Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1909-08-01
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 août 1909 01 août 1909
Description : 1909/08/01 (Numéro 17566). 1909/08/01 (Numéro 17566).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
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AORBSSX TÉLÉGRAPHIQUE TEMPS PARIS
Nous commencerons lundi la publication
LA JUSTICE DES HOMMES
PAR
QRAZIA DELEDDA
Traduit de l'italien par F. ROUSSILLE
Paris, 31 juillet
B.ULLETIN DE L'ÉTRANGER
L'ENTREVUE DE CHERBOURG
L'empereur de Russie sera cet après-midi
3'hôte de la France. Nous saluons respectueuse-
ment le représentant de la grande nation amie
ït alliée, qui vient rendre au président de la
République la visite de Reval: Cette rencontre
est une nouvelle preuve de l'attachement des
deux peuples français et russe i l'alliance de
raison qu'ils ont conclue en 1891. Depuis dix-
huit années, en dépit des événements divers,
l'essence des relations franco-russes ne s'est
pas modifiée. Les raisons profondes de' politi-
que internationale et d'équilibre européen qui
la rendaient nécessaire a'ors, la rendent encore
nécessaire aujourd'hui. Comme le disait Bis-
marck, l'alliance franco-russe résulte de la na-
ture des choses. Elle est conforme aux intérêts
des deux pays; c'est pourquoi il n'y faut rien
changer, sinon pour la resserrer'encore et lui
donner dans le concert européen l'efficacité
matérielle qui, à certains moments, semble lui
avoir fait défaut.
L'utilité de l'alliance avec la Russie a été re-
connue même par M. Jaurès, qui affirmait en
1903 que « le devoir de tous les Français était
de ne rien faire qui puisse ébranler et détruire
l'accord franco-russe». C'était à r.p.tffi date, avant
la guerre de Mandchourie et avant l'affaire ma-
rocaine, une vue d'homme d'Etat. Depuis, le
leader socialiste, inquiété par la surenchère des
hervéistes, ne manifeste plus de semblables sen-
timents. Il laisse ses amis organiser des réu-
nions où. chaque phrase contient une injure
pour le souverain, et le journal dont il est le
directeur ne contient, en ce jour où Nico-
las II arrive dans les eaux françaises,
que des insultes pour le tsar. M. Jaurès
pense-t-il que cela ne soit pas de nature
à ébranler et détruire l'accord franco-
russe? On connaît le sophisme par lequel ses
amis expliquent sa nouvelle attitude. L'alliance
franco-russe doit être une alliance entre les
deux peuples Nicolas II ne représente pas le
peuple russe. A cet argument misérab:e, on
pourrait répondre d'abord par une phrase même e
de M. Jaurès « Il y a eu un temps où le parti
républicain se demandait s'il serait possible
d'établir une solidarité de politique extérieure
entre deux pays si dissemblables par leur état
politique et social. C'est une préoccupation que
nous n'avons pas le droit d'avoir. » Mais les
libéraux russes ont formulé eux-mêmes une
réfutation plus directe et plus profondé.
« En attaquant notre souverain, disait il y a
quelque temps M. Goutchkof, chef du parti
octobriste, à notre correspondant à Londres, les
socialistes français atteignent la Douma elle-
même. Il suffirait de leur faire remarquer
qu'ils se mêlent de ce qui ne les regarde pas.
Mais de plus, leurs critiques sont de véritables
clichés. On dirait vraiment qu'il n'y a en Russie
que des prisons et des potences C'est oublier
qu'en accordant une Constitution à l'empire,
notre souverain s'est acquis des droits indénia-
• -foies à la reconnaissance de ses sujets. C'est éga-
lement passer sous silence le travail de réorga-
nisation que la Douma a entrepris de concert
avec le gouvernement, et qui est en train de
transformer sans bruit la Russie tout entière.
Ces réformes s'accomplissent lentement et pa-
tiemment, mais elles marchent avec fermeté à
leur but, qui est de préparer la nation russe à
se gouverner elle-même. Vos socialistes sont
donc à la fois ignorants et injustes. Je sais que,
heureusement, ils ne constituent, en France
comme en Angleterre, qu'une infime mino-
rité. »
Il est vrai, en effet, que nos socialistes ne
sont qu'une minorité plus turbulente que sen-
sée, minorité plus soucieuse de ses intérêts par-
ticuliers que des intérêts généraux de la France.
La majorité du peuple français nourrit à l'égard
de la Russie et de son empereur les mêmes
sentiments chaleureux qu'elle a exprimés en
1893, lors du voyage des marins de l'amiral
Avelane, en 1896, lorsque le tsar et la tsarine
vinrent à Paris. L'institution en Russie' d'une
Chambre élue se prononçant sur toutes les af-
faires de l'Etat a précisément atténué consi-
dérablement les différences de régime qui
avaient paru trop longtemps choquantes aux
républicains. La Russie est entrée définitive-
ment dans la voie constitutionnelle et libérale.
Rien ne l'arrêtera plus dans cette route. Son
alliance avec la France deviendra, de ce fait, de
jour en jour plus étroite. Il y a trois semaines,
quelques députés russes traversèrent Paris,
nous laissant espérer pour l'automne la visite
officielle d'une délégation de la Douma. Au-
jourd'hui rencontre des chefs d'Etat; dans
quelques semaines rencontre des élus de la
nation. Ainsi se traduira avec une absolue
netteté l'union intime des deux peuples.
DEPECHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
1
Berlin, 31 juillet. j
Le baron de Berckheim, chargé d'affaires de
FËUILLETOiV DU 3UmjJ0
DU 1« AOUT 1909 (8)
LE PASTEUR
NOTJVBr.TL.E
roui d'abord l'étudiant tenta de calmer ses
-agresseurs, de les supplier; il se souleva au-
tant qu'il le put, et tournant vers ses bourreaux
son visage sanglant, enflé, dont un œil pendait
lamenfablement, il balbutiait, étouffé « Mes
frères, pourquoi? Que vous ai-je fait? Vous êtes
des. hommes. non des bêtes. Reprenez cons-
cience. »
Mais ses prières, ses objurgations exaspé-
raient encore davantage les brutes. A coups de
talon de botte, ils l'assommaient comme une
.vipère, s'acharnant.
Au loin, un bruit de roues répercuté par
ï'écho arrêta la fureur homicide. Une carriole
jparul sur la route.
•» Halte! cria Michel. Tu vas à Lipovka?
i Oui même, tout juste.
<– Viens ici. Nous avons pris un traître.
Le paysan approcha.
Il est venu nous ameuter contre Dieu, le
4sar, la patrie. Il faut le conduire chez notre
pope. Il nous a dit « Dès que vous en prendrez
un, amenez-le chez moi. »
Le paysan sauta à bas de la voiture, contem-
pla Imconnu et dit J
Vous Tarez salement arrangé! On pour-
rait avoir. une affaire. mieux vaut le laisser
mourir ici. ¡
tl n'y a pas d'affaire à craindre. Notre
Reproduction interdite
France, a été reçu hier par le chanceljer auquel il a
transmis les remerciements de M. Pichon pour les
félicitations que le gouvernement impérial et M. de
Bethmann-Hollweg lui avaient fait adresser par le
chargé d'aliaires d'Allemagne à Paris, le baron de
Larickeri, à l'occasion de son maintien au ministère'
des allaites étrangèn's. Le chancelier a dit à M. de
Berckheim qu'il se félicitait des bons rapports ac-
tuels entre les deux pays et qu'il s'efforcerait de les
maintenir.
Berlin, 31 juillet
Les Neueste Nachrichten écrivent que bien que
la personnalité des déserteurs soit peu intéres-
sante, le sentiment qui inspira l'acte du président
Fallières sera accueilli et compris en Allemagne
avec reconnaissance et cordialité.
Berlin, 31 juillet.
On admet, dans les milieux bien informés, la pos-
sibilité d'une rencontre entre Guillaume II et
Edouard VII lors du voyage du roi d'Angleterre à
Marienbad.
Rien cependant ne serait encore arrêté à ce sujet.
L'escadre dp réserve allemande est partie de Kiel
pour la mer du Nord où eile se réunira pour des
manœuvres avec l'escadre active qui arrive, comme
on sait, de Bilbao,
Les socialistes viennent de remporter une victoire
électorale dans le Palatinatoùils ont enlevé au bal-
lottage pour le Reichstag la circonscription de
Neustadt-Landau aux nationaux libéraux.
Vienne, 31 juillet.
Selon la Cotrespondance politique, on ne croit pas
à Athènes à la suppression du poste de commandant
en chef de l'armée; on ne doute pas cependant que
le prince royal de Grèce ne renonce très prochaine-
ment à cette haute position.
fService Bavas).
Stockholm, 31 juillet.
Les ouvriers des télégTaphp.s ont décidé, à l'unani-
mité de se joindre aux grévistes. l.e directeur des pos
tes a, alors, déchiré, que, conformément au reniement
ils devaient être immèdi.itemevit congédiés.
L'Union pes ouvriers des usines d'éclsirnge de Stoc
khblm a tenu hier une réunion dans laquelle la plu
pnrt des orateurs se sont prononcés contre la gréve
générale que recommanne le secrétariat général ou-
vrier.
Une décision définitive n'a pas encore été prise.
̃ o
DERNIÈRE HEURE
Le prochain conseil des ministres aura lieu mardi
à l'Elysée, sous la présidence de M. Fallières.
Les tremblements de terre au Mexique
Mexico, 30 juillet
Les nouvelles de la zone des tremblements de
terre annoncent que Cilpanango et Cilapa ont été
détruites dans la matinée et qu'il y a eu plusieurs
centaines de tués. Les survivants campent en plein
air.
Les dégâts matériels sont très grands. Les se-
cousses ont continué dans la soirée. On signale
de forts dégâts à Ignala et GuPrro où des secousses
intermittentes ont été ressenties pendant quatorze
heures il n'y a pas eu de victimes parce que la
population familiarisée avec les tremblements de
terre s'est précipitée hors des maisons dès les
premières secousses.
A Mexico môme, les dégâts matériels ont été
peu importants. Les murs de la cathédrale ont
souffert et plusieurs constructions légères se sont
abattues.
Ce soir, il y a eu de nouvelles secousses à Aca-
pulco où tous les bâtiments élevés au bord de l'eau
et les églises se sont effondrés. Les habitations
et les hôtels sont rendus inhabitables pas une
seule maison n'est restée indemne.
De Puebla, de la Vera-Cruz, d'Oaxaca,-de Tlaco-
talpam et de Hachira, on signale des dégâts maté-
riels sans qu'il Y ait eu de victimes.
Le foi do Bulgarie en Turquie
Cone4wn(dnopSe,.03-juiHd.
Certains journaux annoncent que le roi de Bul-
garie viendrait rendre visite au sultan dans le
courant d'août.
SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE
L'attention de la Chambre et celle du Sénat
ont été appelées c'était le jour de la sépara-
tion sur les imprévisions budgétaires qui,
depuis quelques années, sont devenues en
quelque sorte de règle chez nous, si bien que
nous n'avions plus, en fait de budgets, que de
vaines apparences. Le Parlement ayant hâte
de partir en vacances, les observations formu-
lées ont dû revêtir une forme très concise, et
elles ont pu échapper au grand public. Dans
l'intérêt même de nos finances, il est de toute
nécessité qu'elles soient mises en lumière, et
sur certains points complétées à l'aide des rap-
ports des deux commissions spéciales de la
Chambre et du Sénat.
Vers la fin de la séance du 27 juillet, peu
d'instants avant la lecture du décret de clôture,
le président de la commission du budget,
M. Maurice Berteaux, demandait le vote -d'un
crédit supplémentaire de 8,135,000 francs pour
la marine. En même temps, il protestait contre
l'oubli persistant des règles budgétaires, et il
exprimait l'espoir que le gouvernement vou-
drait, à l'avenir, les respecter. Pourquoi cette
plainte? On en trouve cette explication dans le
rapport de M. Paul Doumer sur les crédits sup-
plémentaires de la marine
Tous ces crédits, le dernier excepté (de 325,000
francs, pour l'outillage et.les approvisionnements
dans les bases d'opérations de la flotte), s'appli-
quent au service de l'artillerie. C'est pour ce ser-
vice, en effet, que les besoins sont le plus pres-
sants.
