Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-08-28
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34431794k
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 137484 Nombre total de vues : 137484
Description : 28 août 1907 28 août 1907
Description : 1907/08/28 (Numéro 16866). 1907/08/28 (Numéro 16866).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : France-Japon Collection numérique : France-Japon
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k239098q
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
WERCKEDT28 ÂOUT/'IGOT
On sconse eux fiiipéànx du JtilMI, 5, BOULEVARD DES ITALIENS, Â PARIS (2*), et tfattS lotis les frfffeM* fle Poste
|)UAMnTe-SEPTIÉME ANNEE. N° 1686ft;
PRIX DE L'ABONNEMENT
MMB, 8HHE et 8EINK-ET-OISE. Trois moi», 14 fr.; Six moi», US fr.J Uaw, BS fr.
BÈPAET1» et A1SACE-L0ÏÏ41HK. 17 fr.; 34 6.; 6S fr.
mnoK postale îsfr.; 36 fr.; 72k,
LES ABONNEMENTS DATEHT DES 1" ET 16 DB CHAQUE mois
Un numéro (départements) SO centimes
PRIX DE L'ABONNEMENT
FARIS, SHHEet SEIHE-ET-OISE. Treù mois, 14 fr.J Six mois, 28 fr.J Bu m, S© fr.
BÉPA&T'»8tAlSA0E-I.0REAliœ • 17 fr.,1 34 fr.; ©S fr.
UHIONPOSTALE » 18 fr. SS 6.J 73 fr.
LES ABOHKEMENTS DATENT DES i" ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (à F>arïs) 1^ centime»
.Directeur politique Adrien Hébraxd
Toutes les lettres destinées à la Rédaction doivent être adressées au Directeur
Le Journal ne pouvant répondre des manuscrits communiqués
prie les auteurs d'en garder copie
•> Adresse télégraphique TEMPS PARIS
ANNONCES MM. Lagrànge, Cerf et ÇF, 8, place de la Bourse
Le Journal et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant à leur teneur
TÉLÉPHONE, S LIGNES:
N« 103.07 103.08 103.09 103.32 103.33
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
M. JULES CAMBON A NORDEHNEY
La visite faite .'par notre ambassadeur au
chancelier de l'empire allemand dans sa rési-
dence d'été a pris un caractère tout particulier.
Elle n'est en soi que très naturelle, mais elle
emprunte aux rapports antérieurs des hommes
d'Etat des deux pays et aux circonstances qui
l'ont immédiatement précédée une signification
spéciale. C'est probablement pourquoi, con-
trairement aux coutumes, elle a' donné lieu à
des communiqués officieux. On n'a -pas ou-
blié qu'au cours de la récente crise, nous eûmes
à déplorer là situation un peu effacée à la-
quelle paraissait résigné notre représentant à
^Berlin. Les conversations diplomatiques arran-
gent bien des choses! Or, on ne causait pas
à Berlin. M. Jules Cambon, désireux de tra-
vailler efficacement à l'amélioration des rap-
ports des deux pays, s'appliqua à mettre plus
de cordialité dans les relations officielles. La
façon aimable dont il. a été reçu à Norderney
prouve que l'on a fait des efforts semblables
du côté allemand et qu'une détente sensible
s'est produite simultanément entre les hommes
d'Etat et entre les peuples. En outre, ve-
nant après les récentes entrevues qui ont
toutes, d'après les comptes rendus officieux,
contribué au maintien de la paix, la visite de
Norderney, au cours de laquelle on constata,
d'après l&Gazctte de Cologne, « que les relations
franco-allemandes ne donnaient lieu à aucune
inquiétude et que l'espoir de leur développe-
ment amical paraissait justifié », constitue un
nouveau et sérieux gage d-é paix générale.
On a toujours souhaité en France entretenir
avec l'Allemagne des relations courtoises et
franches. Ceux-là .mêmes qui restent le plus
attachés à des souvenirs cruels et ù de chères
sora5mni'Q= "V",1?* «^5 wh ciu'il était né.p.fissaïjv»
de pratiquer a regard de nos voisins une politi-
que hargneuse et défiante. Il existe des deux côtés
de la frontière des sentiments qu'on ne conci-
liera jamais, qui sont infiniment respectables
et qui ne s'effaceront pas. Mais ils laissent place
a des arrangements sur bien des questions ma-
térielles et ils n'engendrent pas fatàlement des
relations discourtoises. Nous avons toujours
désiré vivre en bons termes avec l'Allemagne,
résoudre à l'amiable avec elle des questions
d'intérêt. L'importance que les notes officieuses
allemandes attachent à la visite de Norderney
et le contentement exprimé par les journaux
d'outre-Rhin devant cette manifestation non
équivoque de la détente, donnent à penser que
l'on souhaite également là-bas une explication
loyale, et, si possible une entente sur
certaines questions politiques et économiques.
Mais l'opinion publique allemande fait preuve
d'une sage et prudente réserve. Nous n'en
sommes encore qu'à la détente, dit-elle. L'en-
tente est l'œuvre de l'avenir. Nous sommes
d'autant plus enclins à partager ces sentiments
et nous comprenons d'autant mieux cette pa-
tience que maintes fois le désir d'un accord
nous fut exprimé, sans que nous l'ayons vu se
manifester d'une façon positive. « Nous vous
aiderons au Maroc et ailleurs », nous disait
le prince- de Bülow, peu de temps avant
la conférence d'Algésiras. Il est impossible de
ne pas se rappeler ces promesses non réali-
sées au moment où l'on nous en fait de nou-
velles. Mais nous souhaitons très vivement que
les temps soient changés. Nous espérons que
lorsque l'on abordera les discussions précises,
une égale bonne volonté, un égal désir de
conciliation loyale conduiront les pourparlers
vers un arrangement conforme aux intérêts des
deux peuples. On aperçoit sans difficulté les
sujets des conversations qui peuvent s'enga-
ger officiellement entre les deux pays. On con-
nait d'une façon générale les questions politi-
ques, économiques et financières sur lesquelles
un accord est désirable. Rien ne montre qu'il
soit impossible. Un grand pas est fait d'ores
et déjà dans la voie de l'amélioration de nos
rapports avec l'Allemagne l'opinion française
s'en réjouit; elle apprendra avec plaisir qu'il
Est suivi de quelques autres.
«$̃»
DÉPÊCHES TELEGRAPHIQUES
Î>ES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Berlin, 27 août.
Une communication officielle du gouverneur de
la colonie du Cap confirme que Morenga se trouve
sur territoire anglais, près 'de Bakriviermund.
Toute la police à cheval anglaise disponible a été
dirigée de ce côté. Le ministère du Cap a agréé la
demande du gouverneur von Lindequist qu'un offi-
cier d'état-major allemand fût délégué à Câpetown
pour communiquer les désirs et les projets du com-
mandant des troupes au ministère et au comman-
dant de la police, et que cet officier fût ensuite atta-
che à l'officier de police qui commande le district
de Gordonia pour établir les communications entre
les forces anglaises et allemandes. C'est le capitaine
von Hagen qui est destiné à cette mission.
.F1E~J g~L 1ET O~t DU ~CUtpjS
DU 28 AOUT 1907 (7)
CHRISTEN RUSSI
mi
Le fermier s'en fut droit à la salle commune,
où la ménagère, debout à sa place, emplissait
déjà les écuelles de soupe ,fumante. Valets et
servantes attendaient avec une impatience vi-
sible que l'entrée du maître leur permît de
a'asseoir et de commencer leur repas. Furrer
prit le haut bout de la table, le dos à la fe-
nêtre, et chacun aussitôt s'assit.
Parmi la longue file des serviteurs se trou-
vait un homme d'une trentaine d'années, pa-
rent du fermier, et que tout le monde nommait
« l'Américain », par la raison que son père
avait émigré jadis aux Etats-Unis, où lui-même
passa plusieurs années. Carl Furrer, ou plu-
tôt Tcharlèze, ainsi que prononçaient les villa-
geois, se flattant de dire son nom à l'anglaise,
Tcharlèze revint un beau jour de l'Amé-
rique, où il crevait la faim, et Félix Furrer le
prit à son service. Ni très intelligent, ni très
robuste, Tcharlèze n'avait pas encore réussi, à
son âge, à mettre un sou de côté; mais il ser-
vait fidèlement et honnêtement son terrible
cousin. C'était un garçon long, mince, un peu
yoûté, avec une jolie figure efféminée. Ses che-
iveux bruns, sa barbe abondante et douce on-
dulaient naturellement ses joues creuses s'a-
nimaient de couleurs presque trop brillantes.
,Tous les traits de son visage étaient réguliers
et agréables, et pourtant cette figure semblait
complètement dénuée de vie ou d'expression,
ci ce n'est celle d'une douceur, d'une résigna-
tion moutonnière. Tranquille, méticuleux, il
faisait bien son ouvrage, vivait sa vie avec la
satisfaction placide de l'homme médiocre qui
ne demande rien à l'existence que de bons re-
pas, un travail modéré et un gîte sûr.
ReDrouuflioa interdite. .1
Les éclaireurs et les Hottentots anglais annoncent
que Morris s'est réuni le 20 août à Morenga.
Constantinople, 27 août.
L'idcc d'envoyer une mission turque au jubilé du
prince de Bulgarie, dont l'examen avait été ajourné
jusqu'à présent pour raison d'étiquette, semble être
abandonnée.
On se proposerait, à Yildiz-Kioslç, de procéder à
un changement dans les vizirats et on dit qu'on au-
rait offert un poste au. ministre des affaires étran-
gères Tevfik, lequel aurait refusé.
QUESTIONS RELIGIEUSES ET JUGES CIVILS
II y a un an que Pie X lançait la fameuse
encyclique par laquelle était définitivement re-
jeté tout accommodement avec la loi de sépa-
ration. Les associations cultuelles étaient dé-
clarées contraires à la « divine constitution de
l'Eglise ». Les accepter, accepter qu'une juri-
diction profane Conseil d'État ou tribunaux
de l'ordre judiciaire eût le droit de s'im'mis-
cer dans une question soit de dogme, soit de
discipline ecclésiastique, c'eût été, disait-on,
une abdication pour la papauté, et cette abdi-
cation, il lui était moralement impossible d'y
souscrire. Vainement, les esprits les plus modé-
rés, les moins suspects, de, sectarisme, tentè-
rent de remontrer au Saint-Siège qu'il y
avait les meilleures raisons du monde
pour ne pas prendre ainsi les choses
au tragique. La possibilité de trouver en-
tre le pouvoir civil et le' pouvoir religieux
un accord profitable à tous deux fut, avec une
patience inlassable, mise en lumière.
Le ministre des cultes lui-même, avec un
courage qui n'était pas sans mérite, ne perdait
pas une occasion, la loi en main, de tirer.de
son texte les' conclusions lès plus rassurantes
pour la conscience des catholiques orthodoxes
Y^pîncï -rs^l" i*.<.«via a** rii-a.ru* Anne rati .inipan*.
sigeance. Et l'on sait ce qui est advenu.
Les conseillers néfastes à qui le Saint-Siège"
prêta alors une oreille trop complaisante peu-
vent aujourd'hui contempler leur œuvre. Il est
douteux que dans leur for intérieur, ils en:
soient très fiers.
Grâce à eux, l'Eglise de France est aux prises
avec les plus redoutables difficultés financières,
et nulle part la mise en œuvre de la séparation
ne semble émouvoir l'opinion, dont le gouver-
nement d'ailleurs, par sa politique large et to-
lérante, a eu la sagesse de ne pas contrarier les
habitudes cultuelles. L'agitation religieuse, que
les « habiles » comptaient faire servir surtout à
leurs desseins politiques, ne s'est pas produite.
Et les quelques bagarres que les inventaires et
autres mesures d'exécution ont suscitées de-ci
de-là, n'ont cu d'autre résultat que de mieux
faire ressortir le calme profond du reste du
pays. C'est là une cruelle leçon de choses dont
il serait à souhaiter que Rome tirât profit pour
l'avenir, si les yeux n'y sont pas obstinément
fermés à l'évidence.
Il ne se passe guère de jour, au surplus, oh
les critiques dirigées contre la loi de séparation
sur des points importants ne soient démenties
par les événements. Nous avons ici même si-
gnalé divers arrêts du Conseil d'Etat établis-
sant avec quelle largeur de vues cette haute ju-
ridiction interprétait, le cas échéant, les dispo-
sitions légales en matière de séparation. Sur la
question de l'éligibilité des ecclésiastiques aux
conseils municipaux, comme sur celle des obli-
gations militaires incombant aux élèves des
séminaires, par exemple, le Conseil d'Etat a
fait de la loi, dans les espèces qui lui ont été
soumises, l'application la plus éloignée du sec-
tarisme auquel on affectait, dans les milieux
cléricaux, de le considérer comme inféodé. Qui
oserait soutenir aujourd'hui qu'il n'eût pas ap-
porté dans la recherche de la solution, si d'au-
tres problèmes d'ordre encore plus délicat eus-
sent été posés devant lui, le même esprit supé-
rieur, dégagé de toute passion ?
