Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1909-07-31
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 31 juillet 1909 31 juillet 1909
Description : 1909/07/31 (Numéro 17565). 1909/07/31 (Numéro 17565).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
Quarante-neuvième année.– n» 17505.
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Paris, 30 juillet
IBULLETIN DE L'ÉTRANGER
LES ESPAGNOLS AU MAROC
"11 est fort probable^ ainsi que nous l'expli-
quons plus loin, que les dépêches des agences,
'que nous avons publiées hier en Dernière heure
et qui parlaient d'un millier d'Espagnols tués
devant Melilla, étaient fort exagérées. Néan-
moins, il reste certain que les troupes espagno-
les n'ont pas remporté une victoire. Ils n'ont
pas pris possession du massif montagneux qui
les entoure,et qui cache leurs ennemis.
Il est difficile de juger de loin et en détails
des difficultés delà position du général Marina.
D'autre part, le gouvernement espagnol se
refusant à à laisser les journalistes suivre
les opérations, il est impossible de recevoir
des renseignements techniques de source
autorisée. Mais si l'on ne peut à cette dis-
tance faire de la tactique de fantaisie,
du moins doit-on relever, pour en tirer ensei-
gnement, les erreurs de méthode qui ont été
commises. L'Espagne, comme nous l'avons fait
au début de nos opérations dans les Châouïa, a
procédé par petits paquets. Au lieu d'attendre,
pour infliger aux Rifains le châtiment qu'ils
méritaient pour leurs déprédations, qu'une co-
lonne suffisante en nombre et en artillerie fût
concentrée à Melilla, ils ont envoyé vers le sud
de petits détachements incapables de repousser
les Kabyles. Ces derniers sont pourvus d'armes
modernes; ils connaissent admirablement le
pays. Ils ont réussi tout d'abord à arrêter la
marche de leurs adversaires, puis les ayant
fixés, ils les ont attaqués sans relâche avec
une audace et un succès croissants. L-e gouver-
nement espagnol devra revenir, comme nous
l'avons fait nous-mêmes, à la seule méthode
d'action rationnelle, à savoir l'usage des colon-
nes mixtes, assez puissantes pour repousser
les Rifains au delà des montagnes qui les pro-
tègent, et pour établir ensuite, en des points
convenablement choisis, des petites garnisons
chargées de prévenir de nouvelles invasions.
C'est la méthode que le général Lyautey a em-
ployée avec tant de succès sur notre frontière
oranaise. C'est grâce à elle, enfin, que le géné-
ral d'Amade a réussi à pacifier les Châouïa.
L'échec des Espagnols est chose fort attris-
tante. Ce n'est l'intérêt d'aucune puissance eu
ropéenne que les Espagnols soient vaincus par
les Rifains. C'est en de telles circonstances que
le patriotisme européen, dont parlait naguère
M. Pichon, trouve à s'employer. L'agitation qui
se produit depuis quelques années chez les mu-
sulmails de toutes les parties du monde n'est
pas un mouvement que les hommes d'Etat sa-
.gaces puissent négliger. Dans l'Afrique du Nord
notamment, la question musulmane est pour la
.France de la plus haute gravité. Notre Algérie
est directement menacée par l'effervescence
que les succès des tribus du Rif risquent de dé-
velopper dans le Maroc septentrional. Défendre
les droits et les intérêts de l'Europe, c'est pré-
cisément les motifs pour lesquels les droits de
.police de la France et de l'Espagne sur les
^confins de leurs possessions n'ont jamais pu
être légitimement contestés. C'est en prê-
chant la guerre sainte que les marabouts
-.soulèvent actuellement les indigènes. La
guerre sainte n'est pas dirigée contre les
.seuls Espagnols, mais contre tout ce qui n'est
pas musulman: contre les Français, .les Alle-
.mands, les Autrichiens, contre tous les Euro-
péens qui séjournen! au Maroc ou qui trafi-
quent avec les indigènes. Il est à remarquer
que c'est toujours après la récolte que les indi-
gènes se soulèvent. Jusqu'à ce-moment ils tra-
vaillent et désirent que la paix soit maintenue.
Une fois les silos garnis de blé et de. maïs, l'i-
naction leur pèse et ils reprennent le fusil. L'in-
térêt général exige que cela ne devienne pas
.une habitude, que nous ne soyons pas exposés
à voir chaque année au mois de juillet un
groupe de tribus marocaines assaillir les ports
où les étrangers ont accès -le patriotisme eu-
ropéen demande que les Rifains soient vigou-
reusement châtiés pour les excès qu'ils ont
'commis dans la région de Melilla, notamment
contre les travaux de la voie ferrée.
La France ne se soustrait pas aux obliga-
tions de ce patriotisme. En aucune circons-
,tance elle n'a méconnu ses devoirs vis-à-vis de
l'Espagne et dans les circonstances actuelles,
qui sont pénibles, elle ne les méconnaît pas.
Cela n'empêche cependant pas certains organes
allemands ou autrichiens de nous attaquer. Un
grand nombre do journaux allemands, dit
l'agence Havas, profitent des événements ac-
tuels pour exposer « que le traité franco-espa-
gnol de 1904 aura été une humiliation pour
l'Espagne, qui livra son avenir au Maroc au bon
plaisir de la France ». En quoi l'accord de 1904
et les arrangements postérieurs qui l'ont com-
plété ont-ils livré t'avenir de l'Espagne au
bon plaisir de la France ? Ils ont eu pour
.£.bjet de délimiter la sphère d'action de
chaque pays. Loin de nuire à l'Espagne,
/ils lui ont facilité la tâche en la précisant. Hier,
la Nouvelle Presse- libre prétendait tenir de
« source diplomatique des renseignements
qui donnaient du rôle de la France envers le
,makhzen l'idée la plus fausse. Notre correspon-
dant à Vienne reçut dans les cercles diplomati-
ques de cette capitale l'assurance que les ren-
seignements de la Nouvelle Presse libre n'en
émanaient point. Aujourd'hui, par une tactique
moins sournoise, le même journal essaye d'at-
.teindre le même but discréditer notre pays.
Le grand organe germanophile de la capitale
.autrichienne rend la France responsable des
malheurs de l'Espagne. C'est folie pure, ou cal-
jçul méprisable. Et il n'est même pas nécessaire
tie se justifier de telles accusations.
JPEUILLETOW DU <&CUtïlS
L. DU 31 JUILLET 1909 (B)
LE PASTEUR
3SrOTJVE3LL,EI `
"Attires par les bruyantes fanfaronnades de
Michel qui raconta ce qu'il avait entendu
dire dans les villes, la jeunesse du pays vint
.grossir le groupe, offrant à son tour une nou-
velle régalade.
Et pourquoi cette maudite juiverie s'est-
elle accrochée après nous? demandait un grand
gaillard roux. Qu'est-ce qui leur manque?
Ce qui leur manque? Ils veulent être nos
égaux devant la loi! criait Michel, pour qu'ils
puissent acheter des terres et fonder des vil-
lages. Dans les villes où on les a tolérés, ils ont
réduit tous nos commerçants à la mendicité, et
•jïinintenant ils veulent s'attaquer à nos terres.
•Ils achèteront aux riches, et quand nous autres
; an demanderont un tel prix que nous en ver-
rons le soleil à travers une peau de mouton!
'Alors, quand ils nous auront tondus jusqu'à la
peau, ils feront de nous leurs esclaves!
Qu'ils essayent d'acheter! cria quelqu'un
$'une voix menaçante; avant de signer la vente
.inous les aurons réduits en miettes.
Tu ne feras rien du tout; ils savent men-
lir dès l'enfance; ils sont très. riches; les An-
s-gilais, les Japonais sont avec eux.
Et des nôtres beaucoup aussi; tous les doc-
teurs, les professeurs, les étudiants. Tu as en-
/ïendu, notre pope l'a dit. u en-
y Vous verrez, ils nous piétineront; ils nous
prendront nos terres! discourait Michel.
Jamais! hurlèrent les paysans. Nous pou-
vons nous défendre!
$» Notre pope nous a ordonné de détruire
JK5î5^.?lla vermine tous les juifs, tous les.
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
..DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Berlin, 30 30 juillet
Los députés turcs rentreront à Constantinople on
passant par la voie de Douvres et Ostende sans
passer par Berlin; le Parlement impérial est en
offet en vacances, et rien à Berlin n'est préparé
pour une réception. Les députés tuics vouient, au
reste, hâter leur retour à Gonstantinopie et ils ont à
prévoir un arrêt de trois jours à Budapest, où ie
Parlement hongrois les a invités. On dit aussi que
Falaatbey, le chef de la délégation parlementaire,
fera partie de la prochaine combinaison ministé-
rielle, où il prendrait le portefeuille de l'intérieur.
Vingt-six ofticiers turcs sont arrivés à Berlin pour
y terminer leur instruction militaire parmi eux se
trouvent quelques capitaines et chefs a'escadrons.
Ils seront répartis dans divers régiments de l'armée
allemande; ils sont accompagnés par le général
Nasif pacha, le prédécesseur du major Enverbey
comme attaché militaire à Berlin.
Vienne, 30 juillet.
Le Wiener Tagblatt annonce que l'archiduc Fran-
çois-Ferdinand prendra part aux manoeuvres alle-
mandes et descendra à cette occasion au château de
Wartenstein appartenant au prince de Hohenlohe.
Selon la Nouvelle Presse libre le bruit court à Lon-
dres que le roi Edouard se rendrait à Berlin en reve-
nant de Marienbad.
L'empereur François-Joseph a conféré laCroix-de-
For de première classe au prince Max Ratibor.qui fut
ministre d'Allemagne à Belgrade pendant la der-
nière crise.
Munich, 30 juillet.
Oe annonce un mouvement parmi le personnel di-
plomatique bavarois. Le comte d'Ortenburg-Trav-
bach, ministre à Paris, quitte le service et est rem-
placé par le baron Tucher von Simmelsdorf, pre-
mier secrétaire à Vienne.
M. von Guttenberg, ministre auprès du Vatican,
qui prend sa retraite, est remplacé par le baron de
lutter, ministre à Stuttgart, Le poste .de. Stutt.ga.rt.
est cônBé au comte Moy, ministre à Pétersbourg,
où est envoyé le baron de Grunelius, conseiller à
Berlin.
Berlin, 30 juillet.
Le projet d'une entente turco-bulgare, que l'Autri-
che .encourage, rencontre un terrain favorable à à
Constantinople. L'idée de'cette sorte de ligue balka-
nique, à laquelle la Roumanie pourrait donner 'son
adhésion, rencontre de nombreux partisans à la
Porte Dt parmi les hommes politiques turcs.
Belgrade, 30 juillet.
Pendant l'absence de M. Milovanovitch, parti pour
Marienbad, l'intérim des attaires étrangères sera
fait par le président du conseil Novakovitch.
Agen, 30 juillet.
Les conseillers municipaux de la ville de Mar-
mande réunis en un banquet offert à leur maire, le
docteur Courret, à l'occasion de sa récente promo-
tion dans l'ordre de la Légion d'honneur, ont envoyé
à leur compatriote le général Brun, ministre de la
guerre, un télégramme de sympathie et de félicita-
tions.
Il est probable que le ministre de la guerre accom-
pagnera le président de la République à l'occasion
du voyage en septembre de M. Armand Fallières
pour l'inauguration à Marmande du monument
élevé à la mémoire de Léopold Faye, ancien mi
nistre.
LA DISSOLUTION DU SYNDICAT DES POSTIERS
Les postiers syndicalistes voulaient avoir une
consultation » du tribunal sur leurs préten-
tions à bénéficier de la loi de 1884 concernant
les syndicats professionnels. Ils sont servis
leur syndicat est dissous par arrêt de justice.
Le jugement rendu hier par la 9" chambre cor-
rectionnelle leur dit avec une clarté qui ne
laisse rien à désirer qu'aucun fonctionnaire,
quel qu'il soit, aucun agent ou employé de
TEtat, n'est fondé à se retrancher derrière le
« droit syndical » pour assurer la défense de ses
• intérêts professionnels.
Ce n'est pas pour eux que le « droit au syndi-
cat a été institué par le législateur. Et le tri-
bunal en donne des raisons péremptoires où les
lecteurs du Temps ont pu retrouver quelques-
uns des arguments que nous avons eu mille
fois l'occasion de développer.
