Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1909-08-02
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 02 août 1909 02 août 1909
Description : 1909/08/02 (Numéro 17567). 1909/08/02 (Numéro 17567).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
,/LUJNDl 2 AOUT 1909?
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ADRESSE télboraphiqub TEMPS PARIS
BULLETIN DE L'ETRANGER
LA VISITE DU TSAR A CHERBOURG
Les toasts de Cherbourg ont été ce qu'ils pou-
tyaient et devaient être une consécration nou-
ivelle de l'alliance à laquelle les deux. gouver-
nements et les deux nations restent fermement
lattachés. Ces toasts marquent d'abord la fidélité
Ses deux pays à'ieur accord de raison et d'in-
térêt. C'est le côté purement politique de la
[question. L'alliance franco-russe trouve sa rai-
son d'être dans la situation géographique des
deux Etats qu'elle unit, dans leur histoire, dans
les ambitions de leurs rivaux, dans leurs désirs
légitimes de défense mutuelle. Mais il existe
entre la République française et l'empire
russe plus qu'un accord de raison et d'intérêt.
Le tsar a rappelé « les chaleureuses sympa-
thies » qu'il nourrit personnellement à l'égard
Me la France. M. Fallières a exprimé à son hôte
impérial « les sentiments d'attachement que la
France porte à la Russie », après lui avoir dit
la profonde gratitude de notre pays « pour les
marques de fidèle sympathie et d'inaltérable
amitié » qui lui ont été données par les sou-
jverains russes. Les toasts de Cherbourg ont de
ce fait un caractère de chaleur et de cordialité
tout particulier.
On jugera peut-être qu'ils auraient dû être v
plus nerveux, plus affirmatifs dans les espé-
rances qu'ils traduisent. Il est permis de penser
que l'alliance franco-russe sagement mise en
içeuvre peut donner dans l'avenir non seule-
ment « des effets non moins heureux que ceux
Qu'elle a produits dans le passé » mais encore
lipes effets plus heureux. Plusieurs fois, au cours
Siïes dernières années, l'occasion a été fournie
àe regretter que l'alliance de 1891 ait été à un
(moment détournée de son sens et de son but,
He regretter aussi que les deux alliés aient
perdu de vue que la diplomatie est fonction de
la puissance militaire, que les peuples trouvent
Hans leur force seule la garantie de leur
Sécurité. Evidemment l'alliance franco-russe a
jeté depuis sa conclusion un des piliers de la
paix du monde. Elle a rendu ainsi de très pré-
cieux services. Elle eût pu en rendre davantage
si certaines fautes avaient été évitées. Les évé-
nements mêmes, et en 1905 et en 1908, nous
ont donné une leçon qu'il serait coupable d'ou-
folier.. L'alliance franco-russe, ramenée dans
les limites de son efficacité naturelle doit de-
iyenir un instrument de plus en plus puissant.
jjQ'est à cette condition qu'elle restera une des
(bases de la paix du monde.
On aperçoit aisément, d'ailleurs, la raison
(pour laquelle ni M. Fallières, ni l'empereur de
Russie n'ont donné à leurs toasts une couleur
lus accentuée. Il y a dans le monde un pro-
ïond besoin de paix. Le président de la Répu-
blique et le tsar n'ont voulu prononcer aucune
parole qui pût servir de prétexte à des com-
inentateurs malveillants pour démontrer que
la Russie ou la France entretiennent des désirs
Sllégitimes ou des ambitions dangereuses pour
la tranquillité européenne. Nous trouvions il
,y a quelques jours dans la loyauté de notre po-
litique étrangère la raison des regrets qui
aient accueilli à l'étranger la chute de M.
îClemenceau. Nous disions à ce moment que
notre action à l'extérieur n'avait de pointe di-
rigée contre personne, qu'on l'avait nettement
-compris à l'étranger et que l'on nous savait gré
H'une attitude si franche. Il ne semble pas dou-
teux que ce soit pour ne pas affaiblir cette im-
pression que les chefs d'Etat réunis hier à
Cherbourg g n'ont pas as mis plus d'accent dans
l'affirmation de leurs espérances. Par la même
̃raison on peut s'expliquer qu'aucune allusion
n'ait été faite à l'amitié qui lie et la France
et la Russie à la Grande-Bretagne. Les halluci-
nations de « l'encerclement » sont à peine dis-
sipées. On a tenu à Cherbourg à n'éveiller au-
cune susceptibilité.
Mais comme il arrive souvent en pareil cas,
pette modération n'a rien empêché, et pour évi-
ter un mal on est peut-être tombé dans un autre
31 suffit de lire les journaux allemands.qui com-
mentent ce matin la rencontre de Cherbourg,
pour s'en rendre compte. Ces organes s'effor-
cent d'établir d'abord que l'alliance s'est re-
froidie. Pour faire oublier les violences des
socialistes allemands contre le tsar, ils tradui-
sent et reproduisent les articles de l'Humanité.
JD'est de bonne guerre, mais cela ne trompera
^personne, car les insultes des socialistes fran-
çais ont été largement dépassées en grossiè-
reté et en violence par celles de leurs cama-
ïades d'Allemagne. La proclamation de Kiel,
jque nous avons publiée à titre documentaire,
n'a pu laisser à cet égard aucun douté aux
/hautes personnalités russes qui l'ont eue sous
les yeux. La Tasgliçhe Rundchau croit que la
presse française manque d'enthousiasme, et
gue la lune de miel franco-russe est passée.
p'autre part, la Posl, plus adroite, veut prouver
Jjue la triple entente n'est pas nécessaire pour
fEUIL,LE)TO!V »U <&Cm|J0
DU 2 AOUT 1909
>»-
CHBONlQUnHÉÂTRÂLE
LES THEATRES EN BELGIQUE
Parler des théâtres belges, cela revient k s'oc-
cuper essentiellement du théâtre français, car
japrès Paris, Bruxelles est incontestablement le
plus large champ qui s'offre aux auteurs dra-
anatiques de France, et ceux-ci savent par ex-
jjpérience de quelle importance sont les scènes
fielges pour la consolidation de leur renommée
çt de leur fortune. Par le théâtre, la Belgique
est totalement française et il ne dépend que
]Bes auteurs et des artistes français qu'elle le
1-este' inébraiilablement. Dans d'autres pays,
fes auteurs et ces artistes s'adressent à des éli-
|es forcément restreintes; ils n'y prennent pas
Hirectement contact avec; le grand public; en
Belgique, la langue qu'ils parlent est entendue
e tout le monde et la culture générale, les
nœurs, le caractère nat;onal lui-même y pré-
arent merveilleusement les esprits aux idées
rançaises. La presque totalité des théâtres ré-
uliers sont des scènes où la langue française
»st parlée;et depuis longtemps la preuve est f ai-
|e que seul un théâtre français peut vivre dans
ye pays par ses propres moyens.Des troupes ré-
'jgulières françaises jouent à Anvers, à Gand, à
JJLiége^à Verviers, à Mons, à Namur, à Charleroi;
tertaines d'entre elles se déplacent, «, font » à
jours fixés toutes les petites villes d'une région.
jSans doute, telles de ces troupes ne sont pas
toujours très heureusement composées et il
arrive que leur répertoire manque d'actualité
littéraire. C'est du théâtre au rabais, si l'on
#eut, mais c'est du théâtre, et ces pauvres ar-
tistes trop souvent mal vêtus et parfois mal
'disants apportent aux gens des petites villes
perdues un peu de joie; ils leur donnent l'illu-
sion de remuer des idées; ils leur font aimer
3e génie français et la France elle-même. Je
:|iens pour certain que c'est en partie à ces
^humbles comédiens parcourant les provinces
^belges que la France doit les sympathies pro-
fondes qu'elle possède jusque dans les villes
fles plus éloignées, où le cléricalisme farouche
|et le. flamingantisme haineux s'affirment
Bruyamment.
S Bruxelles est naturellement le centre de la
gyie théâtrale belge, non seulement parce qu'il
mispose des ressources d'une véritable capitale,
|mais encore parce que la facilité et la rapidité
pies communications avec les grandes cités voi-
jbines trente-cinq minutes pour Anvers, une
cinquantaine de minutes pour Gand, une heure
Wt demie pour Liège font que les bourgeois
S^_Ja_^s..viJies fournissent aux ibêèksa
éviter l'exercice d'une hégémonie allemande,
elle affirme que le gouvernement de Berlin ne
song'e pas à cette hégémonie; et le grand jour-
nal conservateur reproche à la France son im-
périalisme. Ainsi, il n'a pas suffi de ne pas
parler de la triple entente pour qu'on ne nous
prête pas des desseins d'expansion; et la pru-
dence des toasts a servi de point de départ à
des paraphrases sur le relâchement des rela-
tions franco-russes.
Notre alliance est aujourd'hui aussi étroite
qu'elle était hier. La revue navale de Cher-
bourg' lui a donné une consécration nouvelle
et brillante. Elle reste le pivot de notre poli-
tique extérieure. Appuyée sur la fidélité de la
Russie et sur l'amitié de la Grande-Bretagne,
la France pourra développer dans la paix, avec
l'assurance qui convient aux forts, sa prospé-
rité et sa grandeur.
-o:
DÈPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Belgrade, 1er août.
Le journal Pravdva publie une dépêche de Salo-
nique d'après laquelle le comité jeune-turc de cette
ville aurait exclu de son sein le docteur Nazim bey,
à cause do ses relations suspectes avec Hilmi pacha
et Chevket pacha, et parce qu'il travaillait avec eux
à Stper l'influence des jeunes-turcs.
Prague, 1" août.
Le procès des antimilitaristes est terminé. Des
46 accusés, 11 seulement ont été condamnés 3 d'en-
tre eux à quatre mois, 4 à cinq mois de prison, 4 au-
tres à trois mois de cachot.
Brest, 1er août.
Deux cas de fièvre scarlatine ayant été constatés
à bord du Bougainville, le ministre a donné contre-
ordre à l'appareillage.
Les élèves sont licenciés; le Bougainville et le
Borda seront désinfectés..
Rome, 31 juillet.
Le comte Taverna, président de la Croix-Rouge ita-
lienne, a remis à M. Barrère, ambassadeur de France à
Home, la grande médaille dargem et le diplôme d'hon-
neur de cette association en mémoire de la participa-
tion personnelle de l'ambassadeur aux mesures d'as-
sistance et de secours en faveur des sinistrés des
tremblements de terre du 28 décembre 1908.
« «g»
DERNIÈRE HEURE
Mouvement administratif
L'agence Fournier annonce que M. Brolet, préfet
de la Manche, sera appelé à la préfecture de la
Loire, en remplacement de M. Huart, devenu secré-
taire général du ministère de l'intérieur.
L'anniversaire de l'émeute de VUleneuve-Saint-
Georges
Villeneuve-Saint-Georges, 1" août.
En dehors des délégués des syndicats parisiens
venus de Paris, un certain nombre de terrassiers
sont arrivés d'Argenteuil, conduits par M. Lapierre,
pour participer ta manifestation. Mais, malgré la
quantité d'affiches placardées dans la région, les
manifestants, à deux heures et demie, ne sont guère
qu'au nombre de deux cents environ.
Ils se sont réunis devant l'Imprimerie coopérative
pour aller ensuite au cimetière.
Le préfet de Seine-et-Oise, M. Autrand, et le sous-
préfet de Corbeil, M. Emery, sont à Villeneuve-
Saint-Georges. Un service d'ordre discret a été or-
ganisé, prêt à parer à tout incident.
Le Tour de France cycliste
Rouen,1" août.
La dernière étape de la course sur route du Tour
de France organisée par l'Av'o, a attiré au contrôle
de Rouen une foule considérable. Les cordons de po-
lice sont môme rompus.
A 10 h. 53 passent Duboc, François Faber, Trous-
seller, Alavoine, Fleury, Ménager, Garrigou, Za-
vatti, Kranskens, en peloton; Duboc signe premier.
Le peloton est acclamé.
Une minute après arrive Ernest Paul; à 11 h. 2,
Rabot, Gajoni, Faure; à 11 h. 11, Gamberini, Oudin;
à 11 h. 12, Magnagnoni; à 11 h. 12 le Belge Van
Houwaert.
Les coureurs sont en bon état, il n'y a pas eu d'in-
cident.
Versailles, 1" août.
Le contrôle d'arrivée de la course du Tour de
France est installé après la grille de Versailles, sur
la route de Paris. en haut de la côte classique de
Picardie.
C'est Alavoine qui arrive premier de la der-
nière étape du Tour de France à 3 h. 10.
On ne connaîtra que demain le classement géné-
ral de cette épreuve qui semble ne pouvoir échap-
per à François Faber.