De même, les tribunaux civils, dans leur en-
semble. Est-ce qu'ils méritaient la suspicion que
les fauteurs de troubles religieux faisaient pla-
ner sur eux ? C'est avec une parfaite égalité
d'âme qu'ils rappellent, toutes les fois que la
cause le comporte, les anticléricaux systéma-
tiques au respect des textes légaux qu'ils s'ef-
forcent de dénaturer pour la satisfaction de
leurs haines.
Avant-hier, c'était, le tribunal de Clamecy,
hier, le juge des référés du tribunal de Mont-
médy, qui, devant des municipalités tracassiè-
res, organisant ou favorisant dans leurs com-
munes le culte schismatique, maintenaient en
possession de l'église locale le prêtre catholique
orthodoxe que l'on avait voulu déposséder. Ils
ont avec fermeté,, avec impassibilité, appliqué
la loi de 1907, sans se soucier de savoir si. leur
conduite n'allait pas être le point de départ
d'accusations forcenées de cléricalisme et de
réaction 1 Ce spectacle est réconfortant pour les
esprits libéraux, qui y voient la justification dé
leur optimisme passé.
On voudrait être assuré qu'il fera réfléchir
ceux qui ont accordé aux faiseurs de pronostics
pessimistes un fatal crédit, 1. ~1 :11,
Les autres valets le considéraient comme un
peu simple d'esprit et se réjouissaient fort de
voir le maître houspiller son parent tout com-
me eux-mêmes à l'occasion.
Ce jour-là, en s'asseyant, Furrer posa son
regard étinclant sur Tcharlèze. Puis, joignant
les mains, il prononça de sa voix autoritaire un
court et brusque bénédicité. Sur quoi, chacun se
mit manger. ,-wi;,i:\w>4: V
La place de Rosi était vide. "-1 '• •̃
Dans la vaste salle, aucun bruit, sauf le choc
des cuillères d'étain au fond des écuelïes, le
heurt accidentel d'un broc ou d'un verre. Nul
ne soufflait mot; on eût dit que les serviteurs
cherchaient à en finir au plus vite, eux qui
'd'habitude allongeaient tant qu'ils pouvaient la
courroie le moment du repas étant la seule
minute dé répit accordée à leur dur labeur.Une
lourde contrainte pesait sur tous; de temps en
temps la femme Furrer; les yeux fichés sur
son assiette, poussait un douloureux soupir. La
présence de son mari l'oppressait; bien qu'elle
n'osât pas le regarder, elle sentait la fureur qui
couvait en lui et en demeurait épouvantée.
Le. maître eut tôt fini son repas;, et s'accou-
dant, il se mit à promener tour à tour sur cha-
cun des convives son regard sévère et scruta-
teur on eût dit qu'il mesurait à chacun sa rà-
tion et son appétit. Et chaque fois son regard
s'arrêta avec une insistance telle sur l' « Amé-
ricain », que le malheureux, gêné, ne sut bien-
tôt plus quelle contenance faire; les dents de
sa fourchette s'embarrassèrent dans son cou-
teau il voulut se presser et s'étrangla; tout
rougissant, il souhaita d'avoir fini comme ses
camarades, qui, vidant leur verre et s'essuyant
la bouche d'un revers de main, enjambaient le
banc tour à tour et quittaient la salle. Quant
aux servantes, on le sait, elles aiment à siéger à
table autant qu'elles abhorrent « faire tapisse-
rie » à la danse; aussi demeuraient-elles im-
muables à leur place; Tcharlèze se trouvait as-
sis au milieu d'elles; se hâtant d'avaler sans
les mâcher les dernières bouchées, il voulait se
lever et sortir aussi, quand la voix rude du
fermier l'arrêta.
Reste, .Tcharlèze, J'ai deux mots à te
dire.
Les filles, surprises, risquèrent un œil vers
le prési; mais rencontrant son regard railleur,
elles se hâtèrent de se lever et de déguerpir à
leur tour, murmurant entre elles « Hein! nous
a-t-il dévisagées, le vieux! Est-ce qu'on va
nous mesurer les morceaux, maintenant?. On
n'osera donc plus manger à sa faim, à cette
heure ?. »
Bientôt le bruit "de leurs pas s'éteignit au de-
hors. Mais le prési demeurait silencieux, cou-
orant toujours de son regard fixe le malheureux
LES INSTITUTEURS ET LE PATRIOTISME
Nous avons reçu la lettre suivante à propos de
nos articles sur le congrès des instituteurs à, Cler-
mont-Ferrand
̃ Monsieur le directeur,
Ce n'est pas pour dire son fait au ministre, ainsi que
vous l'avez cru, que j'ai prononcé la. phrase :« Les mi-
nistres passent, mais le droit ne passe pas. » Je faisais
allusion au discours dans lequel M. Blanc, député, nous
avait assuré que le ministère s'opposait formelle-
ment, au sujet des peines disciplinaires, à laisser en-
trer dans un texte législatif l'expression « avis motivé et
conforme du conseil. départemental ». Ceci dit non pour
chercher une excuse, mais pour rétablir la vérité,
permettez-moi d'ajouter que ce vœu a- été voté à l'una-
nimité. M. Devinat a déclaré l'accepter.: M. Gasquet lui-
même n'y semble pas opposé.
Ce vœu s'appuie du reste sur des arguments qui me
paraissent irréfutables. Dans l'enseignement secon-
daire et dans l'enseignement, supérieur, les conseils
prononcent souverainement en matière disciplinaire.
Pourquoi le même principe ne serait-il pas appliqué à
l'enseignement primaire Si le législateur nous croit
incapables de décider, de nous prononcer avec équité
et impartialité en matière disciplinaire, qu'il supprime
la demande d'avis. Mais demander l'avis motivé d'un
.corps composé de personnes sérieuses, réfléchies, et
ne pas en tenir compte, c'est créer une situation hu-
miliante pour les membres du conseil départemental et
dangereuse pour l'esprit du personnel; car les insti-
tuteurs sont entraînés à croire, avec quelque appa-
rence de raison, qu'en fait de moyens disciplinaires
ils sont encor'e placés sous le régime' du bon plaisir;
que tandis quo les autres universitaires sont régis
par des lois précises, protégés par des institutions,
eux, les primaires, restent soumis à l'arbitraire. Et il
n'est pas bon dans une démocratie que les éducateurs
du peuple soient amenés à constater que la loi n'est
pas la même pour tous, que bienveillante pour les
grands, elle est dure aux petits.
Ces idées étaient contenues dans la plupart des
soixante-douze mémoires que j'ai eu à dépouiller. Je
les ai trouvées justes; je les ai exprimées simplement,
franchement, à l'auvergnate, sans me préoccuper, moi
qui ne suis pas syndicaliste, si cette thèse «gréait ou
pon aux syndicalistes. Quand on défend une «iusà
juste, on ne songe guère a ceux Hv.s. Tnn.ii.u.nb aansla a
même voie. L'affaire Dreyfus me fournirait pour cela
des exemples qui, je crois, vous paraîtraient pro-
bants.
Quant à l'incident Comte-Bocquillon, il fut assuré-
ment très regrettable mais à qui en incombe la res-
ponsabilité ? Il faut se rappeler la campagne menée
par M. Bocquillon et ses amis depuis trois ou quatre
ans.
Que ces messieurs aient ainsi accumulé sur leur tête
de nombreuses inimitiés, cela se comprend assez.
Aussi toute proposition venant de leur part était
a priori suspecte. S'ils avaient voulu seulement obtenir
le vote de leur proposition, ils n'avaient qu'à la faire
présenter par le président; mais ils tenaient à la pré-
senter eux-mêmes. Ils désiraient faire une manifesta-
tion ils ont réussi. Cet incident a permis et permettra
aux adversaires de l'école laïque de renouveler leurs
attaques. Si c'était le but visé par ces messieurs, ils
seront satisfaits mais s'ils pensent avoir gagné un
seul adepte à leurs idées, je crois qu'ils se trompent.
Le patriotisme est un sentiment trop élevé et trop
sacré pour qu'il devienne le monopole de quelques-uns
qui l'exploiteraient au bénéfice de leurs rancunes ou de
leurs passions.
Je regrette de voir M. Comte engagé dans ce parti. Il
vaut mieux que cela, et il sait bien, lui qui a été leur
élu au conseil supérieur, que les instituteurs sont de
braves gens, de bons Français, lors même qu'ils ne
font point étalage de leurs sentiments de patriotisme.
On a exploité aussi la motion Nègre. Elle fut présen-
tée par le président, M. Montjotin, comme un appel à
la clémence; à ce titre, nous n'avions qu'à approuver.
Elle fut votée sans discussion. M. Briand lui-même
n'est, paralt-il, pas opposé à la réintégration de M.
Nègre; il se serait seulement réservé le choix du mo-
ment.
Permettez-moi, en terminant, d'exprimer le regret
que M. le ministre do l'instruction publique ne soit pas
venu lui-même faire entendre aux instituteurs les
paroles nécessaires », ainsi qu'il l'avait promis. Son
absence a- comblé d'aise les adversaires de ses idées
et quelque peu désemparé ses amis. Il devait y avoir
lutte entre deux tendances contraires ta présence du
ministre eût pesé d'un certain poids sur le résultat.
Après cela, je dois humblement reconnaître que M.
le ministre savait beaucoup mieux que moi ce qu'il
avait à faire.
Je vous prie d'agréer, monsieur le directeur, mes
sincères salutations.
A. PALLIER,
vice-présidente du congrès de Clermont-Fer-
rand, rapporteur de la commission de la
réforme des conseils de l'enseignement
primaire.
Donnons acte, tout d'abord, à Mme Pallier de ce
qu'elle ne voulait point dire son fait au ministre de
l'instruction publique. Si nous avions interprété de
cette manière la phrase de Mme Pallier « Les mi-
nistres passent, mais le droit ne passe pas », c'est
quo le congrès l'avait ainsi comprise. Notre compte
rendu du congrès, très exact et très impartial, avait
noté l'incident.
Cette allusion très claire disait notre correspon-
dant et ce blâme à M. Briand sont soulignés par
l'assemblée, qui bat un ban en l'honneur de Mme Pal-
lier et lui fait une ovation.
Ceci ne pouvait pas être négligé, car on y devine
le « ton » et l' « atmosphère » du congrès des ami-
cales. Nous connaissons assez la largeur d'espritdeM.
le ministre de l'instruction publique pour savoir qu'au
point de vue personnel, cette manifestation d'élèves
indisciplinés plutôt que d'éducateurs ne peut ni l'é-
mouvoir ni l'irriter.
Arrivons enfin à la question du patriotisme.
Mme Pallier « comprend que MM. Comte et
Tcharlèze; cramoisi, le front mouillé de sueur,
affalé sur son banc, serrant encore dans ses
mains tremblantes le couvert d'étain dont il
avait si vaillamment besogné, celui-ci se de-
mandait avec une angoisse mortelle ce que
diable le maître pouvait bien lui vouloir
Enfin la fermière, à son tour, lut dans le re-
gard de Furrer qu'elle aussi était de trop. Elle
se leva et sortit, lamentable, courbée en deux.
Et refermant la porte, elle sentit de cui-
santes larmes d'humiliation lui monter aux
yeux. Renvoyée! comme un chien battu.
Qu'était-elle dans cette maison ?. Rien, moins
que rien. •
.Quand les deux hommes furent seuls
Ecoute-moi bien, toi! commanda le fer-
mier, se tournant vers celui qui était à la fois
son valet et son parent, et qui le regardait dans
les yeux, muet, hypnotisé. M'est avis que tu as
dû penser souvent que la ferme de Hochfluch
est un beau bien, et que son propriétaire n'est
pas à la misère?. Hem?. tu l'as entendu dire
quelquefois. cela ou quelque chose d'appro-
chant, je gage. Et aussi que lorsque Furrer
passera l'arme à gauche, tout ça ira à sa fille
unique. Ah! ah! crois-tu que je ne sache pas
ce qui se dit au village?. Celui qui attrapera la
fille au prési ne fera pas un mauvais marché!
Il n'en manque pas qui la guignent. On pour-
rait tomber plus mal. Et patati et patata.
Hein, c'est bien ce qu'on dit, je crois ?
> Pour sûr! affirma Tcharlèze, compre-
nant moins que jamais vers quel but tendait le
vieux.
Rassemblant ses idées à grand'peine il ajou-
ta lentement
« Ma fi! j'ai ouï une fois la femme 'du
bailli conter comme quoi son fils courtise-
rait volontiers votre fille. mais que ce serait
peine perdue, attendu que, comme'de juste,
vous voudriez quelque chose de plus huppé.
i Hum. oui. tu le vois, la Rosi a ses
avantages. Mais.
Le prési s'interrompit puis, 'd'une voix
sourde
Mais elle a aussi. ses désavantages. •
Lé visage de pierre pâlit encore; la gorge de
Furrer se contracta. Fallait-il donc s'humilier
devant ce valet, ce nigaud, ce jocrisse?.Sa voix
se fit plus dure et plus âpre
>– Celui qui veut encore de cette fille de-
vra la prendre tout de suite, sans tarder! ajou-
ta-t-il avec violence. Il faut à la fille un mari
et un père à son bâtard
Tcharlèze sursauta, bondit
i– Jésus Marie bégaya-t-il ;épouvanté.