Les fonctionnaires, employés ou agents d'une
administration publique, ne peuvent se syndi-
quer en vertu de la loi de 1884, parce qu'il n'y
a aucune assimilation possible entre eux et les
salariés de l'industrie privée. Ceux-ci ont le
droit de discuter avec les patrons, et les pa-
trons avec eux, sur un pied d'égalité parfaite.
Les uns et les autres, pour faire prévaloir leurs
vues, ont légalement la faculté de recourir à la
cessation concertée du travail, à la grève s'il
s'agit des ouvriers, au lock-out s'il s'agit des
patrons. La loi de 1884, en abrogeant expressé-
ment l'article 416 du Code pénal, les a tous dé-
barrassés d'une disposition pénale qui pouvait
gêner l'exercice de cette faculté.
Or, à aucun moment- et cela résulte de la
discussion de cette loi le Parlement n'a en-
tendu concéder pareille faculté aux fonction-
naires, agents ou employés d'une administra-
tion publique.
Qu'a en effet de commun la nature des rap-
ports existant entre eux et « l'Etat-patron »
avec la nature des rapports établis entre « un
patron ordinaire » et les salariés auxquels ce-
lui-ci fait appel?
L'Etat-patron ne cherche « aucun bénéfice
]>ersonne] ses employés touchent toujours le
même salaire, indépendamment des fluctua-
tions de main-d'œuvre ses exploitations sont
toujours, même si elles ne sont pas rémunéra-
trices, faites au profit de l'intérêt général de
tous les citoyens; il sauvegarde à la fois et dans
la mesure du possible les intérêts particuliers
de ses fonctionnaires et de la nation tout en-
tière ».
Que le droit de grève puisse être exercé par
les ouvriers d'un patron ordinaire « qui traitent
librement avec ce patron en mesure d'accorder
ou de refuser ce qui lui est demandé », cela
étudiants. C'est le tsar lui-même qui l'a décrété
et nous en serons récompensés.
Sûrement, pour chaque traître on nous
donnera des terres.
Et notre maître d'école est aussi des leurs,
se rappela quelqu'un.
Il ressemble même aux Japonais, avec sa
vilaine tête sans barbe tels qu'on nous les
montre sur les images.
Il s'est installé chez nous pour nous en-
tortiller plus facilement, la vipère!
Il pourrira tous nos enfants.
Il mange notre pain et travaille contre
nous!
Ehi mes petits frères, cria Michel. Allons
chez lui, nous lui donnerons une leçon.
La bande s'élança, hurlante et menaçante.
Les gamins, pieds nus, galopaient auprès d'eux;
une à une, les femmes, inquiètes, sortirent de
leurs chaumières.
Sur le perron de l'école, le vieux garde
Naoum, à moitié sourd, en marmonnant un
psaume, raccommodait un filet. Il n'entendit
le bruit que lorsque la bande ne fut qu'à quel-
ques mètres de l'école, et sembla terrifié.
Sors donc, fils de chienne; nous voulons
voir comment tu t'y prendras pour nous ameu-
ter contre le tsar et le Christ.
Tu veux voler notre terre!
Au lieu d'enseigner aux enfants chrétiens,
va chez tes frères les juifs.
Nous t'étriperons.
Nous t'écorcherons tout vif!
Sors donc ou nous t'y forcerons!
A les entendre, on n'aurait pas cru que ce
fussent des hommes, mais un monstre à mul-
tiples têtes, fort comme la mort impitoyable
comme la vie, inflexiblement terrible dans son
entêtement grossier.
Qu'est-ce que cela veut dire? Que vou-
lez-vous, mes petits frères? balbutiait le vieux
garde.
< Il nous faut le maître d'école. Eh! Zaka-
roff. sors,,i ou nous forçons la £grtg.
s'explique parfaitement. Mais comment l'ad-
mettre « de la par.t d'employés de l'Etat char-
gés d'aan mandat ou d'un service public ou de
fonctions présentant un intérêt public »? Leur
situation ressemble-t-elle à celle des employés
d'un particulier? En aucune façon. « Us agis-
sent sous les ordres du pouvoir exécutif, mais
ils sont cependant régis, réglementés et payés
conformément à des lois, des décrets-lois ou
des lois de finances votés par le pouvoir légis-
latif » de telle sorte « qu'il pourrait arriver que
dans le cas où le pouvoir exécutif souhaiterait
concéder' à ses employés certains avantages de-
mandés, le pouvoir. législatif ies lui refusât, et
qu'ainsi les employés se trouveraienten lutte et
peut-être en révolte contre les représentants
eux-mêmes de la nation souveraine ». Que de-
vient la liberté de discussion entre employeur
et employé?
Tout cela, c'est le bon sens même, aussi bien
que la stricte vérité juridique. Et cette vérité
juridique, il était fatal que le tribunal la pro-
clamât, sans se laisser le moins du monde trou-
bler par les sophismes des politiciens qui ont
tiré de certaines motions parlementaires et
d'imprudents commentaires ministériels des
interprétations contraires au texte et à l'esprit
de la loi de 1884.
Le tribunal d'ailleurs et il l'en faut louer
a tenu-à s'expliquer nettement sur ce -point.
Il a déclaré, n'avoir pas « à faire état, dans un
débat juridique de cette nature, quelque valeur
qu'elles puissent avoir, des opinions particu-
lières émises actuellement au sujet'de cette loi,
pas plus que des ordres du jour votés par la
Chambre; et qu'il en est de même en ce qui
concerne les tolérances dont bénéficient quel-
ques syndicats de fonctionnaires, ainsi que les
autorisations officielles ou officieuses de créer
des syndicats données" par certains ministres ».
Cela, en effet, n'a rien a voir avec la loi, dont
on ne peut apprécier la portée qu'en se pla-
çant ait moment même de son vote ».
N'est-ce pas ce que nous avons dit et ré-
pété à satiété nous-mêmes en nos polémiques
avec les jurisconsultes d'occasion, qui dans un
tout autre intérêt que celui de la pure vérité et
de la justice, prenaient à tâche de pousser les
fonctionnaires à user du « droit syndical »
comme d'un droit qu'ils tenaient, au moins im-
plicitement, de la loi de 1884 ?
Les postiers syndicalistes et les autres
fonctionnaires qui partageaient leurs illusions
sont-ils aujourd'hui éclairés ? Nous voudrions
l'espérer. Mais s'ils ont encore le moindre
doute, comme nous les avons hautement ap-
prouvés de ne pas s'être contentés de l'opinion
du parquet et d'avoir sollicité l'opinion des ju-
ges mêmes, nous leur conseillons volontiers de
poursuivre l'expérience. Qu'ils aillent en appel;
qu'ils aillent ensuite en cassation. Ils n'obtien-
dront pas une autre « consultation » que celle
du tribunal de première instance. La seule
chose qu'ils y puissent « gagner », c'est que les
motifs du jugement d'hier soient encore ren-
forcés. Bien qu'ils suffisent amplement à justi-
fier la thèse de l'illégalité des syndicats de
fonctionnaires, il en est encore d'autres qui y
pourraient être aisément ajoutés.
Comme il est fâcheux que le gouvernement
ne se soit pas décidé plus tôt à laisser la ques-
tion venir devant les tribunaux! Si au lieu de
mettre par l'amnistie fin aux poursuites contre
le syndicat illégal des instituteurs de la Seine,
on avait laissé la justice suivre son cours et dire
son mot, nous n'aurions pas eu vraisemblable-
ment le spectacle des agitations qui ont troublé
le pays. Et une grève des postiers apparaîtrait
encore comme une éventualité des plus problé-
matiques.
Le gouvernement, ce jour-là, ne s'inspira
pas certainement de la fameuse maxime
«Gouverner, c'est prévoir ». Si encore cela
servait de leçon!
M.A.IH.E ET F3.ÉFET
Un incident fâcheux s'est produit récemment
aux réceptions officielles du nouveau préfet du
Finistère. Le maire de Brest., M. Delobeau, séna-
teur, présenta son conseil municipal en ces ter-
mes « J'ai l'honneur de vous présenter un conseil
municipal républicain, composé de républicains
loyalistes, sur lesquels vous pouvez compter abso-
lument. » A ces paroles si correctes et si sages,
voici comment répondit le délégué de l'Etat « En
politique vous êtes en arrière de nous. Nous re-
présentons la démocratie, le progrès. J'espère ce-
pendant. », etc. Ainsi, un préfet accuse publique-
ment un conseil municipal républicain de ne re-
présenter ni la démocratie ni le progrès, et ac-
cueille les témoignages de sympathie du maire
d'une grande ville par une déclaration d'hostilité
non déguisée. N'est-ce pas incroyable? L'honora-
ble M. Delobeau, qui a soixante-quinze ans, et qui
combattit pour la République à l'époque où il y
avait à cela quelque mérite, sous l'Empire, sentit,
comme on dit vulgairement, la moutarde lui mon-
ter au nez et infligea au préfet, séance tenante, une
juste leçon « Je suis, je le répète, un vieux ré-
publicain, et ce n'est pas à moi qu'il faut enseigner
l'amour de la République. Je lui ai consacré ma
vie. Les fidèles collaborateurs que je vous présente
sont tous aussi de loyaux républicains. Je m'en
porte garant et je proteste en leur nom contre
l'insinuation qui vient d'être faite contre leur
loyalisme, » On ne saurait montrer plus de raison
et de dignité.
Pour comprendre l'incartade du préfet, et pour
en mesurer toute la portée, il faut savoir premiè-
rement que M. Delobeau et les membres de son
jonseil municipal, républicains incontestables, ap-
partiennent à la fraction modérée de notre parti;
ensuite et surtout, qu'ils ont remplacé à la mairie
ie Brest un conseil collectiviste révolutionnaire,
iont les frasques ont troublé et failli ruiner la
ville. Les Brestois, fatigués de la désastreuse et
,umultueuse gestion de ces émeutiers et grévicul-
Il n'est pas là, il est parti, expliquait le
vieux tremblant.
Tu mens, vieux chien! Va l'appeler, cria
Michel, en secouant brutalement le garde par
les épaules.
̃̃ Il est parti, il est parti hier.
Où cela? >
Je ne suis pas son père pour qu'il me le dise.
Il s'est caché. il a peur.
Nous le verrons bien! Les enfants, en-
fonçons la porte, brisez les carreaux, nous le
trouverons.
Des pierres sifflèrent; le vieux garde d'un
bond se trouva devant la porte. De grosses lar-
mes roulaient dans les nombreuses rides de son
visage tanné.
Vous êtes fous, mes enfants! dit-il d'une
voix subitement assurée. Vous ne craignez pas
Dieu d'abîmer une pareille maison! Un jour
de grande fête et vous brigandez! 1
Amène-nous le maître d'école ou nous
brisons tout!
Que je meure sans absolution il n'est
pas là. Il est parti chez son collègue de Kra-
sino, hier soir.
Il fit un grand signe de croix pour confirmer
son serment.
Que les loups le mangent! cria le gail-
lard roux. Il a eu du flair!
Non, nous ne le manquerons pas! Nous
allons aller à Krasino, et au lieu d'un lièvre
nous en prendrons deux! déclara Michel fu-
rieux de son échec.
Sifflant, chantant, ils suivaient en se bous-
culant la route de la forêt, et l'écho répétait
sauvagement les derniers cris de cette troupe
à moitié ivre.
Deux kilomètres plus loin, ils aperçurent une
charrette marchant au pas. Quelques mètres
en arrière suivait un grand jeune homme vêtu
d'unè redingote de drap fin et coiffé de la cas-
quette des étudiants. ̃
< Eh; cria quelqu'un, le voilà!
Les chants, se > tuieni, Qn observa, k-
teurs, se sont empressés de s'en débarrasser à la'
première occasion, et l'avènement de la nouvelle
municipalité républicaine a été accueilli dans le
grand port militaire comme une délivrance. Mais
M. le préfet du Finistère ne pardonne pas à M.
Delobeau et à ses collaborateurs d'avoir triomphé
des socialistes, et en marquant sa froideur à la
municipalité républicaine, il investit implicite-
ment de la faveur gouvernementale les Goude et
consorts, qui se trouvent ainsi promus au rang de
candidats offieiels. Evidemment, ce haut fonction-
taire s'imagine être un préfet de M. Combes
cette politique, c'est la politique combiste. Mais ce
ne peut être celle de M. Aristide Briand, qui pour
ses débuts de président de conseil a préconisé
dans son discours à; la Chambre l'union des répu-
blicains. On se plaît à croire qu'il saura faire res-
pecter ses intentions, qui ont été si nettement ap-
prouvées par la majorité parlementaire et par le
pays.
