Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1913-08-18
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 18 août 1913 18 août 1913
Description : 1913/08/18 (Numéro 19037). 1913/08/18 (Numéro 19037).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
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Description : Collection numérique : France-Japon Collection numérique : France-Japon
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
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LUNDI 18 AOUT 1913
CINQUANTE-TROISIEME ANNEE. N" 19037
PRIX DE L'ABONNEMENT
MBS, SEINE et ÎEBŒ-ET-OBE.. Trois mois, 14 fr.; Six atla, S8 fr.; mai, 56 tt.
MPABI" ctALSACE-LOREAIHE.. IV fr.; 34 fr.; 68tr.
OTIOU POSTAIS. lSfr.; SSfr.; 73 fî.
LES ABOimBMEKTS DATB5I DES 1" Et 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (départements) SO centimes
ANNONCES MM. Lagrange, CERF ET Cle, 8, place de la Boursa
la Journal et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant à leur teneur
TBLÉPDVNE, S LMilf ES
N« tOÎM>7 103.08 103.09 103.38 103.38
PRIX DE L'ABONNEMENT
MES, sbhe et secœ-et-oke.. Trais mois, 14 fr. Six mois, 8S fr. B» «, 58 ffc
BtPAET" et AISâCB-lOBBABlE.. 1*7" fr.; S4tf.; Sa fr.
«BOHPOSTâlE ISfr.; 33 fr.; 78 b
LES ABOKKtaBEinS DATENT BBS i" ET 16 DE CHAQUE BOIS
Un nuxraéro (à Paris) s 1S centime»
Directeur politique Adrien Hébrard
ÏMtes las lettrre desfcwes à la Rédactira doivent être adressées as Breetw
Le Jtvrnal ne pvmmt rèpendrc des manuscrits etmmtmiquU
prie les exteurt d'en garder copie
A»M63E TBLÉ«RAraîQUE TKaM»» PA»lg
Nos lecteurs trouveront en sixième page
la carte du terrain sur lequel les grandes
manoeuvres d'armée auront lieu cette année.
awsArmrni
SOMMAIEE
En Marge la Marquise de La Tour dit Pin et la
famille dé Chambeâu, HENRY Roujon.
Chronique théâtrale la Saison russe, Michel
DELINES.
PAGE 2
LES AFFAIRES d'Orient l'Action diplomatique;
Contre le traité de Bucarest. Nouvelles de
l'Etranger la" France et l'Allemagne à San-
Francisco; la Situation ait Mexique, etc.
En Alsace-Lorraine. Colonies Au Maroc; En
Tunisie.
PAGE 3
tfariétés étrangères le Bilan de l'Angleterre ra-
dicale, Philippe MILLET.
La Vie artistique John Lewis Brown, ses idées
sur la peinture, etc., Thiébault-Sisson.
Promenades et visites Ri. Louis Barthou au-des-
sus des nuages, JEAN Lefranc.
Nouvelles du jour M. Raymond Poincaré à Bar-
le-Duc; Déplacements ministériels. Mouve-
ment social le Congrès anarchiste; les Employés
et les prud'hommes, etc.
PAGE 4
Nouvelles universitaires. Marine.
4u jour le jour la Police parisienne sous l'ancien
régime, H. DE Gallier; la Lutte contre la tu-
berculose.
Faits-divers les Retraites militaires; les Scan-
dales du 5° arrondissement; Secousses sismi-
ques, etc.
Revue dest revues les Balzaciens; le Flirt; les Exi-
lées volontaires; Bérenger et le dictionnaire, etc.
PAGE 5
[Voyages pittoresques Une chevauchée à travers
le Hauran, Maximilienne Biais.
Art et curiosité Littérature et archéologie mê-
lées les Cascades de Gimel; les Restaurations
d'Albi, etc.
Théâtres « Yvonic » à la Comédie-Française, etc.
Sports l'Allemagne et ses dirigeables, etc.
Nécrologie. Tribunaux..
PAGE 6
Les Grandes manœuvres d'armée du Sud-Ouest
(avec carte).
BULLETIN DE L'ETRANGER
BULLETIN DE_L'ÉTMNGER
LES ARMEMENTS AUSTRO-HONGROIS
Les commentaires de la presse autrichienne
et de la presse hongroise qui accompagnent la
nouvelle loi élaborée par les bureaux du minis-
tère de la guerre de Vienne ne permettent pas
de douter que la monarchie dualiste ne à'ap-
prête à un effort militaire considérable. Les
augmentations projetées sont en effet de .35,000
hommes pour la partie du contingent destinée
à Yarmée commune et de 20,000 pour la frac-
tion incorporée dans les deux landwehrs. Si
l'on observe que dès 1912 le contingent annuel
,ïolâV precédeinment f&é à 135,370 'himime's,
avait reçu un accroissement de.S6,930 hommes,
comme conséquence de la réduction du service
à deux ans, on conclura que les prochaines
classes austro-hongroises vont s'élever à
277,000 hommes environ et qu'en l'espace de
trois années seulement (1910-1913) elles se se-
ront numériquement accrues dans le rapport
de un à deux. L'armée sur le pied de paix at-
teindra le.niyeau de 580,000 hommes, non com-
pris les officiers et les sous-officiers; et si l'on
fait état de toutes ses catégories de personnel, il
suffira de rappeler une seule classe de réser-
vistes (277,000 hommes) pour avoir sous les ar-
mes un million de combattants.
Que si l'on s'enquiert des motifs propres
à justifier un accroissement de cette impor-
tance, on les trouve dans les besoins nouveaux
de la défense nationale, tels qu'ils apparaissent
au lendemain des deux guerres d'Orient.
L'équilibre militaire a été brusquement mo-
difié dans les Balkans. La Russie se prépare à
des armements nouveaux. Ces deux données
doivent d'autant mieux réagir sur l'état des
effectifs austro-hongrois que l'insuffisance en a
été vivement ressentie au cours de la mobilisa-
tion partielle ordonnée à l'occasion des événe-
ments d'Orient.
Les renseignements précis fouruis à ce sujet
font ressortir que l'infanterie se trouvait alors
dans un état d'affaiblissement numérique, ou
comme le général von Schœnaich l'avait dit en
'd910, de véritable *« dessèchement ». Liée
FEUILLETON DU ^CtUpS
DU 18 AOUT 1913
GflHOItlQDE TflÉflTftflliE
LA SAISON THEATRALE EN RUSSIE
(1912-1913)
Les Otages de la vie, drame en cinq actes par
M. Sologoub.
Katherine Ivanovna, drame en quatre actes par
M. Leonide Andréev.
Tante Ania, par M. Naïdenov. Natalie Pouchkine,
par M. Botzianovski. Le Faust de Gœthe au
théâtre Nezlobine.
Triomphe de Molière au théâtre Artistique de Mos-
cou.– Encore le théâtre de demain.
La saison a commencé à l'Alexandrinski
Théâtre de façon assez orageuse; le comité de
lecture, l'administration et les artistes étaient
d'avis partagés: les uns refusaient de donner
pour la première fois l'hospitalité à une pièce
de M. Sologoub, les Otages de la vie, et les au-
tres se déclaraient ses admirateurs passionnés.
Les comédiens enthousiastes de la nouvelle gé-
nération.ayantà leur tête le régisseur, M; Meyer-
hold, dont nous avons pu appreciej.' au Châtelet
le talent de metteur en scène, soutenaient que
cette pièce était de celles qui peuvent réfor-
mer le théâtre, et leur opinion, bruyamment
défendue par leurs partisans dans le comité de
lecture et l'administration, prévalut.
Ce fut une victoire des jeunes, claironnée
par les journaux, heureux de servir au public,
toujours friands de menus faits des coulisses,
toutes les péripéties de la lutte et de préparer
ainsi de longue main une sensationnelle pre-
mière.
M. Sologoub, qui a si bien réussi à rallier le
suffrage des jeunes, par la date de sa nais-
sance appartient à une autre génération; on a
fêté dernièrement l'anniversaire de sa cin-
quantième année. Il n'y a pas d'écrivain russe
qui soit plus hautement prôné pas les uns, ni
attaqué avec plus d'âpreté par les autres, bien
que tous s'accordent à lui reconnaître une va-
leur artistique peu commune.
D'abord poète décadent et ensuite romancier
non moins décadent, il se distingua toujours
de ses émules par une note exclusivement per-
sonnelle. Fils d'une paysanne de Poltava.il
quant aux effectifs à la loi même, qui fixait in-
variablement le contingent à 135,370 hommes,
elle avait dû faire les frais de toutes les créa-
tions organiques nouvelles, dans les domaitres
de l'artillerie, du génie, de l'aérostàtion, des
troupes de communication. Ses quatrièmes ba-
taillons étaient tombés au rang de troupes-ca-
dres et n'avaient plus, dans leurs quatre com-
pagnies, de quoi en faire vivre une seule.
C'étaient ces faibles noyaux actifs qui avaient
dû se mobiliser à l'automne de 1912, en se com-
plétant alors à 200 ou 250 hommes. Or chacune
des classes incorporées sous le régime de la
loi de trois ans n'avait pu donner à chaque
compagnie que le tiers de l'effectif budgétaire,
soit 28 recrues. Ce chiffre se retrouvait à l'oc-
casion de la mobilisation de 1912. Il exprimait
cette fois le nombre des réservistes d'une même
classe reçus dans chaque compagnie. On voit
que pour porter la compagnie au pied de
guerre indiqué il ne fallait pas moins de six
classes successives, ce qui obligeait à recourir
à des réservistes mariés et pères de famille.
Cette solution était à la fois coûteuse pour le
Trésor, en raison des indemnités dues aux fa-
milles, et fâcheuse au point de vue militaire,
en raison du peu d'homogénéité présentée par
les unités mobilisées.
Les nouvelles classes de 277,000 hommes es-
comptées par le recrutement austro-hongrois
faciliteraient au contraire les mobilisations en
rajeunissant les réserves. Elles donneraient par
surcroît à l'armée active des disponibilités de
personnel dont il pourrait être fait usage pour
relever à 130 hommes l'effectif des compagnies
de couverture, à 110 hommes celui des compa-
gnies de l'intérieur. Chaque artillerie division-
naire pourrait être dotée d'une sixième batterie;
d'autres créations seraient effectuées dansledo-
maine de l'artillerie de forteresse et des troupes
techniques.
Par ce renforcement général, l'armée de la
monarchie aurait, selon le plan de l'état-major,
une contenance si respectable dès le temps de
paix qu'elle n'aurait plus en temps de crise à
recourir au ruineux système des mobilisations,
comme elle a dû le faire en 1908 et 1912. Tous
les desiderata de la politique seraient satisfaits,
toutes les démarches de la diplomatie seraient
soutenues. Mais si ce programme militaire ré-
pond au rôle à jouer dans le domaine des
relations internationales, il cadre moins bien
avec les conditions de la politique intérieure, et
l'on doit s'attendre à ce que l'obstruction par-
lementaire lui fasse subir avant peu des retards
sensibles et de notables déformations.
♦
DERNIÈRE HEURE
M. Raymond Poincaré à Bar-le-Duc
M. Raymond Poincaré, après avoir prononcé, au
banquet qui lui a été offert dans sa ville natale, le
discours qu'on lira plus loin, s'est rendu à la
préfecture, où il a pris quelques instants de repos.
Le président de la République a visité ensuite
l'hôpital, et il a fait remettre 2,000 francs pour les
pauvres de la ville et 500 francs pour l'hôpital.
Les retraites militaires d'hier
Douze arrestations ont été opérées hier soir à
l'issue des retraites militaires. Si;t -des Hjaraijfes-
'tants les plus «ompTQ-mjs ont-«lé envoyés ce matin
au l>épôL pour outrages b.\ l'armée, injures atvsç
agents et port d'armes prohibées.
Cambriolage boulevard Pereire
Des malfaiteurs ont cambriolé cette nuit l'hôtel
du peintre Edouard Monchablon, 74, boulevard
Péreire.