Ses yeux se remplirent de larmes, son cœur
battit à le suffoquer. N'était-ce pas un sanglot
jgyi venait de. briser la voix du terrible jerlsi?.
Bocquillon aient « accumulé sur leurs têtes de nom-
breuses inimitiés ». Nous ne le comprenons point,
nous. Quel est le crime de M. Comte ? Il a fondé
l'Union des instituteurs laïques patriotes, destinée à
lutter contre les progrès de l'hervéisme à l'école.
La"'suite a montré que M. Comte fut aussi clair-
voyant que courageux. Quel est le crime de M. Boc-
quillon ? Il a écrit la Crise du patriotisme à l'école,
livre utile, livre nécessaire, qui parut devant le
public sous le patronage éminent de René Gôblet.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que MM.
Comte et Bocquillon méritent la reconnaissance de
tous les patriotes.
v Toute proposition venant de leur part, dit Mme
Pallier, était suspecte. » C'est leur nom seul qui a
fait rejeter- la- motion patriotique. Est-ce bien sur?
Voici ce que nous écrivait, à ce sujet, M. Bocquil-
lon
Le président du congrès croyait si peu à l'influence,
en la circonstance, de la personnalité de M. Comte,
qu'après avoir préalablement pris connaissance du
vœu, il a dit à M. Comte Ceci ne présente aucune
difficulté et sera voté à l'unanimité: »
De plus, et aucun assistant ne peut contester ces
détails, M. Comte put demander la parole, développer
ses considérants, commencer à lire son ordre du jour
sans qu'un seul congressiste vint l'interrompre. C'est
seulement quand les mots « admiration pour nos vail-
lants officiers et soldats» furent prononcés, que s'éleva
la tempête d'interruptions.
C'est donc bien l'intention précise, le fond même de
notre ordre du jour qui, suscita les violents incidents,
et non la personne de M. Comte.
Pourquoi alors chercher maintenant à égarer l'opi-
nion en essayant de dissimuler par des diversions s
inexactes la gravité de la manifestation?
Que la majorité du congrès eût voté l'ordre du jour,
oui, je l'affirme hautement, et c'est la faute impar-
donaable du, président de n'avoir pas osé le mettre aux
voix; mais' -que l'unanimité des congressistes l'eût
Voté, non, cent fois non! •
Le témoignage de M. Bocquillon est confirmé par
ttti deses principaux adversaires, M. Devinat, direc-
teur do l'école normale d'instituteurs dé là Seine, qui
jasaiatait au congrès de Clermont-Ferrand.
M. UBviuav icrivait, le 16 août, au directeur de
l'Echo de Paris
Vous me demandez si je suis absolument convaincu
que la « personne » de M. Comte a suffi à mettre en
fureur l'immense majorité des congressistes. Voici ce
que répondit hier sur cette même question M. Mont-
jotin, président du congrès, interviewé par le Matin.
« Présentée par M. Comte, cette motion a paru avoir
une signification politique. Elle a été repoussée à
cause de la personnalité de son auteur. Il n'y a pas
àutre chose. »
Je ne suis pas tout à fait de l'avis de M. Montjotin.
Dans ma lettre du 12, c'est intentionnellement que j'ai
écrit « Le tumulte déchaîné par la personne et la ino-
tion de M.. Comte. Je crois, en effet, que cette mo-
tion pouvait être mal accueillie en elle-même par un
petit groupe de congressistes, par ceux dont les opi-
nions sur la patrie, surtout sur la paix et sur la
guerre, sont celles des principaux rédacteurs de l'Hu-
inanité.
Il faudra retenir l'aveu de M. Devinat.
Le mal est donc beaucoup plus grand que ne veut
en convenir Mme Pallier. Il y avait à Clormont-
Ferrand beaucoup d'instituteurs qui détestaient la
motion autant que la personne de M. Comte; et d'au-
tres étaient trop heureux d'avoir le prétexte de la
personne pour repousser la motion.
On voudrait rencontrer chez tous les instituteurs
un peu plus de conrage, un peu moins de chicane.
Pourquoi toutes ces restrictions mentales et tous
ces distinguo jésuitiques ? Cela ne va pas avec l'édu-
cation virile que doit donner l'Université. M. Gas-
quet, directeur de l'enseignement primaire, avait
été sans doute impressionné dans le même sens, car
il disait dans son discours de clôture:
II faut savoir répudier sans réticences hypocrites les
doctrines néfastes et sacrilèges qui ne tendent à rien
de-moins qu'à l'anéantissement du pays.
Personne ile's'est trouvé au congrès de Clermont-
Ferrand pour reprendre la motion Comte et Boc-
quillon.. On a le droit de penser que personnes n'a
voulu s'exposer aux protestations des hervéistes
déjà trop nombreux dans l'assemblée.
Parce que MM. Comte et Bocquillon sont pa-
triotes, ceci no dispense pas les autres instituteurs
d'aimer et de servir la patrie. L'autre jour, au con-
seil général de la Meuse, un ancien député nationà-
liste le lieutenant-colonel Rousset proposa
d'envoyer un salut d'admiration et de sympathie à
nos troupes. M.Poincaré, qui présidait, fit la dé-
claration suivante ̃
Les populations républicaines de la Meuse ont mon-
tré qu'elles désapprouvent hautement ceux qui veulent
exploiter l'idée de patrie au profit de leurs intérêts po-
li tiques; mais elles ont l'esprit assez bien placé pour
réprouver avec la dernière énergie des théories révo-
lutionnaires dignes de toute réprobation. Je ne doute
donc pas que le conseil ne s'associe unanimement à la
motion qui lui est présentée.
Et,la motion, même signée par le lieutenant-colo-
nel Rousset, fut votée à l'unanimité. Cet exemple
montre que l'on peut toujours bien faire quand on
veut. Seulement, il faut avoir le ferme propos. Le
congres de Clermont-Ferrand ne l'avait pas à l'égard
du patriotisme.
Mme Pallier elle-même nous fournit, dans sa lét-
tre, une preuve qu'elle ne croit pas du tout que
l'excuse tirée de la personnalité de MM. Comte et
Bocquillon soit une excuse valable. Lisez à la fin" du
troisième alinéa.
Quand on défend une cause juste, on no songe guère
Pleurer, lui, Furrer?. Eperdu, haletant, le jeu-
ne homme regardait son maître :•̃̃••
Jésus! mon Dieu! répétait-il, les lèvres
tremblantes.
Le fermier se passa la main sur le front, se
ressaisit
r– .Viens ici. A§sieds-toi la, près de moi, dit-il
âv.ôc une douceur inaccoutumée.
Là compassion de cet homme simple l'avait
toiiôhé.
(Tcharlèze obéit timidement.
4r Là veux-tu? interrogea brusquement Fur-
rer'. i.i.'i
Le visage du jeune homme s'altéra.
>i- Que. que dites-vous?. quoi ?. murmu-
ra-t-il, bouleversé.
>– r Je te demande si tu veux prendre ma fille
pour femme et la sauver de la honte pendant
qu'il est encore temps?
ÎVous. ne parlez pas. sérieusement?.
»– Jamais je ne fus plus sérieux.
Mais elle. Rosi. voudrait-elle de moi.
un simple valet de ferme?.
Une créature de cette espèce n'a pas le
choix. La fille de Hochfluch pourra remercier
le ciel à deux genoux si Charles Furrer la sau-
ve de l'ignominie. Allons, parlel décide! La
prends-tu, oui ou non?
Jésus Marie Je ne sais point quoi
dire, not'maître. J'en suis. j'en suis. tout
esbrouffé.
Il appuya son front sur ses deux mains et de-
meura absorbé, le regard fixe. Le fer-
mier ne le quittait pas des yeux.
<-r- Faut-il donc que ce soit. tout de suite?.
murmura enfin le jeune homme.
Je voudrais que ce fût aujourd'hui mê-
me J'entends que les bans soient publiés dans
le prochain' numéro de la Gazette officielle! 1
Lentement, Tcharlèze tourna ses yeux vers
lui. Dans ce regard si vide d'habitude se pei-
gnaient l'attachement et la fidélité.
Si je dois vous rendre service. de même
qu'à Rosi. je suis consentant, not'maître. Seu-
lement, faut pas m'en vouloir, prési, on se sent
tout bête, d'abord. Faut le temps de s'accou-
tumer–
«-* Ecoute, dit le fermier. Si la chose se fait,
rien ne sera changé ici,. car j'entends rester le
maître jusqu'à ma mort. Mais après moi, tout
sera pour toi, pour tés enfants! à l'exception
bien entendu du premier. Pour ça, pas de
place sous mon toit! ajouta-t-il, farouche.
Oui bien, oui bien, approuva Tcharlèze.
Il n'avait retenu de ceci qu'une chose, c'est
que le fermier entendait rester le maître, et
cette idée le rassurait, car toute responsabilité
lui faisait peur.' Et soudain ses jpensées Allè-
rent à Rosi,
à ceux qui marchent dans la même voie. L'affaire
Dreyfus me fournirait pour cela des exemples qui, je
crois, vons paraîtraient probants.
Eh bien, alors? Pourquoi s'inquiéter do savoir si
MM. Comte et Bocquillon sont patriotes? Y aurait-
il donc une cause plus juste que la cause de 'la
patrie?
Nous voilà donc tous d'accord, M. Devinat, M.
Bocquillon, Mme Pallier et nous-mêmes, sur les
faits et l'interprétation des faits. N'insistons pas. Et
qu'on ne recommence plus.
LES AFFAIRES DU MAROC
L'amiral Philibert télégraphie, le 25 août
Situation des bâtiments
Gibraltar Du-Chayla.
Tanger Jeanne-d'Arc, Galilée.
Larache et Rabat Cassini.
Casablanca Nive, Vinh-Long, Gloire, Gueydon.
Mazagan Condé.
Safi et Mogador Amiral-Aube.
La situation politique reste calme. Moulai Hafld serait
en route de Marakech sur Casablanca, sans que l'on
connaisse exactement ses intentions. '1
Les Européens de Fez sont attendus vers le 30 août
à Larache, où ils seront pris par le Du-Chayla pour
être transportés à Tanger.
Le 25 août, une note franco-espagnole a été remise
au ministre de la guerre chérihen, qui réclame, au
nom des gouvernements de France et d'Espagne,
les mesures nécessaires pour l'organisation de la
police dans les ports marocains, conformément à
l'acte d'Algésiras.
La situation à Casablanca
(Dépêche de notre correspondant particulierj
l .'̃̃ Casablanca, 26 août.
lin calme complet règne dans la ville. Périodi-
quement, une ou deux fols par jour, des maraudeurs
indigènes sont signalés autour du camp. La Gloire e
ou le Gueydon leur lancent quelques obus et ils dis-
paraissent. Les rapports des indigènes des diverses
sources signalent la lassitude des tribus. Les cava-
liers qui ont participé aux derniers engagements se
seraient aperçus, en rentrant chez eux que les tri-
bus voisines avaient profité de leur absence pour
piller leurs douars.
On continue cependant à affirmer, d'autre part,
que les tribus se tiennent en permanence derrière
un pli du terrain. Elles n'attendraient, pour une at-
taque générale, que les renforts qui doivent arriver
du côté de Rabat. q
Le général Drùde fait faire des reconnaissances
dans un rayon de 6 kilomètres. Tout est désert,
mais dès qu'on rentre au camp, des groupes isolés
de cavaliers ou de fantassins tirent des coups de fu-
sil. Les autorités militaires et civiles sont unanimes
à penser maintenant qu'un- petit mouvement offen-
sif mettra fin à cette situation. On doit, je crois,
s'attendre incessamment à voir nos troupes pousser
une pointe à quelques kilomètres. Dans la ville le
commerce reprend de l'activité et l'ordre renaît par-
tout. On ne signale plus aucun vol. L'état sani-
taire est satisfaisant malgré quelques cas de petite
vérole»
(Servies Bavas)
Casablanca, 25 août.
Les goumiers arrivés hier vont commencer bien-
tôt, sous la direction du capitaine Bériot, une série
de reconnaissances avancées qui permettront de se
rendre compte de la force de l'ennemi, de ses cam-
pements et de ses intentions.
Les goumiers, très entraînés dans ce genre d'exer-
cico dans le sud oranais, rendront de grands servi-
vices en permettant aux troupes du camp de
prendre quelque repos, dont elles ont un certain be-
soin.
Actuellement tous les soldats sont au camp le
service d'ordre en ville est assuré soit par les ma-
rins, soit par lés Espagnols qui restent cantonnés
en ville.
Le payement des soldats marocains
(Dépêche de notre correspondant particulier) J
Tanger, 27 août.
La proclamation de Moulai Hafld a augmenté
l'inquiétude que faisaient naître à Tanger les évé-
nements de Casablanca.
