses,
l'Afrique occidentale continue à être l'une des par-
ties les plus actives de notre empire colonial. Une
seule chose n'y marche pas les grands travaux
publics que l'on a dû suspendre depuis plusieurs
mois, ce qui entraînera des pertes considérables.
Mais la faute n'en est pas à l'administration lo-
cale elle en est à la métropole qui laisse, sans
raison, traîner depuis dix-huit mois la demande
d'emprunt que. lui a adressée la colonie.
Des antimilitaristes
e vr. vi
au troisième siècle
J'écris ces lignes surtout pour ceux de nos mo-
dernes antimilitaristes qui ont subi ou qui subis-
sent des condamnations. En les lisant, ils pour-
ront en connaissance de cause comparer la sévérité
des lois romaines d'il y a dix-sept siècles avec
matin, mon steamer lèvera l'ancre. Vous voulez
que je me défende. Bon! Mais à condition.que
je puisse dire tout ce que j'ai sur le cœur, par-
ler en toute franchise!
Parlez librement, je suis toujours pour les
explications nettes, surtout dans le cas présent,
dit-elle avec force. Mais avant que vous com-
menciez, j'ai encore une question à vous poser
pour quelle raison partez-vous et pourquoi sans
me dire adieu?
Tout cela s'enchaîne, madame.
Bien, je vous écoute, commencez votre
rapport, dit-elle avec la gracieuse assurance
qu'elle avait désormais reconquise.
Tout d'abord, baronne, dit-il avec lenteur,
comme s'il eût eu soudain de la peine à arti-
culer ses paroles, il faut que je vous prie de
vous mettre à ma place par la pensée, ce nui
ne peut vous être fort aisé. Commençons par
mon signalement • âge, quarante-cinq ans.
Le bel âge pour un homme, dit-elle.
Pas de profession. ballotté depuis dix ans
et plus à travers le monde par la destinée
adverse. Ne possédant rien au monde qu'un
manuscrit qui trouvera peut-être quelque jour
un éditeur, mais qui, vu l'abondance' des rela-
tions de voyage, n'aura jamais une 'deuxième
édition. N'importe qui en effet écrit probable-
.ment mieux que moi et d'une façon plus pro-
fessionnelle, car j'ai le tort de tomber toujours
dans la sentimentalité et de laisser parler mon
cœur. Il me restait mes collections je viens
de les vendre en bloc et à un prix dérisoire il
me fallait de l'argent pour mon voyage.
Voilà qui est impardonnable! s'écria la
baronne.
Et elle se souvint que dans ses rêves les plus
secrets, elle avait déjà choisi une salle de Bel-
lingen parfaitement appropriée aux collections,
si. oui, si.
Il vit ses joues se colorer, et ne sut à quoi
attribuer cette rougeur soudaine.
Chacun se tire d'affaire comme il peut,
dit-il simplement.
Pourquoi ne m'avez-vous pas proposé d'a-
cheter vos collections?
Pourquoi? C'est bien clair. Je vous sais
toute impulsive. Dans votre premier mouve-
ment de générosité, vous auriez dit oui, même
si j'en avais demandé un prix exorbitant; on
celle de nos lois françaises d'aujourd'hui, et elles
leur -permettront dé méditer sur l'avantag" qu'il y-
a pour eux à être venus très tard dans un monde
très vieux, au lieu d'être nés et d'avoir fait leur
coupable propagande à des époques plus ancien-
nes, par exemple au temps de l'empire romain.
Cette année, en effet, au cours de M. Monceaux
à l'Ecole pratique des hautes études, on traite des
« persécutions » militaires sous Dioclétien; et les
travaux de préparation de cette étude ont mis à
jour une collection de documents, dont l'authenti-
cité ne saurait être suspectée, étant donné les
références qui les accompagnent, et qui nous fixent
de la manière la plus précise sur la façon dont
l'Etat romain contraignait ses citoyens à la dé-
fense nationale et dont la justice appliquait la loi
aux rebelles.
Empressons-nous de dire que les antimilita-
ristes dont il s'agit dans ces documents furent tous
des chrétiens des premiers siècles, lesquels, à l'ins-
tigation de Tertullien de Lactance, et il faut le
reconnaître, souvent en dépit des exhortations des
évoques, considéraient le service militaire comme
incompatible avec leur qualité de chrétiens. So,l-
dats du Christ, estimaient-ils qu'il était indigne de
porter l'uniforme- des soldats du siècle, ou bien,
la nouvelle religion leur défendant 'de tuer le
prochain, croyaient-ils ne pouvoir sans parjure
au serment du baptême participer aux horreurs de
la guerre? Nous ne savons, et la question vaudrait
une étude spéciale. Ne retenons que le fait, à sa-
.voir.qu'il y eut au troisième siècle des antimili-
taristes, et que ces antimilitaristes furent jugés
et condamnés dans la forme juridique la plus im-
peccable au point de vue des garanties d'un ac-
cusé.
C'est dans les Acta primorum martyrum sincera
et selecta de l'érudit bénédictin dom Ruinart que
l'on retrouve les procès-verbaux sténographiques
des' procès de ces chrétiens réfractair.es à la loi
militaire.
L'un de ces documents nous fait assister en
l'an 295 et le 12 mars, dans la ville de Théveste
(Tebessa), à une séance du conseil de revision. La
scène est curieuse. Voici les personnages prési-
dent, le proconsul Dion; à ses côtés l'avocat du
flse, l'agent impérial et le fonctionnaire chargé de
percevoir, lo cas ecneant, 1 impôt couiyuusaui,
l'exemption du service militaire; devant ce conseil
de revision, un conscrit, nommé Maximilien, qu'ac-
compagne son père, et l'appariteur (officium). Je
cite textuellement le dialogue d'après le document
Le proconsul Dion. Le conscrit Maximilien parais-
sant apte à subir les épreuves du service mili-
taire (probabllis) (1), je requiers qu'il soit passé sous
la toise. (S'adressant à Maximilien.) Comment t'ap-
pelles-tu ?
Le conscrit Maximilien. Pourquoi veux-tu connat-
tre mon nom? Il m'est défendu d'être soldat, puisque
je suis chrétien.
Le proconsul Dion. Bien. Appariteur, mets cet
homme sous la' toise.
Le conscrit Maximilien. Soit! (Il se place sous la
toise.) Mais je ne puis être soldat, je ne puis faire le
mal, je suis chrétien.
Le proconsul Dion. Qu'on le mesure!
L'appariteur. Il a cinq pieds dix pouces.
Le proconsul Dion. Qu'on le marque (2)
Le, conscrit Maximilien. Je ne veux pas recevoir
l'insigne, je ne puis être soldat.
Le proconsul Dion. Sois soldat, afin de ne pas être
mis à mort.
Le conscrit Maximilien. Je ne serai pas soldat.
Coupe-moi la tête, si tu veux. Je ne puis être soldat
pour le siècle je suis soldat pour mon Dieu.
Le. proconsul Dion. Qui t'a mis ces idées-la en
tête?
Le conscrit Naxlmlllcn. -r Mon esprit et Celui qui
m'a élu.
Le proconsul Dion (s'adressant à Victor, le père du
conscrit). Conseille ton flls.
Victor. Mon flls sait ce qu'il doit faire.
Le proconsut Dion (à Maxi iilien). Sois soldat
et reçois la bulle.
Le conscrit Maximilien. Je ne la prendrai pas, car
j'ai déjà le signe du Christ, mon Dieu.
Le proconsul Dion. Je vais t'envoyer immédiate-
ment à ton Christ! t
Le conscrit Maximilien. Je le désire; ce sera pour
moi une grande gloire.
Le proconsul Dion (s'adressant à l'appariteur).
Donne la bulle de plomb à cet homme.
Le conscrit Maximilien. Je ne prendrai pas le signe
du siècle, et si on me le donne, je le briserai, car il
n'a aucune valeur. Je suis .chrétien, et il ne m'est pas
permis de porter au cou un morceau de plomb, ayant
déjà le signe du salut de mon Seigneur Jésus-Christ,
flls du Dieu vivant. Tu ne le connais pas, pourtant il
a souffert pour notre salut et Dieu l'a livré à la mort
pour nos péchés. C'est à lui que nous tous, chrétiens,
nous obéissons. Nous suivons ce princo do la vie, au-
teur du salut.
Le proconsul Dion. Sois soldat et prends le signa-
culum aûn de ne pas périr misérablement.
Le conscrit Maximilien. Je ne puis mourir, mon
nom est déjà auprès de mon Dieu. Je ne puis être
soldat.