C'est la concierge d'un immeuble voisin qui ce
matin, s'étant aperçue que les portes de l'hôtel,
momentanément inhabité, étaient entr' ouvertes, a a
informé la police.
Mort de la comtesse Tarnowska
Saint-Pétersbourg, 17 août.
On annonce que la comtesse Tarnowska, qui fut
l'héroïne du procès fameux de Venise, intenté à
la suite de la mort tragique du comte Komarowsky,
s'est pendue ou a été assassinée dans le train en-
tre Saint-Pétersbourg et Kief. Une enquête est
ouverte..
♦
Le commerce extérieur en juillet 1913
Le développement du commerce extérieur de
la France continué d'être satisfaisant. A la fin
du septième mois de l'exercice, on constatait
une augmentation de 204 millions 612,000 francs
dans les entrées, de 200 millions 832,000 francs
dans les sorties. Et la statistique douanière du
mois dernier est meilleure encore que celle des
manifeste dans ses poésies décadentes non la
morbidesse raffinée et élégante de l'Occident,
mais la cruauté du moujik qui a. cessé d'être
esclave et n'est pas encore parvenu à faire de
soi un homme libre. Il y a du Smerdiakov dans
son œuvre, bien qu'il n'imite en rien les Frères
Karamazov et donne simplement sa propre vi-
sion des hommes et de la vie, car il ne les dis-
tingue qu'à travers un voile de boue.
Il n'en faudrait pas conclure que les écrits de
M. Sologoub ne respirent que souffrance et
mort. Il envisage toute œuvre littéraire comme
une légende créée; or une légende n'est pas né-
cessairement de la réalité, des élans vers l'au-
delà lui sont permis et l'auteur a la facilité de
créer des êtres irréels, qui ne sont pas de ce
monde, mais qui charment parce que la poésie
émane de tous leurs gestes. Ces deux éléments
se retrouvent dans la pièce de M. Sologoub
les Otages de la vie.
Mikhaïl aime Katia, mais il n'est encore
qu'un étudiant pauvre de l'école des ponts et
chaussées et gagne son pain en courant le
cachet. Katia appartient à une famille de ter-
riens, appauvrie par l'émancipation des serfs
et qui voit de jour en jour sa situation empi-
rer. Un riche mariage la relèverait. Justement
Katia est recherchée parle richissime Soukhov,
qui va être nommé maréchal de la noblesse.
Les parents de la jeune fille lui font part de
cette proposition inespérée et la pressent de l'ac-
cepter. Ils la mettent en garde contre son igno-
rance de la vie, l'assurent qu'à vingt ans elle
ne peut la connaître.: Katia se rebiffe
Je ne suis pas aussi ignorante que vous le
supposez. Je sais tout.
Voyons, voyons, dis-nous un peu ce que
tu sais?
Je sais, que si l'on prend un mari sans
amour, c'est comme si un homme prenait une
prostituée. et encore le premier mari!
C'est précisément parce qu'elle le sait et que
M. Sologoub lui a insufflé son amère philoso-
phie qu'au bout de quelques scènes Katia, tout
en versant des larmes et en se berçant de rêves
fantastiques, accepte le riche parti qu'on lui
offre. Il est vrai qu'elle lui pose une condition
plutôt bizarre Soukhov doit lui promettre,
sur sa parole d'honneur, que le jour où elle
voudra le quitter, il lui rendra son entière
liberté.
Sur ma parole d'honneur, soit. Tout de
même, le pacte est étrange.
Etrange ou pas, j'ai votre parole?
Et je la tiendrai.
Forte de cette promesse, Katia va trouver
Mikhaïl et lui explique que c'est parce qu'ils
s'aiment qu'elle doit agir de la. sorte.
deux mois précédents, qui révélait déjà une ten-
dance excellente. La. Valeur totale des échanges
commerciaux avec l'étranger et les colonies a
en effet progressé de plus de 80 millions, ainsi
qu'en témoignent les chiffres ci-dessous, qui
résument les variations, par grandes catégories
de marchandises, des ventes et achats effectués
en juillet 1913, comparés aux opérations cor-
respondantes de juillet 1912
IMPORTATIONS -̃
Objets d'alimentation Fr. 22.619.000
Matières nécessaires à l'industrie. -|- 61.224.000
Objets fabriqués + 13.36S.000
Différence pour 1913.Fr. + 51.973.000
EXPORTATIONS
Objets d'alimentation.Fr. + 3.110.000
Matières nécessaires à l'industrie. 4.171.000
Objets fabriqués + 35.967.000
Colis postaux + 3.536.000
Différence pour 1913. Fr. + i38.4i2.000
La plus-value a aonc atteint, en cnuires ronas,
52 millions à l'entrée et 38 millions et demi à
la sortie, pour un mouvement d'affaires qui
avaient respectivement porté sur 643 millions
d'importations et 501 millions d'exportations.
Cette, situation d'ensemble est rassurante pour
ceux qui pouvaient redouter les répercussions
économiques des événements balkaniques. Mais
si l'on pénètre dans le détail, l'impression est
encore plus favorable.
A l'importation on observe un fléchissement
de 22,619,000 francs dans la valeur des produits
alimentaires. C'est que non seulement, le mois
dernier, nous avons continué de réduire, par
rapport à l'année précédente, nos acquisitions
de vins, de; sucres, de bestiaux, mais la nou-
velle récolte, soit que la qualité en ait été meiïV
lenrë, soif que la moisson ait été plus hâtive,
nous a permis en outre de diminuer nos achats
en blé de 200,000 quintaux 1,013,775 au lieu de
1,818,432 en juillet 1912. Là réduction enregis-
trée sur les achats d'objets d'alimentation est
donc un indice de nature à contenter également
producteurs et consommateurs. L'augmentation
de 61,224,000 francs dans les entrées de ma-
tières premières atteste la mise en œuvre par
l'industrie nationale de quantités plus considé-
rables et affirme la situation florissante au
moins de certaines branches. Quant à l'accrois-
sement de 13,368,000 francs dans le montant
des objets fabriqués introduits en France par
l'étranger, il ne saurait justifier certaines ap-
préhensions, en raison de l'imposante progrès-,
sion plus de 36 millions que l'on constate
dans nos ventes d'articles* similaires.
Cette progression continue dans nos expor-
tations d'objets fabriqués est la caractéristique
du commerce extérieur de la France en 1913.
Pour les sept premiers mois de l'exercice, la
plus-value de ce chef représente 165,185,000 fr.
C'est, à un million près, celle exactement qu'on
relève dans les importations de matières pre-
mières 164,193,000 francs. D'où l'on pourrait
conclure un peu superficiellement que les ma-
tériaux supplémentairement transformés par
nos industriels étaient destinés aux marchés,
étrangers ou coloniaux. Une semblable conclu-,
sion, émise sous cette forme rigoureuse, serait
d'une hardiesse et d'une présomption difficile?-
ment contrôlables. Il ;n'en reste pas moins que,
les deux phénomènes sont, dans une proportion
impossible .à, dét'erihînër exactement, .corréla-.
tifs •̃ ̃•̃ -.̃̃-̃ ,̃̃̃' •̃̃'•'
Quûi qu'il en soit, les statistiques douanières
apportent une fois de plus le témoignage vic-
torieux des efforts déployés, au milieu de diffi-
cultés que personne ne devrait ignorer, par les
industriels et les commerçants français pour
conquérir à leur pays des débouchés nouveaux.
En faisant pénétrer au loin les marques fran-
çaises, ils contribuent à l'expansion, au rayon-
nement de la France; ils la font connaître, ils
la font apprécier au dehors. Loin de nous la
pensée d'opposer les uns aux autres les agri-
culteurs, les commerçants et les industriels.
Tous travaillent d'un même cœur, d'un égal
courage à la prospérité et à la bonne renommée
de leur pays. Mais il serait inique et découra^
géant de voir les pouvoirs publics distinguer
entre tous ces bons agents de la richesse natio-
nale pour prodiguer aux uns les faveurs, en ré-
servant aux autres les charges. Que par mal-
heur, sous prétexte de réforme fiscale, on édicte
contre certains Français des impositions arbi-
traires et ces mesures inquisitoriales dont
M. Caillaux en sa première "manière, qui
était la bonne montra, avec une rigueur et
une précision implacables, à quel point elles
répugnent au tempérament français, et ce jour-
là, alors que les besoins financiers n'ont jamais
été si pressants, on aura, pour complaire à des
faiseurs d'abstractions associés à des déma-
gogues, tari quelques-unes des sources essen-
tielles de la fortune publique.
Je souffre, Mikhaïl, mais je suissur la vraie
voie. Crois-moi, c'est à toi que je suis fidèle. Je
me donne à un autre, mais l'âme fidèle garde
sa fidélité. D'ailleurs ceux qui aiment vraiment
ne changent jamais. L'âme est une et l'amour
est un. La flamme qui brûle dans mon corps
a été allumée par toi. Ma chute me vaudra
d'aller vers la force, vers la victoire, vers toi,
mon unique. Oh! mon aimé, mon bon Mikhaïl,
crois-moi.
Et le bon Mikhaïl, qui est resté pur par
amour de Katia, ne trouve que cette réponse
Katia, je te crois.
Nous nous séparons maintenant, conti-
nue l'ineffable Katia nous ferons tout ce que
nous demanderont les bons et les méchants
dominateurs du jour, nos maîtres fortuits.
Donnons-leur quelques années de notre vie en
tribut, tant que nous serons de faibles otages
de la vie, puis j'irai vers toi, mon ami, mon
beau Mikhaïl
Et le beau Mikhaïl répond
J'ai le désespoir dans l'âme, mais mon dé-
sespoir est lumineux; il est plus ensoleillé que
la joie!
Katia se montre généreuse; avant de quit-
ter Mikhaïl elle a soin de le pourvoir d'une
amie. Son choix se porte sur la douce Hélène
Luvogorskaja, surnommée Lilith, jeune fille
ultra-moderne qui danse pieds nus des danses
grecques. Cette Lilith a toujours aimé Mikhaïl
et s'est effacée en voyant qu'il lui préfère la
belle Katia. Quand Katia se donne en otage à,
la .vie. en prenant un mari qu'elle n'aime pas
elle ordonne k Lilith. de consoler Mikhaïl. II est
vrai qu'elle sait que Lilith n'est pas, comme on
le croit, une simple fillede propriétaire terrien,
elle est la légende créée, telle que M. Sologoub
la conçoit, ainsi que je l'ai expliqué plus haut.
-Je n'aime pas'le soleil, déclare Lilith, j'aime
la lune; je suis la Lilith lunaire qu'Adam a
aimée en premier, qui a été créée avant Eve et
lui a cédé sa place.
La Lilith moderne, très prosaïquement, en-
traîne Mikhaïl au cabaret, et sous l'ombrage des
arbres, à l'écart des habitués, ils boivent de la
bière en écoutant de la musique; ils pleurent et
rêvent.
Allons Lilith, mon cher rêve lunaire, s'é-
crie Mikhaïl, nous pleurerons et nous rêverons
ensemble jusqu'au jour où ma Vie viendra me
prendre.
Ils passent ainsi huit années. Dans l'inter-
valle Mikhaïl est devenu un célèbre ingé-
nieur.et s'est acquis une grande fortune. Il s'est
construit un admirable palais qu'il habite avec
Lilith et où, pour le distraire, elle danse devant
lui, nu-pieds, voilée de draperies fantastiques,
| aux reflets de clair de lune.
Scandaleuses manifestations
"Les retraites militaires ont domiéilieu, hier soir,
âdés manifestations scandaleuses et à des bagar-
res provoquées par les antimilitaristes. Depuis
plusieurs jours, la Bataille s yndicaliste invi-
tait ses amis à se préparer 'à cette noble interven-
tion. Les groupes plébiscitaires avaient relevé 'le
défi, et hier les antagonistes se sont rencontrés.