El Guebbas, ministre de la' guerre, et les autres
hauts fonctionnaires marocains ne dissimulent
plus leurs appréhensions; pour la première fois,
ils ont spontanément avoué qu'ils n'ont aucune
confiance, pour maintenir l'ordre, dans les soldats
de la garnison de Tanger, que ces soldats ne tou-
chent pas régulièrement leur solde, que par suite
de la détresse financière du makhzen il leur est dû
un arriéré de huit jours, et que dans ces condi-
tions il y avait lieu de craindre une mutinerie
susceptible de se traduire par des actes de pillage.
Ces graves déclarations, faites par El Guebbas
lui-môme à divers diplomates étrangers, ont vive-
ment ému ces derniers. Sur leur conseil, le repré-
sentant du sultan a fait auprès de la Banque
d'Etat une démarche à l'effet d'obtenir, pour le
compte du makhzen, la petite avance destinée à
payer la solde arriérée aux troupes. La Banque
d'Etat a refusé, parce que ses statuts ne lui per-
mettent de faire aucune avance au makhzen sans
l'intervention du ministre des finances. Trois com-
missaires chériflens.El Torrès.El Mokhri et Zaiber,
disposant de très grosses fortunes personnelles, se
déclarèrent alors conjointement et solidairement
responsables de ce- prêt; mais la Banque d'Etat no
crut pas devoir, même dans ces conditions, avancer
la somme nécessaire; il a fallu que le comte de
Saint-Aulaire, chargé d'affaires do France, inter-
vint pour obtenir qu'un établissement financier
français, la Compagnie algérienne, se décidât à
mettre, avec cette garantie, à la disposition d'El
Guebbas une somme de cent mille francs.
Sa femme! cette belle fille, si fine et si ri-
che ?. Une.princesse, pour l'humble valet.
Une étrange sensation de joie et d'orgueil
dilata son coeur, son visage rayonna.
Alors tu consens! Tope la. mon fils! s'é-
cria Furrer, tendant sa large main.
Tcharlèze y mit la sienne, frêle et brune, et
le fermier la serra à la briser.
Merci! prononça-t-il avec force. Et main-
tenant, attends ici. Je m'en vas quérir les fem-
mes. '̃
Il sortit vivement, laissant Tcharlèze assis,
les pommettes rouges, l'ceil vague et brillant.
Jésus, mon Dieu. Et comme ça, me voi-
ci promis. se répétait-il à lui-même, étonné
et joyeux. Pas une minute il ne pensa faire
un sacrifice.
Le fermier revint bientôt, suivi des deux
femmes. La fermière avait les yeux rouges, la
physionomie lasse et chagrine. Rosi semblait
une morte; ses lèvres, mêmes étaient blanches,
un cercle bleuâtre élargissait ses yeux; son re-
gard était celui de la bête traquée, prête à
tomber pour ne plus se relever. Que lui voulait-
on encore ? Quels nouveaux malheurs, quelle
nouvelle honte allaient s'abattre sur sa tête?
Elle demeura près de la porte, les yeux à terre;
à peine si elle avait remarqué la présence du
valet. .̃
Approche! dit rudement le fermier, et
mets ta main dans celle de Tcharlèze. Il est
assez bon pour consentir à te prendre pour
femme.
Rosi sursauta
« Quoi! quoi! Jésus! mais c'est im-
possible impossible! cria-t-elle, levant les
deux bras comme pour se parer d'un coup.
La femme Furrer demeurait muette, hale-
tante.
Le fermier prit dans sa poche un vieux car-
net et un crayon.
s– Les bans seront publiés. la semaine pro-
chaine. dans la Gazette officielle. flt-il, feuil-
letant son livret. Dès que le terme légal sera
expiré, le mariage se fera, ajouta-t-il glacial et
déterminé.
Mais Rosi s'avançait, chancelante r
<– Père supplia-t-elle d'une voix déchi-
rante. Je. oh! c'est l'autre que j'aime! c'est
l'autre Battez-moi chassez-moi tuez-
moi mais ne me prenez pas à lui
Sans paraître l'entendre, le fermier se tourna
vers Charles.
s– Tu vas te rendre de ce pas chez l'employé
de l'état civil pour faire ta déclaration, ordon-
na-t-il.
Mais le valet luttait avec ses larmes. La dou-
leur de Rosi lui avait percé le cœur.
Nouvelles diverses
Le lieutenant Causse, du service des affaires indJs
gènes à Medenine, a reçu l'ordre de se rendre à Oran
d'où il s'embarquera pour Tanger; ilira à Mogadot
organiser la police.
On croit qu'un bataillon du 24' colonial serait dé-
signé pour partir incessamment au Maroc. Le mé-
decin inspecteur général Claudat, en tournée d'ins-
pection, actuellement à Perpignan, aurait pour mis-
sion de s'occuper des conditions dans lesquelles un
corps expéditionnaire à destination du Maroc pour-
rait être concentré.
La Société de secours aux blessés militaires a dd«
cidé d'envoyer à Tanger un hôpital auxiliaire de
campagne de cent lits; desservi par des infirmiers-
brancardiers, sous la direction de dix dames ambu-
lancières du comité de Paris. Le secrétaire général
de l'ceuvre s'est embarqué à Marseille sur le Mace*
donia, pour aller étudier sur place l'établissement
de cette formation sanitaire.
4
LA VISITE DE ft. J. CAffiBOH A BORDEBHEY
L'agence Havas nous communique la note sui-
vante
Ainsi qu'on l'a annoncé, M. Jules Cambon, ambassa-
deur de France à Berlin, qui a d'anciennes relations
avec le prince de Bülow, s'est rencontré avec lui à
Norderney.
L'entrevue a été des plus cordiales. Notre représen-
tant et le chancelier ont pu constater leur accord et
leur confiance dans l'excellence des relations entre le
France et l'Allemagne.
Dans une dépêche de Berlin, le correspondant d&
l'agence Havas dit
Dans les milieux officiels, les impressions parmi les
Allemands et les Français bien informés concordent
pour reconnaître la très grande cordialité et la char.
mante amabilité de la réception faite à M. Cambon.
La grâce de la princesse de Bülow, qui a fait les
honneurs de la villa d'une façon charmante, n'n pas
peu contribué à donner à cette réception son caractère
de charme et de cordialité.
Entre le déjeuner et le dîner, auxquels M. Cambon a
pris part, a eu lieu une longue conversation qui s'est
étendue sur de nombreux sujets.
En dehors de la question de politique générale, la
question du Maroc a été, cela va sans dire, touchée, et
comme on s'y attendait, M. Cambon a pu remporter
l'impression que la bonne harmonie et l'entente conti-
nueraient à régner entre les gouvernements sur cette
question. D'ailleurs cette bonne harmonie s'étendrait
aussi sur d'autres domaines, et sans vouloir être d'un
optimisme exagéré, ni vouloir précipiter les choses, il
y a lieu de constater qu'un pas a été fait dans la voie
des bonnes relations entre la France et l'Allemagne.
La Gaielle de l'Allemagne du Nord a publié hier
soir la note suivante
La visite de l'ambassadeur de France, M. Jules
Cambon, chez le chancelier de l'empire, prince de Bû-
low, s'est terminée sur des impressions très satisfai-
santes.
Les deux hommes d'Etat sont unis depuis nombre
d'années par des relations personnelles. Ils ont pu
constater dans un entretien amical leur entente et la
foi qu'ils ont dans le développement des rapports en-
ire l'Allemagne et la France.
Après avoir reproduit la note de la Gazette de l'Al-
lemagne du Nord sur l'entrevue de Norderney, la
Gazette de Cologne ajoute dans un télégramme offi-
cieux de Berlin
Nous en concluons avec satisfaction que le voyage
de l'ambassadeur français à Norderney a 'suivi I&
même direction pacifique que les précédentes rencon-
tres (de diplomates et de ministres). Si le prince d<
Bûlow et M. Cambon se sont mis d'accord sur ce point t
de vue que les relations entre la France et l'Allema-
gne ne donnent lieu à aucune réserve et que l'espoir
de leur développement dans le sens amical paraît jus-
tifié, ce résultat est à estimer d'autant plus haut que
les temps ne sont pas lointains où entre les deux Etati
s'était élevé un très vif mécontentement. Il a été sur-
monté par le raisonnable besoin de paix existant dejt
deux côtés, et dont la légitimité et la nécessité de-
vient toujours davantage le bien commun non seule-
ment des hommes d'Etat dirigeants, mais aussi de
l'opinion publique.
On peut supposer comme allant de soi que dans les
longues conversations de Norderney, tous les domai-
nes de la politique générale ont. été abordés, et que
très certainement on s'est entretenu du Maroc qui est
actuellement le point central de l'intérêt. Si ce point a
pu être traité sans que des d;ssentimente se signalent
et dans un esprit amical, cela indique une réelle amé-
lioration de la situation. De même que-les précédentes
rencontres (diplomatiques) n'ont pas abouti à des ac-
cords fixes, de même il n'y a rien eu de tel dans les
entretiens de Norderney. Ce genre d'accord n'était ni 'i
espéré ni voulu, mais il s'agissait simplement, en s'ex--
pliquant ensemble, de faire preuve réciproquement d6
la bonne volonté de vivre pacifiquement, courtoise
ment, et au besoin amicalement l'un avec l'autre. Ac-
tuellement, les vœux de l'Allemagne ne vont pas plus
loin, mais on peut bien avoir confiance que quand
cette « détente aura agi un certain temps, il en
naîtra une situation qui mettra fin au caractère
anormal dont sont encore entachées les relations
franco-allemandes. Le facteur le plus important
en cela est le temps, et il sera efficacement ren-
forcé si une sincère bonne volonté l'appuie et
si la presse des deux pays reconnaît comme son de-
voir d'accentuer non ce qui peut séparer et exciter, mais
bien ce qui calme et unit. Le ministre français des
affaires étrangères, M. Pichon, a à diverses reprises
exprimé son désir résolu de vivre en bonnes relations
avec l'Allemagne, et toute la manière d'être de l'am-
bassadeur Cambon permet de conclure que lui aussi
veut volontiers servir cette politique. Toute la « cam-
pagne de rencontre si cotte expression est permise,
a donc été tout à fait satisfaisante et si, en raison de
Prési! ayez pitié d'elle! Faites ce qu'elle
vous demande. Oui, c'est Russi, n'est-ce pas?.
H en vaut dix comme moi !> Donnez-la-lui
donc, au nom du ciel! Je vais. me retirer:
décidez la chose entre vous autres.
Embarrassé, il rajustait gauchement sa blou-
se, sa ceinture; puis, tout troublé, il se dirigea
vers la porte.
Arrête! c'ria Furrer d'une voix tonnante.
Et toi, pas tant de façons, n'est-ce pas? ïci I
donne-lui la main
Et se ruant vers sa fille il saisit brutalement
sa main, la mit 'de force dans celle du jeune
homme. Secouée de sanglots douloureux, Rosi
détournait son visage. Mais Charles se mit à
caresser doucement les doigts qu'il tenait dans
les siens.
Ne pleure plus, va, ma pauvre! disait-il
tendrement. Je serai pour toi. ce que tu vou-
dras, seulement.
Ces douces paroles allèrent droit au cœur de
l'infortunée. Sans qu'elle sût comment, elle se
trouva dans les bras de Charles, la tête sur son
épaule et donnant libre cours à ses larmes. Et
lui, ce simple d'esprit, plus avisé que tout au-
tre, passa son bras autour d'elle et l'entraîna
doucement hors de la salle.
Elle a besoin d'être seule. marmota-t-il
par-dessus son épaule, plus rouge qu'une écre-
visse il n'était pas encore accoutumé à son
rôle de « promis ».
Le fermier, demeuré en tête à tête avec sa
femme, arpentait la salle à grands pas. S'ar-
rêtant brusquement devant la fermière, qui s'é-
tait mise à égrener son rosaire, ne sachant
quelle attitude prendre
Eh bien, femme! ricana-t-il amèrement,
nous avons donc trouvé un mari pour notre
fille! Tcharlèzel. ah! ah! le fils du bailli
n'était pas assez bon pour nous, non! Il nous
fallait Tcharlèzel.
Mais pourquoi justement celui-là?. pour-
quoi cet imbécile? hasarda-t-elle d'un ton cha-
grin.
Srin- Pourquoi?. Tu trouves que nous avions le
choix?. Laisse! j'ai bien réfléchi, et j'ai fait
pour le mieux! Si j'ai mal choisi, Dieu me
le pardonne. et nous en envoie un autre!
Un instant sa voix trembla, ses paupières
s'humectèrent.
Mais bientôt il se redressa et sortit, orgueil-
leux et sûr de soi comme d'habitude.
Huit jours plus tard les noms de Charles et
Rosi Furrer paraissaient en tête de la liste ai"
ficielle annonçant les mariages.
J5. ZahN.
