Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1905-09-26
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 septembre 1905 26 septembre 1905
Description : 1905/09/26 (Numéro 16169). 1905/09/26 (Numéro 16169).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
MARDI 26 SEPTEMBRE ïpk
à
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1 CIN,QUI-IMM ANNEE.-N'16~
PRIX DE L'ABONNEMENT
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Tontes les lettres destinées à la >édwtionjomnt être adressées au Directeur
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prie les auteurs d'en garder copte
ADRESSE tblégraphiqok TEMPS PARIS
Paris, 25 septembre
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
LA SITUATION POLITIQUE AUX PAYS-BAS
té discours du trône lu par la reine Wilhel-
mine à l'ouverture des Etats-Généraux est un
document important. On l'attendait avec quel-
que impatience. Car, par lui et par lui seul, on
pourrait d'être tixé sur le programme du minis-
tère qui, après une crise de trois semaines, a
succédé le mois dernier au cabinet Kuijper. Ce
ministère, composé en majeure partie d nom-
mes nouveaux, avait été dès sa naissance bap-
tisé cabinet d'affaires et voué a la neutralité.
Formé d'autre part àla suite d'une consultation
électorale qui marque dans l'histoire hollan-
daise une date importante, puisqu'elle consacre
Véchec de la politique suivie depuis 1901, il ne
pouvait faire abstraction du mouvement d'idées
dont il était sorti. M. Demeester, président du
conseil, a cherché dans le discours royal à con-
cilier ces deux points de vue. Il y a, semble-t-il,
passablement réussi.
Il n'est pas facile de garder une position
moyenne quand on succède à M. Kuijper. Cet
homme d'Etat distingué, mais terriblement
autoritaire, dont la tactique a consisté à oppo-
Ber au bloc chrétien dont il était le chef le bloc li-
béral, antichrétien, –il disait quelquefois païen, 1
a marqué d'une si forte empreinte la politi-
que hollandaise qu'on ne peut être à demi son
partisan ou son adversaire. M. Demeester a
fug'ô que, s'il ne devait rien abandonner de ce
qui constitue l'essentiel du programme libéral,
il devait en revanche éviter de prendre sur tous
ïesterrains le contre-pied des idées et des actes
de son prédécesseur. C'est ainsi qu'il a déclaré
que,- tout comme- -M. Kuijper, il mettrait au
premier rang de ses préoccupations le dévelop-
\pement de l'enseignement technique. De même,
en-une matière plus proprement politique, il a
montré qu'il n'entendait pas faire table rase du
passé. Et bien que la loi- sur l'enseignement,
votée à la dernière heure sous le cabinet Kuij-
per, ait été vivement critiquée par tous les libé-
raux, M. Demeester accepte le. fait accompli et
il étudie les moyens de subvenir aux frais d'une
ïéforme que, personnellement, il réprouve.
Cette modification s explique par ues rcusui.»
d'ordres divers, dont la principale paraît être
l'instabilité de la majorité ministérielle. Le
parti libéral hollandais, qui se compose de trois
groupes distincts, vieux libéraux, union libé-
rale, libéraux démocrates, a toujours eu du'
mal à marcher d'accord. Ce sont ses di-
visions qui, au début de 1901, avaient
préparé le triomphe de M. Kuijper. Et si,
par la réconciliation du printemps dernier,
il a assuré sa revanche électorale, il semble que
cette réconciliation ne soit pas aussi complète,
aussi durable qu'il conviendrait. Un des trois
'groupes, celui des « vieux libéraux », est vio-
lemment hostile au projet de revision constitu-
tionnelle que le ministère s'engage à déposer.
Ce projet, résultat d'une entente entre les deux
autres groupes, union libérale et libéraux dé-
mocrates,. aboutira en effet, en remettant au
législateur ordinaire le soin de régler la ques-
tion électorale, a l'adoption à bref délai du suf-
frage universel or les « vieux libéraux sont
partisans du suffrage restreint. ̃
Le ministère, sur cette question, doit donc
prévoir l'opposition non seulement de ses ad-
versaires, mais d'une partie de ses amis. Il a
tenté de prévenir Je danger ~n-aTin~ quu
le problème sera longuement étudié par. une
commission d'Etat », qui examinera, outre le
point spécial de la réforme électorale, toutes
fes modifications susceptibles d'être apportées
à la Constitution; en ajoutant aussi que le pro-
jet de revision ne viendra en discussion qu'à la
fin de la législature, et que d'ici là 1 entente aura
pu se faire entre les trois groupes. Il n en res e
pas moins qu'aujourd'hui comme naguère la
question électorale, qui provoqua 11 Y, a .Vlll&-t
question électorale, qui ,Pro™
ans, au temps du ministère Tak, la scission h-
_'L.YV'on.Y"t." ha np-
bérale, reste la pierre a auuupycuio^. -»•
meester et ses collègues pourront recul.er
l'échéance: il ne dépend pas d'eux d'y échapper.
On comprend que dans ces conditions, le
ministère évite toute provocation et fasse appel
lia conciliation. «Pour l'exécution des projets
annoncés, déclare la reine dans son discours, il
sera tenu compte, dans la mesure du possible
îles désirs de mon peuple, sans distinction de
tendances. » Cette affirmation, qui met fin au
régime de brutale antithèse instauré par M.
Xuijper et condamme le système de conflit re-
iigieux élevé par son ministère à la hauteur
d'une institution, sera certainement bien
accueillie en Hollande. L'opinion, sauf de
ïares exceptions, n'apprendra pas avec moins
de satisfaction que le ministère actuel ne
songe pas a diminuer l'indépendance de la
Hollande en l'engageant dans des combinai-
sons internationales qui ne lui sont pas
nécessaires. On se souvient que dans les deux
dernières années du ministère Kuijper, les jour-
naux les plus officieux exprimèrent a diverses
reprises l'idée qu'un rapprochement étroit entre
la Hollande et l'Allemagne serait conforme a
l'intérêt hollandais. Et l'on sait que, personnel-
lement, en dépit de ses dénégations,– -de celles
notamment qu'il opposa le 30 mars à l'interpel-
Jï'ECrSE^Ei'S'ORï OU ©JÊtttpS
DU 26 SEPTEMBRE 1905 («»)
PAPIERS MkkUmêëày
PREMIÈRE PARTIE
V (Suite)
Le soir, à la taverne Suissesse, il ne put se te-
• inir d'en parler à Véroudard.
J'ai rencontré Prosper Thibault.
Ah Que devient-il ? Toujours à la côte,
probablement?
Erreur, mon cher monsieur. son père lui
a envoyé trente mille francs en bonnes valeurs
sur sa part d'héritage futur, en lui annonçant
d'ailleurs que, vu son inconduite, tout était
rompu entre eux. Mais le cataplasme qui ac-
compagne la malédiction en adoucira la bles-
sure. Du moins, je le suppose.
Yéroudard le laissait dire mais une stupé-
faction profonde s'était peinte sur ce visage d'or-
dinaire impénétrable. Enfin, il prononça
Trente mille francs ?. 11 a reçu trente mille
'francs ?̃
Oui, en rente sur l'Etat. J'ai vu.
Elle est raide, celle-là, par exemple coupa
l'homme toujours renseigné.
Pourquoi donc ? Tout arrive.
Erreur Ecoutez bien. Je ne veux rien pré-
fumer je me fais un scrupule des jugements
téméraires. Mais j'ai pris nies petits rensei-
gnements. C'est mon plaisir. Notre jeune
Jiomme, qui n'a jamais donné son adresse, peut-
être pour cause, habite rue Saint-Roch, au
'sixième, une chambre de trois cents francs par
an; il gagne cent cinquante francs par mois au
jninistère des finances, où il est bien noté, c'est
yra\, et le prix de quelques travaux supplémen-
taires. Voilà son actif réel.
Cela n'empêche pas ses parents d'avoir de
la fortune. je ne vois pas.
Seconde erreur. Je vois, moi. Le père Thi-
jbault n'a qu'un très petit bien, un vignoble de
HesnrnHiip.tiAn inlArHiifl-
lation de M. Van Kol, le chef du parti « chré-
tien » était tout acquis à cette opinion.
Bien que le discours du trône soit muet sur
ce point, tout permet de penser que le minis-
tère Demeester, émanation du parti libéral, fera
moins bon marché que son prédécesseur de
l'autonomie internationale de la Hollande et lui
conservera cette indépendance fondée sur la
neutralité, qui, en présence des rivalités ouver-
tes dans l'Europe septentrionale, est pour les
petits Etats de la meilleure des sauvegardes.
ÉLECTIOH LÉGISLATIVE DU 24 SEPTEMBRE
NIÈVRE
Deuxième circonscription de Nevers
Inscrits 14.165. Votants 10.442.
Suffrages exprimés 10.284.
MM. Roblin, socialiste. 4.271 voix.
le docteur Brouillet, radical. 3.808
d'Agoult, anc. député, progress. 2.190
(Ballottage)
Il s'agissait de remplacer M. Turigny, radical nationaj
liste, doyen de la Chambre, qui avait été réélu en 1902
par 6,631, voix contre 1,566 à M. Bouclier, conservateur.
DÉPÊCHES. TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temp3
Berlin, 25 septembre.
Les ouvriers électriciens s'en remettent à leurs
camarades déjà en grève du soin de répondre au-
.jourd'hui à l'ultimatum des deux établissements qui
ne veulent rouvrir leurs ateliers que si les ouvriers
se contentent des concessions limitées qu'on leur
offre et renoncent à leurs autres prétentions.
On croit que les grévistes, au nombre de quelques
centaines, accepteront cette transaction pour ne pas
prolonger un lock-out qui priverait dé travail 10,000
ouvriers. Athènes, 25 septembre.
La rupture diplomatique avec la Roumanie s'ac-
centue toujours davantage. Le ministre et le per-
sonnel de la légation ont quitté hier Athènes, ren-
trant à Bucarest. Belgrade, 25 septembre.
Les relations entre la Serbie et la Turquie conti-
nuent à rester fort tendues. L'avis officiel de Cons-
tantinople disant que le ministre serbe Simitch se
serait contenté de faire verbalement des représen-
tations au sujet de la récente violation de frontière
n'est pas conforme à la vérité. Tout au contraire,
M. Simitch a remis à la Porte une note écrite men-
tionnant que la dernière violation de frontière n'a
pas été commise par des Albanais dans un but de'
pillage, comme cela a été souvent le cas, mais par
des troupes turques, au su des autorités turques.
En conséquence le gouvernement serbe demande la
punition des officiers turcs coupables, une indem-
nité pour les familles des deux officiers et dss sol-
dats serbes tués, et enfin que le ministre turc à Bel-
grade, Fetliy pacha, présente au gouvernement
serbe les excuses de la Porte. La Porte ne semblant
disposée qu'à accorder une indemnité, le ministre
de l'extérieur Antonitch a déclaré à Fethy pacha que
la Serbie ne s'en contenterait pas et exigeait une
satisfaction entière. r..
Le roi, le prince héritier et le ministre des affaires
étrangères sont depuis deux jours dans l'intérieur
du pays. La population fait partout des ovations au
roi. A son passage à Cacak, Pierre Ier a prononcé
un discours empreint d'un grand esprit constitution-
neL Il a dit notamment « Si quelqu'un cherchait à
ébranler votre confiance dans la promesse que je
,vous £&& $fiHs metëi$P??tiM>m-
pas et sacllez qu IL ne &Cerèle" lq"-UtwnèmâFw7s-
votre esprit une méfiance contre notre jeune Consti-
tution. » (Service Havas)
Budapest, 25 septembre.
nn train de voyageurs allant de Ruttka à Csacza à
grande vitesse a eu une collision avec quatre wagons
qu'un vent violent avaIt poussés sur la voie principale.
Deux voyageu rs ont été tués et deux ont été blessés
gravement. La locomotive et plusieurs wagons ont été
mis en nièces.
Milan, 25 septembre.
Ce matin le 10' congrès international de navigation
s'est ouvert enprés ence des souverains, de MM. Fer-
raris, Tittoniet Carcano, ministres, des présidents du
Sénat et de la Chambre des députés, des autorités et
d es notabilités. De nombreux délégués représentant 36
nations étaient présents.
L'entrée des souverains a été saluée par l'hymne
royal et par de grands applaudissements.
Des discours très applaudis ont été prononcés par
M. Ponti, sénateur, maire de la ville, par M. Colombo,
sénateur, président du congrès, ainsi que par M. Fer-
rais et M. Debeil, représentant du gouvernement
belge, et par le baron Dequinet, doyen des délégués
français. TO'l1S les orateurs ont exprimé leurs homma-
ges aux souverains et ont souhaité au congrès d'obte-
ni des résultats utiles. Madrid, 25 septembre.
Le ministre de l'intérieur prépare une circulaire
tendant à réprimer les abus de vitesse des automo-
les.