<&.
LE REMPLACEMENT DU HAUT PERSONNEL
AU MINISTÈRE DE LA MARINE
A situation nouvelle, il faut des hommes nou-
veaux, disait-on au moment où la République, dé-
finitivement établie, allait se gouverner elle-mê-
me c'est la formule qui a été appliquée hier au
ministère de la marine; tous les directeurs, ou
du moins tous ceux qui participent à la vie géné-
rale du département, ont été simultanément rem-
placés tous les grands services ont eu leurs chefs
changés les directions de la flotte armée, de la
flotte en construction, l'état-major général, les di-
rections de la comptabilité générale, des travaux
hydrauliques, du contrôle, de l'artillerie navale,
ont aujourd'hui de nouveaux titulaires. Il n'y a
qu'un précédent de mutations aussi rapides et
aussi complexes c'est celui de janvier 1886, lors-
que It'anjiral Aube, arrivant au ministère de la ma-
rine, changea le jour même de sa prise de fonc-
tions tous les directeurs de son département.
Dans un cas comme dans l'autre, la mesure
étant générale, on ne saurait voir une question de
personnes. Si certain directeur a pu être mis en
regrettable posture par la commission d'enquête
de la Chambre, presque tous les autres sont restés
indemnes de tout blâme. Aussi ne peut-on consi-
dérer la décision prise que comme une décision
de principe et non comme une sanction, ou plu-
tôt une satisfaction donnée à l'enquête de la Cham-
bre s'il n'en était ainsi, la généralité de la mesure
ne se comprendrait plus.
Il est certain que tout comme en 1886, la dé-
cision prise a pour but de donner une orientation
nouvelle à la marine; on veut un changement de
front complet; cependant, il est nécessaire do le
constater, la situation n'est pas actuellement ce
qu'elle était il y a vingt-trois ans. L'amiral Aube
arrivait avec un programme tout prêt, connu,
nettement défini; ses études publiées dans la Re-
vue des Deux Mondes, réunies en volumes, avaient
répandu ses théories, et les changements apportés
dans les directions de l'administration centrale
n'avaient pour but que de mettre à leur tête des
hommes. imbus de ces théories et aptes à les ap-
pliquer. Le programme était si précis que le con-
tre-amiral Dupetit-Thouars, pressenti pour être
chargé de la direction des torpilles qu'on allait
créer, refusa le poste. Il sentait qu'il n'était pas
en parfaite communion d'idées avec le ministre.et il
se retirait. Aujourd'hui, tous les hauts fonction-
naires nommés prendront leur poste parce que
l'absence de tout projet ne pose aucune question
pouvant produire un désaccord. On n'appelle pas
ces fonctionnaires pour l'exécution de réformes,
de réorganisations arrêtées d'avance. On les fait
venir pour étudier ces réformes et réorganisa-
tions, et c'est là que la question devient grave.
Alors que les fonctionnaires ou officiers géné-
raux que l'amiral Aube faisait venir auprès de
lui s'étaient préparés à l'éventualité d'une prise
de fonctions pour l'accomplissement d'une tâche
déterminées, ceux qui ont été nommés hier direc-
teurs de l'administration centrale n'ont aucune
étude préalable spécialisée à la marine pour
ceux qui viennent de l'extérieur, et à la fonction
qu'ils vont occuper pour ceux qui appartiennent
déjà à la marine; c'est-à-dire que d'aucun d'eux
il n'est possible d'afflrmer qu'il sera le right man
in the right place; espérons qu'ils le deviendront
tous, mais préalablement il y a un apprentissage
à faire, et cet apprentissage pourrait être long.
Il faut aussi que ces directeurs puissent travail-
ler dans un but commun et apporter une colla-
boration étroite au ministre et au sous-secré-
taire d'Etat, et pour cela qu'ils aient acquis les
connaissances suffisantes non seulement de leur
propre direction, mais encore de tout l'organisme
de la marine, pour rendre leur production fruc-
tueuse.
Et du temps s'écoulera avant que ce résultat
soit obtenu. C'est pour cela que nous n'accueillons
pas sans faire quelques réserves le changement
complet dans la haute administration du départe-
ment. La situation de la marine demande une amé-
lioration immédiate, aussi bien au point de vue
du matériel que du personnel, son état financier
est des plus précaires, et l'échéance arrive, rapide,
inéluctable, pour la mise en bon fonctionne-
ment des forces navales d'aujourd'hui et de de-
main.
Le lien entre l'administration d'hier et l'admi-
nistration nouvelle est coupé. On en aura fini avec
la routine, il faut bien l'espérer, mais en même
temps on a renoncé à tous les avantages de la tra-
dition.
« ̃.
L'INSURRECTION EN CATALOGNE
De nouveaux désordres se sont produits à Barce-
lone et on plusieurs autres endroits on Catalogne,
ainsi qu'à Madrid, où une grande manifestation
contre la guerre aurait été faite par la foule et les
soldats devant le palais royal.
Mais il semble que la situation générale se soit
améliorée et que les autorités aient réussi à étouf-
Non, l'autre est rachitique. Celui-là est
un gars solide. j*
Quelqu'un de Pikno.
Non. Il vient de la gare. C'est un cocher de
la ville. n
Peut-être! .'•
̃- Bonjour, les pays! les salua aimablement,
le jeune homme.
Bonjour, répondirent en chœur les paysans.
Où allez-vous?
A Lutikovo, annonça l'étudiant en rou-
lant une cigarette. Voulez-vous me donner du
feu? Ni mon cocher ni moi n'avons d'allu-
mettes. "•"
Vous venez de loin?
L'étudiant éclata de rire. r v'ï?'
Jamais vous ne pourrez voir la ville "dTîci 1
répondit-il en allumant sa cigarette.
Michel, qui ne le quittait pas des yeux, se
pèîisha vers son voisin, murmurant
< Un étudiant.
Tu es sûr? <
Il a la casquette réglementaire.
Et s'adressant sans façon au jeune homme.
Vous venez de Moscou sans doute, mon-
sieur l'étudiant?
Un peu plus loin. De la Sibérie.
Ayant entendu les mots étudiant et Sibé-
rie, les paysans se redressèrent en jetant un
coup d'œil méfiant au voyageur.
^-Marche au pas, mon ami, dit le jeune
homme au cocher. Je te rattraperai.
Quoi de nouveau? interrogea Michel pour
retenir l'étudiant.
Rien de bon, mon ami; tout va mal en ce
moment. Ici est-on tranquille, au moins?
Michel eut un regard significatif pour la
bande.
Chez nous, tout est calme, mais dans les
villes? On monte des émeutes.
Toujours les juifs, appuya quelqu'un.
Ils ne nous laissent pas vivre, les démons,
ils soulèvent tout le peuple! J'
^•s? Si on nous laissait faire, tout rentreKÛL
fer l'insurrection de Barcelone grâce aux renforts
de troupes envoyés au capitaine-général.
Un télégramme officiel de Madrid, 30 juillet, dit
que les nouvelles de Barcelone sont satisfaisantes.
La cavalerie aurait acculé dans les faubourgs de
Clôt et de San-Martin le principal groupe des sédi-
tieux contre lesquels l'artillerie aurait ouvert le feu,
lui causant de grandes pertes.
Les survivants se seraient rendus et auraient li-
vré leurs armes.
Il resterait encore à réduire quelques petits grou-
pes dans les villages voisins de Barcelone.
Notre correspondant à Perpignan nous télégraphie
le 29 juillet ¡
Le train de midi vingt est parti comme à l'ordi-
naire de Port-Bou, et un train venant de Gérone
est arrivé à Cerbère ce soir à six heures avec de
nombreux voyageurs. Il est donc à peu près cer-
tain que demain les communications avec Barcelone
seront rétablies.
On annonce que deux ponts auraient été dynami-
tés sur la route de Ripoll à Barcelone. Les corres-
pondances des Pyrénées-Orientales pour Barcelone
sont acheminées via Irun,
Récits de témoins
{Dépêche, de notre correspondant particulier),
Marseille, 30 juillet.
Le paquebot allemand Sculari est arrivé hier soir
venant de Barcelone, où il se trouvait au moment
des émeutes de ces jours derniers. Le Scutari a
quitté Barcelone dans l'après-midi de mercredi.
Voici le récit d'un officier du bord. Jusqu'à lundi
dernier tout était demeuré calme dans la ville, mal-
gré qu'une vive effervescence, provoquée par les
nouvelles du Maroc, régnât parmi les ouvriers.
Soudain, lundi après-midi, la grève éclata. La ville
perdit aussitôt toute son animation coutumière
plus de charrois, plus de tramways; partout un
calme inquiétant qui devait bientôt être suivi de
graves desordres.
Ces désordres commencèrent mardi matin, et
prirent bientôt une importance considérable. Les
rues furent dépavées, les rails arl-achés, des barri-
cades furent élevées on de nombreux points de la
ville.
La troupe intervint, des collisions se produisirent
entre les soldats et les émeutiers et des coups de fu-
sil et de revolver furent échangés. Le canon lui-
môme fit entendre sa voix et des boulets furent lan-
cés contre: les barricades, qui furent enlevées d'as-
saut.
Naturellement, tout cela n'avait pas été sans qu'il
y eût de nombreuses victimes et des dégâts consi-
dérables. Plusieurs immeubles avaient été détruits,
l'église San-Pablo, par exemple. Le calme un peu
revenu dans la cité, de sévères mesures furent pri-
ses par les autorités. A partir de dix heures du soir,
il fut interdit à la population de demeurer sur la
voie publique. Les groupes de plus de deux person-
nos furent défendus.
D'autre part, toute la troupe cavalerie, infante-
rie et artillerie, fut mise sur pied. Les soldats dissé-
minés dans toute la ville avaient reçu des ordres
formols de tirer sur tout contrevenant aux pres-
criptions édictées par le gouverneur de la ville à
dator de mardi et jusqu'à nouvel ordre, la. troupe e
devait manger et coucher sur place, prête à toute e
éventualité. 11 p p
Certaines artères principales comme la Rambla,
la Santa-Monica et le Parallelo notamment, étaient
complètement barrées par les soldats. Sur les quais,
autour de la statue de Christophe Colomb, sur la
place de Catalogne, etc., on ne voyait que des hom-
mes de troupes dans diverses rues des canons et
des mitrailleuses étaient installés.
Toutes ces mesures de répression n'empêchèrent
pas les troubles de se renouveler eh différents
points.
Pourtant dans Barcelone mémo l'émeute parais-
sait momentanément enrayée, Il n'en était malheu-
reusement pas de même dans les quartiers consti-
tuant la banlieue barcelonaise, à San-André, San-
Antonio, Barcelonetta, Badeluna, où malgré les
balles et les obus les révoltés tenaient bon derrière
leurs barricades, tirant sans relâche sur la troupe.
Partout des incendies éclataiont, des églises, des
couvents et des usines étaient livrés aux flammes.
D'un seul de ces faubourgs les ambulances de la
Croix-Rouge ramonèrent mardi soir une trentaine
de morts et une centaine de blessés.
Durant la nuit de mardi à mercredi des coups de
feu retentiront de loin en loin. Cependant il y eut
répit do part et d'autre. Avec le jour, mercredi ma-
tin, la fusillade reprit. Les mesures d'ordre devin-
rent plus sévères encore; la population de la ville
ne fut plus autorisée à sortir de chez elle que de six
heures à neuf heures du matin. Il fut interdit aux
passants de marcher deux ensemble et d'être por-
teurs d'un paquet quelconque sans autorisation.
A une heure do 1 après-midi lo Sculari levait l'an-
cre.
ESPAGNE ET MAROC
Nous avons donné hier, en Dernière Heure, une
information de l'agence Havas suivant laquelle les
Espagnols auraient perdu à Melilla 1,000 hommes
tues et 1,500 à 2,000 blessés. Ce télégramme était
de Melilla, 27, onze heures du soir, et avait été
transmis vid Malaga. Un autre télégramme, de
source privée et daté du 28, onze heures du soir,
parle de 200 morts et de 800 blessés. S'agit-il d'une
rectification des premiers chiffres ou d'un nouveau
combat? De toute façon, les chiffres du télégrammo
du 27 nous paraissent à. ce point énormes qu'il nous
est difficile d'y ajouter foi.
Voici du reste, au sujet du combat du 27, un nou-
veau télégramme communiqué par l'agence Havas
ot daté do Melilla, 28 juillet
Le combat d'hier a été acharné. Cinq bataillons y
ont pris part sous le commandement du général
Pintos.
Gulul-ul 3'OlcUli aaàlo mamcntaoÉtumik sur uuu plerrt?,
quand il tomba, frappé à la tête par une balle. Les
lieutenants-colonels des bataillons de chassours des
Arapiles et de Las Novas continuèrent à aller de
l'avant, à la tôte de leurs troupes auxquelles ils don •
nèrent l'exemple de la bravoure. Ils furent frappés
aussi, de même que plusieurs autres officiers des mê-
mes bataillons.
Le combat a pris fin un peu après huit heures du
soir.
Aujourd'hui on a procédé aux obsèques solennelles
des victimes du combat d'hier. Le général gouverneur
de Melilla était en tête du cortège lunèbre.
Les Maures ourent de grandes pertes. Ils enterrèrent
les morts dans les trous qui avaient servi aux recher-
ches minières.
Un détachement a fait aujourd'hui une reconnais-
sance et est rentré sans incident.
dans l'ordre. Nous pendrions jusqu'au dernier
juifaillon.
Comment! ces préjugés ont cours jusque
chez vous? sourit amèrement le jeune homme.
Quelle bêtise!
̃ Ce ne sont pas des bêtises, monsieur l'étu-
diant, mais la vérité pure, se cabra Michel. Les
personnes qui ont des attaches avec les émeu-
tiers, naturellement, les défendent ce sont
fruits du même espalier!
L'inconnu n'attacha aucune importance au
ton ni aux paroles. Jetant loin de soi la ciga-
rette, il parla chaleureusement.
Je viens, mes amis, d'une grande ville, et
j'ai vu, je sais, que les juifs sont innocents de
ce dont les accusent dé mauvaises gens. Les juifs
sont un peuple tranquille, travailleur, ils ne
touchent à personne, si personne ne s'attaque à
eux.
Ce sont des fils de chienne, des traîtres
qui se sont vendus pour cent millions aux Ja-
ponais et veulent voler le pouvoir du tsar
pour nous gouverner avec les avocats les pro-
fesseurs, les étudiants, cria menaçant le gail-
lard roux.
–Tout cela, ce ne sont que des âneries; cra-
che à la figure de celui qui te l'a dit. Ni les
juifs, ni les professeurs, personne n'a non seu-
lement touché, mais vu l'argent des Japonais.
Du reste, jamais les Japonais n'ont offert de
l'argent pour quoi que ce soit. Pour continuer
la guerre ils ont eux-mêmes emprunté. Jamais
ces gens ne se révoltent, jamais ils n'ont trahi
personne. Ils défendent la justice, le droit; ils
veulent que tout le monde puisse vivre sans
souci de la misère; que tout le monde soit bien
vêtu, bien nourri, que chacun puisse appren-
dre ce qui lui plaît, non seulement les riches;
mais les pauvres aussi. Ils se battent, en som-
me, pour vous, pour votre existence, votre bon-
heur et ce sont ceux qui veulent tout garder
pour eux, s'enrichir de votre travail, qui exprès
font courir ces bruits absolument faux.
Au fur et à mesure Que l'étudiant parlait^
Le vapeur Mouilla est arrivé, apportant cent tonnée
de matériel d'artillerie et des lits.
On ignore le chiffre exact des morts et des blessés.
A la-mArnjewdaie, les, autorités de Melilla commu-
niquent l'information que voici
A la suite des pertes nombreuses qu'ils ont subier
dans le combat du 27 juillet, les Maures ont abandonné
les positions qu'ils occupaient sur le flanc droit de.
troupes espagnoles et ils se sont retirés de l'autre côté
du mont Gourougou.
Le ravitaillement du poste de la deuxième station dï
chemin de fer minier s'est fait sans incident.
Les Rifains ont reçu d'importants renforts.
On mande d'autre part de Melilla, le 29 juillet
Rien de nouveau depuis hier soir et aujourd'hui. L général Marina a visité le campement. La tranquillité-
règne dans le camp ennemi. Un capitaine aide de camp
du général Marina est mort.
Le vapeur Puerto-Rico, transportant des troupes,,
vient de jeter l'ancre.
Ce qui est certain, c'est que la situation est grava
et qu'il ne s'agit plus, pour le moment, d'une action
répressive des Espagnols, mais de la défense da
Melilla. Toutes les positions espagnoles ont été suc-
cessivement attaquées. L'attaque du 18 était dirigea
contre le camp retranché de Sidi-Ahmed-el-Hadj z
celle du 20, contre le poste de Sidi-Mouça et les sta-
tions fortifiées du chemin de fer. Depuis le 23, on
s'est battu jusqu'aux abords de la ville.
Voici les notes que nous adresse un témoin ocu-
laire de cette journée meurtrière.
Melilla, £3 juillet.
A la pointe du jour la fusillade commence les Ri-
fains attaquent le territoire de Melilla, notamment du
côté sud.
5 heures. Les troupes sortent de Melilla au nom.»
bre de 2,000 à 3,000 hommes.
7 heures. 1,5CO hommes venant de Malaga débar~
quent.
8 heures. Les troupes espagnoles, manquant d*
munitions, sont refoulées et battent on retraite. Ls.
brigade disciplinaire fait un héroïque et inutile effort:
elle s'élance à la baïonnette contre les Marocains re-
tranchés derrière les rochers, mais elle est absolument
décimée. Presque tous ses officiers sont blessés ou
tués.
9 heures. £,000 hommes d'infanterie et d'artillerifc
se portant au secours de la colonne engagée: Les ba-
taillons marchent en ordre serré et les Rifains. tirent &
coup sûr. Nous voyons tomber des quantités de sol*
dats..L'artillerie prend position et fait feu; mais lea
indigènes, quoique nombreux, sont très éparpillés et
le résultat du tir est incertain. Tous les campements
sont attaqués. La canonnade est effrayante.
10 heures. Les Marocains cèdent; les Espagnols
montent à l'assaut des contreforts du Gourougou, mai»
sont reçus par une vive fusillade partant des douare
« amis de l'Espagne », que défendent des haies de fi-
guiers de Barbarie. Les Espagnols perdent beaucoup
de monde et rétrogradent pour laisser tirer l'artil*
lerie.
11 heures. Les Espagnols avancent de nouveau;
mais les Marocains, malgré la canonnade, n'ont pasf
abandonné leurs positions. Beaucoup de corps-à-corp4
meurtriers ont lieu.
Midi. Les Espagnols conquièrent pied à pied let
positions des Marocains, qui se font tuer sur place plu?
tôt que de céder.
2 heures. La fusillade continue autour des postet
avancés.
Une dépêche officielle d'Alhucomas, 28 juillet
annonce que la place a ouvert le feu contre uni
harka forte de 6,000 hommes et que celle-ci a ri'
posté.
Le garde-côte Numancia est parti de Melilla pour
Aihucemas.
On mande d'Oran que le vapeur Aude, de la
Compagnie transatlantique, vient d'être réquisi-
tionné par le gouvernement français pour transpor-
ter des vivres à Melilla.
Ontélégraphie de Gibraltar, le 29 juillet, que
six bataillons de chasseurs, provenant d'Algésiras
et des localités environnantes, se sont embarqués à
bord de quatre transatlantiques, qui ont dû partir
hier après-midi pour Melilla. Les soldats semblaient
avoir un moral excellent.
LE TSAR NICOLAS II DANS LES EAUX DE KIE[
(Dépêche de notre envoyé spécial)
Kiel, 30 juillet
Le Slandart et les navires qui l'escortaient sont
arrivés hier, vers six heures du soir, à Brunsbuttel^
débouché du canal de Kielà*»ir l'Elbe. La princesse
Irène et son fils, la princesse Louise de Battenberg
et la princesse de Hesse ont pris congé de la famill6
impériale russe et sont repartis en automobile pont
le château de Hemmelmark. Les honneurs militaire*
ont été rendus comme à l'entrée du canal.
Peu après sept heures, toute l'escadrille russe
faisait route vers la mer du Nord, convoyée par lé-
cuirassé allemand Undine et trois torpilleurs qui
l'ont escortée dans les eaux allemandes. Le Runkr
qui a passé par le cap Skagen, rejoindra en mer 1»
Êakharof, les deux yachts impériaux et les deux tor-
pilleurs qui sont attendus demain à Cherbourg.
La presse allemande se borne à reproduire Io£
bulletins de l'agence Wolff sur la visite do Kiel,
mais malgré le silence gardé sur la réunion socia-
liste de Kiel, la Deutsche Tagesieitung envoie ses
félicitations aureceveur du télégraphe de Flensbourg,
qui avait refusé le télégramme que les socialistes d4
Flensbourg voulaient adresser à leurs camarades
de Kiel pour les féliciter de leur protestation con.
tre la visite du tsar, et qui se terminait par le?
mots « A bas le tyran 1 » Langage anodin, il est
vrai, comparé aux grossières fureurs de la réso-
lution votée à Kiel. Le Vorwserls lui-même, d'ail-
leurs, paraît suivre les conseils des journaux bour-
gooi» qui ont émis la crainte que loa injures des so-
cialistes de Kiel ne gênassent la politique de l'Al-
lemagne envers la Russie il publie en effet aujour-
d'hui seulement un court compte rendu do la réu-
nion de M. Liebknecht et il expurge la résolution
acclamée par les 10,000 camarades de Kiel des insul-
tes qu'elle contenait. Les socialistes du Slesvig-,
qui continuent à se montrer très excités, annoncent
par contre qu'ils interpelleront à la rentrée àvt
Reichstag au sujet de cette visite.
Pendant le séjour des souverains et do M. Isvolski
dans la baie de Kiel, l'ambassade de Russie à Berlin.
était représentée par l'attaché naval, le lieutenant dé
vaisseau de Bock, qui est, comme on sait, le gen-
dre de M. Stolypine. M. Isvolski n'a pas quitté le
bord de l'Etoile-Polaire et n'a ou pour ainsi dire au-
cune communication avec la terre. Tous ses cour-
riers étant dirigés sur Cherbourg, le ministre deà
les visages devenaient plus sévères. Une seule
idée dominait les paysans c'est un traître; et
ils formèrent un cercle compact autour de
l'inconnu, sans le quitter des yeux. Leurs re-
gards étonnèrent l'étudiant; il interrompit son
discours, pâlit, se redressa vivement. Un ins-
tant il resta sans prononcer un mot, comma
hypnotisé par ce qu'il lisait de haine, de co*
1ère, de férocité, sur les visages qui l'entou-
raient. Une peur étrange le saisit, glaçant ses
membres. 11 voulut fuir. Ses jambes se refu-<
sèrent; il voulut crier, sa gorge était paralysée,
Il n'osait bouger, se rendant compte qu'il se
trouvait parmi des fauves affamés, prête à se
précipiter sur lui pour le déchiqueter. Gepen-»
dant, devant ce mutisme angoissant, un peu
d'énergie lui revint.
Eh bien, qu'avez-vous, mes amis? deman-
da-t-il d'une voix presque ferme.
Nous savons qui nous sommes, mais nous'
voulons savoir qui tu es.
Tu es venu tenter le peuple, l'entraîner
vers les émeutiers.
Tu défends les juifs, tu as touché de l'ar-«
gent japonais. tu as vendu ton âme au diable.Vous voulez nous prendre nos terres, nousc
mettre en esclavage.
Mais pas le moins du monde, mes ami%
le Christ soit avec vous!
Il ne put achever la phrase. Un bruit mat
retentit; l'inconnu, avec un cri terrible, roul
à terre, ensanglanté. Sa chute et la vue du sang,
affolèrent la bande.. |
Traître, Japonais, canaille, voilà pour t'ag-t
prendre ce que nous valons!
Les coups de poing, de botte, de bâfonF
pleuvaient dru sur le corps et le visage. '<
Le cocher s'étant retourné aux cris et ayant
vu qu'on battait l'étudiant, fouetta son cheyjdji
et disparut au premier tournant.