(A suivrtX
On sconse eux fiiipéànx du JtilMI, 5, BOULEVARD DES ITALIENS, Â PARIS (2*), et tfattS lotis les frfffeM* fle Poste
|)UAMnTe-SEPTIÉME ANNEE. N° 1686ft;
PRIX DE L'ABONNEMENT
MMB, 8HHE et 8EINK-ET-OISE. Trois moi», 14 fr.; Six moi», US fr.J Uaw, BS fr.
BÈPAET1» et A1SACE-L0ÏÏ41HK. 17 fr.; 34 6.; 6S fr.
mnoK postale îsfr.; 36 fr.; 72k,
LES ABONNEMENTS DATEHT DES 1" ET 16 DB CHAQUE mois
Un numéro (départements) SO centimes
PRIX DE L'ABONNEMENT
FARIS, SHHEet SEIHE-ET-OISE. Treù mois, 14 fr.J Six mois, 28 fr.J Bu m, S© fr.
BÉPA&T'»8tAlSA0E-I.0REAliœ • 17 fr.,1 34 fr.; ©S fr.
UHIONPOSTALE » 18 fr. SS 6.J 73 fr.
LES ABOHKEMENTS DATENT DES i" ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (à F>arïs) 1^ centime»
.Directeur politique Adrien Hébraxd
Toutes les lettres destinées à la Rédaction doivent être adressées au Directeur
Le Journal ne pouvant répondre des manuscrits communiqués
prie les auteurs d'en garder copie
•> Adresse télégraphique TEMPS PARIS
ANNONCES MM. Lagrànge, Cerf et ÇF, 8, place de la Bourse
Le Journal et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant à leur teneur
TÉLÉPHONE, S LIGNES:
N« 103.07 103.08 103.09 103.32 103.33
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
M. JULES CAMBON A NORDEHNEY
La visite faite .'par notre ambassadeur au
chancelier de l'empire allemand dans sa rési-
dence d'été a pris un caractère tout particulier.
Elle n'est en soi que très naturelle, mais elle
emprunte aux rapports antérieurs des hommes
d'Etat des deux pays et aux circonstances qui
l'ont immédiatement précédée une signification
spéciale. C'est probablement pourquoi, con-
trairement aux coutumes, elle a' donné lieu à
des communiqués officieux. On n'a -pas ou-
blié qu'au cours de la récente crise, nous eûmes
à déplorer là situation un peu effacée à la-
quelle paraissait résigné notre représentant à
^Berlin. Les conversations diplomatiques arran-
gent bien des choses! Or, on ne causait pas
à Berlin. M. Jules Cambon, désireux de tra-
vailler efficacement à l'amélioration des rap-
ports des deux pays, s'appliqua à mettre plus
de cordialité dans les relations officielles. La
façon aimable dont il. a été reçu à Norderney
prouve que l'on a fait des efforts semblables
du côté allemand et qu'une détente sensible
s'est produite simultanément entre les hommes
d'Etat et entre les peuples. En outre, ve-
nant après les récentes entrevues qui ont
toutes, d'après les comptes rendus officieux,
contribué au maintien de la paix, la visite de
Norderney, au cours de laquelle on constata,
d'après l&Gazctte de Cologne, « que les relations
franco-allemandes ne donnaient lieu à aucune
inquiétude et que l'espoir de leur développe-
ment amical paraissait justifié », constitue un
nouveau et sérieux gage d-é paix générale.
On a toujours souhaité en France entretenir
avec l'Allemagne des relations courtoises et
franches. Ceux-là .mêmes qui restent le plus
attachés à des souvenirs cruels et ù de chères
sora5mni'Q= "V",1?* «^5 wh ciu'il était né.p.fissaïjv»
de pratiquer a regard de nos voisins une politi-
que hargneuse et défiante. Il existe des deux côtés
de la frontière des sentiments qu'on ne conci-
liera jamais, qui sont infiniment respectables
et qui ne s'effaceront pas. Mais ils laissent place
a des arrangements sur bien des questions ma-
térielles et ils n'engendrent pas fatàlement des
relations discourtoises. Nous avons toujours
désiré vivre en bons termes avec l'Allemagne,
résoudre à l'amiable avec elle des questions
d'intérêt. L'importance que les notes officieuses
allemandes attachent à la visite de Norderney
et le contentement exprimé par les journaux
d'outre-Rhin devant cette manifestation non
équivoque de la détente, donnent à penser que
l'on souhaite également là-bas une explication
loyale, et, si possible une entente sur
certaines questions politiques et économiques.
Mais l'opinion publique allemande fait preuve
d'une sage et prudente réserve. Nous n'en
sommes encore qu'à la détente, dit-elle. L'en-
tente est l'œuvre de l'avenir. Nous sommes
d'autant plus enclins à partager ces sentiments
et nous comprenons d'autant mieux cette pa-
tience que maintes fois le désir d'un accord
nous fut exprimé, sans que nous l'ayons vu se
manifester d'une façon positive. « Nous vous
aiderons au Maroc et ailleurs », nous disait
le prince- de Bülow, peu de temps avant
la conférence d'Algésiras. Il est impossible de
ne pas se rappeler ces promesses non réali-
sées au moment où l'on nous en fait de nou-
velles. Mais nous souhaitons très vivement que
les temps soient changés. Nous espérons que
lorsque l'on abordera les discussions précises,
une égale bonne volonté, un égal désir de
conciliation loyale conduiront les pourparlers
vers un arrangement conforme aux intérêts des
deux peuples. On aperçoit sans difficulté les
sujets des conversations qui peuvent s'enga-
ger officiellement entre les deux pays. On con-
nait d'une façon générale les questions politi-
ques, économiques et financières sur lesquelles
un accord est désirable. Rien ne montre qu'il
soit impossible. Un grand pas est fait d'ores
et déjà dans la voie de l'amélioration de nos
rapports avec l'Allemagne l'opinion française
s'en réjouit; elle apprendra avec plaisir qu'il
Est suivi de quelques autres.
«$̃»
DÉPÊCHES TELEGRAPHIQUES
Î>ES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Berlin, 27 août.
Une communication officielle du gouverneur de
la colonie du Cap confirme que Morenga se trouve
sur territoire anglais, près 'de Bakriviermund.
Toute la police à cheval anglaise disponible a été
dirigée de ce côté. Le ministère du Cap a agréé la
demande du gouverneur von Lindequist qu'un offi-
cier d'état-major allemand fût délégué à Câpetown
pour communiquer les désirs et les projets du com-
mandant des troupes au ministère et au comman-
dant de la police, et que cet officier fût ensuite atta-
che à l'officier de police qui commande le district
de Gordonia pour établir les communications entre
les forces anglaises et allemandes. C'est le capitaine
von Hagen qui est destiné à cette mission.
.F1E~J g~L 1ET O~t DU ~CUtpjS
DU 28 AOUT 1907 (7)
CHRISTEN RUSSI
mi
Le fermier s'en fut droit à la salle commune,
où la ménagère, debout à sa place, emplissait
déjà les écuelles de soupe ,fumante. Valets et
servantes attendaient avec une impatience vi-
sible que l'entrée du maître leur permît de
a'asseoir et de commencer leur repas. Furrer
prit le haut bout de la table, le dos à la fe-
nêtre, et chacun aussitôt s'assit.
Parmi la longue file des serviteurs se trou-
vait un homme d'une trentaine d'années, pa-
rent du fermier, et que tout le monde nommait
« l'Américain », par la raison que son père
avait émigré jadis aux Etats-Unis, où lui-même
passa plusieurs années. Carl Furrer, ou plu-
tôt Tcharlèze, ainsi que prononçaient les villa-
geois, se flattant de dire son nom à l'anglaise,
Tcharlèze revint un beau jour de l'Amé-
rique, où il crevait la faim, et Félix Furrer le
prit à son service. Ni très intelligent, ni très
robuste, Tcharlèze n'avait pas encore réussi, à
son âge, à mettre un sou de côté; mais il ser-
vait fidèlement et honnêtement son terrible
cousin. C'était un garçon long, mince, un peu
yoûté, avec une jolie figure efféminée. Ses che-
iveux bruns, sa barbe abondante et douce on-
dulaient naturellement ses joues creuses s'a-
nimaient de couleurs presque trop brillantes.
,Tous les traits de son visage étaient réguliers
et agréables, et pourtant cette figure semblait
complètement dénuée de vie ou d'expression,
ci ce n'est celle d'une douceur, d'une résigna-
tion moutonnière. Tranquille, méticuleux, il
faisait bien son ouvrage, vivait sa vie avec la
satisfaction placide de l'homme médiocre qui
ne demande rien à l'existence que de bons re-
pas, un travail modéré et un gîte sûr.
ReDrouuflioa interdite. .1
Les éclaireurs et les Hottentots anglais annoncent
que Morris s'est réuni le 20 août à Morenga.
Constantinople, 27 août.
L'idcc d'envoyer une mission turque au jubilé du
prince de Bulgarie, dont l'examen avait été ajourné
jusqu'à présent pour raison d'étiquette, semble être
abandonnée.
On se proposerait, à Yildiz-Kioslç, de procéder à
un changement dans les vizirats et on dit qu'on au-
rait offert un poste au. ministre des affaires étran-
gères Tevfik, lequel aurait refusé.
QUESTIONS RELIGIEUSES ET JUGES CIVILS
II y a un an que Pie X lançait la fameuse
encyclique par laquelle était définitivement re-
jeté tout accommodement avec la loi de sépa-
ration. Les associations cultuelles étaient dé-
clarées contraires à la « divine constitution de
l'Eglise ». Les accepter, accepter qu'une juri-
diction profane Conseil d'État ou tribunaux
de l'ordre judiciaire eût le droit de s'im'mis-
cer dans une question soit de dogme, soit de
discipline ecclésiastique, c'eût été, disait-on,
une abdication pour la papauté, et cette abdi-
cation, il lui était moralement impossible d'y
souscrire. Vainement, les esprits les plus modé-
rés, les moins suspects, de, sectarisme, tentè-
rent de remontrer au Saint-Siège qu'il y
avait les meilleures raisons du monde
pour ne pas prendre ainsi les choses
au tragique. La possibilité de trouver en-
tre le pouvoir civil et le' pouvoir religieux
un accord profitable à tous deux fut, avec une
patience inlassable, mise en lumière.
Le ministre des cultes lui-même, avec un
courage qui n'était pas sans mérite, ne perdait
pas une occasion, la loi en main, de tirer.de
son texte les' conclusions lès plus rassurantes
pour la conscience des catholiques orthodoxes
Y^pîncï -rs^l" i*.<.«via a** rii-a.ru* Anne rati .inipan*.
sigeance. Et l'on sait ce qui est advenu.
Les conseillers néfastes à qui le Saint-Siège"
prêta alors une oreille trop complaisante peu-
vent aujourd'hui contempler leur œuvre. Il est
douteux que dans leur for intérieur, ils en:
soient très fiers.
Grâce à eux, l'Eglise de France est aux prises
avec les plus redoutables difficultés financières,
et nulle part la mise en œuvre de la séparation
ne semble émouvoir l'opinion, dont le gouver-
nement d'ailleurs, par sa politique large et to-
lérante, a eu la sagesse de ne pas contrarier les
habitudes cultuelles. L'agitation religieuse, que
les « habiles » comptaient faire servir surtout à
leurs desseins politiques, ne s'est pas produite.
Et les quelques bagarres que les inventaires et
autres mesures d'exécution ont suscitées de-ci
de-là, n'ont cu d'autre résultat que de mieux
faire ressortir le calme profond du reste du
pays. C'est là une cruelle leçon de choses dont
il serait à souhaiter que Rome tirât profit pour
l'avenir, si les yeux n'y sont pas obstinément
fermés à l'évidence.
Il ne se passe guère de jour, au surplus, oh
les critiques dirigées contre la loi de séparation
sur des points importants ne soient démenties
par les événements. Nous avons ici même si-
gnalé divers arrêts du Conseil d'Etat établis-
sant avec quelle largeur de vues cette haute ju-
ridiction interprétait, le cas échéant, les dispo-
sitions légales en matière de séparation. Sur la
question de l'éligibilité des ecclésiastiques aux
conseils municipaux, comme sur celle des obli-
gations militaires incombant aux élèves des
séminaires, par exemple, le Conseil d'Etat a
fait de la loi, dans les espèces qui lui ont été
soumises, l'application la plus éloignée du sec-
tarisme auquel on affectait, dans les milieux
cléricaux, de le considérer comme inféodé. Qui
oserait soutenir aujourd'hui qu'il n'eût pas ap-
porté dans la recherche de la solution, si d'au-
tres problèmes d'ordre encore plus délicat eus-
sent été posés devant lui, le même esprit supé-
rieur, dégagé de toute passion ?
De même, les tribunaux civils, dans leur en-
semble. Est-ce qu'ils méritaient la suspicion que
les fauteurs de troubles religieux faisaient pla-
ner sur eux ? C'est avec une parfaite égalité
d'âme qu'ils rappellent, toutes les fois que la
cause le comporte, les anticléricaux systéma-
tiques au respect des textes légaux qu'ils s'ef-
forcent de dénaturer pour la satisfaction de
leurs haines.
