Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-06-05
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34431794k
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 137484 Nombre total de vues : 137484
Description : 05 juin 1894 05 juin 1894
Description : 1894/06/05 (Numéro 12062). 1894/06/05 (Numéro 12062).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : France-Japon Collection numérique : France-Japon
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k2341198
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
On s'abonne aux 3ureauxdu Journal, 5, BOULEVARD DES ITALIENS, A PARIS, et dans tous les Bureaux de Poste
TRENTE-QUATRIEME ANNuE. N° 12002
MARDI 5 JUIN 1894
PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS Trois mois, 14 fr.; Six mois, 28 fr.; Ua an, 56 tel
DBP»« & ALSACE-LORRAINE IV fr.; 34 fr.; 6Sfr,
UNION POSTALE. lSfr.; 3efr.; 72 fr,
AUTRES PAYS. 23 fr.; 46 fr.; 92fr.
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1" ET 16 DE CIIAQOE MOIS
Un numéro (départements) »O centimes
ANNONCES MM. Lagrangk, CERF ET C", 8, place de la Bourse
te Journal et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant à leur teneut.
Adresse tiligraphiqut TEMPS PABIS
PRIX DE L'ABONNEMENT.
PARI3. Trois mois, 14 fr. j Six mois, 28 fr. U* »a, s6 fr.
DïP" & ALSACE-LORRAINS 17 fr.; 34 fr.; 6S fr,
UNION POSTALE. 13 fr.; 36 fr.; 72^
AUTRES PATS 23fr.; 46 fr.; 92 tu
XES ABONNEMENTS DATBNT DES 1" ET 16 DB CHAQUE MOIS
Un numéro (à I*a.ris) It5 centimes
Directeur politique Adrien Hébrarà
Toutes les lettres destinées à. la Rédaction doivent être adressées au Directeur
Le Journal ne répond pas des arlicles non insérés
PARIS, 4 JUIN
BULLETIN DU JOUR
LE REFERENDUM SUISSE
La Suisse continue d'être le laboratoire des
expériences de la démocratie moderne. Calme-
ment, courageusement, simplement, elle se livre
à des innovations constitutionnelles devant les-
quelles reculent les Etats les plus solidement
assis. Elle avait déjà le référendum, c'est-à-dire
la ratification par le vote populaire direct des
mesures législatives adoptées par la représenta-
tion nationale. Elley a ajouté depuis peu l'initia-
tive directe du peuple, c'est-à-dire le droit pour
un nombre donné d'électeurs de provoquer la
mise en jeu du référendum sur une question
particulière.
C'est un grand pas de fait dans la voie du
gouvernement direct. Il. est peu probable que
cette dernière innovation obtienne un accueil
aussi favorable que le référendum pur et sim-
ple auprès de certains théoriciens de la société
future. Il est curieux de constater qu'en Angle-
îerre, dans la patrie du régime parlementaire,
toute une école ou plutôt tout un parti, c'est
des conservateurs que nous voulons parler,
tend de plus en plus à envisager le plébiscite
proprement dit comme le palladium de l'ordre
social.
Lord Salisbury a formulé à cet égard toute
une théorie fort ingénieuse la Chambre des
tords y joue le rôle d'un frein temporaire elle
oppose son veto aux décisions de la Chambre
des communes dans tous les cas où elle a lieu
de soupçonner que le pays ne ratifierait pas
celles-ci, et c'est le corps électoral qui est appelé
en dernière instance à prononcer sur ces gran-
des questions organiques.
Quant à l'initiative populaire elle n'a point
encore fait beaucoup de prosélytes et ce n'est
Eas l'exemple de la Suisse qui contribuera
beaucoup sur ce point à la conversion des amis
des institutions libres. Deux fois seulement
jusqu'ici cette lourde machine a été mise en
branle et ç'a été pour des motifs bien peu inté-
ressants ou du moins d'un intérêt peu pratique.
Une première fois il s'agissait d'une pétition
antisémite contre le mode d'abatage israélite.
Le peuple suisse, qui est essentiellement rai-
sonnable, a eu peine à croire qu'il fût bien utile
ou avantageux de déranger des centaines de
milliers de citoyens et de convoquer tout le
eorps électoral dans ses comices pour régler
une question qui ne pouvait cesser d'appartenir
à l'humble catégorie des mesures de police sa-
nitaire que si l'on y faisait entrer de force des
considérations étrangères ou plutôt encore des
haines de race et de religion.
C'était proprement mettre en mouvement un
de ces gigantesques marteaux des grandes usi-
nes qui pèsent plusieurs milliers de kilogram-
mes pour écraser une noisette. Le vote fit bien
voir aux initiateurs de cette campagne que le
libre sol de l'Helvétie n'est pas propice aux en-
treprises exotiques nées sous les auspices d'un
Stœcker.
Hier la population semblé avoir encore moins
pris à cœur la formule qui était soumise à ses
suffrages par l'initiative de 22,387 pétition-
naires. C'était le principe du droit au travail
que l'on demandait d'inscrire dans la Constitu-
tion fédérale. On se' croirait revenu d'un demi-
siècle en arrière aux controverses de 1848. Le
socialisme contemporain n'a plus pour cheval
de bataille ce dogme abstrait. Sous l'influence
de Karl Marx et des Kathedersozialisten d'Al-
lemagne, aussi bien que du néo-unionnisme an-
glais, d'autres problèmes plus pratiques, plus
urgents préoccupent les champions de la so-
ciété future. Ils ne font pas précisément fi du
droit au travail, mais c'est plutôt le droit au
loisir, suivant la formule spirituelle de l'un des
leurs, que revendiquent les promoteurs des
Trois-Huit.
Aussi bien est-ce l'indifférence qui a été !a
note dominante du scrutin d'hier et de la cam-
pagne qui l'a précédé. Ni adversaires ni parti-
sans n'ont réussi à galvaniser ce cadavre. On se
battait avec des ombres, chacun sentant à part
soi qu'il n'y avait rien de réel dans la partie.
il et le 13 avril, le Conseil national et le
Êon'seil des Etats, qui ont un droit de préavis,
avaient, à l'unanimité, décidé de recommander
au peuple un vote négatif. Les chefs les plus in-
telligents des socialistes avaient repoussé toute
part de responsabilité dans une initiative qu'ils
tenaient pour dangereuse, inopportune et mala-
droite au suprême degré.
• Dans ces conditions, lé résultat était acquis
d'avance. 293,000 voix ont rejeté la proposition,
75,000 l'ont adoptée. On voit qu'il y a eu de nom-
breuses abstentions. Ce n'est pas encore la jour-
née d'hier qui fera décidément entrer dans les
mœurs de la Suisse et dans les desiderata des
pays libres la pratique d'une initiative populaire
directe qui ne s'est encore manifestée que par
des démarches saugrenues ou des entreprises
condamnées d'avance.
v DÉPÊCHES TELEGRAPHIQUES
(DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Rome, 4 février, 10 h.
On connaît aujourd'hui la raison du mouvement
opéré samedi par M. Crispi. Le matin même les
députés do la Ligurie, qui avaient promis leur
appui au ministère à condition que l'on soutiendrait
la Banque d'Italie qui a sur la place de# Gênes son
FEUILLETOW mu 1£t\TUp3
DU 5 JUIN 1894 (30)
p
ANNÉES D'AVENTURES
V (Suite)
Après le repas, comme avec la nuit un peu de
fraîcheur se répandait dans l'air, M. Imbert dé-
clara qu'il fallait rentrer. On transporta la
table dans la cuisine où l'on prit un verre d'eau-
de-vie de prunes. Cette liqueur provenait éga-
lement de Sainval. On faisait macérer quelques
jours les fruits dans un tonneau coupé par le
milieu, puis un «brûleur», sorted'industriel am-
bulant, passant de ferme en ferme avec son
appareil, venait distiller l'alcool.
Hé hé! la cheminée vous étonne, ma chère
enfant. Elle est immense, en effet. En hiver, je
dîne devant et je n'ouvre.pas la salle à manger
une fois par mois.
Ils se couchèrent à neuf heures et demie. De
grand matin, André sauta à bas deson lit et alla
ouvrir les deux fenêtres toutes grandes, car la
petite Louise et Henriette étaient réveillées
aussi. Le soleil traversa la chambre. M. Imbert
était déjà dehors, avec un chapeau de paille et
une canne à la main, et il leur envoya le bon-
jour. Ils s'habillèrent, puis se mirent un instant
à la croisée pour voir la campagne. Le ciel d'une
clarté encore pâle n'avait pas un nuage et
tombait au loin sur une série de petites collines
garnies de bois épais. D'un autre côté, l'horizon
s'étendait davantage encore. Le pays était tout
plat et tout vert. Le charme des premières heu-
res du jour montait de la terre rafraîchie, et
Henriette, qui n'avait jamais regardé que les
champs grisâtres et couverts de maisons de la
banlieue parisienne, s'accouda contre la barre
de fer de la fenêtre, pour respirer.
Puis ils descendirent.
Nous allons ce matin, mon cher André,
faire un tour dans les vignes, dit M. Imbert.
-Je ne vous accompagne pas,dit Henriette.il
faut que je m'occupe du bébé, et j'irai retrouver
.ensuite Mme Boitard à la ferme.
Boitard justement s'avançait rongeant un
centre d'action, lui firent savoir qu'ils voteraient
contre les projets do M. Sonnino. La défaite du mi-
nistère eut alors été certaine. Les ministres furent
aussitôt réunis et M. Crispi leur soumit son plan
qwfatapprouvé. Le but principal que poursuit le
ministère est, dans le cas d'une dissolution, de
prendre pour plate-forme électorale les économies
au lieu des impôts.
Au cours de la discussion de samedi, M. Crispi a
interrompu un orateur pour dire qu'il ne voulait
plus des pleins pouvoirs, que c'était à la Chambre à
dire quelles économies elle voulait faire; mais au-
jourd'hui, que les budgets de la guerre et de la ma-
rine sont approuvés, quelles économies la Chambre
peut-elle faire pour équilibrer le budget? La situation
est très grave.
Aujourd'hui, la discussion s'ouvrira sur la motion
du gouvernement demandant la suspension de la
discussion financière et la nomination d'une com-
mission de dix-huit membres qui devra étudier tou-
tes les économies à faire. Plus de quarante députés
sont inscrits pour parler, mais quelques-uns ont
promis de renoncer à la parole, d'autres d'être très
brefs. Aussi, on croit que, ce soir même, on pourra
voter.
On parlait ce matin, Montecitorio, de nouvelles
surprises do la part du gouvernement. Deux faits
sont certains d'abord que, hier, les ministres ont
tenu conseil et se sont mis d'accord sur la conduite
à tenir; puis que, hier, chez M. Zanardelli et sous
sa présidence se réunirent MM. di Rudini, Prinetti,
Cavallotti, Roux, Giolitti, Lacava, Vacchelli, c'est-
à-dire les chefs de toutes les oppositions qui sont
décidés à une action commune, immédiate et déci-
sive contre le gouvernement.
Rome, 4 juin, 11 heures.
La fête de Garibaldi s'est transformée, hier, en
une manifestation bruyante en l'honneur du député
De Felice et des autres condamnés de Palerme. A
trois heures, les représentants d'une centaine de
sociétés politiques et ouvrières étaient réunis placo
du Peuple et devaient traverser, comme chaque
année, toute la ville pour monter au Capitole et
honorer la mémoire de Garibaldi. Au moment où
on allait se mettre en marche, arrivèrent de nom-
breux étudiants républicains et socialistes qui étaient
partis de l'Université avec un drapeau et avaient
distribué aux passants une protestation contre la
condamnation de Palerme. Ils se réunirent aux so-
ciétés qui attendaient sur la place du Peuple, et le
cortège se mit en marche aux cris répétés de
« Vive De Felice! »
Au Capitolo, M. Bovio prononça un discours où
toutes les allusions à la sentence de Palerme furent
soulignés par des vivats et des acclamations. Après
M. Bovio, le député socialiste Agnini prit la parole; il
conseilla à la foule de se disperser et de mettre fin
à la manifestation, mais les cris de « Vive De
Felice A bas les tribunaux militaires » redoublè-
rent. Le cortège descendit enfin du Capitolo en
chantant l'Hymne dos travailleurs. Arrivé sur la
place, il trouva do nombreux agents et des cordons
de troupe barrant certaines rues. Les agents firent
les sommations d'usage pour disperser les mani-
festants, mais ceux-ci protestèrent, et agents et
manifestants en vinrent aux mains. Quelques ho-
rions furent échangés. Au plus fort de la mêlée, on
vit une ligne de soldats, sur l'ordre du capitaine,
baisser les fusils armés de baïonnettes. Ce mouve-
ment excita davantage la foule, mais un inspecteur'
do la sûreté publique et un capitaine de carabiniers
accoururent et les soldats relevèrent leurs armes.