La mobilisation entreprise par la Bataille syndi-
caliste n'obtint guère de succès. Cela suffit néan-
moins pour troubler l'ordre et ternir l'éclat d'une
manifestation militaire qui est entourée du respect
et de la sympathie de la presque unanimité des
Parisiens.
Mais les partis extrêmes ne savent pas imposer
silence à leurs passions. Tous les prétextes leur
semblent bons pour manifester ileurs opinions po-
litiques. De là des cris injurieux qui sont absolu-
ment déplacés sur le passage de l'armée nationale.
Les antimilitaristes ont proféré hier des paroles
impies, qui seraient une honte pour un pays, si
elles ne provenaient d'un groupe infime d'égarés et
d'énergumènes. Ceux-ci avaient d'ailleurs choisi,
pour se livrer à leurs scandaleuses manifestations,
un jour de fête où la plupart des Parisiens sont ab-
sents, sinon ils auraient été noyés dans la foule
des patriotes et -leurs cris auraient été étouffés
sous la protestation vibrante des bons ̃ Français.
Il en fut tout de même ainsi, mais leur déroute
n'est pas le triomphe d'un parti. En France, tout
Jo monde est patriote, sauf 'une poignée d'anarchis-
tes. La police a montré hier qu'elle a le pouvoir
de réduire ceux-ci au silence. Cela suffit. Les pa-
triotes doivent se garder d'alimenter, par des polé-
miques et des interventions personnelles, 'les inci-
dents que préparent les antimilitaristes.
*r– ♦
EN MARGE
Il n'est joie que d'identifier. Je suis, en cette
période de vacances, l'hôte très choyé d'un parent,
châtelain d'une coquette gentilhommière gasconne,
aux environs de Vic-Fezensac. Le vignoble prin-
cipal du domaine a son chai en une métairie qu'on
appelle Chambeau. Le lieu m'est cher entre tous;
voici plus d'un demi-siècle que j'y fête les ven-
danges et que je pêche dans sa mare des tanches
tout en or. L'on m'avait raconté jadis le triste
sort de l'ancien seigneur, Pierre d'Areyx de Cham-
beau, guillotiné, pour incivisme, sur la place
d'Auch, le 26 germinal an II. L'avouerai-je? Je
songeais rarement à ce malheureux gentilhomme;
jo/pensais moins encore à son fils, j^orté sur la liste
de.sf émigrés. Mais voici que M', de Chambeau fils
s'avise de reparaître, non point sur le coup de mi-
nuit, couvert d'un drap blanc, à la manière des
revenants classiques, mais le plus simplement du
monde, entre les pages d'un beau livre. Il est évo-
qué par la plus exquise des magiciennes, cette mar-
quise de La Tour du Pin, qui vient, avec son Jour-
nal d'une femme de cinquante ans, d'enrichir la
littérature des Mémoires d'un chef-d'œuvre d'hé-
roïsme adorable. Le récit do la charmante mar-
quise met en scène d'innombrables personnages,
comparses des aventures diverses où elle joua le
premier rôle. Auprès de cette princesse de tragé-
die, quelqu'un sut tenir, en tout élégance, l'em-
ploi, un peu sacriflé de confident, et ce fut juste-
m'&itt le fils du seigneur infortuné de <èhambeau.
j'ai- pris ptrar ma part un plaisir ëmu'à retrôù-"
v|r ainsi, proche et intime, l'un de ces deux voi-
sins de campagne, si étourdiment oubliés. Mme de
La Tour du Pin n'avait pas connu M. de Chambeau
le père; elle nous présente le fils, parfait galant
homme, comme l'un. de ces Gascons qui se tirent
d'affaires en toutes les fortunes, et demeurent sans
pareils pour faire la nique à l'adversité.
Aux plus mauvais jours de la Terreur, la mar-
quise de La Tour du Pin, fille d'Arthur Dillon, se
cachait à Bordeaux, chez un sieur de Brouquens,
lui-même inquiété. La maison de ce Brouquens
abritait également un parent du maître du logis,
le jeune M. de Chambeau, ancien officier de cava-
lèïie, ayant émigré après la campagne de 1792.
Comment un gentilhomme de vingt-cinq ans, mi-
Ittâire et de pure race gasconne, eût-il pu refuser
son dévouement à une jeune femme, fugitive,
chargée de deux enfants en bas âge, persécutée et
belle à ravir? Chambeau se fit, en tout bien tout
honneur, le chevalier d'un si beau servage. La pe-
tite colonie de proscrits rencontra une fée pro-
tectrice dans cette bonne fille de Theresia Cabar-
nis. Tallien, stylé par sa maîtresse, se montra spi-
rituel et pitoyable; il ferma les yeux et laissa les
époux La Tour du Pin s'embarquer pour le Nou-
veau-Monde. M. de Chambeau accompagna en
Amérique les amis dont il avait été le fidèle com-
pagnon d'angoisse. Parti de Bordeaux avec un ca-
pital de vingt-cinq louis et une douzaine de che-
mises pour tout bagage, il se flt, à l'exemple de
M: et Mme de La Tour du Pin, fermier sur les
c~cn
Katia, après une longue séparation, re-
trouve.Mikhaïl et s'abandonne à lui avec dé-
lice, comme à un bonheur encore secret et par
cela même incomplet. Cette fois elle atteint
le zénith de sa double existence d'épouse
exemplaire de Soukhov, à qui, entre paren-
thèses, elle a donné deux enfants, et d'amante
passionnée de Mikhaïl. Cependant, elle n'a
pas encore eu le courage de réclamer de son
mari l'accomplissement de sa promesse mais
Mikhaïll'exige..
Soukhov, pendant ce temps, a totalement ou-
blié qu'il a si imprudemment donné sa parole.
Il proteste avec colère
Vilaine, vilaine Tu m'as pris le meilleur
de ma vie et maintenant que ton amant est
riche, tu vas le rejoindre. Vilaine, vilaine
J'ai ta parole; tu as promis de me rendre
ma liberté.
J'avais une foi absolue en toi.
Tu avais foi en ta force, en ton pouvoir, au
pouvoir des idées et des mots traditionnels.
J'ai cru en toi et pendant huit années tuas
su merveilleusement jouer le rôle d'une femme
aimante. Quelle absence de principes
Tous tes raisonnements ne changeront
rien à ma détermination. Je m'en vais.
Katia ne songe pas un instant à ses enfants
qu'elle va quitter. Lorsque Soukhov voit que ni
ses instances ni ses menaces ne peuvent re-
tenir Katia à son foyer il lui envoie son fils et
sa fillette pour l'implorer de retourner avec
eux àia maison. Elle refuse et leur déclare que
jamais elle ne rentrera dans la maison de leur
:$ere. ,-̃ ̃ =̃
̃' Plus tard, ajoute-t-elle,vous comprendrez
pourquoi j'agis ainsi; pour le moment, vous ne
pouvez le comprendre.
Les deux enfants insistent
Si, si, chère maman, dis-nous tout, nous
comprendrons.
Eh bien, mes chers petits, j'ai retrouvé
un vieil ami, que j'ai toujours aimé.Je veuxvi-
vredésormais aveclui.Vous ne comprenez pas?
Ton ami, c'est le monsieur à barbe noire
qui a beaucoup de bonbons?
Alors la maman donne à son fils une boîte
de bonbons et une autre à sa fille. Ravis, les
deux enfants prient leur mère de remercier
ppur eux Mikhaïl, puis la fillette fait une révé-
rence à sa maman, le garçonnet un salut, et
ils s'en vont sans que la mère s'en émeuve
davantage.
Vous trouvez cette scène aussi pénible qu'elle
est peu naturelle Ne vous ai-je pas prévenu
que Sologoub voit la vie sous un autre angle
que nous, simples mortels, et à travers un verre
fumé? Peut-être m'objectera-t-on qu'il y a des
bords de la Delaware. Son habileté de menuisier
devint précieuse dans la métairie, oti l'ancienne
dame d'honneur de Marie-Antoinette fabriquait du
beurre, qu'elle marquait à ses armes. Pendant
deux années, ces proscrits vécurent du Jean-Jac-'
ques et du Bernardin do Saint-Pierre avec un stoï-
cisme enjoué. « Charmant et aimable compagnon
d'infortune, dit la marquise de M. de Chambeau;
plein de bonne humeur, d'activité et d'adresse à
tout faire. » Dès son arrivée à Albany, Gham-
beau avait appris la mort tragique de son père.
Lorsque ses amis repartirent pour l'Europe, il les
accompagna encore. Moins heureux qu'eux, et
n'étant point rayé de la liste des émigrés, il dut
les quitter à Madrid. Il connut là l'extrême misère.
Les La Tour du Pin durent lui faire passer des
secours. Sous l'Empire, il parvint à réunir quel-
ques débris de sa fortune confisquée, et obtint un
emploi à Anvers. Lorsque ses amis d'Amérique
tombèrent dans la disgrâce de Napoléon, il leur
vint en aide à son tour. Puis la vie sépara ces
gens de cœur qui s'étaient noblement éprouvés.
Bien longtemps après, en 1845, Mme de La Tour
du Pin écrivait ceci « Je ne sais plus rien de cet
excellent homme. Je l'ai revu, il y a dix ans, à Pa-
ris. A cette époque, installé dans une petite mai-
son de campagne, à Epinay, il était tout entier
subjugué par deux jeunes servantes, qui avaient
acquis un fâcheux empire sur sa vieillesse. Elles
ont pris soin d'empêcher qu'il ne se rapprochât de
nous. Notre pauvre ami n'existe probablement
plus. » On ne m'enlèvera point de l'idée que dans
cette lamentable vieillesse à la Balzac, M. de
Chambeau se consolait d'un grand renoncement. Je
l'imagine secrètement, timidement, peureusement
amoureux de l'irrésistible et inaccessible marquise
en sabots de fermière; il me plaît de deviner au
fond de'son silence' xin po'ème de sacrifice et de
regret. Sans- un peu d'hypothèse, il n'y aurait
point de bonne identification.
Restait à identifier M. de Chambeau père. Le
Journal d'une femme de cinquante ans parle peu
de lui. « Au moment de son départ, notre ami
apprit que son père, bon gentilhomme de Gascogne
et habitant dans sa terre près d'Auch, dénoncé par
un valet de chambre à son service depuis trente
ans, avait été arrêté et mis en prison. » C'en était
assez pour indiquer une piste. J'allais m'y engager
à tout hasard, lorsqu'un ami, prenant en pitié ma
paresse de chroniqueur en vacances, m'a permis de
bénéficier de ses recherches. M. Z. Baqué, insti-
tuteur adjoint à Vic-Fezensac, s'est fait l'historien,
aussi consciencieux que bien informé, de notre
vieille cité gasconne. Il prépare une savante mono-
graphie, dont il me communique libéralement le
manuscrit. J'y trouve, reconstituée d'après les
pièces d'archives, la mésaventure typique de Pierre
d'Areyx de Chambeau.
La politique est, chez les habitants de Vic-Fezen-
sac, un antique péché; aussi toutes les passions de
la Terreur se résumèrent-elles en ce microcosme.
Les jacobins en expulsèrent savamment l'esprit
girondin. A partir de frimaire an II, une société
populaire, strictement terroriste s'empara de l'in-
fluence et médusa la municipalité. Le nom de
Fezensac rappelant la féodalité, la ville, à l'exem-
ple de Lyon et de Toulon, changea de nom et de-
vint Vic-sur-1'Oise. M. de Chambeau père dut
déposer à la municipalité sa croix de Saint-Louis.
Cet acte de civisme ne désarma point le jacobi-
nisme vioois. Se sentant suspect en ses qualités de
ci-devant, d'anoien capitaine du régiment du P-er-
clie et -de'pèi'e d'un émigré, M.'tfe Chambeâu réso-
lut dç' .rejoindre son 'fils. Il avait rempli un baril
d'argenterie et d'objets précieux et avait enterré
ce dépôt au pied d'un arbre de son parc. Ainsi que
le raconte Mme de La Tour du Pin, il fut dénoncé
à la société populaire par un de ses serviteurs.