Le proconsul Dion. Considère ta jeunesse et sois
soldat, c'est le propre d'un jeune homme que de servir.
Le conscrit Maximilien. Je suis soldat de mon
Seigneur. Je ne puis prendre du service dans le siècle.
Je te l'ai déjà dit. Je suis chrétien.
(1) Avant d'être engagé définitivement et de prêter le
serment militaire, le conscrit devait subir certaines
épreuves physiques permettant de savoir s'il était ca-
pable de supporter les fatigues du métier.
(2) Au conscrit reconnu bon pour le service, on re-
mettait une bulle de plomb (signaculum, signum), qu'on
lui attachait au cou après avoir gravé dessus le nom
du soldat et le numéro de la légion. C'était le pendant
de la médailie d'identité que porte chacun de nos
soldats modernes.
ne peut traiter une affaire avec quelqu'un de
votre sorte, et d'ailleurs. Enfin, quoi qu'il en
soit, voilà donc cet homme, vieux, pauvre, ha-
bitant un asile dû à la bonté des propriétaires
du domaine qui fut le patrimoine héréditaire
de sa famille durant six cents ans.
Ajoutez fier, dit Nelda, en se levant pour
baisser la lampe dont l'éclat perçant lui faisait
mal aux yeux.
Il acquiesça d'un signe.
>– Oui, baronne, cela aussi. Et représentez-
vous maintenant cet homme revenu dans sa
vieille demeure tandis que l'enchantement du
passé tisse autour de lui des fils toujours plus
serrés; si bien'que d'heure en heure il sent qu'il
lui devient plus difficile de briser ces liens; et
voici qu'un charme nouveau vient se joindre à
l'ancien: son cœur s'est réveillé, ses journées
ne sont plus que rêves fous, ses nuits amènent
des songes irréalisables, dans lesquels il voit
refleurir la noble souche de ses ancêtres; il
croit chevaucher à travers les antiques domai-
nes des Sandow aux côtés d'une femme ado-
rée.. Mais soudain il retombe dans la réalité, et
le simple bon sens lui dit « As-tu perdu l'es-
prit, vieux routier à la bourse plate ? » Or dans
mes vicissitudes les plus cruelles, il est deux
qualités qui ne m'ont jamais été enlevées la
sincérité et la fierté. Donc je me suis dit il faut
me taire et partir. D'autre part, j'ai le défaut
d'être plutôt méfiant, de pénibles expériences
ayant aiguisé ma perspicacité. C'est pourquoi
j'ai ajouté dans mon for intérieur « Tu te
trompes, âne bâté que tu es Cette flamme que
tu as vu étinceler dans ses yeux, ce n'est pas
pour toi qu'elle s'allume; c'est un autre qui l'a
fait jaillir de la pierre, un autre qui est passé
là avant toi. » Et au milieu de mes hésitations
est arrivée toute cette histoire de duel, .pour
vous, à cause de vous. Ce soir-là, j'ai vu vos
yeux s'éclairer quand vous lui parliez à table,
j'ai constaté le désespoir muet de sa pauvre
femme et je n'ai pu que me redire « Dépêche-
toi de partir, ajvant que ta vie soit empoi-
sonnée à jamais. » Alors, en toute hâte, j'ai
fait mes malles et je suis parti. Demain le
steamer aura levé l'ancre et j'espère, Nelda, que
j'emporterai mon pardon pour avoir osé rêver
des choses impossibles.- Vos franches explica-
Le proconsul Dion. Dans l'entourage sacré de nos
maîtres. Dioctétien, et Maximien, Constance et Maxime,
il y a des soldats chrétiens qui remplissent leur devoir
militaire.
Lo cotisait Maximilien. Ils savent ce qu'ils font.
Moi, chrétien, je ne puis commettre une mauvaise ac-
tion..•̃.>.•
Le proconsul Dion. Quel mal font ceux qui rem-.
plissent leur devoir militaire?
Le conscrit Maximilien. Tu le sais.
Le proconsul Dion. Sois soldat. Crains que ton re-
fus de servir ne soit pour toi la cause d'une mort
cruelle.
Le conscrit Maximilien. Je ne meurs point. S'il
m'arrive de sortir du siècle, mon âme vivra avec le
Christ mon Seigneur.
Le proconsul Dion (s'adressant à l'appariteur). Ef-
face le nom de Maximilien sur la tablette de l'enrôle-
ment. (A Maximilien.) Puisque d'un esprit impie tu as
refusé de faire ton service militaire, reçois la sentence
dont il convient de te frapper pour l'exemple des au-
tres. (Lisant sur une tablette.) « Ayant par impiété re-
fusé le serment militaire, Maximilien sera mis à mort
par le glaive. »
Le conscrit Maximilien. Grâces à Dieu 1
Ce qui frappe l'attention, à la première lecturb
de ce récit si plein de vie, c'est la correction,
c'est la modération, c'est la patience du ma-
gistrat s'efforçant de ramener le conscrit au
sentiment du devoir, d'abord par ses propres con-
seils, par la persuasion et le raisonnement, ensuite
par l'intervention de son père, enfin par la crainte
du châtiment. Ce n'est qu'à la fin, quand il est
bien convaincu de l'inutilité de ses efforts, que le
juge, forcé d'appliquer la sentence, condamne
Maximilien, non parce que chrétien, mais unique-
ment comme insoumis la loi sur le recrutement °
militaire.
Le second document, les Acta Marcelli, nous
transporte a Tanger, en l'an 298. Un jour, on cé-
lébrait dans cette ville l'anniversaire de l'empe-
reur, et à cette occasion ce n'étaient partout que
festins et sacrifices. Au beau milieu de la fête, un
centurion (3) de la légion trajane nommé Marcel,
estimant que ces réjouissances étaient sacrilèges,
jeta soudain son ceinturon à terre devant les en-
seignes de la légion et confessa sa foi d'une voix
éclatante « Je sers Jésus, roi éternel. » Il jeta
encore le cep de vigne qui lui servait de bâton de
commandement ainsi que ses armes, et u ajouta
« Désormais je cesse de servir vos empereurs,
j'ai honte d'adorer vos dieux de pierre et de bois,
idoles sourdes et muettes. Si telle est la condi-
tion des soldats qu'ils .soient astreints à sacrifier
à ces dieux et à ces empereurs, eh bien, je jette
mon bâton et mon ceinturon, je renie les ensei-
gnes, je ne peux plus être soldat. » Il'y eut un
moment de stupéfaction, puis, empoigné par ses
propres soldats, Marcel fut conduit au comman-
dant de la légion, le gouverneur,, Fortunat, qui le
fit mettre en cellule. Les fêtes passées, Fortunat
se fit amener le rebelle et lui demanda
Pourquoi, au mépris de la discipline mili-
taire, as-tu défait ton ceinturon et jeté ton bau-
drier et ton bâton? v
Et Marcel de répondre.
Déjà, le 12 des calendes d'août, alors qu'on
célébrait l'anniversaire de l'empereur, j'ai dé-
claré hautement devant les enseignes de la lé-
gion que j'étais chrétien et que je ne pouvais
plus être soldat. Je ne peux prêter serment à
d'autre qu'à Jésus-Christ, flls de Dieu le père'
tout-puissant.
Fortunat dut s'incliner devant cette révolte
définitive.
Je ne puis tenir secret cet acte d'audace; je
dois en référer aux empereurs et à César. Toi, tu
seras conduit sain et sauf à mon maître Agricq-
lanus, vicaire des préfets du prétoire.
En conséquence, le 3 des calendes de novembre,
Marcel comparaissait devant Agricolanus, et voici
le procès-verbal de l'audience
L'huissler-appariteur. Voici le centurion Marcel,
que le gouverneur Fortunat envoie devant ton autorité.
Voici d'autre part une lettre concernant le susdit Mar-
cel. Permets-moi de la lire.
Agricolanus. Lis-la.
L'huissler-appariteur (lisant). « A toi, seigneur,
Fortunat. Ce soldat, ayant jeté son ceinturon, a con-
fessé qu'il était chrétien. En outre, devant tout le,peu-
ple, il a proféré de nombreux blasphèmes envers les
dieux et envers César. En conséquence, nous te l'avons
envoyé, afin que ton Excellence prenne à son sujet
telle décision qu'elle jugera nécessaire. »
.4gricolanus (à Marcel). Tu as bien dit ce qui est
mentionné dans la lettre du gouverneur?
Marcel. Je l'ai dit.
Agricolanus. Tu servais en qualité de centurion
ordinaire ? î
Marcel. Oui.