Le calme ne s'est rétabli qu'avec beaucoup do
peine.
Madrid, 4 juin, 9 h. 20.
Après une longue délibération sur les pétitions
des actionnaires et obligataires des chemins de fer
et surtout sur la proposition des compagnies por-
tant sur l'unification de la durée des concessions, le
conseil des ministres a décidé de confier au ministre
des travaux publics la mission d'étudier la question
et de formuler une solution que le gouvernement
soumettra aux Chambres.
M. Sagasta déclare qu'il est absolument opposé à
toute modification du cabinet et qu'il entend faire
de nouveaux efforts auprès du Sénat pour vaincre
l'obstruction que les conservateurs opposent aux
traités.
Belgrade, 4 juin, 8 heures.
Le bruit se confirme que les radicaux modérés
auraient l'intention do s'organiser fortement sous
la direction d'un comité de trois personnes: Grouitch,
Katitch, Vouitch, ou Nikolitch, afin do prendre en
main la représentation générale du parti que Pa-
chitch, le chef des radicaux intransigeants, semble
de plus en plus vouloir abandonner.
On dit que Pachitch renoncera à la vie politique
et ne reviendra pas à Belgrade pour le moment. De
Pétcrsbourg il irait avec sa famille sur les bords
de l'Adriatique. Tauchanovitch, autro intransigeant
do marque, aurait cependant l'intention de conti-
nuer la lutte.
(Service Havas)
Berlin, 4 juin.
D'après l'avis des médecins, l'état de l'empereur est
on ne peut plus satisfaisant. La guérison suit son
cours normal. En renouvelant l'appareil aujourd'hui,
les docteurs von Bergmann et Leuthold ont constaté
que la plaie est bien cicatrisée.
On espère que la guérison complète aura lieu d'ici à
trois jours c'est pourquoi le Moniteur officiel ne pu-
bliera plus de bulletin à partir de demain.
Vienne, 4 juin.
L'époque des manœuvres et la désignation des corps
qui doivent y participer viennent d'être fixées par le
cabinet impérial.
L'empereur a décidé que les manœuvres des lor et
9° corps lauraient lieu en Bohême du 2 au 6 sep-
tembre et celles des 4° et 6° corps en Hongrie, du 17
au 21 du même mois.
Alexandrie, 4 juin.
Le khédive s'embarquera le 22 pour Marseille.
Cologne, 4 juin.
La Gazette de Cologne apprend de Saint-Pétersbourg
qu'on a de bonnes nouvelles de la santé du grand-duc
gros morceau de pain. Il -souhaita le bonjour à
toute la société. Pour le moment, les travaux de
la culture ne le tenaient pas beaucoup, car il
avait décidé de ne faire la moisson qu'à la fin
de la semaine, malgré l'opinion de M. Imbert
soutenant que le blé était mûr depuis long-
temps. Mais Boitard était de cette école de
paysans qui prétendent que le blé n'est ja-
mais assez mûr pour être arraché de la
terre, ni les raisins assez gonflés pour être
enlevés aux ceps Ils voudraient les voir,
même après l'époque, de la maturité, pro-
fiter encore de la vie et du soleil, et ils espè-
rent toujours des récoltes plus abondantes. M.
imbert protestait contre ces idées, citant des li-
vres d'agriculture. Le père Boitard haussait
les épaules avec pitié. Il en avait lu, autrefois,
par curiosité, des livres d'agriculture. Il avait
découvert des erreurs énormes, disait-il, sur
les choses de la terre. En ce qui concernait les
engrais, par exemple, divers essais avaient été
tentés sur les engrais chimiques aux environs
de Châtcllerault, qui tous avaient échoué. Des
propriétaires, s'étaient ruinés à ces expériences,
M. Morin, M. Dupré, bien d'autres.
-C'est de l'agriculture en chambre, ça, mon-
sieur Imbert. Dès qu'on arrive sur la terre, sur la
vraie terre, ça ne se passe plus de la même façon.
Ils avaient ensemble des discussions conti-
nuelles ^sur ces sujets; Boitard dédaignait les
habitants des villes, gens qui ne sont bons qu'à
se ruiner, qui sont incapables de conserver leur
patrimoine et de faire des économies. Et il
clignait de l'œil du côté de M. Imbert, qui pro-
testait alors contre l'avarice et la dureté des
paysans..
Et quant à ce qui est du blé, continua Boi-
tard, la moisson n'est pas encore commencée
en Beauce.
En effet, dit André. Nous en venons.
La température moyenne de la Beauce, re-
prit M. Imbert, est de deux degrés au-dessous
de la nôtre, voilà pourquoi.
Des degrés! ricanait Boitard. Je n'ai pas
besoin de voir des thermomètres; je n'ai qu'à
voir le blé, et il ne sera mûr qu'à la fin de la se-
maine, le blé.
Comme il vous plaira, Boitard, dit M. Im-
bert abandonnant la dispute avec supériorité.
Ils marchèrent tous les trois dans les sentiers
Georges, auprès de qui s'était rendue l'impératrice,
accompagnée du professeur Zakharine.
Le csarevitch part le 6 juin, sur le yacht impérial
l'Etoile polaire, pour l'Angleterre, où il va rendre visite
à sa fiancée.
Vladivostok, 4 juin.
Des expériences de navires brise-glace ont été exé-
cutées pendant cet hiver. Le gouvernement russe avait
fait venir de Cronstadt le Silatch pour maintenir le port
buvert pendant toute la saison.
Les résultats obtenus avaient d'abord été favorables,
mais le froid devenant plus intense et la glace de plus
en plus épaisse, il avait été impossible de tenir le che-
nal praticable du 1er janvier au 10 février. En dehors
de ces six semaines, les navires ont pu gagner les ap-
pontements sans de trop grandes difficultés.
Tanger, 4 juin.
Le marquis de Potestad, plénipotentiaire espagnol,
et Si Mohammed Torrei, ministre des affaires étran-
gères du sultan du Maroc, viennent d'échanger les ra-
tifications du traité hispano-marocain.
♦
ÉLECTION SÉNATORIALE DU 3 JUIN .1894
INDRE
Nous avons fait connaître, hier, le résultat du pre-
mier tour de l'élection sénatoriale qui a eu lieu en
remplacement de M. Clément, réactionnaire, décédé.
Avaient obtenu MM. Verberckœms, 162; Ratier,
151; Mary-Faguet, 102 Patureau-Francœur, 80; Alizar,
53; Boussac, 46.
(Deuxième tour)
MM. Antony Ratier, rép 268 voix
Verberckmœs, rôp 2iO
Mary-Faguet, rép 37
Patureau-Francœur, rad. 34
Boussac, rad. 29
(Troisième tour)
MM. Antony Ratier, rép 350 Elu.
Verberckmœs, rép 246
Divers. 10
a»
ÉLECTION LÉGISLATIVE DU 3 JUIN 1894
ARRONDISSEMENT DE NEUFCHATEAtï
(Scrutin do ballottage)
Inscrits :.15,729. Votants 13,516
MM. le comte d'Alsace, républicain. 7.356 ÉLU
Bossu, républicain 6.009
le général Thomas, républicain. 21
Parisot. 17
Durand, républicain. 6
Au premier tour de scrutin M. la comte d'Alsace
avait obtenu 6,298 voix; M. Bossu, 3,827; le général
Thomas, 1,735; Durand, 810; Parisot, 105.
A PROPOS DE LA MANIFESTATION SOCIALISTE
Elle n'a pas eu plus de succès qu'il y a huit
jours, grâce aux excellentes mesures ordonnées
par le gouvernement. En dépit des excitations
des comités révolutionnaires, qui paraissaient
avoir oublié, pour la circonstance, leurs que-
relles intestines, les groupes qui s'étaient ren-
dus aux abords du Père-Lachaise n'ont pas
essayé de forcer les lignes des agents. Tout s'est
borné à la promenade de quelques porteurs de
couronnes, facilement dispersés par la police,
et à un certain nombre de discours prononcés
soit chez les marchands de vin avoisinant le
cimetière, soit à la salle du Commerce, vers la
fin de l'après-midi.
La plupart des orateurs^ ont vigoureusement
blâmé l'attitude des députés socialistes. Jus-
qu'au dernier moment, en effet, le désaccord
entre les élus et les électeurs, les premiers dé-
conseillant et les seconds voulant à tout prix
une d<5nfjonoti>ation, n'a fait que s'acoentuer.
Les chefs collectivistes auront évidemment
grand'peine à faire comprendre aux troupes
qu'ils entendent diriger l'inutilité du désordre
et la nécessité de remplacer la vieille tactique
révolutionnaire par la stratégie plus savante de
l'action légale dans le Parlement.
On ne saurait nier, d'ailleurs, que celle-ci soit
la seule raisonnable, la seule possible et que
toutes les 'tentatives pour troubler l'ordre pu-
blic soient destinées à échouer piteusement de-
vant la fermeté des représentants de la loi et
l'indifférence absolue du public. Les chef so-
cialistes ont donc raison de penser que les ba-
tailles doivent se livrer désormais non dans la
rue, mais dans l'enceinte parlementaire. Et nous
ne souhaitons qu'une chose c'est que sur ce
terrain le combat s'engage avec une netteté
parfaite, entre adversaires arborant ouverte-
ment leur drapeau.
Car s'il est une vérité qui se dégage avec évi-
dence des dernières élections générales, c'est
que le pays aspire, avant toutes choses, à la
franchise et à la lumière. Les compromis, les
petites habiletés et les petites manœuvres où
l'on se complaisait dans les législatures précé-
dentes, le suffrage universel a signifié qu'il n'en
voulait plus. Cette impression déjà si forte, les
incidents de la dernière crise ministérielle
n'ont pu que l'accuser. Les hésitations de
certaines personnalités radicales, auxquelles
on offrait la responsabilité du pouvoir, et
leur refus final ont montré l'impossibilité
de louvoyer avec des programmes équivoques
et des alliés incertains. Pour reprendre le mot
de Pascal, nous voici « embarqués » et la « sus-
pension de jugement que recommandent cer-
taines sectes philosophiques n'est plus de mise.
Il faut choisir, se déclarer pour ou contre le so-
cialisme. Aux collectivistes, par conséquent, de
porter à la tribune leurs idées, de constituer dé-
finitivement leur parti, de nous dire ce qu'ils
sont, qui ils sont et avec qui ils sont. On verra
du même coup quels républicains demeurent
fidèles à l'esprit de 1789, à la Révolution fran-
çaise et résolus à défendre avec une inébran-
lable énergie les conquêtes politiques et .so-
tracés entre les pieds des vignes. Puis ils arri-
vèrent sous un grand noyer et s.y reposèrent un
instant, malgré l'avis du fermier affirmant que
l'ombre des noyers est mauvaise pour la poi-
trine. Et il se tint au soleil.
M. Imbert, alors, s'adressa à son fils
Je te disais hier, mon garçon, je peux ra-
conter cela devant Boilard qui a été au courant
de tout, qu'en une circonstance Montenol nous
avait fait beaucoup de tort.
Le paysan tendit l'oreille et écouta avec atten-
tion.
Il s'agit de notre cousin Pachery, cousin
assez éloigné, il est vrai, mais qui n'avait ni hé-
ritier direct, ni même de neveu ou de nièce. Il
habitait là, au village, à Mondion, et vivait seul
avec une bonne. Nous avions toujours eu avec
lui les meilleurs rapports et je ne te cache pas
que je caressais depuis longtemps l'espoir qu'il
nous laisserait quelque chose en mourant.
C'est vrai qu'il vous aimait bien, le vieux,
et surtout Mme Imbert, votre femme. Ça c'est
vrai, répéta le fermier.
A combien pouvait-on évaluer la fortune
de Pachery? demanda M. Imbert en se tour-
nant vers lui.
Le père Boitard sembla calculer:
Ça pouvait monter à trois cent, mille, au
moins.
-Cet également mon opinion. Eh bien! mon
cher André, les parents les plus rapprochés de
Pachery, ses héritiers, par conséquent, s'il
mourait intestat, étaient M. Loutier, avoué à
Angoulême, et précisément Montenol. Pachery
les connaissait fort peu l'un et l'autre. A mon
arrivée à Sainval, je suis allé le voir; il m'a
rendu ma visite. Nous avons causé très amica-
lement. Je l'ai revu d'autre fois encore. Six
mois après, il est tombé malade de la maladie
qui devait l'emporter. Il avait quatre-vingt-
cinq ans. Je prenais naturellement de ses nou-
velles tout les jours. Tout à coup Montenol,
prévenu par je ne sais qui, est accouru, s'est in-
stallé chez lui. Alors, j'ai eu beau me présenter,
il m'a été impossible de le voir. Pachery ne re-
cevait.plus.personne. Et il est mort sans faire
de testament, ce qui m'a causé une cruelle dé-
ception, je le reconnais. Montenol a hérité par
moitié avec Loutier, d'Angoulême, qui d'ail-
leurs n'a pas même assisté aux obsèques.
ciales du droit moderne. Alors, mais alors seu-
lement, nous aurons, dans sa plénitude, la vé-
rité du régime parlementaire, un parti de gou-
vernement et un parti d'opposition, une majo-
rité consciente d'elle-même, et par suite capa-
ble de cohésion et de discipline. Par dessus
tout nous aurons cette loyauté dans les discus-
sions et cette clarté dans les votes sans les-
quelles la législature ne saurait accomplir
ljœuvre féconde que le pays en attend.