Après l'accident de Pasajes, un autre accident a
causé la mort d'une femme du peuple qui a été écra-
s ée vendredi près de Valladolid par l'automobile du
due d'Allie:
Samedi. sur la route de Tudela, un porteur de pain
a été renversé. Il a eu les bras et les jambes brisés.
Les journaux réclament des mesures énergiques
contre l'imprudence des automobilistes.
S~%ïgon, 25 septembre.
Les conseillers coloniaux/indigènes réunis- à Saigon
pour l'ouverture de la session ordinaire du conseil co-
lonial de l'Iildo-Chine, viennent d'adresser à M. Clé-
mentel, ministre des colonies, un télégramme pour le
remercier de la constante sollicitude qu'il a toujours
manifestée à l'égard des populations indigènes.
quatre sous, sur lequel il vit péniblement avec
sa femme et sa fille. J'ai poussé mon enquête
jusqu'en province. Oh ça n'a pas été difficile,
je ne suis pas sorcier. J'avais simplement inter-
rogé la petite, il y a un ou deux mois, pendant
que son ami vous gagnait dix sous aux domi-
nos. car il joue mieux que vous.
Troisième erreur grogna M. Abel à son
tour. Il m'a gagné par hasard. Mais n'im-
porte, continuez.
-Je n'ai pas à continuer, termina l'autre;
j'ai dit. Prosper Thibault ne peut pas avoir
reçu d'argent, surtout une aussi grosse somme
de sa famille, qui, pour les meilleures raisons,
serait plutôt tentée de lui demander des subsi-
des que de lui en fournir.
Il s'interrompit, renifla fortement et conclut
en style de policier:
Cela sent bon! 1
-Comprends pas, fitM. Abel.
Comprends, moi. Votre jeune homme,
acculé, a fait quelque bêtise. D'où vient l'ar-
gent, si vous avez bieri.vu?. Oui. d'où vient-
il ?. Telle est la question 1
Il réfléchit, murmura comme pour lui-même:
Du ministère? Peut-être. Pourtant, c'est
bien invraisemblable. Il n'est pas moins certain
que la piste est à suivre.
M-.Abel, devenu soucieux, regarda son com-
pagnon entre les yeux.
Dites donc. c'est votre habitude, alors,
d'éplucher la vie des gens que vous rencontrez?
Mais le compagnon, sans fausse honte, ripos-
tait avec un regard aussi ferme où pointait une
lueur de raillerie
Pourquoi pas? Si cela m'amuse.
Vilain métier, et dangereux parfois, siffla
l'homme d'affaires entre ses dents serrées.
Entendons-nous, répliqua vivement Vé-
roudard, ce n'est pas un métier. c'est un art.
Je ne suis pas payé pour cela; ce n'est pas ma
profession, je ne suis pas mouchard, mais dilet-
tante. Il y a un abîme.Quant au danger, cela
m'amuse; c'est justement cela qui m'amuse.
Eh..bien, qu'est-ce que vous avë^?. Vous na-
vez pas l'air tout à fait enchanté.
M. Abel répondit brutalement :•
Il n'y a pas de quoi Depuis un an, j'entre-
tiens avec vous des relations de grande cordia-
lité on nous voit tous les jours côte a cote, a
la même table; et voici que je découvre, en mon
camarade habituel, un agent de police.
1 Yéroudard hausfôa les épaulés.
Chaumont, 25 septembre.
M Renaud, âgé de cinquante-deux ans, cultivateur
à pont-la-Ville, cueillait des champignons dans un bois
lorsqu'il fut entouré par des chiens.de chasse. M. Hen-
ry, négociant à Chaumont, tira au jugé et tua M. Re-
naud.
RADICAUX ET SOCIALISTES
La journée électorale d'hier illustre singu-
lièrement tout ce que nous disons, depuis une
semaine, sur la querelle des radicaux et des
socialistes. A Toulouse, capitale de la Dépêche
et du parti radical socialiste, un événement
vient de se produire, que l'Humanité célèbre
comme un triomphe, et qui aura un grand
retentissement à l'approche d'une année d e-
lections. Il y avait trois conseillers munici-
paux à élire pour compléter l'assemblée mu-
nicipale toulousaine, dont la Dépêche et le
parti radical socialiste étaient, jusqu'à ce jour,
les maîtres absolus. Trois socialistes purs, trois
socialistes « unifiés » sont élus contre des can-
didats radicaux socialistes. C'est un échec con-
sidérable pour le parti de la Dépêche, de M. Ca-
mille,Pelletan et de M. Maujan. C'est un encou-
ragement plus important encore pour les socia-
listes purs. S'ils battent les radicaux socialistes
à Toulouse, dans leur citadelle, ils peuvent
partout tenter l'aventure avec des chances de
succès presque toujours supérieures et tout au
mnins éouivalentes.
Pendant ce temps, à Toulon, dans le premier
canton, un socialiste unifié remplace au conseil
d'arrondissement un radical socialiste. Pendant
ce temps, à Nevers, où l'on votait pour un dé-
puté, le candidat socialiste arrive en tête du
ballottage.
Ainsi donc, les socialistes, même réduits
à leurs seules forces, et sans le concours
des voix de droite sur lesquelles ils peu-
vent compter, l'an prochain, contre les radi-
caux ainsi-les socialistes l'emportent sur.
leurs alliés du Bloc et les refoulent peu à
peu jusqu'à la suppression et l'expulsion
inévitables. Après des résultats comme ceux
d'hier, les radicaux socialistes ne peuvent plus
garder l'espoir que M. Jaurès ou tout autre
.1-- "t: "l,F,.l,
réussirait, pour une raison ue uu;uliuc, «, icn.-
ner les ambitions du parti socialiste. De quel
droit imposerait-on à ce parti, après 1 avoir tant
choyé et caressé, une consigne d'abnégation et
de renoncement? Non, non, il n'y a plus d'illu-
sions possibles, surtout -après 1 éclatante vic-
toire que les socialistes ont remportée à Tou-
louse en face de tout candidat radical socia-
liste, il y aura l'an prochain un socialiste unifié.
Cette perspective certaine ne permet plus aux
radicaux d'éluder la question « Qu'allez-vous
faire pour ou contre les républicains de gouver-
nement ? Quelles ententes pouvez-vous conclure
avec eux? Quels gages leur offrez-vous? » On a
pris, depuis quelques années, l'habitude de trai-
ter de turc à more, en parias, d'excellents ré-
publicains qui ont fondé, servi et défendu
le régime, mais qui n'ont pas accepté la
discipline dégradante du Bloc. Hier encore,
M Merlou, ministre des finances, disait
« Si nous avons dressé une barrière du coté
des timides ou des républicains de date trop
récente, nous tendrons au contraire à ce qu'il
n'existe du côté des avancés aucune barrière,
hormis celles qu'ils élèveront eux-mêmes en
adoptant des théories qui compromettraient a
l'extérieur la dignité et la force de la France.
Qu'est-ce que cette barrière contre les timides?
Et qui sont les timides1! M. Merlou désigne-t-il
par ce mot les républicains qui ont courageuse-
ment défendu la République contre le boulan-
rSuTâvec dévotion devant le dogme radical ?TTe
quel droit cette barrière dressée? Et que sigm-
fiaient alors les appels de M. Rouvier à une
I *™*An*M£ Mnrnie. ?
Que M. prenne garde Tandis qu i
lançait cette déclaration de guerre aux répubh-
Sains non radicaux, ses amis étaient battus à
Toulouse et ailleurs par ces avancés qu il espère
retenir par des sourires. Les radicaux sociahs-
tei Z sont plus en situation de faire les dédai-
eneux, ni d'excommunier personne.
Et puis, le moment des vaines paroles est
vâsi Que vont faire les radicaux socialistes ? '?
Election de Nèvers les oblige à «e prononcer
Le candidat radical se maintiendra-t-il? En ce
ctsiï peut être élu grâce aux républicains pro-
?res Xs mais il faudra savoir si l'on s'engage
envers ceux-ci à reconnaître ce concours Le
candidat radical s'effacera-t-il devant le socia-
liste ? En ce cas, on saura à quoi s'en tenir. M- si
1 f socialistes et les radicaux »'ejte^J^_
unir leurs voix aux scrutins de ballottage et ex
dure les républicains, ceux-ci sauront que/!
fau agtdèFle premier tour de scrutm et .que,
grâce à un peu d'habileté, la minorité repubh-
caine qu'on ïeut mettre hors la loi dispose du
succès et peut causer à certains pontifes du ra-
Sisme socialiste bien des mécomptes. La
question est posée. Aux radicaux de réjéchir
et de s'apercevoir enfin que leurs intérêts con-
cordent avec leur devoir patriotique et républi-
cain.
LA MISSION BRÀZZà ET M. GENTIL
II est auiourd'hui certain que la mission de M. de
1 pra//a revfent du Congo privée de sou illustre chef,
Ce n'est,pas vrai, je viens de vous le dire.
Et puis si vous étiez si scrupuleux, la rumeur
publique a dû vous avertir. On raconte tout bas
?ci oui, tout bas, mais j'entends tout de même,
que j'appartiens à l'administration ce qui veut
dire à la préfecture ou à la Sûreté. Comme cela
ne regarde personne, je n'ai jamais pris la peine
de démentir ces bruits. D'ailleurs, si j'étais
mouchard je ne le cacherais pas, du moins en
dehors de ma fonction je ne vois pas de mal à
cela. il n'y a pas de sot métier. et sans la
police, les honnêtes gens comme vous seraient
encore plus souvent la dupe des coquins qui les
menacent. nlme
11 avait prononcé « les honnêtes gens comme
vous » en appuyant sur les mots. M. Abel com-
prit sans nul doute, mais ne sourcilla pas. Il
parut subitement rasséréné, tendit la main à,
son camarade de taverne, et très conciliant, re-
connut ses torts et regretta sa vivacité.
Vous avez raison. trois fois raison. Tout
cela c'est autant de préjugés. et puis d'ailleurs
je ne doute pas de votre parole. Mais expli-
quez-moi donc ce qui vous pousse a- agir ainsi.
C'est une confidence, plus même, une con-
fession que vous exigez de moi? Soit J ai trop
d'estime pour vous pour rien vous refuser. Voici
la vérité. J'ai toujours été curieux de ma nature
dès mon enfance, je remarquais ce qui se pas-
sait autour de moi. J'en tirais des déductions
plus ou moins raisonnables. De plus, j'ai tou-
jours aussi possédé quelque bien. Oh! peu de.
chose; mais assez pour vivre indépendant, à la
condition de vivre comme un pauvre; mais je
n'ai jamais eu de besoins. Les femmes, peuh
si elles demandent de l'argent, c'est qu'elles
n'ont pas d'amour, et dans ce cas, ne sont pas
intéressantes; le luxe, je n'y tiens guère; le vin,
les bons -dîners, je m'en moque je suis content
devant un pot-au-feu et un litre vulgaire.
Vous êtes un sage admira M. Abel.
Non, pas tout fait. J'ai une passion la
curiosité, je vous l'ai déjà dit. J'ai résolu de la
rendre utile à tous. Je mé suis mis en tête, par-
tout où je flairerais l'escroquerie (et j'ai le nez
creux), e tout faire pour démasquer la fraude,
pour m'etpposer à l'exécution du délit Pjémé-
Ml.. Si farrive trop tard, je m'efforce de dé-
couvrir les coupables, je les fais pincer. Je n'ai
iamais accepté un sou pour cela; et cependant
j'ai rendu à la justice dés services sérieux qui
pourraient m'être comptés.
~Alors, vodsagiss~&p&rsmcl~~ d.~
mais rapportant tous les éléments de 1 enquête faite r
par-lui et les conclusions de cette enquête. Ces con- t
clusions critiquent très vivement le régime admi- t
nistratif auquel notre colonie équatoriale a été sou- t
mise depuis nombre d'années. Elles mettent de plus 1
en xanse directement M. Gentil, commissaire gêné- i
-rai du Congo. f
Le Petit Parisien se dit en mesure de pouvoir 1
donner la substance des documents rapportés par la 1
mission.
Tout d'abord M. de Brazza'a signalé au ministre ]
la mauvaise volonté qu'il aurait rencontrée auprès de
M. Gentil pour l'accomplissement de sa tache, et ]
montré le danger que présente, à son sens, sa façon
de procéder, qui sacrifie entièrement les autres éta-
blisséments au Moyen-Congo, dont il a plus spécia-
lement la charge. Il indique que sa manière d opérer
prive complètement d'initiative. les lieutenants gou-
verneurs.
M de Brazza fait voir, dit notre confrère, qu'en sa-
crifiant le Gabon, colonie prospère il y a une dizaine
d'années, au Moyen-Congo, il a ruiné cette colonie, qui
comptait à ce moment vingt-huit maisons de com-
merce et n'en possède plus aujourd'hui que cinq. Les
fonctionnaires sont privés non seulement de tout con-
fort, mais encore des choses strictement nécessaires a
l'existence sous un climat meurtrier. Ils voient leur
solde diminuer des quelques suppléments qui leur
permettaient de vivre. Ils sont logés la plupart du
temps dans des paillottes et sont malheureux. Les in-
digènes, eux aussi, se plaignent.