Lorsque nous devions voter, au mois de juillet
de l'année dernière (1908), des crédits supplémen-
taires pour l'artillerie navale montant à 7 mil-
lions de francs, la commission du budget faisait-
entendre de sévères observations qu'on n'aurait
pas dû oublier.
La situation qui nous était révélée par cette
pope nous a dit ce matin que le tsar avait or-
donné de châtier les traîtres. que nous en se-
rons récompensés!
Allons, va, emporte-le! Traînez-le à la car-
riole
On traîna le corps piétiné, boursouflé, ina-
nimé on l'amena à Lutikovo.
La nouvelle qu'on avait pris un traître se ré-
pandit comme la poudre dans tout le village, et
lorsque la carriole arriva à la maison du prêtre,
une foule compacte la suivait.
Qu'est-il arrivé? demanda inquiet le père
Antoine.
Nous avons pris un traître; nous l'avons
un peu abîmé; nous vous l'amenons.
Le père Antoine s'approcha, toucha l'inconnu
à l'épaule.
Je crois qu'il est mort, dit-il. Portez-le
dans ma maison et allez chercher le brigadier.
On étendit le corps, selon les indications du
pope, dans l'entrée, sur un coffre à bois.'
Où l'avez-vous attrapé?
Les paysans expliquèrent, agrémentant de
plus en plus leur récit de nouveaux détails,
s'entraînant croyant de bonne foi dire la vé-
rité.
Mon révérend père, le brigadier est parti
avec sa femme chez des parents jusqu'à ce soir,
déclara l'envoyé.
Pas de chance. Mais que faire? Rentrez
chez vous et quand le brigadier viendra vous
lui expliquerez le cas, comment tout s'est passé.
Les paysans s'éloignèrent à regret. Le père
Antoine, émotionné, se prit à arpenter l'en-
trée. Il était indécis sur ce qu'il devait dire et
faire, et grommelait contre sa femme, partie le
matin chez une amie, à une distance d'environ
dix verstes, contre le brigadier absent égale-
ment et en même temps composait son rapport.
Qu'adviendrait-il de tout cela? Cet homme était
il venu seul soulever le pays, ou bien étaient-
ils une bande disséminée parmi les villages?
Avant d'arriver à Lutikovo, il avait dû déjà
entrer dans bien des isbas, il a déjà 1
peut-être réussi à monter bien des cerveaux et
peut-être prochainement, des émeutes éclate-
ront dans la régioa
demande, montrant l'incomplet de l'approvision-
nement des cuirassés qui entraient en service,
I imprévoyance ou la dissimulation qui avait pré-
sidé propositions des crédits budgétaires de
l exercice 1908, justifiaient toutes les critiques.
Au mois de juillet 1908, un crédit de
6,800,000 francs avait été voté, en effet, « en
vue de la liquidation de l'arriéré qui était ré-
vélé ». Et l'on avait pu croire que, désarmais,
la régularité budgétaire s'imposerait. « La leçon
eût dû servir » dit le rapporteur général. Et
comme les crédits budgétaires réclamés pour
les besoins avoués du service avaient été portés
de 18,989,700 francs, chiffre du budget de 1908,
à 22,082,575 francs, chiffre du budget de 1909. le
Parlement avait dû juger que toutes les dota-
tions utiles existaient enfin.
Malheureusement, le crédit réellement indis-
pensable n'avait pas plus été proposé pour
l'exercice 1909 qu'il ne l'avait été pour l'exer-
cice 1908. « Pas plus au cours de l'examen du
budget de 1909 par votre commission, que lors
de son vote, on ne révéla l'insuffisance du cré-
dit inscrit au budget. » Cette insuffisance était
telle que M. Alfred Picard, soucieux du bon
ordre budgétaire, ne se crut pas autorisé", faute
de .crédits préalables, et cete décision ne sau-
rait trop être approuvée, à donner des com-
mandes, qui cependant semblaient urgentes.
« Les adjudications ont été faites, lit-on dans
le rapport de M. Doumer, les marchés sont
préparés; on attend pour les signer et donner
la commande le vote des crédits supplémen-
taires. »
Le rapport poursuit en ces termes
A quoi donc ont été employés les 22 millions de
francs inscrits au chapitre 22 du budget de 1909?
On nous le dit vaguement, obscurément, dans
des comptes où la précision manque autant que
la clarté. Il semble bien qu'une bonne part du cré-
dit, la plus forte peut-être, ait servi à payer aux
̃ fournisseurs des sommes en retard, qui auraient
dû être ordonnancées sur les précédents exercices.
On sent toute la gravite de pareilles décla-
rations. Les budgets ayant cessé de traduire
la réalité des besoins auxquels l'Etat doit sub-
venir, et les dépenses ne pouvant pas être élu-
dées, ce procédé antibudgétaire s'est vu em-
ployer les ordonnancements réguliers n'ont
pas eu lieu; les sommes dues aux fournisseurs
ont dû être payées «" en retard ». C'est-à-dire
que les crédits d'un budget ont été appliqués,
faute de ressources convenables demandées et
accordées en temps utile, à solder des factures
dont la charge eût dû normalement incomber à
des budgets antérieurs.
Quand nous insistons, avec l'énergie que l'on
sait, sur l'absolue nécessité de budgets sin-
cères, que cherchons-nous ? Les questions de
personnes nous sont parfaitement indiffé-
rentes. Nous tâchons simplement de prévenir
des fautes lourdes comme celle-là. Un pays qui
s'écarte du droit chemin pour la gestion de ses
finances s'expose aux pires surprises.
Devant le Sénat, le rapporteur général,
M. Gauthier, n'a pas été moins net que M. Dou-
mer ou que M. Berteaux. « La situation de votre
commission des finances, comme celle du Sé-
nat tout entier, a dit M. Gauthier, est certaine-
ment délicate. » Mais comment refuser ces
crédits supplémentaires? Que pouvait la com-
mission sénatoriale? Le propre des faux bud-
gets, c'est d'annihiler les droits des Chambres.
Le Parlement n'a plus que des prérogatives
illusoires. Il est acculé à des ratifications qui
n'ont rien de flatteur pour son orgueil, rien de
bon non plus pour son autorité.
La commission sénatoriale en a eu lia claire
1 p.1"ot>p~l"\n
Il eût été pourtant de son devoir, écrit M. Gau-
thier, de ne vous proposer le vote des crédits
qu'après avoir recherché, entre autres choses, les
raisons des graves tinprévisions des budgets de
1908 et de 1909, aujourd'hui révélées, et après
avoir reçu l'assurance que des mesures sérieuses
seraient prises pour éviter le retour de pareils
abus.
Mais le temps presse, et d'autre part, le gou-
vernement nous représente les 8,135,000 francs de
crédits comme absolument indispensables et ur-
gents.
La commission sénatoriale a donc conclu,
elle aussi, au vote des crédits supplémentaires.
Seulement, pour sauver la face, eîle a dit ceci
« Mais nous exprimons en même temps le re-
gret que ces crédits n'aient pas été prévus et
inscrits dans le budget de 1909. Rien ne peut
excuser une pareille imprévision, et nous es-
pérons que le budget de 1910 ne verra pas se
renouveler une aussi grave atteinte à la sincé-
rité budgétaire. »
Le budget de 1910? Mais jusqu'à présent le
projet soumis à la Chambre nous l'avons
fait remarquer ne se distingue pas des pré-
cédents, à ce point de vue. M. Doumer a dé-
noncé, dans son discours du 27 juillet, « qu'il
existe, dans le budget tel qu'il nous a été pré-
senté, des imprévisions considérables ». Et
l'on se tromperait si l'on s'imaginait que la ma-
rine soit seule en cause. Ce n'est nullement
pow elle seule qu'un « budget rectifié » doit
être apporté. Voici, d'ailleurs, les déclarations
textuelles de M. Doumer w
En effet, malgré le retard où nous sommes dans
l'étude du budget, la commission n'a pas reçu non
plus le budget complété de la guerre; pourtant les
votes qui ont été émis ici, notamment sur la réor-
ganisation de l'artillerie, rendent, nécessaire l'ins-
cription de nouveaux crédits.
De même encore, je n'ai pas besoin de rappe-
ler que la Chambre a émis récemment, sur les re-
traites des employés de chemins de fer, un vote
qui entraîne nécessairement des dépenses nou-
velles au cours de l'exercice 1910.
Ces constatations auront-elles été inutiles?
Une fois de plus les pouvoirs publics se. dé-
Par moments, il s'arrêtait et prêtait l'oreille.
Il ne ressentait aucune compassion pour l'in-
connu. N'était-ce pas un traître qui venait sour-
noisement essayer de lui arracher son pain, at-
tenter à son bien-être! Non, il était simplement
énervé par la rapidité des faits et la crainte de
voir mourir l'inconnu avant l'arrivée des auto-
rités. Seul dans la maison la bonne ayant
couru au village écouter les potins le père
Antoine marchait en écoutant le bruit de ses
pas. Une plainte s'éleva du côté du divan. Le
père Antoine s'approcha vivement du blessé
et se pencha au-dessus de son visage défiguré.
La paupière gauche horriblement gonflée, fré-
mit, se souleva avec peine, laissant aperce-
voir un grand œil gris plein de souffrance, dont
le regard se fixa étrangement sur le pasteur;
puis de nouveau la paupière se rabattit. Le père
Antoine frissonna. Où avait-il vu ces yeux?
Dans cet unique œil il avait lu quelque chose
de très proche et de vague, comme un rêve loin-
tain. Son cœur se serra, bondit éperdument
dans sa poitrine.
Seigneur, aie pitié! Seigneur, aie pitié,
priait le prêtre en se signant. Quelles idées
folles traversent mon cerveau? Qu'ai-je cru
voir?
Il alla vers la fenêtre et contempla la route
par laquelle devait revenir sa femme. Mais une
force extraordinaire l'attirait vers le divan. Il
s'en approcha de nouveau, et cette fois dévi-
sagea de très près la masse informe, rouge vio-
lacée, méconnaissable, dont l'œil droit sorti
de l'orbite pendait sur la joue lamentable-
ment. Il cherchait à y retrouver quelque chose,
mais quoi? L'inconnu tenta un effort pour se
soulever, geignit, et de nouveau leva la pau-
pière. L'œil avait un regard presque cons-
cient, avec un reflet d'étonnement et de joie. Le
père Antoine recula comme si le blessé l'avait
violemment frappé en pleine poitrine. Son cœur
ne battait plus, mais sautait à se rompre; tout
le sang afflua à sa tête, brisant les tempes, au
point qu'il lui semblait que ce bruit emplis-
sait,toute la pièce. Les mains crispées sur ses
cheveux, il r&la
.«r. Je deviens fou. Seteneurl. C'est impos-
roberont-ils à leur devoir primordial, celui de
donner au pays un vrai budget? Le nouveau
ministre des finances, M. Georges Cochery, ré-
ponJant li M. Paûl Doumer, a manifesté les
intentions les meilleures « Je tiens à assurer
la commission du budget et la Chambre, a-Hl
dit, de notre intention formelle d'apporter les
demandes de crédits nécessaires, de tous
les crédits nécessaires, pour 1910, avant la
discussion du budget. » Et M. Gochery a ajou-
té « Nous entendons collaborer avec la com-
mission du budget pour permettre à la Cham-
bre de faire un budget complètement sincère, et
en même temps, pour obtenir que, grâce aux
efforts que nous ferons tous et que fera aussi le
Sénat, le budget soit voté en temps utile,
clair, sincère, et disant au pays la vérité
telle qu'elle est, toute la vérité. »
Pour ces excellents paroles M. Georges Co-
chery devrait-il être loué? Non, car le ministre
se bornait,1 en somme, à rappeler des principes
budgétaires auxquels il est toujours demeuré
fidèle. Et lui-même au surplus l'a dit, non
sans quelque fierté « Vous pouvez compter
que lé ministre des finances sera dans l'avenir
comme il était à la commission du budget, le
défenseur énergique de la sincérité, de la vé-
rité budgétaire. » Mais sur quelle pente le pays
avait-il donc gilissô pour que de telles assuran-
ces parussent nécessaires!