M»
Le Journal des Débats veut bien reconnaître que la
commission du budget n'a pas négligé la question
de l'affectation d'écus do 5 francs à la frappe de
monnaies divisionnaires proposée par le gouverne-
ment. Si les conclusions de la commission se trou-
vent avoir concordé, sur ce point, avec celles du
gouvernement, c'est après une étude des plus sé-
rieuses. Voilà qui est acquis.
Notre confrère persiste, néanmoins, à regretter
que des écus de 5 francs ne soient pas démonétisés.
« La France a trop d'écus de 5 francs d'argent »,
dit-il. Certes, les arguments ne manqueraient pas à
l'appui de cette thèse, mais le Journal des Débats
est trop versé dans ces questions monétaires pour
contester qu'elle est loin d'être acceptée par tout le
monde.
Dès lors, convenait-il, à propos d'un projet de loi
tout spécial de provoquer des discussions dont,
bientôt, parune pente inévitable, notre régime mo-
nétaire eût fait tous les frais ? La commission du
budget ne l'a pas pensé, et il sera malaisé d'établir
qu'elle n'ait pas agi avec prudence.
LA FÊTE DE JEANNE D'ARC
II faut que la fête nationale soit votée par les
Chambres. C'est une pensée très haute, très gé-
néreuse, qui a inspiré le projet de M. Joseph
Fâbre. Au premier moment, cette pensée a
trouvé accueil auprès des plus vieux, des plus
fermes républicains. L'opinion y était manifes-
tement favorable. Pas un journal ne s'est élevé
contre. Tout à coup, les ardeurs se refroidissent
ou s'éteignent. Pourquoi ?
Parce que l'Eglise, le parti royaliste, avec une
affectation indiscrète, essayent de dériver à eux
le courant de sympathie qui s'était formé au-
tour de ce projet. Quelques manifestations mal-
heureuses ont lieu. Hier encore à Lyon, les ca-
tholiques militants se sont donné rendez-vous à
une conférence où un député, M. d'Hugues, pa-
raît avoir, qu'on nous passe l'expression, ac-
commodé la mémoire de Jeanne d'Arc à une
sauce tout à fait étrange. Ces incidents sont les
uns regrettables, les autres ridicules, mais tous
insignifiants. Veut-on, à tout prix, leur donner
un sens? Il est pour le moins aussi naturel de
les interpréter comme autant d'hommages ren-
dus à la justesse et à la valeur de l'idée. Si
l'idée eût été mauvaise, ni l'Eglise, ni les roya-
listes n'eussent cherché à gagner de vitesse la
République. Mais non ce n'est pas dinsi qu'on
a pris les choses. Du moment qu'une poignée de
royalistes voyaient là une belle occasion de ré-
clame, Jeanne d'Arc devenait compromettante.
Quelques journaux/s'en sont aperçus. Quelques
comités électoraux ont adressé de sévères ad-
monestations à leurs députés. Et voilà comment
une grande pensée se heurte à de petits obsta-
cles, qui risquent de l'arrêter net.
Si encore il n'y avait que des opposants Mais
il y a aussi des conciliants, qui ne veulent don-
ner m-6uut àfait tort, ni tout à fait raison à
personne, et qui se mettent en quête d'une « trans-
action». D'honorables sénateurs, dont les inten-
tions sont assurément les meilleures du monde,
proposent de substituer à la fête nationale un
monument public. Il n'en manque pas, en France,
de monuments élevés à la gloire de Jeanne
d'Arc Et si l'on tient à en faire un de plus, nous
n'y voyons aucun inconvénient, nous qui trou-
vons qu'il ne saurait jamais y en avoir trop-
Mais que le monument puisse remplacer la fête
nationale, non. Le monument (s'il n'est pas mis
au concours) fera un bel effet sur une place de
Rouen. Il partagera, avec les autres curiosités
de cette ville intéressante, l'honneur d'attirer
les touristes, et l'on verra des Anglais consulter
leur Baedeker tout à l'entour. La fête nationale
ira au cœur de tous les Français. On nous offre
une froide image de Jeanne d'Arc, une image
en bronze ou en marbre pour une de nos cités.
Et ce que nous demandons, nous, c'est qu'il pé-
nètre dans toutes les âmes quelque chose de
cette âme héroïque et charmante; c'est que
chacun de nous soit invité à sculpter lui-même
une petite image de la bonne Lorraine, pour en
parer la cité intérieure.
Que l'on y prenne garde le jour où s'ouvrira
la discussion du projet, si l'on voit des orateurs
monter à la tribune pour y couper des cheveux
en quatre, pour disserter gravement sur la
mesure où il sera permis aux croyants des dif-
férents cultes de mêler leurs sentiments reli-
gieux personnels à lacommémoration de Jeanne
d'Arc, l'esprit se reportera de lui-même aux fa-
meuses séances du tribunal qui a condamné
Jeanne. S'ils eussent pris les choses humaine-
ment, bonnement, ses juges l'auraient absoute;
ils l'auraient adorée. C'esten biaisant, en rusant,
en multipliant \esdistingiio qu'ils l'ont faitmon-
tër sur le bûcher. De grâce, que nos amis du
Sénat et de la Chambre fassent ce que les juges
de Jeanne auraient dû faire Qu'ils se laissent
prendre aux entrailles, qu'ils soient hommes,
Français, patriotes. Qu'ils se défient des tenta-
tions de la scolastique du jour et des pièges
d'une théologie à rebours, qui risque d'être
aussi homicide que l'autre I
̃ Penses-tu, demandaAndré, quesi Montenol
n'était pas venu, M. Pachery nous eût légué
quelque chose? 0
Le fermier articula nettement
Non, il n'aurait rien légué à M. Imbert.
Allons donc fit celui-ci.
Mais il aurait laissé à M. André.
A moi? dit le jeune homme étonné.
C'est pareil, observa M. Imbert.
Pas pour tout le monde.
Mais pourquoi? Je ne m'explique pas.
Le père Boitard reprit
Nous savions tous dans le pays que M.
Pachery d'abord ne voulait pas faire de testa-
ment. Il disait que ça lui porterait malheur et
qu'il se moquait pas mal de qui hériterait après
lui, maintenant que Mme Imbert était morte. Il
avait une grande amitié pour votre maman, M.
André. Il disait que c'était la plus brave per-
sonne de toute la famille et qu'il n'y avait qu'elle
qui méritait d'être riche. Je ne répète pas ça
pour vous offenser, monsieur Imbert. Sûrement
'il l'aurait faite sa légataire universelle.
«– Tout cela est fort exact. Dans les premiers
temps de notre mariage, quand nous venions à
Sàinval chaque été pendant les vacances du
barreau, nous nous fréquentions beaucoup. Il
me racontait en riant que ta mère était très jo-
lie et ressemblait à une femme de Châtellerault
qu'il avait aimée étant jeune. Il avait déjà près de
soixante ans à cette époque.
Quand Mme Imbert est morte, continua le
père Boitard, il a eu beaucoup de chagrin. Il
s'informait de vous, monsieur André, de ce que
vous faisiez.
-Il y a deux ans, en effet, dit M. Imbert, je lui
ai dit que tu allais être avocat et il en était très
content.
-Aussi, reprit le père Boitard, on se disait
ici « Hé! hé! tout de même puisqu'il se moque
de ses autres parents, il pourait bien laisser une
partie de sa fortune à M. André Imbert! » Et
on croit qu'il aurait fini par tester, en se voyant
malade, et à vous inscrire sur le papier, M.
André. C'est M. Montenol qui l'a empêché, ça
pour sûr. Comment qu'il s'y est pris? Je ne
m'en doute pas..
-Enfin toutcela n'a plus grande importance,
dit André, souriant de ces potins qui intéres-
sent si fort en général les paysans.
AFFAIRES COLONIALES
Le Journal de Bruxelles a été l'organe officieux du
ministère Beernaert. Il en est resté le défenseur.
Aussi croit-il devoir contester les informations
publiées par nous sur le rôle plus que singulier
joué en juillet 1890 par le premier ministre de Bel-
gique.
Voici ce que dit l'organe conservateur
Sans avoir la prétention de posséder les secrets di-
plomatiques, nous croyons ne pas nous tromper en
disant que les articles du Temps contiennent un singu-
lier mélange de vérité et d'erreur.
Nous ne'citerons ici qu'un exemple le Temps affirme
que le gouvernement français n'a pas autorisé le gou-
vernement belge à substituer aux conventions de 1884
et 1885 sur le droit de préemption une simple déclara-
tion par laquelle l'Etat du Congo s'engageait à ne pas
aliéner le Congo et que, néanmoins, M. Beernaert s'est
empressé de la faire à la Chambre et au Sénat sans,
l'assentiment de la France.
Or, nous venons de vérifier les textes et nous consta-
tons que dans la déclaration faite à la Chambre par
M. Beernaert le 25 juillet 1890, et reproduite il y a
quelques jours par le ministre des affaires étrangères,
il n'est pas même fait mention de l'inaliénabilité et que
la déclaration porte expressément que la Belgique
mise en possession du Congo se trouverait tenue en-
vers la France, aux lieu et place de l'Etat indépendant,
par les déclarations échangées en 1884!
Nous nous plaisons à espérer que les prochains dé-
bats annoncés à la tribune française se baseront sur
des données plus vraies et des appréciations plus im-
partiales.
C'est la première fois qu'un journal belge, dans
les polémiques auxquelles donne lieu la divulgation
de la politique anti-française du gouvernement con-
golais, met en doute notre impartialité et partant
notre bonne foi. b p
Nous répondrons, suivant notre habitude, par de
simples citations, que nous extrayons des docu-
ments parlementaires auxquels fait allusion le Jour-
nal de Bruxelles.
Nous lisons en effet, dans les déclarations faites
par M. Beernaert à la Chambre des représentants
de Belgique lo 25 juillet, la phrase suivante
« Dans une préoccupation dont l'absolue loyauté
sera reconnue par toutes les puissances, nous se-
rions même prêts à dédul'er inaliénabilité de la fu-
ture colonie. »
Nous n'aurons pas la cruauté d'insister sur les
procédés de polémique du Journal de Bruxelles. Avant
de se livrer à d'inexplicables critiques, il aurait bien
fait de lire attentivement les documents avec les-
quels il se flattait de prouver notre partialité. Il
aurait vu que dans cette môme séance du 25 juillet,
M. Beernaert n'hésitait pas à dire
C'est toujours ce même manque de franchise et de
sincérité qui, paraît-il, nous caractérise, hélas! C'est
cette politique tortueuse que l'on signalait encore à
l'animadversion du pays, il y a quelques semaines,
avant les élections. (Rires à droite.)
M. Houzeau de Lehaie nous redit tout cela, et M.
Frère-Orban vient de reprendre ces n\ûmes reproches
en termes plus vifs et plus amers.
Ce langage, messieurs, me laisse .absolument insen-
sible, car j'ai la conscience qu'il est profondément,
absolument injuste.
Jamais, en aucun cas, en aucune matière, je n'ai
manqué de sincérité envers la Chambre, et je me fais
un devoir strict de lui exposer les choses telles qu'el-
les sont. (Applaudissements à droite.) (Annales parle-
mentaires. Chambre des représentants. Séance extra-
ordinaire de 1890. Pages 117 et 118.)
C'est pour cela que, dans sa déclaration à la
Chambre, M. Beernaert a fait allusion le Journal
de Bruxelles ne contestera plus, nous l'espérons,
notre sincérité comme la sûreté de nos informa-
tions à la question de l'inaliénabilité des territoi-
res du Congo. Nous voulons bien admettre que M.
Beernaert n'a pas ihsisté beaucoup sur cette ques-
tion, car, on fin politique qu'il est, il avuit compris,
aux résistances qui lui ont été opposées par M.
Ribot, que jamais la France n'accepterait de substi-
tuer aux engagements formels de l'Etat du Congo
sur le droit de préemption une simple déclaration
d'inajiênabilitô. p
Cette déclaration, M. Beernaert dit qu'il était prêt
à la faire elle est, d'autre part, l'objet principal du
codicille que le roi Léopold avait, le 21 juillet 1890,
soit quatre jours auparavant, ajouté au testament
qui porte la date du 2 août 1889.