Si M. Gentil avait fait partir les troupes que lui de-
mandait, en décembre dernier, le lieutenant gouver-
neur du Gabon, le soulèvement des Pahouins anthro-.
pophages eût été évité. Cette révolte fut marquée par
le massacre de l'agent de factorerie Ourson qu on
voulut après sa mort rendre responsable de tout le
mal et aussi par celui d'un sergent français et de
plusieurs indigènes. Cette insurrection n'est pas encore
apaisée. 1
M de Brazza accuse ensuite M. Gentil de favoriser
les procédés irréguliers des commerçants du Congo,
rrui dit-il exploitent les indigènes qu'ils emploient
a façon la plus regrettable Voici comment.
Un indigène doit Être normalement paye 20 francs
Dar mois, mais on règle son salaire en marchandise,
c'est-à-dire qu'on lui donne quelques pagnes, de la
verroterie, etc. Or, le, prix de ces -différents objets
est tellement majoré qu'en réalité l'homme ne
touche pas plus de 8 à 9 francs.
M. de Brazza réclamait, en conséquence, que les in-
digènes fussent réglés dorénavant en argent.
L'éminent explorateur aborde ensuite la question du
portage. Il constate avec tristesse que le portage forcé,
qu'on prétendait supprimé et remplacé par le portage
volontaire, a cependant été maintenu; il ajoute même
au'âu cours de leurs corvées les indigènes, mal ou pas
nourris subissant toutes sortes de vexations et de
mauvais traitements, meurent en masse. Aussi, pour
se soustraire à ce régime, émigrent-ils en foule et se
cachent-ils dans la brousse. Mais on a trouvé un
moyen de les contraindre à venir se livrer eux-mêmes.
On s'empare de toutes les femmes et de tous les en-
fants qui restent dans les villages et on les enferme
dans des reconcentrados, qu'on a baptisés « camps do-
tages » Ils y restent jusqu'à ce que les hommes vien-
nent accomplir le travail imposé. Il est inutile de dire
que dans ces camps la mortalité s'élève à des propor-
tions effrayantes.
M. de Brazza accuse également M. Gentil d'avoir em-
ployé des moyens irréguliers pour favoriser une com-
pagnie industrielle récemment établie au Congo. Cette
compagnie, actuellement florissante, devrait son succès
i natta hifinveillance exagérée.
Après avoir, dit-on, accusé M. Gentil d'avoir lui-
même commis de véritables actes de cruauté
exécution sommaire sans jugement de miliciens,
indigènes battus à coups de chieptte (fouet en cuir
d'hippopotame) jusqu'à ce que mort s'ensuive, M.
de Brazza termine son rapport .en proposant certai-
nes réformes administratives, dont la plus impor-
tante serait la création d'un gouvernement ou d une
lieutenance du Banghi-Chari. Il estime également
quo les pouvoirs des lieutenant gouverneurs ne
sont pas suffisamment étendus. Il faut enfin éviter
à tout prix que puisse se créer ce qu'on pourrait
appeler une « féodalité coloniale ». --Iîôrs ae'
JoSSn^Tîe^ux- du public, il êsrtfors W
doute que M. Gentil, tiendra à répondre. Voici, pa-
rait-il, sur quels arguments ses amis s'appuieraient:
II est regrettable, nous dit celui-ci, qu'on fasse
de «l'affaire du Congo» une question do personnes,
cra'on la transforme en une sorte de duel entre la
(m'on la transforme en une sorte de duel enrôla.
mission de Brazza et M. Gentil, au lieu de chercher
^solution, sans animosité, dans des réformes admi-
nistratives qui s'imposent. Peut-être alors M. Gon-
til SuJaTtTpas de peine à démontrer que ces ré-
formes, il les réclamait depuis longtemps. Si l'on
cherche à déterminer les responsabilités, il faudrait
engager celle même du ministère des colonies
antérieurement à l'administration de M. Clementol,
qui a eu au contraire le mérite d'engager pubhque-
ment la question des réformes par l'envoi de la mis-
sion de Brazza. H Y a deux ans, une première en-
quête fut faite au Congo. On n'a pas vu qu'elle ait
donné des résultats, on n'a pas vu qu'aucune déci-
slon ait été prise après son retour. Gentil avait si-
» Je crois au contraire que M. Gentil avait si-
gnalé depuis assez longtemps l'état d'anarchie ad-
ministrative où se trouvaient les territoires de
fouhanghi-Chari, qu'il avait constaté le manque
total de comptabilité dans les services, > pillage
des magasins, l'autonomie dangereuse laissée dans
ces territoires à des agents de grade inférieur, qui
t.our assurer le portage des vivres et des marchan-
dises des sociétés, étaient obligés de traiter assez
durement l'indigène, puis prenaient l'habitude de le
molester. Votre correspondant spécial la dit en
une phrase remarquable « Faut-iï juger des actes
accomplis en un véritable état ^guerre avec la
morale de l'état de paix? » Mais M. Gentil avait
alors proposé, et voici longtemps, la même solution
nue M de Brazza: la création d'un gouvernement
M M. de Brazza: la création un gouvernement
autonome de l'Oubanghi-Chari dont le titulaire au-
rait pu contrôler de près les actes de ses subordon-
nés..
"t'pourquoi cette réforme n'a-t-elle pas été accom-
Blie? C'est qu'on manquait d'argent. Et on était
ainsi dans uncercle vicieux. La métropole ne vou-
lait pas venir en aide à une colonie qui manquait de
n n ̃ ^tm^tMUMmi^mamimiitasaxaisdi
r-
~i ~~a
bien et de l'humanité? Vous êtes un philan- s'
thrope, reprit M. Abel. v
Non encore, gronda Véroudard d'une voix
basse. Je n'agis pas par amour du bien et de l'
l'humanité, mais par besoin de savoir, de fure- n
ter, de comprendre; par haine aussi des escrocs,
des canailles, sans parler des pires criminels. g
Tels sont les sentiments qui ont déterminé ma r
vocation de « policier amateur ». C'est ainsi c
que je me qualifie moi-même. A jouer ce rôle, c
i'Y ai pris goût; je me suis enthousiasmé pour 1
«mon art ». Au premier fumet d'un crime, je
tressaille, je tombe en arrêt et je pars a fond de
train, comme un bon limier sur une voie chaude.
Je dois avouer cependant que je me suis trompé
quelquefois j'ai eu, par cela même, des dé-
ceptions, des avanies cruelles. Mais les victoi-
res compensent les défaites. Et j'en ai de bel-
les, de nombreuses à mon actif. M'absolvez-
vous~
-Je vous admire, je vous envie 1 assura M.
Abel car ce doit être bien intéressant; mais
c'est un don, tout le monde n'est pas élu.
très juste fit l'autre en empochant le com-
pliment.
Ce soir-là, M. Abel ne tarit pas de prévenances
et d'amabilités pour M. Honoré Véroudard en
s'en allant, il lui témoignait encore la plus vive
amitié; mais à partir de ce soir, il ne remit pas
les pieds à la Taverne Suissesse.
Un habitué le fit remarquer, quelques jours
plus tard, à M. Véroudard, resté seul à sa table.
Il sourit et répliqua, toujours énigmatique
Je m'y attendais; mais nous nous rever-
rons tout de même.
Peu de temps après, il disparut à'son tour.
En quittant M. Abel, Prosper Thibault était
parti à pas pressés vers la rue Saint-Roch cette
fois, il avait des ailes. Il riait tout haut; la
misère était finie. Il ne calculait même plus les
mauvaises chances, dont la perspective l'avait
fait jadis tant de fois hésiter; bien mieux,
aucun remords, aucun regret même ne se mê-
laient à sa joie débordante l'immédiat lui suffi-
sait le lendemain matin, il posséderait une
fortune.
Il monta ses six étages à grandes enjambées,
tourna la clef qui restait toujours sur la porte,
et déjà, il criait:
Ça y est, cette fois, nous sommes sauvés I
Mais sa voix résonna dans le silence et ce fut
yné oi>séuriïé glaciale gui l'accueillit Je feu
essources. Pour se procurer ces ressources s m
lace, il fallait obtenir de l'indigène qu'il payât 1 îm-
ôt et l'y obliger souvent par la force. En d'autres
armes, afin plus tard de le protéger efficacement,
ni imposer d'abord un joug trop pesant, par des
noyens d'autant plus rudes qu'ils étaient msuln-
ants II n'y a pas un seul homme de troupes régu-
ières'au Congo, si l'on en excepte les territoires :ml-
[ères au Congo, si l'on en excepte les territoires.1ni-
[taires du Tchad, et l'on n'y compte pas tout à fait
,500 miliciens indigènes, plus ou moins disci-
}linés.
» îaUst question aussi de la protection accordée
)ar le commissaire général aux sociétés conces-
;ionnaires. Ce n'est pas ici le lieu de rechercher
l'il fut de bonne politique économique d'accorder à
;elles-ci un monopole de fait pour l'acquisition des
produits du sol, surtout à la côte gabonaise, où il
existait, comme le dit le Petit Parisien, vingt-huit
maisons qui jadis se livraient librement au commer-
ce. Mais enfin ce n'est pas M. Gentil qui les a créées
et puisqu'elles existaient il devait autoriser et proté-
ger leurs opérations, tout en les contrôlant. Le pro-
blème finàncier apparaît là de nouveau le dévelop-
pement économique du Congo était nécessaire aux
recettes budgétaires de la colonie, et ce développe-
ment ne pouvait plus être que l'oeuvre des sociétés,
puisqu'elles doivent verser à l'Etat une part de leurs
bénéfices. La perception de l'impôt en argent, au
lieu de la perception en nature, pouvait mettre un
frein a l'exploitation possible de l'indigène par des
sociétés.. M. Gentil commençait d'entreprendre cette
réforme.
» La réponse serait la même pour la question du
portage. On déclare qu'il existe encore, malgré les
affirmations de M. Gentil il fallait de l'argent pour
payer le nombre de porteurs libres nécessaires pour
le supprimer entièrement. » j r
Nous avons reçu de notre correspondant de Lon-
dres la dépêche suivante
La publication in extenso par le Temps des interro-
gatoires du procès Gaud-Toqué, l'intention évidente du
gouvernement de ne rien cacher des affaires du Con-
go, a produit dans les milieux coloniaux anglais la
meilleure impression. La presse loue unanimement cet
acte de probité administrative.
O
L'AFFAIRE GAUD-TOQU§
(De notre correspondant auprès de la mission Brazza)
Brazzaville, 25 août.
Troisième et quatrième audiences
Fin de l'interrogatoire des accusés. L'audition des
témoins. Incidents, d'audience. Début du réqui-
sitoire du procureur de la République.
Par le précédent courrier, j'ai envoyé le compte
rendu détaillé des deux premières audiences, les plus
importantes de toutes l'accusation a exposé ses ar-
guments, Toqué et Gaud ont répondu. Voici mainte-
nant le récit des audiences suivantes.
TROISIÈME AUDIENCE
La troisième audience s'ouvre le mercredi 23 août
à sept heures et demie.
Lo président, M. de Kersaint-Gilly, achève d'in-
terroger les accusés sur l'affaire de la dynamite. Il
demande à Gaud s'il reconnaît avoir allumé lui-même
la cartouche.
Gaud (après une très longue hésitation). Je crois
que c'est Matifara.
Le président– C'est la première fois que vous faites
cette déclaration.
Le président rappelle qu'à l'instruction, Gaud a
déclaré au docteur Allain avoir perdu tout sens
moral, le 14 juillet, à la suite de nombreuses liba-
tions. Gaud, après avoir hésité, répond que le
14 juillet, on a bu, à Fort-Crampel, 40 centilitres du
vin de la ration, deux fois plus que d'habitude.
Le président lit les témoignages de M. Kermarec,
qui a assisté de loin à la scène de M. Dagaud, qui
a entendu la détonation; de M. Chamarande, qui a
entendu parler du crime par Gaud; du garde régio-
nal Matifara, qui a aidé Gaud à dynamiter Pakpa
ô'a^Up^fiJBdieène^Odourna. T^ ~g– t
exact comme l'affirment les ̃ KH.-jœ.?.?ï-
quln'e scène de lubricité (selon les termes de l'accu-
sation) ait précédé l'exécution de Pakpa. Il m est
impossible de donner ici des détails sur ce sujet
répugnant.
Revenant à l'affaire en elle-même, le président
cite une déposition de Toqué à l'instruction. Gaud
aurait dit à Toqué, l'après-midi du 14 juillet « Ça
a l'air idiot; mais ça médusera les indigènes, Si
après ça ils ne se tiennent pas tranquillesi » Gaud,
à l'audience, explique qu'il a fait constater aux in-
digènes l'étrangeté de cette mort ni trace de coup
de fusil, ni trace de coup de sagaie; c'est par une
sorte de miracle qu'est mort celui qui n'avait pas
voulu faire amitié avec les blancs.