RAYONNEMENT, EXPANSION
« Rayonnement de la France », « Expansion
de la France n deux thèmes que nous retrou-
vons, en ce moment, dans un grand nombre des
discours prononcés aux distributions de prix. On
traitait ce sujet,- hier encore, au lycée de Bor-
deaux. Le rayonnement intellectuel de la France
est un fait acquis son expansion commerciale
est à l'état de devenir, un état de progrès lent,
beaucoup trop lent, car noua serions capables de
-faire bien mieux. Certes les professeurs ont rai-
son d'encourager chez les jeunes gens le goût
de l'initiative. Nous sommes trop prudents et
trop pondérés (dès qu'il ne s'agit point de poli-
tique) à force de redouter l'aventure, nous avons
perdu le sens de l'audace, qui est fille du courage
et de la foi.
Souvent, nous avons eu l'occasion de nous en-
tretenir avec des commerçants, avec des colons
et nous leur avons demandé comment ils se lais-
saient d;stancer par les étrangers. Ceux d'entre
eux qui étaient sincères convenaient que nous
avons eu le-grand tort de nous endormir sur de
vieilles méthodes commerciales et d'attendre chez
nous le client au lieu d'aller le chercher chez lui.
Mais la nécessité de défendre nos positions an-
ciennes et déjà battues en brèche a sonné le
réveil des énergies. Partout, on crie à nos conci-
toyens, jeunes ou vieux, à ceux qui vont débuter
et à ceux qui ont déjà parcouru une partie de la
carrière, à tous: « Ceignez-vous les reins I
La concurrence est âpre 1 Il ne s'agit plus
de se reposer derrière un comptoir comme der-
rière le guichet d'une administration publique.
Français, il est bien d'avoir répandu dans tous
les pays le nom de la France, son esprit, sa langue,
ses livres, son, théâtte; il faut répandre aussi, et
surtout, ses marques de fabrique, les produits du
sol, las merveilles de son industrie, ses vins et
ses fruits délicieux. Etudiez les méthodes des
voisins, si les vôtres ne suffisent plus. Marchez
tout seuls, ou suivant la circonstance,unissez-vous,
créez des syndicats ou des coopératives de vente
pour faire valoir vos marchandises, défendre vos
prix. Luttez, travaillez, agissez I »
Tels ,*«*»*: les encouragements que nous prodi-
guons a nos concitoyens, jeunes ou vieux. Nous
devrions bien aussi faire parvenir ces bonnes pa-
roles à certaines catégories de fonctionnaires.
Quand on aborde ce sujet, les commerçants et les
colons ne tarissent pas en anecdotes sur les diffi-
cultés qui leur sont créées comme à plaisir par les
administrations. Pour certains fonctionnaires de
la mère patrie, le commerçant n'est qu'un fâcheux
qui leur procure un surcroît de travail. Pour cer-
tains fonctionnaires des colonies, qui se permet-
tent parfois des fantaisies un peu excessives, le
colon est un témoin qu'il faut éloigner à tout prix:
alors, on le décourage et on le ruine. « Rayonne-
ment »,- « expansion » Belles phrases, mots de
gloire! La réalité est souvent moins brillante.
Nous ne devons cependant en vouloir qu'à nous-
mêmes.
Le gouvernement dépend de l'opinion publique,
c'est-à-dire de nous. Sachons exiger que le gou-
vernement rappelle à l'ordre ou châtie ceux de -ses
agents, qui par égoïsme ou paresse (sinon pour des
causes plus blâmables encore) manquent à leur
devoir envers la France en mettant des entraves
à l' « expansion » de notre industrie. Nous avons
précisément de nouveaux ministres. Espérons que
M. Jean Dupuy, ministre du commerce, et M.
Georges Trouillot, ministre des colonies, trouve-
ront bientôt le moyen d'exciter le zèle de leurs
subordonnés ou de rectifier leurs mauvaises habi-
tudes.
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
.A. CHERBOURG
(De notre envoyé spécial)
DE PARIS A CHERBOURG
En route, 20 juillet, soir.
Le train emmenant à Cherbourg le président de
la République et les personnages officiels avait
quitté hier la gare Saint-Lazare à 1 h. 45 de
l'après-midi. L'horaire du trajet î.e comportait
que deux arrêts de service et deux arrêts officiels
le premier à Lisieux, le second à Caen. Dans la
gare de chacune de ces deux localités, M. Fallières
a reçu les autorités et s'est fait présenter les délé-
sible Ce ne peut être qu'une hallucination 1
Cependant, son cerveau travaillant fiévreuse-
ment, évoquait avec des détails précis une
chambre noire, un lit d'enfant dans lequel se
débattait son Lucas aimé, âgé alors de dix
ans et atteint de variole. Et le père Antoine se
souvenait, comme penché au-dessus de ce vi-
sage ulcéré il écoutait la respiration irrégu-
lière. Et comme cet étranger, l'enfant soule-
vait ses paupières enflées, et ses yeux gris ne
reconnaissaient pas le père. Cette vision subite
affolait le pasteur; il cherchait à la chasser,
n'osait plus regarder du côté du blessé qui
lui inspirait une terreur mystique.
De nouveau s'éleva une faible plainte suivie
de-mots insaisissables, que seule une oreille
nerveusement disposée pouvait entendre.
Père] père! papa!
Inondé de sueur froide, le cerveau trouble,
le vieillard s'écroula à genoux devant le divan.
Il n'y avait plus de doute l'horrible masse in-
forme, piétinée, meurtrie, était son fils, son
Lucas bien-aimé, la seule poésie de toute son
existence, pour lequel il avait donné le meil-
leur de sa vie; oui, c'étaient bien ses yeux, son
œil intelligent et bon.
Mon enfant! mon enfant! mon petit ado-
ré se lamenta le père Antoine, en couvrant de
baisers le moribond.
Père. maman. est là?.
La bouche se tordit soudain en une grimace
douloureuse; des sons rauques s'échappèrent
de la poitrine, avec des sanglots qui clapotaient
comme l'eau à un barrage.
Seulement à cet instant le père Antoine s'a-
perçut, ou plutôt eut conscience de toutes les
horribles plaies, des ecchymoses, de l'œil pen-
dant hors de l'orbite.
Etouffé par les larmes, chancelant comme un
homme ivre, il se précipita dans la cour pour
envoyer chercher le docteur.
La servante, qui revenait du village avec
deux amies, resta pétrifiée à la vue de son
maître pleurant et sanglotant.
De suite. Mélanie. Cours vite chez le
postiez Qu'il aille au gai oc.. chercher le.
gations venues pour le saluer. Ici et là, la popu-
lation lui a fait de chaleureuses ovations.
Dans l'allocution qu'il a prononcée à Caen, le
chef de l'Etat, faisant allusion à la visite des
souverains russes, a dit
•I»!alliancè.<£ui unit la France et la Russie n'a pas be-
soin d'être consolidée. Elle a déjà porté ses fruits. La
rencontre du président de la République aveo le souve-
rain de la grande natioù alliée ne pourra que contribuer
à l'affermissement de la paix du monde, et le monde en-
tier ne pourra qu'en être -reconnaissant à la France et &
la Russie.
Dans les gares d'arrêt, aux stations que le train
présidentiel brûle dans sa marche rapide, au long
des haies, sur les routes que coupe la voie ferrée,
aux passages à niveau, dans les champs où garçons
et servantes de ferme travaillent sous le ciel très
doux, ici et là, partout des acclamations reten-
tissent en l'honneur du chef de l'Etat. Ce sont des
hourras, qu'une bande joyeuse pousse au carre-
four qui précède les premières maisons d'un vil-
lage au seuil des vieilles demeures qui se pres-
sent autour des vieux clochers normands, les
femmes âgées se lèvent et respectueusement s'in-
clinent dans un sentier, qui" fuit à travers la
campagne un travailleur salue timidement et révé-
rencieusement à la fois, comme un paysan d'Italie
devant une Madone; puis, dans un champ im-
mense, des faneuses agitent leurs mouchoirs der-
rière elles, une rangée de paysans lèvent leurs
faux d'acier poli en criant de toutes leurs forces
« Vive le président! », tandis que juchés sur une
meule de foin, une fillette agite un drapeau trico-
lore et qu'un petit garçon présente Jes armes avec
un sabre d'enfant.
Toute une série de tableaux séduisants appa-
raît ainsi et disparait au long de la route
égayant le voyage et coupant la monotonie du
parcours.
L'ARRIVÉE A CHERBOURG
Cherbourg, 30 juillet, minuit.
A 8 h. 50, le train présidentiel arrive à Cher-
bourg, où on l'aiguille immédiatement sur la voie
qui conduit à l'intérieur même de l'arsenal.
Dans la partie de la ville que traverse cette
voie, la foule compacte agite mouchoirs et cha-
peaux et crie « Vive Fallières! Vive la Répu-
blique !» Il
lia voie est gardée et les honneurs sont rendus
par des détachements d'infanterie et de fusiliers
marins.
A 9 heures, le train stoppe devant le quai
d'embarquement, sur lequel sont groupés les ami-
ranx Jauréguiberry, commandant lescadre du
Nord, de Jonquières, commandant l'escadre de la
Méditerranée, et Bellue, préfet maritime, ainsi que
MM. Riotteau et Cabart-Danneville, sénateurs,
Mahieu, député et maire.
Une chaloupe à vapeur est sous pression.
M. Fallières et les personnages de la suite y pren-
nent place et l'embarcation s'éloigne dans la nuit.
Au loin on distingue les feux des bâtiments sur
rade c'est de leur côté que se dirige la chaloupe,
et lorsqu'elle passe à proximité des navires les
trompettes sonnent aux champs.
Bientôt après la chaloupe accoste la Vérité.
Le président est reçu à la coupée par le com-
mandant du cuirassé et conduit dans ses appar-
tements où il passera la nuit.
En ville l'animation est très grande, et la circu-
lation sur certains points assez difficile. Et cela
se comprend, car plus de 20,000 étrangers sont
arrivés pour assister aux fêtes.
Les autorités ont pris de sévères mesures pour
la sécurité de la rade pendant le séjour du pré-
sident et des souverains russes. J P
Aujourd'hui, à partir de midi jusqu'après l'arri-
vée à son corps mort du croiseur Galilée, portant
le chef de l'Etat, les souverains russes et leur
suite, le stationnement des navires de commerce,
de pêche, de plaisance, sera interdit entre la passe
de l'Ouest et les bâtiments de l'escadre.
Si un paquebot transatlantique venait à se pré-
senter à l'ouvert de la rade entre onze heures du
matin et la fin de la revue qui a lieu cet après-
midi, V. serait invité à mouiller en dehors de la
digue.
Hier malin, la police spéciale, accompagnant
de nombreux agents de la Sûreté, s'est rendue à
bord des yachts et autres navires de commerce,
qu'elle a soigneusement visités.
Pendant le séjour du tsar sur rade, un agent de
la Sûreté générale se tiendra en permanence à bord
de chaque navire de commerce mouillé sur rade.
Les fournisseurs eux-mêmes qui auront à livrer
des marchandises à bord des navires russes seront
également l'objet d'une surveillance étroite; toutes
les denrées et autres livraisons seront soumises au
contrôle avant l'embarquement.
En ville, on met la dernière main aux prépara-
tifs des réjouissances.