Le Journal de Bruxelles rappelle ainsi l'attention
sur certains points très délicats des incidents diplo-
matiques do 1890, que nous avions indiqués discrè-
tement et que notre confrère se garde bien de
démentir,, et pour cause.
LA CRISE MINISTÉRIELLE EN HONGRIE
(Dépêches de notre correspondant particulier)
Budapest, 4 juin, 8 h. 10.
L'empereur-roi est arrivé cette nuit.
En présence des résolutions du parti libéral votées
dans la conférence do samedi, le ban de Croatie,
comte Khuen-Hedervary, semble avoir perdu toute
chance de former le nouveau cabinet. Il a dit lui-
même qu'il était disposé à renoncer à cette mission
et qu'il conseillerait au souverain d'entendre les pré-
sidents des deux Chambres, Slavy et Banffy, ainsi
que les hommes politiques les plus considérables du
parti libéral en première ligne, MM. Koloman Tisza
et de Szell, et, d'autre part, le comte Szapary qui, à
ce qu'on prétend dans l'opposition, serait appelé à
jouer un rôle important avec le comte Albert Ap-
ponyi.
ponyi.. Budapest, 4 juin, 8 h. 25.
Aujourd'hui, il y aura séance aux Chambres. On
s'attend à un important discours de M. Wekerle.
L'animation ne fait que croître à Budapest comme
en province dans les deux partis.
Plusieurs villes ont l'intention de nommer M.
Wekerle citoyen d'honneur. Une retraite aux flam-
beaux en l'honneur do l'ancien premier ministre
s'organise à Budapest.
(Service Havas)
Vienne, 4 juin.
Plusieurs feuilles annoncent que le comte Khuen-
Hedervary a déclaré de la façon la plus formelle à
leurs correspondants que sa mission de former un ca-
binet a complètement échoué et qu'aujourd'hui même
Voilà pourquoi, mon ami, je ne t'avais pas
écrit à ce moment-là, dit M. Imbert.
Le père Boitard regarda son propriétaire avec
une certaine ironie.
Vous avez peut-être eu tort, sauf votre res-
pect, monsieur Imbert.
Et en quoi, Boitard ? 2
-Parce que, reprit le paysan, en se mettant
à parler avec une grande lenteur, si alors vous
vous étiez occupé de cette affaire, monsieur Im-
bert, vous auriez peut-être appris des choses
qui vous auraient fait dresser l'oreille.
Et il murmura, se parlant à lui-même, mais de
façon que M. Imbert entendît
Il y a de l'argent qui n'a pas été perdu
pour tout le monde, c'est une consolation.
Quel argent? Quevoulez-vous dire ? s'écria
M. Imbert en frappant du pied. Encore des can-
cans
Le paysan, ayant levé les yeux au ciel, se
contentait de siffloter.
Ce qui m'exaspère dans Boitard, continua
M. Imbert en se tournant vers son fils, c'est
cet air profond qu'il prend de temps en temps.
On dirait, ma parole d'honneur, qu'il sait un
tas d'histoires mystérieuses que personne ne
connaît Ainsi, voici une affaire qui s'est passée
il y a deux ans, qui est finie, archifinie, malheu-
reusement, et Boitard espère nous intriguer
avec des sourires narquois et des réticences
Vous êtes bien tous les mêmes à la campagne
Mais je n'ai rien dit, monsieur Imbert, je
n'ai rien dit, reprit le fermier en traînant la
voix. J'ai pensé dans mon intérieur: « Il y a de
l'argent qui n'est pas perdu pour tout le monde, »
ce n'est qu'une pensée, quoi
Vous êtes absolument insupportable, Boi-
tard 1. Et, permettez-moi de vous dire, d'ail-
leurs, qu'en admettant même que vous sachiez
n'importe quoi et qu'il y ait, en effet, des des-
sous dans cet événement, vous auriez été cou-
pable, oui, je le répète, très coupable d'attendre
deux années avant de m'en faire part.
Le père Boitard répondit avec tranquillité
Ça ne vous touchait pas, ça touchait M.
André, et M. André n'était pas là.
Mais il est là, maintenant, M. André 1 Par-
lez, voyons 1
Le paysan fit quelques pas, alla examiner un
il remettra entré les mains do l'empereur-roi le man-
dat qu'il avait reçu de lui.
D'après la Correspondance de Budapest, le comte
Khuen-Hedervary, s'étant convaincu qu'il lui était im-
possible, ̃dans les circonstances actuelles.de former
un ministère, n'a pas continué hier ses pourparlers
avec les personnages politiques. Bu(lapest(4 Juin.
Budapest, 4 juin.
L'empereur François-Joseph est arrivé ici ce matin.
Il a été reçu à la gare par un grand nombre de députés
du parti libéral national et de députés n'appartenant à
aucun groupe déterminé, qui l'ont chaleureusement
acclame.
Budapest, 4 juin.
Le souverain fera appeler demain les présidents des
Chambres et M. Tisza.
Ils diront qu'aucun membre du parti gouvernemen-
tal ne peut accepter de portefeuille dans le ministère
Khuen.
On dit que M. Wekerle formera probablement un
nouveau cabinet dans lequel n'entreront pas MM.
Csaky et Szilagyi.
COURRIER DE CHINE
(Malle de Shanghaï du 28 avril)
Le vice-roi Li Houng-Tchang donnait, le 12 avril,
dans le vaste yamen de l'amirauté, un grand dinet
en l'honneur de deux hôtes de dictinction de passage
à Tien-Tsin M. Gérard, notre nouveau ministre
plénipotentiaire en Chine, et l'honorable John W.
Foster, ancien secrétaire d'Etat des Etats-Unis.
Le corps consulaire, les hauts fonctionnaires in.
digènes et les résidents les plus notables de Tien.
Tsin étaient conviés à ce banquet qui a été des plus
brillants. Le menu réunissait en nombre égal des
plats empruntés à la cuisine chinoise et à la cuisine
européenne, de manière à satisfaire tous les goûts
et toutes les curiosités.
Deux jours après, M. Gérard recevait à son tout
le vice-roi à dîner, au consulat de France. La réu-
nion a été des plus cordiales et Li Houng-Tchang
s'est montré particulièrement aimable pour notre
nouveau représentant diplomatique. Sachant que
M. Gérard avait occupé, avant d'être envoyé en
Chine, le poste de ministre à Rio, le vice-roi l'a
longuement interrogé sur les choses du Brésil, et
notamment sur les débouchés que ce pays peut
offrir à l'émigration chinoise. M. Gérard a quitté
Tien-Tsin le lendemain, se rendant à Pékin.
Le doyen du corps diplomatique de Pékin, qui esi
actuellement le comte Cassini, ministre ̃de Russie,
a fait parvenir par les soins de Jl. Valdez, consul
tènéral de Portugal et doyen du corps diplomatique
de Shanghaï, la réponse suivante & une protestation
de la chambre de commerce- de Shanghai contre les
mesures ^prohibitives' édictées à propos âe l'impor-
tation des machines étrangères
« J'ai l'honneur de vous faire savoir que, à diffé-
rèntes reprises, le corps diplomatique a, -par l'inter-
médiaire de son doyen, l'honorable colonel Denby,
ministre des Etats-Unis, protesté contre la façon do
voir du gouvernement chinois, qui est absolument'
contraire aux traités existants, et qu'aussitôt que
j'ai eu connaissance de la notification des douanes
impériales chinoises, affichée dans les bureaux do
la douane et parue dans le North-Chxna. Daily News,
j'ai, au nom de tous mes collègues et en ma qualité
de doyen du corps diplomatique, encore une fois
renouvelé énergiquement cette protestation contre
une mesure attentatoire aux traités existants, et dé-
claré, comme l'avait déjà fait S. Exc. M. Denby,
que le corps diplomatique rendrait le gouvernement
chinois responsable des pertes et dommages qu)
pourraient en résulter pour les négociants infé^
ressés. »
Le cadavre de Kim Ok-Kiun a subi le 14 avril,
après son arrivée à Séoul, l'opération on ne peut
guère, en ce cas, dire le supplice du ling-lche,
c'est-à-dire qu'il a été découpé en huit parties qut
ont été réparties entre les diverses provinces. La
tête sora promenée et exposée dans les principales
villes du royaume, comme il est d'usage, du reste,
chaque fois qu'il s'agit d'un exécuté de marque.
Le jour môme de cette lugubre cérémonie, sur
laquelle nous manquons encore de détails, le roi de
Corée offrait au corps diplomatique un grand ban-
quet certainement destiné dans sa pensée à célébrer
le châtiment posthume du fameux conspirateur.
Décidément, la Corée semble détenir actuellement,
socialement et politiquement parlant, le record de
l'orientalisme I
On assure que le gouvernement du mikado avait
chargé M. Otori, son ministre en Corée, do faire
comprendre au roi quel mauvais effet la dissection
de Kim ne manquerait pas de produire à l'étranger.
Mais cette intervention a été, on le voit, sans ré-
sultat.
D'autre part, le gouvernement coréen ayant pro-
posé de confier au secrétaire de sa légation à Tokio
la gérance de ses intérêts, vacante par le départ
précipité du chargé d'affaires, You Kin-Houan, le
gouvernement japonais a refusé d'accueillir un nou-
veau représentant aussi longtemps que les circon-
stances de cette retraite ou plutôt de cette fuite
n'auront pas été expliquées d'une façon satisfai-
sante.
Ce n'est pas une rupture diplomatique, à propre-
ment parler, puisque le ministre du Japon n'a pas
quitté Séoul; mais cela y ressemble fort.
LES TAXES DE MUTATION ET DE SUCCESSION
La commission de la Chambre chargée d'exami-
ner le projet du gouvernement et diverses proposi-
tions de MM. Boudenoot, Dupuy-Dutemps, etc., re-
latifs aux taxes do mutation et de succession, a
pris plusieurs décisions importantes.
On sait quoi était le caractère principal du projet
de M. Burdeau il opérait un dégrèvement do plus
d'un tiers sur les mutations à titre onéreux, et,
pour que la réforme se suffit à elle-même, il ac-
croissait dans une proportion correspondante les
droits pesant sur les mutations à titre gratuit, suc-
cessions, donations et partages.
La commission a pleinement admis ce principe,
tout en s'efforçant d'en améliorer l'application. C'est
ainsi que certains droits fixes ou à peu près tels
grèvent très lourdement les petites ventes d'im-
meubles on va donc chercher, comme on l'a fait il
y a deux ans pour les frais de justice, à les trans-
former en droits proportionnels.
D'autre part, la commission s'est prononcée pour
pied de vigne, soupesa les grappes, et, sortant
son couteau de sa poche, trancha deux ou trois
feuilles.
Sont-ils étonnants 1 dit M. Imbert, agacé
de ce manège, hein! Tu ne sais pas ce que
Boitard voudrait nous faire croire? Des choses
fantastiques Dites-nous tout de suite que Pa-
chery a fait un testament et que ce testament a
été volé Les paysans, mon cher André, se
plaisent à imaginer des crimes partout. Il n'y
a rien de naturel avec eux. Tout est plein de
mystères et d'arrière-pensées. Un testament
volé Comme c'est facile (
M. Imbert haussait les épaules. Boitard re-
vint près de lui.
M. Pachery, articula-t-il, était un homme
trop régulier, s'il avait fait un testament, pour
ne pas le déposer chez son notaire. Sûr, le no-
taire l'aurait su. Ça! il n'y a pas d'erreur.
Alors.
Mais, cependant, il ne serait pas impossible
qu'il y ait eu un. comment appelez-vous ça,
vous les avocats, quand on confie de l'argent à
quelqu'un. un fi. fidé.
Un fidéi commis! exclama M. Imbert. Et
un fidéi-commis à qui
Dame à qui voulez-vous ? A M. Mon-
tenol.
André dit
-Ce n'est guère probable. Boitard, soyons
raisonnable.
Un fidéi commis à Montenol! dit M. Im-
bert, que la seule prononciation de ce terme
juridique avait fait rentrer dans des idées sé-
rieuses. Voyons, réfléchissons. Il y a là une
lueur. Mais non, c'est impossible. Pourquoi
un fidéi commis plutôt qu'un testament ?
Des gens, parfois, n'aiment pas faire de
testament. Ça les embête. Peut-être qu'au
moment de mourir Pachery aurait eu un re-
mords de ne rien laisser à M. André Imbert, et
alors. heu Il y a des personnes qui n'étaient
pas loin de lui et qui ont entendu des choses.
M. Pacherv avait une grosse somme en valeurs
chez lui. On dit trente ou quarante mille.
On? Qui on?
La Rosine ou une autre. La Rosine était
servante à la maison. ALFRED Capus
(A suivre).