Le président (faisant allusion à une déposition de
Gaud). Le feu du ciel?
Gaud. Oui. Le feu du ciel. En fait la rébellion
des M'Brès s'est terminée peu de temps après.
Gaud confirme que Toqué lui a dit, le matin du
jour du crime « Faites ce que vous voudrez. »
Le président rappelle à Toqué ses déclarations à
l'instruction. Toqué a dit que tralu par Pakpa,
conduit dans un guet-apens où il avait eu deux
hommes tués et cinq blessés, il avait usé de son
droit en donnant sur-le-champ à Gaud l'ordre de
fusiller Pakpa. Mais plus tard il a fait gràce de la
vie à Pakpa et l'a condamné à la prison. Ainsi Gaud
a agi de son propre mouvement le 14 juillet.
Toqué (d'un ton très énergique). Ai-je donné à
Gaud l'ordre d'exécuter, de dynamiter Pakpa? Non
non, et non. Quand je lui ai dit « Faites ce que voue
• voudrez» cela voulait dire: Libérez le ou gardez-le er
prison, à votre choix. »
l Le défenseur des accusés fait lire le certificat mé-
dical donné à Toqué en juillet 1903 par le docteur
» Le Maout (un de ses principaux accusateurs). Il si
'était éteint dans la cheminée la chambre était
ide.
1 Sur-le-champ, il conçut le malheur jusqu'à
évidence, mais n'en devinait pas encore la
lature.
^Tâtons, il chercha des allumettes, le bou-
doir. La chandelle clignotante éclaira faible-
nent la mansarde. Sur la table, il vit une lettre
uverte; il s'en saisit avec un tremblement
[ans les doigts, l'approcha de la flamme et
ut:
« Mon pauvre aimé, pardon mais je m'en
rais. J'ai pesé cent fois le pour et le contre; que
{eux-tu, j'ai peur de l'hôpital et de la mort; je
a'ai pas vingt ans.
» J'ai conclu qu'il valait mieux encore essayer
je vivre ailleurs que de mourir dans tes bras;
4 que ton chagrin serait moins grand, moins
long devant notre chambre vidé que devant
ma tombe pleine. i
» Maudis-moi, traite-moi d'infâme, tu auras
peut-être raison; et oublie-moi et sois heureux;
je n'étais qu'un obstacle a ta vie; va droit de-
vant toi, à présent.
» Ecoute, si je meurs, je m'arrangerai bien
pour venir te le dire. Une nuit ou l'autre, quand
tu penseras à moi. Si je vis. dis-toi que je ne
vaux pas la peine d'être regrettée.
» Pour moi, ou je prononcerai ton nom à mon
dernier soupir, ou,, chaque jour de l'avenir,
j'évoquerai ta chère image en lui demandant
pardon.
» Nous nous serons aimés huit mois. huit
mois Pourquoi faut-il, grand Dieu?. Adieu,
adieu! Ne repousse pas les derniers baisers
de ta pauvre Micheline. »
Il avait lu il restait hébété. Il tomba sur la
chaise, s'attarda, les poings aux tempes, accoudé
sur la table, la lettre devant lui. Il songea, se
souvint, crut mourir. -Micheline ? partie, en-
fuie 1. Jamais, aux plus mauvaises heures, il
n'avait imaginé ce dénouement. Il s'absorba
dans sa douleur, s'y perdit, y roula comme
dans un gouffre sans fond.
Par instants, il sursautait, tentait de s éveiller
de cet affreux cauchemar, criait:
Ça n'est pas vrai! 1 1 i.t
Et puis il retombait à la réalité. Pourtant il
eut grand'peine à s'accoutumer à l'idée d'un
semblable désastre. Il ne pleurait pas.
Le froid physique, en lui, accompagnait le
froid mental. ui j?"arut g[Ue_ nfin n jsisiwt
gnale un accès Diueux grave, u» acnou^ <»,i~»
fièvre consécutifs, un état d'anémie générale; il con-
seille un rapatriement immédiat.
Toqué a essayé d'abord à l'instruction de cacher la
crime de Gaud. Il explique que c'était pour obéir fc
un ordre de ses chefs et pour rester fidèle à un ser- 4
ment fait par tous les Européens on voulait étouf-
fer l'affaire, de peur que Gaud ne révélât tous les
scandales connus de lui, par exemple celui des mas-
sacres de la Nana.
L'interrogatoire des accusés étant terminé, le pré-
sident lit un certain nombre de témoignages sur le
caractère des accusés.
Les notes données à Toqué par ses supérieurs
sont fort élogieuses intelligent, bon et bienveillant, v
auteur d'intéressants travaux, de linguistique. M.
Bruel a proposé Toqué pour la croix de la Légion
d'honneur. Le lieutenant Mangin l'a fait citer à l'or-
dre du jour pour sa belle conduite lors d'une expé-
dition contre des tribus rebelles.
Le 17 mai 1905, Toqué a demandé à être adjoint à
la mission Brazza pour la renseigner sur la situa-
tion dans le..Haut-Chari; on n'a pas donné suite à
cette demande. n. &
Les indigènes interrogés répondent que Toqué
était « un peu bon », « bon » ou « beaucoup bon ».
Lès supérieurs de Gaud signalent son intelligence
vive, son activité, son goût pour les travaux les
plus variés (linguistique, ethnologie, variole, caout-
chouc, etc4, son dévouement à soigner les malades.
D'autres le disent mégalomane, raté, aigri, autori-
taire, très violent, cruel. Los indigènes le disent
a mauvais » et l'appellent niamagounda (bête de
brousse.)
Gaud répond qu'à son départ tous les chefs sont
venus lui dire adieu; que 500 M'Brès lui ont donné
le nom de « père »; qu'il a soigné à Fort-Crampel
11 Européens, 108 indigènes, 18 blessures de guerre.
Ensuite commence l'interrogatoire des témoins.
M. Merlet, administrateur adjoint des colonies^
explique avec quel soin il a mené l'enquête sur l'af-
faire Gaud-Toqué, quand il a été chargé d'une com-
mission rogatoire dans le Haut-Chari. Il signale que
l'un des principaux témoins, Matifara, lui a paru
manifestement hostile à Gaud et a menti en parlant
d'une femme jetée vivante dans un four à briques.
Les autres témoins lui ont semblé sincères.
.1
Interrogé au sujet des interpretes aoni, 1L »*=<•
servi, il répond qu'il a surtout utilisé un inter^
prête non mêlé à l'affaire, Sidi Samba. Il n'a utilisé
d'autres interprètes, Matifara par exemple, que tout
à fait exceptionnellement.
Le docteur Allain explique pourquoi il considère
que la responsabilité de Gaud est atténuée. Gaud
est un mégalomane, un déséquilibré.
Gaud réplique que le 14 juillet, il était surexcité et
dans un état fébrile ayant veillé Toqué, malade,
pendant plusieurs nuits, et ayant fait tout son tra-
vail pendant plusieurs jours, il était absolument
surmené.
Le défenseur. La responsabilité de Gaud était-ella
atténuée par ce fait?
Le docteur Allain. Je le crois.
On donne lecture du rapport médico-légal du doc-
teur Allain, concluant à la responsabilité largement
atténuée de Gaud.
On entend ensuite M. Chamarande, administra-
teur adjoint des colonies. Depuis la mort du docteur
Le Maout, c'est le principal témoin de l'accusation.
Sa parole prétentieuse et ses gestes d'une raideur
mécanique font mauvaise impression sur l'audi-
toire.
Il explique qu'en arrivant à Fort-Crampel il était 't
« pas ordinaire » et « un peu ridicule ». Il a été «bri-
mé » par Toqué et Gaud. Cependant il mangeait
avec eux
aTsi6 ;j*ne l'avais pas fait, mon estomac en aurait
beaucoup souffert. » r««™<ï
Il accuse Toqué d'être un menteur habile et Gaud
un brutal ILmime les couds de noing donnes^ pac
Gàuaaux indigènes. Il a vu mettre un chef mdigèna
dans le silo. Il a entendu Gaud raconter la scène do
actes reprochés a Gaud et a~qW.~J~d~
il estime que son témoignage ne doit pas être
considéré comme très important.
^a^rp^SStïe, M Chamaranda
donne toutes sortes de détails ne se rattachant pas à
l'affaire en cours comment il est «bilicencié en
histoire et en géographie »; pourquoi il a été refusa
à l'Ecole normale, comment on fabrique à Fort-
Crampel des apéritifs au citron, etc., etc. Il termina
par ces mots, qui font sourire l'auditoire
«Je n'ai plus rien à dire. Je pourrais parler long-
temps comme ça. Je parle d'abondance. »
Tour à tour le procureur et le défenseur interro-
g ent le témoin sur les actes de brutalité reprochés à
Gaud. Ayant dit à l'instruction qu'on pourrait arri-
ver, patdnïérentes mesures sanitaires, à rendre la
silo une prison supportable, il déclare qu'il a changé
d'opinion depuis mais tout le inonde
^«Çn^pïtrès courageux, mais tout le monde
ne l'est pas beaucoup.
Le défenseur faisant lire les lettres très sympa-
thiaues écrites à Toqué par M. Chamarande, celui-ci
Sue naïvement que Toqué pouvait le recom-
mander à l'un de ses supérieurs dont il était 1 ami
intime
1« C'est de la politesse de cour. Je n'ai pas été
très brave. 0
^Le'S^ur critiquant les termes d'une lettro
t écrite par M. Chamarande, celui-ci reconnaît quila
1sont exagérés
1 ^cSeillittérature. Tout le monde en fait. »
Depuis, ayant été en France, ayant « pris un bain
d'air national », il est devenu plus calme. Pourtant;
Somment il accuse Toqué d'avoir «mangé la
? grenouille à l'Ecole coloniale, dépensé l'argent
d'une collecte destinée à une fête, accusation contre
~tLMU)m
plus, qu'il était seul sur les ruines du monde.
P II demeura longtemps de la sorte, écrasé,
anéanti- la chandelle, usée jusqu'au bout s éteir
gnit brusquement, et sol mèche noircie crépitait
dans le suif liquide ce bruit le tira de sa stu-
peinl Dans la nuit noire il se leva, gagna son
lit, s'v jeta tout habillé; alors, la tête enfoui
dans llreiller qui avait gardé le parfum de 1 abc
sente enfin, il sanglotait à son tour.
Le lendemain, Prosper Thibault retournait a
son bureau, comme naguère, à heure habb
tuelle A voir sa figure creusée, ravagée, ses
yeux iorntams, sa démarche cassée, on estima
qu'il revenait trop tôt.
^NonMfavïitbTso^de travail, d'occupation;
son mal était moral. Nul n'insista, car tous près.
sentaient un drame secret intime- une histoire
de femme, -comme c'était, après tout la vente.
Le même matin, M. Abel l'attendit mutiler
ment au rendez-vous fixé. Très surpris de na
rV pas rencontrer, il se demanda si Véroudard
nWit pas approché la vérité dans ses juge-
ments audacieux. ,t
Si ce dernier avait raison, il regrettait d'autant
plus de manquer cette affaire; car trente m
francs de titres suspects se payent trois mille
francs il les aurait obtenus à ce prix sans nu!
doute, surtout en élevant la voix, dans des pa,
rôles de suspicion et de vagues menaces, et
parce que le « client» était à bout de ressources.
PTlttendit trois jours le soir- du troisième il
alla se poster à la porte du ministère et. guetta
la sortie des employés.
laBientôt,eu aperçut celui qu'il cherchait. Il ne
s_'arrèta pas à considérer sa physionomie, mar-
clla droit à lui.
^i^h'bfen1! mon cher ami, vous m'avez fait
poser. Et notre petite affaire?
Prosper le contemplait d'un œil fixe, sans
même sembler le reconnaître. Après une minute
d'examen, il le distingua cependant. be-
-Ali! c'est vous? Non. Je n'ai plus be-
soin. Merci 1..
S°- CommenU Vous n'avez plus besoin ? Pour-
quoi ¿ela ?
qUproseper eut une convulsion de la gorge sa
face se noya d'ombre, ses yeux rougirent, il bé-
gaya
Parce que. parce qu'elle est morte!
M Abel 1 sâluX pWotaVr, lui-même et s'en.
alla déconcerté. Mqntéqw
J, çuyimb. JlL\umCE ;MONTÉ~
à
m rànt *̃«* au amie 5. boulevard des itmenb. i f ws m, ft tmirn Mimmï* ft»
1 CIN,QUI-IMM ANNEE.-N'16~
PRIX DE L'ABONNEMENT
r«08, SEME el BBKMW. tr»U ̃ 14 fr. Six moi., SS fr.î fc «, B6 fir.