C'est le contre-torpilleur Epervier, actuellement
désarmé, qui sera affecté au tir du feu d'artifice.
Ce feu, d'une durée de quarante-cinq minutes,
sera, dit-on, des plus brillants. L'une des pièces
principales représentera les armoiries de la cou-
ronne impériale de Russie, et l'aigle sera sup-
porté par deux génies femmes, ayant chacune à la
main, déployés, les étendards aux couleurs russes
et françaises.
Mais le clou de la fête sera certainement le
défilé des embarcations illuminées au gré de
chaque équipage. Elles défileront à la poupe du
cuirassé Vérité, devant les souverains et le pré-
sident. P
La musique des équipages de la flotte de Brest,
arrivée sur le cuirassé Vérité, a donné en ville
plusieurs concerts et s'est vivement fait applaudir
par la population.
Voici le menu du dîner qu'offrira ce soir, à bord
du cuirassé Vérité, M. Fallières à l'empereur et à
l'impératrice do Russie
Ox-tail à la Française
Crème Hermine
Barquettes Agnès Sorel .'̃ "i ̃̃;̃.
CmSSBS LU[.:uI1U3 '^>-n
Barbues de Granville Normande >
• Barons de pré-salé Bouquetière ,̃.
Aiguillettes de caneton Cumberland •'
Médaillons de ris de veau Sévigné
Mousses au kirsch
Granités à la cerise
Dindonneaux de Hondan rôtis truffés
Demoiselles de Cherbourg en Bellevue
Salade
Petits pois au beurre d'Isigny
Coeurs d'artichauts au champagne
Ananas de serre algérienne
Glaces Gismonda
Dessert
docteur. Qu'il dise que le fils du père Antoine
est agonisant. On l'a battu. piétiné. il se
meurt. Et dis aussi dans le pays à tous ces
assassins. qu'ils auront à répondre du meur-
tre de mon fils. Demain, j'irai chez le procu-
reur. Cours vite!
Revenu près de son fils, il s'empressa à lui
appliquer des compresses, à laver de ses mains
tremblantes le visage aimé. La vue de ces plaies
le rendait fou.
Qu'ont-ils fait de toi, les infâmes mons-
tres ? Comme ils t'ont abîmé! Mon Dieu, mon
Dieu! Et pourquoi? pourquoi?. Tu souffres?
Tout ton corps est meurtri. Ah! que jamais
je n'aie vu le jour, plutôt que de te voir ainsi!
Je ne leur pardonnerai pas. Je les poursui-
vrai. Je les tuerai!
Comme un fou, il appelait les pires,
les plus terribles malédictions du ciel sur
la tête de ses paroissiens, de leurs enfants,
de leurs descendants. La question muette
de l'œil gris tristement fixé sur lui soulevait
dans son âme quelque chose de nouveau, de
terrifiant. Des idées, comme des éclairs, traver-
saient le cerveau du père Antoine et s'y débat-
taient éperdues comme le phalène contre une
croisée éclairée. Et quand il voulait s'y arrêter,
la pensée fuyait, laissant dans son âme une
trace inquiète.
Où est maman ? demanda le blessé avec
effort.
Elle va venir tout de suite. Le docteur
aussi. Il te pansera. Tu seras mieux. Je
l'ai envoyé chercher.
Il baisa dévotement les mains de son fils.
Veux-tu que je te retourne ?
Non. je souffre trop! répondit Lucas en
respirant difficilement.
Puis il se tut. Sa poitrine sifflait et râlait
comme une machine brisée, et le père Antoine
écoutait ce bruit avec terreur.
Tout à coup, le blessé battit l'air de ses bras
comme s'il eût voulu le saisir, et ouvrit déme-
surément son oeil.
Papa! papa! murmurait-il avec épou-
vante.
r– Je suis là, Lucas. Ne crains rien!
Le menu a été gravé par Stern. L'aquarelle de
Calbet, qui le décore, représente, au-dessus d'une
mer que sillonnent les cuirasses, une figure de
femme volant au-dessus des eaux et tenant era«
brassas les drapeaux des deux nations; derrière elle,
accourant dans les airs, du fond de l'horizon, une
autre femme apporte des guirlandes de fleurs. Les
armes de la cour impériale de Russie ont été frap*
pnes dans l'angle; elles sont émaillées en relief et
représentent un travail exceptionnellement délicat,
une véritable miniature artistique.
*e*
ESFA.O-3STE ET MABOÛ
On mande de Melilla que 1,600 hommes d'infan*
terie et 180 artilleurs, avec du matériel de cams
pagne, ont débarqué le 30.
De nouveaux renforts sont attendus incessam-
ment.
230 blessés sont partis pour Malaga.
On monte au fort Camellos une batterie de
grosse artillerie capable de balayer les environs
de la ville jusqu'au sommet du mont Gourougou.
!•' Impartial publie les renseignements sui*
vants sur l'affaire du 29 juillet à Alhucemas
Les Beni-Ouriaghel étaient revenus dans leurs
douars pour enterrer les morts qu'ils avaient eus
dans les combats autour de Melilla; puis ils s'é*
taient réunis au nombre de 5,000 à 6,000 sur le
marché.
Les autorités militaires d'Alhucemas, qui sur.
veillaient leur attitude, décidèrent de profiter de
1 occasion pour les punir d'avoir pris part aux
combats contre Melilla et de se préparer à y pren-<
dre part de nouveau.
/Les batteries du fort furent alors braquées sur
le marché. Le premier obus qui y tomba produisit
un effet indescriptible abandonnant morts et
blessés, les Rifains s'enfuirent de toutes parts, se
réfugiant dans les gourbis, d'où, peu après, ils
commencèrent à tirer contre le fort. Mais leur
feu était inutile à cause de la distance. Cependant
les canons d'Alhucemas continuaient à les bom-
barder. La nuit étant tombée, les Kabyles s'ap-;
prochèrent avec précaution, envoyant quelques
balles vers le fort, mais sans effet.
On mande du Penon-de-Velez que les indi-*
gènes de la région s'apprêtent à envoyer des ren-<
forts à la harka qui assiège Melilla.
Notre correspondant à Madrid écrit qu'a-
près l'arrivée de la division renforcée du gé-
néral Orozco et de la brigade de chasseurs mobi-
lisée près d'Algésiras, le général Marina aura en
tout environ 30,000 hommes 12,000 pour la
garnison et les lignes de Melilla, et 18,000 pout
s emparer du mont Gourougou et avancer dans la
direction de Selouân.
L'INSURRECTION EN CATALOGNE
Suivant les dernières nouvelles, la situation resta
grave à Barcelone. Le mouvement semble être an»
ticlérical autant qu'antigouvernemental. Presqua
tous les couvents ont éié incendiés.
Les conflits sanglants dans les rues ne cessent
pas et les avenues sont balayées par les feux de l'ar-
tillerie. Les forts de Monjuich ont bombardé les
ramblas et les paseos.
Dix mille révolutionnaires luttent contre la força
armée. Ils ont formé un comité révolutionnaire qui
dirige le mouvement insurrectionnel de la Maison
du peuple, où ils ont établi leur quartier général.
En province, la situation n'est guère meilleure.
Notre correspondant à Perpignan nous télégraphie
le 30:
A Figueras, 600 réservistes ont été appelés, mais
2 seulement se sont présentés à la caserne.
A Granollers, les émeutiers ont enlevé de l'égliss
les statues en bois et les chaises qu'ils ont brûléea
sur la,place publique, après avoir saccagé toute
l'église.
A San-Feliu-de-Guixols, la mairie a été brûlée
ainsi qu'un couvent.
A Palamos; le couvent des Frères, dont la congré-
gation avait jadis son siège à Béziers, a été pillé,
saccagé et incendié.
A Mataro, les postes de l'octroi ont été incendiés
ainsi que le couvent des Salésiens, et des industriels
ont été molestés par les révolutionnaires.
Une collision s'est produite sur la Rambla entre
grévistes et émeutiers. au cours de laquelle il y eut
es morts et des blesses.
A Casa-de-la-Selva, San-Feliu et Palamos, les
routes sont interrompues. Les « somatin », institu-
tion de civils armés particulière à la Catdlogne,
empêchent la circulation et tiennent tête à la garde
civile.
A Figueras, paraît-il, le calme s'est rétabli aprèg
l'arrestation par les autorités d'une vingtaine d'é-
meutiers.
Mais suivant une information du Times, une
réunion des chefs carlistes y aurait eu lieu et on y
attendrait l'arrivée du prétendant don Jaitne pour le
mettre à la tête de la rébellion.
Dans les provinces voisines, le calmé semble se
rétablir. C'est ainsi qu'à Tarragone et à Saragosse
la population n'a pas répondu au mouvement révo-
lutionnaire et la grève a échoué grâce aux mesures
sévères des autorités.
Cependant l'exode des conscrits et des réservistes
continue. On mande de Hendaye que le 30 juillet
plusieurs centaines de déserteurs ont franchi la
frontière.
Ils errent dans Ips rues, attendant des ressources,
les uns en vue de leur embarquement pour l'Ame»
rique, les autres pour pénétrer dans l'intérieur de la'
France et y chercher au travail.
On évalue à plus de 3,000 les insoumis qui on&
gagné Hendaye depuis quelques jours.
Un certain nombre, afliliés au carlisme, disent
qu'ils reviendront en Espagne avec don Jaime.
Les mesures du gouvernement
Notre correspondant de Madrid nous télégraphie :>
Des mandats d'arrêt ont été lancés par les juges
d'instruction militaires contre M. Pablo Isçlesiast
chef des socialistes madrilènes, et sept autres me-
neurs socialistes, ainsi que contre plusieurs républii
cains avancés et chefs de la jeunesse 'républicain»
de la capitale qni organisaient des meetings et des
manifestations contre la guerre.
On a procédé à a'autres arrestations à Madrid,
Barcelone, Alcoy, Tudela, Calahorra, Saragosse,
Bilbao, Almeria, etc.
Papa! je meurs. adieu. dis à maman..
Il s'arrêta, prit de nouveau sa respiration.
C'est dommage, père. maintenant la vie
sera belle. nouvelle, claire, lumineuse! On
pourra faire de la belle besogne. C'est dom-
mage. de mourir. si bêtement.
De grosses larmes roulèrent le long de sa
joue; sa poitrine se souleva plusieurs fois très
haut, une mousse rose parut sur ses lèvres.
L'extrême onction! Seigneur, il mour..
rait!
Le père Antoine se précipita vers sa chambre
chercher le saint viatique. Ses mains trem-
blantes ne trouvaient pas les clefs de l'armoire,
Il tâtonnait sur la table et tout à coup trouva
le manuscrit de son sermon. Ses yeux se fixè-
rent sur une phrase écrite en gros caractères
« Détruisez-les comme de la vermine. frap-
pez-les. tuez-les! »
L'idée vague qui se débattait dans son cer-
veau se précisa, explosa en pointes de feu.
De la pièce voisine parvenaient des râles
rauques, mais le père Antoine n'osait plus re-
tourner là-bas il avait peur de son fils, de son
regard mourant lisant sur le front du père la
vérité et maudissant
Assassin. assassin!
Le père Antoine se répétait ce mot, et il lut
semblait l'entendre dans les râles du mori-
bond, il lui semblait le lire dans la pourpre du
soleil couchant. Il ne vit pas sa femme des-
cendre do voiture, livide, méconnaissable; il
n'entendit pas son cri déchirant, ni les allées et
venues des gens effarés, ni les questions qu'on
lui posait. II se tenait voûté, blanchi, absorbé
devant son manuscrit.
Une seule idée tournait dans sa tête comme
la roue d'un moulin, et il cherchait à résoudre
un terrifiant problème présenté subitement par
la vie inexorable. Ses lèvres sèches balbutiaient
en un souffle ininterrompu
̃– Qui a raison? Qui a raison?