E. Gloukovtssoj^,
{Traduit du rtitse ]^,XyœBRÉa&u,
(M Ê*}A_dem&s*i
•AMBDI «£ JUILLET H
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Paris, 30 juillet
IBULLETIN DE L'ÉTRANGER
LES ESPAGNOLS AU MAROC
"11 est fort probable^ ainsi que nous l'expli-
quons plus loin, que les dépêches des agences,
'que nous avons publiées hier en Dernière heure
et qui parlaient d'un millier d'Espagnols tués
devant Melilla, étaient fort exagérées. Néan-
moins, il reste certain que les troupes espagno-
les n'ont pas remporté une victoire. Ils n'ont
pas pris possession du massif montagneux qui
les entoure,et qui cache leurs ennemis.
Il est difficile de juger de loin et en détails
des difficultés delà position du général Marina.
D'autre part, le gouvernement espagnol se
refusant à à laisser les journalistes suivre
les opérations, il est impossible de recevoir
des renseignements techniques de source
autorisée. Mais si l'on ne peut à cette dis-
tance faire de la tactique de fantaisie,
du moins doit-on relever, pour en tirer ensei-
gnement, les erreurs de méthode qui ont été
commises. L'Espagne, comme nous l'avons fait
au début de nos opérations dans les Châouïa, a
procédé par petits paquets. Au lieu d'attendre,
pour infliger aux Rifains le châtiment qu'ils
méritaient pour leurs déprédations, qu'une co-
lonne suffisante en nombre et en artillerie fût
concentrée à Melilla, ils ont envoyé vers le sud
de petits détachements incapables de repousser
les Kabyles. Ces derniers sont pourvus d'armes
modernes; ils connaissent admirablement le
pays. Ils ont réussi tout d'abord à arrêter la
marche de leurs adversaires, puis les ayant
fixés, ils les ont attaqués sans relâche avec
une audace et un succès croissants. L-e gouver-
nement espagnol devra revenir, comme nous
l'avons fait nous-mêmes, à la seule méthode
d'action rationnelle, à savoir l'usage des colon-
nes mixtes, assez puissantes pour repousser
les Rifains au delà des montagnes qui les pro-
tègent, et pour établir ensuite, en des points
convenablement choisis, des petites garnisons
chargées de prévenir de nouvelles invasions.
C'est la méthode que le général Lyautey a em-
ployée avec tant de succès sur notre frontière
oranaise. C'est grâce à elle, enfin, que le géné-
ral d'Amade a réussi à pacifier les Châouïa.
L'échec des Espagnols est chose fort attris-
tante. Ce n'est l'intérêt d'aucune puissance eu
ropéenne que les Espagnols soient vaincus par
les Rifains. C'est en de telles circonstances que
le patriotisme européen, dont parlait naguère
M. Pichon, trouve à s'employer. L'agitation qui
se produit depuis quelques années chez les mu-
sulmails de toutes les parties du monde n'est
pas un mouvement que les hommes d'Etat sa-
.gaces puissent négliger. Dans l'Afrique du Nord
notamment, la question musulmane est pour la
.France de la plus haute gravité. Notre Algérie
est directement menacée par l'effervescence
que les succès des tribus du Rif risquent de dé-
velopper dans le Maroc septentrional. Défendre
les droits et les intérêts de l'Europe, c'est pré-
cisément les motifs pour lesquels les droits de
.police de la France et de l'Espagne sur les
^confins de leurs possessions n'ont jamais pu
être légitimement contestés. C'est en prê-
chant la guerre sainte que les marabouts
-.soulèvent actuellement les indigènes. La
guerre sainte n'est pas dirigée contre les
.seuls Espagnols, mais contre tout ce qui n'est
pas musulman: contre les Français, .les Alle-
.mands, les Autrichiens, contre tous les Euro-
péens qui séjournen! au Maroc ou qui trafi-
quent avec les indigènes. Il est à remarquer
que c'est toujours après la récolte que les indi-
gènes se soulèvent. Jusqu'à ce-moment ils tra-
vaillent et désirent que la paix soit maintenue.
Une fois les silos garnis de blé et de. maïs, l'i-
naction leur pèse et ils reprennent le fusil. L'in-
térêt général exige que cela ne devienne pas
.une habitude, que nous ne soyons pas exposés
à voir chaque année au mois de juillet un
groupe de tribus marocaines assaillir les ports
où les étrangers ont accès -le patriotisme eu-
ropéen demande que les Rifains soient vigou-
reusement châtiés pour les excès qu'ils ont
'commis dans la région de Melilla, notamment
contre les travaux de la voie ferrée.
La France ne se soustrait pas aux obliga-
tions de ce patriotisme. En aucune circons-
,tance elle n'a méconnu ses devoirs vis-à-vis de
l'Espagne et dans les circonstances actuelles,
qui sont pénibles, elle ne les méconnaît pas.
Cela n'empêche cependant pas certains organes
allemands ou autrichiens de nous attaquer. Un
grand nombre do journaux allemands, dit
l'agence Havas, profitent des événements ac-
tuels pour exposer « que le traité franco-espa-
gnol de 1904 aura été une humiliation pour
l'Espagne, qui livra son avenir au Maroc au bon
plaisir de la France ». En quoi l'accord de 1904
et les arrangements postérieurs qui l'ont com-
plété ont-ils livré t'avenir de l'Espagne au
bon plaisir de la France ? Ils ont eu pour
.£.bjet de délimiter la sphère d'action de
chaque pays. Loin de nuire à l'Espagne,
/ils lui ont facilité la tâche en la précisant. Hier,
la Nouvelle Presse- libre prétendait tenir de
« source diplomatique des renseignements
qui donnaient du rôle de la France envers le
,makhzen l'idée la plus fausse. Notre correspon-
dant à Vienne reçut dans les cercles diplomati-
ques de cette capitale l'assurance que les ren-
seignements de la Nouvelle Presse libre n'en
émanaient point. Aujourd'hui, par une tactique
moins sournoise, le même journal essaye d'at-
.teindre le même but discréditer notre pays.
Le grand organe germanophile de la capitale
.autrichienne rend la France responsable des
malheurs de l'Espagne. C'est folie pure, ou cal-
jçul méprisable. Et il n'est même pas nécessaire
tie se justifier de telles accusations.
JPEUILLETOW DU <&CUtïlS
L. DU 31 JUILLET 1909 (B)
LE PASTEUR
3SrOTJVE3LL,EI `
"Attires par les bruyantes fanfaronnades de
Michel qui raconta ce qu'il avait entendu
dire dans les villes, la jeunesse du pays vint
.grossir le groupe, offrant à son tour une nou-
velle régalade.
Et pourquoi cette maudite juiverie s'est-
elle accrochée après nous? demandait un grand
gaillard roux. Qu'est-ce qui leur manque?
Ce qui leur manque? Ils veulent être nos
égaux devant la loi! criait Michel, pour qu'ils
puissent acheter des terres et fonder des vil-
lages. Dans les villes où on les a tolérés, ils ont
réduit tous nos commerçants à la mendicité, et
•jïinintenant ils veulent s'attaquer à nos terres.
•Ils achèteront aux riches, et quand nous autres
;
rons le soleil à travers une peau de mouton!
'Alors, quand ils nous auront tondus jusqu'à la
peau, ils feront de nous leurs esclaves!
Qu'ils essayent d'acheter! cria quelqu'un
$'une voix menaçante; avant de signer la vente
.inous les aurons réduits en miettes.
Tu ne feras rien du tout; ils savent men-
lir dès l'enfance; ils sont très. riches; les An-
s-gilais, les Japonais sont avec eux.
Et des nôtres beaucoup aussi; tous les doc-
teurs, les professeurs, les étudiants. Tu as en-
/ïendu, notre pope l'a dit. u en-
y Vous verrez, ils nous piétineront; ils nous
prendront nos terres! discourait Michel.
Jamais! hurlèrent les paysans. Nous pou-
vons nous défendre!
$» Notre pope nous a ordonné de détruire
JK5î5^.?lla vermine tous les juifs, tous les.
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
..DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Berlin, 30 30 juillet
Los députés turcs rentreront à Constantinople on
passant par la voie de Douvres et Ostende sans
passer par Berlin; le Parlement impérial est en
offet en vacances, et rien à Berlin n'est préparé
pour une réception. Les députés tuics vouient, au
reste, hâter leur retour à Gonstantinopie et ils ont à
prévoir un arrêt de trois jours à Budapest, où ie
Parlement hongrois les a invités. On dit aussi que
Falaatbey, le chef de la délégation parlementaire,
fera partie de la prochaine combinaison ministé-
rielle, où il prendrait le portefeuille de l'intérieur.
Vingt-six ofticiers turcs sont arrivés à Berlin pour
y terminer leur instruction militaire parmi eux se
trouvent quelques capitaines et chefs a'escadrons.
Ils seront répartis dans divers régiments de l'armée
allemande; ils sont accompagnés par le général
Nasif pacha, le prédécesseur du major Enverbey
comme attaché militaire à Berlin.
Vienne, 30 juillet.
Le Wiener Tagblatt annonce que l'archiduc Fran-
çois-Ferdinand prendra part aux manoeuvres alle-
mandes et descendra à cette occasion au château de
Wartenstein appartenant au prince de Hohenlohe.
Selon la Nouvelle Presse libre le bruit court à Lon-
dres que le roi Edouard se rendrait à Berlin en reve-
nant de Marienbad.
L'empereur François-Joseph a conféré laCroix-de-
For de première classe au prince Max Ratibor.qui fut
ministre d'Allemagne à Belgrade pendant la der-
nière crise.
Munich, 30 juillet.
Oe annonce un mouvement parmi le personnel di-
plomatique bavarois. Le comte d'Ortenburg-Trav-
bach, ministre à Paris, quitte le service et est rem-
placé par le baron Tucher von Simmelsdorf, pre-
mier secrétaire à Vienne.
M. von Guttenberg, ministre auprès du Vatican,
qui prend sa retraite, est remplacé par le baron de
lutter, ministre à Stuttgart, Le poste .de. Stutt.ga.rt.
est cônBé au comte Moy, ministre à Pétersbourg,
où est envoyé le baron de Grunelius, conseiller à
Berlin.
Berlin, 30 juillet.
Le projet d'une entente turco-bulgare, que l'Autri-
che .encourage, rencontre un terrain favorable à à
Constantinople. L'idée de'cette sorte de ligue balka-
nique, à laquelle la Roumanie pourrait donner 'son
adhésion, rencontre de nombreux partisans à la
Porte Dt parmi les hommes politiques turcs.
Belgrade, 30 juillet.
Pendant l'absence de M. Milovanovitch, parti pour
Marienbad, l'intérim des attaires étrangères sera
fait par le président du conseil Novakovitch.
Agen, 30 juillet.
Les conseillers municipaux de la ville de Mar-
mande réunis en un banquet offert à leur maire, le
docteur Courret, à l'occasion de sa récente promo-
tion dans l'ordre de la Légion d'honneur, ont envoyé
à leur compatriote le général Brun, ministre de la
guerre, un télégramme de sympathie et de félicita-
tions.
Il est probable que le ministre de la guerre accom-
pagnera le président de la République à l'occasion
du voyage en septembre de M. Armand Fallières
pour l'inauguration à Marmande du monument
élevé à la mémoire de Léopold Faye, ancien mi
nistre.
LA DISSOLUTION DU SYNDICAT DES POSTIERS
Les postiers syndicalistes voulaient avoir une
consultation » du tribunal sur leurs préten-
tions à bénéficier de la loi de 1884 concernant
les syndicats professionnels. Ils sont servis
leur syndicat est dissous par arrêt de justice.
Le jugement rendu hier par la 9" chambre cor-
rectionnelle leur dit avec une clarté qui ne
laisse rien à désirer qu'aucun fonctionnaire,
quel qu'il soit, aucun agent ou employé de
TEtat, n'est fondé à se retrancher derrière le
« droit syndical » pour assurer la défense de ses
• intérêts professionnels.
Ce n'est pas pour eux que le « droit au syndi-
cat a été institué par le législateur. Et le tri-
bunal en donne des raisons péremptoires où les
lecteurs du Temps ont pu retrouver quelques-
uns des arguments que nous avons eu mille
fois l'occasion de développer.
Les fonctionnaires, employés ou agents d'une
administration publique, ne peuvent se syndi-
quer en vertu de la loi de 1884, parce qu'il n'y
a aucune assimilation possible entre eux et les
salariés de l'industrie privée. Ceux-ci ont le
droit de discuter avec les patrons, et les pa-
trons avec eux, sur un pied d'égalité parfaite.
Les uns et les autres, pour faire prévaloir leurs
vues, ont légalement la faculté de recourir à la
cessation concertée du travail, à la grève s'il
s'agit des ouvriers, au lock-out s'il s'agit des
patrons. La loi de 1884, en abrogeant expressé-
ment l'article 416 du Code pénal, les a tous dé-
barrassés d'une disposition pénale qui pouvait
gêner l'exercice de cette faculté.
Or, à aucun moment- et cela résulte de la
discussion de cette loi le Parlement n'a en-
tendu concéder pareille faculté aux fonction-
naires, agents ou employés d'une administra-
tion publique.
Qu'a en effet de commun la nature des rap-
ports existant entre eux et « l'Etat-patron »
avec la nature des rapports établis entre « un
patron ordinaire » et les salariés auxquels ce-
lui-ci fait appel?
L'Etat-patron ne cherche « aucun bénéfice
]>ersonne] ses employés touchent toujours le
même salaire, indépendamment des fluctua-
tions de main-d'œuvre ses exploitations sont
toujours, même si elles ne sont pas rémunéra-
trices, faites au profit de l'intérêt général de
tous les citoyens; il sauvegarde à la fois et dans
la mesure du possible les intérêts particuliers
de ses fonctionnaires et de la nation tout en-
tière ».
Que le droit de grève puisse être exercé par
les ouvriers d'un patron ordinaire « qui traitent
librement avec ce patron en mesure d'accorder
ou de refuser ce qui lui est demandé », cela
étudiants. C'est le tsar lui-même qui l'a décrété
et nous en serons récompensés.
Sûrement, pour chaque traître on nous
donnera des terres.
Et notre maître d'école est aussi des leurs,
se rappela quelqu'un.
Il ressemble même aux Japonais, avec sa
vilaine tête sans barbe tels qu'on nous les
montre sur les images.
Il s'est installé chez nous pour nous en-
tortiller plus facilement, la vipère!
Il pourrira tous nos enfants.
Il mange notre pain et travaille contre
nous!
Ehi mes petits frères, cria Michel. Allons
chez lui, nous lui donnerons une leçon.
La bande s'élança, hurlante et menaçante.
Les gamins, pieds nus, galopaient auprès d'eux;
une à une, les femmes, inquiètes, sortirent de
leurs chaumières.
Sur le perron de l'école, le vieux garde
Naoum, à moitié sourd, en marmonnant un
psaume, raccommodait un filet. Il n'entendit
le bruit que lorsque la bande ne fut qu'à quel-
ques mètres de l'école, et sembla terrifié.
Sors donc, fils de chienne; nous voulons
voir comment tu t'y prendras pour nous ameu-
ter contre le tsar et le Christ.
Tu veux voler notre terre!
Au lieu d'enseigner aux enfants chrétiens,
va chez tes frères les juifs.
Nous t'étriperons.
Nous t'écorcherons tout vif!
Sors donc ou nous t'y forcerons!
A les entendre, on n'aurait pas cru que ce
fussent des hommes, mais un monstre à mul-
tiples têtes, fort comme la mort impitoyable
comme la vie, inflexiblement terrible dans son
entêtement grossier.
Qu'est-ce que cela veut dire? Que vou-
lez-vous, mes petits frères? balbutiait le vieux
garde.
< Il nous faut le maître d'école. Eh! Zaka-
roff. sors,,i ou nous forçons la £grtg.
s'explique parfaitement. Mais comment l'ad-
mettre « de la par.t d'employés de l'Etat char-
gés d'aan mandat ou d'un service public ou de
fonctions présentant un intérêt public »? Leur
situation ressemble-t-elle à celle des employés
d'un particulier? En aucune façon. « Us agis-
sent sous les ordres du pouvoir exécutif, mais
ils sont cependant régis, réglementés et payés
conformément à des lois, des décrets-lois ou
des lois de finances votés par le pouvoir légis-
latif » de telle sorte « qu'il pourrait arriver que
dans le cas où le pouvoir exécutif souhaiterait
concéder' à ses employés certains avantages de-
mandés, le pouvoir. législatif ies lui refusât, et
qu'ainsi les employés se trouveraienten lutte et
peut-être en révolte contre les représentants
eux-mêmes de la nation souveraine ». Que de-
vient la liberté de discussion entre employeur
et employé?
Tout cela, c'est le bon sens même, aussi bien
que la stricte vérité juridique. Et cette vérité
juridique, il était fatal que le tribunal la pro-
clamât, sans se laisser le moins du monde trou-
bler par les sophismes des politiciens qui ont
tiré de certaines motions parlementaires et
d'imprudents commentaires ministériels des
interprétations contraires au texte et à l'esprit
de la loi de 1884.
Le tribunal d'ailleurs et il l'en faut louer
a tenu-à s'expliquer nettement sur ce -point.
Il a déclaré, n'avoir pas « à faire état, dans un
débat juridique de cette nature, quelque valeur
qu'elles puissent avoir, des opinions particu-
lières émises actuellement au sujet'de cette loi,
pas plus que des ordres du jour votés par la
Chambre; et qu'il en est de même en ce qui
concerne les tolérances dont bénéficient quel-
ques syndicats de fonctionnaires, ainsi que les
autorisations officielles ou officieuses de créer
des syndicats données" par certains ministres ».
Cela, en effet, n'a rien a voir avec la loi, dont
on ne peut apprécier la portée qu'en se pla-
çant ait moment même de son vote ».
N'est-ce pas ce que nous avons dit et ré-
pété à satiété nous-mêmes en nos polémiques
avec les jurisconsultes d'occasion, qui dans un
tout autre intérêt que celui de la pure vérité et
de la justice, prenaient à tâche de pousser les
fonctionnaires à user du « droit syndical »
comme d'un droit qu'ils tenaient, au moins im-
plicitement, de la loi de 1884 ?
Les postiers syndicalistes et les autres
fonctionnaires qui partageaient leurs illusions
sont-ils aujourd'hui éclairés ? Nous voudrions
l'espérer. Mais s'ils ont encore le moindre
doute, comme nous les avons hautement ap-
prouvés de ne pas s'être contentés de l'opinion
du parquet et d'avoir sollicité l'opinion des ju-
ges mêmes, nous leur conseillons volontiers de
poursuivre l'expérience. Qu'ils aillent en appel;
qu'ils aillent ensuite en cassation. Ils n'obtien-
dront pas une autre « consultation » que celle
du tribunal de première instance. La seule
chose qu'ils y puissent « gagner », c'est que les
motifs du jugement d'hier soient encore ren-
forcés. Bien qu'ils suffisent amplement à justi-
fier la thèse de l'illégalité des syndicats de
fonctionnaires, il en est encore d'autres qui y
pourraient être aisément ajoutés.
Comme il est fâcheux que le gouvernement
ne se soit pas décidé plus tôt à laisser la ques-
tion venir devant les tribunaux! Si au lieu de
mettre par l'amnistie fin aux poursuites contre
le syndicat illégal des instituteurs de la Seine,
on avait laissé la justice suivre son cours et dire
son mot, nous n'aurions pas eu vraisemblable-
ment le spectacle des agitations qui ont troublé
le pays. Et une grève des postiers apparaîtrait
encore comme une éventualité des plus problé-
matiques.
Le gouvernement, ce jour-là, ne s'inspira
pas certainement de la fameuse maxime
«Gouverner, c'est prévoir ». Si encore cela
servait de leçon!
M.A.IH.E ET F3.ÉFET
Un incident fâcheux s'est produit récemment
aux réceptions officielles du nouveau préfet du
Finistère. Le maire de Brest., M. Delobeau, séna-
teur, présenta son conseil municipal en ces ter-
mes « J'ai l'honneur de vous présenter un conseil
municipal républicain, composé de républicains
loyalistes, sur lesquels vous pouvez compter abso-
lument. » A ces paroles si correctes et si sages,
voici comment répondit le délégué de l'Etat « En
politique vous êtes en arrière de nous. Nous re-
présentons la démocratie, le progrès. J'espère ce-
pendant. », etc. Ainsi, un préfet accuse publique-
ment un conseil municipal républicain de ne re-
présenter ni la démocratie ni le progrès, et ac-
cueille les témoignages de sympathie du maire
d'une grande ville par une déclaration d'hostilité
non déguisée. N'est-ce pas incroyable? L'honora-
ble M. Delobeau, qui a soixante-quinze ans, et qui
combattit pour la République à l'époque où il y
avait à cela quelque mérite, sous l'Empire, sentit,
comme on dit vulgairement, la moutarde lui mon-
ter au nez et infligea au préfet, séance tenante, une
juste leçon « Je suis, je le répète, un vieux ré-
publicain, et ce n'est pas à moi qu'il faut enseigner
l'amour de la République. Je lui ai consacré ma
vie. Les fidèles collaborateurs que je vous présente
sont tous aussi de loyaux républicains. Je m'en
porte garant et je proteste en leur nom contre
l'insinuation qui vient d'être faite contre leur
loyalisme, » On ne saurait montrer plus de raison
et de dignité.
Pour comprendre l'incartade du préfet, et pour
en mesurer toute la portée, il faut savoir premiè-
rement que M. Delobeau et les membres de son
jonseil municipal, républicains incontestables, ap-
partiennent à la fraction modérée de notre parti;
ensuite et surtout, qu'ils ont remplacé à la mairie
ie Brest un conseil collectiviste révolutionnaire,
iont les frasques ont troublé et failli ruiner la
ville. Les Brestois, fatigués de la désastreuse et
,umultueuse gestion de ces émeutiers et grévicul-
Il n'est pas là, il est parti, expliquait le
vieux tremblant.
Tu mens, vieux chien! Va l'appeler, cria
Michel, en secouant brutalement le garde par
les épaules.
̃̃ Il est parti, il est parti hier.
Où cela? >
Je ne suis pas son père pour qu'il me le dise.
Il s'est caché. il a peur.
Nous le verrons bien! Les enfants, en-
fonçons la porte, brisez les carreaux, nous le
trouverons.
Des pierres sifflèrent; le vieux garde d'un
bond se trouva devant la porte. De grosses lar-
mes roulaient dans les nombreuses rides de son
visage tanné.
Vous êtes fous, mes enfants! dit-il d'une
voix subitement assurée. Vous ne craignez pas
Dieu d'abîmer une pareille maison! Un jour
de grande fête et vous brigandez! 1
Amène-nous le maître d'école ou nous
brisons tout!
Que je meure sans absolution il n'est
pas là. Il est parti chez son collègue de Kra-
sino, hier soir.
Il fit un grand signe de croix pour confirmer
son serment.
Que les loups le mangent! cria le gail-
lard roux. Il a eu du flair!
Non, nous ne le manquerons pas! Nous
allons aller à Krasino, et au lieu d'un lièvre
nous en prendrons deux! déclara Michel fu-
rieux de son échec.
Sifflant, chantant, ils suivaient en se bous-
culant la route de la forêt, et l'écho répétait
sauvagement les derniers cris de cette troupe
à moitié ivre.
Deux kilomètres plus loin, ils aperçurent une
charrette marchant au pas. Quelques mètres
en arrière suivait un grand jeune homme vêtu
d'unè redingote de drap fin et coiffé de la cas-
quette des étudiants. ̃
< Eh; cria quelqu'un, le voilà!
Les chants, se > tuieni, Qn observa, k-
teurs, se sont empressés de s'en débarrasser à la'
première occasion, et l'avènement de la nouvelle
municipalité républicaine a été accueilli dans le
grand port militaire comme une délivrance. Mais
M. le préfet du Finistère ne pardonne pas à M.
Delobeau et à ses collaborateurs d'avoir triomphé
des socialistes, et en marquant sa froideur à la
municipalité républicaine, il investit implicite-
ment de la faveur gouvernementale les Goude et
consorts, qui se trouvent ainsi promus au rang de
candidats offieiels. Evidemment, ce haut fonction-
taire s'imagine être un préfet de M. Combes
cette politique, c'est la politique combiste. Mais ce
ne peut être celle de M. Aristide Briand, qui pour
ses débuts de président de conseil a préconisé
dans son discours à; la Chambre l'union des répu-
blicains. On se plaît à croire qu'il saura faire res-
pecter ses intentions, qui ont été si nettement ap-
prouvées par la majorité parlementaire et par le
pays.
<&.
LE REMPLACEMENT DU HAUT PERSONNEL
AU MINISTÈRE DE LA MARINE
A situation nouvelle, il faut des hommes nou-
veaux, disait-on au moment où la République, dé-
finitivement établie, allait se gouverner elle-mê-
me c'est la formule qui a été appliquée hier au
ministère de la marine; tous les directeurs, ou
du moins tous ceux qui participent à la vie géné-
rale du département, ont été simultanément rem-
placés tous les grands services ont eu leurs chefs
changés les directions de la flotte armée, de la
flotte en construction, l'état-major général, les di-
rections de la comptabilité générale, des travaux
hydrauliques, du contrôle, de l'artillerie navale,
ont aujourd'hui de nouveaux titulaires. Il n'y a
qu'un précédent de mutations aussi rapides et
aussi complexes c'est celui de janvier 1886, lors-
que It'anjiral Aube, arrivant au ministère de la ma-
rine, changea le jour même de sa prise de fonc-
tions tous les directeurs de son département.
Dans un cas comme dans l'autre, la mesure
étant générale, on ne saurait voir une question de
personnes. Si certain directeur a pu être mis en
regrettable posture par la commission d'enquête
de la Chambre, presque tous les autres sont restés
indemnes de tout blâme. Aussi ne peut-on consi-
dérer la décision prise que comme une décision
de principe et non comme une sanction, ou plu-
tôt une satisfaction donnée à l'enquête de la Cham-
bre s'il n'en était ainsi, la généralité de la mesure
ne se comprendrait plus.
Il est certain que tout comme en 1886, la dé-
cision prise a pour but de donner une orientation
nouvelle à la marine; on veut un changement de
front complet; cependant, il est nécessaire do le
constater, la situation n'est pas actuellement ce
qu'elle était il y a vingt-trois ans. L'amiral Aube
arrivait avec un programme tout prêt, connu,
nettement défini; ses études publiées dans la Re-
vue des Deux Mondes, réunies en volumes, avaient
répandu ses théories, et les changements apportés
dans les directions de l'administration centrale
n'avaient pour but que de mettre à leur tête des
hommes. imbus de ces théories et aptes à les ap-
pliquer. Le programme était si précis que le con-
tre-amiral Dupetit-Thouars, pressenti pour être
chargé de la direction des torpilles qu'on allait
créer, refusa le poste. Il sentait qu'il n'était pas
en parfaite communion d'idées avec le ministre.et il
se retirait. Aujourd'hui, tous les hauts fonction-
naires nommés prendront leur poste parce que
l'absence de tout projet ne pose aucune question
pouvant produire un désaccord. On n'appelle pas
ces fonctionnaires pour l'exécution de réformes,
de réorganisations arrêtées d'avance. On les fait
venir pour étudier ces réformes et réorganisa-
tions, et c'est là que la question devient grave.
Alors que les fonctionnaires ou officiers géné-
raux que l'amiral Aube faisait venir auprès de
lui s'étaient préparés à l'éventualité d'une prise
de fonctions pour l'accomplissement d'une tâche
déterminées, ceux qui ont été nommés hier direc-
teurs de l'administration centrale n'ont aucune
étude préalable spécialisée à la marine pour
ceux qui viennent de l'extérieur, et à la fonction
qu'ils vont occuper pour ceux qui appartiennent
déjà à la marine; c'est-à-dire que d'aucun d'eux
il n'est possible d'afflrmer qu'il sera le right man
in the right place; espérons qu'ils le deviendront
tous, mais préalablement il y a un apprentissage
à faire, et cet apprentissage pourrait être long.
Il faut aussi que ces directeurs puissent travail-
ler dans un but commun et apporter une colla-
boration étroite au ministre et au sous-secré-
taire d'Etat, et pour cela qu'ils aient acquis les
connaissances suffisantes non seulement de leur
propre direction, mais encore de tout l'organisme
de la marine, pour rendre leur production fruc-
tueuse.
Et du temps s'écoulera avant que ce résultat
soit obtenu. C'est pour cela que nous n'accueillons
pas sans faire quelques réserves le changement
complet dans la haute administration du départe-
ment. La situation de la marine demande une amé-
lioration immédiate, aussi bien au point de vue
du matériel que du personnel, son état financier
est des plus précaires, et l'échéance arrive, rapide,
inéluctable, pour la mise en bon fonctionne-
ment des forces navales d'aujourd'hui et de de-
main.
Le lien entre l'administration d'hier et l'admi-
nistration nouvelle est coupé. On en aura fini avec
la routine, il faut bien l'espérer, mais en même
temps on a renoncé à tous les avantages de la tra-
dition.
« ̃.
L'INSURRECTION EN CATALOGNE
De nouveaux désordres se sont produits à Barce-
lone et on plusieurs autres endroits on Catalogne,
ainsi qu'à Madrid, où une grande manifestation
contre la guerre aurait été faite par la foule et les
soldats devant le palais royal.
Mais il semble que la situation générale se soit
améliorée et que les autorités aient réussi à étouf-
Non, l'autre est rachitique. Celui-là est
un gars solide. j*
Quelqu'un de Pikno.
Non. Il vient de la gare. C'est un cocher de
la ville. n
Peut-être! .'•
̃- Bonjour, les pays! les salua aimablement,
le jeune homme.
Bonjour, répondirent en chœur les paysans.
Où allez-vous?
A Lutikovo, annonça l'étudiant en rou-
lant une cigarette. Voulez-vous me donner du
feu? Ni mon cocher ni moi n'avons d'allu-
mettes. "•"
Vous venez de loin?
L'étudiant éclata de rire. r v'ï?'
Jamais vous ne pourrez voir la ville "dTîci 1
répondit-il en allumant sa cigarette.
Michel, qui ne le quittait pas des yeux, se
pèîisha vers son voisin, murmurant
< Un étudiant.
Tu es sûr? <
Il a la casquette réglementaire.
Et s'adressant sans façon au jeune homme.
Vous venez de Moscou sans doute, mon-
sieur l'étudiant?
Un peu plus loin. De la Sibérie.
Ayant entendu les mots étudiant et Sibé-
rie, les paysans se redressèrent en jetant un
coup d'œil méfiant au voyageur.
^-Marche au pas, mon ami, dit le jeune
homme au cocher. Je te rattraperai.
Quoi de nouveau? interrogea Michel pour
retenir l'étudiant.
Rien de bon, mon ami; tout va mal en ce
moment. Ici est-on tranquille, au moins?
Michel eut un regard significatif pour la
bande.
Chez nous, tout est calme, mais dans les
villes? On monte des émeutes.
Toujours les juifs, appuya quelqu'un.
Ils ne nous laissent pas vivre, les démons,
ils soulèvent tout le peuple! J'
^•s? Si on nous laissait faire, tout rentreKÛL
fer l'insurrection de Barcelone grâce aux renforts
de troupes envoyés au capitaine-général.
Un télégramme officiel de Madrid, 30 juillet, dit
que les nouvelles de Barcelone sont satisfaisantes.
La cavalerie aurait acculé dans les faubourgs de
Clôt et de San-Martin le principal groupe des sédi-
tieux contre lesquels l'artillerie aurait ouvert le feu,
lui causant de grandes pertes.
Les survivants se seraient rendus et auraient li-
vré leurs armes.
Il resterait encore à réduire quelques petits grou-
pes dans les villages voisins de Barcelone.
Notre correspondant à Perpignan nous télégraphie
le 29 juillet ¡
Le train de midi vingt est parti comme à l'ordi-
naire de Port-Bou, et un train venant de Gérone
est arrivé à Cerbère ce soir à six heures avec de
nombreux voyageurs. Il est donc à peu près cer-
tain que demain les communications avec Barcelone
seront rétablies.
On annonce que deux ponts auraient été dynami-
tés sur la route de Ripoll à Barcelone. Les corres-
pondances des Pyrénées-Orientales pour Barcelone
sont acheminées via Irun,
Récits de témoins
{Dépêche, de notre correspondant particulier),
Marseille, 30 juillet.
Le paquebot allemand Sculari est arrivé hier soir
venant de Barcelone, où il se trouvait au moment
des émeutes de ces jours derniers. Le Scutari a
quitté Barcelone dans l'après-midi de mercredi.
Voici le récit d'un officier du bord. Jusqu'à lundi
dernier tout était demeuré calme dans la ville, mal-
gré qu'une vive effervescence, provoquée par les
nouvelles du Maroc, régnât parmi les ouvriers.
Soudain, lundi après-midi, la grève éclata. La ville
perdit aussitôt toute son animation coutumière
plus de charrois, plus de tramways; partout un
calme inquiétant qui devait bientôt être suivi de
graves desordres.
Ces désordres commencèrent mardi matin, et
prirent bientôt une importance considérable. Les
rues furent dépavées, les rails arl-achés, des barri-
cades furent élevées on de nombreux points de la
ville.
La troupe intervint, des collisions se produisirent
entre les soldats et les émeutiers et des coups de fu-
sil et de revolver furent échangés. Le canon lui-
môme fit entendre sa voix et des boulets furent lan-
cés contre: les barricades, qui furent enlevées d'as-
saut.
Naturellement, tout cela n'avait pas été sans qu'il
y eût de nombreuses victimes et des dégâts consi-
dérables. Plusieurs immeubles avaient été détruits,
l'église San-Pablo, par exemple. Le calme un peu
revenu dans la cité, de sévères mesures furent pri-
ses par les autorités. A partir de dix heures du soir,
il fut interdit à la population de demeurer sur la
voie publique. Les groupes de plus de deux person-
nos furent défendus.
D'autre part, toute la troupe cavalerie, infante-
rie et artillerie, fut mise sur pied. Les soldats dissé-
minés dans toute la ville avaient reçu des ordres
formols de tirer sur tout contrevenant aux pres-
criptions édictées par le gouverneur de la ville à
dator de mardi et jusqu'à nouvel ordre, la. troupe e
devait manger et coucher sur place, prête à toute e
éventualité. 11 p p
Certaines artères principales comme la Rambla,
la Santa-Monica et le Parallelo notamment, étaient
complètement barrées par les soldats. Sur les quais,
autour de la statue de Christophe Colomb, sur la
place de Catalogne, etc., on ne voyait que des hom-
mes de troupes dans diverses rues des canons et
des mitrailleuses étaient installés.
Toutes ces mesures de répression n'empêchèrent
pas les troubles de se renouveler eh différents
points.
Pourtant dans Barcelone mémo l'émeute parais-
sait momentanément enrayée, Il n'en était malheu-
reusement pas de même dans les quartiers consti-
tuant la banlieue barcelonaise, à San-André, San-
Antonio, Barcelonetta, Badeluna, où malgré les
balles et les obus les révoltés tenaient bon derrière
leurs barricades, tirant sans relâche sur la troupe.
Partout des incendies éclataiont, des églises, des
couvents et des usines étaient livrés aux flammes.
D'un seul de ces faubourgs les ambulances de la
Croix-Rouge ramonèrent mardi soir une trentaine
de morts et une centaine de blessés.
Durant la nuit de mardi à mercredi des coups de
feu retentiront de loin en loin. Cependant il y eut
répit do part et d'autre. Avec le jour, mercredi ma-
tin, la fusillade reprit. Les mesures d'ordre devin-
rent plus sévères encore; la population de la ville
ne fut plus autorisée à sortir de chez elle que de six
heures à neuf heures du matin. Il fut interdit aux
passants de marcher deux ensemble et d'être por-
teurs d'un paquet quelconque sans autorisation.
A une heure do 1 après-midi lo Sculari levait l'an-
cre.
ESPAGNE ET MAROC
Nous avons donné hier, en Dernière Heure, une
information de l'agence Havas suivant laquelle les
Espagnols auraient perdu à Melilla 1,000 hommes
tues et 1,500 à 2,000 blessés. Ce télégramme était
de Melilla, 27, onze heures du soir, et avait été
transmis vid Malaga. Un autre télégramme, de
source privée et daté du 28, onze heures du soir,
parle de 200 morts et de 800 blessés. S'agit-il d'une
rectification des premiers chiffres ou d'un nouveau
combat? De toute façon, les chiffres du télégrammo
du 27 nous paraissent à. ce point énormes qu'il nous
est difficile d'y ajouter foi.
Voici du reste, au sujet du combat du 27, un nou-
veau télégramme communiqué par l'agence Havas
ot daté do Melilla, 28 juillet
Le combat d'hier a été acharné. Cinq bataillons y
ont pris part sous le commandement du général
Pintos.
Gulul-ul 3'OlcUli aaàlo mamcntaoÉtumik sur uuu plerrt?,
quand il tomba, frappé à la tête par une balle. Les
lieutenants-colonels des bataillons de chassours des
Arapiles et de Las Novas continuèrent à aller de
l'avant, à la tôte de leurs troupes auxquelles ils don •
nèrent l'exemple de la bravoure. Ils furent frappés
aussi, de même que plusieurs autres officiers des mê-
mes bataillons.
Le combat a pris fin un peu après huit heures du
soir.
Aujourd'hui on a procédé aux obsèques solennelles
des victimes du combat d'hier. Le général gouverneur
de Melilla était en tête du cortège lunèbre.
Les Maures ourent de grandes pertes. Ils enterrèrent
les morts dans les trous qui avaient servi aux recher-
ches minières.
Un détachement a fait aujourd'hui une reconnais-
sance et est rentré sans incident.
dans l'ordre. Nous pendrions jusqu'au dernier
juifaillon.
Comment! ces préjugés ont cours jusque
chez vous? sourit amèrement le jeune homme.
Quelle bêtise!
̃ Ce ne sont pas des bêtises, monsieur l'étu-
diant, mais la vérité pure, se cabra Michel. Les
personnes qui ont des attaches avec les émeu-
tiers, naturellement, les défendent ce sont
fruits du même espalier!
L'inconnu n'attacha aucune importance au
ton ni aux paroles. Jetant loin de soi la ciga-
rette, il parla chaleureusement.
Je viens, mes amis, d'une grande ville, et
j'ai vu, je sais, que les juifs sont innocents de
ce dont les accusent dé mauvaises gens. Les juifs
sont un peuple tranquille, travailleur, ils ne
touchent à personne, si personne ne s'attaque à
eux.
Ce sont des fils de chienne, des traîtres
qui se sont vendus pour cent millions aux Ja-
ponais et veulent voler le pouvoir du tsar
pour nous gouverner avec les avocats les pro-
fesseurs, les étudiants, cria menaçant le gail-
lard roux.
–Tout cela, ce ne sont que des âneries; cra-
che à la figure de celui qui te l'a dit. Ni les
juifs, ni les professeurs, personne n'a non seu-
lement touché, mais vu l'argent des Japonais.
Du reste, jamais les Japonais n'ont offert de
l'argent pour quoi que ce soit. Pour continuer
la guerre ils ont eux-mêmes emprunté. Jamais
ces gens ne se révoltent, jamais ils n'ont trahi
personne. Ils défendent la justice, le droit; ils
veulent que tout le monde puisse vivre sans
souci de la misère; que tout le monde soit bien
vêtu, bien nourri, que chacun puisse appren-
dre ce qui lui plaît, non seulement les riches;
mais les pauvres aussi. Ils se battent, en som-
me, pour vous, pour votre existence, votre bon-
heur et ce sont ceux qui veulent tout garder
pour eux, s'enrichir de votre travail, qui exprès
font courir ces bruits absolument faux.
Au fur et à mesure Que l'étudiant parlait^
Le vapeur Mouilla est arrivé, apportant cent tonnée
de matériel d'artillerie et des lits.
On ignore le chiffre exact des morts et des blessés.
A la-mArnjewdaie, les, autorités de Melilla commu-
niquent l'information que voici
A la suite des pertes nombreuses qu'ils ont subier
dans le combat du 27 juillet, les Maures ont abandonné
les positions qu'ils occupaient sur le flanc droit de.
troupes espagnoles et ils se sont retirés de l'autre côté
du mont Gourougou.
Le ravitaillement du poste de la deuxième station dï
chemin de fer minier s'est fait sans incident.
Les Rifains ont reçu d'importants renforts.
On mande d'autre part de Melilla, le 29 juillet
Rien de nouveau depuis hier soir et aujourd'hui. L
règne dans le camp ennemi. Un capitaine aide de camp
du général Marina est mort.
Le vapeur Puerto-Rico, transportant des troupes,,
vient de jeter l'ancre.
Ce qui est certain, c'est que la situation est grava
et qu'il ne s'agit plus, pour le moment, d'une action
répressive des Espagnols, mais de la défense da
Melilla. Toutes les positions espagnoles ont été suc-
cessivement attaquées. L'attaque du 18 était dirigea
contre le camp retranché de Sidi-Ahmed-el-Hadj z
celle du 20, contre le poste de Sidi-Mouça et les sta-
tions fortifiées du chemin de fer. Depuis le 23, on
s'est battu jusqu'aux abords de la ville.
Voici les notes que nous adresse un témoin ocu-
laire de cette journée meurtrière.
Melilla, £3 juillet.
A la pointe du jour la fusillade commence les Ri-
fains attaquent le territoire de Melilla, notamment du
côté sud.
5 heures. Les troupes sortent de Melilla au nom.»
bre de 2,000 à 3,000 hommes.
7 heures. 1,5CO hommes venant de Malaga débar~
quent.
8 heures. Les troupes espagnoles, manquant d*
munitions, sont refoulées et battent on retraite. Ls.
brigade disciplinaire fait un héroïque et inutile effort:
elle s'élance à la baïonnette contre les Marocains re-
tranchés derrière les rochers, mais elle est absolument
décimée. Presque tous ses officiers sont blessés ou
tués.
9 heures. £,000 hommes d'infanterie et d'artillerifc
se portant au secours de la colonne engagée: Les ba-
taillons marchent en ordre serré et les Rifains. tirent &
coup sûr. Nous voyons tomber des quantités de sol*
dats..L'artillerie prend position et fait feu; mais lea
indigènes, quoique nombreux, sont très éparpillés et
le résultat du tir est incertain. Tous les campements
sont attaqués. La canonnade est effrayante.
10 heures. Les Marocains cèdent; les Espagnols
montent à l'assaut des contreforts du Gourougou, mai»
sont reçus par une vive fusillade partant des douare
« amis de l'Espagne », que défendent des haies de fi-
guiers de Barbarie. Les Espagnols perdent beaucoup
de monde et rétrogradent pour laisser tirer l'artil*
lerie.
11 heures. Les Espagnols avancent de nouveau;
mais les Marocains, malgré la canonnade, n'ont pasf
abandonné leurs positions. Beaucoup de corps-à-corp4
meurtriers ont lieu.
Midi. Les Espagnols conquièrent pied à pied let
positions des Marocains, qui se font tuer sur place plu?
tôt que de céder.
2 heures. La fusillade continue autour des postet
avancés.
Une dépêche officielle d'Alhucomas, 28 juillet
annonce que la place a ouvert le feu contre uni
harka forte de 6,000 hommes et que celle-ci a ri'
posté.
Le garde-côte Numancia est parti de Melilla pour
Aihucemas.
On mande d'Oran que le vapeur Aude, de la
Compagnie transatlantique, vient d'être réquisi-
tionné par le gouvernement français pour transpor-
ter des vivres à Melilla.
Ontélégraphie de Gibraltar, le 29 juillet, que
six bataillons de chasseurs, provenant d'Algésiras
et des localités environnantes, se sont embarqués à
bord de quatre transatlantiques, qui ont dû partir
hier après-midi pour Melilla. Les soldats semblaient
avoir un moral excellent.
LE TSAR NICOLAS II DANS LES EAUX DE KIE[
(Dépêche de notre envoyé spécial)
Kiel, 30 juillet
Le Slandart et les navires qui l'escortaient sont
arrivés hier, vers six heures du soir, à Brunsbuttel^
débouché du canal de Kielà*»ir l'Elbe. La princesse
Irène et son fils, la princesse Louise de Battenberg
et la princesse de Hesse ont pris congé de la famill6
impériale russe et sont repartis en automobile pont
le château de Hemmelmark. Les honneurs militaire*
ont été rendus comme à l'entrée du canal.
Peu après sept heures, toute l'escadrille russe
faisait route vers la mer du Nord, convoyée par lé-
cuirassé allemand Undine et trois torpilleurs qui
l'ont escortée dans les eaux allemandes. Le Runkr
qui a passé par le cap Skagen, rejoindra en mer 1»
Êakharof, les deux yachts impériaux et les deux tor-
pilleurs qui sont attendus demain à Cherbourg.
La presse allemande se borne à reproduire Io£
bulletins de l'agence Wolff sur la visite do Kiel,
mais malgré le silence gardé sur la réunion socia-
liste de Kiel, la Deutsche Tagesieitung envoie ses
félicitations aureceveur du télégraphe de Flensbourg,
qui avait refusé le télégramme que les socialistes d4
Flensbourg voulaient adresser à leurs camarades
de Kiel pour les féliciter de leur protestation con.
tre la visite du tsar, et qui se terminait par le?
mots « A bas le tyran 1 » Langage anodin, il est
vrai, comparé aux grossières fureurs de la réso-
lution votée à Kiel. Le Vorwserls lui-même, d'ail-
leurs, paraît suivre les conseils des journaux bour-
gooi» qui ont émis la crainte que loa injures des so-
cialistes de Kiel ne gênassent la politique de l'Al-
lemagne envers la Russie il publie en effet aujour-
d'hui seulement un court compte rendu do la réu-
nion de M. Liebknecht et il expurge la résolution
acclamée par les 10,000 camarades de Kiel des insul-
tes qu'elle contenait. Les socialistes du Slesvig-,
qui continuent à se montrer très excités, annoncent
par contre qu'ils interpelleront à la rentrée àvt
Reichstag au sujet de cette visite.
Pendant le séjour des souverains et do M. Isvolski
dans la baie de Kiel, l'ambassade de Russie à Berlin.
était représentée par l'attaché naval, le lieutenant dé
vaisseau de Bock, qui est, comme on sait, le gen-
dre de M. Stolypine. M. Isvolski n'a pas quitté le
bord de l'Etoile-Polaire et n'a ou pour ainsi dire au-
cune communication avec la terre. Tous ses cour-
riers étant dirigés sur Cherbourg, le ministre deà
les visages devenaient plus sévères. Une seule
idée dominait les paysans c'est un traître; et
ils formèrent un cercle compact autour de
l'inconnu, sans le quitter des yeux. Leurs re-
gards étonnèrent l'étudiant; il interrompit son
discours, pâlit, se redressa vivement. Un ins-
tant il resta sans prononcer un mot, comma
hypnotisé par ce qu'il lisait de haine, de co*
1ère, de férocité, sur les visages qui l'entou-
raient. Une peur étrange le saisit, glaçant ses
membres. 11 voulut fuir. Ses jambes se refu-<
sèrent; il voulut crier, sa gorge était paralysée,
Il n'osait bouger, se rendant compte qu'il se
trouvait parmi des fauves affamés, prête à se
précipiter sur lui pour le déchiqueter. Gepen-»
dant, devant ce mutisme angoissant, un peu
d'énergie lui revint.
Eh bien, qu'avez-vous, mes amis? deman-
da-t-il d'une voix presque ferme.
Nous savons qui nous sommes, mais nous'
voulons savoir qui tu es.
Tu es venu tenter le peuple, l'entraîner
vers les émeutiers.
Tu défends les juifs, tu as touché de l'ar-«
gent japonais. tu as vendu ton âme au diable.Vous voulez nous prendre nos terres, nousc
mettre en esclavage.
Mais pas le moins du monde, mes ami%
le Christ soit avec vous!
Il ne put achever la phrase. Un bruit mat
retentit; l'inconnu, avec un cri terrible, roul
à terre, ensanglanté. Sa chute et la vue du sang,
affolèrent la bande.. |
Traître, Japonais, canaille, voilà pour t'ag-t
prendre ce que nous valons!
Les coups de poing, de botte, de bâfonF
pleuvaient dru sur le corps et le visage. '<
Le cocher s'étant retourné aux cris et ayant
vu qu'on battait l'étudiant, fouetta son cheyjdji
et disparut au premier tournant.
E. Gloukovtssoj^,
{Traduit du rtitse ]^,XyœBRÉa&u,
(M Ê*}A_dem&s*i
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