DÊPABT* rt ALSACS-UHlMnœ lTfr.î 34fr.| 68 fr.
mniomii. 18fr-! se fr.i va frJ
LB8 ABONNEMENTS D1TBKT DBS i« BT 16 DE CHAQUE MOIS >
Un numéro (départements) »O centimes
ANNONCES MM. LagRAnge, CERF ET C'Y 8, place de la Bourse
le Journal et tes Régisseurs déclinent toute responsabilité quant à leur teneur
TÉLÉPHONE, 5 LIGNES:
»»" 1O3.OT 1O3.O8 1O3.OB H9-37 «8.4O
PRIX DÉ L'ABONNEMENT
mis, «* ''wnùt-om: 14 t.; su as «, je fr.
*MH»..iUU««lip. IV. 34 £ Sfr-
OTIOK POSTALE •"̃ a-oir., •=>=> "̃' 7 2 fr,
LES ABONNEMENTS DATEKT »ES i" ET 10 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (à S*»1* lêS centimes
Directeur politique Adrien Hébrard
Tontes les lettres destinées à la >édwtionjomnt être adressées au Directeur
Le Journal ne pouvant répondre des manuscrits communiqués
prie les auteurs d'en garder copte
ADRESSE tblégraphiqok TEMPS PARIS
Paris, 25 septembre
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
LA SITUATION POLITIQUE AUX PAYS-BAS
té discours du trône lu par la reine Wilhel-
mine à l'ouverture des Etats-Généraux est un
document important. On l'attendait avec quel-
que impatience. Car, par lui et par lui seul, on
pourrait d'être tixé sur le programme du minis-
tère qui, après une crise de trois semaines, a
succédé le mois dernier au cabinet Kuijper. Ce
ministère, composé en majeure partie d nom-
mes nouveaux, avait été dès sa naissance bap-
tisé cabinet d'affaires et voué a la neutralité.
Formé d'autre part àla suite d'une consultation
électorale qui marque dans l'histoire hollan-
daise une date importante, puisqu'elle consacre
Véchec de la politique suivie depuis 1901, il ne
pouvait faire abstraction du mouvement d'idées
dont il était sorti. M. Demeester, président du
conseil, a cherché dans le discours royal à con-
cilier ces deux points de vue. Il y a, semble-t-il,
passablement réussi.
Il n'est pas facile de garder une position
moyenne quand on succède à M. Kuijper. Cet
homme d'Etat distingué, mais terriblement
autoritaire, dont la tactique a consisté à oppo-
Ber au bloc chrétien dont il était le chef le bloc li-
béral, antichrétien, –il disait quelquefois païen, 1
a marqué d'une si forte empreinte la politi-
que hollandaise qu'on ne peut être à demi son
partisan ou son adversaire. M. Demeester a
fug'ô que, s'il ne devait rien abandonner de ce
qui constitue l'essentiel du programme libéral,
il devait en revanche éviter de prendre sur tous
ïesterrains le contre-pied des idées et des actes
de son prédécesseur. C'est ainsi qu'il a déclaré
que,- tout comme- -M. Kuijper, il mettrait au
premier rang de ses préoccupations le dévelop-
\pement de l'enseignement technique. De même,
en-une matière plus proprement politique, il a
montré qu'il n'entendait pas faire table rase du
passé. Et bien que la loi- sur l'enseignement,
votée à la dernière heure sous le cabinet Kuij-
per, ait été vivement critiquée par tous les libé-
raux, M. Demeester accepte le. fait accompli et
il étudie les moyens de subvenir aux frais d'une
ïéforme que, personnellement, il réprouve.
Cette modification s explique par ues rcusui.»
d'ordres divers, dont la principale paraît être
l'instabilité de la majorité ministérielle. Le
parti libéral hollandais, qui se compose de trois
groupes distincts, vieux libéraux, union libé-
rale, libéraux démocrates, a toujours eu du'
mal à marcher d'accord. Ce sont ses di-
visions qui, au début de 1901, avaient
préparé le triomphe de M. Kuijper. Et si,
par la réconciliation du printemps dernier,
il a assuré sa revanche électorale, il semble que
cette réconciliation ne soit pas aussi complète,
aussi durable qu'il conviendrait. Un des trois
'groupes, celui des « vieux libéraux », est vio-
lemment hostile au projet de revision constitu-
tionnelle que le ministère s'engage à déposer.
Ce projet, résultat d'une entente entre les deux
autres groupes, union libérale et libéraux dé-
mocrates,. aboutira en effet, en remettant au
législateur ordinaire le soin de régler la ques-
tion électorale, a l'adoption à bref délai du suf-
frage universel or les « vieux libéraux sont
partisans du suffrage restreint. ̃
Le ministère, sur cette question, doit donc
prévoir l'opposition non seulement de ses ad-
versaires, mais d'une partie de ses amis. Il a
tenté de prévenir Je danger ~n-aTin~ quu
le problème sera longuement étudié par. une
commission d'Etat », qui examinera, outre le
point spécial de la réforme électorale, toutes
fes modifications susceptibles d'être apportées
à la Constitution; en ajoutant aussi que le pro-
jet de revision ne viendra en discussion qu'à la
fin de la législature, et que d'ici là 1 entente aura
pu se faire entre les trois groupes. Il n en res e
pas moins qu'aujourd'hui comme naguère la
question électorale, qui provoqua 11 Y, a .Vlll&-t
question électorale, qui ,Pro™
ans, au temps du ministère Tak, la scission h-
_'L.YV'on.Y"t." ha np-
bérale, reste la pierre a auuupycuio^. -»•
meester et ses collègues pourront recul.er
l'échéance: il ne dépend pas d'eux d'y échapper.
On comprend que dans ces conditions, le
ministère évite toute provocation et fasse appel
lia conciliation. «Pour l'exécution des projets
annoncés, déclare la reine dans son discours, il
sera tenu compte, dans la mesure du possible
îles désirs de mon peuple, sans distinction de
tendances. » Cette affirmation, qui met fin au
régime de brutale antithèse instauré par M.
Xuijper et condamme le système de conflit re-
iigieux élevé par son ministère à la hauteur
d'une institution, sera certainement bien
accueillie en Hollande. L'opinion, sauf de
ïares exceptions, n'apprendra pas avec moins
de satisfaction que le ministère actuel ne
songe pas a diminuer l'indépendance de la
Hollande en l'engageant dans des combinai-
sons internationales qui ne lui sont pas
nécessaires. On se souvient que dans les deux
dernières années du ministère Kuijper, les jour-
naux les plus officieux exprimèrent a diverses
reprises l'idée qu'un rapprochement étroit entre
la Hollande et l'Allemagne serait conforme a
l'intérêt hollandais. Et l'on sait que, personnel-
lement, en dépit de ses dénégations,– -de celles
notamment qu'il opposa le 30 mars à l'interpel-
Jï'ECrSE^Ei'S'ORï OU ©JÊtttpS
DU 26 SEPTEMBRE 1905 («»)
PAPIERS MkkUmêëày
PREMIÈRE PARTIE
V (Suite)
Le soir, à la taverne Suissesse, il ne put se te-
• inir d'en parler à Véroudard.
J'ai rencontré Prosper Thibault.
Ah Que devient-il ? Toujours à la côte,
probablement?
Erreur, mon cher monsieur. son père lui
a envoyé trente mille francs en bonnes valeurs
sur sa part d'héritage futur, en lui annonçant
d'ailleurs que, vu son inconduite, tout était
rompu entre eux. Mais le cataplasme qui ac-
compagne la malédiction en adoucira la bles-
sure. Du moins, je le suppose.
Yéroudard le laissait dire mais une stupé-
faction profonde s'était peinte sur ce visage d'or-
dinaire impénétrable. Enfin, il prononça
Trente mille francs ?. 11 a reçu trente mille
'francs ?̃
Oui, en rente sur l'Etat. J'ai vu.
Elle est raide, celle-là, par exemple coupa
l'homme toujours renseigné.
Pourquoi donc ? Tout arrive.
Erreur Ecoutez bien. Je ne veux rien pré-
fumer je me fais un scrupule des jugements
téméraires. Mais j'ai pris nies petits rensei-
gnements. C'est mon plaisir. Notre jeune
Jiomme, qui n'a jamais donné son adresse, peut-
être pour cause, habite rue Saint-Roch, au
'sixième, une chambre de trois cents francs par
an; il gagne cent cinquante francs par mois au
jninistère des finances, où il est bien noté, c'est
yra\, et le prix de quelques travaux supplémen-
taires. Voilà son actif réel.
Cela n'empêche pas ses parents d'avoir de
la fortune. je ne vois pas.
Seconde erreur. Je vois, moi. Le père Thi-
jbault n'a qu'un très petit bien, un vignoble de
HesnrnHiip.tiAn inlArHiifl-
lation de M. Van Kol, le chef du parti « chré-
tien » était tout acquis à cette opinion.
Bien que le discours du trône soit muet sur
ce point, tout permet de penser que le minis-
tère Demeester, émanation du parti libéral, fera
moins bon marché que son prédécesseur de
l'autonomie internationale de la Hollande et lui
conservera cette indépendance fondée sur la
neutralité, qui, en présence des rivalités ouver-
tes dans l'Europe septentrionale, est pour les
petits Etats de la meilleure des sauvegardes.
ÉLECTIOH LÉGISLATIVE DU 24 SEPTEMBRE
NIÈVRE
Deuxième circonscription de Nevers
Inscrits 14.165. Votants 10.442.
Suffrages exprimés 10.284.
MM. Roblin, socialiste. 4.271 voix.
le docteur Brouillet, radical. 3.808
d'Agoult, anc. député, progress. 2.190
(Ballottage)
Il s'agissait de remplacer M. Turigny, radical nationaj
liste, doyen de la Chambre, qui avait été réélu en 1902
par 6,631, voix contre 1,566 à M. Bouclier, conservateur.
DÉPÊCHES. TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temp3
Berlin, 25 septembre.
Les ouvriers électriciens s'en remettent à leurs
camarades déjà en grève du soin de répondre au-
.jourd'hui à l'ultimatum des deux établissements qui
ne veulent rouvrir leurs ateliers que si les ouvriers
se contentent des concessions limitées qu'on leur
offre et renoncent à leurs autres prétentions.
On croit que les grévistes, au nombre de quelques
centaines, accepteront cette transaction pour ne pas
prolonger un lock-out qui priverait dé travail 10,000
ouvriers. Athènes, 25 septembre.
La rupture diplomatique avec la Roumanie s'ac-
centue toujours davantage. Le ministre et le per-
sonnel de la légation ont quitté hier Athènes, ren-
trant à Bucarest. Belgrade, 25 septembre.
Les relations entre la Serbie et la Turquie conti-
nuent à rester fort tendues. L'avis officiel de Cons-
tantinople disant que le ministre serbe Simitch se
serait contenté de faire verbalement des représen-
tations au sujet de la récente violation de frontière
n'est pas conforme à la vérité. Tout au contraire,
M. Simitch a remis à la Porte une note écrite men-
tionnant que la dernière violation de frontière n'a
pas été commise par des Albanais dans un but de'
pillage, comme cela a été souvent le cas, mais par
des troupes turques, au su des autorités turques.
En conséquence le gouvernement serbe demande la
punition des officiers turcs coupables, une indem-
nité pour les familles des deux officiers et dss sol-
dats serbes tués, et enfin que le ministre turc à Bel-
grade, Fetliy pacha, présente au gouvernement
serbe les excuses de la Porte. La Porte ne semblant
disposée qu'à accorder une indemnité, le ministre
de l'extérieur Antonitch a déclaré à Fethy pacha que
la Serbie ne s'en contenterait pas et exigeait une
satisfaction entière. r..
Le roi, le prince héritier et le ministre des affaires
étrangères sont depuis deux jours dans l'intérieur
du pays. La population fait partout des ovations au
roi. A son passage à Cacak, Pierre Ier a prononcé
un discours empreint d'un grand esprit constitution-
neL Il a dit notamment « Si quelqu'un cherchait à
ébranler votre confiance dans la promesse que je
,vous £&& $fiHs metëi$P??tiM>m-
pas et sacllez qu IL ne &Cerèle" lq"-UtwnèmâFw7s-
votre esprit une méfiance contre notre jeune Consti-
tution. » (Service Havas)
Budapest, 25 septembre.
nn train de voyageurs allant de Ruttka à Csacza à
grande vitesse a eu une collision avec quatre wagons
qu'un vent violent avaIt poussés sur la voie principale.
Deux voyageu rs ont été tués et deux ont été blessés
gravement. La locomotive et plusieurs wagons ont été
mis en nièces.
Milan, 25 septembre.
Ce matin le 10' congrès international de navigation
s'est ouvert enprés ence des souverains, de MM. Fer-
raris, Tittoniet Carcano, ministres, des présidents du
Sénat et de la Chambre des députés, des autorités et
d es notabilités. De nombreux délégués représentant 36
nations étaient présents.
L'entrée des souverains a été saluée par l'hymne
royal et par de grands applaudissements.