FIN
E. Gloukovtzos1,
Xradiàl du russe par Yves Bréhal.
DIMANCHR f* 'AOUT iWfc
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AORBSSX TÉLÉGRAPHIQUE TEMPS PARIS
Nous commencerons lundi la publication
LA JUSTICE DES HOMMES
PAR
QRAZIA DELEDDA
Traduit de l'italien par F. ROUSSILLE
Paris, 31 juillet
B.ULLETIN DE L'ÉTRANGER
L'ENTREVUE DE CHERBOURG
L'empereur de Russie sera cet après-midi
3'hôte de la France. Nous saluons respectueuse-
ment le représentant de la grande nation amie
ït alliée, qui vient rendre au président de la
République la visite de Reval: Cette rencontre
est une nouvelle preuve de l'attachement des
deux peuples français et russe i l'alliance de
raison qu'ils ont conclue en 1891. Depuis dix-
huit années, en dépit des événements divers,
l'essence des relations franco-russes ne s'est
pas modifiée. Les raisons profondes de' politi-
que internationale et d'équilibre européen qui
la rendaient nécessaire a'ors, la rendent encore
nécessaire aujourd'hui. Comme le disait Bis-
marck, l'alliance franco-russe résulte de la na-
ture des choses. Elle est conforme aux intérêts
des deux pays; c'est pourquoi il n'y faut rien
changer, sinon pour la resserrer'encore et lui
donner dans le concert européen l'efficacité
matérielle qui, à certains moments, semble lui
avoir fait défaut.
L'utilité de l'alliance avec la Russie a été re-
connue même par M. Jaurès, qui affirmait en
1903 que « le devoir de tous les Français était
de ne rien faire qui puisse ébranler et détruire
l'accord franco-russe». C'était à r.p.tffi date, avant
la guerre de Mandchourie et avant l'affaire ma-
rocaine, une vue d'homme d'Etat. Depuis, le
leader socialiste, inquiété par la surenchère des
hervéistes, ne manifeste plus de semblables sen-
timents. Il laisse ses amis organiser des réu-
nions où. chaque phrase contient une injure
pour le souverain, et le journal dont il est le
directeur ne contient, en ce jour où Nico-
las II arrive dans les eaux françaises,
que des insultes pour le tsar. M. Jaurès
pense-t-il que cela ne soit pas de nature
à ébranler et détruire l'accord franco-
russe? On connaît le sophisme par lequel ses
amis expliquent sa nouvelle attitude. L'alliance
franco-russe doit être une alliance entre les
deux peuples Nicolas II ne représente pas le
peuple russe. A cet argument misérab:e, on
pourrait répondre d'abord par une phrase même e
de M. Jaurès « Il y a eu un temps où le parti
républicain se demandait s'il serait possible
d'établir une solidarité de politique extérieure
entre deux pays si dissemblables par leur état
politique et social. C'est une préoccupation que
nous n'avons pas le droit d'avoir. » Mais les
libéraux russes ont formulé eux-mêmes une
réfutation plus directe et plus profondé.
« En attaquant notre souverain, disait il y a
quelque temps M. Goutchkof, chef du parti
octobriste, à notre correspondant à Londres, les
socialistes français atteignent la Douma elle-
même. Il suffirait de leur faire remarquer
qu'ils se mêlent de ce qui ne les regarde pas.
Mais de plus, leurs critiques sont de véritables
clichés. On dirait vraiment qu'il n'y a en Russie
que des prisons et des potences C'est oublier
qu'en accordant une Constitution à l'empire,
notre souverain s'est acquis des droits indénia-
• -foies à la reconnaissance de ses sujets. C'est éga-
lement passer sous silence le travail de réorga-
nisation que la Douma a entrepris de concert
avec le gouvernement, et qui est en train de
transformer sans bruit la Russie tout entière.
Ces réformes s'accomplissent lentement et pa-
tiemment, mais elles marchent avec fermeté à
leur but, qui est de préparer la nation russe à
se gouverner elle-même. Vos socialistes sont
donc à la fois ignorants et injustes. Je sais que,
heureusement, ils ne constituent, en France
comme en Angleterre, qu'une infime mino-
rité. »
Il est vrai, en effet, que nos socialistes ne
sont qu'une minorité plus turbulente que sen-
sée, minorité plus soucieuse de ses intérêts par-
ticuliers que des intérêts généraux de la France.
La majorité du peuple français nourrit à l'égard
de la Russie et de son empereur les mêmes
sentiments chaleureux qu'elle a exprimés en
1893, lors du voyage des marins de l'amiral
Avelane, en 1896, lorsque le tsar et la tsarine
vinrent à Paris. L'institution en Russie' d'une
Chambre élue se prononçant sur toutes les af-
faires de l'Etat a précisément atténué consi-
dérablement les différences de régime qui
avaient paru trop longtemps choquantes aux
républicains. La Russie est entrée définitive-
ment dans la voie constitutionnelle et libérale.
Rien ne l'arrêtera plus dans cette route. Son
alliance avec la France deviendra, de ce fait, de
jour en jour plus étroite. Il y a trois semaines,
quelques députés russes traversèrent Paris,
nous laissant espérer pour l'automne la visite
officielle d'une délégation de la Douma. Au-
jourd'hui rencontre des chefs d'Etat; dans
quelques semaines rencontre des élus de la
nation. Ainsi se traduira avec une absolue
netteté l'union intime des deux peuples.
DEPECHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
1
Berlin, 31 juillet. j
Le baron de Berckheim, chargé d'affaires de
FËUILLETOiV DU 3UmjJ0
DU 1« AOUT 1909 (8)
LE PASTEUR
NOTJVBr.TL.E
roui d'abord l'étudiant tenta de calmer ses
-agresseurs, de les supplier; il se souleva au-
tant qu'il le put, et tournant vers ses bourreaux
son visage sanglant, enflé, dont un œil pendait
lamenfablement, il balbutiait, étouffé « Mes
frères, pourquoi? Que vous ai-je fait? Vous êtes
des. hommes. non des bêtes. Reprenez cons-
cience. »
Mais ses prières, ses objurgations exaspé-
raient encore davantage les brutes. A coups de
talon de botte, ils l'assommaient comme une
.vipère, s'acharnant.
Au loin, un bruit de roues répercuté par
ï'écho arrêta la fureur homicide. Une carriole
jparul sur la route.
•» Halte! cria Michel. Tu vas à Lipovka?
i Oui même, tout juste.
<– Viens ici. Nous avons pris un traître.
Le paysan approcha.
Il est venu nous ameuter contre Dieu, le
4sar, la patrie. Il faut le conduire chez notre
pope. Il nous a dit « Dès que vous en prendrez
un, amenez-le chez moi. »
Le paysan sauta à bas de la voiture, contem-
pla Imconnu et dit J
Vous Tarez salement arrangé! On pour-
rait avoir. une affaire. mieux vaut le laisser
mourir ici. ¡
tl n'y a pas d'affaire à craindre. Notre
Reproduction interdite
France, a été reçu hier par le chanceljer auquel il a
transmis les remerciements de M. Pichon pour les
félicitations que le gouvernement impérial et M. de
Bethmann-Hollweg lui avaient fait adresser par le
chargé d'aliaires d'Allemagne à Paris, le baron de
Larickeri, à l'occasion de son maintien au ministère'
des allaites étrangèn's. Le chancelier a dit à M. de
Berckheim qu'il se félicitait des bons rapports ac-
tuels entre les deux pays et qu'il s'efforcerait de les
maintenir.
Berlin, 31 juillet
Les Neueste Nachrichten écrivent que bien que
la personnalité des déserteurs soit peu intéres-
sante, le sentiment qui inspira l'acte du président
Fallières sera accueilli et compris en Allemagne
avec reconnaissance et cordialité.
Berlin, 31 juillet.
On admet, dans les milieux bien informés, la pos-
sibilité d'une rencontre entre Guillaume II et
Edouard VII lors du voyage du roi d'Angleterre à
Marienbad.
Rien cependant ne serait encore arrêté à ce sujet.
L'escadre dp réserve allemande est partie de Kiel
pour la mer du Nord où eile se réunira pour des
manœuvres avec l'escadre active qui arrive, comme
on sait, de Bilbao,
Les socialistes viennent de remporter une victoire
électorale dans le Palatinatoùils ont enlevé au bal-
lottage pour le Reichstag la circonscription de
Neustadt-Landau aux nationaux libéraux.
Vienne, 31 juillet.
Selon la Cotrespondance politique, on ne croit pas
à Athènes à la suppression du poste de commandant
en chef de l'armée; on ne doute pas cependant que
le prince royal de Grèce ne renonce très prochaine-
ment à cette haute position.
fService Bavas).
Stockholm, 31 juillet.
Les ouvriers des télégTaphp.s ont décidé, à l'unani-
mité de se joindre aux grévistes. l.e directeur des pos
tes a, alors, déchiré, que, conformément au reniement
ils devaient être immèdi.itemevit congédiés.
L'Union pes ouvriers des usines d'éclsirnge de Stoc
khblm a tenu hier une réunion dans laquelle la plu
pnrt des orateurs se sont prononcés contre la gréve
générale que recommanne le secrétariat général ou-
vrier.
Une décision définitive n'a pas encore été prise.
̃ o
DERNIÈRE HEURE
Le prochain conseil des ministres aura lieu mardi
à l'Elysée, sous la présidence de M. Fallières.
Les tremblements de terre au Mexique
Mexico, 30 juillet
Les nouvelles de la zone des tremblements de
terre annoncent que Cilpanango et Cilapa ont été
détruites dans la matinée et qu'il y a eu plusieurs
centaines de tués. Les survivants campent en plein
air.
Les dégâts matériels sont très grands. Les se-
cousses ont continué dans la soirée. On signale
de forts dégâts à Ignala et GuPrro où des secousses
intermittentes ont été ressenties pendant quatorze
heures il n'y a pas eu de victimes parce que la
population familiarisée avec les tremblements de
terre s'est précipitée hors des maisons dès les
premières secousses.
A Mexico môme, les dégâts matériels ont été
peu importants. Les murs de la cathédrale ont
souffert et plusieurs constructions légères se sont
abattues.
Ce soir, il y a eu de nouvelles secousses à Aca-
pulco où tous les bâtiments élevés au bord de l'eau
et les églises se sont effondrés. Les habitations
et les hôtels sont rendus inhabitables pas une
seule maison n'est restée indemne.
De Puebla, de la Vera-Cruz, d'Oaxaca,-de Tlaco-
talpam et de Hachira, on signale des dégâts maté-
riels sans qu'il Y ait eu de victimes.
Le foi do Bulgarie en Turquie
Cone4wn(dnopSe,.03-juiHd.
Certains journaux annoncent que le roi de Bul-
garie viendrait rendre visite au sultan dans le
courant d'août.
SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE
L'attention de la Chambre et celle du Sénat
ont été appelées c'était le jour de la sépara-
tion sur les imprévisions budgétaires qui,
depuis quelques années, sont devenues en
quelque sorte de règle chez nous, si bien que
nous n'avions plus, en fait de budgets, que de
vaines apparences. Le Parlement ayant hâte
de partir en vacances, les observations formu-
lées ont dû revêtir une forme très concise, et
elles ont pu échapper au grand public. Dans
l'intérêt même de nos finances, il est de toute
nécessité qu'elles soient mises en lumière, et
sur certains points complétées à l'aide des rap-
ports des deux commissions spéciales de la
Chambre et du Sénat.
Vers la fin de la séance du 27 juillet, peu
d'instants avant la lecture du décret de clôture,
le président de la commission du budget,
M. Maurice Berteaux, demandait le vote -d'un
crédit supplémentaire de 8,135,000 francs pour
la marine. En même temps, il protestait contre
l'oubli persistant des règles budgétaires, et il
exprimait l'espoir que le gouvernement vou-
drait, à l'avenir, les respecter. Pourquoi cette
plainte? On en trouve cette explication dans le
rapport de M. Paul Doumer sur les crédits sup-
plémentaires de la marine
Tous ces crédits, le dernier excepté (de 325,000
francs, pour l'outillage et.les approvisionnements
dans les bases d'opérations de la flotte), s'appli-
quent au service de l'artillerie. C'est pour ce ser-
vice, en effet, que les besoins sont le plus pres-
sants.