M. Baqué me donne le nom de ce sans-culotte
exemplaire il s'appelait Couergou. Trois com-
missaires furent chargés de vérifier la patriotique
dénonciation; ils déterrèrent le baril; le défon-
cèrent et n'y trouvèrent que de vieilles savates.
Couergou n'était pas sans génie; on aimerait à con-
naître le développement de sa carrière.
M. de Chambeau n'en fut pas moins arrêté et
emprisonné. Le tribunal révolutionnaire le con-
damna à la peine capitale. Voici les motifs de son
jugement. Ils sont généralisateurs et oratoires,
ainsi qu'il leur convenait d'être au pays de la po-
litique et de l'éloquence :« Considérant que Cham-
beau, ci-devant noble et père d'émigré, est con-
vaincu, d'après la procédure instruite devant la
municipalité de Vic-Fezensac, et d'après son pro-
pre aveu, d'avoir enfoui dans la terre une quan-
tité d'argenterie et une somme immense de nu-
méraire pour les soustraire à la nation, délit at-
tentatoire aux besoins de la souveraineté natio-
nale, d'avoir fait émigrer son fils et de lui avoir
fourni les moyens nécessaires pour combattre les
amis de la liberté, d'avoir embauché et soldé des
hommes faits pour combattre les tyrans, de les
avoir engagés par ces moyens à aller porter un
fer assassin dans le cœur des hommes libres; en
conséquence la commission extraordinaire, consi-
sentiments primitifs, naïfs, vieux comme le
monde mais éternels, qu'on n'aime pas à voir
bafoués, et que l'amour maternel et le respect
de l'enfance sont du nombre? Ce fut l'avis
d'une partie du public àl'Alexandrinski Théâtre.
Katia et Mikhaïl, que ces scrupules n'encom-
brent pas, exultent à l'idée qu'ils sont débar-
rassés de ces petits êtres et les regardent avec
sérénité retourner auprès de leur père qu'eux-
mêmes méprisent.
Nous allons vers la vie libre et joyeuse
s'écrient-ils, nous créerons une nouvelle vie,
telle qu'il n'en a pas existé avant nous. Nous
avons retrouvé la jeunesse, nous sommes
redevenus des enfants
Qu'as-tu fait de Lilith? demande Katia.
Lilith ? répond Mikhaïl. Cette triste lé-
gende aux grands yeux? Ce rêve crépuscu-
laire Elle a disparu. Elle est allée vers celui
qui rêve
La scène s'assombrit et tout à coup l'on
voit, au fond, un escalier de marbre blanc qui
conduit à une vaste salle blanche et lumineuse.
Au haut de l'escalier apparaît Lilith, vêtue de
blanc, bien que l'auteur ait indiqué nettement
qu'elle doit être drapée de noir. Le front ceint
d'un diadème d'or, Lilith avance d'uri pas so-
lennel et clame
Je suis brisée. Des siècles ont passé sur
ma tête, j'appelle à moi l'homme, et quand mon
œuvre est accomplie, je disparais. Et Dulci-
née n'est toujours pas couronnée et le chemin
que je dois suivre s'allonge toujours deyant
moi.
Cette pièce incohérente- et décevante, les
Otages de la vie, mélange de réalisme cynique
et brutal et de symbolisme puéril et dénué de
poésie et de foi, est agrémentée de ces raffine-
ments de l'art ultra-moderne qui ont tant de
prise sur un certain public et lui font accepter,
comme des vérités philosophiques, les plus
creux paradoxes. Ainsi Lilith incarne l'idéal
du héros, qu'il poursuit toute sa vie et qui
l'adandonne le jour où il croit l'atteindre pen-
dant qu'il savoure sa victoire. Cette donnée
aurait pu inspirer à un poète des oppositions
curieuses. Le souffle et la foi ont manqué à
l'auteur. La Lilith de M. Sologoub, au contact
de ces parfaits égoïstes, Katia et Mikhaïl, n'est
plus qu'une vulgaire danseuse à la mode, qui
cherche en vain, par des poses extravagantes,
à se hausser au type de la femme légendaire
que le rabbi Jehuda attribue à Adam, et qui,
créée avant Eve, s'est enfuie pour lui céder la
place, le jour où nos premiers parents ont été
chassés du Paradis et que l'idéal a été à jamais
voilé.
C'est encore un nouvel aspect de la femme
clérant encore qu'il est un de ces êtres qui mal-
heureusement pour le genre humain n'ont que'
trop longtemps vécu, condamne ledit Chambeau a'
la peine de mort. »
.Notre -cher Midi possède, à l'état de défaut et
de vertu, la faculté d'en mettre toujours un pou
trop. Les terroristes du Gers ne se contentèrent
point de guillotiner M. de Chambeau; ils voulu-
rent encore lui faire bonne mesure de pathétique1
littéraire. La mort sans phrases, c'est bon pour le.
Nord! 1
HENRY ROUJON.
LES AFFAreÊS D'ORIENT
li~ AFFAIHEOÙ' D'O nuIENT
L'action diplomatique
Si les menaces que l'ambassadeur de Tur-
quie a fait entendre à Saint-Pétersbourg contre
la Bulgarie répondent aux intentions immé-
diates de la Porte, l'accalmie qui avait suc-
cédé à la paix de Bucarest serait de courte du-
rée.
Turkhan pacha a notifié en effet à M. Sazo-
now que la Turquie se verrait obligée de décla-
rer la guerre à la Bulgarie si celle-ci continuait
à massacrer en Thrace les populations otto-
manes. On sait que les excès dont les Ottomans
en Thrace ont eu à souffrir de la part des Bul-
gares ont déjà servi à expliquer le passage des
troupes turques sur la rive droite de la Ma-,
ritza et l'avance au delà d'Andrinople. Les
Turcs ont profité de la démobilisation bulgare'
pour pousser ces pointes jusque sur les fron-.
tières de l'ancienne Bulgarie, et ils arguent de
l'armée qu'ils ont réunie sur la Maritza non
seulement pour refuser d'évacuer Andrinople,
mais pour menacer la Bulgarie de la guerre.
L'armée turque est incontestablement plus
forte actuellement qu'au début de la guerre avec
les alliés. Elle est plus homogène et plus sûre
d'elle. La diplomatie de la Porte a ainsi beau
jeu pour tenir tête à l'Europe et à la Bulgarie.
Elle sait que la première ne lui fera pas la
guerre pour Andrinople et que la seconde est
hors d'état de reprendre les hostilités. Néan-
moins il est peu probable qu'elle veuille tirer
parti jusqu'au bout de son avantage pour pren-
dre une revanche complète. Elle n'a vraisem-
blablement d'autre but que d'amener le gou-
vernement de Sofia à négocier avec elle et à
conclure un traité dont les stipulations, effa-
çant celles qui subsisteraient encore de la paix
de Londres, lui laisseraient la possession d'An-
drinople et arrondiraient ses frontières.
La Turquie menace Ba Bulgarie
de Sa guerre
Notre correspondant de Saint-Pétersbourg télégraphie:
L'ambassadeur de Turquie Turkhan pacha a re-
nouvelé auprès de (M. Sazonow les protestations
de son gouvernement contre les excès des Bulgares
sur 1 es populations musulmanes de .la Thrace. Ces
populations adressent aux commandants ottomans
les appels les plus pressants pour qu'on ne les
laisse pas davantage exposées aux cruautés bul-
gares, et elles demandent l'envoi de troupes pour
les protéger.
ïTu-rldîaii: pacha a., déclaré que si cette situation
ne. -se '•modfliait pas] "la Turquie serait amenée à
déclarer la guerre à'la Bulgarie. ">
On ne croit pas que semblable communication ait
été faite dans d'autres capitales.
D'autre part la Gazelle nationale de Berlin public
les déclarations suivantes de l'ambassadeur de Turquie
à Berlin, Mahmoud Moukhtar pacha
Il n'existe pas pour la Turquie de question d'An-
drinople. Notre armée est la plus forte que nous
ayons eue depuis Plevna, et c'est cette armée qui
nous donne la meilleure garantie de la paix.
Nous avions eu le tort, au début de Ja guerre, de
former vingt-quatre corps d'armée, et pour y arri-
ver, nous avons bourré nos unités de vieux réser-
vistes. Aujourd'hui, .l'armée de Thrace est compo-
sée de l'armée de Tchataldja. qui a repoussé vic-
torieusement 'l'assaut des Bulgares, et de 250,000
jeunes soldats bien exercés.
Nos troupes souffrent seulement du manque d'eau
parce que les fontaines sont empoisonnées par des
milliers de cadavres de braves gens égorgés si
cruellement par les Bulgares.
Quant au boycottage financier dont on nous me-
nace, il nous importe peu.
La Turquie ne veut pas s'installer
au déjà de la Maritza
Au sujet de la nouvelle selon laquelle les Turcs
approcheraient de Gumuldjina et du bruit suivant
lequel une démarche des puissances pour engager
la Turquie à ne pas dépasser la Maritza serait im-
minente, un haut personnage du ministère des
affaires étrangères ottoman a déclaré que la Porte
n'a jamais donné à ses troupes l'ordre d'aller à Gu-
muldjina et qu'elle est fermement résolue à rie pas
russe que M. Andréev a la prétention' de nous
révéler dans son dernier drame de quatre
actes, Katherine Ivanovna, que vient de donner
le renommé théâtre Artistique de Moscou. Le
public de la première représentation ne fut
pas séduit et manifesta son mécontentement
par une tempête de sifflets et de protestations.
La direction de cette grande scène avait prié
l'auteur de modifier un peu le dernier acte.
M. Andréev refusa et fit insérer dans les
journaux une lettre où il prenait à, partie le
public des premières et le traitait carrément
de borné et d' « incapable de reconnaître une
œuvre d'art ». Voyons cette pièce et tâchons
d'être plus compréhensifs que le public trié
des premières.
Une querelle dans les coulisses inaugure le
premier acte. On entend une voix d'homme
qui hurle « Tu mens! Tu es une fille!» »
Elle se défend, proteste dç son innocence. Deux
coups de revolver retentissent. Une femme tra-
verse en courant la scène, qui représente une
salle à manger, et se réfugie dans une autre
chambre. Un homme ta poursuit et tire une
troisième fois. Un étudiant s'interpose, par-
vient à le désarmer et s'efforce de le calmer.
L'homme au revolver est M. Stibelev, mem-
bre de la Douma. C'est la première fois qu'un
député russe a les honneurs de la scène, et je
doute que les femmes des représentants du
peuple russe en soient très flattées.
Stibelev a résolu de tuer sa femme Katherine
Ivanovna parce qu'il est persuadé qu'elle est la
maîtresse de Mentikov, jeune homme qu'il dé-
teste à cause de sa, nullité. En vain son jeune
frère, l'étudiant Alexis, qui l'a desarme, s'em-
ploie-t-il a iui démontrer que sa jolie et spiri-
tuelle belle-sœur, qu'il adore; n'est pas coupa-
ble. Stibelev rétorque qu'il a suivi sa femme,
qu'il l'a vue entrer dans l'hôtel où demeure
Mentikov et qu'elle y est restée deux heures.
L'étudiant a confiance en sa belle-sœur et il
ne veut pas admettre que Katherine Ivanovna
ait pu se donner à cette nullité de Mentikovt
un rapin raté, sans instruction, fat et sot.
Le député Stibelev a une curieuse théorie ii
estime qu'il n'y a en amour que les nullités qui
soient redoutables et ne prend point ombrage
des hommes de valeur, comme par exemple
son ami le célèbre peintre Koromislov.