Agricolanus. Quelle folie s'est emparée de toi
pour renier ainsi tes serments et prononcer de sem-
blables paroles?
Marcel. II n'y a aucune démence chez ceux qui
craignent le Seigneur.
Agricolanus. As-tu vraiment prononcé toutes ces
paroles qui sont consignées dans les procès-verbaux
du gouverneur?
Marcel. Je les ai prononcées. ̃•̃̃̃:̃
Agricolanus. ̃ As-tu jeté tes armes?
Marcel. Je les ai jetées. Servir dans les horreurs,
du siècle ne convient pas à un ohrétien.̃
Agricolanus. Les actes accomplis par Marcel sont si
graves qu'ils doivent être sévèremei}); punis. Marcel,'
qui servait comme centurion ordinaire, ayant publique-'
ment renié son serment, ayant dit qu'il avait été
souillé, ayant en outre, d'après les procès-verbaux de;
son interrogatoire par le commandant, prononcé d'au-'
(3) Officier comamndant à cent hommes.
tions m'ont enlevé du cœur un grand poids, je
penserai à vous avec un respect plein d'estime;,
mais, vous en conviendrez, il faut que je parte.
Il se rassit, croisa les jambes, et se tourna
vers la fenêtre derrière laquelle le soir pluvieux
tombait.
Je vous remercie, monsieur de Sandow,
prononça la baronne à demi voix.
Il y eut un long silence, puis elle dit
Et si je ne comprends pas, si je ne veux
et ne peux pas comprendre que votre départ,
soit nécessaire?
Elle se pencha vers lui et fixa sur son visage
le regard humide de ses yeux 'où se lisait une'
tendre prière.
Si je vous demande de ne point partir,
Jochen von Sandow, si je vous prie de preii~
dre votre patrimoine et.. moi-même. sous la
protection de votre vieille devise « Sandow,
partout- et toujours! »
Il pâlit:
Madame, je reconnais bien là votre in-
commensurable bonté, dit-il d'une voix,rude.
Parlons d'autre chose, voulez-vous?
Non, dit-elle sans élever la voix, mais
avec fermeté, car. j-e vous àime~Jochen, de-
puis. ̃̃
Depuis dix minutes, n'est-ce pas? Vous
avez pitié du pauvre diable qui dans son dés-
espoir s'enfuit par le vaste monde. Mais, Dieu
merci, je ne suis pas tombé assez bas pour
pouvoir ramasser au pied, levé un tel don et
m'apercevoir un beau jour qu'il m'a été jeté
dans l'ivresse de la compassion.
La jeune femme se tut, profondément bles-
sée. Elle changea de place sur sa banquette de
manière à le laisser vis-à-vis d'une place vide,
puis appuyant sa tête au dossier elle s'efforça
de calmer la tempête de son cœur.
Ils restèrent longtemps silencieux. Le train
continuait sa descente vertigineuse vers la
mer; on sentait l'effort des freins aux courbes
de la voie, les essieux grinçaient et gémissaient
et la pluie ruisselante frappait les vitres. Dans
l'âme de Nelda le tumulte s'apaisait; rigide et
glacée, elle avait senti s'éveiller en elle une
fierté douloureuse; elle était devenue d'une pâ-
leur mortelle. y.¡. HEIMBUlWo
W. Heiuburo.
(A suivre j
MERCREDI 10 DECEMBRE 1913
CINQUANTE-TROISIEME~NNEE. N° 10151
PRIX DE L'ABONNEMENT
PAMS, SEMI et seinE-et-oisc. Trois mois, 14fr.; siz mois, S3 fr.; un an. SS fr.
DtPAHI" etAlSACE-IORÎlAINE.. 17Ir.; S4b.; 6Stt.
UNION POSTALE .̃ lStr.; SQfr. T'ait.
LES ABOKXEHEXTS DATEST DES 1" ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (départements) 2O centimes
ANNONCES MM. Lagrange, CERF ET Gio, 8, place de la Bourse
Le Joutt.oX et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant à leur teneur
téléphonie:, s ugags
H« 103.07 103.08 103.09 103.33 103.33
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fABIs, SEME et snnjrET-oiSE.Trois mois, 14 fr.; Six Eiois, 33 fr.; Un an, SS fr.
D»AHI" etAlSACE-KRBADiE.. 17 tr.| 34 fr.; 68 fr.
mnOHPQSTAix 18 fr.; 36 fr.; VS fr.
1ES ABONNEMENTS BATENT DES i" ET 16 DE CHAQUE MOIS
ILJ21 mumEéro (à l*îirîs) 12> centimes
Directeur politique Adrien Hébrard
toutes les lettres destinées à la Rédaction doivent être adressées au Directeur
Le Journal ne pouvant répondre des manuscrits communiqués
prie-les auteurs d'en garde)' copie
(Adresse. TÉ.LÉGR aphique iehps fahis
6OMMÂIR$|
PAGE 2
Le MiNrsTÈâE-DiicMKKâWE.
Les AFFAIRES d'Orient l'Aetion diplomatique;
les Elections bulgares; le Rôle de l'Autriche dans
la seconde guerre, etc.
NOUVELLES DE L'ETRANGER l'Affaire de Saverne.
Une réunion de l'Asociation pangermaniste.
»– La Mission militaire allemande en Turquie.
Les Réformes en Arménie, etc..
PAGE 3
La Petite Histoire Vendetta, G. Lenotre.
Les Livres, PAUL Souday.
Hansi à la Société des gens de lettres. Acadé-
mie des sciences. Conseil municipal. Nou-
velles du jour. Les « Indésirables ».
PAGE 4
Faits-divers. • Courrier commercial Industrie,
Commerce, Agriculture. Art et curiosité
Neiges et forêts du Canada, Thiébault-Sisson.
Théâtres.
PAGE 5
Sport le Match Carpentier-Bontbardier Wells.
Bulletin commercial. In formations finan-
cières. Marchés étrangers. Bourse.
PAGE 6
Dernjère3 Nouvelles les Nouveaux ministres à
l'Elysée. –> Dans les ministères. Au
Reichstag. Les AFFAIRES D'ORIENT. Les
'Affaires du Maroc. La Retraite de M. Bédorez.
Au Palais Martin-Gauthier devant les as-
sises, etc.
Paris, 9 décembre
BULLETIN ïffi_L'ÉTRANGER
LES CHRÉTIENS DE TURQUIE ET LES ÉLECTIONS
Où parle beaucoup, dans les milieux chré-
tiens de Turquie, d'une question, dont la Fran-
ce, protectrice traditionnelle des populations
chrétiennes du Levant, ne peut pas se désin-
téresser c'est la question électorale, question
d'équité pour les gouvernés, de prudence
pour les gouvernants.
Chaque vilayet turc est pourvu d'un conseil
général. Autrefois ces conseils comprenaient
en Syrie un nombre égal de musulmans et de
chrétiens. La population chrétienne était ain-
si avantagée numériquement, puisqu'elle re-
présente le tiers de la population totale. Mais
cet avantage était légitime d'abord en raison
de l'importance des intérêts de la minorité, en-
suite et plus spécialement parce que les chré-
tiens payent plus de la moitié des impôts et
que les attributions principales des conseils de
,vilayet sont d'ordre financier et économique.
Aujourd'hui une loi nouvelle est en vigueur,
qui a supprimé là garantie dont bénéficiaient
les chrétiens. Contre cette disposition on a vu
protester même les musulmans éclairés. L'as-
semblée générale de Beyrouth, qui à joué un
rôle si honorable pour la défense des intérêts
syriens, s'est fait l'écho de. cette protestation.
Aucun compte n'a été tenu de ses plaintes et
lors des élections dans les cantons du vilayet
de Beyrouth un seul chrétien a été élu. La
.ville même de Beyrouth, après avoir d'abord
refusé de voter, a voté de mauvaise grâce. Sur
50 électeurs 29 seulement se sont présentés, la
presque totalité des chrétiens ayant maintenu
leur abstention.
Cet état de choses ne peut pas durer. Sur
30 membres élus il n'y a que trois chrétiens
et encore faut-il noter qu'ils ont été choisis par
̃ des musulmans. La situation n'est pas seule-
ment fâcheuse en raison du sacrifice qu'elle
inflige aux droits de la minorité. Elle est irré-
gulière car aux termes de la loi, pour que
les élections soient valables, il faut que 80 0/0
des électeurs soient présents. Ce quorum
n'ayant pas été atteint, on peut contester la
validité du scrutin.