Lorsque nous devions voter, au mois de juillet
de l'année dernière (1908), des crédits supplémen-
taires pour l'artillerie navale montant à 7 mil-
lions de francs, la commission du budget faisait-
entendre de sévères observations qu'on n'aurait
pas dû oublier.
La situation qui nous était révélée par cette
pope nous a dit ce matin que le tsar avait or-
donné de châtier les traîtres. que nous en se-
rons récompensés!
Allons, va, emporte-le! Traînez-le à la car-
riole
On traîna le corps piétiné, boursouflé, ina-
nimé on l'amena à Lutikovo.
La nouvelle qu'on avait pris un traître se ré-
pandit comme la poudre dans tout le village, et
lorsque la carriole arriva à la maison du prêtre,
une foule compacte la suivait.
Qu'est-il arrivé? demanda inquiet le père
Antoine.
Nous avons pris un traître; nous l'avons
un peu abîmé; nous vous l'amenons.
Le père Antoine s'approcha, toucha l'inconnu
à l'épaule.
Je crois qu'il est mort, dit-il. Portez-le
dans ma maison et allez chercher le brigadier.
On étendit le corps, selon les indications du
pope, dans l'entrée, sur un coffre à bois.'
Où l'avez-vous attrapé?
Les paysans expliquèrent, agrémentant de
plus en plus leur récit de nouveaux détails,
s'entraînant croyant de bonne foi dire la vé-
rité.
Mon révérend père, le brigadier est parti
avec sa femme chez des parents jusqu'à ce soir,
déclara l'envoyé.
Pas de chance. Mais que faire? Rentrez
chez vous et quand le brigadier viendra vous
lui expliquerez le cas, comment tout s'est passé.
Les paysans s'éloignèrent à regret. Le père
Antoine, émotionné, se prit à arpenter l'en-
trée. Il était indécis sur ce qu'il devait dire et
faire, et grommelait contre sa femme, partie le
matin chez une amie, à une distance d'environ
dix verstes, contre le brigadier absent égale-
ment et en même temps composait son rapport.
Qu'adviendrait-il de tout cela? Cet homme était
il venu seul soulever le pays, ou bien étaient-
ils une bande disséminée parmi les villages?
Avant d'arriver à Lutikovo, il avait dû déjà
entrer dans bien des isbas, il a déjà 1
peut-être réussi à monter bien des cerveaux et
peut-être prochainement, des émeutes éclate-
ront dans la régioa
demande, montrant l'incomplet de l'approvision-
nement des cuirassés qui entraient en service,
I imprévoyance ou la dissimulation qui avait pré-
sidé propositions des crédits budgétaires de
l exercice 1908, justifiaient toutes les critiques.
Au mois de juillet 1908, un crédit de
6,800,000 francs avait été voté, en effet, « en
vue de la liquidation de l'arriéré qui était ré-
vélé ». Et l'on avait pu croire que, désarmais,
la régularité budgétaire s'imposerait. « La leçon
eût dû servir » dit le rapporteur général. Et
comme les crédits budgétaires réclamés pour
les besoins avoués du service avaient été portés
de 18,989,700 francs, chiffre du budget de 1908,
à 22,082,575 francs, chiffre du budget de 1909. le
Parlement avait dû juger que toutes les dota-
tions utiles existaient enfin.
Malheureusement, le crédit réellement indis-
pensable n'avait pas plus été proposé pour
l'exercice 1909 qu'il ne l'avait été pour l'exer-
cice 1908. « Pas plus au cours de l'examen du
budget de 1909 par votre commission, que lors
de son vote, on ne révéla l'insuffisance du cré-
dit inscrit au budget. » Cette insuffisance était
telle que M. Alfred Picard, soucieux du bon
ordre budgétaire, ne se crut pas autorisé", faute
de .crédits préalables, et cete décision ne sau-
rait trop être approuvée, à donner des com-
mandes, qui cependant semblaient urgentes.
« Les adjudications ont été faites, lit-on dans
le rapport de M. Doumer, les marchés sont
préparés; on attend pour les signer et donner
la commande le vote des crédits supplémen-
taires. »
Le rapport poursuit en ces termes
A quoi donc ont été employés les 22 millions de
francs inscrits au chapitre 22 du budget de 1909?
On nous le dit vaguement, obscurément, dans
des comptes où la précision manque autant que
la clarté. Il semble bien qu'une bonne part du cré-
dit, la plus forte peut-être, ait servi à payer aux
̃ fournisseurs des sommes en retard, qui auraient
dû être ordonnancées sur les précédents exercices.
On sent toute la gravite de pareilles décla-
rations. Les budgets ayant cessé de traduire
la réalité des besoins auxquels l'Etat doit sub-
venir, et les dépenses ne pouvant pas être élu-
dées, ce procédé antibudgétaire s'est vu em-
ployer les ordonnancements réguliers n'ont
pas eu lieu; les sommes dues aux fournisseurs
ont dû être payées «" en retard ». C'est-à-dire
que les crédits d'un budget ont été appliqués,
faute de ressources convenables demandées et
accordées en temps utile, à solder des factures
dont la charge eût dû normalement incomber à
des budgets antérieurs.
Quand nous insistons, avec l'énergie que l'on
sait, sur l'absolue nécessité de budgets sin-
cères, que cherchons-nous ? Les questions de
personnes nous sont parfaitement indiffé-
rentes. Nous tâchons simplement de prévenir
des fautes lourdes comme celle-là. Un pays qui
s'écarte du droit chemin pour la gestion de ses
finances s'expose aux pires surprises.
Devant le Sénat, le rapporteur général,
M. Gauthier, n'a pas été moins net que M. Dou-
mer ou que M. Berteaux. « La situation de votre
commission des finances, comme celle du Sé-
nat tout entier, a dit M. Gauthier, est certaine-
ment délicate. » Mais comment refuser ces
crédits supplémentaires? Que pouvait la com-
mission sénatoriale? Le propre des faux bud-
gets, c'est d'annihiler les droits des Chambres.
Le Parlement n'a plus que des prérogatives
illusoires. Il est acculé à des ratifications qui
n'ont rien de flatteur pour son orgueil, rien de
bon non plus pour son autorité.
La commission sénatoriale en a eu lia claire
1 p.1"ot>p~l"\n
Il eût été pourtant de son devoir, écrit M. Gau-
thier, de ne vous proposer le vote des crédits
qu'après avoir recherché, entre autres choses, les
raisons des graves tinprévisions des budgets de
1908 et de 1909, aujourd'hui révélées, et après
avoir reçu l'assurance que des mesures sérieuses
seraient prises pour éviter le retour de pareils
abus.
Mais le temps presse, et d'autre part, le gou-
vernement nous représente les 8,135,000 francs de
crédits comme absolument indispensables et ur-
gents.
La commission sénatoriale a donc conclu,
elle aussi, au vote des crédits supplémentaires.
Seulement, pour sauver la face, eîle a dit ceci
« Mais nous exprimons en même temps le re-
gret que ces crédits n'aient pas été prévus et
inscrits dans le budget de 1909. Rien ne peut
excuser une pareille imprévision, et nous es-
pérons que le budget de 1910 ne verra pas se
renouveler une aussi grave atteinte à la sincé-
rité budgétaire. »
Le budget de 1910? Mais jusqu'à présent le
projet soumis à la Chambre nous l'avons
fait remarquer ne se distingue pas des pré-
cédents, à ce point de vue. M. Doumer a dé-
noncé, dans son discours du 27 juillet, « qu'il
existe, dans le budget tel qu'il nous a été pré-
senté, des imprévisions considérables ». Et
l'on se tromperait si l'on s'imaginait que la ma-
rine soit seule en cause. Ce n'est nullement
pow elle seule qu'un « budget rectifié » doit
être apporté. Voici, d'ailleurs, les déclarations
textuelles de M. Doumer w
En effet, malgré le retard où nous sommes dans
l'étude du budget, la commission n'a pas reçu non
plus le budget complété de la guerre; pourtant les
votes qui ont été émis ici, notamment sur la réor-
ganisation de l'artillerie, rendent, nécessaire l'ins-
cription de nouveaux crédits.
De même encore, je n'ai pas besoin de rappe-
ler que la Chambre a émis récemment, sur les re-
traites des employés de chemins de fer, un vote
qui entraîne nécessairement des dépenses nou-
velles au cours de l'exercice 1910.
Ces constatations auront-elles été inutiles?
Une fois de plus les pouvoirs publics se. dé-
Par moments, il s'arrêtait et prêtait l'oreille.
Il ne ressentait aucune compassion pour l'in-
connu. N'était-ce pas un traître qui venait sour-
noisement essayer de lui arracher son pain, at-
tenter à son bien-être! Non, il était simplement
énervé par la rapidité des faits et la crainte de
voir mourir l'inconnu avant l'arrivée des auto-
rités. Seul dans la maison la bonne ayant
couru au village écouter les potins le père
Antoine marchait en écoutant le bruit de ses
pas. Une plainte s'éleva du côté du divan. Le
père Antoine s'approcha vivement du blessé
et se pencha au-dessus de son visage défiguré.
La paupière gauche horriblement gonflée, fré-
mit, se souleva avec peine, laissant aperce-
voir un grand œil gris plein de souffrance, dont
le regard se fixa étrangement sur le pasteur;
puis de nouveau la paupière se rabattit. Le père
Antoine frissonna. Où avait-il vu ces yeux?
Dans cet unique œil il avait lu quelque chose
de très proche et de vague, comme un rêve loin-
tain. Son cœur se serra, bondit éperdument
dans sa poitrine.
Seigneur, aie pitié! Seigneur, aie pitié,
priait le prêtre en se signant. Quelles idées
folles traversent mon cerveau? Qu'ai-je cru
voir?
Il alla vers la fenêtre et contempla la route
par laquelle devait revenir sa femme. Mais une
force extraordinaire l'attirait vers le divan. Il
s'en approcha de nouveau, et cette fois dévi-
sagea de très près la masse informe, rouge vio-
lacée, méconnaissable, dont l'œil droit sorti
de l'orbite pendait sur la joue lamentable-
ment. Il cherchait à y retrouver quelque chose,
mais quoi? L'inconnu tenta un effort pour se
soulever, geignit, et de nouveau leva la pau-
pière. L'œil avait un regard presque cons-
cient, avec un reflet d'étonnement et de joie. Le
père Antoine recula comme si le blessé l'avait
violemment frappé en pleine poitrine. Son cœur
ne battait plus, mais sautait à se rompre; tout
le sang afflua à sa tête, brisant les tempes, au
point qu'il lui semblait que ce bruit emplis-
sait,toute la pièce. Les mains crispées sur ses
cheveux, il r&la
.«r. Je deviens fou. Seteneurl. C'est impos-
roberont-ils à leur devoir primordial, celui de
donner au pays un vrai budget? Le nouveau
ministre des finances, M. Georges Cochery, ré-
ponJant li M. Paûl Doumer, a manifesté les
intentions les meilleures « Je tiens à assurer
la commission du budget et la Chambre, a-Hl
dit, de notre intention formelle d'apporter les
demandes de crédits nécessaires, de tous
les crédits nécessaires, pour 1910, avant la
discussion du budget. » Et M. Gochery a ajou-
té « Nous entendons collaborer avec la com-
mission du budget pour permettre à la Cham-
bre de faire un budget complètement sincère, et
en même temps, pour obtenir que, grâce aux
efforts que nous ferons tous et que fera aussi le
Sénat, le budget soit voté en temps utile,
clair, sincère, et disant au pays la vérité
telle qu'elle est, toute la vérité. »
Pour ces excellents paroles M. Georges Co-
chery devrait-il être loué? Non, car le ministre
se bornait,1 en somme, à rappeler des principes
budgétaires auxquels il est toujours demeuré
fidèle. Et lui-même au surplus l'a dit, non
sans quelque fierté « Vous pouvez compter
que lé ministre des finances sera dans l'avenir
comme il était à la commission du budget, le
défenseur énergique de la sincérité, de la vé-
rité budgétaire. » Mais sur quelle pente le pays
avait-il donc gilissô pour que de telles assuran-
ces parussent nécessaires!
RAYONNEMENT, EXPANSION
« Rayonnement de la France », « Expansion
de la France n deux thèmes que nous retrou-
vons, en ce moment, dans un grand nombre des
discours prononcés aux distributions de prix. On
traitait ce sujet,- hier encore, au lycée de Bor-
deaux. Le rayonnement intellectuel de la France
est un fait acquis son expansion commerciale
est à l'état de devenir, un état de progrès lent,
beaucoup trop lent, car noua serions capables de
-faire bien mieux. Certes les professeurs ont rai-
son d'encourager chez les jeunes gens le goût
de l'initiative. Nous sommes trop prudents et
trop pondérés (dès qu'il ne s'agit point de poli-
tique) à force de redouter l'aventure, nous avons
perdu le sens de l'audace, qui est fille du courage
et de la foi.
Souvent, nous avons eu l'occasion de nous en-
tretenir avec des commerçants, avec des colons
et nous leur avons demandé comment ils se lais-
saient d;stancer par les étrangers. Ceux d'entre
eux qui étaient sincères convenaient que nous
avons eu le-grand tort de nous endormir sur de
vieilles méthodes commerciales et d'attendre chez
nous le client au lieu d'aller le chercher chez lui.
Mais la nécessité de défendre nos positions an-
ciennes et déjà battues en brèche a sonné le
réveil des énergies. Partout, on crie à nos conci-
toyens, jeunes ou vieux, à ceux qui vont débuter
et à ceux qui ont déjà parcouru une partie de la
carrière, à tous: « Ceignez-vous les reins I
La concurrence est âpre 1 Il ne s'agit plus
de se reposer derrière un comptoir comme der-
rière le guichet d'une administration publique.
Français, il est bien d'avoir répandu dans tous
les pays le nom de la France, son esprit, sa langue,
ses livres, son, théâtte; il faut répandre aussi, et
surtout, ses marques de fabrique, les produits du
sol, las merveilles de son industrie, ses vins et
ses fruits délicieux. Etudiez les méthodes des
voisins, si les vôtres ne suffisent plus. Marchez
tout seuls, ou suivant la circonstance,unissez-vous,
créez des syndicats ou des coopératives de vente
pour faire valoir vos marchandises, défendre vos
prix. Luttez, travaillez, agissez I »
Tels ,*«*»*: les encouragements que nous prodi-
guons a nos concitoyens, jeunes ou vieux. Nous
devrions bien aussi faire parvenir ces bonnes pa-
roles à certaines catégories de fonctionnaires.
Quand on aborde ce sujet, les commerçants et les
colons ne tarissent pas en anecdotes sur les diffi-
cultés qui leur sont créées comme à plaisir par les
administrations. Pour certains fonctionnaires de
la mère patrie, le commerçant n'est qu'un fâcheux
qui leur procure un surcroît de travail. Pour cer-
tains fonctionnaires des colonies, qui se permet-
tent parfois des fantaisies un peu excessives, le
colon est un témoin qu'il faut éloigner à tout prix:
alors, on le décourage et on le ruine. « Rayonne-
ment »,- « expansion » Belles phrases, mots de
gloire! La réalité est souvent moins brillante.
Nous ne devons cependant en vouloir qu'à nous-
mêmes.
Le gouvernement dépend de l'opinion publique,
c'est-à-dire de nous. Sachons exiger que le gou-
vernement rappelle à l'ordre ou châtie ceux de -ses
agents, qui par égoïsme ou paresse (sinon pour des
causes plus blâmables encore) manquent à leur
devoir envers la France en mettant des entraves
à l' « expansion » de notre industrie. Nous avons
précisément de nouveaux ministres. Espérons que
M. Jean Dupuy, ministre du commerce, et M.
Georges Trouillot, ministre des colonies, trouve-
ront bientôt le moyen d'exciter le zèle de leurs
subordonnés ou de rectifier leurs mauvaises habi-
tudes.
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
.A. CHERBOURG
(De notre envoyé spécial)
DE PARIS A CHERBOURG
En route, 20 juillet, soir.
Le train emmenant à Cherbourg le président de
la République et les personnages officiels avait
quitté hier la gare Saint-Lazare à 1 h. 45 de
l'après-midi. L'horaire du trajet î.e comportait
que deux arrêts de service et deux arrêts officiels
le premier à Lisieux, le second à Caen. Dans la
gare de chacune de ces deux localités, M. Fallières
a reçu les autorités et s'est fait présenter les délé-
sible Ce ne peut être qu'une hallucination 1
Cependant, son cerveau travaillant fiévreuse-
ment, évoquait avec des détails précis une
chambre noire, un lit d'enfant dans lequel se
débattait son Lucas aimé, âgé alors de dix
ans et atteint de variole. Et le père Antoine se
souvenait, comme penché au-dessus de ce vi-
sage ulcéré il écoutait la respiration irrégu-
lière. Et comme cet étranger, l'enfant soule-
vait ses paupières enflées, et ses yeux gris ne
reconnaissaient pas le père. Cette vision subite
affolait le pasteur; il cherchait à la chasser,
n'osait plus regarder du côté du blessé qui
lui inspirait une terreur mystique.
De nouveau s'éleva une faible plainte suivie
de-mots insaisissables, que seule une oreille
nerveusement disposée pouvait entendre.
Père] père! papa!
Inondé de sueur froide, le cerveau trouble,
le vieillard s'écroula à genoux devant le divan.
Il n'y avait plus de doute l'horrible masse in-
forme, piétinée, meurtrie, était son fils, son
Lucas bien-aimé, la seule poésie de toute son
existence, pour lequel il avait donné le meil-
leur de sa vie; oui, c'étaient bien ses yeux, son
œil intelligent et bon.
Mon enfant! mon enfant! mon petit ado-
ré se lamenta le père Antoine, en couvrant de
baisers le moribond.
Père. maman. est là?.
La bouche se tordit soudain en une grimace
douloureuse; des sons rauques s'échappèrent
de la poitrine, avec des sanglots qui clapotaient
comme l'eau à un barrage.
Seulement à cet instant le père Antoine s'a-
perçut, ou plutôt eut conscience de toutes les
horribles plaies, des ecchymoses, de l'œil pen-
dant hors de l'orbite.
Etouffé par les larmes, chancelant comme un
homme ivre, il se précipita dans la cour pour
envoyer chercher le docteur.
La servante, qui revenait du village avec
deux amies, resta pétrifiée à la vue de son
maître pleurant et sanglotant.
De suite. Mélanie. Cours vite chez le
postiez Qu'il aille au gai oc.. chercher le.
gations venues pour le saluer. Ici et là, la popu-
lation lui a fait de chaleureuses ovations.
Dans l'allocution qu'il a prononcée à Caen, le
chef de l'Etat, faisant allusion à la visite des
souverains russes, a dit
•I»!alliancè.<£ui unit la France et la Russie n'a pas be-
soin d'être consolidée. Elle a déjà porté ses fruits. La
rencontre du président de la République aveo le souve-
rain de la grande natioù alliée ne pourra que contribuer
à l'affermissement de la paix du monde, et le monde en-
tier ne pourra qu'en être -reconnaissant à la France et &
la Russie.
Dans les gares d'arrêt, aux stations que le train
présidentiel brûle dans sa marche rapide, au long
des haies, sur les routes que coupe la voie ferrée,
aux passages à niveau, dans les champs où garçons
et servantes de ferme travaillent sous le ciel très
doux, ici et là, partout des acclamations reten-
tissent en l'honneur du chef de l'Etat. Ce sont des
hourras, qu'une bande joyeuse pousse au carre-
four qui précède les premières maisons d'un vil-
lage au seuil des vieilles demeures qui se pres-
sent autour des vieux clochers normands, les
femmes âgées se lèvent et respectueusement s'in-
clinent dans un sentier, qui" fuit à travers la
campagne un travailleur salue timidement et révé-
rencieusement à la fois, comme un paysan d'Italie
devant une Madone; puis, dans un champ im-
mense, des faneuses agitent leurs mouchoirs der-
rière elles, une rangée de paysans lèvent leurs
faux d'acier poli en criant de toutes leurs forces
« Vive le président! », tandis que juchés sur une
meule de foin, une fillette agite un drapeau trico-
lore et qu'un petit garçon présente Jes armes avec
un sabre d'enfant.
Toute une série de tableaux séduisants appa-
raît ainsi et disparait au long de la route
égayant le voyage et coupant la monotonie du
parcours.
L'ARRIVÉE A CHERBOURG
Cherbourg, 30 juillet, minuit.
A 8 h. 50, le train présidentiel arrive à Cher-
bourg, où on l'aiguille immédiatement sur la voie
qui conduit à l'intérieur même de l'arsenal.
Dans la partie de la ville que traverse cette
voie, la foule compacte agite mouchoirs et cha-
peaux et crie « Vive Fallières! Vive la Répu-
blique !» Il
lia voie est gardée et les honneurs sont rendus
par des détachements d'infanterie et de fusiliers
marins.
A 9 heures, le train stoppe devant le quai
d'embarquement, sur lequel sont groupés les ami-
ranx Jauréguiberry, commandant lescadre du
Nord, de Jonquières, commandant l'escadre de la
Méditerranée, et Bellue, préfet maritime, ainsi que
MM. Riotteau et Cabart-Danneville, sénateurs,
Mahieu, député et maire.
Une chaloupe à vapeur est sous pression.
M. Fallières et les personnages de la suite y pren-
nent place et l'embarcation s'éloigne dans la nuit.
Au loin on distingue les feux des bâtiments sur
rade c'est de leur côté que se dirige la chaloupe,
et lorsqu'elle passe à proximité des navires les
trompettes sonnent aux champs.
Bientôt après la chaloupe accoste la Vérité.
Le président est reçu à la coupée par le com-
mandant du cuirassé et conduit dans ses appar-
tements où il passera la nuit.
En ville l'animation est très grande, et la circu-
lation sur certains points assez difficile. Et cela
se comprend, car plus de 20,000 étrangers sont
arrivés pour assister aux fêtes.
Les autorités ont pris de sévères mesures pour
la sécurité de la rade pendant le séjour du pré-
sident et des souverains russes. J P
Aujourd'hui, à partir de midi jusqu'après l'arri-
vée à son corps mort du croiseur Galilée, portant
le chef de l'Etat, les souverains russes et leur
suite, le stationnement des navires de commerce,
de pêche, de plaisance, sera interdit entre la passe
de l'Ouest et les bâtiments de l'escadre.
Si un paquebot transatlantique venait à se pré-
senter à l'ouvert de la rade entre onze heures du
matin et la fin de la revue qui a lieu cet après-
midi, V. serait invité à mouiller en dehors de la
digue.
Hier malin, la police spéciale, accompagnant
de nombreux agents de la Sûreté, s'est rendue à
bord des yachts et autres navires de commerce,
qu'elle a soigneusement visités.
Pendant le séjour du tsar sur rade, un agent de
la Sûreté générale se tiendra en permanence à bord
de chaque navire de commerce mouillé sur rade.
Les fournisseurs eux-mêmes qui auront à livrer
des marchandises à bord des navires russes seront
également l'objet d'une surveillance étroite; toutes
les denrées et autres livraisons seront soumises au
contrôle avant l'embarquement.
En ville, on met la dernière main aux prépara-
tifs des réjouissances.