L. ««.
LES SOCIALISTES ET LA VISITE DU TSAR
L'entrevue du tsar et du président de la Ré-
publique à Cherbourg a été accueillie par un
déchaînement d'injures socialistes contre le
souverain de la nation amie et alliée. Le parti
de MM. Jaurès et Hervé organise des meetings,
vote des motions violentes, et sa presse fait
bruxellois une clientèle considérable. C'est ce
qui explique qu'une douzaine de théâtres régu-
liers, ouvrant leurs portes chaque soir, subsis-
tent dans une capitale de 700,000 habitants.
Tous les directeurs ne font pas fortune, mais
tous vivent et quelques-uns voient prospérer
leurs entreprises. Le théâtre royal de la Mon-
naie y occupe évidemment la place la plus
large, surtout depuis que M. Maurice Kuffe-
rath et M. Guillaume Guidé en ont fait par leur
direction vraiment intelligente une des toutes
premières scènes lyriques d'Europe; mais à
côté de la Monnaie où les œuvres de toutes
les écoles musicales sont d'ailleurs interprétées
dans les versions françaises il y a une im-
posante série de théâtres où l'art dramatique
français s'affirme dans tous les genres. Depuis
le théâtre royal du Parc, qui est la maison du
grand répertoire, jusqu'à la Scala, où sévit la
grosse pièce à couplets, on trouve une image
complète de tout le théâtre français. Le théâtre
royal des Galeries peut être comparé aux meil-
leures scènes du boulevard parisien; l'Olym-
pia saute de la comédie la plus fine à la revue
de fin d'année; au Molière, le drame romanti-
que alterne avec l'opérette de la bonne époque;
au Vaudeville s'impose la farce à grosses sur-
prises à l'Alcazar, tous les genres s'entremê-
lent. Toutes ces scènes rivalisent de zèle pour
servir la cause de l'art dramatique français.
Elles le servent évidemment par des moyens
très différents, avec plus ou moins de bonheur
et de goût, mais pour toutes l'effort louable
y est.
L'art dramatique français domine donc to-
talement en Belgique, mais il ne faudrait pas
en conclure qu'il n'y compte que des sympa-
thies. Dans tous les domaines de la vie natio-
nale belge on distingue une opposition plus ou
moins prononcée à l'influence française que
subissent profondément la plupart des élé-
ments aristocratiques, bourgeois et populaires,
même dans les plus lointaines villes flamandes.
Les ennemis déclaçés de toute culture française
cherchent depuis quelques années à engager la
lutte sur ce terrain spécial du théâtre. Les fla-
mingants, par exemple, s'indignent du fait
qu'à côté de tant de théâtres français, il n'y ait
en tout et pour tout que trois théâtres réguliers
flamands de quelque importance, un à Bruxel-
les, un à Anvers, un à Gand, dont les portes
s'ouvrent trois ou quatre fois par semaine du-
rant six mois d'hiver. Sans les subsides muni-
cipaux, ces scènes ne pourraient se maintenir,
et encore, pour satisfaire leur clientèle popu-
laire doivent-elles recourir à des traductions
de vieux drames français. Pour le surplus, le
théâtre flamand n'atteste sa vitalité que par les
rares manifestations de groupements d'ama-
teurs qui se produisent en province et qui trou-
vent leur contre-partie dans des sociétés wal-
lonnes interprétant des pièces en patois lié-
geois ou namurois. Si le théâtre flamand est
inexistant à ce point, c'est que la culture géné-
rale flamande est trop incomplète encore jjoue
inié^sser jim.,iaiMi4 ,vTaimeftUettc4/
rage. On ne peut lire, sans dégoût, les grossiè-
res diatribes qui s'étalent particulièrement dans
YHïimanité, et dont un titre en grosses lettres
suffit à donner une idée la journée où le repré-
sentant de la France reçoit celui de la Russie
alliée est, d'après la feuille unifiée, une journée
de honte. Le président de la République reçoit
sa large part des outrages collectivistes. Peu
s'en faut que M. Fallières ne soit traité, lui
aussi, de despote rouge et de tigre altéré de
sang. D'ailleurs, le roi d'Espagne, qui n'est
pourtant pas à Cherbourg et qu'on n'atten-
dait pas en cette affaire, est également voué,
dans le même ordre du jour, au mépris de la
civilisation. Quand la machine à insultes et à
flétrissures est remontée, elle ne s'arrête pas
facilement. On se demande pourquoi ces so-
cialistes n'ont pas "du même coup englobé
dans leurs malédictions le sultan de Turquie et
celui du Maroc (pour qui ils ont au contraire
un faible), le khédive d'Egypte, le Fils du Ciel
(qui a un nom bien clérical), le mikado et l'émir
d'Afghanistan. La généralisation, même incom-
plète, de leurs invectives suffit à en démontrer
la puérilité. S'ils attendent que tous les chefs
d'Etat soient socialistes pour se calmer, ils at-
tendront peut-être longtemps.
La France ne peut remettre à un avenir si
éloigné et si problématique le soin d'assurer sa
situation dans le monde. La seule puissance
européenne qui soit actuellement, comme
nous, en République, c'est la Suisse encore
nos socialistes lui reprocheraient-ils sans doute
de n'être qu'une république bourgeoise. En
tout cas, si précieuse que soit l'amitié de la
Suisse, elle ne suffirait pas à nous garantir le
maintien de notre influence. Force nous
est donc de chercher des alliés parmi, les
Etats monarchiques. Entre ces Etats, la Russie
est-elle particulièrement indigne de notre al-
liance ? D'abord, nous n'avons point à nous
immiscer dans la politique intérieure des autres
pays. Ensuite, les déclarations de M. Goutchkof,
chef du parti octobriste, que nous avons pu-
bliées hier, établissent qu'en accordant une
Constitution à l'empire, Nicolas II s'est acquis
des droits indéniables à la reconnaissance de
ses sujets et que son gouvernement travaille,
en toute loyauté, de concert avec la Douma,
à organiser en Russie le progrès et la liberté.
On oublie que le tsar est aujourd'hui un souve-
rain constitutionnel. Il plaît à l'Humanité de
récuser le témoignage de M. Goutchkof et des
octobristes, qui sont pourtant des libéraux. On
dirait, à écouter les amis de M. Jaurès, qu'il
n'y ait que l'opinion des révolutionnaires, des
émeutiers et des nihilistes qui compte 1 On nous
parle toujours de la répression, et jamais des
attentats qui l'ont rendue nécessaire. Mais à
quoi bon discuter avec des gens dont le siège
est fait ?
Leur parti-pris résulte de leur indifférence à
la question qui,pour tout bon Français, domine
le débat, à savoir celle des intérêts vitaux de
notre pays. L'alliance franco-russe est déter-
minée, comme l'a dit Bismarck, par la nature
des choses. Elle est également utile à la Russie
et à la France. Elle est un gage nécessaire de sé-
curité, d'équilibre et de paix. Il est même étrange
que les pacifistes du socialisme se refusent à le
le voir ou à en convenir. Mais le public français
ne l'ignore pas, et c'est pourquoi il accueille avec
joie la visite de Nicolas II et approuve haute-
ment les gouvernements républicains qui se
sont succédé depuis dix-huit ans d'avoir con-.
servé et resserré cette alliance salutaire. Quant
à l'inqualifiable langage des socialistes, non
seulement il n'a pas le moindre écho dans le
pays, mais il ne servira qu'à démontrer une fois
de plus avec une lumineuse évidence Que ce
parti d'hervéistes est prêt à sacrifier la patrie
elle-même à ses passions anarchiques, et consti-
tuerait, s'il augmentait sa puissance, un vérita-
ble péril national.
m m «C»- ̃–
bit iM-A-iEiGm
On lit dans YEUioire de V aérostation, publiée
en 1786, par l'Anglais Tibere Cavallo « Roger
Bacon, qui vécut dans le treizième siècle et con-
tribua beaucoup à la renaissance des sciences,
écrivit plusieurs ouvrages avec liberté, mais sou-
vent avec obscurité. Ce grand homme en décri-
vant, ou plutôt en s'étendant sur ce que peuvent
la nature et l'art, dit « On peut faire quelques
instrumenta volants, de manière à ce qu'un homme
assis au milieu fasse, au moyen de quelque mé-
chanisme, mouvoir des ailes artificielles qui puis-
sent battre l'air comme un oiseau volant. » Le
marquis de Bacqueville s'avisa, en 1742, de réali-
ser ce rêve du vieux mage. Ce marquis était un
seigneur opulent et d'humeur singulière; étant
mécontent de l'esprit général de son écurie, il
avait fait pendre un de ses chevaux pour édifier
les autres. M. de Baoqueville annonça un beau
matin aux sujets du roi Louis XV qu'il allait leur
t La littérature flamande, néerlandaise à pro-
prement parler, compte certainement des œu-
vres remarquables, mais il n'y a pas de public
pour leur garantir le succès. Dès que les élé-
ments populaires flamands acquièrent quelque
culture, ils s'orientent vers l'influence fran-
çaise et rentrent dans le courant général. Ce
n'est donc pas l'art dramatique flamand qui
menace sérieusement le développement du
théâtre français en Belgique, et celui-ci n'a pas
davantage à redouter la concurrence du théâtre
allemand. Les colonies germaniques prenant
dans les grandes villes belges une importance
de plus en plus considérable, on a essayé, en
ces dernières années, d'introduire le théâtre
allemand. Deux ou trois troupes errantes, avec
des vedettes berlinoises, s'installèrent pour
quelques soirs au théâtre du Parc, et une troupe
d'opérette, viennoise celle-là, donna cette an-
née quelques représentations à l'Alcazar. Les
résultats furent des plus médiocres. Au Parc,
Mlle Rosa Poppe, qu'on présenta comme une
des grandes tragédiennes allemandes, fit con-
naître la Sappho de Franz Grillparzer. Malgré
sa poésie puissante, l'oeuvre parut lourde par
son manque de technique, et l'artiste en vedette
parut manquer d'élan et de réelle émotion.
L'échec fut un peu moins accentué pour les re-
présentations du Walzertraum, par la compa-
gnie d'opérette où Mme Greta Meyer s'impo-
sait en vedette. Le public, même le public spé-
cial de la colonie allemande, ne fut pas con-
quis, et ces représentations s'achevèrent devant
des salles à peu près vides. L'impression se
précisa, très nette, que jamais l'esprit belge ne
goûterait cet art qui lui est totalement étran-
ger et que de telles entreprises comporteront
toujours des sacrifices inutiles. Pourtant, il ne
faudrait pas en déduire que le public belge reste
indifférent à tout art étranger dont le mode
d'expression ne lui est pas familier. Les belles
représentations données en octobre dernier
par la Duse et sa compagnie italienne furent
suivies avec le plus vif intérêt, et telles mati-
nées spéciales du théâtre du Parc consacrées à
des auteurs étrangers retinrent toujours l'atten-
tion la plus sympathique.
Si le théâtre français peut dédaigner actuelle-
ment encore les entreprises flamingantes et al-
lemandes, il rencontre pourtant une hostilité
réelle qu'il serait dangereux de méconnaître et
de négliger c'est celle qui se manifeste dans
des milieux absolument francisés à propos de
certaines œuvres où la note grivoise est exagé-
rée comme à plaisir. Le vaudeville inepte, avec
les déshabillages de rigueur, les situations gros-
sières soulignées par des mots d'une crudité
écœurante; les pièces à couplets et à figuration
qui ne sont que prétextes à exhibitions indécen-
tes et à défilés de « petites femmes », voilà ce
qui détermine dans certains milieux belges une
véritable hostilité au théâtre français.
Les conservateurs, qui haïssentla France pour
son radicalisme; les catholiques, qui la haïssent
pour ce qu'on appelle encore en Belgique son
^IJgfflMfcïaejjjie manj^ien.t»M,Cafflfioej'^iiui
donner le spectacle d'un gentilhomme volant. Au
jour indiqué, la foule s'amassa devant son hôtel,
situé sur le quai des Théâtins, au coin de la rue
des Saints-Pères. Le marquis de Bacqueville ap-
parut, pourvu de deux ailes « semblables à celles
qu'on'donne aux anges ». Il s'éleva aurdessus de
sa terrasse et alla tomber, au bord de la rivière,
sur un bateau de blanchisseuses; on le releva avec
une jambe cassée. Il ne renouvela point l'expé-
rience.
Vingt ans après, l'héroïque tentative fut reprise
par Jean-Pierre Blanchard. Bacqueville n'était
qu'un dilettante excentrique. Blanchard avait d'un
inventeur véritable l'audace, le savoir et le génie.