Avant-hier, c'était, le tribunal de Clamecy,
hier, le juge des référés du tribunal de Mont-
médy, qui, devant des municipalités tracassiè-
res, organisant ou favorisant dans leurs com-
munes le culte schismatique, maintenaient en
possession de l'église locale le prêtre catholique
orthodoxe que l'on avait voulu déposséder. Ils
ont avec fermeté,, avec impassibilité, appliqué
la loi de 1907, sans se soucier de savoir si. leur
conduite n'allait pas être le point de départ
d'accusations forcenées de cléricalisme et de
réaction 1 Ce spectacle est réconfortant pour les
esprits libéraux, qui y voient la justification dé
leur optimisme passé.
On voudrait être assuré qu'il fera réfléchir
ceux qui ont accordé aux faiseurs de pronostics
pessimistes un fatal crédit, 1. ~1 :11,
Les autres valets le considéraient comme un
peu simple d'esprit et se réjouissaient fort de
voir le maître houspiller son parent tout com-
me eux-mêmes à l'occasion.
Ce jour-là, en s'asseyant, Furrer posa son
regard étinclant sur Tcharlèze. Puis, joignant
les mains, il prononça de sa voix autoritaire un
court et brusque bénédicité. Sur quoi, chacun se
mit manger. ,-wi;,i:\w>4: V
La place de Rosi était vide. "-1 '• •̃
Dans la vaste salle, aucun bruit, sauf le choc
des cuillères d'étain au fond des écuelïes, le
heurt accidentel d'un broc ou d'un verre. Nul
ne soufflait mot; on eût dit que les serviteurs
cherchaient à en finir au plus vite, eux qui
'd'habitude allongeaient tant qu'ils pouvaient la
courroie le moment du repas étant la seule
minute dé répit accordée à leur dur labeur.Une
lourde contrainte pesait sur tous; de temps en
temps la femme Furrer; les yeux fichés sur
son assiette, poussait un douloureux soupir. La
présence de son mari l'oppressait; bien qu'elle
n'osât pas le regarder, elle sentait la fureur qui
couvait en lui et en demeurait épouvantée.
Le. maître eut tôt fini son repas;, et s'accou-
dant, il se mit à promener tour à tour sur cha-
cun des convives son regard sévère et scruta-
teur on eût dit qu'il mesurait à chacun sa rà-
tion et son appétit. Et chaque fois son regard
s'arrêta avec une insistance telle sur l' « Amé-
ricain », que le malheureux, gêné, ne sut bien-
tôt plus quelle contenance faire; les dents de
sa fourchette s'embarrassèrent dans son cou-
teau il voulut se presser et s'étrangla; tout
rougissant, il souhaita d'avoir fini comme ses
camarades, qui, vidant leur verre et s'essuyant
la bouche d'un revers de main, enjambaient le
banc tour à tour et quittaient la salle. Quant
aux servantes, on le sait, elles aiment à siéger à
table autant qu'elles abhorrent « faire tapisse-
rie » à la danse; aussi demeuraient-elles im-
muables à leur place; Tcharlèze se trouvait as-
sis au milieu d'elles; se hâtant d'avaler sans
les mâcher les dernières bouchées, il voulait se
lever et sortir aussi, quand la voix rude du
fermier l'arrêta.
Reste, .Tcharlèze, J'ai deux mots à te
dire.
Les filles, surprises, risquèrent un œil vers
le prési; mais rencontrant son regard railleur,
elles se hâtèrent de se lever et de déguerpir à
leur tour, murmurant entre elles « Hein! nous
a-t-il dévisagées, le vieux! Est-ce qu'on va
nous mesurer les morceaux, maintenant?. On
n'osera donc plus manger à sa faim, à cette
heure ?. »
Bientôt le bruit "de leurs pas s'éteignit au de-
hors. Mais le prési demeurait silencieux, cou-
orant toujours de son regard fixe le malheureux
LES INSTITUTEURS ET LE PATRIOTISME
Nous avons reçu la lettre suivante à propos de
nos articles sur le congrès des instituteurs à, Cler-
mont-Ferrand
̃ Monsieur le directeur,
Ce n'est pas pour dire son fait au ministre, ainsi que
vous l'avez cru, que j'ai prononcé la. phrase :« Les mi-
nistres passent, mais le droit ne passe pas. » Je faisais
allusion au discours dans lequel M. Blanc, député, nous
avait assuré que le ministère s'opposait formelle-
ment, au sujet des peines disciplinaires, à laisser en-
trer dans un texte législatif l'expression « avis motivé et
conforme du conseil. départemental ». Ceci dit non pour
chercher une excuse, mais pour rétablir la vérité,
permettez-moi d'ajouter que ce vœu a- été voté à l'una-
nimité. M. Devinat a déclaré l'accepter.: M. Gasquet lui-
même n'y semble pas opposé.
Ce vœu s'appuie du reste sur des arguments qui me
paraissent irréfutables. Dans l'enseignement secon-
daire et dans l'enseignement, supérieur, les conseils
prononcent souverainement en matière disciplinaire.
Pourquoi le même principe ne serait-il pas appliqué à
l'enseignement primaire Si le législateur nous croit
incapables de décider, de nous prononcer avec équité
et impartialité en matière disciplinaire, qu'il supprime
la demande d'avis. Mais demander l'avis motivé d'un
.corps composé de personnes sérieuses, réfléchies, et
ne pas en tenir compte, c'est créer une situation hu-
miliante pour les membres du conseil départemental et
dangereuse pour l'esprit du personnel; car les insti-
tuteurs sont entraînés à croire, avec quelque appa-
rence de raison, qu'en fait de moyens disciplinaires
ils sont encor'e placés sous le régime' du bon plaisir;
que tandis quo les autres universitaires sont régis
par des lois précises, protégés par des institutions,
eux, les primaires, restent soumis à l'arbitraire. Et il
n'est pas bon dans une démocratie que les éducateurs
du peuple soient amenés à constater que la loi n'est
pas la même pour tous, que bienveillante pour les
grands, elle est dure aux petits.
Ces idées étaient contenues dans la plupart des
soixante-douze mémoires que j'ai eu à dépouiller. Je
les ai trouvées justes; je les ai exprimées simplement,
franchement, à l'auvergnate, sans me préoccuper, moi
qui ne suis pas syndicaliste, si cette thèse «gréait ou
pon aux syndicalistes. Quand on défend une «iusà
juste, on ne songe guère a ceux Hv.s. Tnn.ii.u.nb aansla a
même voie. L'affaire Dreyfus me fournirait pour cela
des exemples qui, je crois, vous paraîtraient pro-
bants.
Quant à l'incident Comte-Bocquillon, il fut assuré-
ment très regrettable mais à qui en incombe la res-
ponsabilité ? Il faut se rappeler la campagne menée
par M. Bocquillon et ses amis depuis trois ou quatre
ans.
Que ces messieurs aient ainsi accumulé sur leur tête
de nombreuses inimitiés, cela se comprend assez.
Aussi toute proposition venant de leur part était
a priori suspecte. S'ils avaient voulu seulement obtenir
le vote de leur proposition, ils n'avaient qu'à la faire
présenter par le président; mais ils tenaient à la pré-
senter eux-mêmes. Ils désiraient faire une manifesta-
tion ils ont réussi. Cet incident a permis et permettra
aux adversaires de l'école laïque de renouveler leurs
attaques. Si c'était le but visé par ces messieurs, ils
seront satisfaits mais s'ils pensent avoir gagné un
seul adepte à leurs idées, je crois qu'ils se trompent.
Le patriotisme est un sentiment trop élevé et trop
sacré pour qu'il devienne le monopole de quelques-uns
qui l'exploiteraient au bénéfice de leurs rancunes ou de
leurs passions.
Je regrette de voir M. Comte engagé dans ce parti. Il
vaut mieux que cela, et il sait bien, lui qui a été leur
élu au conseil supérieur, que les instituteurs sont de
braves gens, de bons Français, lors même qu'ils ne
font point étalage de leurs sentiments de patriotisme.
On a exploité aussi la motion Nègre. Elle fut présen-
tée par le président, M. Montjotin, comme un appel à
la clémence; à ce titre, nous n'avions qu'à approuver.
Elle fut votée sans discussion. M. Briand lui-même
n'est, paralt-il, pas opposé à la réintégration de M.
Nègre; il se serait seulement réservé le choix du mo-
ment.
Permettez-moi, en terminant, d'exprimer le regret
que M. le ministre do l'instruction publique ne soit pas
venu lui-même faire entendre aux instituteurs les
paroles nécessaires », ainsi qu'il l'avait promis. Son
absence a- comblé d'aise les adversaires de ses idées
et quelque peu désemparé ses amis. Il devait y avoir
lutte entre deux tendances contraires ta présence du
ministre eût pesé d'un certain poids sur le résultat.
Après cela, je dois humblement reconnaître que M.
le ministre savait beaucoup mieux que moi ce qu'il
avait à faire.
Je vous prie d'agréer, monsieur le directeur, mes
sincères salutations.
A. PALLIER,
vice-présidente du congrès de Clermont-Fer-
rand, rapporteur de la commission de la
réforme des conseils de l'enseignement
primaire.
Donnons acte, tout d'abord, à Mme Pallier de ce
qu'elle ne voulait point dire son fait au ministre de
l'instruction publique. Si nous avions interprété de
cette manière la phrase de Mme Pallier « Les mi-
nistres passent, mais le droit ne passe pas », c'est
quo le congrès l'avait ainsi comprise. Notre compte
rendu du congrès, très exact et très impartial, avait
noté l'incident.
Cette allusion très claire disait notre correspon-
dant et ce blâme à M. Briand sont soulignés par
l'assemblée, qui bat un ban en l'honneur de Mme Pal-
lier et lui fait une ovation.
Ceci ne pouvait pas être négligé, car on y devine
le « ton » et l' « atmosphère » du congrès des ami-
cales. Nous connaissons assez la largeur d'espritdeM.
le ministre de l'instruction publique pour savoir qu'au
point de vue personnel, cette manifestation d'élèves
indisciplinés plutôt que d'éducateurs ne peut ni l'é-
mouvoir ni l'irriter.
Arrivons enfin à la question du patriotisme.
Mme Pallier « comprend que MM. Comte et
Tcharlèze; cramoisi, le front mouillé de sueur,
affalé sur son banc, serrant encore dans ses
mains tremblantes le couvert d'étain dont il
avait si vaillamment besogné, celui-ci se de-
mandait avec une angoisse mortelle ce que
diable le maître pouvait bien lui vouloir
Enfin la fermière, à son tour, lut dans le re-
gard de Furrer qu'elle aussi était de trop. Elle
se leva et sortit, lamentable, courbée en deux.
Et refermant la porte, elle sentit de cui-
santes larmes d'humiliation lui monter aux
yeux. Renvoyée! comme un chien battu.
Qu'était-elle dans cette maison ?. Rien, moins
que rien. •
.Quand les deux hommes furent seuls
Ecoute-moi bien, toi! commanda le fer-
mier, se tournant vers celui qui était à la fois
son valet et son parent, et qui le regardait dans
les yeux, muet, hypnotisé. M'est avis que tu as
dû penser souvent que la ferme de Hochfluch
est un beau bien, et que son propriétaire n'est
pas à la misère?. Hem?. tu l'as entendu dire
quelquefois. cela ou quelque chose d'appro-
chant, je gage. Et aussi que lorsque Furrer
passera l'arme à gauche, tout ça ira à sa fille
unique. Ah! ah! crois-tu que je ne sache pas
ce qui se dit au village?. Celui qui attrapera la
fille au prési ne fera pas un mauvais marché!
Il n'en manque pas qui la guignent. On pour-
rait tomber plus mal. Et patati et patata.
Hein, c'est bien ce qu'on dit, je crois ?
> Pour sûr! affirma Tcharlèze, compre-
nant moins que jamais vers quel but tendait le
vieux.
Rassemblant ses idées à grand'peine il ajou-
ta lentement
« Ma fi! j'ai ouï une fois la femme 'du
bailli conter comme quoi son fils courtise-
rait volontiers votre fille. mais que ce serait
peine perdue, attendu que, comme'de juste,
vous voudriez quelque chose de plus huppé.
i Hum. oui. tu le vois, la Rosi a ses
avantages. Mais.
Le prési s'interrompit puis, 'd'une voix
sourde
Mais elle a aussi. ses désavantages. •
Lé visage de pierre pâlit encore; la gorge de
Furrer se contracta. Fallait-il donc s'humilier
devant ce valet, ce nigaud, ce jocrisse?.Sa voix
se fit plus dure et plus âpre
>– Celui qui veut encore de cette fille de-
vra la prendre tout de suite, sans tarder! ajou-
ta-t-il avec violence. Il faut à la fille un mari
et un père à son bâtard
Tcharlèze sursauta, bondit
i– Jésus Marie bégaya-t-il ;épouvanté.
Ses yeux se remplirent de larmes, son cœur
battit à le suffoquer. N'était-ce pas un sanglot
jgyi venait de. briser la voix du terrible jerlsi?.