Rien de plus dangereux, explique-t-il.
qu'une nullité, parce qu'on ne la redoute pas
on ne la remarque même pas, tant elle rampe
bas. Pourtant cet être inconsistant a des appé-
tits, des désirs, il sait s'insinuer, il est prêt è
subir toutes les humiliations et se rend inté-
ressant par ses souffrances. Il sait guetter le
moment où la femme est désarmée et en pro-
fiter. Enfin une nullité est d'autant plus se-
LUNDI 18 AOUT 1913
CINQUANTE-TROISIEME ANNEE. N" 19037
PRIX DE L'ABONNEMENT
MBS, SEINE et ÎEBŒ-ET-OBE.. Trois mois, 14 fr.; Six atla, S8 fr.; mai, 56 tt.
MPABI" ctALSACE-LOREAIHE.. IV fr.; 34 fr.; 68tr.
OTIOU POSTAIS. lSfr.; SSfr.; 73 fî.
LES ABOimBMEKTS DATB5I DES 1" Et 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (départements) SO centimes
ANNONCES MM. Lagrange, CERF ET Cle, 8, place de la Boursa
la Journal et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant à leur teneur
TBLÉPDVNE, S LMilf ES
N« tOÎM>7 103.08 103.09 103.38 103.38
PRIX DE L'ABONNEMENT
MES, sbhe et secœ-et-oke.. Trais mois, 14 fr. Six mois, 8S fr. B» «, 58 ffc
BtPAET" et AISâCB-lOBBABlE.. 1*7" fr.; S4tf.; Sa fr.
«BOHPOSTâlE ISfr.; 33 fr.; 78 b
LES ABOKKtaBEinS DATENT BBS i" ET 16 DE CHAQUE BOIS
Un nuxraéro (à Paris) s 1S centime»
Directeur politique Adrien Hébrard
ÏMtes las lettrre desfcwes à la Rédactira doivent être adressées as Breetw
Le Jtvrnal ne pvmmt rèpendrc des manuscrits etmmtmiquU
prie les exteurt d'en garder copie
A»M63E TBLÉ«RAraîQUE TKaM»» PA»lg
Nos lecteurs trouveront en sixième page
la carte du terrain sur lequel les grandes
manoeuvres d'armée auront lieu cette année.
awsArmrni
SOMMAIEE
En Marge la Marquise de La Tour dit Pin et la
famille dé Chambeâu, HENRY Roujon.
Chronique théâtrale la Saison russe, Michel
DELINES.
PAGE 2
LES AFFAIRES d'Orient l'Action diplomatique;
Contre le traité de Bucarest. Nouvelles de
l'Etranger la" France et l'Allemagne à San-
Francisco; la Situation ait Mexique, etc.
En Alsace-Lorraine. Colonies Au Maroc; En
Tunisie.
PAGE 3
tfariétés étrangères le Bilan de l'Angleterre ra-
dicale, Philippe MILLET.
La Vie artistique John Lewis Brown, ses idées
sur la peinture, etc., Thiébault-Sisson.
Promenades et visites Ri. Louis Barthou au-des-
sus des nuages, JEAN Lefranc.
Nouvelles du jour M. Raymond Poincaré à Bar-
le-Duc; Déplacements ministériels. Mouve-
ment social le Congrès anarchiste; les Employés
et les prud'hommes, etc.
PAGE 4
Nouvelles universitaires. Marine.
4u jour le jour la Police parisienne sous l'ancien
régime, H. DE Gallier; la Lutte contre la tu-
berculose.
Faits-divers les Retraites militaires; les Scan-
dales du 5° arrondissement; Secousses sismi-
ques, etc.
Revue dest revues les Balzaciens; le Flirt; les Exi-
lées volontaires; Bérenger et le dictionnaire, etc.
PAGE 5
[Voyages pittoresques Une chevauchée à travers
le Hauran, Maximilienne Biais.
Art et curiosité Littérature et archéologie mê-
lées les Cascades de Gimel; les Restaurations
d'Albi, etc.
Théâtres « Yvonic » à la Comédie-Française, etc.
Sports l'Allemagne et ses dirigeables, etc.
Nécrologie. Tribunaux..
PAGE 6
Les Grandes manœuvres d'armée du Sud-Ouest
(avec carte).
BULLETIN DE L'ETRANGER
BULLETIN DE_L'ÉTMNGER
LES ARMEMENTS AUSTRO-HONGROIS
Les commentaires de la presse autrichienne
et de la presse hongroise qui accompagnent la
nouvelle loi élaborée par les bureaux du minis-
tère de la guerre de Vienne ne permettent pas
de douter que la monarchie dualiste ne à'ap-
prête à un effort militaire considérable. Les
augmentations projetées sont en effet de .35,000
hommes pour la partie du contingent destinée
à Yarmée commune et de 20,000 pour la frac-
tion incorporée dans les deux landwehrs. Si
l'on observe que dès 1912 le contingent annuel
,ïolâV precédeinment f&é à 135,370 'himime's,
avait reçu un accroissement de.S6,930 hommes,
comme conséquence de la réduction du service
à deux ans, on conclura que les prochaines
classes austro-hongroises vont s'élever à
277,000 hommes environ et qu'en l'espace de
trois années seulement (1910-1913) elles se se-
ront numériquement accrues dans le rapport
de un à deux. L'armée sur le pied de paix at-
teindra le.niyeau de 580,000 hommes, non com-
pris les officiers et les sous-officiers; et si l'on
fait état de toutes ses catégories de personnel, il
suffira de rappeler une seule classe de réser-
vistes (277,000 hommes) pour avoir sous les ar-
mes un million de combattants.
Que si l'on s'enquiert des motifs propres
à justifier un accroissement de cette impor-
tance, on les trouve dans les besoins nouveaux
de la défense nationale, tels qu'ils apparaissent
au lendemain des deux guerres d'Orient.
L'équilibre militaire a été brusquement mo-
difié dans les Balkans. La Russie se prépare à
des armements nouveaux. Ces deux données
doivent d'autant mieux réagir sur l'état des
effectifs austro-hongrois que l'insuffisance en a
été vivement ressentie au cours de la mobilisa-
tion partielle ordonnée à l'occasion des événe-
ments d'Orient.
Les renseignements précis fouruis à ce sujet
font ressortir que l'infanterie se trouvait alors
dans un état d'affaiblissement numérique, ou
comme le général von Schœnaich l'avait dit en
'd910, de véritable *« dessèchement ». Liée
FEUILLETON DU ^CtUpS
DU 18 AOUT 1913
GflHOItlQDE TflÉflTftflliE
LA SAISON THEATRALE EN RUSSIE
(1912-1913)
Les Otages de la vie, drame en cinq actes par
M. Sologoub.
Katherine Ivanovna, drame en quatre actes par
M. Leonide Andréev.
Tante Ania, par M. Naïdenov. Natalie Pouchkine,
par M. Botzianovski. Le Faust de Gœthe au
théâtre Nezlobine.
Triomphe de Molière au théâtre Artistique de Mos-
cou.– Encore le théâtre de demain.
La saison a commencé à l'Alexandrinski
Théâtre de façon assez orageuse; le comité de
lecture, l'administration et les artistes étaient
d'avis partagés: les uns refusaient de donner
pour la première fois l'hospitalité à une pièce
de M. Sologoub, les Otages de la vie, et les au-
tres se déclaraient ses admirateurs passionnés.
Les comédiens enthousiastes de la nouvelle gé-
nération.ayantà leur tête le régisseur, M; Meyer-
hold, dont nous avons pu appreciej.' au Châtelet
le talent de metteur en scène, soutenaient que
cette pièce était de celles qui peuvent réfor-
mer le théâtre, et leur opinion, bruyamment
défendue par leurs partisans dans le comité de
lecture et l'administration, prévalut.
Ce fut une victoire des jeunes, claironnée
par les journaux, heureux de servir au public,
toujours friands de menus faits des coulisses,
toutes les péripéties de la lutte et de préparer
ainsi de longue main une sensationnelle pre-
mière.
M. Sologoub, qui a si bien réussi à rallier le
suffrage des jeunes, par la date de sa nais-
sance appartient à une autre génération; on a
fêté dernièrement l'anniversaire de sa cin-
quantième année. Il n'y a pas d'écrivain russe
qui soit plus hautement prôné pas les uns, ni
attaqué avec plus d'âpreté par les autres, bien
que tous s'accordent à lui reconnaître une va-
leur artistique peu commune.
D'abord poète décadent et ensuite romancier
non moins décadent, il se distingua toujours
de ses émules par une note exclusivement per-
sonnelle. Fils d'une paysanne de Poltava.il
quant aux effectifs à la loi même, qui fixait in-
variablement le contingent à 135,370 hommes,
elle avait dû faire les frais de toutes les créa-
tions organiques nouvelles, dans les domaitres
de l'artillerie, du génie, de l'aérostàtion, des
troupes de communication. Ses quatrièmes ba-
taillons étaient tombés au rang de troupes-ca-
dres et n'avaient plus, dans leurs quatre com-
pagnies, de quoi en faire vivre une seule.
C'étaient ces faibles noyaux actifs qui avaient
dû se mobiliser à l'automne de 1912, en se com-
plétant alors à 200 ou 250 hommes. Or chacune
des classes incorporées sous le régime de la
loi de trois ans n'avait pu donner à chaque
compagnie que le tiers de l'effectif budgétaire,
soit 28 recrues. Ce chiffre se retrouvait à l'oc-
casion de la mobilisation de 1912. Il exprimait
cette fois le nombre des réservistes d'une même
classe reçus dans chaque compagnie. On voit
que pour porter la compagnie au pied de
guerre indiqué il ne fallait pas moins de six
classes successives, ce qui obligeait à recourir
à des réservistes mariés et pères de famille.
Cette solution était à la fois coûteuse pour le
Trésor, en raison des indemnités dues aux fa-
milles, et fâcheuse au point de vue militaire,
en raison du peu d'homogénéité présentée par
les unités mobilisées.
Les nouvelles classes de 277,000 hommes es-
comptées par le recrutement austro-hongrois
faciliteraient au contraire les mobilisations en
rajeunissant les réserves. Elles donneraient par
surcroît à l'armée active des disponibilités de
personnel dont il pourrait être fait usage pour
relever à 130 hommes l'effectif des compagnies
de couverture, à 110 hommes celui des compa-
gnies de l'intérieur. Chaque artillerie division-
naire pourrait être dotée d'une sixième batterie;
d'autres créations seraient effectuées dansledo-
maine de l'artillerie de forteresse et des troupes
techniques.
Par ce renforcement général, l'armée de la
monarchie aurait, selon le plan de l'état-major,
une contenance si respectable dès le temps de
paix qu'elle n'aurait plus en temps de crise à
recourir au ruineux système des mobilisations,
comme elle a dû le faire en 1908 et 1912. Tous
les desiderata de la politique seraient satisfaits,
toutes les démarches de la diplomatie seraient
soutenues. Mais si ce programme militaire ré-
pond au rôle à jouer dans le domaine des
relations internationales, il cadre moins bien
avec les conditions de la politique intérieure, et
l'on doit s'attendre à ce que l'obstruction par-
lementaire lui fasse subir avant peu des retards
sensibles et de notables déformations.
♦
DERNIÈRE HEURE
M. Raymond Poincaré à Bar-le-Duc
M. Raymond Poincaré, après avoir prononcé, au
banquet qui lui a été offert dans sa ville natale, le
discours qu'on lira plus loin, s'est rendu à la
préfecture, où il a pris quelques instants de repos.
Le président de la République a visité ensuite
l'hôpital, et il a fait remettre 2,000 francs pour les
pauvres de la ville et 500 francs pour l'hôpital.
Les retraites militaires d'hier
Douze arrestations ont été opérées hier soir à
l'issue des retraites militaires. Si;t -des Hjaraijfes-
'tants les plus «ompTQ-mjs ont-«lé envoyés ce matin
au l>épôL pour outrages b.\ l'armée, injures atvsç
agents et port d'armes prohibées.
Cambriolage boulevard Pereire
Des malfaiteurs ont cambriolé cette nuit l'hôtel
du peintre Edouard Monchablon, 74, boulevard
Péreire.
C'est la concierge d'un immeuble voisin qui ce
matin, s'étant aperçue que les portes de l'hôtel,
momentanément inhabité, étaient entr' ouvertes, a a
informé la police.
Mort de la comtesse Tarnowska
Saint-Pétersbourg, 17 août.
On annonce que la comtesse Tarnowska, qui fut
l'héroïne du procès fameux de Venise, intenté à
la suite de la mort tragique du comte Komarowsky,
s'est pendue ou a été assassinée dans le train en-
tre Saint-Pétersbourg et Kief. Une enquête est
ouverte..
♦
Le commerce extérieur en juillet 1913
Le développement du commerce extérieur de
la France continué d'être satisfaisant. A la fin
du septième mois de l'exercice, on constatait
une augmentation de 204 millions 612,000 francs
dans les entrées, de 200 millions 832,000 francs
dans les sorties. Et la statistique douanière du
mois dernier est meilleure encore que celle des
manifeste dans ses poésies décadentes non la
morbidesse raffinée et élégante de l'Occident,
mais la cruauté du moujik qui a. cessé d'être
esclave et n'est pas encore parvenu à faire de
soi un homme libre. Il y a du Smerdiakov dans
son œuvre, bien qu'il n'imite en rien les Frères
Karamazov et donne simplement sa propre vi-
sion des hommes et de la vie, car il ne les dis-
tingue qu'à travers un voile de boue.
Il n'en faudrait pas conclure que les écrits de
M. Sologoub ne respirent que souffrance et
mort. Il envisage toute œuvre littéraire comme
une légende créée; or une légende n'est pas né-
cessairement de la réalité, des élans vers l'au-
delà lui sont permis et l'auteur a la facilité de
créer des êtres irréels, qui ne sont pas de ce
monde, mais qui charment parce que la poésie
émane de tous leurs gestes. Ces deux éléments
se retrouvent dans la pièce de M. Sologoub
les Otages de la vie.
Mikhaïl aime Katia, mais il n'est encore
qu'un étudiant pauvre de l'école des ponts et
chaussées et gagne son pain en courant le
cachet. Katia appartient à une famille de ter-
riens, appauvrie par l'émancipation des serfs
et qui voit de jour en jour sa situation empi-
rer. Un riche mariage la relèverait. Justement
Katia est recherchée parle richissime Soukhov,
qui va être nommé maréchal de la noblesse.
Les parents de la jeune fille lui font part de
cette proposition inespérée et la pressent de l'ac-
cepter. Ils la mettent en garde contre son igno-
rance de la vie, l'assurent qu'à vingt ans elle
ne peut la connaître.: Katia se rebiffe
Je ne suis pas aussi ignorante que vous le
supposez. Je sais tout.
Voyons, voyons, dis-nous un peu ce que
tu sais?
Je sais, que si l'on prend un mari sans
amour, c'est comme si un homme prenait une
prostituée. et encore le premier mari!
C'est précisément parce qu'elle le sait et que
M. Sologoub lui a insufflé son amère philoso-
phie qu'au bout de quelques scènes Katia, tout
en versant des larmes et en se berçant de rêves
fantastiques, accepte le riche parti qu'on lui
offre. Il est vrai qu'elle lui pose une condition
plutôt bizarre Soukhov doit lui promettre,
sur sa parole d'honneur, que le jour où elle
voudra le quitter, il lui rendra son entière
liberté.
Sur ma parole d'honneur, soit. Tout de
même, le pacte est étrange.
Etrange ou pas, j'ai votre parole?
Et je la tiendrai.
Forte de cette promesse, Katia va trouver
Mikhaïl et lui explique que c'est parce qu'ils
s'aiment qu'elle doit agir de la. sorte.
deux mois précédents, qui révélait déjà une ten-
dance excellente. La. Valeur totale des échanges
commerciaux avec l'étranger et les colonies a
en effet progressé de plus de 80 millions, ainsi
qu'en témoignent les chiffres ci-dessous, qui
résument les variations, par grandes catégories
de marchandises, des ventes et achats effectués
en juillet 1913, comparés aux opérations cor-
respondantes de juillet 1912
IMPORTATIONS -̃
Objets d'alimentation Fr. 22.619.000
Matières nécessaires à l'industrie. -|- 61.224.000
Objets fabriqués + 13.36S.000
Différence pour 1913.Fr. + 51.973.000
EXPORTATIONS
Objets d'alimentation.Fr. + 3.110.000
Matières nécessaires à l'industrie. 4.171.000
Objets fabriqués + 35.967.000
Colis postaux + 3.536.000
Différence pour 1913. Fr. + i38.4i2.000
La plus-value a aonc atteint, en cnuires ronas,
52 millions à l'entrée et 38 millions et demi à
la sortie, pour un mouvement d'affaires qui
avaient respectivement porté sur 643 millions
d'importations et 501 millions d'exportations.
Cette, situation d'ensemble est rassurante pour
ceux qui pouvaient redouter les répercussions
économiques des événements balkaniques. Mais
si l'on pénètre dans le détail, l'impression est
encore plus favorable.
A l'importation on observe un fléchissement
de 22,619,000 francs dans la valeur des produits
alimentaires. C'est que non seulement, le mois
dernier, nous avons continué de réduire, par
rapport à l'année précédente, nos acquisitions
de vins, de; sucres, de bestiaux, mais la nou-
velle récolte, soit que la qualité en ait été meiïV
lenrë, soif que la moisson ait été plus hâtive,
nous a permis en outre de diminuer nos achats
en blé de 200,000 quintaux 1,013,775 au lieu de
1,818,432 en juillet 1912. Là réduction enregis-
trée sur les achats d'objets d'alimentation est
donc un indice de nature à contenter également
producteurs et consommateurs. L'augmentation
de 61,224,000 francs dans les entrées de ma-
tières premières atteste la mise en œuvre par
l'industrie nationale de quantités plus considé-
rables et affirme la situation florissante au
moins de certaines branches. Quant à l'accrois-
sement de 13,368,000 francs dans le montant
des objets fabriqués introduits en France par
l'étranger, il ne saurait justifier certaines ap-
préhensions, en raison de l'imposante progrès-,
sion plus de 36 millions que l'on constate
dans nos ventes d'articles* similaires.
Cette progression continue dans nos expor-
tations d'objets fabriqués est la caractéristique
du commerce extérieur de la France en 1913.
Pour les sept premiers mois de l'exercice, la
plus-value de ce chef représente 165,185,000 fr.
C'est, à un million près, celle exactement qu'on
relève dans les importations de matières pre-
mières 164,193,000 francs. D'où l'on pourrait
conclure un peu superficiellement que les ma-
tériaux supplémentairement transformés par
nos industriels étaient destinés aux marchés,
étrangers ou coloniaux. Une semblable conclu-,
sion, émise sous cette forme rigoureuse, serait
d'une hardiesse et d'une présomption difficile?-
ment contrôlables. Il ;n'en reste pas moins que,
les deux phénomènes sont, dans une proportion
impossible .à, dét'erihînër exactement, .corréla-.
tifs •̃ ̃•̃ -.̃̃-̃ ,̃̃̃' •̃̃'•'
Quûi qu'il en soit, les statistiques douanières
apportent une fois de plus le témoignage vic-
torieux des efforts déployés, au milieu de diffi-
cultés que personne ne devrait ignorer, par les
industriels et les commerçants français pour
conquérir à leur pays des débouchés nouveaux.
En faisant pénétrer au loin les marques fran-
çaises, ils contribuent à l'expansion, au rayon-
nement de la France; ils la font connaître, ils
la font apprécier au dehors. Loin de nous la
pensée d'opposer les uns aux autres les agri-
culteurs, les commerçants et les industriels.
Tous travaillent d'un même cœur, d'un égal
courage à la prospérité et à la bonne renommée
de leur pays. Mais il serait inique et découra^
géant de voir les pouvoirs publics distinguer
entre tous ces bons agents de la richesse natio-
nale pour prodiguer aux uns les faveurs, en ré-
servant aux autres les charges. Que par mal-
heur, sous prétexte de réforme fiscale, on édicte
contre certains Français des impositions arbi-
traires et ces mesures inquisitoriales dont
M. Caillaux en sa première "manière, qui
était la bonne montra, avec une rigueur et
une précision implacables, à quel point elles
répugnent au tempérament français, et ce jour-
là, alors que les besoins financiers n'ont jamais
été si pressants, on aura, pour complaire à des
faiseurs d'abstractions associés à des déma-
gogues, tari quelques-unes des sources essen-
tielles de la fortune publique.
Je souffre, Mikhaïl, mais je suissur la vraie
voie. Crois-moi, c'est à toi que je suis fidèle. Je
me donne à un autre, mais l'âme fidèle garde
sa fidélité. D'ailleurs ceux qui aiment vraiment
ne changent jamais. L'âme est une et l'amour
est un. La flamme qui brûle dans mon corps
a été allumée par toi. Ma chute me vaudra
d'aller vers la force, vers la victoire, vers toi,
mon unique. Oh! mon aimé, mon bon Mikhaïl,
crois-moi.
Et le bon Mikhaïl, qui est resté pur par
amour de Katia, ne trouve que cette réponse
Katia, je te crois.
Nous nous séparons maintenant, conti-
nue l'ineffable Katia nous ferons tout ce que
nous demanderont les bons et les méchants
dominateurs du jour, nos maîtres fortuits.
Donnons-leur quelques années de notre vie en
tribut, tant que nous serons de faibles otages
de la vie, puis j'irai vers toi, mon ami, mon
beau Mikhaïl
Et le beau Mikhaïl répond
J'ai le désespoir dans l'âme, mais mon dé-
sespoir est lumineux; il est plus ensoleillé que
la joie!
Katia se montre généreuse; avant de quit-
ter Mikhaïl elle a soin de le pourvoir d'une
amie. Son choix se porte sur la douce Hélène
Luvogorskaja, surnommée Lilith, jeune fille
ultra-moderne qui danse pieds nus des danses
grecques. Cette Lilith a toujours aimé Mikhaïl
et s'est effacée en voyant qu'il lui préfère la
belle Katia. Quand Katia se donne en otage à,
la .vie. en prenant un mari qu'elle n'aime pas
elle ordonne k Lilith. de consoler Mikhaïl. II est
vrai qu'elle sait que Lilith n'est pas, comme on
le croit, une simple fillede propriétaire terrien,
elle est la légende créée, telle que M. Sologoub
la conçoit, ainsi que je l'ai expliqué plus haut.
-Je n'aime pas'le soleil, déclare Lilith, j'aime
la lune; je suis la Lilith lunaire qu'Adam a
aimée en premier, qui a été créée avant Eve et
lui a cédé sa place.
La Lilith moderne, très prosaïquement, en-
traîne Mikhaïl au cabaret, et sous l'ombrage des
arbres, à l'écart des habitués, ils boivent de la
bière en écoutant de la musique; ils pleurent et
rêvent.
Allons Lilith, mon cher rêve lunaire, s'é-
crie Mikhaïl, nous pleurerons et nous rêverons
ensemble jusqu'au jour où ma Vie viendra me
prendre.
Ils passent ainsi huit années. Dans l'inter-
valle Mikhaïl est devenu un célèbre ingé-
nieur.et s'est acquis une grande fortune. Il s'est
construit un admirable palais qu'il habite avec
Lilith et où, pour le distraire, elle danse devant
lui, nu-pieds, voilée de draperies fantastiques,
| aux reflets de clair de lune.
Scandaleuses manifestations
"Les retraites militaires ont domiéilieu, hier soir,
âdés manifestations scandaleuses et à des bagar-
res provoquées par les antimilitaristes. Depuis
plusieurs jours, la Bataille s yndicaliste invi-
tait ses amis à se préparer 'à cette noble interven-
tion. Les groupes plébiscitaires avaient relevé 'le
défi, et hier les antagonistes se sont rencontrés.
La mobilisation entreprise par la Bataille syndi-
caliste n'obtint guère de succès. Cela suffit néan-
moins pour troubler l'ordre et ternir l'éclat d'une
manifestation militaire qui est entourée du respect
et de la sympathie de la presque unanimité des
Parisiens.