A seize ans, il créait une voiture mécanique; à
dix-neuf ans, une machine hydraulique. L'échec
de Bacqueville lui fit entreprendre des recherches
qui durèrent plusieurs années. Le 28 août 1781,
Blanchard adressa une note aux auteurs du Jour-
nal de Paris. « Peu de personnes ignorent que de-
puis un certain laps de temps je m'occupe, proche
Saint-Germain-en-Laye, à construire un vaisseau
qui puisse naviguer dans l'air. L'idée d'une voi-
ture volante me fut suggérée par les essais de M. de
Bacqueville; certainement, si cet amateur, qui
était fortuné, eut poussé la chose aussi avant que
moi, il eût fait un chef-d'œuvre; mais malheu-
reusement on se rebute quelquefois aux premiers
essais et par là on ensevelit dans l'obscurité les
choses les plus magnifiques. » Suivait la des-
cription de la machine. « Sur un pied en forme de
croix est posé un petit navire de quatre pieds de
long sur deux de large, très solide, quoique cons-
truit avec de minces baguettes. Aux deux côtés du
vaisseau s'élèvent deux montants de six à sept
pieds de haut, qui soutiennent quatre ailes de
chacune dix pieds de long, lesquelles forment en-
semble un parasol qui a vingt pieds de diamètre
et conséquemment plus de soixante pieds de cir-
conférence. » L'inventeur concluait « L'on me
verra fendre l'air avec plus de vivacité que le
corbeau, sans qu'il puisse m'intercepter la respi-
ration, étant garanti par un masque aigu et d'une
construction singulière. »
Le tort ae Blanchard fut de surexciter la curio-
sité publique trop longtemps à l'avance. Il avait
en outre contre lui la science officielle « II est,
déclarait Lalande, démontré impossible qu'un
homme puisse s'élever ou même se soutenir dans
l'air. » Cependant des curieux d'élite étaient admis
à visiter le vaisseau aérien, dans un local prêté
par l'abbé de Vieunay. Il y eut une visite spéciale
pour MM. les ducs de Bourbon et d'Enghien, sur-
tout pour le duc de Chartres qui avait promis à
Blanchard, en cas de succès, une gratification de
mille louis. Les badauds trouvaient l'attente un
peu longue; on blaguait. Pour faire prendre pa-
tience au public, Blanchard fit graver par Martinet
l'image de son vaisseau aérien. Cette estampe a
figuré à l'Exposition de 1900; M. Louis Béreau
l'avait prêtée à la section rétrospective de la
classe 34. Elle se trouve dans la riche collection,
qu'a donnée récemment à la Bibliothèque natio-
nale M. le baron de Vinck, et dont M. Bruel a com-
mencé le catalogue critique. On y voit le pilote
aérien manœuvrant les bascules et les pédales qui
devaient communiquer le mouvement aux ailes
d'ascension et de direction. Il est en habit rose et
bas blancs; les ailes et le gouvernail sont peints
en vert. Derrière le pilote, un siège vide est ré-
servé à un compagnon de voyage. On lit, sous ses
pieds
Si par son art il peut dompter le fler Eoie,
II sera des Français l'Arohimède et l'idole.
Le 5 mai 1782, Blanchard donna une grande
séance publique de démonstration.L'événement in-
téressa les Parisiens plus encore que l'ouverture
de la nouvelle salle de la Comédie-Française.
« Malgré, disent les Mémoires secrets, le temps
effroyable qu'il faisait et une pluie averse, les
curieux abondaient en toile quantité quo la garde
nombreuse n'a pu contenir la foule et qu'elle a
inondé la cour, le jardin, les escaliers et les ap-
partements de la maison. » La machine demeura
à l'abri du mauvais temps. La foule attendait un
miracle; elle eut un discours. L'inventeur se borna
à lire une belle harangue, dans laquelle il avouait
les difficultés de son entreprise. « M. Blanchard
n'a pas dissimulé qu'il prévoyait deux inconvé-
nients très grands qu'il n'avait pu encore parer,
celui de se trouver mal dans cette machine à ne
plus pouvoir lui donner le jeu nécessaire pour se
soutenir, et celui, ne voyant point au-dessous, d'i-
gnorer sur quel endroit il rabattait. Le premier
inconvénient cependant deviendrait presque nul
s'il avait un compagnon; mais ce ne sera pas aisé
à trouver pour le premier essai. »
Ce premier essai, les Parisiens se lassèrent de
l'attendre. L'imagerie devint gouailleuse. Une ca-
rieature montrait un cercle formé par des aveu-
gles, des ânes à lunettes, un singe armé d'une
loupe, un renard placé devant un télescope, obser-
vant tous le vaisseau volant qui ne volait cflint.
La légende disait
̃. Ah le bel oiseau vraiment
'Qui s'est mis dans cette cage.
'Ah le bel oiseau vraiment
Depuis vingt mois on l'attend..
ces farces grossièrement vaudevillesques et ces
fantaisies pornographiques résument tout l'es-
prit français. Ils en déduisent que la culture
française doit forcément mener au plus misé-
rable abandon moral et à la plus détestable dé-
pravation. Ils trouvent là une trop belle occa-
sion de satisfaire toutes leurs rancunes contre
la France pour faire la distinction qui serait
pourtant d'élémentaire loyauté ils se plaisent,
au contraire, à généraliser, à représenter toutes
ces spéculations pornographiques comme des
oeuvres types du théâtre français.
En vérité, la France n'a pas de plus redou-
tables ennemis à l'étranger, et notamment en
Belgique, que ces industriels peu scrupuleux
qui voient dans le théâtre licencieux une source
de faciles revenus et qui justifient trop souvent,
hélas 1 certaines polémiques sur la décadence
morale de la France. Des industriels du même
genre opèrent dans d'autres pays et dans d'au-
tres langues, mais on les ignore dans les con-
trées où la langue française est d'usage courant
et où trop d'éléments politiques sont haute-
ment intéressés à ruiner la culture française. Il
est désolant que des Français fournissent de la
sorte des arguments aux adversaires de leur
pays et de leur race il est déplorable que l'on
soit impuissant à les empêcher efficacement de
jeter le discrédit sur la nation française en per-
mettant aux naïfs et aux malveillants d'affirmer
insolemment qu'en France, pays traditionnel
de tous les héroïsmes, la paillardise et le vice
ont tué toutes les vertus.
Il est heureux vraiment que les productions
par trop grivoises trouvent une puissante con-
tre-partie dans les œuvres qui relèvent réelle-
ment du théâtre français et qui sont générale-
ment interprétées à Bruxelles dans les meilleu-
res conditions. On proteste souvent à Paris con-
tre les trop fréquents déplacements des socié-
taires et des pensionnaires de la Comédie-Fran-
çaise. Peut-être en résulte-t-il des inconvé-
nients, mais il est permis de croire qu'ils sont
largement compensés parles immenses servi-
ces que ces artistes rendent au dehors. Ceux-là
apprennent véritablement à aimer la Fran-
ce ceux-là, révèlent l'âme française aux
foules attentives. Au théâtre royal du Parc,
au théâtre royal des Galeries, ce sont ces ar-
tistes-là que vont applaudir tous les lettrés,
tous les bourgeois, tous les'humbles. Il y a
quelques années, M. Reding, l'excellent direc-
teur du Parc, eut l'idée d'organiser tous les
jeudis des matinées littéraires consacrées spé-
cialement à tels auteurs français dont des con-
férenciers autorisés, expliquent l'œuvre. De son
côté, M. Franz Fonson, l'actif directeur du
théâtre des Galeries, a organisé des matinées
classiques dont le succès est considérable. C'est
ainsi qu'on put applaudir cette année Mlle Gé-
niat, MM. Dehelly, de Féraudy junior, Ravet
et Darras dans le Barbier de Séville; Mmes
Louise Silvain, Géniat, MM. Silvain et Jacques
Fenoux dans l'Electre d'Alfred Poizat; M. Al-
bert Lambert dans le Polyphème d'Albert
^.garaaHii Ht Siiyain eaeore d&nMl&MismtArjimiu
Les chansonniers s'en mêlèrent. De Piis écrivit
un vaudeville, d'ailleurs douloureusement stucide:
le Bateau volant.
J)e voler publiquement
̃-̃iiïi" Dans une gondole,
"r Bais-tu, Pierre, qu'un savant
•~t^>fo^'A donné'' parole? •-•-•.
.Va-t-en voir s'il vole,
:Va-t-en voir s'il vole.
Jean,
• ,Va-t-en voir s'il vole t
ri y a dix-huit couplets, dont le premier est ïe
plus spirituel.
Criblé d'épigrammes, le pauvre Blanchard se
décida à tenter une expérience quasi secrète, dans
le parc d'un château de lavillette. « Il en a résulté,
dit un contemporain, l'impossibilité absolue de s'é-
lever de terre par la trop grande pesanteur de la
machine. S'obstinant à la faire aller, M. Blanchard
l'a dérangée et brisée en grande partie. Il ne se
décourage pas. Il en a tout de suite imaginé une
autre plus légère, d'un moindre volume et d'une
nouvelle forme. Elle ressemble à une cage ronde;
elle est fort avancée, et il pourra sous peu de
temps donner ce nouveau spectacle. Mais quelle
confiance prendre en un machiniste qui calcule
aussi mal ses forces et se trompe aussi lourde-
ment ? »
II est à retenir, à la gloire de Blanchard, que ses
malheureuses tentatives précédaient les ballons
des frères Montgolfier. Lorsqu'il vit les premiers
aéronautes, Blanchard ne leur marchanda point
la louange. Il résolut de se servir des ballons pour
enlever son vaisseau volant, a Je rends, disait-il,
un hommage pur et sincère à l'immortel Montgol-
fier, sans le secours duquel j'avoue que le niéca-
nisme de mes ailes ne m'aurait peut-être jamais
servi qu'à agiter un élément indocile, qui m'aurait
obstinément repoussé vers la terre, comme le
lourd autruche, moi qui comptais disputer à l'aigle
le chemin des nues. »
D'aviateur il était modestement devenu aéro-
naute. La Correspondance de Grimm, en lui ren-
dant justice, fit des rêves « Le génie de M. Blan-
chard, encore tout étourdi des huées qu'il avait
essuyées l'année dernière, s'est réveillé tout à coup
au bruit de la renommée de MM. Montgol/ier. En
combinant sa machine avec le secret nouvelle-
ment découvert, il n'a pas encore renoncé à l'hon-
neur d'être le premier navigateur aérien. Nous
pouvons donc espérer d'avoir des voitures de toute
espèce et pour voguer dans les airs, et pour voya-
ger peut-être même de planète en planète. On a
déjà prévu que pour les courses de cérémonie,
pour les équipages ordinaires de la cour, rien ne
serait plus décent que de beaux attelages d'ai-
gles le paon, l'oiseau de Junon, serait consacré
pour le service de la reine; les colombes de Vénus
en seraient trop jalouses si elles n'en partageaient
pas quelquefois la gloire; on perfectionnerait tout
exprès la race des hiboux et des vautours pour
conduire les demi-fortunes des philosophes et des
médecins. »
Chacun sait que par la suite Blanchard se cou-
vrit de gloire. En 1784, il alla en ballon de Paris à
Billancourt. Le 7 janvier 1785, avec son compa-
gnon, l'Américain Jeffries, il traversa la Manche.
Les deux aéronautes, partis du château de Dou-
vres, vinrent atterrir eh France, après un voyage
de deux heures. Calais leur fit une ovation. Ils fu-
rent reçus à Versailles; le roi les complimenta.
Mme de Polignac les admit à sa toilette. « Elle
nous accueillit, dit Jeffries, avec force politesse et
bonté, quoiqu'elle fût à s'habiller, entourée de cinq
dames tout en blanc. Elle ressemblait à Vénus. »
Tant en France qu'en Amérique, Blanchard flt
soixante-six ascensions. En 1808, frappé d'apo-
plexie dans son ballon, il tomba d'une hauteur de
vingt mètres et mourut quelques jours après.
« Va-t'en voir.s'ils volent. Jean 1 Va-t'en voir
s'ils volent I »
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
A. CHERBOURG
'{Dépêches de notre envoyé spécial)'
Cherbourg, 1" août. ™
De la revue navale que l'empereur de Russie et le
président de la République passèrent à bord du
Galilée au milieu des hourras des escadres, des ac-
clamations de la foule couvrant les quais et les
jetées et des bravos enthousiastes des ouvriers de
l'arsenal eux-mêmes, ceci surtout excita la curiosité
et fixa l'attention cinq sous-marins, YEmerav.de en
tête, leur peu nombreux équipage rangé en ordre
autour du capot, défilèrent, escortant le Galilée à
travers la masse imposante des dix cuirassés fran-
çais et russes, des sept croiseurs, des éclaireurs
d'escadres et des vingt contre-torpilleurs de la
Manche et de la Méditerranée. Leur coque légère
efflourait à peine les vagues marines, et les hom-
mes, dans les grands remous que laissait après lui
le croiseur présidentiel, semblaient tantôt près de
disparaitre, tantôt se tenir debout sur les flots de
miraculeuse façon.