TRENTE-QUATRIEME ANNuE. N° 12002
MARDI 5 JUIN 1894
PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS Trois mois, 14 fr.; Six mois, 28 fr.; Ua an, 56 tel
DBP»« & ALSACE-LORRAINE IV fr.; 34 fr.; 6Sfr,
UNION POSTALE. lSfr.; 3efr.; 72 fr,
AUTRES PAYS. 23 fr.; 46 fr.; 92fr.
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1" ET 16 DE CIIAQOE MOIS
Un numéro (départements) »O centimes
ANNONCES MM. Lagrangk, CERF ET C", 8, place de la Bourse
te Journal et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant à leur teneut.
Adresse tiligraphiqut TEMPS PABIS
PRIX DE L'ABONNEMENT.
PARI3. Trois mois, 14 fr. j Six mois, 28 fr. U* »a, s6 fr.
DïP" & ALSACE-LORRAINS 17 fr.; 34 fr.; 6S fr,
UNION POSTALE. 13 fr.; 36 fr.; 72^
AUTRES PATS 23fr.; 46 fr.; 92 tu
XES ABONNEMENTS DATBNT DES 1" ET 16 DB CHAQUE MOIS
Un numéro (à I*a.ris) It5 centimes
Directeur politique Adrien Hébrarà
Toutes les lettres destinées à. la Rédaction doivent être adressées au Directeur
Le Journal ne répond pas des arlicles non insérés
PARIS, 4 JUIN
BULLETIN DU JOUR
LE REFERENDUM SUISSE
La Suisse continue d'être le laboratoire des
expériences de la démocratie moderne. Calme-
ment, courageusement, simplement, elle se livre
à des innovations constitutionnelles devant les-
quelles reculent les Etats les plus solidement
assis. Elle avait déjà le référendum, c'est-à-dire
la ratification par le vote populaire direct des
mesures législatives adoptées par la représenta-
tion nationale. Elley a ajouté depuis peu l'initia-
tive directe du peuple, c'est-à-dire le droit pour
un nombre donné d'électeurs de provoquer la
mise en jeu du référendum sur une question
particulière.
C'est un grand pas de fait dans la voie du
gouvernement direct. Il. est peu probable que
cette dernière innovation obtienne un accueil
aussi favorable que le référendum pur et sim-
ple auprès de certains théoriciens de la société
future. Il est curieux de constater qu'en Angle-
îerre, dans la patrie du régime parlementaire,
toute une école ou plutôt tout un parti, c'est
des conservateurs que nous voulons parler,
tend de plus en plus à envisager le plébiscite
proprement dit comme le palladium de l'ordre
social.
Lord Salisbury a formulé à cet égard toute
une théorie fort ingénieuse la Chambre des
tords y joue le rôle d'un frein temporaire elle
oppose son veto aux décisions de la Chambre
des communes dans tous les cas où elle a lieu
de soupçonner que le pays ne ratifierait pas
celles-ci, et c'est le corps électoral qui est appelé
en dernière instance à prononcer sur ces gran-
des questions organiques.
Quant à l'initiative populaire elle n'a point
encore fait beaucoup de prosélytes et ce n'est
Eas l'exemple de la Suisse qui contribuera
beaucoup sur ce point à la conversion des amis
des institutions libres. Deux fois seulement
jusqu'ici cette lourde machine a été mise en
branle et ç'a été pour des motifs bien peu inté-
ressants ou du moins d'un intérêt peu pratique.
Une première fois il s'agissait d'une pétition
antisémite contre le mode d'abatage israélite.
Le peuple suisse, qui est essentiellement rai-
sonnable, a eu peine à croire qu'il fût bien utile
ou avantageux de déranger des centaines de
milliers de citoyens et de convoquer tout le
eorps électoral dans ses comices pour régler
une question qui ne pouvait cesser d'appartenir
à l'humble catégorie des mesures de police sa-
nitaire que si l'on y faisait entrer de force des
considérations étrangères ou plutôt encore des
haines de race et de religion.
C'était proprement mettre en mouvement un
de ces gigantesques marteaux des grandes usi-
nes qui pèsent plusieurs milliers de kilogram-
mes pour écraser une noisette. Le vote fit bien
voir aux initiateurs de cette campagne que le
libre sol de l'Helvétie n'est pas propice aux en-
treprises exotiques nées sous les auspices d'un
Stœcker.
Hier la population semblé avoir encore moins
pris à cœur la formule qui était soumise à ses
suffrages par l'initiative de 22,387 pétition-
naires. C'était le principe du droit au travail
que l'on demandait d'inscrire dans la Constitu-
tion fédérale. On se' croirait revenu d'un demi-
siècle en arrière aux controverses de 1848. Le
socialisme contemporain n'a plus pour cheval
de bataille ce dogme abstrait. Sous l'influence
de Karl Marx et des Kathedersozialisten d'Al-
lemagne, aussi bien que du néo-unionnisme an-
glais, d'autres problèmes plus pratiques, plus
urgents préoccupent les champions de la so-
ciété future. Ils ne font pas précisément fi du
droit au travail, mais c'est plutôt le droit au
loisir, suivant la formule spirituelle de l'un des
leurs, que revendiquent les promoteurs des
Trois-Huit.
Aussi bien est-ce l'indifférence qui a été !a
note dominante du scrutin d'hier et de la cam-
pagne qui l'a précédé. Ni adversaires ni parti-
sans n'ont réussi à galvaniser ce cadavre. On se
battait avec des ombres, chacun sentant à part
soi qu'il n'y avait rien de réel dans la partie.
il et le 13 avril, le Conseil national et le
Êon'seil des Etats, qui ont un droit de préavis,
avaient, à l'unanimité, décidé de recommander
au peuple un vote négatif. Les chefs les plus in-
telligents des socialistes avaient repoussé toute
part de responsabilité dans une initiative qu'ils
tenaient pour dangereuse, inopportune et mala-
droite au suprême degré.
• Dans ces conditions, lé résultat était acquis
d'avance. 293,000 voix ont rejeté la proposition,
75,000 l'ont adoptée. On voit qu'il y a eu de nom-
breuses abstentions. Ce n'est pas encore la jour-
née d'hier qui fera décidément entrer dans les
mœurs de la Suisse et dans les desiderata des
pays libres la pratique d'une initiative populaire
directe qui ne s'est encore manifestée que par
des démarches saugrenues ou des entreprises
condamnées d'avance.
v DÉPÊCHES TELEGRAPHIQUES
(DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Rome, 4 février, 10 h.
On connaît aujourd'hui la raison du mouvement
opéré samedi par M. Crispi. Le matin même les
députés do la Ligurie, qui avaient promis leur
appui au ministère à condition que l'on soutiendrait
la Banque d'Italie qui a sur la place de# Gênes son
FEUILLETOW mu 1£t\TUp3
DU 5 JUIN 1894 (30)
p
ANNÉES D'AVENTURES
V (Suite)
Après le repas, comme avec la nuit un peu de
fraîcheur se répandait dans l'air, M. Imbert dé-
clara qu'il fallait rentrer. On transporta la
table dans la cuisine où l'on prit un verre d'eau-
de-vie de prunes. Cette liqueur provenait éga-
lement de Sainval. On faisait macérer quelques
jours les fruits dans un tonneau coupé par le
milieu, puis un «brûleur», sorted'industriel am-
bulant, passant de ferme en ferme avec son
appareil, venait distiller l'alcool.
Hé hé! la cheminée vous étonne, ma chère
enfant. Elle est immense, en effet. En hiver, je
dîne devant et je n'ouvre.pas la salle à manger
une fois par mois.
Ils se couchèrent à neuf heures et demie. De
grand matin, André sauta à bas deson lit et alla
ouvrir les deux fenêtres toutes grandes, car la
petite Louise et Henriette étaient réveillées
aussi. Le soleil traversa la chambre. M. Imbert
était déjà dehors, avec un chapeau de paille et
une canne à la main, et il leur envoya le bon-
jour. Ils s'habillèrent, puis se mirent un instant
à la croisée pour voir la campagne. Le ciel d'une
clarté encore pâle n'avait pas un nuage et
tombait au loin sur une série de petites collines
garnies de bois épais. D'un autre côté, l'horizon
s'étendait davantage encore. Le pays était tout
plat et tout vert. Le charme des premières heu-
res du jour montait de la terre rafraîchie, et
Henriette, qui n'avait jamais regardé que les
champs grisâtres et couverts de maisons de la
banlieue parisienne, s'accouda contre la barre
de fer de la fenêtre, pour respirer.
Puis ils descendirent.
Nous allons ce matin, mon cher André,
faire un tour dans les vignes, dit M. Imbert.
-Je ne vous accompagne pas,dit Henriette.il
faut que je m'occupe du bébé, et j'irai retrouver
.ensuite Mme Boitard à la ferme.
Boitard justement s'avançait rongeant un
centre d'action, lui firent savoir qu'ils voteraient
contre les projets do M. Sonnino. La défaite du mi-
nistère eut alors été certaine. Les ministres furent
aussitôt réunis et M. Crispi leur soumit son plan
qwfatapprouvé. Le but principal que poursuit le
ministère est, dans le cas d'une dissolution, de
prendre pour plate-forme électorale les économies
au lieu des impôts.
Au cours de la discussion de samedi, M. Crispi a
interrompu un orateur pour dire qu'il ne voulait
plus des pleins pouvoirs, que c'était à la Chambre à
dire quelles économies elle voulait faire; mais au-
jourd'hui, que les budgets de la guerre et de la ma-
rine sont approuvés, quelles économies la Chambre
peut-elle faire pour équilibrer le budget? La situation
est très grave.
Aujourd'hui, la discussion s'ouvrira sur la motion
du gouvernement demandant la suspension de la
discussion financière et la nomination d'une com-
mission de dix-huit membres qui devra étudier tou-
tes les économies à faire. Plus de quarante députés
sont inscrits pour parler, mais quelques-uns ont
promis de renoncer à la parole, d'autres d'être très
brefs. Aussi, on croit que, ce soir même, on pourra
voter.
On parlait ce matin, Montecitorio, de nouvelles
surprises do la part du gouvernement. Deux faits
sont certains d'abord que, hier, les ministres ont
tenu conseil et se sont mis d'accord sur la conduite
à tenir; puis que, hier, chez M. Zanardelli et sous
sa présidence se réunirent MM. di Rudini, Prinetti,
Cavallotti, Roux, Giolitti, Lacava, Vacchelli, c'est-
à-dire les chefs de toutes les oppositions qui sont
décidés à une action commune, immédiate et déci-
sive contre le gouvernement.
Rome, 4 juin, 11 heures.
La fête de Garibaldi s'est transformée, hier, en
une manifestation bruyante en l'honneur du député
De Felice et des autres condamnés de Palerme. A
trois heures, les représentants d'une centaine de
sociétés politiques et ouvrières étaient réunis placo
du Peuple et devaient traverser, comme chaque
année, toute la ville pour monter au Capitole et
honorer la mémoire de Garibaldi. Au moment où
on allait se mettre en marche, arrivèrent de nom-
breux étudiants républicains et socialistes qui étaient
partis de l'Université avec un drapeau et avaient
distribué aux passants une protestation contre la
condamnation de Palerme. Ils se réunirent aux so-
ciétés qui attendaient sur la place du Peuple, et le
cortège se mit en marche aux cris répétés de
« Vive De Felice! »
Au Capitolo, M. Bovio prononça un discours où
toutes les allusions à la sentence de Palerme furent
soulignés par des vivats et des acclamations. Après
M. Bovio, le député socialiste Agnini prit la parole; il
conseilla à la foule de se disperser et de mettre fin
à la manifestation, mais les cris de « Vive De
Felice A bas les tribunaux militaires » redoublè-
rent. Le cortège descendit enfin du Capitolo en
chantant l'Hymne dos travailleurs. Arrivé sur la
place, il trouva do nombreux agents et des cordons
de troupe barrant certaines rues. Les agents firent
les sommations d'usage pour disperser les mani-
festants, mais ceux-ci protestèrent, et agents et
manifestants en vinrent aux mains. Quelques ho-
rions furent échangés. Au plus fort de la mêlée, on
vit une ligne de soldats, sur l'ordre du capitaine,
baisser les fusils armés de baïonnettes. Ce mouve-
ment excita davantage la foule, mais un inspecteur'
do la sûreté publique et un capitaine de carabiniers
accoururent et les soldats relevèrent leurs armes.
Le calme ne s'est rétabli qu'avec beaucoup do
peine.
Madrid, 4 juin, 9 h. 20.
Après une longue délibération sur les pétitions
des actionnaires et obligataires des chemins de fer
et surtout sur la proposition des compagnies por-
tant sur l'unification de la durée des concessions, le
conseil des ministres a décidé de confier au ministre
des travaux publics la mission d'étudier la question
et de formuler une solution que le gouvernement
soumettra aux Chambres.