Des discours très applaudis ont été prononcés par
M. Ponti, sénateur, maire de la ville, par M. Colombo,
sénateur, président du congrès, ainsi que par M. Fer-
rais et M. Debeil, représentant du gouvernement
belge, et par le baron Dequinet, doyen des délégués
français. TO'l1S les orateurs ont exprimé leurs homma-
ges aux souverains et ont souhaité au congrès d'obte-
ni des résultats utiles. Madrid, 25 septembre.
Le ministre de l'intérieur prépare une circulaire
tendant à réprimer les abus de vitesse des automo-
les.
Après l'accident de Pasajes, un autre accident a
causé la mort d'une femme du peuple qui a été écra-
s ée vendredi près de Valladolid par l'automobile du
due d'Allie:
Samedi. sur la route de Tudela, un porteur de pain
a été renversé. Il a eu les bras et les jambes brisés.
Les journaux réclament des mesures énergiques
contre l'imprudence des automobilistes.
S~%ïgon, 25 septembre.
Les conseillers coloniaux/indigènes réunis- à Saigon
pour l'ouverture de la session ordinaire du conseil co-
lonial de l'Iildo-Chine, viennent d'adresser à M. Clé-
mentel, ministre des colonies, un télégramme pour le
remercier de la constante sollicitude qu'il a toujours
manifestée à l'égard des populations indigènes.
quatre sous, sur lequel il vit péniblement avec
sa femme et sa fille. J'ai poussé mon enquête
jusqu'en province. Oh ça n'a pas été difficile,
je ne suis pas sorcier. J'avais simplement inter-
rogé la petite, il y a un ou deux mois, pendant
que son ami vous gagnait dix sous aux domi-
nos. car il joue mieux que vous.
Troisième erreur grogna M. Abel à son
tour. Il m'a gagné par hasard. Mais n'im-
porte, continuez.
-Je n'ai pas à continuer, termina l'autre;
j'ai dit. Prosper Thibault ne peut pas avoir
reçu d'argent, surtout une aussi grosse somme
de sa famille, qui, pour les meilleures raisons,
serait plutôt tentée de lui demander des subsi-
des que de lui en fournir.
Il s'interrompit, renifla fortement et conclut
en style de policier:
Cela sent bon! 1
-Comprends pas, fitM. Abel.
Comprends, moi. Votre jeune homme,
acculé, a fait quelque bêtise. D'où vient l'ar-
gent, si vous avez bieri.vu?. Oui. d'où vient-
il ?. Telle est la question 1
Il réfléchit, murmura comme pour lui-même:
Du ministère? Peut-être. Pourtant, c'est
bien invraisemblable. Il n'est pas moins certain
que la piste est à suivre.
M-.Abel, devenu soucieux, regarda son com-
pagnon entre les yeux.
Dites donc. c'est votre habitude, alors,
d'éplucher la vie des gens que vous rencontrez?
Mais le compagnon, sans fausse honte, ripos-
tait avec un regard aussi ferme où pointait une
lueur de raillerie
Pourquoi pas? Si cela m'amuse.
Vilain métier, et dangereux parfois, siffla
l'homme d'affaires entre ses dents serrées.
Entendons-nous, répliqua vivement Vé-
roudard, ce n'est pas un métier. c'est un art.
Je ne suis pas payé pour cela; ce n'est pas ma
profession, je ne suis pas mouchard, mais dilet-
tante. Il y a un abîme.Quant au danger, cela
m'amuse; c'est justement cela qui m'amuse.
Eh..bien, qu'est-ce que vous avë^?. Vous na-
vez pas l'air tout à fait enchanté.
M. Abel répondit brutalement :•
Il n'y a pas de quoi Depuis un an, j'entre-
tiens avec vous des relations de grande cordia-
lité on nous voit tous les jours côte a cote, a
la même table; et voici que je découvre, en mon
camarade habituel, un agent de police.
1 Yéroudard hausfôa les épaulés.
Chaumont, 25 septembre.
M Renaud, âgé de cinquante-deux ans, cultivateur
à pont-la-Ville, cueillait des champignons dans un bois
lorsqu'il fut entouré par des chiens.de chasse. M. Hen-
ry, négociant à Chaumont, tira au jugé et tua M. Re-
naud.
RADICAUX ET SOCIALISTES
La journée électorale d'hier illustre singu-
lièrement tout ce que nous disons, depuis une
semaine, sur la querelle des radicaux et des
socialistes. A Toulouse, capitale de la Dépêche
et du parti radical socialiste, un événement
vient de se produire, que l'Humanité célèbre
comme un triomphe, et qui aura un grand
retentissement à l'approche d'une année d e-
lections. Il y avait trois conseillers munici-
paux à élire pour compléter l'assemblée mu-
nicipale toulousaine, dont la Dépêche et le
parti radical socialiste étaient, jusqu'à ce jour,
les maîtres absolus. Trois socialistes purs, trois
socialistes « unifiés » sont élus contre des can-
didats radicaux socialistes. C'est un échec con-
sidérable pour le parti de la Dépêche, de M. Ca-
mille,Pelletan et de M. Maujan. C'est un encou-
ragement plus important encore pour les socia-
listes purs. S'ils battent les radicaux socialistes
à Toulouse, dans leur citadelle, ils peuvent
partout tenter l'aventure avec des chances de
succès presque toujours supérieures et tout au
mnins éouivalentes.
Pendant ce temps, à Toulon, dans le premier
canton, un socialiste unifié remplace au conseil
d'arrondissement un radical socialiste. Pendant
ce temps, à Nevers, où l'on votait pour un dé-
puté, le candidat socialiste arrive en tête du
ballottage.
Ainsi donc, les socialistes, même réduits
à leurs seules forces, et sans le concours
des voix de droite sur lesquelles ils peu-
vent compter, l'an prochain, contre les radi-
caux ainsi-les socialistes l'emportent sur.
leurs alliés du Bloc et les refoulent peu à
peu jusqu'à la suppression et l'expulsion
inévitables. Après des résultats comme ceux
d'hier, les radicaux socialistes ne peuvent plus
garder l'espoir que M. Jaurès ou tout autre
.1-- "t: "l,F,.l,
réussirait, pour une raison ue uu;uliuc, «, icn.-
ner les ambitions du parti socialiste. De quel
droit imposerait-on à ce parti, après 1 avoir tant
choyé et caressé, une consigne d'abnégation et
de renoncement? Non, non, il n'y a plus d'illu-
sions possibles, surtout -après 1 éclatante vic-
toire que les socialistes ont remportée à Tou-
louse en face de tout candidat radical socia-
liste, il y aura l'an prochain un socialiste unifié.
Cette perspective certaine ne permet plus aux
radicaux d'éluder la question « Qu'allez-vous
faire pour ou contre les républicains de gouver-
nement ? Quelles ententes pouvez-vous conclure
avec eux? Quels gages leur offrez-vous? » On a
pris, depuis quelques années, l'habitude de trai-
ter de turc à more, en parias, d'excellents ré-
publicains qui ont fondé, servi et défendu
le régime, mais qui n'ont pas accepté la
discipline dégradante du Bloc. Hier encore,
M Merlou, ministre des finances, disait
« Si nous avons dressé une barrière du coté
des timides ou des républicains de date trop
récente, nous tendrons au contraire à ce qu'il
n'existe du côté des avancés aucune barrière,
hormis celles qu'ils élèveront eux-mêmes en
adoptant des théories qui compromettraient a
l'extérieur la dignité et la force de la France.
Qu'est-ce que cette barrière contre les timides?
Et qui sont les timides1! M. Merlou désigne-t-il
par ce mot les républicains qui ont courageuse-
ment défendu la République contre le boulan-
rSuTâvec dévotion devant le dogme radical ?TTe
quel droit cette barrière dressée? Et que sigm-
fiaient alors les appels de M. Rouvier à une
I *™*An*M£ Mnrnie. ?
Que M. prenne garde Tandis qu i
lançait cette déclaration de guerre aux répubh-
Sains non radicaux, ses amis étaient battus à
Toulouse et ailleurs par ces avancés qu il espère
retenir par des sourires. Les radicaux sociahs-
tei Z sont plus en situation de faire les dédai-
eneux, ni d'excommunier personne.
Et puis, le moment des vaines paroles est
vâsi Que vont faire les radicaux socialistes ? '?
Election de Nèvers les oblige à «e prononcer
Le candidat radical se maintiendra-t-il? En ce
ctsiï peut être élu grâce aux républicains pro-
?res Xs mais il faudra savoir si l'on s'engage
envers ceux-ci à reconnaître ce concours Le
candidat radical s'effacera-t-il devant le socia-
liste ? En ce cas, on saura à quoi s'en tenir. M- si
1 f socialistes et les radicaux »'ejte^J^_
unir leurs voix aux scrutins de ballottage et ex
dure les républicains, ceux-ci sauront que/!
fau agtdèFle premier tour de scrutm et .que,
grâce à un peu d'habileté, la minorité repubh-
caine qu'on ïeut mettre hors la loi dispose du
succès et peut causer à certains pontifes du ra-
Sisme socialiste bien des mécomptes. La
question est posée. Aux radicaux de réjéchir
et de s'apercevoir enfin que leurs intérêts con-
cordent avec leur devoir patriotique et républi-
cain.
LA MISSION BRÀZZà ET M. GENTIL
II est auiourd'hui certain que la mission de M. de
1 pra//a revfent du Congo privée de sou illustre chef,
Ce n'est,pas vrai, je viens de vous le dire.
Et puis si vous étiez si scrupuleux, la rumeur
publique a dû vous avertir. On raconte tout bas
?ci oui, tout bas, mais j'entends tout de même,
que j'appartiens à l'administration ce qui veut
dire à la préfecture ou à la Sûreté. Comme cela
ne regarde personne, je n'ai jamais pris la peine
de démentir ces bruits. D'ailleurs, si j'étais
mouchard je ne le cacherais pas, du moins en
dehors de ma fonction je ne vois pas de mal à
cela. il n'y a pas de sot métier. et sans la
police, les honnêtes gens comme vous seraient
encore plus souvent la dupe des coquins qui les
menacent. nlme
11 avait prononcé « les honnêtes gens comme
vous » en appuyant sur les mots. M. Abel com-
prit sans nul doute, mais ne sourcilla pas. Il
parut subitement rasséréné, tendit la main à,
son camarade de taverne, et très conciliant, re-
connut ses torts et regretta sa vivacité.
Vous avez raison. trois fois raison. Tout
cela c'est autant de préjugés. et puis d'ailleurs
je ne doute pas de votre parole. Mais expli-
quez-moi donc ce qui vous pousse a- agir ainsi.
C'est une confidence, plus même, une con-
fession que vous exigez de moi? Soit J ai trop
d'estime pour vous pour rien vous refuser. Voici
la vérité. J'ai toujours été curieux de ma nature
dès mon enfance, je remarquais ce qui se pas-
sait autour de moi. J'en tirais des déductions
plus ou moins raisonnables. De plus, j'ai tou-
jours aussi possédé quelque bien. Oh! peu de.
chose; mais assez pour vivre indépendant, à la
condition de vivre comme un pauvre; mais je
n'ai jamais eu de besoins. Les femmes, peuh
si elles demandent de l'argent, c'est qu'elles
n'ont pas d'amour, et dans ce cas, ne sont pas
intéressantes; le luxe, je n'y tiens guère; le vin,
les bons -dîners, je m'en moque je suis content
devant un pot-au-feu et un litre vulgaire.
Vous êtes un sage admira M. Abel.
Non, pas tout fait. J'ai une passion la
curiosité, je vous l'ai déjà dit. J'ai résolu de la
rendre utile à tous. Je mé suis mis en tête, par-
tout où je flairerais l'escroquerie (et j'ai le nez
creux), e tout faire pour démasquer la fraude,
pour m'etpposer à l'exécution du délit Pjémé-
Ml.. Si farrive trop tard, je m'efforce de dé-
couvrir les coupables, je les fais pincer. Je n'ai
iamais accepté un sou pour cela; et cependant
j'ai rendu à la justice dés services sérieux qui
pourraient m'être comptés.
~Alors, vodsagiss~&p&rsmcl~~ d.~
mais rapportant tous les éléments de 1 enquête faite r
par-lui et les conclusions de cette enquête. Ces con- t
clusions critiquent très vivement le régime admi- t
nistratif auquel notre colonie équatoriale a été sou- t
mise depuis nombre d'années. Elles mettent de plus 1
en xanse directement M. Gentil, commissaire gêné- i
-rai du Congo. f
Le Petit Parisien se dit en mesure de pouvoir 1
donner la substance des documents rapportés par la 1
mission.
Tout d'abord M. de Brazza'a signalé au ministre ]
la mauvaise volonté qu'il aurait rencontrée auprès de
M. Gentil pour l'accomplissement de sa tache, et ]
montré le danger que présente, à son sens, sa façon
de procéder, qui sacrifie entièrement les autres éta-
blisséments au Moyen-Congo, dont il a plus spécia-
lement la charge. Il indique que sa manière d opérer
prive complètement d'initiative. les lieutenants gou-
verneurs.
M de Brazza fait voir, dit notre confrère, qu'en sa-
crifiant le Gabon, colonie prospère il y a une dizaine
d'années, au Moyen-Congo, il a ruiné cette colonie, qui
comptait à ce moment vingt-huit maisons de com-
merce et n'en possède plus aujourd'hui que cinq. Les
fonctionnaires sont privés non seulement de tout con-
fort, mais encore des choses strictement nécessaires a
l'existence sous un climat meurtrier. Ils voient leur
solde diminuer des quelques suppléments qui leur
permettaient de vivre. Ils sont logés la plupart du
temps dans des paillottes et sont malheureux. Les in-
digènes, eux aussi, se plaignent.
Si M. Gentil avait fait partir les troupes que lui de-
mandait, en décembre dernier, le lieutenant gouver-
neur du Gabon, le soulèvement des Pahouins anthro-.
pophages eût été évité. Cette révolte fut marquée par
le massacre de l'agent de factorerie Ourson qu on
voulut après sa mort rendre responsable de tout le
mal et aussi par celui d'un sergent français et de
plusieurs indigènes. Cette insurrection n'est pas encore
apaisée. 1
M de Brazza accuse ensuite M. Gentil de favoriser
les procédés irréguliers des commerçants du Congo,
rrui dit-il exploitent les indigènes qu'ils emploient
a façon la plus regrettable Voici comment.
Un indigène doit Être normalement paye 20 francs
Dar mois, mais on règle son salaire en marchandise,
c'est-à-dire qu'on lui donne quelques pagnes, de la
verroterie, etc. Or, le, prix de ces -différents objets
est tellement majoré qu'en réalité l'homme ne
touche pas plus de 8 à 9 francs.
M. de Brazza réclamait, en conséquence, que les in-
digènes fussent réglés dorénavant en argent.
L'éminent explorateur aborde ensuite la question du
portage. Il constate avec tristesse que le portage forcé,
qu'on prétendait supprimé et remplacé par le portage
volontaire, a cependant été maintenu; il ajoute même
au'âu cours de leurs corvées les indigènes, mal ou pas
nourris subissant toutes sortes de vexations et de
mauvais traitements, meurent en masse. Aussi, pour
se soustraire à ce régime, émigrent-ils en foule et se
cachent-ils dans la brousse. Mais on a trouvé un
moyen de les contraindre à venir se livrer eux-mêmes.
On s'empare de toutes les femmes et de tous les en-
fants qui restent dans les villages et on les enferme
dans des reconcentrados, qu'on a baptisés « camps do-
tages » Ils y restent jusqu'à ce que les hommes vien-
nent accomplir le travail imposé. Il est inutile de dire
que dans ces camps la mortalité s'élève à des propor-
tions effrayantes.
M. de Brazza accuse également M. Gentil d'avoir em-
ployé des moyens irréguliers pour favoriser une com-
pagnie industrielle récemment établie au Congo. Cette
compagnie, actuellement florissante, devrait son succès
i natta hifinveillance exagérée.
Après avoir, dit-on, accusé M. Gentil d'avoir lui-
même commis de véritables actes de cruauté
exécution sommaire sans jugement de miliciens,
indigènes battus à coups de chieptte (fouet en cuir
d'hippopotame) jusqu'à ce que mort s'ensuive, M.
de Brazza termine son rapport .en proposant certai-
nes réformes administratives, dont la plus impor-
tante serait la création d'un gouvernement ou d une
lieutenance du Banghi-Chari. Il estime également
quo les pouvoirs des lieutenant gouverneurs ne
sont pas suffisamment étendus. Il faut enfin éviter
à tout prix que puisse se créer ce qu'on pourrait
appeler une « féodalité coloniale ». --Iîôrs ae'
JoSSn^Tîe^ux- du public, il êsrtfors W
doute que M. Gentil, tiendra à répondre. Voici, pa-
rait-il, sur quels arguments ses amis s'appuieraient:
II est regrettable, nous dit celui-ci, qu'on fasse
de «l'affaire du Congo» une question do personnes,
cra'on la transforme en une sorte de duel entre la
(m'on la transforme en une sorte de duel enrôla.
mission de Brazza et M. Gentil, au lieu de chercher
^solution, sans animosité, dans des réformes admi-
nistratives qui s'imposent. Peut-être alors M. Gon-
til SuJaTtTpas de peine à démontrer que ces ré-
formes, il les réclamait depuis longtemps. Si l'on
cherche à déterminer les responsabilités, il faudrait
engager celle même du ministère des colonies
antérieurement à l'administration de M. Clementol,
qui a eu au contraire le mérite d'engager pubhque-
ment la question des réformes par l'envoi de la mis-
sion de Brazza. H Y a deux ans, une première en-
quête fut faite au Congo. On n'a pas vu qu'elle ait
donné des résultats, on n'a pas vu qu'aucune déci-
slon ait été prise après son retour. Gentil avait si-
» Je crois au contraire que M. Gentil avait si-
gnalé depuis assez longtemps l'état d'anarchie ad-
ministrative où se trouvaient les territoires de
fouhanghi-Chari, qu'il avait constaté le manque
total de comptabilité dans les services, > pillage
des magasins, l'autonomie dangereuse laissée dans
ces territoires à des agents de grade inférieur, qui
t.our assurer le portage des vivres et des marchan-
dises des sociétés, étaient obligés de traiter assez
durement l'indigène, puis prenaient l'habitude de le
molester. Votre correspondant spécial la dit en
une phrase remarquable « Faut-iï juger des actes
accomplis en un véritable état ^guerre avec la
morale de l'état de paix? » Mais M. Gentil avait
alors proposé, et voici longtemps, la même solution
nue M de Brazza: la création d'un gouvernement
M M. de Brazza: la création un gouvernement
autonome de l'Oubanghi-Chari dont le titulaire au-
rait pu contrôler de près les actes de ses subordon-
nés..
"t'pourquoi cette réforme n'a-t-elle pas été accom-
Blie? C'est qu'on manquait d'argent. Et on était
ainsi dans uncercle vicieux. La métropole ne vou-
lait pas venir en aide à une colonie qui manquait de
n n ̃ ^tm^tMUMmi^mamimiitasaxaisdi
r-
~i ~~a
bien et de l'humanité? Vous êtes un philan- s'
thrope, reprit M. Abel. v
Non encore, gronda Véroudard d'une voix
basse. Je n'agis pas par amour du bien et de l'
l'humanité, mais par besoin de savoir, de fure- n
ter, de comprendre; par haine aussi des escrocs,
des canailles, sans parler des pires criminels. g
Tels sont les sentiments qui ont déterminé ma r
vocation de « policier amateur ». C'est ainsi c
que je me qualifie moi-même. A jouer ce rôle, c
i'Y ai pris goût; je me suis enthousiasmé pour 1
«mon art ». Au premier fumet d'un crime, je
tressaille, je tombe en arrêt et je pars a fond de
train, comme un bon limier sur une voie chaude.
Je dois avouer cependant que je me suis trompé
quelquefois j'ai eu, par cela même, des dé-
ceptions, des avanies cruelles. Mais les victoi-
res compensent les défaites. Et j'en ai de bel-
les, de nombreuses à mon actif. M'absolvez-
vous~
-Je vous admire, je vous envie 1 assura M.
Abel car ce doit être bien intéressant; mais
c'est un don, tout le monde n'est pas élu.
très juste fit l'autre en empochant le com-
pliment.
Ce soir-là, M. Abel ne tarit pas de prévenances
et d'amabilités pour M. Honoré Véroudard en
s'en allant, il lui témoignait encore la plus vive
amitié; mais à partir de ce soir, il ne remit pas
les pieds à la Taverne Suissesse.
Un habitué le fit remarquer, quelques jours
plus tard, à M. Véroudard, resté seul à sa table.
Il sourit et répliqua, toujours énigmatique
Je m'y attendais; mais nous nous rever-
rons tout de même.
Peu de temps après, il disparut à'son tour.
En quittant M. Abel, Prosper Thibault était
parti à pas pressés vers la rue Saint-Roch cette
fois, il avait des ailes. Il riait tout haut; la
misère était finie. Il ne calculait même plus les
mauvaises chances, dont la perspective l'avait
fait jadis tant de fois hésiter; bien mieux,
aucun remords, aucun regret même ne se mê-
laient à sa joie débordante l'immédiat lui suffi-
sait le lendemain matin, il posséderait une
fortune.
Il monta ses six étages à grandes enjambées,
tourna la clef qui restait toujours sur la porte,
et déjà, il criait:
Ça y est, cette fois, nous sommes sauvés I
Mais sa voix résonna dans le silence et ce fut
yné oi>séuriïé glaciale gui l'accueillit Je feu
essources. Pour se procurer ces ressources s m
lace, il fallait obtenir de l'indigène qu'il payât 1 îm-
ôt et l'y obliger souvent par la force. En d'autres
armes, afin plus tard de le protéger efficacement,
ni imposer d'abord un joug trop pesant, par des
noyens d'autant plus rudes qu'ils étaient msuln-
ants II n'y a pas un seul homme de troupes régu-
ières'au Congo, si l'on en excepte les territoires :ml-
[ères au Congo, si l'on en excepte les territoires.1ni-
[taires du Tchad, et l'on n'y compte pas tout à fait
,500 miliciens indigènes, plus ou moins disci-
}linés.
» îaUst question aussi de la protection accordée
)ar le commissaire général aux sociétés conces-
;ionnaires. Ce n'est pas ici le lieu de rechercher
l'il fut de bonne politique économique d'accorder à
;elles-ci un monopole de fait pour l'acquisition des
produits du sol, surtout à la côte gabonaise, où il
existait, comme le dit le Petit Parisien, vingt-huit
maisons qui jadis se livraient librement au commer-
ce. Mais enfin ce n'est pas M. Gentil qui les a créées
et puisqu'elles existaient il devait autoriser et proté-
ger leurs opérations, tout en les contrôlant. Le pro-
blème finàncier apparaît là de nouveau le dévelop-
pement économique du Congo était nécessaire aux
recettes budgétaires de la colonie, et ce développe-
ment ne pouvait plus être que l'oeuvre des sociétés,
puisqu'elles doivent verser à l'Etat une part de leurs
bénéfices. La perception de l'impôt en argent, au
lieu de la perception en nature, pouvait mettre un
frein a l'exploitation possible de l'indigène par des
sociétés.. M. Gentil commençait d'entreprendre cette
réforme.
» La réponse serait la même pour la question du
portage. On déclare qu'il existe encore, malgré les
affirmations de M. Gentil il fallait de l'argent pour
payer le nombre de porteurs libres nécessaires pour
le supprimer entièrement. » j r
Nous avons reçu de notre correspondant de Lon-
dres la dépêche suivante
La publication in extenso par le Temps des interro-
gatoires du procès Gaud-Toqué, l'intention évidente du
gouvernement de ne rien cacher des affaires du Con-
go, a produit dans les milieux coloniaux anglais la
meilleure impression. La presse loue unanimement cet
acte de probité administrative.
O
L'AFFAIRE GAUD-TOQU§
(De notre correspondant auprès de la mission Brazza)
Brazzaville, 25 août.
Troisième et quatrième audiences
Fin de l'interrogatoire des accusés. L'audition des
témoins. Incidents, d'audience. Début du réqui-
sitoire du procureur de la République.
Par le précédent courrier, j'ai envoyé le compte
rendu détaillé des deux premières audiences, les plus
importantes de toutes l'accusation a exposé ses ar-
guments, Toqué et Gaud ont répondu. Voici mainte-
nant le récit des audiences suivantes.
TROISIÈME AUDIENCE
La troisième audience s'ouvre le mercredi 23 août
à sept heures et demie.
Lo président, M. de Kersaint-Gilly, achève d'in-
terroger les accusés sur l'affaire de la dynamite. Il
demande à Gaud s'il reconnaît avoir allumé lui-même
la cartouche.
Gaud (après une très longue hésitation). Je crois
que c'est Matifara.
Le président– C'est la première fois que vous faites
cette déclaration.
Le président rappelle qu'à l'instruction, Gaud a
déclaré au docteur Allain avoir perdu tout sens
moral, le 14 juillet, à la suite de nombreuses liba-
tions. Gaud, après avoir hésité, répond que le
14 juillet, on a bu, à Fort-Crampel, 40 centilitres du
vin de la ration, deux fois plus que d'habitude.
Le président lit les témoignages de M. Kermarec,
qui a assisté de loin à la scène de M. Dagaud, qui
a entendu la détonation; de M. Chamarande, qui a
entendu parler du crime par Gaud; du garde régio-
nal Matifara, qui a aidé Gaud à dynamiter Pakpa
ô'a^Up^fiJBdieène^Odourna. T^ ~g– t
exact comme l'affirment les ̃ KH.-jœ.?.?ï-
quln'e scène de lubricité (selon les termes de l'accu-
sation) ait précédé l'exécution de Pakpa. Il m est
impossible de donner ici des détails sur ce sujet
répugnant.
Revenant à l'affaire en elle-même, le président
cite une déposition de Toqué à l'instruction. Gaud
aurait dit à Toqué, l'après-midi du 14 juillet « Ça
a l'air idiot; mais ça médusera les indigènes, Si
après ça ils ne se tiennent pas tranquillesi » Gaud,
à l'audience, explique qu'il a fait constater aux in-
digènes l'étrangeté de cette mort ni trace de coup
de fusil, ni trace de coup de sagaie; c'est par une
sorte de miracle qu'est mort celui qui n'avait pas
voulu faire amitié avec les blancs.
Le président (faisant allusion à une déposition de
Gaud). Le feu du ciel?
Gaud. Oui. Le feu du ciel. En fait la rébellion
des M'Brès s'est terminée peu de temps après.
Gaud confirme que Toqué lui a dit, le matin du
jour du crime « Faites ce que vous voudrez. »
Le président rappelle à Toqué ses déclarations à
l'instruction. Toqué a dit que tralu par Pakpa,
conduit dans un guet-apens où il avait eu deux
hommes tués et cinq blessés, il avait usé de son
droit en donnant sur-le-champ à Gaud l'ordre de
fusiller Pakpa. Mais plus tard il a fait gràce de la
vie à Pakpa et l'a condamné à la prison. Ainsi Gaud
a agi de son propre mouvement le 14 juillet.
Toqué (d'un ton très énergique). Ai-je donné à
Gaud l'ordre d'exécuter, de dynamiter Pakpa? Non
non, et non. Quand je lui ai dit « Faites ce que voue
• voudrez» cela voulait dire: Libérez le ou gardez-le er
prison, à votre choix. »
l Le défenseur des accusés fait lire le certificat mé-
dical donné à Toqué en juillet 1903 par le docteur
» Le Maout (un de ses principaux accusateurs). Il si
'était éteint dans la cheminée la chambre était
ide.
1 Sur-le-champ, il conçut le malheur jusqu'à
évidence, mais n'en devinait pas encore la
lature.
^Tâtons, il chercha des allumettes, le bou-
doir. La chandelle clignotante éclaira faible-
nent la mansarde. Sur la table, il vit une lettre
uverte; il s'en saisit avec un tremblement
[ans les doigts, l'approcha de la flamme et
ut:
« Mon pauvre aimé, pardon mais je m'en
rais. J'ai pesé cent fois le pour et le contre; que
{eux-tu, j'ai peur de l'hôpital et de la mort; je
a'ai pas vingt ans.
» J'ai conclu qu'il valait mieux encore essayer
je vivre ailleurs que de mourir dans tes bras;
4 que ton chagrin serait moins grand, moins
long devant notre chambre vidé que devant
ma tombe pleine. i
» Maudis-moi, traite-moi d'infâme, tu auras
peut-être raison; et oublie-moi et sois heureux;
je n'étais qu'un obstacle a ta vie; va droit de-
vant toi, à présent.
» Ecoute, si je meurs, je m'arrangerai bien
pour venir te le dire. Une nuit ou l'autre, quand
tu penseras à moi. Si je vis. dis-toi que je ne
vaux pas la peine d'être regrettée.
» Pour moi, ou je prononcerai ton nom à mon
dernier soupir, ou,, chaque jour de l'avenir,
j'évoquerai ta chère image en lui demandant
pardon.
» Nous nous serons aimés huit mois. huit
mois Pourquoi faut-il, grand Dieu?. Adieu,
adieu! Ne repousse pas les derniers baisers
de ta pauvre Micheline. »
Il avait lu il restait hébété. Il tomba sur la
chaise, s'attarda, les poings aux tempes, accoudé
sur la table, la lettre devant lui. Il songea, se
souvint, crut mourir. -Micheline ? partie, en-
fuie 1. Jamais, aux plus mauvaises heures, il
n'avait imaginé ce dénouement. Il s'absorba
dans sa douleur, s'y perdit, y roula comme
dans un gouffre sans fond.
Par instants, il sursautait, tentait de s éveiller
de cet affreux cauchemar, criait:
Ça n'est pas vrai! 1 1 i.t
Et puis il retombait à la réalité. Pourtant il
eut grand'peine à s'accoutumer à l'idée d'un
semblable désastre. Il ne pleurait pas.
Le froid physique, en lui, accompagnait le
froid mental. ui j?"arut g[Ue_ nfin n jsisiwt
gnale un accès Diueux grave, u» acnou^ <»,i~»
fièvre consécutifs, un état d'anémie générale; il con-
seille un rapatriement immédiat.
Toqué a essayé d'abord à l'instruction de cacher la
crime de Gaud. Il explique que c'était pour obéir fc
un ordre de ses chefs et pour rester fidèle à un ser- 4
ment fait par tous les Européens on voulait étouf-
fer l'affaire, de peur que Gaud ne révélât tous les
scandales connus de lui, par exemple celui des mas-
sacres de la Nana.
L'interrogatoire des accusés étant terminé, le pré-
sident lit un certain nombre de témoignages sur le
caractère des accusés.
Les notes données à Toqué par ses supérieurs
sont fort élogieuses intelligent, bon et bienveillant, v
auteur d'intéressants travaux, de linguistique. M.
Bruel a proposé Toqué pour la croix de la Légion
d'honneur. Le lieutenant Mangin l'a fait citer à l'or-
dre du jour pour sa belle conduite lors d'une expé-
dition contre des tribus rebelles.
Le 17 mai 1905, Toqué a demandé à être adjoint à
la mission Brazza pour la renseigner sur la situa-
tion dans le..Haut-Chari; on n'a pas donné suite à
cette demande. n. &
Les indigènes interrogés répondent que Toqué
était « un peu bon », « bon » ou « beaucoup bon ».
Lès supérieurs de Gaud signalent son intelligence
vive, son activité, son goût pour les travaux les
plus variés (linguistique, ethnologie, variole, caout-
chouc, etc4, son dévouement à soigner les malades.
D'autres le disent mégalomane, raté, aigri, autori-
taire, très violent, cruel. Los indigènes le disent
a mauvais » et l'appellent niamagounda (bête de
brousse.)
Gaud répond qu'à son départ tous les chefs sont
venus lui dire adieu; que 500 M'Brès lui ont donné
le nom de « père »; qu'il a soigné à Fort-Crampel
11 Européens, 108 indigènes, 18 blessures de guerre.
Ensuite commence l'interrogatoire des témoins.
M. Merlet, administrateur adjoint des colonies^
explique avec quel soin il a mené l'enquête sur l'af-
faire Gaud-Toqué, quand il a été chargé d'une com-
mission rogatoire dans le Haut-Chari. Il signale que
l'un des principaux témoins, Matifara, lui a paru
manifestement hostile à Gaud et a menti en parlant
d'une femme jetée vivante dans un four à briques.
Les autres témoins lui ont semblé sincères.
.1
Interrogé au sujet des interpretes aoni, 1L »*=<•
servi, il répond qu'il a surtout utilisé un inter^
prête non mêlé à l'affaire, Sidi Samba. Il n'a utilisé
d'autres interprètes, Matifara par exemple, que tout
à fait exceptionnellement.
Le docteur Allain explique pourquoi il considère
que la responsabilité de Gaud est atténuée. Gaud
est un mégalomane, un déséquilibré.
Gaud réplique que le 14 juillet, il était surexcité et
dans un état fébrile ayant veillé Toqué, malade,
pendant plusieurs nuits, et ayant fait tout son tra-
vail pendant plusieurs jours, il était absolument
surmené.
Le défenseur. La responsabilité de Gaud était-ella
atténuée par ce fait?
Le docteur Allain. Je le crois.
On donne lecture du rapport médico-légal du doc-
teur Allain, concluant à la responsabilité largement
atténuée de Gaud.
On entend ensuite M. Chamarande, administra-
teur adjoint des colonies. Depuis la mort du docteur
Le Maout, c'est le principal témoin de l'accusation.
Sa parole prétentieuse et ses gestes d'une raideur
mécanique font mauvaise impression sur l'audi-
toire.
Il explique qu'en arrivant à Fort-Crampel il était 't
« pas ordinaire » et « un peu ridicule ». Il a été «bri-
mé » par Toqué et Gaud. Cependant il mangeait
avec eux
aTsi6 ;j*ne l'avais pas fait, mon estomac en aurait
beaucoup souffert. » r««™<ï
Il accuse Toqué d'être un menteur habile et Gaud
un brutal ILmime les couds de noing donnes^ pac
Gàuaaux indigènes. Il a vu mettre un chef mdigèna
dans le silo. Il a entendu Gaud raconter la scène do
actes reprochés a Gaud et a~qW.~J~d~
il estime que son témoignage ne doit pas être
considéré comme très important.
^a^rp^SStïe, M Chamaranda
donne toutes sortes de détails ne se rattachant pas à
l'affaire en cours comment il est «bilicencié en
histoire et en géographie »; pourquoi il a été refusa
à l'Ecole normale, comment on fabrique à Fort-
Crampel des apéritifs au citron, etc., etc. Il termina
par ces mots, qui font sourire l'auditoire
«Je n'ai plus rien à dire. Je pourrais parler long-
temps comme ça. Je parle d'abondance. »
Tour à tour le procureur et le défenseur interro-
g ent le témoin sur les actes de brutalité reprochés à
Gaud. Ayant dit à l'instruction qu'on pourrait arri-
ver, patdnïérentes mesures sanitaires, à rendre la
silo une prison supportable, il déclare qu'il a changé
d'opinion depuis mais tout le inonde
^«Çn^pïtrès courageux, mais tout le monde
ne l'est pas beaucoup.
Le défenseur faisant lire les lettres très sympa-
thiaues écrites à Toqué par M. Chamarande, celui-ci
Sue naïvement que Toqué pouvait le recom-
mander à l'un de ses supérieurs dont il était 1 ami
intime
1« C'est de la politesse de cour. Je n'ai pas été
très brave. 0
^Le'S^ur critiquant les termes d'une lettro
t écrite par M. Chamarande, celui-ci reconnaît quila
1sont exagérés
1 ^cSeillittérature. Tout le monde en fait. »
Depuis, ayant été en France, ayant « pris un bain
d'air national », il est devenu plus calme. Pourtant;
Somment il accuse Toqué d'avoir «mangé la
? grenouille à l'Ecole coloniale, dépensé l'argent
d'une collecte destinée à une fête, accusation contre
~tLMU)m
plus, qu'il était seul sur les ruines du monde.
P II demeura longtemps de la sorte, écrasé,
anéanti- la chandelle, usée jusqu'au bout s éteir
gnit brusquement, et sol mèche noircie crépitait
dans le suif liquide ce bruit le tira de sa stu-
peinl Dans la nuit noire il se leva, gagna son
lit, s'v jeta tout habillé; alors, la tête enfoui
dans llreiller qui avait gardé le parfum de 1 abc
sente enfin, il sanglotait à son tour.
Le lendemain, Prosper Thibault retournait a
son bureau, comme naguère, à heure habb
tuelle A voir sa figure creusée, ravagée, ses
yeux iorntams, sa démarche cassée, on estima
qu'il revenait trop tôt.
^NonMfavïitbTso^de travail, d'occupation;
son mal était moral. Nul n'insista, car tous près.
sentaient un drame secret intime- une histoire
de femme, -comme c'était, après tout la vente.
Le même matin, M. Abel l'attendit mutiler
ment au rendez-vous fixé. Très surpris de na
rV pas rencontrer, il se demanda si Véroudard
nWit pas approché la vérité dans ses juge-
ments audacieux. ,t
Si ce dernier avait raison, il regrettait d'autant
plus de manquer cette affaire; car trente m
francs de titres suspects se payent trois mille
francs il les aurait obtenus à ce prix sans nu!
doute, surtout en élevant la voix, dans des pa,
rôles de suspicion et de vagues menaces, et
parce que le « client» était à bout de ressources.
PTlttendit trois jours le soir- du troisième il
alla se poster à la porte du ministère et. guetta
la sortie des employés.
laBientôt,eu aperçut celui qu'il cherchait. Il ne
s_'arrèta pas à considérer sa physionomie, mar-
clla droit à lui.
^i^h'bfen1! mon cher ami, vous m'avez fait
poser. Et notre petite affaire?
Prosper le contemplait d'un œil fixe, sans
même sembler le reconnaître. Après une minute
d'examen, il le distingua cependant. be-
-Ali! c'est vous? Non. Je n'ai plus be-
soin. Merci 1..
S°- CommenU Vous n'avez plus besoin ? Pour-
quoi ¿ela ?
qUproseper eut une convulsion de la gorge sa
face se noya d'ombre, ses yeux rougirent, il bé-
gaya
Parce que. parce qu'elle est morte!
M Abel 1 sâluX pWotaVr, lui-même et s'en.
alla déconcerté. Mqntéqw
J, çuyimb. JlL\umCE ;MONTÉ~
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