Aussi fût-ce un des premiers un des seuls dé-
sirs des mignonnes grandes-duchesses, lorsque M.
Fallières revint à bord du Siandart où il recondui-
M. Mounet-Sully dans OEdipe roi MM. Al-
bert Lambert, Paul Mounet et Mme Cœlia dans
le Cid; Mlle Robinne dans le rôle de Sylvia du
Jeu de l'amour et du hasard M. Georges Berr
dans l'Etourdi et dans le Dépit amoureux. Tel
est le bilan des matinées classiques organisées
par M. Fonson. Quant aux matinées littéraires
du Parc, M. Reding fut obligé de diviser ses
abonnés en quatre séries. La première matinée
fut consacrée au comte Albert du Bois, dont on
représenta le poème tragique en cinq actes, la
Dernière Dulcinée, pour laquelle Catulle Men-
dès fit sa suprême conférence sur le drame
romantique. Il y eut une matinée François
Coppée, avec conférence de M. Maxime de
Boussies et réprésentation de Madame de Main-
tenon il y en eut une autre consacrée à Louis
Legendre, pour laquelle M. Maurice Donnay fit
une conférence charmante il y en eut une
consacrée à Florian, avec interprétation du Mé-
nage d'Arlequin; une autre encore où M. Jean-
Bernard évoqua le souvenir de Ludovic Halévy
tandis qu'on reprenait l'Abbé Constantin. La
plus intéressante de toutes, peut-être, fut la
matinée Henri Becque, avec la reprise des Cor-
beaux et une conférence de M. Dwelshauwers.
M. Paul Hyacinthe-Loyson révéla au public du
Parc le dramaturge suédois Tor Hedberg. Enfin
M. Maurice Wilmotte nous entretint de l'Ita-
lien Giacosa, dont le Mari amoureux de sa
femme ne parut pas trop désuet.
Il importe d'insister ainsi sur ces matinées
littéraires et classiques parce qu'elles occupent
une place à part dans la vie théâtrale belge et
qu'elles constituent réellement le meilleur
théâtre éducatif pour le public. Elles ne nui-
sent d'ailleurs en aucune façon au répertoire
ordinaire des théâtres qui estcelui des théâtres
parisiens. Rien ne ressemble plus aux affiches
des théâtres de Paris que les affiches des théâ-
tres de Bruxelles. On y retrouve les mêmes
titres et souvent les mêmes noms d'artistes;
mais il arrive que le cc four » de Paris devient
succès à Bruxelles et que le succès de Paris
tombe à plat dans la capitale de la Belgique.
Au théâtre royal du Parc, les deux grands suc-
cès de la saison furent Son Père, de MM. Albert
Guinon et Alfred Bouchinet, oti Mlle Terka
Lyon dessina finement le personnage de Jeanne
Orsier, et la Femme nue, la pièce si profondé-
ment humaine de M.Henry Bataille, où MmeBer-
theBady fut sincèrement émouvante. Mme Réja-
ne nous revint cette année au Parc avec Qui perd
gagne, de M. Pierre Veber; Mme Marthe Bran-
dès nous fit connaître Un Divorce, de M. Paul
Bourget et M. André C-ury enfin, Mme Berthe
Cerny nous réapparut dans la Parisienne, de
Becque. Voilà pour les « vedettes ». Il faut y
ajouter le Bon roi Dagobert, de M. André Ri-
voire, l'Oiseau blessé, de M. Capu,?, la Patronne,
de M. Maurice Donnay, Simone, de M. Brieux,
et une curieuse reprise du Monde où l'on s'en-
nitie, avec Mme Judic dans le rôle de la du-
chesse de Réville. Ainsi on a une idée compte
de ce que le théâtre du Parc a représenté «tûtifl
£nnée cour rart UmaatigLUd Jfraoîfiis.;
sait l'empereur, de photographier elles-mêmes « les
submersibles de France. » Elles en firent gracieu*
sement la demande au président de la République,
et l'autorisation était à peine accordée, que les ko-
daks minuscules, sous les petits mains d'enfants,
fonctionnaient à l'envi.
Oh le charmant, le gentil spectacle de ce jeune,
prince- impérial et de ses quatre somes plus gran-
des, toutes princesses, mais toutes espiègles et amu-
santes.
Olga, Tatiana, Maria, Anastasial Leurs noms
circulaient de groupe en groupe, tandis que subite-
ment attentives et sérieuses, elles fixaient leur objec-
tif, du haut du bastingage ou de la passerelle, sur,
nos sous-marins leur âge aussi était dit, quatorze,
douze, dix, huit ans et celui qui vint le dernier poui
la plus grande gloire de fa couronne impériale,
Alexis, cinq ans Des lueurs passaient dans le»
yeux de l'impératrice alternatifs mélanges de dou-
ceur, de fierté, de reconnaissance et d'amour.
A bord de la « Vérité n
La revue terminée, le tsar rendit sa visite au pré-
sident de la République. Celle-ci fut également un
des faits saillants de l'après-midi, en raison surtout
de la longueur et de la cordialité qui 'marquèrent
l'entretien.
L'empereur est en effet resté seul avec M. Falliè-
res plus d'une heure, dans le salon d'honneur du bâ-
timent.
Pendant ce temps, M. Pichon eut également une
conversation avec M. Isvolski, ministre des affaires
étrangères de Russie, qui tint également à échanger
ses impressions avec M. Louis, ambassadeur de
France à Saint-Pétersbourg.
Après cette visite, l'empereur a regagné le Slan-
dart. Un peu avant huit heures, accompagné de
l'impératrice, il revenait à bord de la Vérité, où le
président de la République offrait à dîner aux majes-
tés impériales.
La table, dressée sur la place arrière du cuirassé
en forme de fer à cheval, était ornée de roses rou-
ges, d'orchidées, d'oeillets et à son centre d'une
glace recouverte de mousseline, aux armes de la,
Russie. •:
L'impératrice a a sa droite l'empereur et à sa gau
che M. Fallières.
Les convives sont au nombre de 80.
La musique des équipages de la flotte fit entendre»
pendant le repas des morceaux de compositeurs rus-
ses, alternant avec des morceaux -de compositeurs..
français. LES TOASTS
t-ES TOASTS
Le président de la République a porté le toaslg..
suivant
Sire,
J'éprouve une joie sincère à souhaiter ïà
bienvenue à Votre Majesté et à Sa Majesté l'im-
pèratrice, à l'occasion du troisième voyage que,
depuis leur couronnement, elles font en notr»
pays.
La France et son gouvernement vous tint,
sire, une profonde gratitude pour les marques
de fidèle sympathie et d'inaltérable amitié qui
leur viennent de Votre Majesté; votre présence
aujourd'hui dans le port de Cherbourg en est
un nouveau témoignage elle apporte à l'al-
liance qui unit nos deux gouvernements et nos
deux nations, et qui est justement considérée,
comme une garantie de paix dans le monde,
une consécration qui permet d'attendre d'elle,
dans l'avenir, des effets non moins heureux que
ceux qu'elle a produits dans le passé.
En exprimant les sentiments d'attachement
que la France porte à la Russie, je lève mon.
verre en l'honneur de Vos Majestés, en l'hon-
neur de S. M. l'impératrice Marie Feodorovna,
et de toute la famille impériale, je bois à la.
grandeur et à la prospérité de l'empire russe*,
allié et ami de la République française.
La musique joue l'hymne russe. L'empereur df
Russie a répondu
Monsieur le président,
Les paroles de bienvenue que vous venez de
prononcer nous ont profondément touchés,
l'impératrice et moi. C'est chaque fois avec un
sentiment de sincère plaisir que j'aborde les;
côtes de la France. Le souvenir de mes précè-,
dents séjours dans votre beau pays reste gravi
dans ma mém'oire. Outre les chaleureuses sym-
pathies que je nourris personnellement à l'é-
gard de la France, je demeure comme vous,
monsieur le président, fermement convaincu
que l'alliance entre nos deux pays constitue une
précieuse garantie pour la paix générale, et que'
les liens étroits d'amitié entre la Russie et la
France continueront à l'avenir comme par le
passé à f aire ressentir leurs bienfaisants effets.
Si au camp de Bétheny, il m'a été donné d'ad-
mirer l'armée française, j'éprouve aujourd'hui
une joie réelle de pouvoir rendre hommage à la
superbe flotte, dont la revue à laquelle je viens.
d'assister m'a vivement impressionné.
Animé de ces sentiments de cordialité et da
constance inaltérable, partagés par la Russit
entière, je lève mon verre à votre santé, mon-
sieur le président, à la grandeur de la France
alliée et amie, et je bois à la prospérité de ty
vaillante marine française.
La musique joue la Marseillaise,
La portée du toast de l'empereur a vivement
frappé tous les convives.
C'est en effet le plus chaleureux qui ait été port£
Au théâtre royal des Galeries, le triomphe de
la saison fut le Roi, avec M. Huguenet, MUes
Lantelme et Felyne. Cette pièce avait été pré-
cédée sur l'affiche par Sherlock Holmes avec
M. Gémier, et elle fut suivie de l'Amour veille^
de MM. de Fiers et de Caillavet, avec Galipau^
dans le rôle d'Ernest Vernet, et par Patachon^
avec M. Noblet en vedette. Le Passe-Partout de
M. Georges Thurner, avec ses violences par
trop faciles, n'obtint qu'un succès relatif, biei^
que M. Tarride y fût remarquable; mais 1^
Chant du Cygne, avec M. Huguenet et Mme
Laurence Duluc, produisit grande impression^
tandis que le Foyer, de MM. Mirbeau et Na«
tanson, toujours avec M. Huguenet en ve-,
dette, provoqua à Bruxelles les mêmes mani*
festations,d'ailleurspromptementréprimées,quf
marquèrent les représentations de cette pièce en
France. Il serait injuste de ne pas rappeler lé.
très gros succès personnel qu'obtint M. Hugue-
net dans l'Ami Fritz.
Il serait fastidieux de passer ainsi en revue,
même sommairement, les affiches de la saisort
dernière de tous les théâtres bruxellois, et si
j'ai cru devoir le faire pour les deux principales
scènes, c'est parce qu'il était, essentiel de bierf
établir que le mouvement du théâtre français
en Belgique suit de très près le mouvement
parisien et cela dans des conditions d'interpré-
tation qu'il serait impossible de réunir en d'au-
très pays étrangers. Après cela, il me suffira da
constater le succès avec. lequel l'Olympia, éga-
lement dirigé par M. Franz Fonson, monta:
YOreille fendue, le Poussin, le Poulailler, etque
d'autres théâtres, comme l'Alcazar, firent de#
reprises plus ou moins heureuses de Viveurs, de
M. Lavedan, de l'Aînée, de M. Jules Lemaître,
du Secret de Polichinelle. Pour le surplus, il esfr
inutile d'insister sur les vaudevilles, les mélo-'
drames et les opérettes qui reviennent chaque
année sur les affiches des scènes de second ordrô1
et qu'il serait heureux pour l'art dramatique?
français d'en voir disparaître définitivement/'
J'en viens donc directement au théâtre belge*
d'expression française.
Car il y a un théâtre belge d'expression fraifj;
çaise. Il est vrai qu'il n'en est encore qu'à se*
débuts, que les efforts dans ce sens sont encore
peu précis, mais il arrive une ou deux fois pat
saison que M. Reding, directeur du Parc, se
risque à jouer un auteur national. Il faut lut
rendre cette justice que c'est là de sa part urf
geste courageux, le public belge restant totalej
ment indifférent à ces essais. Le succès d'una
pièce belge ne dépasse jamais à Bruxelles If
salle de la première. A la quatrième ou tin*
quième représentation, c'est le vide. San^
4oute, il y eut, l'année dernière, la Kaatje de
M. Spaak qui atteignit la cinquantième, mal*
c'est l'exception qui confirme la règle. Des œ«g
vres que 1 on tient pour littérairement sup
rieurea à celle-là nepurent tenir l'affiche i>en|
dant une semaine- Tout a été tenté pour réagi»
contre *ette inditfà-ence du publie: prote«tiptf
~~le.p~~e8&Utom JutJJ!H,
On s'abonne ans înrteauz du Journal, 5, BOULEVARD DES ITALIENS, 'A PAKE* (zf, ertfans tous les Bureau de Poste
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K 'l VlJn numéro (à ï»oris) 1S5 centimes
Directeur politique Adrien "Hébrard
-–Tontes les lettres destinées à la Rédaction doivent être adressées au Direqtenr
Le Journal ne pouvant répondre des manuscrits communiqué»
prie les auteurs d'en parder copie
ADRESSE télboraphiqub TEMPS PARIS
BULLETIN DE L'ETRANGER
LA VISITE DU TSAR A CHERBOURG
Les toasts de Cherbourg ont été ce qu'ils pou-
tyaient et devaient être une consécration nou-
ivelle de l'alliance à laquelle les deux. gouver-
nements et les deux nations restent fermement
lattachés. Ces toasts marquent d'abord la fidélité
Ses deux pays à'ieur accord de raison et d'in-
térêt. C'est le côté purement politique de la
[question. L'alliance franco-russe trouve sa rai-
son d'être dans la situation géographique des
deux Etats qu'elle unit, dans leur histoire, dans
les ambitions de leurs rivaux, dans leurs désirs
légitimes de défense mutuelle. Mais il existe
entre la République française et l'empire
russe plus qu'un accord de raison et d'intérêt.
Le tsar a rappelé « les chaleureuses sympa-
thies » qu'il nourrit personnellement à l'égard
Me la France. M. Fallières a exprimé à son hôte
impérial « les sentiments d'attachement que la
France porte à la Russie », après lui avoir dit
la profonde gratitude de notre pays « pour les
marques de fidèle sympathie et d'inaltérable
amitié » qui lui ont été données par les sou-
jverains russes. Les toasts de Cherbourg ont de
ce fait un caractère de chaleur et de cordialité
tout particulier.
On jugera peut-être qu'ils auraient dû être v
plus nerveux, plus affirmatifs dans les espé-
rances qu'ils traduisent. Il est permis de penser
que l'alliance franco-russe sagement mise en
içeuvre peut donner dans l'avenir non seule-
ment « des effets non moins heureux que ceux
Qu'elle a produits dans le passé » mais encore
lipes effets plus heureux. Plusieurs fois, au cours
Siïes dernières années, l'occasion a été fournie
àe regretter que l'alliance de 1891 ait été à un
(moment détournée de son sens et de son but,
He regretter aussi que les deux alliés aient
perdu de vue que la diplomatie est fonction de
la puissance militaire, que les peuples trouvent
Hans leur force seule la garantie de leur
Sécurité. Evidemment l'alliance franco-russe a
jeté depuis sa conclusion un des piliers de la
paix du monde. Elle a rendu ainsi de très pré-
cieux services. Elle eût pu en rendre davantage
si certaines fautes avaient été évitées. Les évé-
nements mêmes, et en 1905 et en 1908, nous
ont donné une leçon qu'il serait coupable d'ou-
folier.. L'alliance franco-russe, ramenée dans
les limites de son efficacité naturelle doit de-
iyenir un instrument de plus en plus puissant.
jjQ'est à cette condition qu'elle restera une des
(bases de la paix du monde.
On aperçoit aisément, d'ailleurs, la raison
(pour laquelle ni M. Fallières, ni l'empereur de
Russie n'ont donné à leurs toasts une couleur
lus accentuée. Il y a dans le monde un pro-
ïond besoin de paix. Le président de la Répu-
blique et le tsar n'ont voulu prononcer aucune
parole qui pût servir de prétexte à des com-
inentateurs malveillants pour démontrer que
la Russie ou la France entretiennent des désirs
Sllégitimes ou des ambitions dangereuses pour
la tranquillité européenne. Nous trouvions il
,y a quelques jours dans la loyauté de notre po-
litique étrangère la raison des regrets qui
aient accueilli à l'étranger la chute de M.
îClemenceau. Nous disions à ce moment que
notre action à l'extérieur n'avait de pointe di-
rigée contre personne, qu'on l'avait nettement
-compris à l'étranger et que l'on nous savait gré
H'une attitude si franche. Il ne semble pas dou-
teux que ce soit pour ne pas affaiblir cette im-
pression que les chefs d'Etat réunis hier à
Cherbourg g n'ont pas as mis plus d'accent dans
l'affirmation de leurs espérances. Par la même
̃raison on peut s'expliquer qu'aucune allusion
n'ait été faite à l'amitié qui lie et la France
et la Russie à la Grande-Bretagne. Les halluci-
nations de « l'encerclement » sont à peine dis-
sipées. On a tenu à Cherbourg à n'éveiller au-
cune susceptibilité.
Mais comme il arrive souvent en pareil cas,
pette modération n'a rien empêché, et pour évi-
ter un mal on est peut-être tombé dans un autre
31 suffit de lire les journaux allemands.qui com-
mentent ce matin la rencontre de Cherbourg,
pour s'en rendre compte. Ces organes s'effor-
cent d'établir d'abord que l'alliance s'est re-
froidie. Pour faire oublier les violences des
socialistes allemands contre le tsar, ils tradui-
sent et reproduisent les articles de l'Humanité.
JD'est de bonne guerre, mais cela ne trompera
^personne, car les insultes des socialistes fran-
çais ont été largement dépassées en grossiè-
reté et en violence par celles de leurs cama-
ïades d'Allemagne. La proclamation de Kiel,
jque nous avons publiée à titre documentaire,
n'a pu laisser à cet égard aucun douté aux
/hautes personnalités russes qui l'ont eue sous
les yeux. La Tasgliçhe Rundchau croit que la
presse française manque d'enthousiasme, et
gue la lune de miel franco-russe est passée.
p'autre part, la Posl, plus adroite, veut prouver
Jjue la triple entente n'est pas nécessaire pour
fEUIL,LE)TO!V »U <&Cm|J0
DU 2 AOUT 1909
>»-
CHBONlQUnHÉÂTRÂLE
LES THEATRES EN BELGIQUE
Parler des théâtres belges, cela revient k s'oc-
cuper essentiellement du théâtre français, car
japrès Paris, Bruxelles est incontestablement le
plus large champ qui s'offre aux auteurs dra-
anatiques de France, et ceux-ci savent par ex-
jjpérience de quelle importance sont les scènes
fielges pour la consolidation de leur renommée
çt de leur fortune. Par le théâtre, la Belgique
est totalement française et il ne dépend que
]Bes auteurs et des artistes français qu'elle le
1-este' inébraiilablement. Dans d'autres pays,
fes auteurs et ces artistes s'adressent à des éli-
|es forcément restreintes; ils n'y prennent pas
Hirectement contact avec; le grand public; en
Belgique, la langue qu'ils parlent est entendue
e tout le monde et la culture générale, les
nœurs, le caractère nat;onal lui-même y pré-
arent merveilleusement les esprits aux idées
rançaises. La presque totalité des théâtres ré-
uliers sont des scènes où la langue française
»st parlée;et depuis longtemps la preuve est f ai-
|e que seul un théâtre français peut vivre dans
ye pays par ses propres moyens.Des troupes ré-
'jgulières françaises jouent à Anvers, à Gand, à
JJLiége^à Verviers, à Mons, à Namur, à Charleroi;
tertaines d'entre elles se déplacent, «, font » à
jours fixés toutes les petites villes d'une région.
jSans doute, telles de ces troupes ne sont pas
toujours très heureusement composées et il
arrive que leur répertoire manque d'actualité
littéraire. C'est du théâtre au rabais, si l'on
#eut, mais c'est du théâtre, et ces pauvres ar-
tistes trop souvent mal vêtus et parfois mal
'disants apportent aux gens des petites villes
perdues un peu de joie; ils leur donnent l'illu-
sion de remuer des idées; ils leur font aimer
3e génie français et la France elle-même. Je
:|iens pour certain que c'est en partie à ces
^humbles comédiens parcourant les provinces
^belges que la France doit les sympathies pro-
fondes qu'elle possède jusque dans les villes
fles plus éloignées, où le cléricalisme farouche
|et le. flamingantisme haineux s'affirment
Bruyamment.
S Bruxelles est naturellement le centre de la
gyie théâtrale belge, non seulement parce qu'il
mispose des ressources d'une véritable capitale,
|mais encore parce que la facilité et la rapidité
pies communications avec les grandes cités voi-
jbines trente-cinq minutes pour Anvers, une
cinquantaine de minutes pour Gand, une heure
Wt demie pour Liège font que les bourgeois
S^_Ja_^s..viJies fournissent aux ibêèksa
éviter l'exercice d'une hégémonie allemande,
elle affirme que le gouvernement de Berlin ne
song'e pas à cette hégémonie; et le grand jour-
nal conservateur reproche à la France son im-
périalisme. Ainsi, il n'a pas suffi de ne pas
parler de la triple entente pour qu'on ne nous
prête pas des desseins d'expansion; et la pru-
dence des toasts a servi de point de départ à
des paraphrases sur le relâchement des rela-
tions franco-russes.
Notre alliance est aujourd'hui aussi étroite
qu'elle était hier. La revue navale de Cher-
bourg' lui a donné une consécration nouvelle
et brillante. Elle reste le pivot de notre poli-
tique extérieure. Appuyée sur la fidélité de la
Russie et sur l'amitié de la Grande-Bretagne,
la France pourra développer dans la paix, avec
l'assurance qui convient aux forts, sa prospé-
rité et sa grandeur.
-o:
DÈPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Belgrade, 1er août.
Le journal Pravdva publie une dépêche de Salo-
nique d'après laquelle le comité jeune-turc de cette
ville aurait exclu de son sein le docteur Nazim bey,
à cause do ses relations suspectes avec Hilmi pacha
et Chevket pacha, et parce qu'il travaillait avec eux
à Stper l'influence des jeunes-turcs.
Prague, 1" août.
Le procès des antimilitaristes est terminé. Des
46 accusés, 11 seulement ont été condamnés 3 d'en-
tre eux à quatre mois, 4 à cinq mois de prison, 4 au-
tres à trois mois de cachot.
Brest, 1er août.
Deux cas de fièvre scarlatine ayant été constatés
à bord du Bougainville, le ministre a donné contre-
ordre à l'appareillage.
Les élèves sont licenciés; le Bougainville et le
Borda seront désinfectés..
Rome, 31 juillet.
Le comte Taverna, président de la Croix-Rouge ita-
lienne, a remis à M. Barrère, ambassadeur de France à
Home, la grande médaille dargem et le diplôme d'hon-
neur de cette association en mémoire de la participa-
tion personnelle de l'ambassadeur aux mesures d'as-
sistance et de secours en faveur des sinistrés des
tremblements de terre du 28 décembre 1908.
« «g»
DERNIÈRE HEURE
Mouvement administratif
L'agence Fournier annonce que M. Brolet, préfet
de la Manche, sera appelé à la préfecture de la
Loire, en remplacement de M. Huart, devenu secré-
taire général du ministère de l'intérieur.
L'anniversaire de l'émeute de VUleneuve-Saint-
Georges
Villeneuve-Saint-Georges, 1" août.
En dehors des délégués des syndicats parisiens
venus de Paris, un certain nombre de terrassiers
sont arrivés d'Argenteuil, conduits par M. Lapierre,
pour participer ta manifestation. Mais, malgré la
quantité d'affiches placardées dans la région, les
manifestants, à deux heures et demie, ne sont guère
qu'au nombre de deux cents environ.
Ils se sont réunis devant l'Imprimerie coopérative
pour aller ensuite au cimetière.
Le préfet de Seine-et-Oise, M. Autrand, et le sous-
préfet de Corbeil, M. Emery, sont à Villeneuve-
Saint-Georges. Un service d'ordre discret a été or-
ganisé, prêt à parer à tout incident.
Le Tour de France cycliste
Rouen,1" août.
La dernière étape de la course sur route du Tour
de France organisée par l'Av'o, a attiré au contrôle
de Rouen une foule considérable. Les cordons de po-
lice sont môme rompus.
A 10 h. 53 passent Duboc, François Faber, Trous-
seller, Alavoine, Fleury, Ménager, Garrigou, Za-
vatti, Kranskens, en peloton; Duboc signe premier.
Le peloton est acclamé.
Une minute après arrive Ernest Paul; à 11 h. 2,
Rabot, Gajoni, Faure; à 11 h. 11, Gamberini, Oudin;
à 11 h. 12, Magnagnoni; à 11 h. 12 le Belge Van
Houwaert.
Les coureurs sont en bon état, il n'y a pas eu d'in-
cident.
Versailles, 1" août.
Le contrôle d'arrivée de la course du Tour de
France est installé après la grille de Versailles, sur
la route de Paris. en haut de la côte classique de
Picardie.
C'est Alavoine qui arrive premier de la der-
nière étape du Tour de France à 3 h. 10.
On ne connaîtra que demain le classement géné-
ral de cette épreuve qui semble ne pouvoir échap-
per à François Faber.
L. ««.
LES SOCIALISTES ET LA VISITE DU TSAR
L'entrevue du tsar et du président de la Ré-
publique à Cherbourg a été accueillie par un
déchaînement d'injures socialistes contre le
souverain de la nation amie et alliée. Le parti
de MM. Jaurès et Hervé organise des meetings,
vote des motions violentes, et sa presse fait
bruxellois une clientèle considérable. C'est ce
qui explique qu'une douzaine de théâtres régu-
liers, ouvrant leurs portes chaque soir, subsis-
tent dans une capitale de 700,000 habitants.
Tous les directeurs ne font pas fortune, mais
tous vivent et quelques-uns voient prospérer
leurs entreprises. Le théâtre royal de la Mon-
naie y occupe évidemment la place la plus
large, surtout depuis que M. Maurice Kuffe-
rath et M. Guillaume Guidé en ont fait par leur
direction vraiment intelligente une des toutes
premières scènes lyriques d'Europe; mais à
côté de la Monnaie où les œuvres de toutes
les écoles musicales sont d'ailleurs interprétées
dans les versions françaises il y a une im-
posante série de théâtres où l'art dramatique
français s'affirme dans tous les genres. Depuis
le théâtre royal du Parc, qui est la maison du
grand répertoire, jusqu'à la Scala, où sévit la
grosse pièce à couplets, on trouve une image
complète de tout le théâtre français. Le théâtre
royal des Galeries peut être comparé aux meil-
leures scènes du boulevard parisien; l'Olym-
pia saute de la comédie la plus fine à la revue
de fin d'année; au Molière, le drame romanti-
que alterne avec l'opérette de la bonne époque;
au Vaudeville s'impose la farce à grosses sur-
prises à l'Alcazar, tous les genres s'entremê-
lent. Toutes ces scènes rivalisent de zèle pour
servir la cause de l'art dramatique français.
Elles le servent évidemment par des moyens
très différents, avec plus ou moins de bonheur
et de goût, mais pour toutes l'effort louable
y est.
L'art dramatique français domine donc to-
talement en Belgique, mais il ne faudrait pas
en conclure qu'il n'y compte que des sympa-
thies. Dans tous les domaines de la vie natio-
nale belge on distingue une opposition plus ou
moins prononcée à l'influence française que
subissent profondément la plupart des élé-
ments aristocratiques, bourgeois et populaires,
même dans les plus lointaines villes flamandes.
Les ennemis déclaçés de toute culture française
cherchent depuis quelques années à engager la
lutte sur ce terrain spécial du théâtre. Les fla-
mingants, par exemple, s'indignent du fait
qu'à côté de tant de théâtres français, il n'y ait
en tout et pour tout que trois théâtres réguliers
flamands de quelque importance, un à Bruxel-
les, un à Anvers, un à Gand, dont les portes
s'ouvrent trois ou quatre fois par semaine du-
rant six mois d'hiver. Sans les subsides muni-
cipaux, ces scènes ne pourraient se maintenir,
et encore, pour satisfaire leur clientèle popu-
laire doivent-elles recourir à des traductions
de vieux drames français. Pour le surplus, le
théâtre flamand n'atteste sa vitalité que par les
rares manifestations de groupements d'ama-
teurs qui se produisent en province et qui trou-
vent leur contre-partie dans des sociétés wal-
lonnes interprétant des pièces en patois lié-
geois ou namurois. Si le théâtre flamand est
inexistant à ce point, c'est que la culture géné-
rale flamande est trop incomplète encore jjoue
inié^sser jim.,iaiMi4 ,vTaimeftUettc4/
rage. On ne peut lire, sans dégoût, les grossiè-
res diatribes qui s'étalent particulièrement dans
YHïimanité, et dont un titre en grosses lettres
suffit à donner une idée la journée où le repré-
sentant de la France reçoit celui de la Russie
alliée est, d'après la feuille unifiée, une journée
de honte. Le président de la République reçoit
sa large part des outrages collectivistes. Peu
s'en faut que M. Fallières ne soit traité, lui
aussi, de despote rouge et de tigre altéré de
sang. D'ailleurs, le roi d'Espagne, qui n'est
pourtant pas à Cherbourg et qu'on n'atten-
dait pas en cette affaire, est également voué,
dans le même ordre du jour, au mépris de la
civilisation. Quand la machine à insultes et à
flétrissures est remontée, elle ne s'arrête pas
facilement. On se demande pourquoi ces so-
cialistes n'ont pas "du même coup englobé
dans leurs malédictions le sultan de Turquie et
celui du Maroc (pour qui ils ont au contraire
un faible), le khédive d'Egypte, le Fils du Ciel
(qui a un nom bien clérical), le mikado et l'émir
d'Afghanistan. La généralisation, même incom-
plète, de leurs invectives suffit à en démontrer
la puérilité. S'ils attendent que tous les chefs
d'Etat soient socialistes pour se calmer, ils at-
tendront peut-être longtemps.
La France ne peut remettre à un avenir si
éloigné et si problématique le soin d'assurer sa
situation dans le monde. La seule puissance
européenne qui soit actuellement, comme
nous, en République, c'est la Suisse encore
nos socialistes lui reprocheraient-ils sans doute
de n'être qu'une république bourgeoise. En
tout cas, si précieuse que soit l'amitié de la
Suisse, elle ne suffirait pas à nous garantir le
maintien de notre influence. Force nous
est donc de chercher des alliés parmi, les
Etats monarchiques. Entre ces Etats, la Russie
est-elle particulièrement indigne de notre al-
liance ? D'abord, nous n'avons point à nous
immiscer dans la politique intérieure des autres
pays. Ensuite, les déclarations de M. Goutchkof,
chef du parti octobriste, que nous avons pu-
bliées hier, établissent qu'en accordant une
Constitution à l'empire, Nicolas II s'est acquis
des droits indéniables à la reconnaissance de
ses sujets et que son gouvernement travaille,
en toute loyauté, de concert avec la Douma,
à organiser en Russie le progrès et la liberté.
On oublie que le tsar est aujourd'hui un souve-
rain constitutionnel. Il plaît à l'Humanité de
récuser le témoignage de M. Goutchkof et des
octobristes, qui sont pourtant des libéraux. On
dirait, à écouter les amis de M. Jaurès, qu'il
n'y ait que l'opinion des révolutionnaires, des
émeutiers et des nihilistes qui compte 1 On nous
parle toujours de la répression, et jamais des
attentats qui l'ont rendue nécessaire. Mais à
quoi bon discuter avec des gens dont le siège
est fait ?
Leur parti-pris résulte de leur indifférence à
la question qui,pour tout bon Français, domine
le débat, à savoir celle des intérêts vitaux de
notre pays. L'alliance franco-russe est déter-
minée, comme l'a dit Bismarck, par la nature
des choses. Elle est également utile à la Russie
et à la France. Elle est un gage nécessaire de sé-
curité, d'équilibre et de paix. Il est même étrange
que les pacifistes du socialisme se refusent à le
le voir ou à en convenir. Mais le public français
ne l'ignore pas, et c'est pourquoi il accueille avec
joie la visite de Nicolas II et approuve haute-
ment les gouvernements républicains qui se
sont succédé depuis dix-huit ans d'avoir con-.
servé et resserré cette alliance salutaire. Quant
à l'inqualifiable langage des socialistes, non
seulement il n'a pas le moindre écho dans le
pays, mais il ne servira qu'à démontrer une fois
de plus avec une lumineuse évidence Que ce
parti d'hervéistes est prêt à sacrifier la patrie
elle-même à ses passions anarchiques, et consti-
tuerait, s'il augmentait sa puissance, un vérita-
ble péril national.
m m «C»- ̃–
bit iM-A-iEiGm
On lit dans YEUioire de V aérostation, publiée
en 1786, par l'Anglais Tibere Cavallo « Roger
Bacon, qui vécut dans le treizième siècle et con-
tribua beaucoup à la renaissance des sciences,
écrivit plusieurs ouvrages avec liberté, mais sou-
vent avec obscurité. Ce grand homme en décri-
vant, ou plutôt en s'étendant sur ce que peuvent
la nature et l'art, dit « On peut faire quelques
instrumenta volants, de manière à ce qu'un homme
assis au milieu fasse, au moyen de quelque mé-
chanisme, mouvoir des ailes artificielles qui puis-
sent battre l'air comme un oiseau volant. » Le
marquis de Bacqueville s'avisa, en 1742, de réali-
ser ce rêve du vieux mage. Ce marquis était un
seigneur opulent et d'humeur singulière; étant
mécontent de l'esprit général de son écurie, il
avait fait pendre un de ses chevaux pour édifier
les autres. M. de Baoqueville annonça un beau
matin aux sujets du roi Louis XV qu'il allait leur
t La littérature flamande, néerlandaise à pro-
prement parler, compte certainement des œu-
vres remarquables, mais il n'y a pas de public
pour leur garantir le succès. Dès que les élé-
ments populaires flamands acquièrent quelque
culture, ils s'orientent vers l'influence fran-
çaise et rentrent dans le courant général. Ce
n'est donc pas l'art dramatique flamand qui
menace sérieusement le développement du
théâtre français en Belgique, et celui-ci n'a pas
davantage à redouter la concurrence du théâtre
allemand. Les colonies germaniques prenant
dans les grandes villes belges une importance
de plus en plus considérable, on a essayé, en
ces dernières années, d'introduire le théâtre
allemand. Deux ou trois troupes errantes, avec
des vedettes berlinoises, s'installèrent pour
quelques soirs au théâtre du Parc, et une troupe
d'opérette, viennoise celle-là, donna cette an-
née quelques représentations à l'Alcazar. Les
résultats furent des plus médiocres. Au Parc,
Mlle Rosa Poppe, qu'on présenta comme une
des grandes tragédiennes allemandes, fit con-
naître la Sappho de Franz Grillparzer. Malgré
sa poésie puissante, l'oeuvre parut lourde par
son manque de technique, et l'artiste en vedette
parut manquer d'élan et de réelle émotion.
L'échec fut un peu moins accentué pour les re-
présentations du Walzertraum, par la compa-
gnie d'opérette où Mme Greta Meyer s'impo-
sait en vedette. Le public, même le public spé-
cial de la colonie allemande, ne fut pas con-
quis, et ces représentations s'achevèrent devant
des salles à peu près vides. L'impression se
précisa, très nette, que jamais l'esprit belge ne
goûterait cet art qui lui est totalement étran-
ger et que de telles entreprises comporteront
toujours des sacrifices inutiles. Pourtant, il ne
faudrait pas en déduire que le public belge reste
indifférent à tout art étranger dont le mode
d'expression ne lui est pas familier. Les belles
représentations données en octobre dernier
par la Duse et sa compagnie italienne furent
suivies avec le plus vif intérêt, et telles mati-
nées spéciales du théâtre du Parc consacrées à
des auteurs étrangers retinrent toujours l'atten-
tion la plus sympathique.
Si le théâtre français peut dédaigner actuelle-
ment encore les entreprises flamingantes et al-
lemandes, il rencontre pourtant une hostilité
réelle qu'il serait dangereux de méconnaître et
de négliger c'est celle qui se manifeste dans
des milieux absolument francisés à propos de
certaines œuvres où la note grivoise est exagé-
rée comme à plaisir. Le vaudeville inepte, avec
les déshabillages de rigueur, les situations gros-
sières soulignées par des mots d'une crudité
écœurante; les pièces à couplets et à figuration
qui ne sont que prétextes à exhibitions indécen-
tes et à défilés de « petites femmes », voilà ce
qui détermine dans certains milieux belges une
véritable hostilité au théâtre français.
Les conservateurs, qui haïssentla France pour
son radicalisme; les catholiques, qui la haïssent
pour ce qu'on appelle encore en Belgique son
^IJgfflMfcïaejjjie manj^ien.t»M,Cafflfioej'^iiui
donner le spectacle d'un gentilhomme volant. Au
jour indiqué, la foule s'amassa devant son hôtel,
situé sur le quai des Théâtins, au coin de la rue
des Saints-Pères. Le marquis de Bacqueville ap-
parut, pourvu de deux ailes « semblables à celles
qu'on'donne aux anges ». Il s'éleva aurdessus de
sa terrasse et alla tomber, au bord de la rivière,
sur un bateau de blanchisseuses; on le releva avec
une jambe cassée. Il ne renouvela point l'expé-
rience.
Vingt ans après, l'héroïque tentative fut reprise
par Jean-Pierre Blanchard. Bacqueville n'était
qu'un dilettante excentrique. Blanchard avait d'un
inventeur véritable l'audace, le savoir et le génie.
A seize ans, il créait une voiture mécanique; à
dix-neuf ans, une machine hydraulique. L'échec
de Bacqueville lui fit entreprendre des recherches
qui durèrent plusieurs années. Le 28 août 1781,
Blanchard adressa une note aux auteurs du Jour-
nal de Paris. « Peu de personnes ignorent que de-
puis un certain laps de temps je m'occupe, proche
Saint-Germain-en-Laye, à construire un vaisseau
qui puisse naviguer dans l'air. L'idée d'une voi-
ture volante me fut suggérée par les essais de M. de
Bacqueville; certainement, si cet amateur, qui
était fortuné, eut poussé la chose aussi avant que
moi, il eût fait un chef-d'œuvre; mais malheu-
reusement on se rebute quelquefois aux premiers
essais et par là on ensevelit dans l'obscurité les
choses les plus magnifiques. » Suivait la des-
cription de la machine. « Sur un pied en forme de
croix est posé un petit navire de quatre pieds de
long sur deux de large, très solide, quoique cons-
truit avec de minces baguettes. Aux deux côtés du
vaisseau s'élèvent deux montants de six à sept
pieds de haut, qui soutiennent quatre ailes de
chacune dix pieds de long, lesquelles forment en-
semble un parasol qui a vingt pieds de diamètre
et conséquemment plus de soixante pieds de cir-
conférence. » L'inventeur concluait « L'on me
verra fendre l'air avec plus de vivacité que le
corbeau, sans qu'il puisse m'intercepter la respi-
ration, étant garanti par un masque aigu et d'une
construction singulière. »
Le tort ae Blanchard fut de surexciter la curio-
sité publique trop longtemps à l'avance. Il avait
en outre contre lui la science officielle « II est,
déclarait Lalande, démontré impossible qu'un
homme puisse s'élever ou même se soutenir dans
l'air. » Cependant des curieux d'élite étaient admis
à visiter le vaisseau aérien, dans un local prêté
par l'abbé de Vieunay. Il y eut une visite spéciale
pour MM. les ducs de Bourbon et d'Enghien, sur-
tout pour le duc de Chartres qui avait promis à
Blanchard, en cas de succès, une gratification de
mille louis. Les badauds trouvaient l'attente un
peu longue; on blaguait. Pour faire prendre pa-
tience au public, Blanchard fit graver par Martinet
l'image de son vaisseau aérien. Cette estampe a
figuré à l'Exposition de 1900; M. Louis Béreau
l'avait prêtée à la section rétrospective de la
classe 34. Elle se trouve dans la riche collection,
qu'a donnée récemment à la Bibliothèque natio-
nale M. le baron de Vinck, et dont M. Bruel a com-
mencé le catalogue critique. On y voit le pilote
aérien manœuvrant les bascules et les pédales qui
devaient communiquer le mouvement aux ailes
d'ascension et de direction. Il est en habit rose et
bas blancs; les ailes et le gouvernail sont peints
en vert. Derrière le pilote, un siège vide est ré-
servé à un compagnon de voyage. On lit, sous ses
pieds
Si par son art il peut dompter le fler Eoie,
II sera des Français l'Arohimède et l'idole.
Le 5 mai 1782, Blanchard donna une grande
séance publique de démonstration.L'événement in-
téressa les Parisiens plus encore que l'ouverture
de la nouvelle salle de la Comédie-Française.
« Malgré, disent les Mémoires secrets, le temps
effroyable qu'il faisait et une pluie averse, les
curieux abondaient en toile quantité quo la garde
nombreuse n'a pu contenir la foule et qu'elle a
inondé la cour, le jardin, les escaliers et les ap-
partements de la maison. » La machine demeura
à l'abri du mauvais temps. La foule attendait un
miracle; elle eut un discours. L'inventeur se borna
à lire une belle harangue, dans laquelle il avouait
les difficultés de son entreprise. « M. Blanchard
n'a pas dissimulé qu'il prévoyait deux inconvé-
nients très grands qu'il n'avait pu encore parer,
celui de se trouver mal dans cette machine à ne
plus pouvoir lui donner le jeu nécessaire pour se
soutenir, et celui, ne voyant point au-dessous, d'i-
gnorer sur quel endroit il rabattait. Le premier
inconvénient cependant deviendrait presque nul
s'il avait un compagnon; mais ce ne sera pas aisé
à trouver pour le premier essai. »
Ce premier essai, les Parisiens se lassèrent de
l'attendre. L'imagerie devint gouailleuse. Une ca-
rieature montrait un cercle formé par des aveu-
gles, des ânes à lunettes, un singe armé d'une
loupe, un renard placé devant un télescope, obser-
vant tous le vaisseau volant qui ne volait cflint.
La légende disait
̃. Ah le bel oiseau vraiment
'Qui s'est mis dans cette cage.
'Ah le bel oiseau vraiment
Depuis vingt mois on l'attend..
ces farces grossièrement vaudevillesques et ces
fantaisies pornographiques résument tout l'es-
prit français. Ils en déduisent que la culture
française doit forcément mener au plus misé-
rable abandon moral et à la plus détestable dé-
pravation. Ils trouvent là une trop belle occa-
sion de satisfaire toutes leurs rancunes contre
la France pour faire la distinction qui serait
pourtant d'élémentaire loyauté ils se plaisent,
au contraire, à généraliser, à représenter toutes
ces spéculations pornographiques comme des
oeuvres types du théâtre français.
En vérité, la France n'a pas de plus redou-
tables ennemis à l'étranger, et notamment en
Belgique, que ces industriels peu scrupuleux
qui voient dans le théâtre licencieux une source
de faciles revenus et qui justifient trop souvent,
hélas 1 certaines polémiques sur la décadence
morale de la France. Des industriels du même
genre opèrent dans d'autres pays et dans d'au-
tres langues, mais on les ignore dans les con-
trées où la langue française est d'usage courant
et où trop d'éléments politiques sont haute-
ment intéressés à ruiner la culture française. Il
est désolant que des Français fournissent de la
sorte des arguments aux adversaires de leur
pays et de leur race il est déplorable que l'on
soit impuissant à les empêcher efficacement de
jeter le discrédit sur la nation française en per-
mettant aux naïfs et aux malveillants d'affirmer
insolemment qu'en France, pays traditionnel
de tous les héroïsmes, la paillardise et le vice
ont tué toutes les vertus.
Il est heureux vraiment que les productions
par trop grivoises trouvent une puissante con-
tre-partie dans les œuvres qui relèvent réelle-
ment du théâtre français et qui sont générale-
ment interprétées à Bruxelles dans les meilleu-
res conditions. On proteste souvent à Paris con-
tre les trop fréquents déplacements des socié-
taires et des pensionnaires de la Comédie-Fran-
çaise. Peut-être en résulte-t-il des inconvé-
nients, mais il est permis de croire qu'ils sont
largement compensés parles immenses servi-
ces que ces artistes rendent au dehors. Ceux-là
apprennent véritablement à aimer la Fran-
ce ceux-là, révèlent l'âme française aux
foules attentives. Au théâtre royal du Parc,
au théâtre royal des Galeries, ce sont ces ar-
tistes-là que vont applaudir tous les lettrés,
tous les bourgeois, tous les'humbles. Il y a
quelques années, M. Reding, l'excellent direc-
teur du Parc, eut l'idée d'organiser tous les
jeudis des matinées littéraires consacrées spé-
cialement à tels auteurs français dont des con-
férenciers autorisés, expliquent l'œuvre. De son
côté, M. Franz Fonson, l'actif directeur du
théâtre des Galeries, a organisé des matinées
classiques dont le succès est considérable. C'est
ainsi qu'on put applaudir cette année Mlle Gé-
niat, MM. Dehelly, de Féraudy junior, Ravet
et Darras dans le Barbier de Séville; Mmes
Louise Silvain, Géniat, MM. Silvain et Jacques
Fenoux dans l'Electre d'Alfred Poizat; M. Al-
bert Lambert dans le Polyphème d'Albert
^.garaaHii Ht Siiyain eaeore d&nMl&MismtArjimiu
Les chansonniers s'en mêlèrent. De Piis écrivit
un vaudeville, d'ailleurs douloureusement stucide:
le Bateau volant.
J)e voler publiquement
̃-̃iiïi" Dans une gondole,
"r Bais-tu, Pierre, qu'un savant
•~t^>fo^'A donné'' parole? •-•-•.
.Va-t-en voir s'il vole,
:Va-t-en voir s'il vole.
Jean,
• ,Va-t-en voir s'il vole t
ri y a dix-huit couplets, dont le premier est ïe
plus spirituel.
Criblé d'épigrammes, le pauvre Blanchard se
décida à tenter une expérience quasi secrète, dans
le parc d'un château de lavillette. « Il en a résulté,
dit un contemporain, l'impossibilité absolue de s'é-
lever de terre par la trop grande pesanteur de la
machine. S'obstinant à la faire aller, M. Blanchard
l'a dérangée et brisée en grande partie. Il ne se
décourage pas. Il en a tout de suite imaginé une
autre plus légère, d'un moindre volume et d'une
nouvelle forme. Elle ressemble à une cage ronde;
elle est fort avancée, et il pourra sous peu de
temps donner ce nouveau spectacle. Mais quelle
confiance prendre en un machiniste qui calcule
aussi mal ses forces et se trompe aussi lourde-
ment ? »
II est à retenir, à la gloire de Blanchard, que ses
malheureuses tentatives précédaient les ballons
des frères Montgolfier. Lorsqu'il vit les premiers
aéronautes, Blanchard ne leur marchanda point
la louange. Il résolut de se servir des ballons pour
enlever son vaisseau volant, a Je rends, disait-il,
un hommage pur et sincère à l'immortel Montgol-
fier, sans le secours duquel j'avoue que le niéca-
nisme de mes ailes ne m'aurait peut-être jamais
servi qu'à agiter un élément indocile, qui m'aurait
obstinément repoussé vers la terre, comme le
lourd autruche, moi qui comptais disputer à l'aigle
le chemin des nues. »
D'aviateur il était modestement devenu aéro-
naute. La Correspondance de Grimm, en lui ren-
dant justice, fit des rêves « Le génie de M. Blan-
chard, encore tout étourdi des huées qu'il avait
essuyées l'année dernière, s'est réveillé tout à coup
au bruit de la renommée de MM. Montgol/ier. En
combinant sa machine avec le secret nouvelle-
ment découvert, il n'a pas encore renoncé à l'hon-
neur d'être le premier navigateur aérien. Nous
pouvons donc espérer d'avoir des voitures de toute
espèce et pour voguer dans les airs, et pour voya-
ger peut-être même de planète en planète. On a
déjà prévu que pour les courses de cérémonie,
pour les équipages ordinaires de la cour, rien ne
serait plus décent que de beaux attelages d'ai-
gles le paon, l'oiseau de Junon, serait consacré
pour le service de la reine; les colombes de Vénus
en seraient trop jalouses si elles n'en partageaient
pas quelquefois la gloire; on perfectionnerait tout
exprès la race des hiboux et des vautours pour
conduire les demi-fortunes des philosophes et des
médecins. »
Chacun sait que par la suite Blanchard se cou-
vrit de gloire. En 1784, il alla en ballon de Paris à
Billancourt. Le 7 janvier 1785, avec son compa-
gnon, l'Américain Jeffries, il traversa la Manche.
Les deux aéronautes, partis du château de Dou-
vres, vinrent atterrir eh France, après un voyage
de deux heures. Calais leur fit une ovation. Ils fu-
rent reçus à Versailles; le roi les complimenta.
Mme de Polignac les admit à sa toilette. « Elle
nous accueillit, dit Jeffries, avec force politesse et
bonté, quoiqu'elle fût à s'habiller, entourée de cinq
dames tout en blanc. Elle ressemblait à Vénus. »
Tant en France qu'en Amérique, Blanchard flt
soixante-six ascensions. En 1808, frappé d'apo-
plexie dans son ballon, il tomba d'une hauteur de
vingt mètres et mourut quelques jours après.