Mais il y a plus. Les collèges électoraux
qui se constituent par les élections au pre-
mier degré, sont les mêmes pour les conseils
provinciaux et pour la Chambre. On se sou-
vient de la pression, si lourde de conséquen-
ces, qui fut exercée lors des dernières élec-
tions. Or ce sont ces mêmes électeurs qui sont
en cause aujourd'hui et ni le peuple, ni les
notables de Beyrouth ne leur reconnaissent
aucune autorité soit en matière provinciale soit
en matière nationale. En un mot la popula-
tion chrétienne juge qu'elle n'est pas et qu'elle
ne sera pas représentée.
Si l'on retient que les provinces arabes de
l'empire turc comptent une population de
1~500,000 chrétiens et que la loi prévoit un
député pour 50,000 habitants, on voit que les
chrétiens ont droit à 30 représentants. Or à en
juger par le passé, cette population, systéma-
̃tiquement disséminée, risque de n'en avoir au-
cun. Dans ces conditions, les chrétiens de Bey-
routh, que leurs frères de Syrie imiteront vrai-
:FEtJMJLETT<~ MU ~W
DU 10 DECEMBRE 1913 <»»>
LES RONCESJU CHEMIH
TROISIEME PARTIE (Suite)
Jochen von Sandow aurait voulu répliquer,
mais elle ne lui en laissa pas le temps.
Oui, c'est ainsi que vous pensez, bien que
vous ayez passé dix ans hors de ce milieu de
préjuges et de mesquinerie, que vous ayez ap-
pris à respirer l'air divin de la liberté. Et
voilà que pour la deuxième fois je commets une
action choquante. Je me précipite à votre' pour-
suite parce que je ne veux pas que mon image
reste dans votre souvenir entachée d'une vilenie.
Il faut que vous sachiez qu'a un certain point
de vue je suis absolument terre à terre, pro-
saïque et dénuée de tout romanesque et que ce
que je fais passer en première ligne; en toute
première, ligne,- c'est l'intégrité du caractère.
Je ne déroberai jamais le bien d'autrui, dusse-
je en mourir. Et maintenant, monsieur de
Sandow, bon voyage, je n'ai plus rien à vous
dire!
Il demeurait immobile, à sa place, un peu
penché en avant, les mains appuyées sur ses
genoux.
Nelda s'était jurée de garder son sang-froid,
mais entraînée par son tempérament passion-
né, elle s'était exprimée avec trop de véhé-
mence. Pourquoi ne pas savoir se dominer, se
montrer plus calme, plus flère?. Son cœur se
serra' de telle sorte qu'elle faillit se mettre à
pleurer. Après quelques instants de silence,
Sandow releva la tête.
Je propose, avant toute chose, que vous
veniez dîner, dit-il du ton le plus posé. Je vais
faire servir quelque chose au wagon-restau-
rant ce sera bientôt prêt.
Elle le regarda étonnée. Etait-ce là le résul-
tat de son apostrophe. Et comme il sortait du
Reproduction Interdits»
semblablement, annoncent qu'ils s'abstiendront
de prendre part aux élections tant que leurs
droits ne seront pas sauvegardés. Comment
s'en étonner puisque qu'ils rotent ou ne vo-
tent pas le résultat sera le même ?
Telle est la situation. En l'exposant ici, nous
n'avons qu'un dessein attirer sur elle l'at-
tention du gouvernement ottoman. Il sait que
les populations chrétiennes de Syrie sont loya-
les. Il sait que la France a des devoirs envers
elles. Il sait enfin qu'en remplissant ces de-
voirs la France est parfaitement libre de préoc-
cupation égoïste. Au surplus c'est l'intérêt de
la Turquie de ne pas créer des mécontents et
d'assurer à ses sujets de toutes races, comme
elle s'y est solennellement, engagée, l'égalité
des droits.
Bref, en appuyant les voeux légitimes des.
chrétiens de Syrie, le gouvernement français
servira à la fois ses clients traditionnels et
l'empire ottoman. Il a donc toute liberté pour
agir et l'on doit compter qu'il n'y manquera
pas.
«»
DÉPÊCHES TËIÉGRAPHJDUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU (EïNttpa
Berlin, 9 décembre.
Le lieutenant-colonel Ismaïl Hakki bey et le pre-
mier secrétaire du comité jeune-turc, Atik bey, sont
arrivés à Berlin. Leur voyage aurait pour but l'é-
tude des sociétés de boy-scouts des diverses nations
européennes. Hakki bey a été attaché militaire turc
à Vienne; c'est un ami personnel d'Enver bey.
Une dépêche annonce la prochaine venue a Berlin
de Hakki pacha, l'ancien grand-vizir. Cette visite
n'est pas encore confirmée. Hakki pacha viendrait
dans la capitale allemande pour y voir sa fille.. qui
est mariée à l'attaché militaire ottoman.
Enfin le Berliner Lokal-Anzeiger croit savoir
qu'Envor bey arrivera prochainement à Berlin. 11
désirerait y consulter des médecins allemands.
Vienne, 9 décembre.
L'empereur François-Joseph a reçu hier en au-
dience le nouvel attaché militaire russe à Vienne,
le colonel Wynneken.
Le Caire, 9 décembre.
On annonce que le gouvernement italien enver-
rait un certain nombre d'étudiants de l'Erythrée et
de la Tripolitaine pour suivre les cours de l'univer-
sité égytienne Al-Azhar.
Genève, 9 décembre.
Par suite de l'explosion d'une cartouche dans le
tunnel du Mont-d'Or, près de Vallorbe, un ouvrier
a été tué, sept ont été blessés.
Londres, 9 décembre.
Le roi et la reine d'Espagne sont partis ce matin
pour Paris, où ils ont l'intention de séjourner deux
jours. Durazzo, 9 décembre.
La commission de contrôle de l'Albanie a ex-
primé le désir qu'on mette à sa disposition la
somme de 60,000 francs pour ses dépenses maté-
rielles.
Rabat, 8 décembre.
Le groupe mobile de la région de Meknès et le
groupe beni-m'tir concentrés à Agouraï sous le
commandement du colonel Claudel ont opéré leur
jonction avec le. groupe de Rabat sur l'oued Khar-
fan, affluent de l'oued Beht:
Le groupe do Meknès comprend dix-huit com-
pagnies, deux escadrons, trois sections de mon-
tagne.
Le groupe de Rabat, commandé par le colonel
Andrieux, comprend onsJC compagnies, un escadron,
un peloton de cavalerie, des ambulances et des mu-
nitions.
Durrazo, 9 décembre.
Le délégué français a demandé hier l'internatio-
nalisation de la Banque d'Etat d'Albanie. Tous les
délégués, sauf celui de la Russie qui est d'accord
avec son collègue français, ont exprimé le désir
d'en référer à leur gouvernement.
Tetouan, 7 décembre.
Au cours do l'attaque dirigée hier contre une
section qui quittait Lauxien, les Espagnols eurent
deux morts et cinq blessés. Le canon du poste de
Lauxien a tiré toute la journée contre les groupes
ennemis installés à El Karrich. Il y eut également
une fusillade nourrie sur le djebel Dersa et sur la
route de Martin.
LE CABINET DOUMERGUE
Le nouveau cabinet a terminé hier soir la
distribution des portefeuilles et des sous-por-
tefeuilles. Nous avons failli avoir M. Malvy au
ministère de l'intérieur, où déjà M. René Re-
noult n'est pas très rassurant. Le ministère du
travail échoit à M. Albert Métin, dont V Hu-
manité justifle la désignation en rappelant que
le nouveau ministre a fait une étude approfon-
die de la question sociale au « Groupe des étu-
diants socialistes révolutionnaires internatio-
nalistes de Paris ». Excellente école, excellen-
te préparation pour intervenir dans les conflits
du capital et du travail! f
Le nouveau président du conseil et ses* col-
lègues, ayant relu la liste ministérielle, l'ont
trouvée un peu montée de ton. Ils ont résolu
de l'adoucir par le choix des sous-secrétaires
d'Etat qui n'étaient pas encore désignés. Les
noms de MM. Raoul Péret, Ajam et Jacquier
wagon avec une entière sérénité, elle retrouva
en lui l'homme sensé et expérimenté, le voya-
geur que rien ne peut surprendre, qui en tout
événement pense d'abord aux choses raison-
nables, l'homme calme et vraiment supérieur
qui dans son manque absolu de pose et d'af-
fectation est toujours dans le vrai. Elle avait
un sens trop aigu de l'humour, pour ne point
sourire, en dépit des battements tumultueux et
pénibles de son cœur.
Jl revint au bout de peu de minutes.
Puis-je vous prier de venir, madame?
Il prit sa main pour la conduire à travers
l'étroit corridor jusqu'au wagon-restaurant. Elle
aperçut, près de la cloison, une petite table
servie pour deux personnes, lui en face d'elle.
Les dîneurs étaient peu nombreux, en raison
de l'époque de Noël. Une douce chaleur régnait
dans l'étroit espace, partout des fleurs em-
baumées et sur la nappe éblouissante de cris-
taux et d'argenterie, un garçon portant la
livrée des sleeping-cars déposait devant eux
le potage fumant.
De sa vie la jeune femme n'avait avalé un
bouillon de si bon appétit; Jochen von Sandow
la considérait avec un sourire.
]LJn doigt de vin rouge, baronne?,
Oui, dit-elle, du chianti, puisque nous
sommes en Italie. Il y a longtemps que j'avais
envie d'en boire.
Sa main tremblait, encore mal raffermie,
quand elle porta le verre à ses lèvres.
On servit des pesce persico, ces délicats pois-
sons du lac Majeur d'une tendre nuance fleur
de pêcher.
J'en ai mangé pour la dernière fois il y a
cinq ans, dit-elle. C'était à l'Isola Bella. Mon
père vivait encore; nous avions déjeuné au
Delfino. Le baron Saddler n'aimait pas l'Italie.
Quand nous voyagions il allait de préférence
en Angleterre, à cause des achats de chevaux.
A propos, ajouta-t-elle en fixant sur son inter-
locuteur ses yeux veloutés, pourquoi ne m'avez-
vous jamais signalé l'incapacité de mon in-
tendant Zimmermann? C'est le vieux Henning
qui m'en a parlé. Il paraît qu'il boit, qu'il passe
son temps dans les cabarets de la ville, au lieu,
de s'occuper des chevaux.
Moi, baronne? Vous oubliez que ce qui se
passe à Franzensliof ne me regarde en rient
seront favorablement accueillis. Mais qu'est-ce I'
'que cette 'minime concession auprès de tous
les sacrifices que l'on a faits aux exigences de
la rue de Valois? Le seul sous-secrétaire d'Etat
polltïq'uè • estMï Raoul Pêrët,- que l'on place au
ministère de l'intérieur. La présence de M.
Raoul Péret pourrait offrir certaines garan-
ties mais on annonce l'intention de définir
strictement ses attributions et de le confi-
ner dans l'hygiène. Ce serait alors une mysti-
fication.
M. René. Viviani, qui prend le portefeuille
de l'instruction publique, avait été bien inspiré
en offrant à M. Léon Bérard de garder le
sous-secrétariat d'Etat. M. Léon Bérard a dé-
cliné la proposition qui était certainement faite
par M. René Viviani dans un esprit amical;
mais il a gardé dans son refus ce ton de discré-
tion élégante qu'il a su mettre à tous ses dis-
cours et à tous ses actes. Pour sortir comme
pour entrer, il y a la manière. A l'exemple de
leur chef, on peut dire que presque tous les
collègues de M. Louis Barthou ont su s'en aller.
On ne connaît encore rien de précis sur les in-
tentions et le programme du nouveau cabinet.
Il paraît qu'on va nous promettre l'application
intégrale et loyale de la loi de trois ans. On
annonce aussi l'ajournement de la réforme
électorale. Quand même M. Jaurès voudrait
égarer son parti par complaisance envers le
pouvoir, les socialistes unifiés ne le suivraient
pas. Aussi bien l'approche des élections inter-
dit-elle à ce groupe de se montrer trop minis-
tériel. Donc, il ne sera pas très commode au
gouvernement d'escamoter ou d'éluder la ré-
forme. Les événements de ces derniers jours,
surtout les compromissions de personnes et
de groupes, les marchandages de portefeuilles
e. de sous-portefeuilles qui ont précédé~ la
crise, tout cela rend plus que jamais néces-
saire une réforme électorale profonde d'où dé-
coulera tout naturellement un changement
dans les mœurs parlementaires.
LES SŒURS DANS LES HOPITAUX
Le Conseil municipal a discuté hier sur la réin-
tégration des sœurs dans. les hôpitaux. Il l'a fait
non sans ardeur de part et d'autre, mais en somme-
le débat fut presque exempt de violence. Et nous
devons voir dans cet exemple un signe heureux de
l'apaisement des passions religieuses et irréli-
gieuses dans notre pays.
Le contraire serait d'ailleurs absurde. L'Etat
français, en prononçant la séparation entre les
Eglises et lui, s'est, par voie de conséquence logi-
que, interdit de considérer les serviteurs d'une
confession quelconque comme des gens mis hors
la loi commune. Les rares congrégations tolérées
ne bénéficient de cette faveur qu'à raison des ser-
vices rendus à la collectivité. Elles ne peuvent
donc inspirer aucune méfiance. Et quand M. de
Puymaigre propose au Conseil municipal de con-
fier aux sœurs de Saint-Vincent de Paul la chari-
tabje mission qui consiste à servir et à soigner les
malades dans les hôpitaux de la Ville, cette propo-
sition ne devrait soulever, chez les hommes im-
partiaux, ni enthousiasme, ni indignation précon-
çues. Si la loi de séparation n'avait pas eu au
moins cet avantage de libérer les esprits en libé-
rant l'Etat et l'Eglise de leur servitude mutuelle,
ce serait à désespérer du progrès des mœur,s Pu-
bliques. La proposition de M. de Puymaigre me-
ritait donc d'être examinée en soi, sans parti pris.
Il en fut d'ailleurs ainsi, ou à peu près: et son au-
teur, tout le premier, sut imprégner d'un certain
libéralisme les arguments dont il se servit pour la
soutenir.
M. de Puymaigre ne demandait pas le licencie-
ment des infirmiers et infirmières laïques, au dé-
vouement desquels M. Mesureur a rendu un com-
plet hommage. Il se bornait à spécifier que les
établissements créés en vertu d'une fondation sti-
pulant les soins religieux, seraient desservis par
des sœurs diplômées, remplissant les fonctions
de surveillantes et d'infirmières. Les partisans des
sœurs vont, on le voit, au-devant des objections
qui pourraient leur être opposées. Personne,
même parmi les libres penseurs, ne conteste au-
jourd'hui l'esprit de sacrifice que les sœurs pui-
sent aux sources do leur foi religieuse, mais on
pouvait discuter sur leurs connaissances techni-
ques. Si les sœurs, pour exercer leur mission, doi-
vent être munies du même diplôme que les laï-
ques, pourquoi seraient-elles frappées d'interdit ? f
Parce qu'elles sont sœurs ? Mais l'Etat ignore cette
qualité. Il les exclurait donc seulement à raison
de leurs croyances spirituelles. Ce serait odieux.
Néanmoins la -majorité du Conseil municipal n'a
pas adopté la proposition de M. de Puymaigre, qui
comprenait en outre la fondation d'un hôpital des-
servi par des religieuses, où les malades seraient
admis sur leur demande.
Il n'a pas voulu que les indigents pussent
bénéficier de l'émulation née de la concur-
rence entre infirmières d'origine différente. Il
n'r, pas davantage consenti à un référendum sur
la question, mais il a adopté une motion de M.
Galli tendant à allouer une subvention aux hospi-
ces libres, en vue d'y établir des lits qui seraient
mis gratuitement à la disposition des malades dé-
sirant être soignés par des sœurs.
Elle parut embarrassée.
Il me semblait que par intérêt pour le do-
maine oü vous êtes né. dit-elle.
Pouvais-je me permettre d'intervenir ?
Mais puisque vous en parlez la première, oui,
j'en conviens. Ce brave Zimmermann n'est pas
un homme de confiance, il serait désirable de
le remplacer.
Sans répondre, elle regarda à travers la por-
tière on voyait passer maintenant des lumiè-
res et des arbres. « Nous devons approcher de
la mer », pensa-t-elle. Puis se souvenant de la
situation présente:
Quel étrange et heureux hasard que je
vous ai rencontré avant d'arriver à Gênes, s'é-
cria-t-elle. ̃
̃̃ Oui, c'est un singulier hasard, dit-il en se
versant à boire. Je m'étais arrêté à Milan pour
voir un vieil ami que j'espérais décider à m 'ac-
compagner, mais il n'a pas voulu, ou n'a pas'
pu. Qui sait ce qui.
Les yeux de Nelda s'étaient fixés sur les siens
avec une expression d'interrogation craintive;
en même temps elle posait son couteau et sa
fourchette sur son assiette sans entà'nifer l'aile;
de volaille qu'il venait de lui servir
Mangez donc, baronne! dit-il. ̃
̃ Je ne puis pas.
Si, il le faut.
Par un grand effort elle obéit, finit vaillam-
ment son rôti, puis un peu de glace à l'orange
et du dessert.
Voulez-vous qu'on serve le café ici ou dans
votre compartiment? '1
Là-bas, dit-elle..
Ils allèrent se rasseoir devant la petite table
mobile, l'un en face de l'autrè, dans leur voi-
ture.
Et maintenant, baronne, que dois-je ré-
pondre à vos reproches? demanda-t-il.
• Défendez-vous; si vous le pouvez!
Certainement je*le puis, dit-il avec assu-
rance.
Il tira sa montre.
Deux heures encore jusqu'à Gênes. Là, je
vous conduirai soit à un omnibus, soit au Grand
Hôtel, tout près de la gare, si c'est là que vous
comptez descendre. Et alors nous nous dirons
adieu, car au moment de votre réveil, demain
Ce vote est un premier pas dans la voie du li-
béralisme. Les pauvres ont droit au respect de
leurs croyances positives ou négatives en matière
religieuse. Toutes les mesures ayant po,ur objet
#3steurër leur satisfaction ce point do vue sont
dignes d'être approuvées par les hommes sincère-
ment imbus de leur devoir social.
̃«*
Le développement Se l'Afrique occidentalB
Le discours par lequel M. Ponty, gouverneur
général, a ouvert la session du conseil de gouver-
nement et que le JournaL officiel do la colonie
nous apporte, expose que 1912 a été une année de
crise pour l'Afrique occidentale.
Pour diverses causes, dont la.principale a été
l'arrêt des grands travaux publics, les importa-
tions qui étaient de 150,300,000 francs en 1911
sont tombées à 134,700,000 francs. En revanche,
les exportations, ont tenu bon, et ont même passé
par une légère augmentation de 116,100,000 fr.
à 118,500,000 francs. Bien des raisons, notam-
ment l'effondrement des prix du caoutchouc et
une sécheresse terrible au Dahomey et à la Côte-
d'Ivoire, auraient dû les faire baisser également.
Elles ont été sauvées par un phénomène des plus
intéressants à signaler. C'est que l'Afrique occi-
dentale échappe de plus en plus à la monocul-
ture. Au caoutchouc, à l'arachide et à l'huile de
palme, qui constituaient autrefois à peu près
toute l'exportation, la Guinée, le Soudan et la
Casamance ajoutent aujourd'hui le riz, le sésame
et le maïs; la Côte-d'Ivoire, le cacao et la noix
de kola; le Dahomey et le Soudan, le beurre de
karité et. le coton. Enfin, l'élevage figure déjà
pour 3,600,000 francs à l'exportation de l'année
dernière et paraît appelé au plus bel «Venir dans
les plaines soudanaises.
Ce qui caractérise d'ailleurs l'exposé de M.
Ponty, c'est la préoccupation intelligente du dé-
veloppement économique de la colonie. Le grand
obstacle à la mise en valeur de l'intérieur de l'A-
frique est son éloignement de la côte qui fait du
transport des produits agricoles un promeme au-
ficile. M. Ponty nous paraît l'avoir heureusement
résolu. La meilleure prime à l'agriculture, dit-il,
est le transport à bon marché qui profite à tous
les producteurs, indigènes et colons. Il a donc con-<
sidéré que les chemins de fer de la colonie sont
faits avant tout pour faciliter les communications
et non pour donner des bénéfices d'exploitation. En
vertu de ce principe, il a abaissé les tarifs de l'in-
térieur vers la mer à un taux aussi faible que
possible; pour certaines céréales, il ne dépasse
pas cinq centimes par tonne kilométrique. D'au-
tres mesures stimuleront la production. Un réseau
de routes est commencé en Guinée et au Dahomey.
Une mission hydraulique étudie en ce moment la
question de l'irrigation dans le bassin du Sénégal
et se rendra ensuite dans le bassin du Niger. La
station d'expérimentation agricole pour l'étude
culturale de l'arachide, dont nous avions craint un
moment que le projet ne fût abandonné, est défi-
nitivement créée à M'Bambey.
Dans les pays tropicaux, où seul il peut se li-
vrer au travail manuel, c'est encore une manière
de préparer l'essor économique que d'améliorer la
condition de l'indigène. L'administration est de-
puis longtemps bien orientée à ce sujet dans
l'Afrique occidentale. Elle a, en 1912, limité la
"'prestation, amélioré la. justice indigène, entre-
pris résolument une lutte contre l'alcoolisme,
continué à multiplier les œuvres d'assistance et
les écoles.
M. Ponty signale qu'une période nouvelle sem-
ble commencer pour la colonie, la période indus-
trielle. Les capitaux, longtemps défiants, com-
mencent à se porter vers les entreprises colonia-
les et l'on voit apparaître dans l'Afrique occiden-
tale de puissantes sociétés. Quatre d'entre elles,
pour préparer le poisson, ne sont établies déjà ou
sont en; voie d'établissement à Port-Etienne où
les pêcheurs bretons viennent de plus en plus
nombreux. D'autres entreprennent la frigoriflca-
tion de la viande, et l'on se demande pourquoi,
sous un climat semblable, le Soudan n'offrirait pas
autant de facilités à cette industrie que le nord de
l'Argentine. Une autre a ouvert une usine pour le
traitement des noix de palme.
On le voit, malgré les circonstances adverses,
l'Afrique occidentale continue à être l'une des par-
ties les plus actives de notre empire colonial. Une
seule chose n'y marche pas les grands travaux
publics que l'on a dû suspendre depuis plusieurs
mois, ce qui entraînera des pertes considérables.
Mais la faute n'en est pas à l'administration lo-
cale elle en est à la métropole qui laisse, sans
raison, traîner depuis dix-huit mois la demande
d'emprunt que. lui a adressée la colonie.
Des antimilitaristes
e vr. vi
au troisième siècle
J'écris ces lignes surtout pour ceux de nos mo-
dernes antimilitaristes qui ont subi ou qui subis-
sent des condamnations. En les lisant, ils pour-
ront en connaissance de cause comparer la sévérité
des lois romaines d'il y a dix-sept siècles avec
matin, mon steamer lèvera l'ancre. Vous voulez
que je me défende. Bon! Mais à condition.que
je puisse dire tout ce que j'ai sur le cœur, par-
ler en toute franchise!
Parlez librement, je suis toujours pour les
explications nettes, surtout dans le cas présent,
dit-elle avec force. Mais avant que vous com-
menciez, j'ai encore une question à vous poser
pour quelle raison partez-vous et pourquoi sans
me dire adieu?
Tout cela s'enchaîne, madame.
Bien, je vous écoute, commencez votre
rapport, dit-elle avec la gracieuse assurance
qu'elle avait désormais reconquise.
Tout d'abord, baronne, dit-il avec lenteur,
comme s'il eût eu soudain de la peine à arti-
culer ses paroles, il faut que je vous prie de
vous mettre à ma place par la pensée, ce nui
ne peut vous être fort aisé. Commençons par
mon signalement • âge, quarante-cinq ans.
Le bel âge pour un homme, dit-elle.
Pas de profession. ballotté depuis dix ans
et plus à travers le monde par la destinée
adverse. Ne possédant rien au monde qu'un
manuscrit qui trouvera peut-être quelque jour
un éditeur, mais qui, vu l'abondance' des rela-
tions de voyage, n'aura jamais une 'deuxième
édition. N'importe qui en effet écrit probable-
.ment mieux que moi et d'une façon plus pro-
fessionnelle, car j'ai le tort de tomber toujours
dans la sentimentalité et de laisser parler mon
cœur. Il me restait mes collections je viens
de les vendre en bloc et à un prix dérisoire il
me fallait de l'argent pour mon voyage.
Voilà qui est impardonnable! s'écria la
baronne.
Et elle se souvint que dans ses rêves les plus
secrets, elle avait déjà choisi une salle de Bel-
lingen parfaitement appropriée aux collections,
si. oui, si.
Il vit ses joues se colorer, et ne sut à quoi
attribuer cette rougeur soudaine.
Chacun se tire d'affaire comme il peut,
dit-il simplement.
Pourquoi ne m'avez-vous pas proposé d'a-
cheter vos collections?
Pourquoi? C'est bien clair. Je vous sais
toute impulsive. Dans votre premier mouve-
ment de générosité, vous auriez dit oui, même
si j'en avais demandé un prix exorbitant; on
celle de nos lois françaises d'aujourd'hui, et elles
leur -permettront dé méditer sur l'avantag" qu'il y-
a pour eux à être venus très tard dans un monde
très vieux, au lieu d'être nés et d'avoir fait leur
coupable propagande à des époques plus ancien-
nes, par exemple au temps de l'empire romain.
Cette année, en effet, au cours de M. Monceaux
à l'Ecole pratique des hautes études, on traite des
« persécutions » militaires sous Dioclétien; et les
travaux de préparation de cette étude ont mis à
jour une collection de documents, dont l'authenti-
cité ne saurait être suspectée, étant donné les
références qui les accompagnent, et qui nous fixent
de la manière la plus précise sur la façon dont
l'Etat romain contraignait ses citoyens à la dé-
fense nationale et dont la justice appliquait la loi
aux rebelles.
Empressons-nous de dire que les antimilita-
ristes dont il s'agit dans ces documents furent tous
des chrétiens des premiers siècles, lesquels, à l'ins-
tigation de Tertullien de Lactance, et il faut le
reconnaître, souvent en dépit des exhortations des
évoques, considéraient le service militaire comme
incompatible avec leur qualité de chrétiens. So,l-
dats du Christ, estimaient-ils qu'il était indigne de
porter l'uniforme- des soldats du siècle, ou bien,
la nouvelle religion leur défendant 'de tuer le
prochain, croyaient-ils ne pouvoir sans parjure
au serment du baptême participer aux horreurs de
la guerre? Nous ne savons, et la question vaudrait
une étude spéciale. Ne retenons que le fait, à sa-
.voir.qu'il y eut au troisième siècle des antimili-
taristes, et que ces antimilitaristes furent jugés
et condamnés dans la forme juridique la plus im-
peccable au point de vue des garanties d'un ac-
cusé.
C'est dans les Acta primorum martyrum sincera
et selecta de l'érudit bénédictin dom Ruinart que
l'on retrouve les procès-verbaux sténographiques
des' procès de ces chrétiens réfractair.es à la loi
militaire.
L'un de ces documents nous fait assister en
l'an 295 et le 12 mars, dans la ville de Théveste
(Tebessa), à une séance du conseil de revision. La
scène est curieuse. Voici les personnages prési-
dent, le proconsul Dion; à ses côtés l'avocat du
flse, l'agent impérial et le fonctionnaire chargé de
percevoir, lo cas ecneant, 1 impôt couiyuusaui,
l'exemption du service militaire; devant ce conseil
de revision, un conscrit, nommé Maximilien, qu'ac-
compagne son père, et l'appariteur (officium). Je
cite textuellement le dialogue d'après le document
Le proconsul Dion. Le conscrit Maximilien parais-
sant apte à subir les épreuves du service mili-
taire (probabllis) (1), je requiers qu'il soit passé sous
la toise. (S'adressant à Maximilien.) Comment t'ap-
pelles-tu ?
Le conscrit Maximilien. Pourquoi veux-tu connat-
tre mon nom? Il m'est défendu d'être soldat, puisque
je suis chrétien.
Le proconsul Dion. Bien. Appariteur, mets cet
homme sous la' toise.
Le conscrit Maximilien. Soit! (Il se place sous la
toise.) Mais je ne puis être soldat, je ne puis faire le
mal, je suis chrétien.
Le proconsul Dion. Qu'on le mesure!
L'appariteur. Il a cinq pieds dix pouces.
Le proconsul Dion. Qu'on le marque (2)
Le, conscrit Maximilien. Je ne veux pas recevoir
l'insigne, je ne puis être soldat.
Le proconsul Dion. Sois soldat, afin de ne pas être
mis à mort.
Le conscrit Maximilien. Je ne serai pas soldat.
Coupe-moi la tête, si tu veux. Je ne puis être soldat
pour le siècle je suis soldat pour mon Dieu.
Le. proconsul Dion. Qui t'a mis ces idées-la en
tête?
Le conscrit Naxlmlllcn. -r Mon esprit et Celui qui
m'a élu.
Le proconsul Dion (s'adressant à Victor, le père du
conscrit). Conseille ton flls.
Victor. Mon flls sait ce qu'il doit faire.
Le proconsut Dion (à Maxi iilien). Sois soldat
et reçois la bulle.
Le conscrit Maximilien. Je ne la prendrai pas, car
j'ai déjà le signe du Christ, mon Dieu.
Le proconsul Dion. Je vais t'envoyer immédiate-
ment à ton Christ! t
Le conscrit Maximilien. Je le désire; ce sera pour
moi une grande gloire.
Le proconsul Dion (s'adressant à l'appariteur).
Donne la bulle de plomb à cet homme.
Le conscrit Maximilien. Je ne prendrai pas le signe
du siècle, et si on me le donne, je le briserai, car il
n'a aucune valeur. Je suis .chrétien, et il ne m'est pas
permis de porter au cou un morceau de plomb, ayant
déjà le signe du salut de mon Seigneur Jésus-Christ,
flls du Dieu vivant. Tu ne le connais pas, pourtant il
a souffert pour notre salut et Dieu l'a livré à la mort
pour nos péchés. C'est à lui que nous tous, chrétiens,
nous obéissons. Nous suivons ce princo do la vie, au-
teur du salut.
Le proconsul Dion. Sois soldat et prends le signa-
culum aûn de ne pas périr misérablement.
Le conscrit Maximilien. Je ne puis mourir, mon
nom est déjà auprès de mon Dieu. Je ne puis être
soldat.
Le proconsul Dion. Considère ta jeunesse et sois
soldat, c'est le propre d'un jeune homme que de servir.
Le conscrit Maximilien. Je suis soldat de mon
Seigneur. Je ne puis prendre du service dans le siècle.
Je te l'ai déjà dit. Je suis chrétien.
(1) Avant d'être engagé définitivement et de prêter le
serment militaire, le conscrit devait subir certaines
épreuves physiques permettant de savoir s'il était ca-
pable de supporter les fatigues du métier.
(2) Au conscrit reconnu bon pour le service, on re-
mettait une bulle de plomb (signaculum, signum), qu'on
lui attachait au cou après avoir gravé dessus le nom
du soldat et le numéro de la légion. C'était le pendant
de la médailie d'identité que porte chacun de nos
soldats modernes.
ne peut traiter une affaire avec quelqu'un de
votre sorte, et d'ailleurs. Enfin, quoi qu'il en
soit, voilà donc cet homme, vieux, pauvre, ha-
bitant un asile dû à la bonté des propriétaires
du domaine qui fut le patrimoine héréditaire
de sa famille durant six cents ans.
Ajoutez fier, dit Nelda, en se levant pour
baisser la lampe dont l'éclat perçant lui faisait
mal aux yeux.
Il acquiesça d'un signe.
>– Oui, baronne, cela aussi. Et représentez-
vous maintenant cet homme revenu dans sa
vieille demeure tandis que l'enchantement du
passé tisse autour de lui des fils toujours plus
serrés; si bien'que d'heure en heure il sent qu'il
lui devient plus difficile de briser ces liens; et
voici qu'un charme nouveau vient se joindre à
l'ancien: son cœur s'est réveillé, ses journées
ne sont plus que rêves fous, ses nuits amènent
des songes irréalisables, dans lesquels il voit
refleurir la noble souche de ses ancêtres; il
croit chevaucher à travers les antiques domai-
nes des Sandow aux côtés d'une femme ado-
rée.. Mais soudain il retombe dans la réalité, et
le simple bon sens lui dit « As-tu perdu l'es-
prit, vieux routier à la bourse plate ? » Or dans
mes vicissitudes les plus cruelles, il est deux
qualités qui ne m'ont jamais été enlevées la
sincérité et la fierté. Donc je me suis dit il faut
me taire et partir. D'autre part, j'ai le défaut
d'être plutôt méfiant, de pénibles expériences
ayant aiguisé ma perspicacité. C'est pourquoi
j'ai ajouté dans mon for intérieur « Tu te
trompes, âne bâté que tu es Cette flamme que
tu as vu étinceler dans ses yeux, ce n'est pas
pour toi qu'elle s'allume; c'est un autre qui l'a
fait jaillir de la pierre, un autre qui est passé
là avant toi. » Et au milieu de mes hésitations
est arrivée toute cette histoire de duel, .pour
vous, à cause de vous. Ce soir-là, j'ai vu vos
yeux s'éclairer quand vous lui parliez à table,
j'ai constaté le désespoir muet de sa pauvre
femme et je n'ai pu que me redire « Dépêche-
toi de partir, ajvant que ta vie soit empoi-
sonnée à jamais. » Alors, en toute hâte, j'ai
fait mes malles et je suis parti. Demain le
steamer aura levé l'ancre et j'espère, Nelda, que
j'emporterai mon pardon pour avoir osé rêver
des choses impossibles.- Vos franches explica-
Le proconsul Dion. Dans l'entourage sacré de nos
maîtres. Dioctétien, et Maximien, Constance et Maxime,
il y a des soldats chrétiens qui remplissent leur devoir
militaire.