Mais les partis extrêmes ne savent pas imposer
silence à leurs passions. Tous les prétextes leur
semblent bons pour manifester ileurs opinions po-
litiques. De là des cris injurieux qui sont absolu-
ment déplacés sur le passage de l'armée nationale.
Les antimilitaristes ont proféré hier des paroles
impies, qui seraient une honte pour un pays, si
elles ne provenaient d'un groupe infime d'égarés et
d'énergumènes. Ceux-ci avaient d'ailleurs choisi,
pour se livrer à leurs scandaleuses manifestations,
un jour de fête où la plupart des Parisiens sont ab-
sents, sinon ils auraient été noyés dans la foule
des patriotes et -leurs cris auraient été étouffés
sous la protestation vibrante des bons ̃ Français.
Il en fut tout de même ainsi, mais leur déroute
n'est pas le triomphe d'un parti. En France, tout
Jo monde est patriote, sauf 'une poignée d'anarchis-
tes. La police a montré hier qu'elle a le pouvoir
de réduire ceux-ci au silence. Cela suffit. Les pa-
triotes doivent se garder d'alimenter, par des polé-
miques et des interventions personnelles, 'les inci-
dents que préparent les antimilitaristes.
*r– ♦
EN MARGE
Il n'est joie que d'identifier. Je suis, en cette
période de vacances, l'hôte très choyé d'un parent,
châtelain d'une coquette gentilhommière gasconne,
aux environs de Vic-Fezensac. Le vignoble prin-
cipal du domaine a son chai en une métairie qu'on
appelle Chambeau. Le lieu m'est cher entre tous;
voici plus d'un demi-siècle que j'y fête les ven-
danges et que je pêche dans sa mare des tanches
tout en or. L'on m'avait raconté jadis le triste
sort de l'ancien seigneur, Pierre d'Areyx de Cham-
beau, guillotiné, pour incivisme, sur la place
d'Auch, le 26 germinal an II. L'avouerai-je? Je
songeais rarement à ce malheureux gentilhomme;
jo/pensais moins encore à son fils, j^orté sur la liste
de.sf émigrés. Mais voici que M', de Chambeau fils
s'avise de reparaître, non point sur le coup de mi-
nuit, couvert d'un drap blanc, à la manière des
revenants classiques, mais le plus simplement du
monde, entre les pages d'un beau livre. Il est évo-
qué par la plus exquise des magiciennes, cette mar-
quise de La Tour du Pin, qui vient, avec son Jour-
nal d'une femme de cinquante ans, d'enrichir la
littérature des Mémoires d'un chef-d'œuvre d'hé-
roïsme adorable. Le récit do la charmante mar-
quise met en scène d'innombrables personnages,
comparses des aventures diverses où elle joua le
premier rôle. Auprès de cette princesse de tragé-
die, quelqu'un sut tenir, en tout élégance, l'em-
ploi, un peu sacriflé de confident, et ce fut juste-
m'&itt le fils du seigneur infortuné de <èhambeau.
j'ai- pris ptrar ma part un plaisir ëmu'à retrôù-"
v|r ainsi, proche et intime, l'un de ces deux voi-
sins de campagne, si étourdiment oubliés. Mme de
La Tour du Pin n'avait pas connu M. de Chambeau
le père; elle nous présente le fils, parfait galant
homme, comme l'un. de ces Gascons qui se tirent
d'affaires en toutes les fortunes, et demeurent sans
pareils pour faire la nique à l'adversité.
Aux plus mauvais jours de la Terreur, la mar-
quise de La Tour du Pin, fille d'Arthur Dillon, se
cachait à Bordeaux, chez un sieur de Brouquens,
lui-même inquiété. La maison de ce Brouquens
abritait également un parent du maître du logis,
le jeune M. de Chambeau, ancien officier de cava-
lèïie, ayant émigré après la campagne de 1792.
Comment un gentilhomme de vingt-cinq ans, mi-
Ittâire et de pure race gasconne, eût-il pu refuser
son dévouement à une jeune femme, fugitive,
chargée de deux enfants en bas âge, persécutée et
belle à ravir? Chambeau se fit, en tout bien tout
honneur, le chevalier d'un si beau servage. La pe-
tite colonie de proscrits rencontra une fée pro-
tectrice dans cette bonne fille de Theresia Cabar-
nis. Tallien, stylé par sa maîtresse, se montra spi-
rituel et pitoyable; il ferma les yeux et laissa les
époux La Tour du Pin s'embarquer pour le Nou-
veau-Monde. M. de Chambeau accompagna en
Amérique les amis dont il avait été le fidèle com-
pagnon d'angoisse. Parti de Bordeaux avec un ca-
pital de vingt-cinq louis et une douzaine de che-
mises pour tout bagage, il se flt, à l'exemple de
M: et Mme de La Tour du Pin, fermier sur les
c~cn
Katia, après une longue séparation, re-
trouve.Mikhaïl et s'abandonne à lui avec dé-
lice, comme à un bonheur encore secret et par
cela même incomplet. Cette fois elle atteint
le zénith de sa double existence d'épouse
exemplaire de Soukhov, à qui, entre paren-
thèses, elle a donné deux enfants, et d'amante
passionnée de Mikhaïl. Cependant, elle n'a
pas encore eu le courage de réclamer de son
mari l'accomplissement de sa promesse mais
Mikhaïll'exige..
Soukhov, pendant ce temps, a totalement ou-
blié qu'il a si imprudemment donné sa parole.
Il proteste avec colère
Vilaine, vilaine Tu m'as pris le meilleur
de ma vie et maintenant que ton amant est
riche, tu vas le rejoindre. Vilaine, vilaine
J'ai ta parole; tu as promis de me rendre
ma liberté.
J'avais une foi absolue en toi.
Tu avais foi en ta force, en ton pouvoir, au
pouvoir des idées et des mots traditionnels.
J'ai cru en toi et pendant huit années tuas
su merveilleusement jouer le rôle d'une femme
aimante. Quelle absence de principes
Tous tes raisonnements ne changeront
rien à ma détermination. Je m'en vais.
Katia ne songe pas un instant à ses enfants
qu'elle va quitter. Lorsque Soukhov voit que ni
ses instances ni ses menaces ne peuvent re-
tenir Katia à son foyer il lui envoie son fils et
sa fillette pour l'implorer de retourner avec
eux àia maison. Elle refuse et leur déclare que
jamais elle ne rentrera dans la maison de leur
:$ere. ,-̃ ̃ =̃
̃' Plus tard, ajoute-t-elle,vous comprendrez
pourquoi j'agis ainsi; pour le moment, vous ne
pouvez le comprendre.
Les deux enfants insistent
Si, si, chère maman, dis-nous tout, nous
comprendrons.
Eh bien, mes chers petits, j'ai retrouvé
un vieil ami, que j'ai toujours aimé.Je veuxvi-
vredésormais aveclui.Vous ne comprenez pas?
Ton ami, c'est le monsieur à barbe noire
qui a beaucoup de bonbons?
Alors la maman donne à son fils une boîte
de bonbons et une autre à sa fille. Ravis, les
deux enfants prient leur mère de remercier
ppur eux Mikhaïl, puis la fillette fait une révé-
rence à sa maman, le garçonnet un salut, et
ils s'en vont sans que la mère s'en émeuve
davantage.
Vous trouvez cette scène aussi pénible qu'elle
est peu naturelle Ne vous ai-je pas prévenu
que Sologoub voit la vie sous un autre angle
que nous, simples mortels, et à travers un verre
fumé? Peut-être m'objectera-t-on qu'il y a des
bords de la Delaware. Son habileté de menuisier
devint précieuse dans la métairie, oti l'ancienne
dame d'honneur de Marie-Antoinette fabriquait du
beurre, qu'elle marquait à ses armes. Pendant
deux années, ces proscrits vécurent du Jean-Jac-'
ques et du Bernardin do Saint-Pierre avec un stoï-
cisme enjoué. « Charmant et aimable compagnon
d'infortune, dit la marquise de M. de Chambeau;
plein de bonne humeur, d'activité et d'adresse à
tout faire. » Dès son arrivée à Albany, Gham-
beau avait appris la mort tragique de son père.
Lorsque ses amis repartirent pour l'Europe, il les
accompagna encore. Moins heureux qu'eux, et
n'étant point rayé de la liste des émigrés, il dut
les quitter à Madrid. Il connut là l'extrême misère.
Les La Tour du Pin durent lui faire passer des
secours. Sous l'Empire, il parvint à réunir quel-
ques débris de sa fortune confisquée, et obtint un
emploi à Anvers. Lorsque ses amis d'Amérique
tombèrent dans la disgrâce de Napoléon, il leur
vint en aide à son tour. Puis la vie sépara ces
gens de cœur qui s'étaient noblement éprouvés.
Bien longtemps après, en 1845, Mme de La Tour
du Pin écrivait ceci « Je ne sais plus rien de cet
excellent homme. Je l'ai revu, il y a dix ans, à Pa-
ris. A cette époque, installé dans une petite mai-
son de campagne, à Epinay, il était tout entier
subjugué par deux jeunes servantes, qui avaient
acquis un fâcheux empire sur sa vieillesse. Elles
ont pris soin d'empêcher qu'il ne se rapprochât de
nous. Notre pauvre ami n'existe probablement
plus. » On ne m'enlèvera point de l'idée que dans
cette lamentable vieillesse à la Balzac, M. de
Chambeau se consolait d'un grand renoncement. Je
l'imagine secrètement, timidement, peureusement
amoureux de l'irrésistible et inaccessible marquise
en sabots de fermière; il me plaît de deviner au
fond de'son silence' xin po'ème de sacrifice et de
regret. Sans- un peu d'hypothèse, il n'y aurait
point de bonne identification.
Restait à identifier M. de Chambeau père. Le
Journal d'une femme de cinquante ans parle peu
de lui. « Au moment de son départ, notre ami
apprit que son père, bon gentilhomme de Gascogne
et habitant dans sa terre près d'Auch, dénoncé par
un valet de chambre à son service depuis trente
ans, avait été arrêté et mis en prison. » C'en était
assez pour indiquer une piste. J'allais m'y engager
à tout hasard, lorsqu'un ami, prenant en pitié ma
paresse de chroniqueur en vacances, m'a permis de
bénéficier de ses recherches. M. Z. Baqué, insti-
tuteur adjoint à Vic-Fezensac, s'est fait l'historien,
aussi consciencieux que bien informé, de notre
vieille cité gasconne. Il prépare une savante mono-
graphie, dont il me communique libéralement le
manuscrit. J'y trouve, reconstituée d'après les
pièces d'archives, la mésaventure typique de Pierre
d'Areyx de Chambeau.
La politique est, chez les habitants de Vic-Fezen-
sac, un antique péché; aussi toutes les passions de
la Terreur se résumèrent-elles en ce microcosme.
Les jacobins en expulsèrent savamment l'esprit
girondin. A partir de frimaire an II, une société
populaire, strictement terroriste s'empara de l'in-
fluence et médusa la municipalité. Le nom de
Fezensac rappelant la féodalité, la ville, à l'exem-
ple de Lyon et de Toulon, changea de nom et de-
vint Vic-sur-1'Oise. M. de Chambeau père dut
déposer à la municipalité sa croix de Saint-Louis.
Cet acte de civisme ne désarma point le jacobi-
nisme vioois. Se sentant suspect en ses qualités de
ci-devant, d'anoien capitaine du régiment du P-er-
clie et -de'pèi'e d'un émigré, M.'tfe Chambeâu réso-
lut dç' .rejoindre son 'fils. Il avait rempli un baril
d'argenterie et d'objets précieux et avait enterré
ce dépôt au pied d'un arbre de son parc. Ainsi que
le raconte Mme de La Tour du Pin, il fut dénoncé
à la société populaire par un de ses serviteurs.
M. Baqué me donne le nom de ce sans-culotte
exemplaire il s'appelait Couergou. Trois com-
missaires furent chargés de vérifier la patriotique
dénonciation; ils déterrèrent le baril; le défon-
cèrent et n'y trouvèrent que de vieilles savates.
Couergou n'était pas sans génie; on aimerait à con-
naître le développement de sa carrière.
M. de Chambeau n'en fut pas moins arrêté et
emprisonné. Le tribunal révolutionnaire le con-
damna à la peine capitale. Voici les motifs de son
jugement. Ils sont généralisateurs et oratoires,
ainsi qu'il leur convenait d'être au pays de la po-
litique et de l'éloquence :« Considérant que Cham-
beau, ci-devant noble et père d'émigré, est con-
vaincu, d'après la procédure instruite devant la
municipalité de Vic-Fezensac, et d'après son pro-
pre aveu, d'avoir enfoui dans la terre une quan-
tité d'argenterie et une somme immense de nu-
méraire pour les soustraire à la nation, délit at-
tentatoire aux besoins de la souveraineté natio-
nale, d'avoir fait émigrer son fils et de lui avoir
fourni les moyens nécessaires pour combattre les
amis de la liberté, d'avoir embauché et soldé des
hommes faits pour combattre les tyrans, de les
avoir engagés par ces moyens à aller porter un
fer assassin dans le cœur des hommes libres; en
conséquence la commission extraordinaire, consi-
sentiments primitifs, naïfs, vieux comme le
monde mais éternels, qu'on n'aime pas à voir
bafoués, et que l'amour maternel et le respect
de l'enfance sont du nombre? Ce fut l'avis
d'une partie du public àl'Alexandrinski Théâtre.
Katia et Mikhaïl, que ces scrupules n'encom-
brent pas, exultent à l'idée qu'ils sont débar-
rassés de ces petits êtres et les regardent avec
sérénité retourner auprès de leur père qu'eux-
mêmes méprisent.
Nous allons vers la vie libre et joyeuse
s'écrient-ils, nous créerons une nouvelle vie,
telle qu'il n'en a pas existé avant nous. Nous
avons retrouvé la jeunesse, nous sommes
redevenus des enfants
Qu'as-tu fait de Lilith? demande Katia.
Lilith ? répond Mikhaïl. Cette triste lé-
gende aux grands yeux? Ce rêve crépuscu-
laire Elle a disparu. Elle est allée vers celui
qui rêve
La scène s'assombrit et tout à coup l'on
voit, au fond, un escalier de marbre blanc qui
conduit à une vaste salle blanche et lumineuse.
Au haut de l'escalier apparaît Lilith, vêtue de
blanc, bien que l'auteur ait indiqué nettement
qu'elle doit être drapée de noir. Le front ceint
d'un diadème d'or, Lilith avance d'uri pas so-
lennel et clame
Je suis brisée. Des siècles ont passé sur
ma tête, j'appelle à moi l'homme, et quand mon
œuvre est accomplie, je disparais. Et Dulci-
née n'est toujours pas couronnée et le chemin
que je dois suivre s'allonge toujours deyant
moi.
Cette pièce incohérente- et décevante, les
Otages de la vie, mélange de réalisme cynique
et brutal et de symbolisme puéril et dénué de
poésie et de foi, est agrémentée de ces raffine-
ments de l'art ultra-moderne qui ont tant de
prise sur un certain public et lui font accepter,
comme des vérités philosophiques, les plus
creux paradoxes. Ainsi Lilith incarne l'idéal
du héros, qu'il poursuit toute sa vie et qui
l'adandonne le jour où il croit l'atteindre pen-
dant qu'il savoure sa victoire. Cette donnée
aurait pu inspirer à un poète des oppositions
curieuses. Le souffle et la foi ont manqué à
l'auteur. La Lilith de M. Sologoub, au contact
de ces parfaits égoïstes, Katia et Mikhaïl, n'est
plus qu'une vulgaire danseuse à la mode, qui
cherche en vain, par des poses extravagantes,
à se hausser au type de la femme légendaire
que le rabbi Jehuda attribue à Adam, et qui,
créée avant Eve, s'est enfuie pour lui céder la
place, le jour où nos premiers parents ont été
chassés du Paradis et que l'idéal a été à jamais
voilé.
C'est encore un nouvel aspect de la femme
clérant encore qu'il est un de ces êtres qui mal-
heureusement pour le genre humain n'ont que'
trop longtemps vécu, condamne ledit Chambeau a'
la peine de mort. »
.Notre -cher Midi possède, à l'état de défaut et
de vertu, la faculté d'en mettre toujours un pou
trop. Les terroristes du Gers ne se contentèrent
point de guillotiner M. de Chambeau; ils voulu-
rent encore lui faire bonne mesure de pathétique1
littéraire. La mort sans phrases, c'est bon pour le.
Nord! 1
HENRY ROUJON.
LES AFFAreÊS D'ORIENT
li~ AFFAIHEOÙ' D'O nuIENT
L'action diplomatique
Si les menaces que l'ambassadeur de Tur-
quie a fait entendre à Saint-Pétersbourg contre
la Bulgarie répondent aux intentions immé-
diates de la Porte, l'accalmie qui avait suc-
cédé à la paix de Bucarest serait de courte du-
rée.
Turkhan pacha a notifié en effet à M. Sazo-
now que la Turquie se verrait obligée de décla-
rer la guerre à la Bulgarie si celle-ci continuait
à massacrer en Thrace les populations otto-
manes. On sait que les excès dont les Ottomans
en Thrace ont eu à souffrir de la part des Bul-
gares ont déjà servi à expliquer le passage des
troupes turques sur la rive droite de la Ma-,
ritza et l'avance au delà d'Andrinople. Les
Turcs ont profité de la démobilisation bulgare'
pour pousser ces pointes jusque sur les fron-.
tières de l'ancienne Bulgarie, et ils arguent de
l'armée qu'ils ont réunie sur la Maritza non
seulement pour refuser d'évacuer Andrinople,
mais pour menacer la Bulgarie de la guerre.
L'armée turque est incontestablement plus
forte actuellement qu'au début de la guerre avec
les alliés. Elle est plus homogène et plus sûre
d'elle. La diplomatie de la Porte a ainsi beau
jeu pour tenir tête à l'Europe et à la Bulgarie.
Elle sait que la première ne lui fera pas la
guerre pour Andrinople et que la seconde est
hors d'état de reprendre les hostilités. Néan-
moins il est peu probable qu'elle veuille tirer
parti jusqu'au bout de son avantage pour pren-
dre une revanche complète. Elle n'a vraisem-
blablement d'autre but que d'amener le gou-
vernement de Sofia à négocier avec elle et à
conclure un traité dont les stipulations, effa-
çant celles qui subsisteraient encore de la paix
de Londres, lui laisseraient la possession d'An-
drinople et arrondiraient ses frontières.
La Turquie menace Ba Bulgarie
de Sa guerre
Notre correspondant de Saint-Pétersbourg télégraphie:
L'ambassadeur de Turquie Turkhan pacha a re-
nouvelé auprès de (M. Sazonow les protestations
de son gouvernement contre les excès des Bulgares
sur 1 es populations musulmanes de .la Thrace. Ces
populations adressent aux commandants ottomans
les appels les plus pressants pour qu'on ne les
laisse pas davantage exposées aux cruautés bul-
gares, et elles demandent l'envoi de troupes pour
les protéger.
ïTu-rldîaii: pacha a., déclaré que si cette situation
ne. -se '•modfliait pas] "la Turquie serait amenée à
déclarer la guerre à'la Bulgarie. ">
On ne croit pas que semblable communication ait
été faite dans d'autres capitales.
D'autre part la Gazelle nationale de Berlin public
les déclarations suivantes de l'ambassadeur de Turquie
à Berlin, Mahmoud Moukhtar pacha
Il n'existe pas pour la Turquie de question d'An-
drinople. Notre armée est la plus forte que nous
ayons eue depuis Plevna, et c'est cette armée qui
nous donne la meilleure garantie de la paix.
Nous avions eu le tort, au début de Ja guerre, de
former vingt-quatre corps d'armée, et pour y arri-
ver, nous avons bourré nos unités de vieux réser-
vistes. Aujourd'hui, .l'armée de Thrace est compo-
sée de l'armée de Tchataldja. qui a repoussé vic-
torieusement 'l'assaut des Bulgares, et de 250,000
jeunes soldats bien exercés.
Nos troupes souffrent seulement du manque d'eau
parce que les fontaines sont empoisonnées par des
milliers de cadavres de braves gens égorgés si
cruellement par les Bulgares.
Quant au boycottage financier dont on nous me-
nace, il nous importe peu.
La Turquie ne veut pas s'installer
au déjà de la Maritza
Au sujet de la nouvelle selon laquelle les Turcs
approcheraient de Gumuldjina et du bruit suivant
lequel une démarche des puissances pour engager
la Turquie à ne pas dépasser la Maritza serait im-
minente, un haut personnage du ministère des
affaires étrangères ottoman a déclaré que la Porte
n'a jamais donné à ses troupes l'ordre d'aller à Gu-
muldjina et qu'elle est fermement résolue à rie pas
russe que M. Andréev a la prétention' de nous
révéler dans son dernier drame de quatre
actes, Katherine Ivanovna, que vient de donner
le renommé théâtre Artistique de Moscou. Le
public de la première représentation ne fut
pas séduit et manifesta son mécontentement
par une tempête de sifflets et de protestations.
La direction de cette grande scène avait prié
l'auteur de modifier un peu le dernier acte.
M. Andréev refusa et fit insérer dans les
journaux une lettre où il prenait à, partie le
public des premières et le traitait carrément
de borné et d' « incapable de reconnaître une
œuvre d'art ». Voyons cette pièce et tâchons
d'être plus compréhensifs que le public trié
des premières.
Une querelle dans les coulisses inaugure le
premier acte. On entend une voix d'homme
qui hurle « Tu mens! Tu es une fille!» »
Elle se défend, proteste dç son innocence. Deux
coups de revolver retentissent. Une femme tra-
verse en courant la scène, qui représente une
salle à manger, et se réfugie dans une autre
chambre. Un homme ta poursuit et tire une
troisième fois. Un étudiant s'interpose, par-
vient à le désarmer et s'efforce de le calmer.
L'homme au revolver est M. Stibelev, mem-
bre de la Douma. C'est la première fois qu'un
député russe a les honneurs de la scène, et je
doute que les femmes des représentants du
peuple russe en soient très flattées.
Stibelev a résolu de tuer sa femme Katherine
Ivanovna parce qu'il est persuadé qu'elle est la
maîtresse de Mentikov, jeune homme qu'il dé-
teste à cause de sa, nullité. En vain son jeune
frère, l'étudiant Alexis, qui l'a desarme, s'em-
ploie-t-il a iui démontrer que sa jolie et spiri-
tuelle belle-sœur, qu'il adore; n'est pas coupa-
ble. Stibelev rétorque qu'il a suivi sa femme,
qu'il l'a vue entrer dans l'hôtel où demeure
Mentikov et qu'elle y est restée deux heures.
L'étudiant a confiance en sa belle-sœur et il
ne veut pas admettre que Katherine Ivanovna
ait pu se donner à cette nullité de Mentikovt
un rapin raté, sans instruction, fat et sot.
Le député Stibelev a une curieuse théorie ii
estime qu'il n'y a en amour que les nullités qui
soient redoutables et ne prend point ombrage
des hommes de valeur, comme par exemple
son ami le célèbre peintre Koromislov.
Rien de plus dangereux, explique-t-il.
qu'une nullité, parce qu'on ne la redoute pas
on ne la remarque même pas, tant elle rampe
bas. Pourtant cet être inconsistant a des appé-
tits, des désirs, il sait s'insinuer, il est prêt è
subir toutes les humiliations et se rend inté-
ressant par ses souffrances. Il sait guetter le
moment où la femme est désarmée et en pro-
fiter. Enfin une nullité est d'autant plus se-
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