« Va-t'en voir.s'ils volent. Jean 1 Va-t'en voir
s'ils volent I »
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
A. CHERBOURG
'{Dépêches de notre envoyé spécial)'
Cherbourg, 1" août. ™
De la revue navale que l'empereur de Russie et le
président de la République passèrent à bord du
Galilée au milieu des hourras des escadres, des ac-
clamations de la foule couvrant les quais et les
jetées et des bravos enthousiastes des ouvriers de
l'arsenal eux-mêmes, ceci surtout excita la curiosité
et fixa l'attention cinq sous-marins, YEmerav.de en
tête, leur peu nombreux équipage rangé en ordre
autour du capot, défilèrent, escortant le Galilée à
travers la masse imposante des dix cuirassés fran-
çais et russes, des sept croiseurs, des éclaireurs
d'escadres et des vingt contre-torpilleurs de la
Manche et de la Méditerranée. Leur coque légère
efflourait à peine les vagues marines, et les hom-
mes, dans les grands remous que laissait après lui
le croiseur présidentiel, semblaient tantôt près de
disparaitre, tantôt se tenir debout sur les flots de
miraculeuse façon.
Aussi fût-ce un des premiers un des seuls dé-
sirs des mignonnes grandes-duchesses, lorsque M.
Fallières revint à bord du Siandart où il recondui-
M. Mounet-Sully dans OEdipe roi MM. Al-
bert Lambert, Paul Mounet et Mme Cœlia dans
le Cid; Mlle Robinne dans le rôle de Sylvia du
Jeu de l'amour et du hasard M. Georges Berr
dans l'Etourdi et dans le Dépit amoureux. Tel
est le bilan des matinées classiques organisées
par M. Fonson. Quant aux matinées littéraires
du Parc, M. Reding fut obligé de diviser ses
abonnés en quatre séries. La première matinée
fut consacrée au comte Albert du Bois, dont on
représenta le poème tragique en cinq actes, la
Dernière Dulcinée, pour laquelle Catulle Men-
dès fit sa suprême conférence sur le drame
romantique. Il y eut une matinée François
Coppée, avec conférence de M. Maxime de
Boussies et réprésentation de Madame de Main-
tenon il y en eut une autre consacrée à Louis
Legendre, pour laquelle M. Maurice Donnay fit
une conférence charmante il y en eut une
consacrée à Florian, avec interprétation du Mé-
nage d'Arlequin; une autre encore où M. Jean-
Bernard évoqua le souvenir de Ludovic Halévy
tandis qu'on reprenait l'Abbé Constantin. La
plus intéressante de toutes, peut-être, fut la
matinée Henri Becque, avec la reprise des Cor-
beaux et une conférence de M. Dwelshauwers.
M. Paul Hyacinthe-Loyson révéla au public du
Parc le dramaturge suédois Tor Hedberg. Enfin
M. Maurice Wilmotte nous entretint de l'Ita-
lien Giacosa, dont le Mari amoureux de sa
femme ne parut pas trop désuet.
Il importe d'insister ainsi sur ces matinées
littéraires et classiques parce qu'elles occupent
une place à part dans la vie théâtrale belge et
qu'elles constituent réellement le meilleur
théâtre éducatif pour le public. Elles ne nui-
sent d'ailleurs en aucune façon au répertoire
ordinaire des théâtres qui estcelui des théâtres
parisiens. Rien ne ressemble plus aux affiches
des théâtres de Paris que les affiches des théâ-
tres de Bruxelles. On y retrouve les mêmes
titres et souvent les mêmes noms d'artistes;
mais il arrive que le cc four » de Paris devient
succès à Bruxelles et que le succès de Paris
tombe à plat dans la capitale de la Belgique.
Au théâtre royal du Parc, les deux grands suc-
cès de la saison furent Son Père, de MM. Albert
Guinon et Alfred Bouchinet, oti Mlle Terka
Lyon dessina finement le personnage de Jeanne
Orsier, et la Femme nue, la pièce si profondé-
ment humaine de M.Henry Bataille, où MmeBer-
theBady fut sincèrement émouvante. Mme Réja-
ne nous revint cette année au Parc avec Qui perd
gagne, de M. Pierre Veber; Mme Marthe Bran-
dès nous fit connaître Un Divorce, de M. Paul
Bourget et M. André C-ury enfin, Mme Berthe
Cerny nous réapparut dans la Parisienne, de
Becque. Voilà pour les « vedettes ». Il faut y
ajouter le Bon roi Dagobert, de M. André Ri-
voire, l'Oiseau blessé, de M. Capu,?, la Patronne,
de M. Maurice Donnay, Simone, de M. Brieux,
et une curieuse reprise du Monde où l'on s'en-
nitie, avec Mme Judic dans le rôle de la du-
chesse de Réville. Ainsi on a une idée compte
de ce que le théâtre du Parc a représenté «tûtifl
£nnée cour rart UmaatigLUd Jfraoîfiis.;
sait l'empereur, de photographier elles-mêmes « les
submersibles de France. » Elles en firent gracieu*
sement la demande au président de la République,
et l'autorisation était à peine accordée, que les ko-
daks minuscules, sous les petits mains d'enfants,
fonctionnaient à l'envi.
Oh le charmant, le gentil spectacle de ce jeune,
prince- impérial et de ses quatre somes plus gran-
des, toutes princesses, mais toutes espiègles et amu-
santes.
Olga, Tatiana, Maria, Anastasial Leurs noms
circulaient de groupe en groupe, tandis que subite-
ment attentives et sérieuses, elles fixaient leur objec-
tif, du haut du bastingage ou de la passerelle, sur,
nos sous-marins leur âge aussi était dit, quatorze,
douze, dix, huit ans et celui qui vint le dernier poui
la plus grande gloire de fa couronne impériale,
Alexis, cinq ans Des lueurs passaient dans le»
yeux de l'impératrice alternatifs mélanges de dou-
ceur, de fierté, de reconnaissance et d'amour.
A bord de la « Vérité n
La revue terminée, le tsar rendit sa visite au pré-
sident de la République. Celle-ci fut également un
des faits saillants de l'après-midi, en raison surtout
de la longueur et de la cordialité qui 'marquèrent
l'entretien.
L'empereur est en effet resté seul avec M. Falliè-
res plus d'une heure, dans le salon d'honneur du bâ-
timent.
Pendant ce temps, M. Pichon eut également une
conversation avec M. Isvolski, ministre des affaires
étrangères de Russie, qui tint également à échanger
ses impressions avec M. Louis, ambassadeur de
France à Saint-Pétersbourg.
Après cette visite, l'empereur a regagné le Slan-
dart. Un peu avant huit heures, accompagné de
l'impératrice, il revenait à bord de la Vérité, où le
président de la République offrait à dîner aux majes-
tés impériales.
La table, dressée sur la place arrière du cuirassé
en forme de fer à cheval, était ornée de roses rou-
ges, d'orchidées, d'oeillets et à son centre d'une
glace recouverte de mousseline, aux armes de la,
Russie. •:
L'impératrice a a sa droite l'empereur et à sa gau
che M. Fallières.
Les convives sont au nombre de 80.
La musique des équipages de la flotte fit entendre»
pendant le repas des morceaux de compositeurs rus-
ses, alternant avec des morceaux -de compositeurs..
français. LES TOASTS
t-ES TOASTS
Le président de la République a porté le toaslg..
suivant
Sire,
J'éprouve une joie sincère à souhaiter ïà
bienvenue à Votre Majesté et à Sa Majesté l'im-
pèratrice, à l'occasion du troisième voyage que,
depuis leur couronnement, elles font en notr»
pays.
La France et son gouvernement vous tint,
sire, une profonde gratitude pour les marques
de fidèle sympathie et d'inaltérable amitié qui
leur viennent de Votre Majesté; votre présence
aujourd'hui dans le port de Cherbourg en est
un nouveau témoignage elle apporte à l'al-
liance qui unit nos deux gouvernements et nos
deux nations, et qui est justement considérée,
comme une garantie de paix dans le monde,
une consécration qui permet d'attendre d'elle,
dans l'avenir, des effets non moins heureux que
ceux qu'elle a produits dans le passé.
En exprimant les sentiments d'attachement
que la France porte à la Russie, je lève mon.
verre en l'honneur de Vos Majestés, en l'hon-
neur de S. M. l'impératrice Marie Feodorovna,
et de toute la famille impériale, je bois à la.
grandeur et à la prospérité de l'empire russe*,
allié et ami de la République française.
La musique joue l'hymne russe. L'empereur df
Russie a répondu
Monsieur le président,
Les paroles de bienvenue que vous venez de
prononcer nous ont profondément touchés,
l'impératrice et moi. C'est chaque fois avec un
sentiment de sincère plaisir que j'aborde les;
côtes de la France. Le souvenir de mes précè-,
dents séjours dans votre beau pays reste gravi
dans ma mém'oire. Outre les chaleureuses sym-
pathies que je nourris personnellement à l'é-
gard de la France, je demeure comme vous,
monsieur le président, fermement convaincu
que l'alliance entre nos deux pays constitue une
précieuse garantie pour la paix générale, et que'
les liens étroits d'amitié entre la Russie et la
France continueront à l'avenir comme par le
passé à f aire ressentir leurs bienfaisants effets.
Si au camp de Bétheny, il m'a été donné d'ad-
mirer l'armée française, j'éprouve aujourd'hui
une joie réelle de pouvoir rendre hommage à la
superbe flotte, dont la revue à laquelle je viens.
d'assister m'a vivement impressionné.
Animé de ces sentiments de cordialité et da
constance inaltérable, partagés par la Russit
entière, je lève mon verre à votre santé, mon-
sieur le président, à la grandeur de la France
alliée et amie, et je bois à la prospérité de ty
vaillante marine française.
La musique joue la Marseillaise,
La portée du toast de l'empereur a vivement
frappé tous les convives.
C'est en effet le plus chaleureux qui ait été port£
Au théâtre royal des Galeries, le triomphe de
la saison fut le Roi, avec M. Huguenet, MUes
Lantelme et Felyne. Cette pièce avait été pré-
cédée sur l'affiche par Sherlock Holmes avec
M. Gémier, et elle fut suivie de l'Amour veille^
de MM. de Fiers et de Caillavet, avec Galipau^
dans le rôle d'Ernest Vernet, et par Patachon^
avec M. Noblet en vedette. Le Passe-Partout de
M. Georges Thurner, avec ses violences par
trop faciles, n'obtint qu'un succès relatif, biei^
que M. Tarride y fût remarquable; mais 1^
Chant du Cygne, avec M. Huguenet et Mme
Laurence Duluc, produisit grande impression^
tandis que le Foyer, de MM. Mirbeau et Na«
tanson, toujours avec M. Huguenet en ve-,
dette, provoqua à Bruxelles les mêmes mani*
festations,d'ailleurspromptementréprimées,quf
marquèrent les représentations de cette pièce en
France. Il serait injuste de ne pas rappeler lé.
très gros succès personnel qu'obtint M. Hugue-
net dans l'Ami Fritz.
Il serait fastidieux de passer ainsi en revue,
même sommairement, les affiches de la saisort
dernière de tous les théâtres bruxellois, et si
j'ai cru devoir le faire pour les deux principales
scènes, c'est parce qu'il était, essentiel de bierf
établir que le mouvement du théâtre français
en Belgique suit de très près le mouvement
parisien et cela dans des conditions d'interpré-
tation qu'il serait impossible de réunir en d'au-
très pays étrangers. Après cela, il me suffira da
constater le succès avec. lequel l'Olympia, éga-
lement dirigé par M. Franz Fonson, monta:
YOreille fendue, le Poussin, le Poulailler, etque
d'autres théâtres, comme l'Alcazar, firent de#
reprises plus ou moins heureuses de Viveurs, de
M. Lavedan, de l'Aînée, de M. Jules Lemaître,
du Secret de Polichinelle. Pour le surplus, il esfr
inutile d'insister sur les vaudevilles, les mélo-'
drames et les opérettes qui reviennent chaque
année sur les affiches des scènes de second ordrô1
et qu'il serait heureux pour l'art dramatique?
français d'en voir disparaître définitivement/'
J'en viens donc directement au théâtre belge*
d'expression française.
Car il y a un théâtre belge d'expression fraifj;
çaise. Il est vrai qu'il n'en est encore qu'à se*
débuts, que les efforts dans ce sens sont encore
peu précis, mais il arrive une ou deux fois pat
saison que M. Reding, directeur du Parc, se
risque à jouer un auteur national. Il faut lut
rendre cette justice que c'est là de sa part urf
geste courageux, le public belge restant totalej
ment indifférent à ces essais. Le succès d'una
pièce belge ne dépasse jamais à Bruxelles If
salle de la première. A la quatrième ou tin*
quième représentation, c'est le vide. San^
4oute, il y eut, l'année dernière, la Kaatje de
M. Spaak qui atteignit la cinquantième, mal*
c'est l'exception qui confirme la règle. Des œ«g
vres que 1 on tient pour littérairement sup
rieurea à celle-là nepurent tenir l'affiche i>en|
dant une semaine- Tout a été tenté pour réagi»
contre *ette inditfà-ence du publie: prote«tiptf
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