Lo cotisait Maximilien. Ils savent ce qu'ils font.
Moi, chrétien, je ne puis commettre une mauvaise ac-
tion..•̃.>.•
Le proconsul Dion. Quel mal font ceux qui rem-.
plissent leur devoir militaire?
Le conscrit Maximilien. Tu le sais.
Le proconsul Dion. Sois soldat. Crains que ton re-
fus de servir ne soit pour toi la cause d'une mort
cruelle.
Le conscrit Maximilien. Je ne meurs point. S'il
m'arrive de sortir du siècle, mon âme vivra avec le
Christ mon Seigneur.
Le proconsul Dion (s'adressant à l'appariteur). Ef-
face le nom de Maximilien sur la tablette de l'enrôle-
ment. (A Maximilien.) Puisque d'un esprit impie tu as
refusé de faire ton service militaire, reçois la sentence
dont il convient de te frapper pour l'exemple des au-
tres. (Lisant sur une tablette.) « Ayant par impiété re-
fusé le serment militaire, Maximilien sera mis à mort
par le glaive. »
Le conscrit Maximilien. Grâces à Dieu 1
Ce qui frappe l'attention, à la première lecturb
de ce récit si plein de vie, c'est la correction,
c'est la modération, c'est la patience du ma-
gistrat s'efforçant de ramener le conscrit au
sentiment du devoir, d'abord par ses propres con-
seils, par la persuasion et le raisonnement, ensuite
par l'intervention de son père, enfin par la crainte
du châtiment. Ce n'est qu'à la fin, quand il est
bien convaincu de l'inutilité de ses efforts, que le
juge, forcé d'appliquer la sentence, condamne
Maximilien, non parce que chrétien, mais unique-
ment comme insoumis la loi sur le recrutement °
militaire.
Le second document, les Acta Marcelli, nous
transporte a Tanger, en l'an 298. Un jour, on cé-
lébrait dans cette ville l'anniversaire de l'empe-
reur, et à cette occasion ce n'étaient partout que
festins et sacrifices. Au beau milieu de la fête, un
centurion (3) de la légion trajane nommé Marcel,
estimant que ces réjouissances étaient sacrilèges,
jeta soudain son ceinturon à terre devant les en-
seignes de la légion et confessa sa foi d'une voix
éclatante « Je sers Jésus, roi éternel. » Il jeta
encore le cep de vigne qui lui servait de bâton de
commandement ainsi que ses armes, et u ajouta
« Désormais je cesse de servir vos empereurs,
j'ai honte d'adorer vos dieux de pierre et de bois,
idoles sourdes et muettes. Si telle est la condi-
tion des soldats qu'ils .soient astreints à sacrifier
à ces dieux et à ces empereurs, eh bien, je jette
mon bâton et mon ceinturon, je renie les ensei-
gnes, je ne peux plus être soldat. » Il'y eut un
moment de stupéfaction, puis, empoigné par ses
propres soldats, Marcel fut conduit au comman-
dant de la légion, le gouverneur,, Fortunat, qui le
fit mettre en cellule. Les fêtes passées, Fortunat
se fit amener le rebelle et lui demanda
Pourquoi, au mépris de la discipline mili-
taire, as-tu défait ton ceinturon et jeté ton bau-
drier et ton bâton? v
Et Marcel de répondre.
Déjà, le 12 des calendes d'août, alors qu'on
célébrait l'anniversaire de l'empereur, j'ai dé-
claré hautement devant les enseignes de la lé-
gion que j'étais chrétien et que je ne pouvais
plus être soldat. Je ne peux prêter serment à
d'autre qu'à Jésus-Christ, flls de Dieu le père'
tout-puissant.
Fortunat dut s'incliner devant cette révolte
définitive.
Je ne puis tenir secret cet acte d'audace; je
dois en référer aux empereurs et à César. Toi, tu
seras conduit sain et sauf à mon maître Agricq-
lanus, vicaire des préfets du prétoire.
En conséquence, le 3 des calendes de novembre,
Marcel comparaissait devant Agricolanus, et voici
le procès-verbal de l'audience
L'huissler-appariteur. Voici le centurion Marcel,
que le gouverneur Fortunat envoie devant ton autorité.
Voici d'autre part une lettre concernant le susdit Mar-
cel. Permets-moi de la lire.
Agricolanus. Lis-la.
L'huissler-appariteur (lisant). « A toi, seigneur,
Fortunat. Ce soldat, ayant jeté son ceinturon, a con-
fessé qu'il était chrétien. En outre, devant tout le,peu-
ple, il a proféré de nombreux blasphèmes envers les
dieux et envers César. En conséquence, nous te l'avons
envoyé, afin que ton Excellence prenne à son sujet
telle décision qu'elle jugera nécessaire. »
.4gricolanus (à Marcel). Tu as bien dit ce qui est
mentionné dans la lettre du gouverneur?
Marcel. Je l'ai dit.
Agricolanus. Tu servais en qualité de centurion
ordinaire ? î
Marcel. Oui.
Agricolanus. Quelle folie s'est emparée de toi
pour renier ainsi tes serments et prononcer de sem-
blables paroles?
Marcel. II n'y a aucune démence chez ceux qui
craignent le Seigneur.
Agricolanus. As-tu vraiment prononcé toutes ces
paroles qui sont consignées dans les procès-verbaux
du gouverneur?
Marcel. Je les ai prononcées. ̃•̃̃̃:̃
Agricolanus. ̃ As-tu jeté tes armes?
Marcel. Je les ai jetées. Servir dans les horreurs,
du siècle ne convient pas à un ohrétien.̃
Agricolanus. Les actes accomplis par Marcel sont si
graves qu'ils doivent être sévèremei}); punis. Marcel,'
qui servait comme centurion ordinaire, ayant publique-'
ment renié son serment, ayant dit qu'il avait été
souillé, ayant en outre, d'après les procès-verbaux de;
son interrogatoire par le commandant, prononcé d'au-'
(3) Officier comamndant à cent hommes.
tions m'ont enlevé du cœur un grand poids, je
penserai à vous avec un respect plein d'estime;,
mais, vous en conviendrez, il faut que je parte.
Il se rassit, croisa les jambes, et se tourna
vers la fenêtre derrière laquelle le soir pluvieux
tombait.
Je vous remercie, monsieur de Sandow,
prononça la baronne à demi voix.
Il y eut un long silence, puis elle dit
Et si je ne comprends pas, si je ne veux
et ne peux pas comprendre que votre départ,
soit nécessaire?
Elle se pencha vers lui et fixa sur son visage
le regard humide de ses yeux 'où se lisait une'
tendre prière.
Si je vous demande de ne point partir,
Jochen von Sandow, si je vous prie de preii~
dre votre patrimoine et.. moi-même. sous la
protection de votre vieille devise « Sandow,
partout- et toujours! »
Il pâlit:
Madame, je reconnais bien là votre in-
commensurable bonté, dit-il d'une voix,rude.
Parlons d'autre chose, voulez-vous?
Non, dit-elle sans élever la voix, mais
avec fermeté, car. j-e vous àime~Jochen, de-
puis. ̃̃
Depuis dix minutes, n'est-ce pas? Vous
avez pitié du pauvre diable qui dans son dés-
espoir s'enfuit par le vaste monde. Mais, Dieu
merci, je ne suis pas tombé assez bas pour
pouvoir ramasser au pied, levé un tel don et
m'apercevoir un beau jour qu'il m'a été jeté
dans l'ivresse de la compassion.
La jeune femme se tut, profondément bles-
sée. Elle changea de place sur sa banquette de
manière à le laisser vis-à-vis d'une place vide,
puis appuyant sa tête au dossier elle s'efforça
de calmer la tempête de son cœur.
Ils restèrent longtemps silencieux. Le train
continuait sa descente vertigineuse vers la
mer; on sentait l'effort des freins aux courbes
de la voie, les essieux grinçaient et gémissaient
et la pluie ruisselante frappait les vitres. Dans
l'âme de Nelda le tumulte s'apaisait; rigide et
glacée, elle avait senti s'éveiller en elle une
fierté douloureuse; elle était devenue d'une pâ-
leur mortelle. y.¡. HEIMBUlWo
W. Heiuburo.
(A suivre j
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