Bocquillon aient « accumulé sur leurs têtes de nom-
breuses inimitiés ». Nous ne le comprenons point,
nous. Quel est le crime de M. Comte ? Il a fondé
l'Union des instituteurs laïques patriotes, destinée à
lutter contre les progrès de l'hervéisme à l'école.
La"'suite a montré que M. Comte fut aussi clair-
voyant que courageux. Quel est le crime de M. Boc-
quillon ? Il a écrit la Crise du patriotisme à l'école,
livre utile, livre nécessaire, qui parut devant le
public sous le patronage éminent de René Gôblet.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que MM.
Comte et Bocquillon méritent la reconnaissance de
tous les patriotes.
v Toute proposition venant de leur part, dit Mme
Pallier, était suspecte. » C'est leur nom seul qui a
fait rejeter- la- motion patriotique. Est-ce bien sur?
Voici ce que nous écrivait, à ce sujet, M. Bocquil-
lon
Le président du congrès croyait si peu à l'influence,
en la circonstance, de la personnalité de M. Comte,
qu'après avoir préalablement pris connaissance du
vœu, il a dit à M. Comte Ceci ne présente aucune
difficulté et sera voté à l'unanimité: »
De plus, et aucun assistant ne peut contester ces
détails, M. Comte put demander la parole, développer
ses considérants, commencer à lire son ordre du jour
sans qu'un seul congressiste vint l'interrompre. C'est
seulement quand les mots « admiration pour nos vail-
lants officiers et soldats» furent prononcés, que s'éleva
la tempête d'interruptions.
C'est donc bien l'intention précise, le fond même de
notre ordre du jour qui, suscita les violents incidents,
et non la personne de M. Comte.
Pourquoi alors chercher maintenant à égarer l'opi-
nion en essayant de dissimuler par des diversions s
inexactes la gravité de la manifestation?
Que la majorité du congrès eût voté l'ordre du jour,
oui, je l'affirme hautement, et c'est la faute impar-
donaable du, président de n'avoir pas osé le mettre aux
voix; mais' -que l'unanimité des congressistes l'eût
Voté, non, cent fois non! •
Le témoignage de M. Bocquillon est confirmé par
ttti deses principaux adversaires, M. Devinat, direc-
teur do l'école normale d'instituteurs dé là Seine, qui
jasaiatait au congrès de Clermont-Ferrand.
M. UBviuav icrivait, le 16 août, au directeur de
l'Echo de Paris
Vous me demandez si je suis absolument convaincu
que la « personne » de M. Comte a suffi à mettre en
fureur l'immense majorité des congressistes. Voici ce
que répondit hier sur cette même question M. Mont-
jotin, président du congrès, interviewé par le Matin.
« Présentée par M. Comte, cette motion a paru avoir
une signification politique. Elle a été repoussée à
cause de la personnalité de son auteur. Il n'y a pas
àutre chose. »
Je ne suis pas tout à fait de l'avis de M. Montjotin.
Dans ma lettre du 12, c'est intentionnellement que j'ai
écrit « Le tumulte déchaîné par la personne et la ino-
tion de M.. Comte. Je crois, en effet, que cette mo-
tion pouvait être mal accueillie en elle-même par un
petit groupe de congressistes, par ceux dont les opi-
nions sur la patrie, surtout sur la paix et sur la
guerre, sont celles des principaux rédacteurs de l'Hu-
inanité.
Il faudra retenir l'aveu de M. Devinat.
Le mal est donc beaucoup plus grand que ne veut
en convenir Mme Pallier. Il y avait à Clormont-
Ferrand beaucoup d'instituteurs qui détestaient la
motion autant que la personne de M. Comte; et d'au-
tres étaient trop heureux d'avoir le prétexte de la
personne pour repousser la motion.
On voudrait rencontrer chez tous les instituteurs
un peu plus de conrage, un peu moins de chicane.
Pourquoi toutes ces restrictions mentales et tous
ces distinguo jésuitiques ? Cela ne va pas avec l'édu-
cation virile que doit donner l'Université. M. Gas-
quet, directeur de l'enseignement primaire, avait
été sans doute impressionné dans le même sens, car
il disait dans son discours de clôture:
II faut savoir répudier sans réticences hypocrites les
doctrines néfastes et sacrilèges qui ne tendent à rien
de-moins qu'à l'anéantissement du pays.
Personne ile's'est trouvé au congrès de Clermont-
Ferrand pour reprendre la motion Comte et Boc-
quillon.. On a le droit de penser que personnes n'a
voulu s'exposer aux protestations des hervéistes
déjà trop nombreux dans l'assemblée.
Parce que MM. Comte et Bocquillon sont pa-
triotes, ceci no dispense pas les autres instituteurs
d'aimer et de servir la patrie. L'autre jour, au con-
seil général de la Meuse, un ancien député nationà-
liste le lieutenant-colonel Rousset proposa
d'envoyer un salut d'admiration et de sympathie à
nos troupes. M.Poincaré, qui présidait, fit la dé-
claration suivante ̃
Les populations républicaines de la Meuse ont mon-
tré qu'elles désapprouvent hautement ceux qui veulent
exploiter l'idée de patrie au profit de leurs intérêts po-
li tiques; mais elles ont l'esprit assez bien placé pour
réprouver avec la dernière énergie des théories révo-
lutionnaires dignes de toute réprobation. Je ne doute
donc pas que le conseil ne s'associe unanimement à la
motion qui lui est présentée.
Et,la motion, même signée par le lieutenant-colo-
nel Rousset, fut votée à l'unanimité. Cet exemple
montre que l'on peut toujours bien faire quand on
veut. Seulement, il faut avoir le ferme propos. Le
congres de Clermont-Ferrand ne l'avait pas à l'égard
du patriotisme.
Mme Pallier elle-même nous fournit, dans sa lét-
tre, une preuve qu'elle ne croit pas du tout que
l'excuse tirée de la personnalité de MM. Comte et
Bocquillon soit une excuse valable. Lisez à la fin" du
troisième alinéa.
Quand on défend une cause juste, on no songe guère
Pleurer, lui, Furrer?. Eperdu, haletant, le jeu-
ne homme regardait son maître :•̃̃••
Jésus! mon Dieu! répétait-il, les lèvres
tremblantes.
Le fermier se passa la main sur le front, se
ressaisit
r– .Viens ici. A§sieds-toi la, près de moi, dit-il
âv.ôc une douceur inaccoutumée.
Là compassion de cet homme simple l'avait
toiiôhé.
(Tcharlèze obéit timidement.
4r Là veux-tu? interrogea brusquement Fur-
rer'. i.i.'i
Le visage du jeune homme s'altéra.
>i- Que. que dites-vous?. quoi ?. murmu-
ra-t-il, bouleversé.
>– r Je te demande si tu veux prendre ma fille
pour femme et la sauver de la honte pendant
qu'il est encore temps?
ÎVous. ne parlez pas. sérieusement?.
»– Jamais je ne fus plus sérieux.
Mais elle. Rosi. voudrait-elle de moi.
un simple valet de ferme?.
Une créature de cette espèce n'a pas le
choix. La fille de Hochfluch pourra remercier
le ciel à deux genoux si Charles Furrer la sau-
ve de l'ignominie. Allons, parlel décide! La
prends-tu, oui ou non?
Jésus Marie Je ne sais point quoi
dire, not'maître. J'en suis. j'en suis. tout
esbrouffé.
Il appuya son front sur ses deux mains et de-
meura absorbé, le regard fixe. Le fer-
mier ne le quittait pas des yeux.
<-r- Faut-il donc que ce soit. tout de suite?.
murmura enfin le jeune homme.
Je voudrais que ce fût aujourd'hui mê-
me J'entends que les bans soient publiés dans
le prochain' numéro de la Gazette officielle! 1
Lentement, Tcharlèze tourna ses yeux vers
lui. Dans ce regard si vide d'habitude se pei-
gnaient l'attachement et la fidélité.
Si je dois vous rendre service. de même
qu'à Rosi. je suis consentant, not'maître. Seu-
lement, faut pas m'en vouloir, prési, on se sent
tout bête, d'abord. Faut le temps de s'accou-
tumer–
«-* Ecoute, dit le fermier. Si la chose se fait,
rien ne sera changé ici,. car j'entends rester le
maître jusqu'à ma mort. Mais après moi, tout
sera pour toi, pour tés enfants! à l'exception
bien entendu du premier. Pour ça, pas de
place sous mon toit! ajouta-t-il, farouche.
Oui bien, oui bien, approuva Tcharlèze.
Il n'avait retenu de ceci qu'une chose, c'est
que le fermier entendait rester le maître, et
cette idée le rassurait, car toute responsabilité
lui faisait peur.' Et soudain ses jpensées Allè-
rent à Rosi,
à ceux qui marchent dans la même voie. L'affaire
Dreyfus me fournirait pour cela des exemples qui, je
crois, vons paraîtraient probants.
Eh bien, alors? Pourquoi s'inquiéter do savoir si
MM. Comte et Bocquillon sont patriotes? Y aurait-
il donc une cause plus juste que la cause de 'la
patrie?
Nous voilà donc tous d'accord, M. Devinat, M.
Bocquillon, Mme Pallier et nous-mêmes, sur les
faits et l'interprétation des faits. N'insistons pas. Et
qu'on ne recommence plus.
LES AFFAIRES DU MAROC
L'amiral Philibert télégraphie, le 25 août
Situation des bâtiments
Gibraltar Du-Chayla.
Tanger Jeanne-d'Arc, Galilée.
Larache et Rabat Cassini.
Casablanca Nive, Vinh-Long, Gloire, Gueydon.
Mazagan Condé.
Safi et Mogador Amiral-Aube.
La situation politique reste calme. Moulai Hafld serait
en route de Marakech sur Casablanca, sans que l'on
connaisse exactement ses intentions. '1
Les Européens de Fez sont attendus vers le 30 août
à Larache, où ils seront pris par le Du-Chayla pour
être transportés à Tanger.
Le 25 août, une note franco-espagnole a été remise
au ministre de la guerre chérihen, qui réclame, au
nom des gouvernements de France et d'Espagne,
les mesures nécessaires pour l'organisation de la
police dans les ports marocains, conformément à
l'acte d'Algésiras.
La situation à Casablanca
(Dépêche de notre correspondant particulierj
l .'̃̃ Casablanca, 26 août.
lin calme complet règne dans la ville. Périodi-
quement, une ou deux fols par jour, des maraudeurs
indigènes sont signalés autour du camp. La Gloire e
ou le Gueydon leur lancent quelques obus et ils dis-
paraissent. Les rapports des indigènes des diverses
sources signalent la lassitude des tribus. Les cava-
liers qui ont participé aux derniers engagements se
seraient aperçus, en rentrant chez eux que les tri-
bus voisines avaient profité de leur absence pour
piller leurs douars.
On continue cependant à affirmer, d'autre part,
que les tribus se tiennent en permanence derrière
un pli du terrain. Elles n'attendraient, pour une at-
taque générale, que les renforts qui doivent arriver
du côté de Rabat. q
Le général Drùde fait faire des reconnaissances
dans un rayon de 6 kilomètres. Tout est désert,
mais dès qu'on rentre au camp, des groupes isolés
de cavaliers ou de fantassins tirent des coups de fu-
sil. Les autorités militaires et civiles sont unanimes
à penser maintenant qu'un- petit mouvement offen-
sif mettra fin à cette situation. On doit, je crois,
s'attendre incessamment à voir nos troupes pousser
une pointe à quelques kilomètres. Dans la ville le
commerce reprend de l'activité et l'ordre renaît par-
tout. On ne signale plus aucun vol. L'état sani-
taire est satisfaisant malgré quelques cas de petite
vérole»
(Servies Bavas)
Casablanca, 25 août.
Les goumiers arrivés hier vont commencer bien-
tôt, sous la direction du capitaine Bériot, une série
de reconnaissances avancées qui permettront de se
rendre compte de la force de l'ennemi, de ses cam-
pements et de ses intentions.
Les goumiers, très entraînés dans ce genre d'exer-
cico dans le sud oranais, rendront de grands servi-
vices en permettant aux troupes du camp de
prendre quelque repos, dont elles ont un certain be-
soin.
Actuellement tous les soldats sont au camp le
service d'ordre en ville est assuré soit par les ma-
rins, soit par lés Espagnols qui restent cantonnés
en ville.
Le payement des soldats marocains
(Dépêche de notre correspondant particulier) J
Tanger, 27 août.
La proclamation de Moulai Hafld a augmenté
l'inquiétude que faisaient naître à Tanger les évé-
nements de Casablanca.
El Guebbas, ministre de la' guerre, et les autres
hauts fonctionnaires marocains ne dissimulent
plus leurs appréhensions; pour la première fois,
ils ont spontanément avoué qu'ils n'ont aucune
confiance, pour maintenir l'ordre, dans les soldats
de la garnison de Tanger, que ces soldats ne tou-
chent pas régulièrement leur solde, que par suite
de la détresse financière du makhzen il leur est dû
un arriéré de huit jours, et que dans ces condi-
tions il y avait lieu de craindre une mutinerie
susceptible de se traduire par des actes de pillage.
Ces graves déclarations, faites par El Guebbas
lui-môme à divers diplomates étrangers, ont vive-
ment ému ces derniers. Sur leur conseil, le repré-
sentant du sultan a fait auprès de la Banque
d'Etat une démarche à l'effet d'obtenir, pour le
compte du makhzen, la petite avance destinée à
payer la solde arriérée aux troupes. La Banque
d'Etat a refusé, parce que ses statuts ne lui per-
mettent de faire aucune avance au makhzen sans
l'intervention du ministre des finances. Trois com-
missaires chériflens.El Torrès.El Mokhri et Zaiber,
disposant de très grosses fortunes personnelles, se
déclarèrent alors conjointement et solidairement
responsables de ce- prêt; mais la Banque d'Etat no
crut pas devoir, même dans ces conditions, avancer
la somme nécessaire; il a fallu que le comte de
Saint-Aulaire, chargé d'affaires do France, inter-
vint pour obtenir qu'un établissement financier
français, la Compagnie algérienne, se décidât à
mettre, avec cette garantie, à la disposition d'El
Guebbas une somme de cent mille francs.
Sa femme! cette belle fille, si fine et si ri-
che ?. Une.princesse, pour l'humble valet.
Une étrange sensation de joie et d'orgueil
dilata son coeur, son visage rayonna.
Alors tu consens! Tope la. mon fils! s'é-
cria Furrer, tendant sa large main.
Tcharlèze y mit la sienne, frêle et brune, et
le fermier la serra à la briser.
Merci! prononça-t-il avec force. Et main-
tenant, attends ici. Je m'en vas quérir les fem-
mes. '̃
Il sortit vivement, laissant Tcharlèze assis,
les pommettes rouges, l'ceil vague et brillant.
Jésus, mon Dieu. Et comme ça, me voi-
ci promis. se répétait-il à lui-même, étonné
et joyeux. Pas une minute il ne pensa faire
un sacrifice.
Le fermier revint bientôt, suivi des deux
femmes. La fermière avait les yeux rouges, la
physionomie lasse et chagrine. Rosi semblait
une morte; ses lèvres, mêmes étaient blanches,
un cercle bleuâtre élargissait ses yeux; son re-
gard était celui de la bête traquée, prête à
tomber pour ne plus se relever. Que lui voulait-
on encore ? Quels nouveaux malheurs, quelle
nouvelle honte allaient s'abattre sur sa tête?
Elle demeura près de la porte, les yeux à terre;
à peine si elle avait remarqué la présence du
valet. .̃
Approche! dit rudement le fermier, et
mets ta main dans celle de Tcharlèze. Il est
assez bon pour consentir à te prendre pour
femme.
Rosi sursauta
« Quoi! quoi! Jésus! mais c'est im-
possible impossible! cria-t-elle, levant les
deux bras comme pour se parer d'un coup.
La femme Furrer demeurait muette, hale-
tante.
Le fermier prit dans sa poche un vieux car-
net et un crayon.
s– Les bans seront publiés. la semaine pro-
chaine. dans la Gazette officielle. flt-il, feuil-
letant son livret. Dès que le terme légal sera
expiré, le mariage se fera, ajouta-t-il glacial et
déterminé.
Mais Rosi s'avançait, chancelante r
<– Père supplia-t-elle d'une voix déchi-
rante. Je. oh! c'est l'autre que j'aime! c'est
l'autre Battez-moi chassez-moi tuez-
moi mais ne me prenez pas à lui
Sans paraître l'entendre, le fermier se tourna
vers Charles.
s– Tu vas te rendre de ce pas chez l'employé
de l'état civil pour faire ta déclaration, ordon-
na-t-il.
Mais le valet luttait avec ses larmes. La dou-
leur de Rosi lui avait percé le cœur.
Nouvelles diverses
Le lieutenant Causse, du service des affaires indJs
gènes à Medenine, a reçu l'ordre de se rendre à Oran
d'où il s'embarquera pour Tanger; ilira à Mogadot
organiser la police.
On croit qu'un bataillon du 24' colonial serait dé-
signé pour partir incessamment au Maroc. Le mé-
decin inspecteur général Claudat, en tournée d'ins-
pection, actuellement à Perpignan, aurait pour mis-
sion de s'occuper des conditions dans lesquelles un
corps expéditionnaire à destination du Maroc pour-
rait être concentré.
La Société de secours aux blessés militaires a dd«
cidé d'envoyer à Tanger un hôpital auxiliaire de
campagne de cent lits; desservi par des infirmiers-
brancardiers, sous la direction de dix dames ambu-
lancières du comité de Paris. Le secrétaire général
de l'ceuvre s'est embarqué à Marseille sur le Mace*
donia, pour aller étudier sur place l'établissement
de cette formation sanitaire.
4
LA VISITE DE ft. J. CAffiBOH A BORDEBHEY
L'agence Havas nous communique la note sui-
vante
Ainsi qu'on l'a annoncé, M. Jules Cambon, ambassa-
deur de France à Berlin, qui a d'anciennes relations
avec le prince de Bülow, s'est rencontré avec lui à
Norderney.
L'entrevue a été des plus cordiales. Notre représen-
tant et le chancelier ont pu constater leur accord et
leur confiance dans l'excellence des relations entre le
France et l'Allemagne.
Dans une dépêche de Berlin, le correspondant d&
l'agence Havas dit
Dans les milieux officiels, les impressions parmi les
Allemands et les Français bien informés concordent
pour reconnaître la très grande cordialité et la char.
mante amabilité de la réception faite à M. Cambon.
La grâce de la princesse de Bülow, qui a fait les
honneurs de la villa d'une façon charmante, n'n pas
peu contribué à donner à cette réception son caractère
de charme et de cordialité.
Entre le déjeuner et le dîner, auxquels M. Cambon a
pris part, a eu lieu une longue conversation qui s'est
étendue sur de nombreux sujets.
En dehors de la question de politique générale, la
question du Maroc a été, cela va sans dire, touchée, et
comme on s'y attendait, M. Cambon a pu remporter
l'impression que la bonne harmonie et l'entente conti-
nueraient à régner entre les gouvernements sur cette
question. D'ailleurs cette bonne harmonie s'étendrait
aussi sur d'autres domaines, et sans vouloir être d'un
optimisme exagéré, ni vouloir précipiter les choses, il
y a lieu de constater qu'un pas a été fait dans la voie
des bonnes relations entre la France et l'Allemagne.
La Gaielle de l'Allemagne du Nord a publié hier
soir la note suivante
La visite de l'ambassadeur de France, M. Jules
Cambon, chez le chancelier de l'empire, prince de Bû-
low, s'est terminée sur des impressions très satisfai-
santes.
Les deux hommes d'Etat sont unis depuis nombre
d'années par des relations personnelles. Ils ont pu
constater dans un entretien amical leur entente et la
foi qu'ils ont dans le développement des rapports en-
ire l'Allemagne et la France.
Après avoir reproduit la note de la Gazette de l'Al-
lemagne du Nord sur l'entrevue de Norderney, la
Gazette de Cologne ajoute dans un télégramme offi-
cieux de Berlin
Nous en concluons avec satisfaction que le voyage
de l'ambassadeur français à Norderney a 'suivi I&
même direction pacifique que les précédentes rencon-
tres (de diplomates et de ministres). Si le prince d<
Bûlow et M. Cambon se sont mis d'accord sur ce point t
de vue que les relations entre la France et l'Allema-
gne ne donnent lieu à aucune réserve et que l'espoir
de leur développement dans le sens amical paraît jus-
tifié, ce résultat est à estimer d'autant plus haut que
les temps ne sont pas lointains où entre les deux Etati
s'était élevé un très vif mécontentement. Il a été sur-
monté par le raisonnable besoin de paix existant dejt
deux côtés, et dont la légitimité et la nécessité de-
vient toujours davantage le bien commun non seule-
ment des hommes d'Etat dirigeants, mais aussi de
l'opinion publique.
On peut supposer comme allant de soi que dans les
longues conversations de Norderney, tous les domai-
nes de la politique générale ont. été abordés, et que
très certainement on s'est entretenu du Maroc qui est
actuellement le point central de l'intérêt. Si ce point a
pu être traité sans que des d;ssentimente se signalent
et dans un esprit amical, cela indique une réelle amé-
lioration de la situation. De même que-les précédentes
rencontres (diplomatiques) n'ont pas abouti à des ac-
cords fixes, de même il n'y a rien eu de tel dans les
entretiens de Norderney. Ce genre d'accord n'était ni 'i
espéré ni voulu, mais il s'agissait simplement, en s'ex--
pliquant ensemble, de faire preuve réciproquement d6
la bonne volonté de vivre pacifiquement, courtoise
ment, et au besoin amicalement l'un avec l'autre. Ac-
tuellement, les vœux de l'Allemagne ne vont pas plus
loin, mais on peut bien avoir confiance que quand
cette « détente aura agi un certain temps, il en
naîtra une situation qui mettra fin au caractère
anormal dont sont encore entachées les relations
franco-allemandes. Le facteur le plus important
en cela est le temps, et il sera efficacement ren-
forcé si une sincère bonne volonté l'appuie et
si la presse des deux pays reconnaît comme son de-
voir d'accentuer non ce qui peut séparer et exciter, mais
bien ce qui calme et unit. Le ministre français des
affaires étrangères, M. Pichon, a à diverses reprises
exprimé son désir résolu de vivre en bonnes relations
avec l'Allemagne, et toute la manière d'être de l'am-
bassadeur Cambon permet de conclure que lui aussi
veut volontiers servir cette politique. Toute la « cam-
pagne de rencontre si cotte expression est permise,
a donc été tout à fait satisfaisante et si, en raison de
Prési! ayez pitié d'elle! Faites ce qu'elle
vous demande. Oui, c'est Russi, n'est-ce pas?.
H en vaut dix comme moi !> Donnez-la-lui
donc, au nom du ciel! Je vais. me retirer:
décidez la chose entre vous autres.
Embarrassé, il rajustait gauchement sa blou-
se, sa ceinture; puis, tout troublé, il se dirigea
vers la porte.
Arrête! c'ria Furrer d'une voix tonnante.
Et toi, pas tant de façons, n'est-ce pas? ïci I
donne-lui la main
Et se ruant vers sa fille il saisit brutalement
sa main, la mit 'de force dans celle du jeune
homme. Secouée de sanglots douloureux, Rosi
détournait son visage. Mais Charles se mit à
caresser doucement les doigts qu'il tenait dans
les siens.
Ne pleure plus, va, ma pauvre! disait-il
tendrement. Je serai pour toi. ce que tu vou-
dras, seulement.
Ces douces paroles allèrent droit au cœur de
l'infortunée. Sans qu'elle sût comment, elle se
trouva dans les bras de Charles, la tête sur son
épaule et donnant libre cours à ses larmes. Et
lui, ce simple d'esprit, plus avisé que tout au-
tre, passa son bras autour d'elle et l'entraîna
doucement hors de la salle.
Elle a besoin d'être seule. marmota-t-il
par-dessus son épaule, plus rouge qu'une écre-
visse il n'était pas encore accoutumé à son
rôle de « promis ».
Le fermier, demeuré en tête à tête avec sa
femme, arpentait la salle à grands pas. S'ar-
rêtant brusquement devant la fermière, qui s'é-
tait mise à égrener son rosaire, ne sachant
quelle attitude prendre
Eh bien, femme! ricana-t-il amèrement,
nous avons donc trouvé un mari pour notre
fille! Tcharlèzel. ah! ah! le fils du bailli
n'était pas assez bon pour nous, non! Il nous
fallait Tcharlèzel.
Mais pourquoi justement celui-là?. pour-
quoi cet imbécile? hasarda-t-elle d'un ton cha-
grin.
Srin- Pourquoi?. Tu trouves que nous avions le
choix?. Laisse! j'ai bien réfléchi, et j'ai fait
pour le mieux! Si j'ai mal choisi, Dieu me
le pardonne. et nous en envoie un autre!
Un instant sa voix trembla, ses paupières
s'humectèrent.
Mais bientôt il se redressa et sortit, orgueil-
leux et sûr de soi comme d'habitude.
Huit jours plus tard les noms de Charles et
Rosi Furrer paraissaient en tête de la liste ai"
ficielle annonçant les mariages.
J5. ZahN.
(A suivrtX
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 68.41%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 68.41%.
- Collections numériques similaires Bibliographie de la presse française politique et d'information générale Bibliographie de la presse française politique et d'information générale /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPFPIG00"France-Japon France-Japon /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "FranceJp0" Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BnPlCo00"
- Auteurs similaires Nefftzer Auguste Nefftzer Auguste /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Nefftzer Auguste" or dc.contributor adj "Nefftzer Auguste")Hébrard Adrien Hébrard Adrien /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Hébrard Adrien" or dc.contributor adj "Hébrard Adrien")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k239098q/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k239098q/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k239098q/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k239098q/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k239098q
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k239098q
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k239098q/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest