Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-08-30
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 30 août 1907 30 août 1907
Description : 1907/08/30 (Numéro 16868). 1907/08/30 (Numéro 16868).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
VENDREDI 30 AOUT 190T
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jen France ou à l'étranger.
Paris, 29 août
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
MAROC
Nous écrivions, il y a quelques jours, que
'était à Casablanca, et à Casablanca seulement,
que l'on savait combien il fallait d'hommes et
combien de canons pour effectuer sur le terri-
toire des Chaouïas l'opération de police rendue
nécessaire par la xénophobie marocaine. Le
gouvernement a eu la même opinion. Il a de-
mandé au général Drude de déterminer l'im-
portance des renforts qu'il jugeait nécessaires,
*t l'agence Havas vient de publier la note sui-
vante
En raison des événements relatifs à l'élévation de
Moulai Hafid au sultanat de Marakech, et pour pa-
ïer à toute éventualité, le général Drude a demandé
J'envoi des deux bataillons de renfort préparés à
Cran. Ordre immédiat a été donné d'embarquer dès
demain ces troupes pour Casablanca, sans qu'il soit
rien changé aux instructions antérieures.
Les événements ont amené le gouvernement
aux mesures qu'il aurait pu prendre plus tôt de
son propre chef. Tous ceux qui sont au courant
de la question marocaine, qui connaissent les
mœurs et le caractère des indigènes avaient
jugé, dès les premiers jours d'août, qu'une ré-
pression énergique^rapide, décisive, pouvait et
devait être dirigée contre les Chaouias. Il fallait
pour ce!a ne pas lésiner sur le nombre d'hom-
mes* ne pas donner au commandant des trou-
Ees débarquées des instructions trop étroites.
imitée aux tribus qui environnent immé-
diatement Casablanca, cette action militaire
conservait le caractère qu'elle doit avoir d'opé-
ration de police locale et elle aurait pu être
conduite plus rapidement peut-être. Pourvu
d'artillerie de campagne et de cavalerie spé-
ciale en quantité suffisante, le général Drude
aurait pu vraisemblablement après les pre-
mières attaques, non seulement refouler les
agresseurs, mais les poursuivre et les contrain-
dre à déposer les armes. On a préféré procéder
par petits paquets, maison est cependant arrivé
débarquer à Casablanca 8,000.hommes et des
canons. Comme l'on n'a pas saisi l'occasion
qu'offraien t récemment les défaites des cavaliers
kabyles pour les poursuivre et les réduire, on
'se propose à présent d'aller les trouver en leur
lieu de réunion, à Teddert.Teddert, qui marque
probablement le lieu d'un ancien village ber-
bère, est situé à une douzaine de kilomètres au
sud de Casablanca, sur la route de Settat. C'est
là, entre deux rangées de collines variant entre
75 etlO5 mètres de hauteur, auprès d'un marais,
que s'est groupé le camp kabyle. Il est permis
d'espérer que l'opération dirigée contreTeddert
n'aura pas seulement pour effet de repousser
les cavaliers ennemis un peu plus loin, mais
qu'elle constituera un succès décisif.
Il semble que ce soient les progrès faits dans
3e Sud par la proclamation de Moulaï Hafid qui
aient montré au gouvernement toute la gravité
de la situation. Ainsi que nous l'avons dit déjà,
il ne paraît pas, diaprés les renseignements
dont on dispose, que le sultan nouveau soit un
snnemi systématique des Européens. Cependant
nous ne sommes pas encore exactement rensei-
gnés sur ses intentions. Marche-t-il sur Casa-
blanca pour tempérer l'ardeur des hordes pillar-
,des desChaouïas ou pour l'exciter? S'il vient en
1 ennemi, nous devons être assez forts pour le
repousser. Si c'est en conciliateur, notre si-
tuation deviendra certainement délicate. Par
l'acte d'Algésiras, nous nous sommes engagés
à respecter et à maintenir l'autorité du sultan
légal, qui est pour le moment Abd el Aziz. Qu'ad-
viendra-t-il si c'est à son rival que nous devons
la pacification des environs de Casablanca? No-
tre diplomatie doit évidemment faire preuve de
beaucoup de tact et d'adresse en cette circons-
.iance. Sa tâche sera de beaucoup facilitée si elle
n'oublie pas que c'est au Maroc qu'elle opère,
que cet Etat a des mœurs politiques spéciales
et qu'il se plie assez mal aux formes convenues,
rationnelles, dignes de la diplomatie euro-
péenne. L'élévation de Moulai Hafid complique
l'aspect purement marocain du problème, mais
il ne paraît pas impossible d'en tirer parti en
faveur de l'influence européenne au Maroc et
du développement de la prospérité du pays.
L'aspect européen de la question marocaine
s'est singulièrement simplifié depuis que l'Alle-
magne a bien voulu comprendre que la France
ne menaçait ni l'intégrité du Maroc, ni la li-
berté commerciale des tierces puissances. La
visite de M. Jules Cambon à Norderney
semble avoir éclairci la situation. Si nous
en croyons la note officieuse publiée par
la Correspondance impériale de l'Allemagne
du Sud, le gouvernement de Berlin saisit
à présent que les intérêts de toutes les nations
européennes sont solidaires dans des.pays tels
•que le Maroc et que l'on n'agit pas conformé-
ment aux intérêts dé la civilisation en contre-
carrant la politique de pénétration d'une nation
spécialement intéressée au maintien de l'ordre
dans l'empire chérifien. Le retour qui s'est pro-
duit dans l'opinion allemande est même assez
surprenant par sa rapidité. Que l'on se rappelle
FEUILLETON DU <£Éîttp5
.à. DU 30 AOUT 1907 (»)
CHRISTE^ RUSSI
IX
Minuit. Sous le ciel sombre, aans les ténè-
bres et le silence, Fruttnellen semble mort. Tel
îin pays ravagé par la peste. Seule une femme
arpente la route d'un pas ferme et lent, re-
dressant sa haute taille, bien qu'elle porte un
rude fardeau.
V C'est Katherine Russi; sur ses épaules elle
rapporte à la maison son fils à demi mort; elle
l'a suivi de loin jusqu'à-la ferme de Hochfluch;
un tumulte, de voix furieuses, un bruit de rixe
ifléchirant soudain le calme du soir l'a aver^
Jie que le malheur .redouté était arrivé.
La porte de la ferme s'ouvre violemment, elle
distingue la haute taille de Christen se détà-
jehant sur le fond lumineux; autour de lui se
pressent tous les hommes de la ferme, le frap-
pant, le poussant, le fouaillant avec rage; il
leur tient tête à tous, distribuant les coups s
avec une véritable fureur. Les cris, les ju-
-yons outragent la paix auguste de la nuit; puis
le jeune homme s'écroule soudain comme un
hêne, tombe, roule au bas des marches en une
masse inerte. la porte rebat violemment.
Cette fois, tu auras, je crois, désappris
le chemin de la ferme! ricane au dedans une
«roix brutale.
Sans un mot ou un cri, Katherine va à son
fflls. Etendu tout de son long, immobile, il sem-
blait mort; le sang lui coulait du nez et de la
̃Jjouche.Elle ouvrit la veste, la chemise; il ne fit
ï>as un mouvement. En ce moment la porte se
couvrit et le prési parut sur le seuil éclairé par
la lumière de la salle..
Katherine se redressa; d'un geste éloquent et
tragique de son bras, elle désigna l'homme.
Vil gredin! articula-t-elle d'une voix lente
?>t distincte. Vil gredin! répéta-t-elle d'une
yoix lente et distincte. Vil gredin répéta-
i-elle. Je n'ai pas, comme vous autres; coutume
les articles haineux de 1905 et de 1906 et que
L'on lise ce qu'écrit aujourd'hui la pangerma-
niste Detitsche Tageszeitung: « Grâce à c£ senti-
ment 'de confraternité européenne, on pourra
laisser faire la France si, par suite de la situa-
tion- dans laquelle elle se trouve, elle donne à
son mandat de police une interprétation élargie;
et s'il était nécessaire d'élargir encore cette
interprétation, l'Allemagne n'y mettra aucun
obstacle et sera prête à négocier, pourvu que ses
droits et ses intérêts ne soient pas lésés. »
Ce langage mérite d'être signalé. Il est assez
bienveillant pour nous, mais indique néanmoins
qu'une négociation doit intervenir dans la-
quelle certains problèmes intéressant l'Alle-
magne doivent recevoir une solution satisfai-
sante pour nos voisins. 11 montre, en outre, que
les journaux pangermanistes ne seront peut-
être pas fâchés de nous voir étendre notre ac-
tion militaire au Maroc. Prenons note de la
bienveillance, préparons-nous à la négociation,
et limitons d'une façon très nette l'opération de
police que nous avons entreprise.
̃ «C»
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Téhéran, 29 août.
Le gouvernement persan a demandé à la légation
de France un conseiller financier. C'est un fait im-
portant dans la situation présente.
Budapest, 29 août.
La fin du conflit entre le parti catholique popu-
laire et le parti de l'indépendance, qui devait entraî-
ner la sortie des catholiques de la coalition parle-
mentaire sur laquelle s'appuie le ministère Wekerlé,
est officiellement annoncée par des déclarations du
comte Aladar Zichy et de M. Etienne Rakovsky. Le
statu quo est rétabli dans la coalition.
Dans un village de Transylvanie, une collision
sanglante s'est produite entre des honveds (réser-
vistes hongrois) et des paysans roumataSi Il y a eu/
trois morts et de nombreux-blessés; .'̃ .•.̃
Constantinopje (»té Sofia), 29 août.
.'• Le choléra augmente à Bakou et à Batoum. Le
conseil international sanitaire d'ici a; prescrit hier
des mesures sévères contre les provenances du lit-
toral russe.
L'ambassade d'Angleterre commence à faire en-
tendre à la Porte un langage énergique concernant
les agissements des Turcs contre la Perse. Sur l'or-
dre du sultan, le commandant des troupes à la fron-
tière devra user de tous les moyens conciliants afin
de faciliter la tâche de la commission d'enquête et
de délimitation.
Saint-Pétersbourg, 29 août.
La. question de la navigation du Soungari recevra
prochainement une solution conforme à la règle
d'égalité de traitement établie à Portsmouth. Mais
la Russie n'a pas voulu que cette solution fût impo-
sée par le gouvernement japonais et celui-ci a con-
senti à ce qu'elle émanât de l'initiative russe.
Le gouvernement du tsar va donc se concerter
avec le gouvernement chinois en vue d'établir sur
la navigation du Soungari un règlement permettant
à tous les étrangers d'utiliser cette rivière pour des
opérations commerciales.
lSer*>ice Bavas)
Saint-Pétersbourg, 29 août.
Par ordre impérial sont rayés des registres de la
flotte cinq cuirassés et cinq canonnières comme hors
de service.
Saint-Pétersbourg, 29 août. •
Une bande d'ouvriers révolutionnaires a attaqué le
poste de police et une usine à Jjevsk, province de
yiatka. Un agent a été tué quatre autres, ainsi que
deux passants, ont.été blessés mortellement. La police
a fait feu et a -tué deux révolutionnaires.
Au cours des perquisitions on a découvert 12 bom-
bes et un dépôt de fusils dans le jardin d'une proprié-
té appartenant au prince Cheremetief et située près
de Moscou.
La police poursuit seft recherches.
Béziers, 29 août.
M. Marcelin Albert, en tournée à Montagnac où il a
donné une réunion, a été acclamé par les populations
de Nizas, Fontes, I.ézignan et la Cèbe. Il a déclaré
devant 2.000 viticulteurs qu'il n'abandonnait pas la
lutte et qu'il allait faire une campagne pour fédérer
les départements qui ne le sont pas encore,
Le 13e chasseurs, quittant Béziers pour Valence, a
traversé la gare d'Agde. Des ovations lui ont été faites
par une foule nombreuse, qui se pressait au passage
a niveau pour saluer les troupiers.
Alais, 29 août.
Hier, un détachement de gendarmes de la brigade
d'Alais est parti pour Narbonne; plusieurs hommes
des brigades de l'Ardèclie sont passés à la gare d'Alais,
se rendant à la même destination.
Privas, 29 août.
Un détachement de 25 gendarmes, appartenant aux
brigades de l'Ardèche, vient de partir pour Narbonne,
sous le commandement du capitaine Balizet, de Tour-
non.
Ce détachement doit remplacer une partie des trou-
pes naguère envoyéeB à Narbonne et qui vont réinté-
grer leur garnison.
Grenoble, 29 août.
Au-Villaret, près de la Mure, un certain nombre
d'ouvriers italiens, armés de couteaux, ont attaqué un
contremaître avec qui ils avaient eu une discussion.
Ce contremaître, M. Bianchetti, les a menacés de son
revolver et, comme les Italiens tentaient néanmoins
de le frapper, il a tiré sur eux et un de ses adversaires
a été mortellement blessé.
Alais, 28 août.
Hier, à Anduze, à la suite d'une discussion entre une
ouvrière flleuse et un contremaître, 154 ouvrières
d'une filature, prenant fait et cause pour leur cama-
rade, ont abandonné le travail.
-é»-– r^
L'INQUISITION FISCALE
LE RÉGIME FISCAL DE LA TERRE
On a vu quel vif désir M. Méline exprime de
modifier le régime fiscal actuel de la terre, et
d'employer à la légère les termes de la haine et
de l'exécration mais je te le redis en face,
prési de Fruttnellen tu es un misérable 1 un
vil gredin 1
Le prési se rapprocha d'une enjambée, jeta
un regard sur le corps immobile.
S'il n'est pas mort ce coup-ci, qu'il n'y
revienne pas! murmura-t-il d'une voix étouf-
fée par la rage. Entends-moi bien, femme! La
prochaine fois, il n'en réchappera pas! A toi
de le garder 1
Il se détourna et rentra, la face sombre.
Alors Katherine traîna jusqu'au ruisseau voi-
sin le corps pesant de son fils; trempant son
fichu dans l'eau courante, elle en enveloppa le
front ensanglanté au contact froid, Christen
gémit; voyant qu'il vivait, elle s'assit à côté
de lui dans l'obscurité, attendant que le village e
fût endormi.
Quand tout fut calme et silencieux, elle char-
gea sur son dos le grand corps inanimé et
commença résolument de gravir son calvaire.
Le chemin, heureusement, lui était connu,
car pas une étoile ne brillait au ciel, pas une lu-
mière ne sortait des rares demeures, le long
de la route où la femme passait d'un pas lent,
avec son fardeau. Le vent de la nuit souf-
flait, doux et moite, emplissant les rues du vil-
lage de son haleine mystérieuse, sanglots fur-
tifs qui semblaient pleurer d'avance les mal-
heurs prochains. Droite, sans haleter, Kathe-
rine avançait, aussi calme que si elle eût porté
une charge de bois; des blessures de son fils
s'échappait un filet de sang, lui coulant dans
la nuque.
Comme elle passait devant l'auberge 'du
Bœuf, un rayon de lumière filtrant par la fente
des volets éclaira sa face pâle et sévère; les
traits en étaient calmes, les mâchoires serrées
comme celles d'un bouledogue qui mourra sur
place sans lâcher prise.
Elle atteignit sa chaumière sans avoir ren-
contré âme qui vive. Mais Colomban qui veil-
lait plein d'inquiétude accourut à sa fenêtre dès
qu'il entendit résonner son pas ferme et lourd.
Le malheur est arrivé ? interrogea-t-il,
tremblant.
Oui, répliqua-t-elle.
Ensemble ils transportèrent Christen sur son
lit. Il gémit guand on le toucha: « RosiL, » bal-
l'on a pu se rendre compte de l'accueil favorable
qu'il eût aisément fait aux changements propo-
sés dans le projet d'impôt sur le revenu s'ils
eussent offert-des avantages sérieux à l'agri-
culture. «Je ne puis qu'applaudir aux excel-
lentes intentions du gouvernement et de la
commission de-la Chambre a, déclare M. Mé-
line. L'adhésion de l'ancien ministre de l'agri-
culture n'était pas possible, quant à l'ensemble
du projet; en revanche, elle était acquise d'a-
vance à toute réforme fiscale améliorant effec-
tivement la situation présente. A quelles con-
clusions M. Méline a-t-il donc été conduit?
L'orateur du Thillot distingue trois parties
dans les propositions relatives à la terré une
première tend à opérer la péréquation de l'im-
pôt foncier sur la propriété non bâtie; une
deuxième établit un impôt nouveau sur les bé-
néfices agricoles la dernière annonce et orga-
nise des dégrèvements. Que valent ces propo-
sitions ?
En ce qui touche la péréquation de l'impôt sur
la propriété non bâtie, M. Méline défend la
réforme en ces termes « Elle consiste, dit-il, à
rétablir l'égalité et une proportionnalité exacte
entre tous les contribuables en remaniant l'as-
siette de l'impôt. » La commission de législa-
tion fiscale s'est bien gardée de s'approprier sur
ce point les textes dont elle avait été saisie.
« Elle a estimé, lit-on dans le rapport de M. René
Renoult, que le nouvel impôt sur le revenu de
la propriété foncière non bâtie devait être assis
sur une base aussi exacte que possible et que
l'établissement de cet impôt devait fournir une
occasion favorable et depuis longtemps atten-
due pour mettre à point la situation et l'évalua-
tion, quant au revenu, DES parcelles. Ce ne
sont point encore, assurément, les améliora-
tions si profondes et si souhaitables dont la
ccmmission extraparlementaire du cadastre a
tracé avec tant de netteté le programme. Du
moins, un effort vers plus de justice fiscale est
tenté. ̃̃ ̃̃
M. Méline refuse -de s/y associer. On en -sait
Aajsùs^n. Il s$t. trop évident, ^en effet, a dit
l'oratefir, que les terras qui payent le moins
d'impôt se--vendëfct jé|us cherr à rendement
égal, que celles qui^Snt surchargées. Si donc
on âtigmetîtaitàùjourd'hui l'impôt pour les pre-
mières, c'est absolument comme si on condam-
nait les propriétaires à payer une seconde fois
la différence avec les autres, qu'ils ont déjà
acquittée en capital. » Le sophisme est si criant
qu'on se reprocherait d'insister. Le bénéfice
plus ou moins prolongé que des propriétaires
ont retiré d'une exonération d'impôt ne saurait
dégénérer en un droit quelconque d'exemption
définitive. On ne leur demande pas de payer
une seconde fois on les invite à payer désor-
mais l'impôt dû à l'Etat; rien de plus, rien de
moins.
Aussi parattra-t-il, en principe, malaisé d'ac-
cepter l'idée que M. Méline formule en ces ter-
mes « Il n'y a qu'une manière d'opérer la pé-
réquation de l'impôt foncier, si on veut vrai-
ment que l'opération réussisse et soit acceptée
par l'agriculture c'est de procéder par voie de
dégrèvement et non par voie de surcharge, en
prenant comme base de taxation les contribua-
bles les moins imposés et en ramenant les
autres au même taux. » Les contribuables les
moins imposés? Autant abolir purement et sim-
plement l'impôt foncier.
Le nombre des propriétés qui bénéficient de
taux modérés est considérable. Et ici se place
une observation de M. Méline à laquelle on de-
vra, malgré tout, prêter attention « Dans les
départements mêmes tfui payentplus de 4 pour
cent, il se trouve dans la moyenne une infinité
de propriétaires qui payent moins de 4 pour
cent. Ce serait le cas pour notre département,
qui serait bien déchargé en bloc, mats qui ver-
rait surcharger, les propriétaires les plus inté-
ressants, ceux qui, a la sueur de leur front, ont
conquis sur la lande et sur la forêt ces magni-
fiques prairies, ces superbes champs qui font
leur orgueil. » En vertu même du régime fiscal
de la terre, les initiatives privées se sont vues
stimulées pour la mise en valeur des terrains
incultes. Les constatations officielles du cadas-
tre continuant de faire foi, les richesses créées
par la main de l'homme étaient épargnées par
le fisc. Des situations privilégiées se sont ainsi
constituées. Le nombre en est beaucoup plus
grand qu'on ne l'imagine communément.
M. Méline en tire cette conclusion « On peut
donc considérer que cette première partie du
projet a bien peu de chance d'être acceptée par
le Parlement, parce que son application ferait
plus de mécontents que de satisfaits. La pé-
réquation de l'impôt foncier sur la propriété non
bâtie se heurtera, incontestablement, à de sé-
rieux obstacles. Le succès qu'a obtenu la péré-
quation de l'impôt foncier sur la propriété bâtie
ne doit pas faire illusion les deux opérations
ne sont pas comparables.
C'est l'un des motifs pour lesquels la commis-
sion extraparlementaire du cadastre avait, en
s'occupant durégime fiscal de la terre, mis tous
ses soins à ne point faire œuvre exclusivement
fiscale.
Des rectificationsd'impôtssontde toute justice,
mais le trouble qu'elles menacent de causer ne
saurait laisser indifférent aucun financier digne
de.ce nom. La commission avait senti la néces-
sité de compenser et au delà par des avantages
tangibles les.dommages inséparables de toute
péréquation équitable. Elle s'était attachée à
consolider la propriété. Enregistrant la contl-
guration et les droits de chaque îlot, dégageant
de tout le fatras hypothécaire et detoutl'inconnu
actuels les propriétés, créant des livres fonciers
butia-t-il faiblement; puis de nouveau il per-
dit connaissance. Sans faiblir, calme et silen-
cieuse, Katherine se mit en devoir de laver
ses blessures; à mesure qu'elle en découvrait
de nouvelles, balafrant,meurtrissant la belle tê-
te, les membres athlétiques, sa face se faisait
plus sévère. « Vil gredin! » proféra-t-elle pres-
que à voix basse; son intonation exprimait une
telle haine, un si profond mépris, que le doux
Colomban en demeura atterré.Enfin surmontant
son trouble, il sortit en courant pour aller
chercher Vroni Hofer. Dès que celle-ci arriva,
elle se pencha sur le malade, souleva ses pau-
pières, examina rapidement ses blessures.
Il est en danger, dit-elle en se relevant;
danger de mort, et danger de ne pas recou-
vrer la raison, s'il en réchappe. Peut-être fau-
drait-il aller chercher le médecin de Neudorf.
Le visage de Katherine se contracta, ses
mains se crispèrent sur le bois du lit.
̃ Qu'ai-je besoin d'autre médecin que toi?
fit-elle amèrement. Je ne crois pas aux char-
latans de la ville. D'ailleurs Dieu seul peut
nous sauver. S'il ne nous vient en aide, tout est
fini. Mais puisque je n'ai pas le moyen de le
convoquer ici, fais ce que tu pourras pour mon
garçon, toi.
Colomban, debout au pied du lit, s'était mis à
prier avec une ferveur si grande que son vi-
sage aux yeux clos en paraissait transfiguré.
La rude Katherine elle-même en fut touchée et
fit en sorte de ne pas troubler cette oraison.
Les soins assidus des deux femmes, du bon
Colomban, et qui sait ? peut-être aussi
l'appui de ce médecin suprême entre les mains
de qui le magister croyait voir couler les fils
d'or des destinées humaines, ramenèrent peu
à peu le jeune homme à la santé. Mais il en-
dura de longues, de fastidieuses semaines de
souffrance. D'abord, selon les prévisions de
Vroni, sa raison parut en danger. Il délirait,
criait, écumait, sans rien entendre, rien recon-
naitre autour de soi. La terrible fêlure du crâ-
îîS semblait ne pouvoir guérir. En l'entendant
Katherine serrait ses lèvres minces, grinçait
des dents comme une louve dont on attaque le
louveteau. Un6 rage sans bornes grandissait
en elle. Mais elle île jproférait ni injures, ni
menaces, ni prière.
émancipateurs, elle reléguait en quelque sorte »
au second plan l'idée de fiscalité: la péréqua-
tion de l'impôt devenait une conséquence, au
lieu d'être le but unique. On était en face d'une
vraie réforme, libératrice de la terre, généra-
trice dë'crédit. Le coût de l'entreprise serait
élevé, mais le pays en aurait pour son argent.
En se plaçant sur le terrain de la fiscalité
pure, l'Etat s'expose à des récriminations, à des
critiques, à des difficultés, qu'il aura peine à
surmonter. Nous faisons des vœux pour qu'il en
vienne a bout, mais sans nous dissimuler ni la
gravité des obstacles qu'il aura à surmonter, ni
les imperfections et le caractère incomplet d'une
réforme foncière ainsi comprise.
LES DEUX «INTERNATIONALES»
Depuis hier nous avons une nouvelle «Internatio-
nale ». Ce qui fait l'originalité de la dernière née,
c'est qu'elle est anarchiste. Les anarchistes, on le
voit, prennent avec les principes, et l'étymologie,
des libertés grandes; il est vrai qu'ils se disent aussi
libertaires..
Quoi qu'il en soit,voici les anarchistes qui admet-
tent le principe de l'organisation. Ils seront associés
dans des groupes, qui seront fédérés et reliés entre
eux par un bureau international. Cette constitution,
encore qu'elle permette l'adhésion individuelle et
proclame intangible l'autonomie des groupes et des
individus, diffère assez peu de la constitution socia-
liste.
Il est curieux de constater, cinquante ans après, la
survivance des deux tendances qui se partageaient
l'ancienne Internationale le collectivi&me avec
Marx et l'individualisme avec Bakounine. Les
marxistes avaient vaincu les anarchistes par l'orga-
nisation. La leçon des faits a profité à ceux-ci à
leur tour, ils recourent à l'association.
̃ Cette évolution n'est d'ailleurs pas absolument
nouvelle. En France d'abord et à l'étranger ensuite,
les anarchistes admettent, depuis plus de dix ans,
la principe de l'organisation « économique »,
c'ëat-à-diré- syndicale. Les socialistes français,
absorbés parleur» intrigues politiques et parlemen-
taires, n'ont pas. prêté grande attention à cette évo-
lution des anarchistes. Us les ont laissés s'introduire
dans les syndicats et y préconiser l'action directe
qui, chez les compagnons organisés, remplace la
propagande par le fait. Dédaignés des socialistes,
les anarchistes n'ont pas tardé à s'emparer du mou-
vement syndical en France. Ils sont aujourd'hui, et
depuis longtemps déjà, les maîtres de la confédéra-
tion du travail, et Bakounine rirait bien s'il voyait
les marxistes français marcher à la remorque de ses
disciples.
Quels seront les rapports des deux Internatio-
nales? Il est permis de croire qu'ils manqueront de
cordialité, car l'Internationale socialiste a toujours
brutalement écarté de ses congrès les citoyens qui
ne reconnaissent pas la nécessité de la conquête des
pouvoirs publics. Elle a de plus, au congrès de
Stuttgart, condamné nettement la politique de la
confédération du travail et infligé sur ce point une
défaite aux socialistes français, qui l'admettent parce
qu'ils la craignent. Ceux-ci,' sous l'influence de M.
Hervé et la poussée de la confédération du tra-
vail, s'écartent do plus en plus des concep-
tions et de la tactique spécifiquement socia-
listes. Les résolutions votées jusqu'à ce jour au
congrès anarchiste montrent au contraire quelles
pensées communes rapprochent' les jaurésistes
nous ne disons pas les guesdistes, qui ont succombé
sous le nombre, mais sont restés fermement attachés
aux principes et les anarchistes. Ils professent la
menupTjpinron sur le patriotisme, ou plutôt l'antipa-
triotisme, et la nécessité de l'action directe. Ils sont
faits pour s'entendre et nous ne doutons pas que
MM. Hervé, Jaurès et leurs amis n'apportent pro-
chainement leur adhésion à la nouvelle Internatio-
nale.
Une question se pose pourtant à propos de cette
adhésion que la logique commande: l'Internationale
anarchiste admettra-t-elle des députés dans son
sein?
Ses sentiments libertaires sembleraient la vouer
à l'obligation de la porte ouverte; mais accueilir
l'homme, c'est admettre le principe qu'il représente,
et quelle sera l'originalité des anarchistes si à peine
constitués en un parti, ils deviennent des « politi-
cien «comme les autres? Voilà assurément les in-
convénients du système de l'organisation. Pour
l'avoir emprunté, avant peu les anarchistes devront
prononcer des sentences d'exclusion, comme des
bourgeois ou de simples socialistes.
Mais en somme, les députés jauréristes ne sollici-
teront peut-être pas leur inscription à l'Internatio-
nale anarchiste, ou bien ils donneront préalable-
ment leur démission. M. Jaurès n'est-il pas, comme
dit M. Hervé, « très courageux? »
̃; -♦
LES AFFAIRES DU MAROC
A Casablanca
(Dépêche de notre coi-fespondant particulier)
Casablanca, 27 août (viâ Tanger, 28 août).
Dans une reconnaissance faite par des gpumiers,
on a fait prisonnier un certain nombre d'indigènes
d'un- douar voisin. Ceux-ci n'ont, d'ailleurs, opposé
aucune résistance. L'audace des tribus diminue visi-
blement et commence à faire place à une terreur
salutaire. Ce revirement s'est produit à la strtte-ds
renseignements colpoités par des maraudeurs qui
s'approchent du camp du général Drude et suivant
lesquels celui-ci préparerait une marche en avant.
Hier soir ont débarqué 125 artilleurs du 13* régi-
ment avec bagages et munitions. On attend le 2* ba-
taillon de la légion étrangère.
Les goumiers ont fait aujourd'hui une seconde re-
L'automne passa; puis ce fut l'hiver.
Déjà les arbres penchaient, alourdis par la
neige, le givre craquait sous le pied, les cimes
aiguës de la montagne se profilaient blanches,
solennelles et glacées sur un ciel d'un bleu
froid. Tout se taisait au dehors; le grand som-
meil de la nature était commencé.
Katherine était, comme de coutume, assise au
chevet de son fils.
Tout à coup le jeune homme ouvrit les yeux,
fixa sur le plafond un regard clair et pensif.
Sur sa face émaciée la physionomie antérieure
reparut soudain, se plaqua comme un masque.
11 ne prononça pas une parole et Katherine de-
meura également silencieuse.
Au bout de quelques instants ses paupières
se refermèrent il s'endormit paisiblement
pour ne se réveiller que le lendemain.
En entrant chez lui au matin, Katherine le
trouva assis sur son lit. D'un geste ferme il
tapait son oreiller recouvert d'une housso de
toile à fleurettes bleues
Combien de temps y a-tol, mère? deman-
da-t-il froidement, comme continuant une con-
versation commencée.
Six semaines, répliqua Katherine avec un
calme égal. ,_i. -•̃.̃ *.<̃
II tressaillit. v _̃.
>– Donne-moi la feuille officielle! Vite! fit-
il, impérieux.
Quoi! maintenant que tu ne peux même
tenir debout?. Attends. Tout vient à point à,
qui sait attendre.
Il garda quelques instants le silence. <
i– Les bans sont-ils publiés? reprit-il.
Il y a longtemps! répliqua brusquement
Katherine, craignant d'autres questions.
Sont-ils mariés? fit Christen, haussant le
ton.
La mère se fâcha. _ri .v-i-j.v.
Attends d'être sur pied et tu iras récol-
ter les nouvelles au village, dit-elle rudement.
Rosi a-t-elle été forcée d'épouser l'Amé-
ricain ? répéta Christen, livide et les yeux flam-
boyants.
Katherine ne put refuser plus longtemps
de répondre
Oui. Ils sont mariés depuis quatre se-
maines, fit-elle avec fermeté.
connaissance. Ils ont rapporté du bétail et deux i
prisonniers. Ces goumiers sont très utiles. Ils peu- i
vent facilement se mêler aux Kabyles dont ils con-
naissent la langue et les mœurs. Quand ils enlèvent
leurs burnous rouges, il est impossible de les dis-
tinguer des Marocains.
Les reconnaissances
Une reconnaissance militaire a eu lieu avant-
hier. Elle était composée d'un escadron de spr his,
commandé par le capitaine Caud, et de goumiers,
commandés par le capitaine Beriot; elle s'est dirigée
vers le sud-ouest pour couper la route aux carava-
nes signalées depuis quelques jours et qui, partant
de l'ouest à une quinzaine de kilomètres au sud de
la ville, prenaient la direction de l'intérieur.
A deux heures nos cavaliers arrivèrent en vue
de Sidi-Abderrahman et de Dar-ould-Jemel (Voir
la carte publiée dans le numéro du 28 août). Les of-
ficiers constatèrent la présence de forces ennemies
et envoyèrent un rapport au général Drude.
Celui-ci mit en route trois compagnies de. tirail-
leurs et de la légion étrangère avec une demi-batte-
rie de 75, qui prirent rapidement position à 3 kilo-
mètres, couvrant la marche d'approche de l'infante-
rie et inondant le village de projectiles. L'infanterie
se déploya bientôt.
Les Marocains ouvrirent un feu nourri, tandis que
la population du village, affolée, s'enfuyait derrière
les dunes situées à l'extrémité sud de la plage.
Peu après, l'ennemi abandonnait le territoire du
village et deux douars voisins étaient razziés, puis
le feu de l'artillérie les incendiait. Les goumiers
étaient enchantés de leur première sortie. Ils ont
ramené au camp un mulet et huit bourriquots. Il
n'y a aucune perte du côté français. Un spahi seul
a été frappé d'insolation. Il a été ramené par un
convoi.
Le 27 au matin, à. dix heures, les avant-postes
signalaient un groupe d'une soixantaine de cava-
liers marocains marchant en éclaireurs. Le général
Drude fit aussitôt constituer une forte reconnais-
sance.
La santé des troupes est excellente. On prend de
grandes mesures d'hygiène, do tempérance. Les al-
cools, notamment, sont sévèrement interdits. Le
moral est non moins bon et la conduite et l'entrain
sont exemplaires.
Nouvelles de Tanger
tDépêckede notre correspondant particulierl
Tanger, 88_ août.
Le bruit court" que Bouchta Bagdadiv chef do la
colonne qui opère contre là tribu des Khmès, aurait
subi un échec. Après celui d'El M'rani, qui a été
refoulé par la même tribu vers El-Ksar, cela conso-
liderait la situation de Raissouli. Il est d'ailleurs à
présumer qu'en apprenant les événements de Mara-
kech, les deux mahalla? vont s'abstenir de toute
nouvelle opération. On jugera plus prudent d'atten-
dre les résultats de la lutte entre les deux sultans.
La situation de Mac Lean est de plus en plus cri-
tique. On n'a aucuno nouvelle de lui depuis douze
jours. J'apprends que son frère Allan Mac Leàn,
ancien consul d'Angleterre à Casablanca, serait en-
tré en relations directes avec Raissouli dans le but
de le délivrer.
La question de la sécurité publique à Tanger con-
tinue à préoccuper l'opinion. A la suite du mauvais
esprit que les autorités marocaines ont constaté
chez les soldats, El Guebbas en a licencié un certain
nombre et a envoyé les autres renforcer les colonnes
qui opèrent contre les Khmès. Il est question de los
remplacer par une milice provisoire composée de
citadins indigènes ayant ici leurs familles et par
conséquent intéressés au maintien de l'ordre. Les
notables de la ville désigneront les hommes de leurs
quartiers respectifs aptes au service et se porteront
garants de leur bonne conduite.
A Fez
(Dépêche de notre correspondait particulier)
Tanger, 28 août, midi.
Les dernières lettres de Fez sont datées du 25 au
soir. Elles disent que la nouvelle de la proclamation
do Moulai Hafid à Marakech était déjà connue à la
cour chéritienne, mais qu'elle n'avait pas encore
transpiré dans la population. Abd el Aziz en appre-
nant Ia nouvelle serait entré dans une violente co-
lère, puis aurait décidé de partir pour Rabat. Ce
départ aurait lieu dans quinze jours.
(Service Bavas)
Tanger, 28 août, 7 h. 45 soir.
Des nouvelles do Fez apportées à Tanger par trois
cavaliers envoyés par le sultan disent que la situa-
tion est très grave à Fez. Selon certaines rumeurs
qui ne sont ni confirmées ni démenties par les auto-
rités chériflennes, le sultan serait assiégé dans son
palais.
Le sultan a ordonné à El Guebbas de lui envoyer
en toute hâte les troupes des deux Tabars, ceux du
caïd El Moumin et du caïd Tleb' Mediouni, soit en-
viron 800 hommes. Mais ces Tabars font partie de
la mahalla d'El M'rani que de nouveaux échecs dans
ses opérations ont dispersée. Seuls restent à Aïn-
Dalia, à 15 kilomètres de Tanger, 300 hommes qui
vont se joindre aux débris de la troupe d'El M'rani
et gagner Fez.
Lorsqu'il a écrit à El Guebbas, le sultan ignorait
la dispersion de la mahalla d'El M'rani.
La situation à Mazagan
{Dépêche de notre correspondant particulier)
Mazagan, 27 août (via Tanger, 28 août).
En raison de sa proximité de Marakech, de l'agi-
tation des tribus environnantes et du fait qu'elle a
été la première ville du littoral à proclamer Moulai
Hafld, Mazagan est actuellement un centre d'infor-
mations du plus haut intérêt.
Le fils du caïd Driss ben Aïch, caïd-el-mechouar
de la cour de Fez, est arrivé hier avec une suite
nombreuse. Il a pour mission de saluer de la part
du sultan le chénf Ma el Aïnin et de l'escorter jus-
qu'à Fez. Cette mission n'est pas facile, car bien que
les derniers renseignements signalent la présence
de ce chérif dans les environs de Mazagan il est in-
trouvable. Le gouverneur lui a dépêché des émis-
saires dans toutes les directions pour le prier de ne
pas s'approcher de la ville. Ils sont rentrés sans
trouver trace de son passage dans la région.
Je vous ai annoncé hier la notification officielle de
son avènement au trône faite par Moulaï Hafid au
caïd de Mazagan. Cette notification est assez belli-
queuse c'est un vrai réquisitoire contre la conduite
Christen se tut. Il se recoucha et demeura im-
mobile et muet, ruminant ses pensées.
Quelques jours plus tard, complètement re-
mis, il descendait et s'asseyait en face de sa
mère pour le frugal repas du matin.
Mère, demanda-t-il sans préambule, ac-
ceptant la tasse de lait de chèvre qu'elle lui
tendait, avez-vous toujours envie de partir
d'ici?
r– Suis-je femme à changer d'avis tous les
jours? fit-elle, le cœur sautant de joie. Plus
que jamais je te dis il faut partir d'ici, de-
venir savant, devenir riche.
Et revenir! fit-il d'une voix sourde.
Il posa sa tasse si brusquement que le lait
rejaillit, éclaboussant la table.
J'ai fait mon plan! Nous partirons aus-
sitôt que faire se pourra, dit-il, ,<.
~f;
A partir de ce jour les forces de Christen
revinrent comme par miracle. Son corps avait
repris toute sa vigueur, il semblait grandi; sur
son visage aux traits affinés par la maladie,
dans ses yeux sombres et profonds se lisait
une résolution indomptable. Bientôt il se mit
à l'œuvre pour confectionner les caisses des-
tinées à emballer leur rustique mobilier.
Dans le village le bruit se répandit que « ce
vaurien de Christen » était ressuscité. « Mau-
vaise herbe ne meurt pas », prononcèrent les
gros bonnets du village avec des airs pro-
fonds.
Et la haine assoupie durant les longues se-
maines de maladie se réveilla tout à coup.
Les gars du village guettaient l'occasion de
tomber sur Christen; il s'aperçut que sa chau-
mière était surveillée la nuit. Mais il sut maî-
triser les révoltes de son orgueil et ne four-
nit à ses ennemis aucune occasion de l'atta-
quer.
jour on vit l'huissier ivrogne monter en
titubant la pente du Strahlegg. Arrivé à la
chaumière il poussa brutalement la porte du
pied et fit irruption dans la salle sans frapper.
Une odeur d'alcool remplit aussitôt la petite
pièce; et Katherine, de son air hautain, se hâ-
ta d'ouvrir la fenêtre toute grande
Il faut de l'air là oh lu ^nireg, flt^U*^
dédaigneusement,
lu makhzen. Moulai Hafid insiste surtout sur les
fautes qui ont entraîné l'occupation d'Oujda, l'inac-
tion du makhzcn après cette occupation et son im-
mobilité à Fez aiors que tout lui indiquait le devoir
de se rendre dans le sud. Toutes ces fautes accumu-
lées, dit ce document, ont amené l'occupation par
les étrangers du port le plus' important de la côte
marocaine.
Les notables indigènes que j'ai vus estiment ce-
pendant qu'il ne faut pas attacher d'importance à la
note xénophobe donnee par cette lettre ;̃ ils croient
que Moulai Hafid n'a nullement l'intention de pren-
dre la tête du mouvement antifrançais, mais qu'é-
tant donné les circonstances dans lesquelles il a été
proclamé, il se croit obligé de flatter légèrement les
sentiments actuels des tribus.
On apprend que les Oulad-Freda, tribu voisine d6
Mazagan ont envoyé un contingent de 800 cava-
liers prêter main-forte aux Chaouias. C'est cette
tribu qui avait inquiété le plus la population de Ma-
zagan pendant les derniers troubles.
La ville est maintenant presque désertée. On éva-
lue à plus de 6,000 le elilfire des habitants euro-
péens, israélites et musulmans qui se sont réfugiés
ailleurs. Les rares Européens restés ici font le plus
grand éloge de notre consul. Son attitude calme é
énergique pendant les dures journées du 5 au 9 août
a évité de vrais malheurs. Débordées par les tribut
qui cernaient Mazagan, les autorités marocaines
avaient complètement perdu la tête. Le consul dé
France, sans se soucier du danger qu'il courait en.
circulant au milieu d'une foule hostile, sut les tenit
en haleine tantôt en leur suggérant des démarche*
opportunes, tantôt en leur rappelant qu'elles répon-
daient sur leur tête du maintien de l'ordre. Ainsi, à
force de diplomatie, de palabres sans fin et même
de quelque argent judicieusement distribué, les au-
torités marocaines obtenaient après quatre jours
d'angoisses continuelles le retrait des tribus vers
l'intérieur.
Depuis lors un calme relatif règne ici, mais la si-
tuation est encore incertaine et aléatoire. J'apprends
à l'instant même que les porteurs de la lettre de
Moulai Hafid étaient accompagnés de 600 cavaliers
des tribus des Oulad-Freda qui sont rostés à une
certaine distance de la ville. Si la population de Ma-
zagan n'avait pas acclamé le nouveau sultan, il»
étaient décidés à se ruer sur la ville.
A: Mogador
̃ Le vapeur Ânalolie a apporté des ̃nouvelles de
Mogàdor.
Ould Amflous, caïd d'une tribu avoisinant Moga-
dora a envoyé une lettre où il dit qu'il sera respon-
sable du maintien de l'ordre et de la loi dans l'avenir,
pourvu que les Marocains gardent l'autorité et que
les étrangers n'entrent pas dans la place.
Les juifs arabes sont obligés de se confiner dans
leur quartier propre, appelé « mellah ». L'an dernier,
Amflous fit des incursions à Mogador et trouvant
140 juifs installéa, en dépit de la loi, dans la « mé-
dina », ou quartier mauresque de la ville, il les
chassa tous.
Ould Amflous est capable d'exercer une influence
décisive sur le cours des événements. On le dit par-
tisan de Moulai Hafid. Pour le moment, il impose
des taxes sur toutes les caravanes entrant à Moga-
dor, et garde l'argent.
L'Allemagne et la question marocaine
(Dépêche de notre correspondant pariuuiterl
Berlin, 29 août..
Une note officieuse de'la Suddeutsche Reichsi
/correspondent déclare
« II va sans dire que le prince de Bülow et M<
Cambon n'auraient pu écarter l'affaire du Maroc dl
leur entretien prolongé et détaillé à Norderney.
Mais il no devait pas y être question de conces-
sions à faire par l'Allemagne à la France au Maroc.
M. Cambon n'a pas demandé qu'on fît de nouvelles
concessions, et rien ne l'engageait à en parler; cap,
la France n'a pas besoin, pour l'exécution de la po-
litique qui a été définie h Paris, Londres, Madrid
et Tanger, ainsi qu'à Swinemûnde, Wilhelmshœhe,
Tschl, Marienbad, et maintenant à Norderney, d'au- -.̃
tre appui que celui que nous lui donnons actuelle-
ment en lui laissant, par confraternité européenne,
sa liberté d'action. Cette politique ne veut rien sa-
voir ni d'une guerre, ni de conquêtes, ni d'une sou-
veraineté exclusive de la France au Maroc. Elle
veut qu'en travaillant pour ses buts propres, la;
France fasse preuve du respect des droits et des
intérêts des autres puissances. On peut donc espé-
rer que les questions de l'Afrique du nord n'exer-
ceront plus dorénavant un effet de désunion sur les,
relations franco-allemandes, mais qu'elles auront
au contraire une influence conciliatrice et unis-
sante. Cette conviction a reçu un nouvel appui pac
l'entretien de Norderney. »
Mouvements de bateaux
Le Shamrock, qui est arrivé à Casablanca le'
26 août, a débarqué une batterie d'artillerie.
Hier après-midi, le transport Nive, venant de
Casablanca, est arrivé à Oran, ayant à bord quatre
blessés et douze malades.
A la demande du général Drude, la Nive assurer^
le prochain convoi de ravitaillement et embarquera
vraisemblablement de nouveaux effectifs.
Nouvelles diverses --<.
La Charlotte, navire-école des cadets de la ma-
rine allemande, arrivée le 26 août à Cadix, partira
le 5 septembre pour Tanger.
Par décision ministérielle, le médecin-major d«~
1" classe Weiss, du 156' d'infanterie; les médecins
aides-majors de i" classe Périé, du 25* d'artillerie,
de Gaulejac, du 27' d'infanterie, et Eybert, du 42'
d'infanterie; les médecins aides-majors de 2' classe,
Delater, de l'hôpital militaire Saint-Martin, à Pa-
ris, Antoine, du 153" d'infanterie, et Salètes, du
116" d'infanterie, passent aux hôpitaux militaire*
de la division d'Oran.
NOUVELLES DE L'ÉTRANGER
.i^y»
La conférence de la Haye
Notre correspondant de la Haye nous écrit le 28 août:
La troisième commission s'est réunie aujour-
d'hui, à deux heures et demie, sous la présidence
du comte Tornielli, pour trancher la question de
compétence sur la réglementation du droit des
neutres de poser des mines dans leurs eaux terri*
L'ivrogne affecta de ne pas l'entendre.
Hé! toi! là-bas! voici un poulet à ton
adresse. fit-il, tendant une feuille do papier
timbré à Christen, assis auprès du poêle.
Celui-ci se leva, prit le papier et se rassit
sans mot dire.
L'huissier demeura surpris
̃ Est-ce que vous attendez la réponse? in-i
terrogea froidement Christen, voyant qu'il n€
faisait pas mine de s'en aller.
L'ivrogne grommela un juron, et sans ré-»
pondre autrement, sortit en claquant la porte,:
Christen, debout près de la fenêtre, lisait le
papier, qui portait le sceau du gouvernement,
Bientôt sa main retomba et il demeura im-<
mobile, les yeux fixés au dehors. Enfin il se
tourna vers sa mère qui le regardait avec
anxiété.
Je suis expulsé. dit-il. On m'expulse du
canton, pour. (il consulta le papier) pour
« violences répétées, menaces à mes conci-
toyens, violation du foyer familial. » et Dieu
sait quoi encore!
Katherine lui arracha le papier, des mains.
__Quoi?. quoi?. fit-elle, la voix rauque,
Deux taches rouges se plaquèrent vivement
sur ses joues pâles
T'expulserL. toi! alors que ce serait a
nous de porter plainte! Il n'y a donc plus
de justice au monde?. Grand saint Joseph!
ce seront toujours les riches qui auront raison
contre les pauvres gens, ici-bas.
C'est ce qui prouve qu'il faut devenic
riche, dit Christen avec calme.
Katherine le regarda, effarée; elle ne recon-.
naissait plus son fils.
Où prends-tu cette patience, toi si vif, si
emporté?. demanda-t-elle, pensant involon*
tairement tout haut.
Il eut un sourire sombre
A quoi servirait de me mettre en colère ?.<
D'ailleurs nous devions partir en tout état de
cause.
Il déchira tranquillement l'acte officiel e«
quatre morceaux qu'il jeta dans le poêle.
A nos paquets! dit-il. A l'ouvrage, mère.1
Nous avons déjà perdu trop de temps,
•E. Zahn.
£Â tuivrsX
'6n S'abonne aux Bureaux $a journal, 5, BOULEVARD DES ITALIENS, A PARIS [2% et dans tous les Bureaux ûe Poste
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LES ABONNEMENTS DATBHT DES 1" ET 16 DE CHAQUE mois
Un numéro (à Paris) 1S5 centime»
Directeur politique Adrien Hébrard
Toutes les lettres destinées à la Rédaction doivent être adressées au Directeur
Le Journal ne pouvant répondre des manuscrits communiqués
prie les auteurs d'en garder copie
AJJRESSK TÉLÉGRAPHIQUE TEMPS PARIS
Le TEMPS accepte des abonnements au.
fyuméro, partant de n'importe quelle date,
'moyennant 0.20 c. par numéro à expédier.
jen France ou à l'étranger.
Paris, 29 août
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
MAROC
Nous écrivions, il y a quelques jours, que
'était à Casablanca, et à Casablanca seulement,
que l'on savait combien il fallait d'hommes et
combien de canons pour effectuer sur le terri-
toire des Chaouïas l'opération de police rendue
nécessaire par la xénophobie marocaine. Le
gouvernement a eu la même opinion. Il a de-
mandé au général Drude de déterminer l'im-
portance des renforts qu'il jugeait nécessaires,
*t l'agence Havas vient de publier la note sui-
vante
En raison des événements relatifs à l'élévation de
Moulai Hafid au sultanat de Marakech, et pour pa-
ïer à toute éventualité, le général Drude a demandé
J'envoi des deux bataillons de renfort préparés à
Cran. Ordre immédiat a été donné d'embarquer dès
demain ces troupes pour Casablanca, sans qu'il soit
rien changé aux instructions antérieures.
Les événements ont amené le gouvernement
aux mesures qu'il aurait pu prendre plus tôt de
son propre chef. Tous ceux qui sont au courant
de la question marocaine, qui connaissent les
mœurs et le caractère des indigènes avaient
jugé, dès les premiers jours d'août, qu'une ré-
pression énergique^rapide, décisive, pouvait et
devait être dirigée contre les Chaouias. Il fallait
pour ce!a ne pas lésiner sur le nombre d'hom-
mes* ne pas donner au commandant des trou-
Ees débarquées des instructions trop étroites.
imitée aux tribus qui environnent immé-
diatement Casablanca, cette action militaire
conservait le caractère qu'elle doit avoir d'opé-
ration de police locale et elle aurait pu être
conduite plus rapidement peut-être. Pourvu
d'artillerie de campagne et de cavalerie spé-
ciale en quantité suffisante, le général Drude
aurait pu vraisemblablement après les pre-
mières attaques, non seulement refouler les
agresseurs, mais les poursuivre et les contrain-
dre à déposer les armes. On a préféré procéder
par petits paquets, maison est cependant arrivé
débarquer à Casablanca 8,000.hommes et des
canons. Comme l'on n'a pas saisi l'occasion
qu'offraien t récemment les défaites des cavaliers
kabyles pour les poursuivre et les réduire, on
'se propose à présent d'aller les trouver en leur
lieu de réunion, à Teddert.Teddert, qui marque
probablement le lieu d'un ancien village ber-
bère, est situé à une douzaine de kilomètres au
sud de Casablanca, sur la route de Settat. C'est
là, entre deux rangées de collines variant entre
75 etlO5 mètres de hauteur, auprès d'un marais,
que s'est groupé le camp kabyle. Il est permis
d'espérer que l'opération dirigée contreTeddert
n'aura pas seulement pour effet de repousser
les cavaliers ennemis un peu plus loin, mais
qu'elle constituera un succès décisif.
Il semble que ce soient les progrès faits dans
3e Sud par la proclamation de Moulaï Hafid qui
aient montré au gouvernement toute la gravité
de la situation. Ainsi que nous l'avons dit déjà,
il ne paraît pas, diaprés les renseignements
dont on dispose, que le sultan nouveau soit un
snnemi systématique des Européens. Cependant
nous ne sommes pas encore exactement rensei-
gnés sur ses intentions. Marche-t-il sur Casa-
blanca pour tempérer l'ardeur des hordes pillar-
,des desChaouïas ou pour l'exciter? S'il vient en
1 ennemi, nous devons être assez forts pour le
repousser. Si c'est en conciliateur, notre si-
tuation deviendra certainement délicate. Par
l'acte d'Algésiras, nous nous sommes engagés
à respecter et à maintenir l'autorité du sultan
légal, qui est pour le moment Abd el Aziz. Qu'ad-
viendra-t-il si c'est à son rival que nous devons
la pacification des environs de Casablanca? No-
tre diplomatie doit évidemment faire preuve de
beaucoup de tact et d'adresse en cette circons-
.iance. Sa tâche sera de beaucoup facilitée si elle
n'oublie pas que c'est au Maroc qu'elle opère,
que cet Etat a des mœurs politiques spéciales
et qu'il se plie assez mal aux formes convenues,
rationnelles, dignes de la diplomatie euro-
péenne. L'élévation de Moulai Hafid complique
l'aspect purement marocain du problème, mais
il ne paraît pas impossible d'en tirer parti en
faveur de l'influence européenne au Maroc et
du développement de la prospérité du pays.
L'aspect européen de la question marocaine
s'est singulièrement simplifié depuis que l'Alle-
magne a bien voulu comprendre que la France
ne menaçait ni l'intégrité du Maroc, ni la li-
berté commerciale des tierces puissances. La
visite de M. Jules Cambon à Norderney
semble avoir éclairci la situation. Si nous
en croyons la note officieuse publiée par
la Correspondance impériale de l'Allemagne
du Sud, le gouvernement de Berlin saisit
à présent que les intérêts de toutes les nations
européennes sont solidaires dans des.pays tels
•que le Maroc et que l'on n'agit pas conformé-
ment aux intérêts dé la civilisation en contre-
carrant la politique de pénétration d'une nation
spécialement intéressée au maintien de l'ordre
dans l'empire chérifien. Le retour qui s'est pro-
duit dans l'opinion allemande est même assez
surprenant par sa rapidité. Que l'on se rappelle
FEUILLETON DU <£Éîttp5
.à. DU 30 AOUT 1907 (»)
CHRISTE^ RUSSI
IX
Minuit. Sous le ciel sombre, aans les ténè-
bres et le silence, Fruttnellen semble mort. Tel
îin pays ravagé par la peste. Seule une femme
arpente la route d'un pas ferme et lent, re-
dressant sa haute taille, bien qu'elle porte un
rude fardeau.
V C'est Katherine Russi; sur ses épaules elle
rapporte à la maison son fils à demi mort; elle
l'a suivi de loin jusqu'à-la ferme de Hochfluch;
un tumulte, de voix furieuses, un bruit de rixe
ifléchirant soudain le calme du soir l'a aver^
Jie que le malheur .redouté était arrivé.
La porte de la ferme s'ouvre violemment, elle
distingue la haute taille de Christen se détà-
jehant sur le fond lumineux; autour de lui se
pressent tous les hommes de la ferme, le frap-
pant, le poussant, le fouaillant avec rage; il
leur tient tête à tous, distribuant les coups s
avec une véritable fureur. Les cris, les ju-
-yons outragent la paix auguste de la nuit; puis
le jeune homme s'écroule soudain comme un
hêne, tombe, roule au bas des marches en une
masse inerte. la porte rebat violemment.
Cette fois, tu auras, je crois, désappris
le chemin de la ferme! ricane au dedans une
«roix brutale.
Sans un mot ou un cri, Katherine va à son
fflls. Etendu tout de son long, immobile, il sem-
blait mort; le sang lui coulait du nez et de la
̃Jjouche.Elle ouvrit la veste, la chemise; il ne fit
ï>as un mouvement. En ce moment la porte se
couvrit et le prési parut sur le seuil éclairé par
la lumière de la salle..
Katherine se redressa; d'un geste éloquent et
tragique de son bras, elle désigna l'homme.
Vil gredin! articula-t-elle d'une voix lente
?>t distincte. Vil gredin! répéta-t-elle d'une
yoix lente et distincte. Vil gredin répéta-
i-elle. Je n'ai pas, comme vous autres; coutume
les articles haineux de 1905 et de 1906 et que
L'on lise ce qu'écrit aujourd'hui la pangerma-
niste Detitsche Tageszeitung: « Grâce à c£ senti-
ment 'de confraternité européenne, on pourra
laisser faire la France si, par suite de la situa-
tion- dans laquelle elle se trouve, elle donne à
son mandat de police une interprétation élargie;
et s'il était nécessaire d'élargir encore cette
interprétation, l'Allemagne n'y mettra aucun
obstacle et sera prête à négocier, pourvu que ses
droits et ses intérêts ne soient pas lésés. »
Ce langage mérite d'être signalé. Il est assez
bienveillant pour nous, mais indique néanmoins
qu'une négociation doit intervenir dans la-
quelle certains problèmes intéressant l'Alle-
magne doivent recevoir une solution satisfai-
sante pour nos voisins. 11 montre, en outre, que
les journaux pangermanistes ne seront peut-
être pas fâchés de nous voir étendre notre ac-
tion militaire au Maroc. Prenons note de la
bienveillance, préparons-nous à la négociation,
et limitons d'une façon très nette l'opération de
police que nous avons entreprise.
̃ «C»
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Téhéran, 29 août.
Le gouvernement persan a demandé à la légation
de France un conseiller financier. C'est un fait im-
portant dans la situation présente.
Budapest, 29 août.
La fin du conflit entre le parti catholique popu-
laire et le parti de l'indépendance, qui devait entraî-
ner la sortie des catholiques de la coalition parle-
mentaire sur laquelle s'appuie le ministère Wekerlé,
est officiellement annoncée par des déclarations du
comte Aladar Zichy et de M. Etienne Rakovsky. Le
statu quo est rétabli dans la coalition.
Dans un village de Transylvanie, une collision
sanglante s'est produite entre des honveds (réser-
vistes hongrois) et des paysans roumataSi Il y a eu/
trois morts et de nombreux-blessés; .'̃ .•.̃
Constantinopje (»té Sofia), 29 août.
.'• Le choléra augmente à Bakou et à Batoum. Le
conseil international sanitaire d'ici a; prescrit hier
des mesures sévères contre les provenances du lit-
toral russe.
L'ambassade d'Angleterre commence à faire en-
tendre à la Porte un langage énergique concernant
les agissements des Turcs contre la Perse. Sur l'or-
dre du sultan, le commandant des troupes à la fron-
tière devra user de tous les moyens conciliants afin
de faciliter la tâche de la commission d'enquête et
de délimitation.
Saint-Pétersbourg, 29 août.
La. question de la navigation du Soungari recevra
prochainement une solution conforme à la règle
d'égalité de traitement établie à Portsmouth. Mais
la Russie n'a pas voulu que cette solution fût impo-
sée par le gouvernement japonais et celui-ci a con-
senti à ce qu'elle émanât de l'initiative russe.
Le gouvernement du tsar va donc se concerter
avec le gouvernement chinois en vue d'établir sur
la navigation du Soungari un règlement permettant
à tous les étrangers d'utiliser cette rivière pour des
opérations commerciales.
lSer*>ice Bavas)
Saint-Pétersbourg, 29 août.
Par ordre impérial sont rayés des registres de la
flotte cinq cuirassés et cinq canonnières comme hors
de service.
Saint-Pétersbourg, 29 août. •
Une bande d'ouvriers révolutionnaires a attaqué le
poste de police et une usine à Jjevsk, province de
yiatka. Un agent a été tué quatre autres, ainsi que
deux passants, ont.été blessés mortellement. La police
a fait feu et a -tué deux révolutionnaires.
Au cours des perquisitions on a découvert 12 bom-
bes et un dépôt de fusils dans le jardin d'une proprié-
té appartenant au prince Cheremetief et située près
de Moscou.
La police poursuit seft recherches.
Béziers, 29 août.
M. Marcelin Albert, en tournée à Montagnac où il a
donné une réunion, a été acclamé par les populations
de Nizas, Fontes, I.ézignan et la Cèbe. Il a déclaré
devant 2.000 viticulteurs qu'il n'abandonnait pas la
lutte et qu'il allait faire une campagne pour fédérer
les départements qui ne le sont pas encore,
Le 13e chasseurs, quittant Béziers pour Valence, a
traversé la gare d'Agde. Des ovations lui ont été faites
par une foule nombreuse, qui se pressait au passage
a niveau pour saluer les troupiers.
Alais, 29 août.
Hier, un détachement de gendarmes de la brigade
d'Alais est parti pour Narbonne; plusieurs hommes
des brigades de l'Ardèclie sont passés à la gare d'Alais,
se rendant à la même destination.
Privas, 29 août.
Un détachement de 25 gendarmes, appartenant aux
brigades de l'Ardèche, vient de partir pour Narbonne,
sous le commandement du capitaine Balizet, de Tour-
non.
Ce détachement doit remplacer une partie des trou-
pes naguère envoyéeB à Narbonne et qui vont réinté-
grer leur garnison.
Grenoble, 29 août.
Au-Villaret, près de la Mure, un certain nombre
d'ouvriers italiens, armés de couteaux, ont attaqué un
contremaître avec qui ils avaient eu une discussion.
Ce contremaître, M. Bianchetti, les a menacés de son
revolver et, comme les Italiens tentaient néanmoins
de le frapper, il a tiré sur eux et un de ses adversaires
a été mortellement blessé.
Alais, 28 août.
Hier, à Anduze, à la suite d'une discussion entre une
ouvrière flleuse et un contremaître, 154 ouvrières
d'une filature, prenant fait et cause pour leur cama-
rade, ont abandonné le travail.
-é»-– r^
L'INQUISITION FISCALE
LE RÉGIME FISCAL DE LA TERRE
On a vu quel vif désir M. Méline exprime de
modifier le régime fiscal actuel de la terre, et
d'employer à la légère les termes de la haine et
de l'exécration mais je te le redis en face,
prési de Fruttnellen tu es un misérable 1 un
vil gredin 1
Le prési se rapprocha d'une enjambée, jeta
un regard sur le corps immobile.
S'il n'est pas mort ce coup-ci, qu'il n'y
revienne pas! murmura-t-il d'une voix étouf-
fée par la rage. Entends-moi bien, femme! La
prochaine fois, il n'en réchappera pas! A toi
de le garder 1
Il se détourna et rentra, la face sombre.
Alors Katherine traîna jusqu'au ruisseau voi-
sin le corps pesant de son fils; trempant son
fichu dans l'eau courante, elle en enveloppa le
front ensanglanté au contact froid, Christen
gémit; voyant qu'il vivait, elle s'assit à côté
de lui dans l'obscurité, attendant que le village e
fût endormi.
Quand tout fut calme et silencieux, elle char-
gea sur son dos le grand corps inanimé et
commença résolument de gravir son calvaire.
Le chemin, heureusement, lui était connu,
car pas une étoile ne brillait au ciel, pas une lu-
mière ne sortait des rares demeures, le long
de la route où la femme passait d'un pas lent,
avec son fardeau. Le vent de la nuit souf-
flait, doux et moite, emplissant les rues du vil-
lage de son haleine mystérieuse, sanglots fur-
tifs qui semblaient pleurer d'avance les mal-
heurs prochains. Droite, sans haleter, Kathe-
rine avançait, aussi calme que si elle eût porté
une charge de bois; des blessures de son fils
s'échappait un filet de sang, lui coulant dans
la nuque.
Comme elle passait devant l'auberge 'du
Bœuf, un rayon de lumière filtrant par la fente
des volets éclaira sa face pâle et sévère; les
traits en étaient calmes, les mâchoires serrées
comme celles d'un bouledogue qui mourra sur
place sans lâcher prise.
Elle atteignit sa chaumière sans avoir ren-
contré âme qui vive. Mais Colomban qui veil-
lait plein d'inquiétude accourut à sa fenêtre dès
qu'il entendit résonner son pas ferme et lourd.
Le malheur est arrivé ? interrogea-t-il,
tremblant.
Oui, répliqua-t-elle.
Ensemble ils transportèrent Christen sur son
lit. Il gémit guand on le toucha: « RosiL, » bal-
l'on a pu se rendre compte de l'accueil favorable
qu'il eût aisément fait aux changements propo-
sés dans le projet d'impôt sur le revenu s'ils
eussent offert-des avantages sérieux à l'agri-
culture. «Je ne puis qu'applaudir aux excel-
lentes intentions du gouvernement et de la
commission de-la Chambre a, déclare M. Mé-
line. L'adhésion de l'ancien ministre de l'agri-
culture n'était pas possible, quant à l'ensemble
du projet; en revanche, elle était acquise d'a-
vance à toute réforme fiscale améliorant effec-
tivement la situation présente. A quelles con-
clusions M. Méline a-t-il donc été conduit?
L'orateur du Thillot distingue trois parties
dans les propositions relatives à la terré une
première tend à opérer la péréquation de l'im-
pôt foncier sur la propriété non bâtie; une
deuxième établit un impôt nouveau sur les bé-
néfices agricoles la dernière annonce et orga-
nise des dégrèvements. Que valent ces propo-
sitions ?
En ce qui touche la péréquation de l'impôt sur
la propriété non bâtie, M. Méline défend la
réforme en ces termes « Elle consiste, dit-il, à
rétablir l'égalité et une proportionnalité exacte
entre tous les contribuables en remaniant l'as-
siette de l'impôt. » La commission de législa-
tion fiscale s'est bien gardée de s'approprier sur
ce point les textes dont elle avait été saisie.
« Elle a estimé, lit-on dans le rapport de M. René
Renoult, que le nouvel impôt sur le revenu de
la propriété foncière non bâtie devait être assis
sur une base aussi exacte que possible et que
l'établissement de cet impôt devait fournir une
occasion favorable et depuis longtemps atten-
due pour mettre à point la situation et l'évalua-
tion, quant au revenu, DES parcelles. Ce ne
sont point encore, assurément, les améliora-
tions si profondes et si souhaitables dont la
ccmmission extraparlementaire du cadastre a
tracé avec tant de netteté le programme. Du
moins, un effort vers plus de justice fiscale est
tenté. ̃̃ ̃̃
M. Méline refuse -de s/y associer. On en -sait
Aajsùs^n. Il s$t. trop évident, ^en effet, a dit
l'oratefir, que les terras qui payent le moins
d'impôt se--vendëfct jé|us cherr à rendement
égal, que celles qui^Snt surchargées. Si donc
on âtigmetîtaitàùjourd'hui l'impôt pour les pre-
mières, c'est absolument comme si on condam-
nait les propriétaires à payer une seconde fois
la différence avec les autres, qu'ils ont déjà
acquittée en capital. » Le sophisme est si criant
qu'on se reprocherait d'insister. Le bénéfice
plus ou moins prolongé que des propriétaires
ont retiré d'une exonération d'impôt ne saurait
dégénérer en un droit quelconque d'exemption
définitive. On ne leur demande pas de payer
une seconde fois on les invite à payer désor-
mais l'impôt dû à l'Etat; rien de plus, rien de
moins.
Aussi parattra-t-il, en principe, malaisé d'ac-
cepter l'idée que M. Méline formule en ces ter-
mes « Il n'y a qu'une manière d'opérer la pé-
réquation de l'impôt foncier, si on veut vrai-
ment que l'opération réussisse et soit acceptée
par l'agriculture c'est de procéder par voie de
dégrèvement et non par voie de surcharge, en
prenant comme base de taxation les contribua-
bles les moins imposés et en ramenant les
autres au même taux. » Les contribuables les
moins imposés? Autant abolir purement et sim-
plement l'impôt foncier.
Le nombre des propriétés qui bénéficient de
taux modérés est considérable. Et ici se place
une observation de M. Méline à laquelle on de-
vra, malgré tout, prêter attention « Dans les
départements mêmes tfui payentplus de 4 pour
cent, il se trouve dans la moyenne une infinité
de propriétaires qui payent moins de 4 pour
cent. Ce serait le cas pour notre département,
qui serait bien déchargé en bloc, mats qui ver-
rait surcharger, les propriétaires les plus inté-
ressants, ceux qui, a la sueur de leur front, ont
conquis sur la lande et sur la forêt ces magni-
fiques prairies, ces superbes champs qui font
leur orgueil. » En vertu même du régime fiscal
de la terre, les initiatives privées se sont vues
stimulées pour la mise en valeur des terrains
incultes. Les constatations officielles du cadas-
tre continuant de faire foi, les richesses créées
par la main de l'homme étaient épargnées par
le fisc. Des situations privilégiées se sont ainsi
constituées. Le nombre en est beaucoup plus
grand qu'on ne l'imagine communément.
M. Méline en tire cette conclusion « On peut
donc considérer que cette première partie du
projet a bien peu de chance d'être acceptée par
le Parlement, parce que son application ferait
plus de mécontents que de satisfaits. La pé-
réquation de l'impôt foncier sur la propriété non
bâtie se heurtera, incontestablement, à de sé-
rieux obstacles. Le succès qu'a obtenu la péré-
quation de l'impôt foncier sur la propriété bâtie
ne doit pas faire illusion les deux opérations
ne sont pas comparables.
C'est l'un des motifs pour lesquels la commis-
sion extraparlementaire du cadastre avait, en
s'occupant durégime fiscal de la terre, mis tous
ses soins à ne point faire œuvre exclusivement
fiscale.
Des rectificationsd'impôtssontde toute justice,
mais le trouble qu'elles menacent de causer ne
saurait laisser indifférent aucun financier digne
de.ce nom. La commission avait senti la néces-
sité de compenser et au delà par des avantages
tangibles les.dommages inséparables de toute
péréquation équitable. Elle s'était attachée à
consolider la propriété. Enregistrant la contl-
guration et les droits de chaque îlot, dégageant
de tout le fatras hypothécaire et detoutl'inconnu
actuels les propriétés, créant des livres fonciers
butia-t-il faiblement; puis de nouveau il per-
dit connaissance. Sans faiblir, calme et silen-
cieuse, Katherine se mit en devoir de laver
ses blessures; à mesure qu'elle en découvrait
de nouvelles, balafrant,meurtrissant la belle tê-
te, les membres athlétiques, sa face se faisait
plus sévère. « Vil gredin! » proféra-t-elle pres-
que à voix basse; son intonation exprimait une
telle haine, un si profond mépris, que le doux
Colomban en demeura atterré.Enfin surmontant
son trouble, il sortit en courant pour aller
chercher Vroni Hofer. Dès que celle-ci arriva,
elle se pencha sur le malade, souleva ses pau-
pières, examina rapidement ses blessures.
Il est en danger, dit-elle en se relevant;
danger de mort, et danger de ne pas recou-
vrer la raison, s'il en réchappe. Peut-être fau-
drait-il aller chercher le médecin de Neudorf.
Le visage de Katherine se contracta, ses
mains se crispèrent sur le bois du lit.
̃ Qu'ai-je besoin d'autre médecin que toi?
fit-elle amèrement. Je ne crois pas aux char-
latans de la ville. D'ailleurs Dieu seul peut
nous sauver. S'il ne nous vient en aide, tout est
fini. Mais puisque je n'ai pas le moyen de le
convoquer ici, fais ce que tu pourras pour mon
garçon, toi.
Colomban, debout au pied du lit, s'était mis à
prier avec une ferveur si grande que son vi-
sage aux yeux clos en paraissait transfiguré.
La rude Katherine elle-même en fut touchée et
fit en sorte de ne pas troubler cette oraison.
Les soins assidus des deux femmes, du bon
Colomban, et qui sait ? peut-être aussi
l'appui de ce médecin suprême entre les mains
de qui le magister croyait voir couler les fils
d'or des destinées humaines, ramenèrent peu
à peu le jeune homme à la santé. Mais il en-
dura de longues, de fastidieuses semaines de
souffrance. D'abord, selon les prévisions de
Vroni, sa raison parut en danger. Il délirait,
criait, écumait, sans rien entendre, rien recon-
naitre autour de soi. La terrible fêlure du crâ-
îîS semblait ne pouvoir guérir. En l'entendant
Katherine serrait ses lèvres minces, grinçait
des dents comme une louve dont on attaque le
louveteau. Un6 rage sans bornes grandissait
en elle. Mais elle île jproférait ni injures, ni
menaces, ni prière.
émancipateurs, elle reléguait en quelque sorte »
au second plan l'idée de fiscalité: la péréqua-
tion de l'impôt devenait une conséquence, au
lieu d'être le but unique. On était en face d'une
vraie réforme, libératrice de la terre, généra-
trice dë'crédit. Le coût de l'entreprise serait
élevé, mais le pays en aurait pour son argent.
En se plaçant sur le terrain de la fiscalité
pure, l'Etat s'expose à des récriminations, à des
critiques, à des difficultés, qu'il aura peine à
surmonter. Nous faisons des vœux pour qu'il en
vienne a bout, mais sans nous dissimuler ni la
gravité des obstacles qu'il aura à surmonter, ni
les imperfections et le caractère incomplet d'une
réforme foncière ainsi comprise.
LES DEUX «INTERNATIONALES»
Depuis hier nous avons une nouvelle «Internatio-
nale ». Ce qui fait l'originalité de la dernière née,
c'est qu'elle est anarchiste. Les anarchistes, on le
voit, prennent avec les principes, et l'étymologie,
des libertés grandes; il est vrai qu'ils se disent aussi
libertaires..
Quoi qu'il en soit,voici les anarchistes qui admet-
tent le principe de l'organisation. Ils seront associés
dans des groupes, qui seront fédérés et reliés entre
eux par un bureau international. Cette constitution,
encore qu'elle permette l'adhésion individuelle et
proclame intangible l'autonomie des groupes et des
individus, diffère assez peu de la constitution socia-
liste.
Il est curieux de constater, cinquante ans après, la
survivance des deux tendances qui se partageaient
l'ancienne Internationale le collectivi&me avec
Marx et l'individualisme avec Bakounine. Les
marxistes avaient vaincu les anarchistes par l'orga-
nisation. La leçon des faits a profité à ceux-ci à
leur tour, ils recourent à l'association.
̃ Cette évolution n'est d'ailleurs pas absolument
nouvelle. En France d'abord et à l'étranger ensuite,
les anarchistes admettent, depuis plus de dix ans,
la principe de l'organisation « économique »,
c'ëat-à-diré- syndicale. Les socialistes français,
absorbés parleur» intrigues politiques et parlemen-
taires, n'ont pas. prêté grande attention à cette évo-
lution des anarchistes. Us les ont laissés s'introduire
dans les syndicats et y préconiser l'action directe
qui, chez les compagnons organisés, remplace la
propagande par le fait. Dédaignés des socialistes,
les anarchistes n'ont pas tardé à s'emparer du mou-
vement syndical en France. Ils sont aujourd'hui, et
depuis longtemps déjà, les maîtres de la confédéra-
tion du travail, et Bakounine rirait bien s'il voyait
les marxistes français marcher à la remorque de ses
disciples.
Quels seront les rapports des deux Internatio-
nales? Il est permis de croire qu'ils manqueront de
cordialité, car l'Internationale socialiste a toujours
brutalement écarté de ses congrès les citoyens qui
ne reconnaissent pas la nécessité de la conquête des
pouvoirs publics. Elle a de plus, au congrès de
Stuttgart, condamné nettement la politique de la
confédération du travail et infligé sur ce point une
défaite aux socialistes français, qui l'admettent parce
qu'ils la craignent. Ceux-ci,' sous l'influence de M.
Hervé et la poussée de la confédération du tra-
vail, s'écartent do plus en plus des concep-
tions et de la tactique spécifiquement socia-
listes. Les résolutions votées jusqu'à ce jour au
congrès anarchiste montrent au contraire quelles
pensées communes rapprochent' les jaurésistes
nous ne disons pas les guesdistes, qui ont succombé
sous le nombre, mais sont restés fermement attachés
aux principes et les anarchistes. Ils professent la
menupTjpinron sur le patriotisme, ou plutôt l'antipa-
triotisme, et la nécessité de l'action directe. Ils sont
faits pour s'entendre et nous ne doutons pas que
MM. Hervé, Jaurès et leurs amis n'apportent pro-
chainement leur adhésion à la nouvelle Internatio-
nale.
Une question se pose pourtant à propos de cette
adhésion que la logique commande: l'Internationale
anarchiste admettra-t-elle des députés dans son
sein?
Ses sentiments libertaires sembleraient la vouer
à l'obligation de la porte ouverte; mais accueilir
l'homme, c'est admettre le principe qu'il représente,
et quelle sera l'originalité des anarchistes si à peine
constitués en un parti, ils deviennent des « politi-
cien «comme les autres? Voilà assurément les in-
convénients du système de l'organisation. Pour
l'avoir emprunté, avant peu les anarchistes devront
prononcer des sentences d'exclusion, comme des
bourgeois ou de simples socialistes.
Mais en somme, les députés jauréristes ne sollici-
teront peut-être pas leur inscription à l'Internatio-
nale anarchiste, ou bien ils donneront préalable-
ment leur démission. M. Jaurès n'est-il pas, comme
dit M. Hervé, « très courageux? »
̃; -♦
LES AFFAIRES DU MAROC
A Casablanca
(Dépêche de notre coi-fespondant particulier)
Casablanca, 27 août (viâ Tanger, 28 août).
Dans une reconnaissance faite par des gpumiers,
on a fait prisonnier un certain nombre d'indigènes
d'un- douar voisin. Ceux-ci n'ont, d'ailleurs, opposé
aucune résistance. L'audace des tribus diminue visi-
blement et commence à faire place à une terreur
salutaire. Ce revirement s'est produit à la strtte-ds
renseignements colpoités par des maraudeurs qui
s'approchent du camp du général Drude et suivant
lesquels celui-ci préparerait une marche en avant.
Hier soir ont débarqué 125 artilleurs du 13* régi-
ment avec bagages et munitions. On attend le 2* ba-
taillon de la légion étrangère.
Les goumiers ont fait aujourd'hui une seconde re-
L'automne passa; puis ce fut l'hiver.
Déjà les arbres penchaient, alourdis par la
neige, le givre craquait sous le pied, les cimes
aiguës de la montagne se profilaient blanches,
solennelles et glacées sur un ciel d'un bleu
froid. Tout se taisait au dehors; le grand som-
meil de la nature était commencé.
Katherine était, comme de coutume, assise au
chevet de son fils.
Tout à coup le jeune homme ouvrit les yeux,
fixa sur le plafond un regard clair et pensif.
Sur sa face émaciée la physionomie antérieure
reparut soudain, se plaqua comme un masque.
11 ne prononça pas une parole et Katherine de-
meura également silencieuse.
Au bout de quelques instants ses paupières
se refermèrent il s'endormit paisiblement
pour ne se réveiller que le lendemain.
En entrant chez lui au matin, Katherine le
trouva assis sur son lit. D'un geste ferme il
tapait son oreiller recouvert d'une housso de
toile à fleurettes bleues
Combien de temps y a-tol, mère? deman-
da-t-il froidement, comme continuant une con-
versation commencée.
Six semaines, répliqua Katherine avec un
calme égal. ,_i. -•̃.̃ *.<̃
II tressaillit. v _̃.
>– Donne-moi la feuille officielle! Vite! fit-
il, impérieux.
Quoi! maintenant que tu ne peux même
tenir debout?. Attends. Tout vient à point à,
qui sait attendre.
Il garda quelques instants le silence. <
i– Les bans sont-ils publiés? reprit-il.
Il y a longtemps! répliqua brusquement
Katherine, craignant d'autres questions.
Sont-ils mariés? fit Christen, haussant le
ton.
La mère se fâcha. _ri .v-i-j.v.
Attends d'être sur pied et tu iras récol-
ter les nouvelles au village, dit-elle rudement.
Rosi a-t-elle été forcée d'épouser l'Amé-
ricain ? répéta Christen, livide et les yeux flam-
boyants.
Katherine ne put refuser plus longtemps
de répondre
Oui. Ils sont mariés depuis quatre se-
maines, fit-elle avec fermeté.
connaissance. Ils ont rapporté du bétail et deux i
prisonniers. Ces goumiers sont très utiles. Ils peu- i
vent facilement se mêler aux Kabyles dont ils con-
naissent la langue et les mœurs. Quand ils enlèvent
leurs burnous rouges, il est impossible de les dis-
tinguer des Marocains.
Les reconnaissances
Une reconnaissance militaire a eu lieu avant-
hier. Elle était composée d'un escadron de spr his,
commandé par le capitaine Caud, et de goumiers,
commandés par le capitaine Beriot; elle s'est dirigée
vers le sud-ouest pour couper la route aux carava-
nes signalées depuis quelques jours et qui, partant
de l'ouest à une quinzaine de kilomètres au sud de
la ville, prenaient la direction de l'intérieur.
A deux heures nos cavaliers arrivèrent en vue
de Sidi-Abderrahman et de Dar-ould-Jemel (Voir
la carte publiée dans le numéro du 28 août). Les of-
ficiers constatèrent la présence de forces ennemies
et envoyèrent un rapport au général Drude.
Celui-ci mit en route trois compagnies de. tirail-
leurs et de la légion étrangère avec une demi-batte-
rie de 75, qui prirent rapidement position à 3 kilo-
mètres, couvrant la marche d'approche de l'infante-
rie et inondant le village de projectiles. L'infanterie
se déploya bientôt.
Les Marocains ouvrirent un feu nourri, tandis que
la population du village, affolée, s'enfuyait derrière
les dunes situées à l'extrémité sud de la plage.
Peu après, l'ennemi abandonnait le territoire du
village et deux douars voisins étaient razziés, puis
le feu de l'artillérie les incendiait. Les goumiers
étaient enchantés de leur première sortie. Ils ont
ramené au camp un mulet et huit bourriquots. Il
n'y a aucune perte du côté français. Un spahi seul
a été frappé d'insolation. Il a été ramené par un
convoi.
Le 27 au matin, à. dix heures, les avant-postes
signalaient un groupe d'une soixantaine de cava-
liers marocains marchant en éclaireurs. Le général
Drude fit aussitôt constituer une forte reconnais-
sance.
La santé des troupes est excellente. On prend de
grandes mesures d'hygiène, do tempérance. Les al-
cools, notamment, sont sévèrement interdits. Le
moral est non moins bon et la conduite et l'entrain
sont exemplaires.
Nouvelles de Tanger
tDépêckede notre correspondant particulierl
Tanger, 88_ août.
Le bruit court" que Bouchta Bagdadiv chef do la
colonne qui opère contre là tribu des Khmès, aurait
subi un échec. Après celui d'El M'rani, qui a été
refoulé par la même tribu vers El-Ksar, cela conso-
liderait la situation de Raissouli. Il est d'ailleurs à
présumer qu'en apprenant les événements de Mara-
kech, les deux mahalla? vont s'abstenir de toute
nouvelle opération. On jugera plus prudent d'atten-
dre les résultats de la lutte entre les deux sultans.
La situation de Mac Lean est de plus en plus cri-
tique. On n'a aucuno nouvelle de lui depuis douze
jours. J'apprends que son frère Allan Mac Leàn,
ancien consul d'Angleterre à Casablanca, serait en-
tré en relations directes avec Raissouli dans le but
de le délivrer.
La question de la sécurité publique à Tanger con-
tinue à préoccuper l'opinion. A la suite du mauvais
esprit que les autorités marocaines ont constaté
chez les soldats, El Guebbas en a licencié un certain
nombre et a envoyé les autres renforcer les colonnes
qui opèrent contre les Khmès. Il est question de los
remplacer par une milice provisoire composée de
citadins indigènes ayant ici leurs familles et par
conséquent intéressés au maintien de l'ordre. Les
notables de la ville désigneront les hommes de leurs
quartiers respectifs aptes au service et se porteront
garants de leur bonne conduite.
A Fez
(Dépêche de notre correspondait particulier)
Tanger, 28 août, midi.
Les dernières lettres de Fez sont datées du 25 au
soir. Elles disent que la nouvelle de la proclamation
do Moulai Hafid à Marakech était déjà connue à la
cour chéritienne, mais qu'elle n'avait pas encore
transpiré dans la population. Abd el Aziz en appre-
nant Ia nouvelle serait entré dans une violente co-
lère, puis aurait décidé de partir pour Rabat. Ce
départ aurait lieu dans quinze jours.
(Service Bavas)
Tanger, 28 août, 7 h. 45 soir.
Des nouvelles do Fez apportées à Tanger par trois
cavaliers envoyés par le sultan disent que la situa-
tion est très grave à Fez. Selon certaines rumeurs
qui ne sont ni confirmées ni démenties par les auto-
rités chériflennes, le sultan serait assiégé dans son
palais.
Le sultan a ordonné à El Guebbas de lui envoyer
en toute hâte les troupes des deux Tabars, ceux du
caïd El Moumin et du caïd Tleb' Mediouni, soit en-
viron 800 hommes. Mais ces Tabars font partie de
la mahalla d'El M'rani que de nouveaux échecs dans
ses opérations ont dispersée. Seuls restent à Aïn-
Dalia, à 15 kilomètres de Tanger, 300 hommes qui
vont se joindre aux débris de la troupe d'El M'rani
et gagner Fez.
Lorsqu'il a écrit à El Guebbas, le sultan ignorait
la dispersion de la mahalla d'El M'rani.
La situation à Mazagan
{Dépêche de notre correspondant particulier)
Mazagan, 27 août (via Tanger, 28 août).
En raison de sa proximité de Marakech, de l'agi-
tation des tribus environnantes et du fait qu'elle a
été la première ville du littoral à proclamer Moulai
Hafld, Mazagan est actuellement un centre d'infor-
mations du plus haut intérêt.
Le fils du caïd Driss ben Aïch, caïd-el-mechouar
de la cour de Fez, est arrivé hier avec une suite
nombreuse. Il a pour mission de saluer de la part
du sultan le chénf Ma el Aïnin et de l'escorter jus-
qu'à Fez. Cette mission n'est pas facile, car bien que
les derniers renseignements signalent la présence
de ce chérif dans les environs de Mazagan il est in-
trouvable. Le gouverneur lui a dépêché des émis-
saires dans toutes les directions pour le prier de ne
pas s'approcher de la ville. Ils sont rentrés sans
trouver trace de son passage dans la région.
Je vous ai annoncé hier la notification officielle de
son avènement au trône faite par Moulaï Hafid au
caïd de Mazagan. Cette notification est assez belli-
queuse c'est un vrai réquisitoire contre la conduite
Christen se tut. Il se recoucha et demeura im-
mobile et muet, ruminant ses pensées.
Quelques jours plus tard, complètement re-
mis, il descendait et s'asseyait en face de sa
mère pour le frugal repas du matin.
Mère, demanda-t-il sans préambule, ac-
ceptant la tasse de lait de chèvre qu'elle lui
tendait, avez-vous toujours envie de partir
d'ici?
r– Suis-je femme à changer d'avis tous les
jours? fit-elle, le cœur sautant de joie. Plus
que jamais je te dis il faut partir d'ici, de-
venir savant, devenir riche.
Et revenir! fit-il d'une voix sourde.
Il posa sa tasse si brusquement que le lait
rejaillit, éclaboussant la table.
J'ai fait mon plan! Nous partirons aus-
sitôt que faire se pourra, dit-il, ,<.
~f;
A partir de ce jour les forces de Christen
revinrent comme par miracle. Son corps avait
repris toute sa vigueur, il semblait grandi; sur
son visage aux traits affinés par la maladie,
dans ses yeux sombres et profonds se lisait
une résolution indomptable. Bientôt il se mit
à l'œuvre pour confectionner les caisses des-
tinées à emballer leur rustique mobilier.
Dans le village le bruit se répandit que « ce
vaurien de Christen » était ressuscité. « Mau-
vaise herbe ne meurt pas », prononcèrent les
gros bonnets du village avec des airs pro-
fonds.
Et la haine assoupie durant les longues se-
maines de maladie se réveilla tout à coup.
Les gars du village guettaient l'occasion de
tomber sur Christen; il s'aperçut que sa chau-
mière était surveillée la nuit. Mais il sut maî-
triser les révoltes de son orgueil et ne four-
nit à ses ennemis aucune occasion de l'atta-
quer.
jour on vit l'huissier ivrogne monter en
titubant la pente du Strahlegg. Arrivé à la
chaumière il poussa brutalement la porte du
pied et fit irruption dans la salle sans frapper.
Une odeur d'alcool remplit aussitôt la petite
pièce; et Katherine, de son air hautain, se hâ-
ta d'ouvrir la fenêtre toute grande
Il faut de l'air là oh lu ^nireg, flt^U*^
dédaigneusement,
lu makhzen. Moulai Hafid insiste surtout sur les
fautes qui ont entraîné l'occupation d'Oujda, l'inac-
tion du makhzcn après cette occupation et son im-
mobilité à Fez aiors que tout lui indiquait le devoir
de se rendre dans le sud. Toutes ces fautes accumu-
lées, dit ce document, ont amené l'occupation par
les étrangers du port le plus' important de la côte
marocaine.
Les notables indigènes que j'ai vus estiment ce-
pendant qu'il ne faut pas attacher d'importance à la
note xénophobe donnee par cette lettre ;̃ ils croient
que Moulai Hafid n'a nullement l'intention de pren-
dre la tête du mouvement antifrançais, mais qu'é-
tant donné les circonstances dans lesquelles il a été
proclamé, il se croit obligé de flatter légèrement les
sentiments actuels des tribus.
On apprend que les Oulad-Freda, tribu voisine d6
Mazagan ont envoyé un contingent de 800 cava-
liers prêter main-forte aux Chaouias. C'est cette
tribu qui avait inquiété le plus la population de Ma-
zagan pendant les derniers troubles.
La ville est maintenant presque désertée. On éva-
lue à plus de 6,000 le elilfire des habitants euro-
péens, israélites et musulmans qui se sont réfugiés
ailleurs. Les rares Européens restés ici font le plus
grand éloge de notre consul. Son attitude calme é
énergique pendant les dures journées du 5 au 9 août
a évité de vrais malheurs. Débordées par les tribut
qui cernaient Mazagan, les autorités marocaines
avaient complètement perdu la tête. Le consul dé
France, sans se soucier du danger qu'il courait en.
circulant au milieu d'une foule hostile, sut les tenit
en haleine tantôt en leur suggérant des démarche*
opportunes, tantôt en leur rappelant qu'elles répon-
daient sur leur tête du maintien de l'ordre. Ainsi, à
force de diplomatie, de palabres sans fin et même
de quelque argent judicieusement distribué, les au-
torités marocaines obtenaient après quatre jours
d'angoisses continuelles le retrait des tribus vers
l'intérieur.
Depuis lors un calme relatif règne ici, mais la si-
tuation est encore incertaine et aléatoire. J'apprends
à l'instant même que les porteurs de la lettre de
Moulai Hafid étaient accompagnés de 600 cavaliers
des tribus des Oulad-Freda qui sont rostés à une
certaine distance de la ville. Si la population de Ma-
zagan n'avait pas acclamé le nouveau sultan, il»
étaient décidés à se ruer sur la ville.
A: Mogador
̃ Le vapeur Ânalolie a apporté des ̃nouvelles de
Mogàdor.
Ould Amflous, caïd d'une tribu avoisinant Moga-
dora a envoyé une lettre où il dit qu'il sera respon-
sable du maintien de l'ordre et de la loi dans l'avenir,
pourvu que les Marocains gardent l'autorité et que
les étrangers n'entrent pas dans la place.
Les juifs arabes sont obligés de se confiner dans
leur quartier propre, appelé « mellah ». L'an dernier,
Amflous fit des incursions à Mogador et trouvant
140 juifs installéa, en dépit de la loi, dans la « mé-
dina », ou quartier mauresque de la ville, il les
chassa tous.
Ould Amflous est capable d'exercer une influence
décisive sur le cours des événements. On le dit par-
tisan de Moulai Hafid. Pour le moment, il impose
des taxes sur toutes les caravanes entrant à Moga-
dor, et garde l'argent.
L'Allemagne et la question marocaine
(Dépêche de notre correspondant pariuuiterl
Berlin, 29 août..
Une note officieuse de'la Suddeutsche Reichsi
/correspondent déclare
« II va sans dire que le prince de Bülow et M<
Cambon n'auraient pu écarter l'affaire du Maroc dl
leur entretien prolongé et détaillé à Norderney.
Mais il no devait pas y être question de conces-
sions à faire par l'Allemagne à la France au Maroc.
M. Cambon n'a pas demandé qu'on fît de nouvelles
concessions, et rien ne l'engageait à en parler; cap,
la France n'a pas besoin, pour l'exécution de la po-
litique qui a été définie h Paris, Londres, Madrid
et Tanger, ainsi qu'à Swinemûnde, Wilhelmshœhe,
Tschl, Marienbad, et maintenant à Norderney, d'au- -.̃
tre appui que celui que nous lui donnons actuelle-
ment en lui laissant, par confraternité européenne,
sa liberté d'action. Cette politique ne veut rien sa-
voir ni d'une guerre, ni de conquêtes, ni d'une sou-
veraineté exclusive de la France au Maroc. Elle
veut qu'en travaillant pour ses buts propres, la;
France fasse preuve du respect des droits et des
intérêts des autres puissances. On peut donc espé-
rer que les questions de l'Afrique du nord n'exer-
ceront plus dorénavant un effet de désunion sur les,
relations franco-allemandes, mais qu'elles auront
au contraire une influence conciliatrice et unis-
sante. Cette conviction a reçu un nouvel appui pac
l'entretien de Norderney. »
Mouvements de bateaux
Le Shamrock, qui est arrivé à Casablanca le'
26 août, a débarqué une batterie d'artillerie.
Hier après-midi, le transport Nive, venant de
Casablanca, est arrivé à Oran, ayant à bord quatre
blessés et douze malades.
A la demande du général Drude, la Nive assurer^
le prochain convoi de ravitaillement et embarquera
vraisemblablement de nouveaux effectifs.
Nouvelles diverses --<.
La Charlotte, navire-école des cadets de la ma-
rine allemande, arrivée le 26 août à Cadix, partira
le 5 septembre pour Tanger.
Par décision ministérielle, le médecin-major d«~
1" classe Weiss, du 156' d'infanterie; les médecins
aides-majors de i" classe Périé, du 25* d'artillerie,
de Gaulejac, du 27' d'infanterie, et Eybert, du 42'
d'infanterie; les médecins aides-majors de 2' classe,
Delater, de l'hôpital militaire Saint-Martin, à Pa-
ris, Antoine, du 153" d'infanterie, et Salètes, du
116" d'infanterie, passent aux hôpitaux militaire*
de la division d'Oran.
NOUVELLES DE L'ÉTRANGER
.i^y»
La conférence de la Haye
Notre correspondant de la Haye nous écrit le 28 août:
La troisième commission s'est réunie aujour-
d'hui, à deux heures et demie, sous la présidence
du comte Tornielli, pour trancher la question de
compétence sur la réglementation du droit des
neutres de poser des mines dans leurs eaux terri*
L'ivrogne affecta de ne pas l'entendre.
Hé! toi! là-bas! voici un poulet à ton
adresse. fit-il, tendant une feuille do papier
timbré à Christen, assis auprès du poêle.
Celui-ci se leva, prit le papier et se rassit
sans mot dire.
L'huissier demeura surpris
̃ Est-ce que vous attendez la réponse? in-i
terrogea froidement Christen, voyant qu'il n€
faisait pas mine de s'en aller.
L'ivrogne grommela un juron, et sans ré-»
pondre autrement, sortit en claquant la porte,:
Christen, debout près de la fenêtre, lisait le
papier, qui portait le sceau du gouvernement,
Bientôt sa main retomba et il demeura im-<
mobile, les yeux fixés au dehors. Enfin il se
tourna vers sa mère qui le regardait avec
anxiété.
Je suis expulsé. dit-il. On m'expulse du
canton, pour. (il consulta le papier) pour
« violences répétées, menaces à mes conci-
toyens, violation du foyer familial. » et Dieu
sait quoi encore!
Katherine lui arracha le papier, des mains.
__Quoi?. quoi?. fit-elle, la voix rauque,
Deux taches rouges se plaquèrent vivement
sur ses joues pâles
T'expulserL. toi! alors que ce serait a
nous de porter plainte! Il n'y a donc plus
de justice au monde?. Grand saint Joseph!
ce seront toujours les riches qui auront raison
contre les pauvres gens, ici-bas.
C'est ce qui prouve qu'il faut devenic
riche, dit Christen avec calme.
Katherine le regarda, effarée; elle ne recon-.
naissait plus son fils.
Où prends-tu cette patience, toi si vif, si
emporté?. demanda-t-elle, pensant involon*
tairement tout haut.
Il eut un sourire sombre
A quoi servirait de me mettre en colère ?.<
D'ailleurs nous devions partir en tout état de
cause.
Il déchira tranquillement l'acte officiel e«
quatre morceaux qu'il jeta dans le poêle.
A nos paquets! dit-il. A l'ouvrage, mère.1
Nous avons déjà perdu trop de temps,
•E. Zahn.
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