C'est le contre-torpilleur Epervier, actuellement
désarmé, qui sera affecté au tir du feu d'artifice.
Ce feu, d'une durée de quarante-cinq minutes,
sera, dit-on, des plus brillants. L'une des pièces
principales représentera les armoiries de la cou-
ronne impériale de Russie, et l'aigle sera sup-
porté par deux génies femmes, ayant chacune à la
main, déployés, les étendards aux couleurs russes
et françaises.
Mais le clou de la fête sera certainement le
défilé des embarcations illuminées au gré de
chaque équipage. Elles défileront à la poupe du
cuirassé Vérité, devant les souverains et le pré-
sident. P
La musique des équipages de la flotte de Brest,
arrivée sur le cuirassé Vérité, a donné en ville
plusieurs concerts et s'est vivement fait applaudir
par la population.
Voici le menu du dîner qu'offrira ce soir, à bord
du cuirassé Vérité, M. Fallières à l'empereur et à
l'impératrice do Russie
Ox-tail à la Française
Crème Hermine
Barquettes Agnès Sorel .'̃ "i ̃̃;̃.
CmSSBS LU[.:uI1U3 '^>-n
Barbues de Granville Normande >
• Barons de pré-salé Bouquetière ,̃.
Aiguillettes de caneton Cumberland •'
Médaillons de ris de veau Sévigné
Mousses au kirsch
Granités à la cerise
Dindonneaux de Hondan rôtis truffés
Demoiselles de Cherbourg en Bellevue
Salade
Petits pois au beurre d'Isigny
Coeurs d'artichauts au champagne
Ananas de serre algérienne
Glaces Gismonda
Dessert
docteur. Qu'il dise que le fils du père Antoine
est agonisant. On l'a battu. piétiné. il se
meurt. Et dis aussi dans le pays à tous ces
assassins. qu'ils auront à répondre du meur-
tre de mon fils. Demain, j'irai chez le procu-
reur. Cours vite!
Revenu près de son fils, il s'empressa à lui
appliquer des compresses, à laver de ses mains
tremblantes le visage aimé. La vue de ces plaies
le rendait fou.
Qu'ont-ils fait de toi, les infâmes mons-
tres ? Comme ils t'ont abîmé! Mon Dieu, mon
Dieu! Et pourquoi? pourquoi?. Tu souffres?
Tout ton corps est meurtri. Ah! que jamais
je n'aie vu le jour, plutôt que de te voir ainsi!
Je ne leur pardonnerai pas. Je les poursui-
vrai. Je les tuerai!
Comme un fou, il appelait les pires,
les plus terribles malédictions du ciel sur
la tête de ses paroissiens, de leurs enfants,
de leurs descendants. La question muette
de l'œil gris tristement fixé sur lui soulevait
dans son âme quelque chose de nouveau, de
terrifiant. Des idées, comme des éclairs, traver-
saient le cerveau du père Antoine et s'y débat-
taient éperdues comme le phalène contre une
croisée éclairée. Et quand il voulait s'y arrêter,
la pensée fuyait, laissant dans son âme une
trace inquiète.
Où est maman ? demanda le blessé avec
effort.
Elle va venir tout de suite. Le docteur
aussi. Il te pansera. Tu seras mieux. Je
l'ai envoyé chercher.
Il baisa dévotement les mains de son fils.
Veux-tu que je te retourne ?
Non. je souffre trop! répondit Lucas en
respirant difficilement.
Puis il se tut. Sa poitrine sifflait et râlait
comme une machine brisée, et le père Antoine
écoutait ce bruit avec terreur.
Tout à coup, le blessé battit l'air de ses bras
comme s'il eût voulu le saisir, et ouvrit déme-
surément son oeil.
Papa! papa! murmurait-il avec épou-
vante.
r– Je suis là, Lucas. Ne crains rien!
Le menu a été gravé par Stern. L'aquarelle de
Calbet, qui le décore, représente, au-dessus d'une
mer que sillonnent les cuirasses, une figure de
femme volant au-dessus des eaux et tenant era«
brassas les drapeaux des deux nations; derrière elle,
accourant dans les airs, du fond de l'horizon, une
autre femme apporte des guirlandes de fleurs. Les
armes de la cour impériale de Russie ont été frap*
pnes dans l'angle; elles sont émaillées en relief et
représentent un travail exceptionnellement délicat,
une véritable miniature artistique.
*e*
ESFA.O-3STE ET MABOÛ
On mande de Melilla que 1,600 hommes d'infan*
terie et 180 artilleurs, avec du matériel de cams
pagne, ont débarqué le 30.
De nouveaux renforts sont attendus incessam-
ment.
230 blessés sont partis pour Malaga.
On monte au fort Camellos une batterie de
grosse artillerie capable de balayer les environs
de la ville jusqu'au sommet du mont Gourougou.
!•' Impartial publie les renseignements sui*
vants sur l'affaire du 29 juillet à Alhucemas
Les Beni-Ouriaghel étaient revenus dans leurs
douars pour enterrer les morts qu'ils avaient eus
dans les combats autour de Melilla; puis ils s'é*
taient réunis au nombre de 5,000 à 6,000 sur le
marché.
Les autorités militaires d'Alhucemas, qui sur.
veillaient leur attitude, décidèrent de profiter de
1 occasion pour les punir d'avoir pris part aux
combats contre Melilla et de se préparer à y pren-<
dre part de nouveau.
/Les batteries du fort furent alors braquées sur
le marché. Le premier obus qui y tomba produisit
un effet indescriptible abandonnant morts et
blessés, les Rifains s'enfuirent de toutes parts, se
réfugiant dans les gourbis, d'où, peu après, ils
commencèrent à tirer contre le fort. Mais leur
feu était inutile à cause de la distance. Cependant
les canons d'Alhucemas continuaient à les bom-
barder. La nuit étant tombée, les Kabyles s'ap-;
prochèrent avec précaution, envoyant quelques
balles vers le fort, mais sans effet.
On mande du Penon-de-Velez que les indi-*
gènes de la région s'apprêtent à envoyer des ren-<
forts à la harka qui assiège Melilla.
Notre correspondant à Madrid écrit qu'a-
près l'arrivée de la division renforcée du gé-
néral Orozco et de la brigade de chasseurs mobi-
lisée près d'Algésiras, le général Marina aura en
tout environ 30,000 hommes 12,000 pour la
garnison et les lignes de Melilla, et 18,000 pout
s emparer du mont Gourougou et avancer dans la
direction de Selouân.
L'INSURRECTION EN CATALOGNE
Suivant les dernières nouvelles, la situation resta
grave à Barcelone. Le mouvement semble être an»
ticlérical autant qu'antigouvernemental. Presqua
tous les couvents ont éié incendiés.
Les conflits sanglants dans les rues ne cessent
pas et les avenues sont balayées par les feux de l'ar-
tillerie. Les forts de Monjuich ont bombardé les
ramblas et les paseos.
Dix mille révolutionnaires luttent contre la força
armée. Ils ont formé un comité révolutionnaire qui
dirige le mouvement insurrectionnel de la Maison
du peuple, où ils ont établi leur quartier général.
En province, la situation n'est guère meilleure.
Notre correspondant à Perpignan nous télégraphie
le 30:
A Figueras, 600 réservistes ont été appelés, mais
2 seulement se sont présentés à la caserne.
A Granollers, les émeutiers ont enlevé de l'égliss
les statues en bois et les chaises qu'ils ont brûléea
sur la,place publique, après avoir saccagé toute
l'église.
A San-Feliu-de-Guixols, la mairie a été brûlée
ainsi qu'un couvent.
A Palamos; le couvent des Frères, dont la congré-
gation avait jadis son siège à Béziers, a été pillé,
saccagé et incendié.
A Mataro, les postes de l'octroi ont été incendiés
ainsi que le couvent des Salésiens, et des industriels
ont été molestés par les révolutionnaires.
Une collision s'est produite sur la Rambla entre
grévistes et émeutiers. au cours de laquelle il y eut
es morts et des blesses.
A Casa-de-la-Selva, San-Feliu et Palamos, les
routes sont interrompues. Les « somatin », institu-
tion de civils armés particulière à la Catdlogne,
empêchent la circulation et tiennent tête à la garde
civile.
A Figueras, paraît-il, le calme s'est rétabli aprèg
l'arrestation par les autorités d'une vingtaine d'é-
meutiers.
Mais suivant une information du Times, une
réunion des chefs carlistes y aurait eu lieu et on y
attendrait l'arrivée du prétendant don Jaitne pour le
mettre à la tête de la rébellion.
Dans les provinces voisines, le calmé semble se
rétablir. C'est ainsi qu'à Tarragone et à Saragosse
la population n'a pas répondu au mouvement révo-
lutionnaire et la grève a échoué grâce aux mesures
sévères des autorités.
Cependant l'exode des conscrits et des réservistes
continue. On mande de Hendaye que le 30 juillet
plusieurs centaines de déserteurs ont franchi la
frontière.
Ils errent dans Ips rues, attendant des ressources,
les uns en vue de leur embarquement pour l'Ame»
rique, les autres pour pénétrer dans l'intérieur de la'
France et y chercher au travail.
On évalue à plus de 3,000 les insoumis qui on&
gagné Hendaye depuis quelques jours.
Un certain nombre, afliliés au carlisme, disent
qu'ils reviendront en Espagne avec don Jaime.
Les mesures du gouvernement
Notre correspondant de Madrid nous télégraphie :>
Des mandats d'arrêt ont été lancés par les juges
d'instruction militaires contre M. Pablo Isçlesiast
chef des socialistes madrilènes, et sept autres me-
neurs socialistes, ainsi que contre plusieurs républii
cains avancés et chefs de la jeunesse 'républicain»
de la capitale qni organisaient des meetings et des
manifestations contre la guerre.
On a procédé à a'autres arrestations à Madrid,
Barcelone, Alcoy, Tudela, Calahorra, Saragosse,
Bilbao, Almeria, etc.
Papa! je meurs. adieu. dis à maman..
Il s'arrêta, prit de nouveau sa respiration.
C'est dommage, père. maintenant la vie
sera belle. nouvelle, claire, lumineuse! On
pourra faire de la belle besogne. C'est dom-
mage. de mourir. si bêtement.
De grosses larmes roulèrent le long de sa
joue; sa poitrine se souleva plusieurs fois très
haut, une mousse rose parut sur ses lèvres.
L'extrême onction! Seigneur, il mour..
rait!
Le père Antoine se précipita vers sa chambre
chercher le saint viatique. Ses mains trem-
blantes ne trouvaient pas les clefs de l'armoire,
Il tâtonnait sur la table et tout à coup trouva
le manuscrit de son sermon. Ses yeux se fixè-
rent sur une phrase écrite en gros caractères
« Détruisez-les comme de la vermine. frap-
pez-les. tuez-les! »
L'idée vague qui se débattait dans son cer-
veau se précisa, explosa en pointes de feu.
De la pièce voisine parvenaient des râles
rauques, mais le père Antoine n'osait plus re-
tourner là-bas il avait peur de son fils, de son
regard mourant lisant sur le front du père la
vérité et maudissant
Assassin. assassin!
Le père Antoine se répétait ce mot, et il lut
semblait l'entendre dans les râles du mori-
bond, il lui semblait le lire dans la pourpre du
soleil couchant. Il ne vit pas sa femme des-
cendre do voiture, livide, méconnaissable; il
n'entendit pas son cri déchirant, ni les allées et
venues des gens effarés, ni les questions qu'on
lui posait. II se tenait voûté, blanchi, absorbé
devant son manuscrit.
Une seule idée tournait dans sa tête comme
la roue d'un moulin, et il cherchait à résoudre
un terrifiant problème présenté subitement par
la vie inexorable. Ses lèvres sèches balbutiaient
en un souffle ininterrompu
̃– Qui a raison? Qui a raison?
FIN
E. Gloukovtzos1,
Xradiàl du russe par Yves Bréhal.
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