M. Sagasta déclare qu'il est absolument opposé à
toute modification du cabinet et qu'il entend faire
de nouveaux efforts auprès du Sénat pour vaincre
l'obstruction que les conservateurs opposent aux
traités.
Belgrade, 4 juin, 8 heures.
Le bruit se confirme que les radicaux modérés
auraient l'intention do s'organiser fortement sous
la direction d'un comité de trois personnes: Grouitch,
Katitch, Vouitch, ou Nikolitch, afin do prendre en
main la représentation générale du parti que Pa-
chitch, le chef des radicaux intransigeants, semble
de plus en plus vouloir abandonner.
On dit que Pachitch renoncera à la vie politique
et ne reviendra pas à Belgrade pour le moment. De
Pétcrsbourg il irait avec sa famille sur les bords
de l'Adriatique. Tauchanovitch, autro intransigeant
do marque, aurait cependant l'intention de conti-
nuer la lutte.
(Service Havas)
Berlin, 4 juin.
D'après l'avis des médecins, l'état de l'empereur est
on ne peut plus satisfaisant. La guérison suit son
cours normal. En renouvelant l'appareil aujourd'hui,
les docteurs von Bergmann et Leuthold ont constaté
que la plaie est bien cicatrisée.
On espère que la guérison complète aura lieu d'ici à
trois jours c'est pourquoi le Moniteur officiel ne pu-
bliera plus de bulletin à partir de demain.
Vienne, 4 juin.
L'époque des manœuvres et la désignation des corps
qui doivent y participer viennent d'être fixées par le
cabinet impérial.
L'empereur a décidé que les manœuvres des lor et
9° corps lauraient lieu en Bohême du 2 au 6 sep-
tembre et celles des 4° et 6° corps en Hongrie, du 17
au 21 du même mois.
Alexandrie, 4 juin.
Le khédive s'embarquera le 22 pour Marseille.
Cologne, 4 juin.
La Gazette de Cologne apprend de Saint-Pétersbourg
qu'on a de bonnes nouvelles de la santé du grand-duc
gros morceau de pain. Il -souhaita le bonjour à
toute la société. Pour le moment, les travaux de
la culture ne le tenaient pas beaucoup, car il
avait décidé de ne faire la moisson qu'à la fin
de la semaine, malgré l'opinion de M. Imbert
soutenant que le blé était mûr depuis long-
temps. Mais Boitard était de cette école de
paysans qui prétendent que le blé n'est ja-
mais assez mûr pour être arraché de la
terre, ni les raisins assez gonflés pour être
enlevés aux ceps Ils voudraient les voir,
même après l'époque, de la maturité, pro-
fiter encore de la vie et du soleil, et ils espè-
rent toujours des récoltes plus abondantes. M.
imbert protestait contre ces idées, citant des li-
vres d'agriculture. Le père Boitard haussait
les épaules avec pitié. Il en avait lu, autrefois,
par curiosité, des livres d'agriculture. Il avait
découvert des erreurs énormes, disait-il, sur
les choses de la terre. En ce qui concernait les
engrais, par exemple, divers essais avaient été
tentés sur les engrais chimiques aux environs
de Châtcllerault, qui tous avaient échoué. Des
propriétaires, s'étaient ruinés à ces expériences,
M. Morin, M. Dupré, bien d'autres.
-C'est de l'agriculture en chambre, ça, mon-
sieur Imbert. Dès qu'on arrive sur la terre, sur la
vraie terre, ça ne se passe plus de la même façon.
Ils avaient ensemble des discussions conti-
nuelles ^sur ces sujets; Boitard dédaignait les
habitants des villes, gens qui ne sont bons qu'à
se ruiner, qui sont incapables de conserver leur
patrimoine et de faire des économies. Et il
clignait de l'œil du côté de M. Imbert, qui pro-
testait alors contre l'avarice et la dureté des
paysans..
Et quant à ce qui est du blé, continua Boi-
tard, la moisson n'est pas encore commencée
en Beauce.
En effet, dit André. Nous en venons.
La température moyenne de la Beauce, re-
prit M. Imbert, est de deux degrés au-dessous
de la nôtre, voilà pourquoi.
Des degrés! ricanait Boitard. Je n'ai pas
besoin de voir des thermomètres; je n'ai qu'à
voir le blé, et il ne sera mûr qu'à la fin de la se-
maine, le blé.
Comme il vous plaira, Boitard, dit M. Im-
bert abandonnant la dispute avec supériorité.
Ils marchèrent tous les trois dans les sentiers
Georges, auprès de qui s'était rendue l'impératrice,
accompagnée du professeur Zakharine.
Le csarevitch part le 6 juin, sur le yacht impérial
l'Etoile polaire, pour l'Angleterre, où il va rendre visite
à sa fiancée.
Vladivostok, 4 juin.
Des expériences de navires brise-glace ont été exé-
cutées pendant cet hiver. Le gouvernement russe avait
fait venir de Cronstadt le Silatch pour maintenir le port
buvert pendant toute la saison.
Les résultats obtenus avaient d'abord été favorables,
mais le froid devenant plus intense et la glace de plus
en plus épaisse, il avait été impossible de tenir le che-
nal praticable du 1er janvier au 10 février. En dehors
de ces six semaines, les navires ont pu gagner les ap-
pontements sans de trop grandes difficultés.
Tanger, 4 juin.
Le marquis de Potestad, plénipotentiaire espagnol,
et Si Mohammed Torrei, ministre des affaires étran-
gères du sultan du Maroc, viennent d'échanger les ra-
tifications du traité hispano-marocain.
♦
ÉLECTION SÉNATORIALE DU 3 JUIN .1894
INDRE
Nous avons fait connaître, hier, le résultat du pre-
mier tour de l'élection sénatoriale qui a eu lieu en
remplacement de M. Clément, réactionnaire, décédé.
Avaient obtenu MM. Verberckœms, 162; Ratier,
151; Mary-Faguet, 102 Patureau-Francœur, 80; Alizar,
53; Boussac, 46.
(Deuxième tour)
MM. Antony Ratier, rép 268 voix
Verberckmœs, rôp 2iO
Mary-Faguet, rép 37
Patureau-Francœur, rad. 34
Boussac, rad. 29
(Troisième tour)
MM. Antony Ratier, rép 350 Elu.
Verberckmœs, rép 246
Divers. 10
a»
ÉLECTION LÉGISLATIVE DU 3 JUIN 1894
ARRONDISSEMENT DE NEUFCHATEAtï
(Scrutin do ballottage)
Inscrits :.15,729. Votants 13,516
MM. le comte d'Alsace, républicain. 7.356 ÉLU
Bossu, républicain 6.009
le général Thomas, républicain. 21
Parisot. 17
Durand, républicain. 6
Au premier tour de scrutin M. la comte d'Alsace
avait obtenu 6,298 voix; M. Bossu, 3,827; le général
Thomas, 1,735; Durand, 810; Parisot, 105.
A PROPOS DE LA MANIFESTATION SOCIALISTE
Elle n'a pas eu plus de succès qu'il y a huit
jours, grâce aux excellentes mesures ordonnées
par le gouvernement. En dépit des excitations
des comités révolutionnaires, qui paraissaient
avoir oublié, pour la circonstance, leurs que-
relles intestines, les groupes qui s'étaient ren-
dus aux abords du Père-Lachaise n'ont pas
essayé de forcer les lignes des agents. Tout s'est
borné à la promenade de quelques porteurs de
couronnes, facilement dispersés par la police,
et à un certain nombre de discours prononcés
soit chez les marchands de vin avoisinant le
cimetière, soit à la salle du Commerce, vers la
fin de l'après-midi.
La plupart des orateurs^ ont vigoureusement
blâmé l'attitude des députés socialistes. Jus-
qu'au dernier moment, en effet, le désaccord
entre les élus et les électeurs, les premiers dé-
conseillant et les seconds voulant à tout prix
une d<5nfjonoti>ation, n'a fait que s'acoentuer.
Les chefs collectivistes auront évidemment
grand'peine à faire comprendre aux troupes
qu'ils entendent diriger l'inutilité du désordre
et la nécessité de remplacer la vieille tactique
révolutionnaire par la stratégie plus savante de
l'action légale dans le Parlement.
On ne saurait nier, d'ailleurs, que celle-ci soit
la seule raisonnable, la seule possible et que
toutes les 'tentatives pour troubler l'ordre pu-
blic soient destinées à échouer piteusement de-
vant la fermeté des représentants de la loi et
l'indifférence absolue du public. Les chef so-
cialistes ont donc raison de penser que les ba-
tailles doivent se livrer désormais non dans la
rue, mais dans l'enceinte parlementaire. Et nous
ne souhaitons qu'une chose c'est que sur ce
terrain le combat s'engage avec une netteté
parfaite, entre adversaires arborant ouverte-
ment leur drapeau.
Car s'il est une vérité qui se dégage avec évi-
dence des dernières élections générales, c'est
que le pays aspire, avant toutes choses, à la
franchise et à la lumière. Les compromis, les
petites habiletés et les petites manœuvres où
l'on se complaisait dans les législatures précé-
dentes, le suffrage universel a signifié qu'il n'en
voulait plus. Cette impression déjà si forte, les
incidents de la dernière crise ministérielle
n'ont pu que l'accuser. Les hésitations de
certaines personnalités radicales, auxquelles
on offrait la responsabilité du pouvoir, et
leur refus final ont montré l'impossibilité
de louvoyer avec des programmes équivoques
et des alliés incertains. Pour reprendre le mot
de Pascal, nous voici « embarqués » et la « sus-
pension de jugement que recommandent cer-
taines sectes philosophiques n'est plus de mise.
Il faut choisir, se déclarer pour ou contre le so-
cialisme. Aux collectivistes, par conséquent, de
porter à la tribune leurs idées, de constituer dé-
finitivement leur parti, de nous dire ce qu'ils
sont, qui ils sont et avec qui ils sont. On verra
du même coup quels républicains demeurent
fidèles à l'esprit de 1789, à la Révolution fran-
çaise et résolus à défendre avec une inébran-
lable énergie les conquêtes politiques et .so-
tracés entre les pieds des vignes. Puis ils arri-
vèrent sous un grand noyer et s.y reposèrent un
instant, malgré l'avis du fermier affirmant que
l'ombre des noyers est mauvaise pour la poi-
trine. Et il se tint au soleil.
M. Imbert, alors, s'adressa à son fils
Je te disais hier, mon garçon, je peux ra-
conter cela devant Boilard qui a été au courant
de tout, qu'en une circonstance Montenol nous
avait fait beaucoup de tort.
Le paysan tendit l'oreille et écouta avec atten-
tion.
Il s'agit de notre cousin Pachery, cousin
assez éloigné, il est vrai, mais qui n'avait ni hé-
ritier direct, ni même de neveu ou de nièce. Il
habitait là, au village, à Mondion, et vivait seul
avec une bonne. Nous avions toujours eu avec
lui les meilleurs rapports et je ne te cache pas
que je caressais depuis longtemps l'espoir qu'il
nous laisserait quelque chose en mourant.
C'est vrai qu'il vous aimait bien, le vieux,
et surtout Mme Imbert, votre femme. Ça c'est
vrai, répéta le fermier.
A combien pouvait-on évaluer la fortune
de Pachery? demanda M. Imbert en se tour-
nant vers lui.
Le père Boitard sembla calculer:
Ça pouvait monter à trois cent, mille, au
moins.
-Cet également mon opinion. Eh bien! mon
cher André, les parents les plus rapprochés de
Pachery, ses héritiers, par conséquent, s'il
mourait intestat, étaient M. Loutier, avoué à
Angoulême, et précisément Montenol. Pachery
les connaissait fort peu l'un et l'autre. A mon
arrivée à Sainval, je suis allé le voir; il m'a
rendu ma visite. Nous avons causé très amica-
lement. Je l'ai revu d'autre fois encore. Six
mois après, il est tombé malade de la maladie
qui devait l'emporter. Il avait quatre-vingt-
cinq ans. Je prenais naturellement de ses nou-
velles tout les jours. Tout à coup Montenol,
prévenu par je ne sais qui, est accouru, s'est in-
stallé chez lui. Alors, j'ai eu beau me présenter,
il m'a été impossible de le voir. Pachery ne re-
cevait.plus.personne. Et il est mort sans faire
de testament, ce qui m'a causé une cruelle dé-
ception, je le reconnais. Montenol a hérité par
moitié avec Loutier, d'Angoulême, qui d'ail-
leurs n'a pas même assisté aux obsèques.
ciales du droit moderne. Alors, mais alors seu-
lement, nous aurons, dans sa plénitude, la vé-
rité du régime parlementaire, un parti de gou-
vernement et un parti d'opposition, une majo-
rité consciente d'elle-même, et par suite capa-
ble de cohésion et de discipline. Par dessus
tout nous aurons cette loyauté dans les discus-
sions et cette clarté dans les votes sans les-
quelles la législature ne saurait accomplir
ljœuvre féconde que le pays en attend.
M»
Le Journal des Débats veut bien reconnaître que la
commission du budget n'a pas négligé la question
de l'affectation d'écus do 5 francs à la frappe de
monnaies divisionnaires proposée par le gouverne-
ment. Si les conclusions de la commission se trou-
vent avoir concordé, sur ce point, avec celles du
gouvernement, c'est après une étude des plus sé-
rieuses. Voilà qui est acquis.
Notre confrère persiste, néanmoins, à regretter
que des écus de 5 francs ne soient pas démonétisés.
« La France a trop d'écus de 5 francs d'argent »,
dit-il. Certes, les arguments ne manqueraient pas à
l'appui de cette thèse, mais le Journal des Débats
est trop versé dans ces questions monétaires pour
contester qu'elle est loin d'être acceptée par tout le
monde.
Dès lors, convenait-il, à propos d'un projet de loi
tout spécial de provoquer des discussions dont,
bientôt, parune pente inévitable, notre régime mo-
nétaire eût fait tous les frais ? La commission du
budget ne l'a pas pensé, et il sera malaisé d'établir
qu'elle n'ait pas agi avec prudence.
LA FÊTE DE JEANNE D'ARC
II faut que la fête nationale soit votée par les
Chambres. C'est une pensée très haute, très gé-
néreuse, qui a inspiré le projet de M. Joseph
Fâbre. Au premier moment, cette pensée a
trouvé accueil auprès des plus vieux, des plus
fermes républicains. L'opinion y était manifes-
tement favorable. Pas un journal ne s'est élevé
contre. Tout à coup, les ardeurs se refroidissent
ou s'éteignent. Pourquoi ?
Parce que l'Eglise, le parti royaliste, avec une
affectation indiscrète, essayent de dériver à eux
le courant de sympathie qui s'était formé au-
tour de ce projet. Quelques manifestations mal-
heureuses ont lieu. Hier encore à Lyon, les ca-
tholiques militants se sont donné rendez-vous à
une conférence où un député, M. d'Hugues, pa-
raît avoir, qu'on nous passe l'expression, ac-
commodé la mémoire de Jeanne d'Arc à une
sauce tout à fait étrange. Ces incidents sont les
uns regrettables, les autres ridicules, mais tous
insignifiants. Veut-on, à tout prix, leur donner
un sens? Il est pour le moins aussi naturel de
les interpréter comme autant d'hommages ren-
dus à la justesse et à la valeur de l'idée. Si
l'idée eût été mauvaise, ni l'Eglise, ni les roya-
listes n'eussent cherché à gagner de vitesse la
République. Mais non ce n'est pas dinsi qu'on
a pris les choses. Du moment qu'une poignée de
royalistes voyaient là une belle occasion de ré-
clame, Jeanne d'Arc devenait compromettante.
Quelques journaux/s'en sont aperçus. Quelques
comités électoraux ont adressé de sévères ad-
monestations à leurs députés. Et voilà comment
une grande pensée se heurte à de petits obsta-
cles, qui risquent de l'arrêter net.
Si encore il n'y avait que des opposants Mais
il y a aussi des conciliants, qui ne veulent don-
ner m-6uut àfait tort, ni tout à fait raison à
personne, et qui se mettent en quête d'une « trans-
action». D'honorables sénateurs, dont les inten-
tions sont assurément les meilleures du monde,
proposent de substituer à la fête nationale un
monument public. Il n'en manque pas, en France,
de monuments élevés à la gloire de Jeanne
d'Arc Et si l'on tient à en faire un de plus, nous
n'y voyons aucun inconvénient, nous qui trou-
vons qu'il ne saurait jamais y en avoir trop-
Mais que le monument puisse remplacer la fête
nationale, non. Le monument (s'il n'est pas mis
au concours) fera un bel effet sur une place de
Rouen. Il partagera, avec les autres curiosités
de cette ville intéressante, l'honneur d'attirer
les touristes, et l'on verra des Anglais consulter
leur Baedeker tout à l'entour. La fête nationale
ira au cœur de tous les Français. On nous offre
une froide image de Jeanne d'Arc, une image
en bronze ou en marbre pour une de nos cités.
Et ce que nous demandons, nous, c'est qu'il pé-
nètre dans toutes les âmes quelque chose de
cette âme héroïque et charmante; c'est que
chacun de nous soit invité à sculpter lui-même
une petite image de la bonne Lorraine, pour en
parer la cité intérieure.
Que l'on y prenne garde le jour où s'ouvrira
la discussion du projet, si l'on voit des orateurs
monter à la tribune pour y couper des cheveux
en quatre, pour disserter gravement sur la
mesure où il sera permis aux croyants des dif-
férents cultes de mêler leurs sentiments reli-
gieux personnels à lacommémoration de Jeanne
d'Arc, l'esprit se reportera de lui-même aux fa-
meuses séances du tribunal qui a condamné
Jeanne. S'ils eussent pris les choses humaine-
ment, bonnement, ses juges l'auraient absoute;
ils l'auraient adorée. C'esten biaisant, en rusant,
en multipliant \esdistingiio qu'ils l'ont faitmon-
tër sur le bûcher. De grâce, que nos amis du
Sénat et de la Chambre fassent ce que les juges
de Jeanne auraient dû faire Qu'ils se laissent
prendre aux entrailles, qu'ils soient hommes,
Français, patriotes. Qu'ils se défient des tenta-
tions de la scolastique du jour et des pièges
d'une théologie à rebours, qui risque d'être
aussi homicide que l'autre I
̃ Penses-tu, demandaAndré, quesi Montenol
n'était pas venu, M. Pachery nous eût légué
quelque chose? 0
Le fermier articula nettement
Non, il n'aurait rien légué à M. Imbert.
Allons donc fit celui-ci.
Mais il aurait laissé à M. André.
A moi? dit le jeune homme étonné.
C'est pareil, observa M. Imbert.
Pas pour tout le monde.
Mais pourquoi? Je ne m'explique pas.
Le père Boitard reprit
Nous savions tous dans le pays que M.
Pachery d'abord ne voulait pas faire de testa-
ment. Il disait que ça lui porterait malheur et
qu'il se moquait pas mal de qui hériterait après
lui, maintenant que Mme Imbert était morte. Il
avait une grande amitié pour votre maman, M.
André. Il disait que c'était la plus brave per-
sonne de toute la famille et qu'il n'y avait qu'elle
qui méritait d'être riche. Je ne répète pas ça
pour vous offenser, monsieur Imbert. Sûrement
'il l'aurait faite sa légataire universelle.
«– Tout cela est fort exact. Dans les premiers
temps de notre mariage, quand nous venions à
Sàinval chaque été pendant les vacances du
barreau, nous nous fréquentions beaucoup. Il
me racontait en riant que ta mère était très jo-
lie et ressemblait à une femme de Châtellerault
qu'il avait aimée étant jeune. Il avait déjà près de
soixante ans à cette époque.
Quand Mme Imbert est morte, continua le
père Boitard, il a eu beaucoup de chagrin. Il
s'informait de vous, monsieur André, de ce que
vous faisiez.
-Il y a deux ans, en effet, dit M. Imbert, je lui
ai dit que tu allais être avocat et il en était très
content.
-Aussi, reprit le père Boitard, on se disait
ici « Hé! hé! tout de même puisqu'il se moque
de ses autres parents, il pourait bien laisser une
partie de sa fortune à M. André Imbert! » Et
on croit qu'il aurait fini par tester, en se voyant
malade, et à vous inscrire sur le papier, M.
André. C'est M. Montenol qui l'a empêché, ça
pour sûr. Comment qu'il s'y est pris? Je ne
m'en doute pas..
-Enfin toutcela n'a plus grande importance,
dit André, souriant de ces potins qui intéres-
sent si fort en général les paysans.
AFFAIRES COLONIALES
Le Journal de Bruxelles a été l'organe officieux du
ministère Beernaert. Il en est resté le défenseur.
Aussi croit-il devoir contester les informations
publiées par nous sur le rôle plus que singulier
joué en juillet 1890 par le premier ministre de Bel-
gique.
Voici ce que dit l'organe conservateur
Sans avoir la prétention de posséder les secrets di-
plomatiques, nous croyons ne pas nous tromper en
disant que les articles du Temps contiennent un singu-
lier mélange de vérité et d'erreur.
Nous ne'citerons ici qu'un exemple le Temps affirme
que le gouvernement français n'a pas autorisé le gou-
vernement belge à substituer aux conventions de 1884
et 1885 sur le droit de préemption une simple déclara-
tion par laquelle l'Etat du Congo s'engageait à ne pas
aliéner le Congo et que, néanmoins, M. Beernaert s'est
empressé de la faire à la Chambre et au Sénat sans,
l'assentiment de la France.
Or, nous venons de vérifier les textes et nous consta-
tons que dans la déclaration faite à la Chambre par
M. Beernaert le 25 juillet 1890, et reproduite il y a
quelques jours par le ministre des affaires étrangères,
il n'est pas même fait mention de l'inaliénabilité et que
la déclaration porte expressément que la Belgique
mise en possession du Congo se trouverait tenue en-
vers la France, aux lieu et place de l'Etat indépendant,
par les déclarations échangées en 1884!
Nous nous plaisons à espérer que les prochains dé-
bats annoncés à la tribune française se baseront sur
des données plus vraies et des appréciations plus im-
partiales.
C'est la première fois qu'un journal belge, dans
les polémiques auxquelles donne lieu la divulgation
de la politique anti-française du gouvernement con-
golais, met en doute notre impartialité et partant
notre bonne foi. b p
Nous répondrons, suivant notre habitude, par de
simples citations, que nous extrayons des docu-
ments parlementaires auxquels fait allusion le Jour-
nal de Bruxelles.
Nous lisons en effet, dans les déclarations faites
par M. Beernaert à la Chambre des représentants
de Belgique lo 25 juillet, la phrase suivante
« Dans une préoccupation dont l'absolue loyauté
sera reconnue par toutes les puissances, nous se-
rions même prêts à dédul'er inaliénabilité de la fu-
ture colonie. »
Nous n'aurons pas la cruauté d'insister sur les
procédés de polémique du Journal de Bruxelles. Avant
de se livrer à d'inexplicables critiques, il aurait bien
fait de lire attentivement les documents avec les-
quels il se flattait de prouver notre partialité. Il
aurait vu que dans cette môme séance du 25 juillet,
M. Beernaert n'hésitait pas à dire
C'est toujours ce même manque de franchise et de
sincérité qui, paraît-il, nous caractérise, hélas! C'est
cette politique tortueuse que l'on signalait encore à
l'animadversion du pays, il y a quelques semaines,
avant les élections. (Rires à droite.)
M. Houzeau de Lehaie nous redit tout cela, et M.
Frère-Orban vient de reprendre ces n\ûmes reproches
en termes plus vifs et plus amers.
Ce langage, messieurs, me laisse .absolument insen-
sible, car j'ai la conscience qu'il est profondément,
absolument injuste.
Jamais, en aucun cas, en aucune matière, je n'ai
manqué de sincérité envers la Chambre, et je me fais
un devoir strict de lui exposer les choses telles qu'el-
les sont. (Applaudissements à droite.) (Annales parle-
mentaires. Chambre des représentants. Séance extra-
ordinaire de 1890. Pages 117 et 118.)
C'est pour cela que, dans sa déclaration à la
Chambre, M. Beernaert a fait allusion le Journal
de Bruxelles ne contestera plus, nous l'espérons,
notre sincérité comme la sûreté de nos informa-
tions à la question de l'inaliénabilité des territoi-
res du Congo. Nous voulons bien admettre que M.
Beernaert n'a pas ihsisté beaucoup sur cette ques-
tion, car, on fin politique qu'il est, il avuit compris,
aux résistances qui lui ont été opposées par M.
Ribot, que jamais la France n'accepterait de substi-
tuer aux engagements formels de l'Etat du Congo
sur le droit de préemption une simple déclaration
d'inajiênabilitô. p
Cette déclaration, M. Beernaert dit qu'il était prêt
à la faire elle est, d'autre part, l'objet principal du
codicille que le roi Léopold avait, le 21 juillet 1890,
soit quatre jours auparavant, ajouté au testament
qui porte la date du 2 août 1889.
Le Journal de Bruxelles rappelle ainsi l'attention
sur certains points très délicats des incidents diplo-
matiques do 1890, que nous avions indiqués discrè-
tement et que notre confrère se garde bien de
démentir,, et pour cause.
LA CRISE MINISTÉRIELLE EN HONGRIE
(Dépêches de notre correspondant particulier)
Budapest, 4 juin, 8 h. 10.
L'empereur-roi est arrivé cette nuit.
En présence des résolutions du parti libéral votées
dans la conférence do samedi, le ban de Croatie,
comte Khuen-Hedervary, semble avoir perdu toute
chance de former le nouveau cabinet. Il a dit lui-
même qu'il était disposé à renoncer à cette mission
et qu'il conseillerait au souverain d'entendre les pré-
sidents des deux Chambres, Slavy et Banffy, ainsi
que les hommes politiques les plus considérables du
parti libéral en première ligne, MM. Koloman Tisza
et de Szell, et, d'autre part, le comte Szapary qui, à
ce qu'on prétend dans l'opposition, serait appelé à
jouer un rôle important avec le comte Albert Ap-
ponyi.
ponyi.. Budapest, 4 juin, 8 h. 25.
Aujourd'hui, il y aura séance aux Chambres. On
s'attend à un important discours de M. Wekerle.
L'animation ne fait que croître à Budapest comme
en province dans les deux partis.
Plusieurs villes ont l'intention de nommer M.
Wekerle citoyen d'honneur. Une retraite aux flam-
beaux en l'honneur do l'ancien premier ministre
s'organise à Budapest.
(Service Havas)
Vienne, 4 juin.
Plusieurs feuilles annoncent que le comte Khuen-
Hedervary a déclaré de la façon la plus formelle à
leurs correspondants que sa mission de former un ca-
binet a complètement échoué et qu'aujourd'hui même
Voilà pourquoi, mon ami, je ne t'avais pas
écrit à ce moment-là, dit M. Imbert.
Le père Boitard regarda son propriétaire avec
une certaine ironie.
Vous avez peut-être eu tort, sauf votre res-
pect, monsieur Imbert.
Et en quoi, Boitard ? 2
-Parce que, reprit le paysan, en se mettant
à parler avec une grande lenteur, si alors vous
vous étiez occupé de cette affaire, monsieur Im-
bert, vous auriez peut-être appris des choses
qui vous auraient fait dresser l'oreille.
Et il murmura, se parlant à lui-même, mais de
façon que M. Imbert entendît
Il y a de l'argent qui n'a pas été perdu
pour tout le monde, c'est une consolation.
Quel argent? Quevoulez-vous dire ? s'écria
M. Imbert en frappant du pied. Encore des can-
cans
Le paysan, ayant levé les yeux au ciel, se
contentait de siffloter.
Ce qui m'exaspère dans Boitard, continua
M. Imbert en se tournant vers son fils, c'est
cet air profond qu'il prend de temps en temps.
On dirait, ma parole d'honneur, qu'il sait un
tas d'histoires mystérieuses que personne ne
connaît Ainsi, voici une affaire qui s'est passée
il y a deux ans, qui est finie, archifinie, malheu-
reusement, et Boitard espère nous intriguer
avec des sourires narquois et des réticences
Vous êtes bien tous les mêmes à la campagne
Mais je n'ai rien dit, monsieur Imbert, je
n'ai rien dit, reprit le fermier en traînant la
voix. J'ai pensé dans mon intérieur: « Il y a de
l'argent qui n'est pas perdu pour tout le monde, »
ce n'est qu'une pensée, quoi
Vous êtes absolument insupportable, Boi-
tard 1. Et, permettez-moi de vous dire, d'ail-
leurs, qu'en admettant même que vous sachiez
n'importe quoi et qu'il y ait, en effet, des des-
sous dans cet événement, vous auriez été cou-
pable, oui, je le répète, très coupable d'attendre
deux années avant de m'en faire part.
Le père Boitard répondit avec tranquillité
Ça ne vous touchait pas, ça touchait M.
André, et M. André n'était pas là.
Mais il est là, maintenant, M. André 1 Par-
lez, voyons 1
Le paysan fit quelques pas, alla examiner un
il remettra entré les mains do l'empereur-roi le man-
dat qu'il avait reçu de lui.
D'après la Correspondance de Budapest, le comte
Khuen-Hedervary, s'étant convaincu qu'il lui était im-
possible, ̃dans les circonstances actuelles.de former
un ministère, n'a pas continué hier ses pourparlers
avec les personnages politiques. Bu(lapest(4 Juin.
Budapest, 4 juin.
L'empereur François-Joseph est arrivé ici ce matin.
Il a été reçu à la gare par un grand nombre de députés
du parti libéral national et de députés n'appartenant à
aucun groupe déterminé, qui l'ont chaleureusement
acclame.
Budapest, 4 juin.
Le souverain fera appeler demain les présidents des
Chambres et M. Tisza.
Ils diront qu'aucun membre du parti gouvernemen-
tal ne peut accepter de portefeuille dans le ministère
Khuen.
On dit que M. Wekerle formera probablement un
nouveau cabinet dans lequel n'entreront pas MM.
Csaky et Szilagyi.
COURRIER DE CHINE
(Malle de Shanghaï du 28 avril)
Le vice-roi Li Houng-Tchang donnait, le 12 avril,
dans le vaste yamen de l'amirauté, un grand dinet
en l'honneur de deux hôtes de dictinction de passage
à Tien-Tsin M. Gérard, notre nouveau ministre
plénipotentiaire en Chine, et l'honorable John W.
Foster, ancien secrétaire d'Etat des Etats-Unis.
Le corps consulaire, les hauts fonctionnaires in.
digènes et les résidents les plus notables de Tien.
Tsin étaient conviés à ce banquet qui a été des plus
brillants. Le menu réunissait en nombre égal des
plats empruntés à la cuisine chinoise et à la cuisine
européenne, de manière à satisfaire tous les goûts
et toutes les curiosités.
Deux jours après, M. Gérard recevait à son tout
le vice-roi à dîner, au consulat de France. La réu-
nion a été des plus cordiales et Li Houng-Tchang
s'est montré particulièrement aimable pour notre
nouveau représentant diplomatique. Sachant que
M. Gérard avait occupé, avant d'être envoyé en
Chine, le poste de ministre à Rio, le vice-roi l'a
longuement interrogé sur les choses du Brésil, et
notamment sur les débouchés que ce pays peut
offrir à l'émigration chinoise. M. Gérard a quitté
Tien-Tsin le lendemain, se rendant à Pékin.
Le doyen du corps diplomatique de Pékin, qui esi
actuellement le comte Cassini, ministre ̃de Russie,
a fait parvenir par les soins de Jl. Valdez, consul
tènéral de Portugal et doyen du corps diplomatique
de Shanghaï, la réponse suivante & une protestation
de la chambre de commerce- de Shanghai contre les
mesures ^prohibitives' édictées à propos âe l'impor-
tation des machines étrangères
« J'ai l'honneur de vous faire savoir que, à diffé-
rèntes reprises, le corps diplomatique a, -par l'inter-
médiaire de son doyen, l'honorable colonel Denby,
ministre des Etats-Unis, protesté contre la façon do
voir du gouvernement chinois, qui est absolument'
contraire aux traités existants, et qu'aussitôt que
j'ai eu connaissance de la notification des douanes
impériales chinoises, affichée dans les bureaux do
la douane et parue dans le North-Chxna. Daily News,
j'ai, au nom de tous mes collègues et en ma qualité
de doyen du corps diplomatique, encore une fois
renouvelé énergiquement cette protestation contre
une mesure attentatoire aux traités existants, et dé-
claré, comme l'avait déjà fait S. Exc. M. Denby,
que le corps diplomatique rendrait le gouvernement
chinois responsable des pertes et dommages qu)
pourraient en résulter pour les négociants infé^
ressés. »
Le cadavre de Kim Ok-Kiun a subi le 14 avril,
après son arrivée à Séoul, l'opération on ne peut
guère, en ce cas, dire le supplice du ling-lche,
c'est-à-dire qu'il a été découpé en huit parties qut
ont été réparties entre les diverses provinces. La
tête sora promenée et exposée dans les principales
villes du royaume, comme il est d'usage, du reste,
chaque fois qu'il s'agit d'un exécuté de marque.
Le jour môme de cette lugubre cérémonie, sur
laquelle nous manquons encore de détails, le roi de
Corée offrait au corps diplomatique un grand ban-
quet certainement destiné dans sa pensée à célébrer
le châtiment posthume du fameux conspirateur.
Décidément, la Corée semble détenir actuellement,
socialement et politiquement parlant, le record de
l'orientalisme I
On assure que le gouvernement du mikado avait
chargé M. Otori, son ministre en Corée, do faire
comprendre au roi quel mauvais effet la dissection
de Kim ne manquerait pas de produire à l'étranger.
Mais cette intervention a été, on le voit, sans ré-
sultat.
D'autre part, le gouvernement coréen ayant pro-
posé de confier au secrétaire de sa légation à Tokio
la gérance de ses intérêts, vacante par le départ
précipité du chargé d'affaires, You Kin-Houan, le
gouvernement japonais a refusé d'accueillir un nou-
veau représentant aussi longtemps que les circon-
stances de cette retraite ou plutôt de cette fuite
n'auront pas été expliquées d'une façon satisfai-
sante.
Ce n'est pas une rupture diplomatique, à propre-
ment parler, puisque le ministre du Japon n'a pas
quitté Séoul; mais cela y ressemble fort.
LES TAXES DE MUTATION ET DE SUCCESSION
La commission de la Chambre chargée d'exami-
ner le projet du gouvernement et diverses proposi-
tions de MM. Boudenoot, Dupuy-Dutemps, etc., re-
latifs aux taxes do mutation et de succession, a
pris plusieurs décisions importantes.
On sait quoi était le caractère principal du projet
de M. Burdeau il opérait un dégrèvement do plus
d'un tiers sur les mutations à titre onéreux, et,
pour que la réforme se suffit à elle-même, il ac-
croissait dans une proportion correspondante les
droits pesant sur les mutations à titre gratuit, suc-
cessions, donations et partages.
La commission a pleinement admis ce principe,
tout en s'efforçant d'en améliorer l'application. C'est
ainsi que certains droits fixes ou à peu près tels
grèvent très lourdement les petites ventes d'im-
meubles on va donc chercher, comme on l'a fait il
y a deux ans pour les frais de justice, à les trans-
former en droits proportionnels.
D'autre part, la commission s'est prononcée pour
pied de vigne, soupesa les grappes, et, sortant
son couteau de sa poche, trancha deux ou trois
feuilles.
Sont-ils étonnants 1 dit M. Imbert, agacé
de ce manège, hein! Tu ne sais pas ce que
Boitard voudrait nous faire croire? Des choses
fantastiques Dites-nous tout de suite que Pa-
chery a fait un testament et que ce testament a
été volé Les paysans, mon cher André, se
plaisent à imaginer des crimes partout. Il n'y
a rien de naturel avec eux. Tout est plein de
mystères et d'arrière-pensées. Un testament
volé Comme c'est facile (
M. Imbert haussait les épaules. Boitard re-
vint près de lui.
M. Pachery, articula-t-il, était un homme
trop régulier, s'il avait fait un testament, pour
ne pas le déposer chez son notaire. Sûr, le no-
taire l'aurait su. Ça! il n'y a pas d'erreur.
Alors.
Mais, cependant, il ne serait pas impossible
qu'il y ait eu un. comment appelez-vous ça,
vous les avocats, quand on confie de l'argent à
quelqu'un. un fi. fidé.
Un fidéi commis! exclama M. Imbert. Et
un fidéi-commis à qui
Dame à qui voulez-vous ? A M. Mon-
tenol.
André dit
-Ce n'est guère probable. Boitard, soyons
raisonnable.
Un fidéi commis à Montenol! dit M. Im-
bert, que la seule prononciation de ce terme
juridique avait fait rentrer dans des idées sé-
rieuses. Voyons, réfléchissons. Il y a là une
lueur. Mais non, c'est impossible. Pourquoi
un fidéi commis plutôt qu'un testament ?
Des gens, parfois, n'aiment pas faire de
testament. Ça les embête. Peut-être qu'au
moment de mourir Pachery aurait eu un re-
mords de ne rien laisser à M. André Imbert, et
alors. heu Il y a des personnes qui n'étaient
pas loin de lui et qui ont entendu des choses.
M. Pacherv avait une grosse somme en valeurs
chez lui. On dit trente ou quarante mille.
On? Qui on?
La Rosine ou une autre. La Rosine était
servante à la maison. ALFRED Capus
(A suivre).
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 69.78%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 69.78%.
- Collections numériques similaires Ritz Jean Ritz Jean /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Ritz Jean" or dc.contributor adj "Ritz Jean")Tourte Francis Tourte Francis /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Tourte Francis" or dc.contributor adj "Tourte Francis")
- Auteurs similaires Ritz Jean Ritz Jean /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Ritz Jean" or dc.contributor adj "Ritz Jean")Tourte Francis Tourte Francis /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Tourte Francis" or dc.contributor adj "Tourte Francis")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k2341198/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k2341198/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k2341198/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k2341198/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k2341198
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k2341198
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k2341198/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest