Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-06-04
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 04 juin 1894 04 juin 1894
Description : 1894/06/04 (Numéro 12061). 1894/06/04 (Numéro 12061).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
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TRENTE-QUATRIEME ANNtE. N* 12001
LUNDI 4 JUIN 1891
PRIX DE L'ABONNEMENT
f*3 • Trois mois, l«4fr.; Six mois, 2S fr.; Un an, B© fr.
DH>t» & ALSACE-LORRAINE 17 fr.; 34 fr.; 68 fr
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AUTRES PATS. 23 fr.; 46 fr.; 92 ft.
LES ABOWHBHBirrS DATETT DES V ET 16 DR CIIAOUB MOIS
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Un numéro (à Paris) 1S centimes
Directeur politique Adrien Hébrard
Tontes les lettres destinées à la. Rédaction doivent être adressées au Directeur
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BULLETIN DU JOUR
30UP DE THEATRE A ROME
M. Crispi réservait une surprise à ses amis
et à ses ennemis. A la onzième heure, quand la
Chambre était en proie aux quarante auteurs
de propositions d'ordres du jour, le premier
ministre est venu apporter à la tribune un pro-
jet qui modifie profondément les conditions du
débat actuellement engagé et de celui qui devait
prochainement s'ouvrir sur la demande de
pleins pouvoirs.
En somme, le président du conseil met la
Chambre en demeure d'assumer la responsabi-
lité de fixer par une commission ad hoc le total.
des économies réalisables par la réforme admi-
nistrative. Dix-huit membres spécialement élus
recevraient le mandat d'étudier et d'indiquer
les grandes lignes de cette réorganisation ils
devraient déposer leur rapport au plus tard le
30 juin.
A première vue, cette motion semble consti-
tuer une reculade. D'une part, le cabinet paraît
remettre en doute lui-même les bases du grand
projet fiscal de M. Sonnino en invitant la Cham-
bre à reprendre en sous-ordre l'examen des
économies possibles. D'autre part, M. Crispi
à l'air de renoncer à cette dictature à temps que
le projet relatif aux pleins pouvoirs deman-
dait à la Chambre de consacrer, puisqu'il souf-
fre ou plutôt provoque l'ingérence de la légis-
lature dans la préparation de cette réforme
administrative dont il avait prétendu se réser-
ver le monopole. Quelques députés ont bien in-
terprété cette démarche dans ce sens M. Im-
briani s'est écrié « Vous avez peur » »
Il n'était pas besoin, toutefois, du démenti 1
sec et dédaigneux que M. Crispi a opposé à
cette insinuation pour en faire justice. A vrai
dire, parmi les reproches et ils sont nom-
breux que l'on peut adresser à l'homme
d'Etat sicilien, le dernier que l'on soit en droit
de lui faire, c'est celui de timidité. M. Crispi n'a
point accoutumé de fuir ou de bouder le péril
bien plutôt, il le provoque, il fonce sur lui tête
baissée et il fait surgir lui-même les obstacles
contre lesquels il va se briser.
De plus, les conjonctures actuelles ne sem-
blent pas précisément exiger ou même excuser
une retraite de ce genre. La situation parlemen-
taire, qui paraissait désespérée au début, n'a
pas cessé de s'améliorer. Des votes ont été
acquis qui paraissaient impossibles, des défilés
franchis, des caps doublés dont la seule pers-
pective effrayait les imaginations. Sans doute, il
reste un rude coup de collier à donner et c'est
souvent ce dernier quart d'heure qui est le plus
mauvais à passer mais enfin la dissolution est
toujours là comme ressource suprême et M.
Crispi ne fait nullement mine de se défier des
résultats d'un appel au pays.
Il est vrai que, de certains côtés, la politique
du ministère surtout en ce qui a trait à la dé-
fense de l'ordre et à la répression des troubles
agraires de l'hiver dernier a soulevé une émo-
tion profonde. Des condamnations que l'on qua-
lifie de sauvages, comme celle du député De Fe-
lice ont bien mauvaise grâce sous un régime
dont les fondateurs et quelques-uns des repré-
sentants actuels ont eux-mêmes éprouvé jus-
qu'où se portent parfois les excès de la justice
politique.
Toutefois, il n'y a pas là un mouvement d'o-
pinion assez profond et assez large pour que
M. Crispi ait beaucoup à en redouter les effets
immédiats. Non c'est autre part qu'il faut
chercher l'explication de cette manœuvre.
Le plujtprobable, c'est que le président du
conseil a voulu mettre ses adversaires au pied
du mur, forcer l'opposition à jouer cartes sur
table, se préparer un mot d'ordre électoral. En
effet, sa motion contraint ses ennemis à pren-
dre l'initiative des économies, à assumer la res-
ponsabilité d'indiquer les rouages de l'Etat et
les chapitres du budget sur lesquels faire porter
ces réductions de crédit, au lieu de confesser
hautement que les économies n'étaient dans leur
bouche qu'un vain mot.
Certes, le procédé est fort adroit. Il déplace
brusquement les responsabilités. Il relègue au
second plan ce spectre des nouveaux impôts
que l'opposition trouvait tant d'avantage à agi-
ter contre le gouvernement. En outre, grâce au
secret qui avait été observé, la motion est venue
surprendre la Chambre qui ne s'y attendait pas.
Aucune entente n'a été possible. Il a fallu yoter
le couteau sur la gorge et le ministère peut voir
un gage de succès sur le fond des choses dans
la victoire qu'il a remportée sur la question d'a-
journement.
Une majorité de 35 voix-de 21 seulement
si l'on tient compte des abstentions n'est pas
énorme, mais elle suffit, surtout si l'on ne perd
pas de vue que tous les groupes opposants-
Rudini, Giolitti, Zanardelli, Cavallotti ont don-
né avec ensemble contre le ministère. On peut
donc croire que la manoeuvre réussira.
Seulement, ce triomphe aura été acheté un
peu cher. Ces petites habiletés ne sont guère
séantes au gouvernement d'un grand pays. Il
convient peu d'enlever un vote essentiel comme
un prestidigitateur escamote une muscade. M.
Crispi s'est trop souvenu de son passé de cons-
pirateur, trop peu de sa dignité actuelle d'homme
FEUILLETON DU (ftttttpS
DU 4 JUIN 1894
CHRONIQUE THEATRALE
Aux Bouffes-Parisiens, Fleur de vertu, vaudevi!le-opô-
rette en trois actes de M. Depré pour les paroles, et
Diet pour la musique. La représentation de gala
pour Emile Augier à TOdéon. Au théâtre des Let-
tres, reprise des Deux Douleurs, .de M. François
Coppée, et les Lâcheurs, comédie en quatre actes et
cinq tableaux de M. Edouard Franchelti. A la Bo-
dinière, Un bon garçon, pièce en deux actes, par M.
Henri Amie. Rentrée d'Yvette aux Ambassadeurs
et de Judic à l'Alcazar d'Eté.
Les Bouffes-Parisiens nous ont donné cette
semaine Fleur de Vertu, vaudeville-opérette en
trois actes de MM. E. Depré, pour les paroles,
et E. Diet, pour la musique.
Fleur de Vertu, c'est Mlle Mily-Meyer, qui se
nomme Lucrèce (ut sequum est) dans la pièce
de ces messieurs. Elle est si pudique qu'un mot
d'amour la fait rougir; une simple pression des
doigts, et. pan! c'est un coup qu'elle reçoit
dans l'estomac. Elle en-perd la respiration; elle
s'évanouit. Comment cette sensitive a-t-elle pu
acccepter les hommages du célèbre dentiste
M. Casimir, alias Charles Lamy, l'ordinaire té-
norino des Bouffes? La vérité est qu'elle est al-
lée à la mairie, puis à l'église, puis au dîner de
noce,
Où sa pudeur s'est fait un effort, surprenant
à écouter, sans tomber en pamoison, les allu-
sions discrètes des convives, aux félicités pro-
chaines que son mari attend d'elle.
Au dernier moment, elle s'est sauvée éper-
due dans sa chambre, et elle a poussé le verrou
• le verrou de sa famille elle chante même
un assez joli couplet en l'honneur de ce verrou.
Casimir n'est qu'à demi étonné
-Tupenses bien,dit-ilà un de ses amis,enlui
contant sa mésaventure, que je ne suis pas ar-
d'Etat dirigeant. Son pouvoir peut sortir agran-
di de cet épisode, son autorité morale en sort
singulièrement diminuée.
«a».
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Vienne, 3 juin, 8 h. 25.
La Chambre a clos sa session en nommant les
menbres de la Délégation autrichienne.
Les Délégations ne se réuniront sans doute qu'à
la fin de septembre;
Belgrade, 3 juin, 8 heures.
La reine Nathalie a fait savoir qu'elle ne rentre-
rait pas en Serbie avant que le jeune roi ait atteint
sa majorité, suivant la décision de la Skouptchina.
Le roi remettra peut-être son voyage à cause
des événements de Bulgarie: En tout cas, il est
certain aujourd'hui qu'il ne se rendra ni à Vienne
ni à Berlin.
Madrid, 3 juin, 9 h. 15.
Le débat d'hier sur le traité de commerce hispano-
allemand à la Chambro des députés, auquel MM.
Sagasta, Moret, Canovas, Silvela et Gamazo ont
pris part, cause une profonde impression dont toute
la presse se fait l'écho aujourd'hui. L'opinion publi-
que est persuadée que le traité ne sera jamais voté,
et que la situation du ministre des affaires étrangè-
res est compromise par l'ajournement indéfini de
l'approbation de tous les traités. Les bruits d'une
modification prochaine dans le cabinet s'accen-
tuent.
Alger, 3 juin.
Dans les fouilles entreprises à Tigzirt, près de Del-
lys, par M. Gavault, architecte départemental, chargé
d'une mission du ministère de l'instruction publique,
une grande basilique de quarante mètres de longueur
vient d'être découverte.
Ce monument, qui date du cinquième ou sixième siè-
cle de notre ère, est couvert de nombreuses sculptures,
dont certaines sont purement ornementales, telles
que des rosaces, des entrelacs, des chevrons, des vo-
lutes, etc.
M. Gavault a découvert dans l'abside principalement
de nombreuses stèles païennes qui sembleraient indi-
quer que cette église fut construite sur l'emplacement
d'un temple.
Les chapiteaux sculptés mis à jour, et qui tous sont
différents, sont au nombre de plus de quarante. Le mo-
nogramme du Christ sous diverses formes est reproduit
à profusion.
DERNIÈRE HEURE
Au Père-Lachaise
Il semble bien que ce sont les députés socialistes
dont l'opinion a prévalu. A deux heures, il n'y a
pas trois cents personnes chez le marchand de vin
Lexcellent, dont l'établissement sert de rendez-vous.
Nous ne rencontrons, en fait do députés, que MM.
Vaillant, Groussier et Faberot; et l'on sait que ces
citoyens ont déclaré hier soir, au meeting do la
salle du Commerce, qu'ils iraient au Père-Lachaise
non comme députés, mais à titre purement indivi-
duel.
Le boulevard de Ménilmontant est absolument
calme et sa physionomie serait exactement celle de
tous les jours, sans le déploiement des forces de
police. Le service d'ordre, dirigé par MM. Lêpine,
préfet de police, Gaillot, directeur de la police muni-
cipale, Cochefert et Debeury, commissaires divi-
'sionnaires, est à peu près le même que dimanche
dernier.
Les gardes municipaux à cheval, rangés dans la
rue du Repos et la rue Spinoza, les gardes à pied,
massés dans la grande allée du cimetière, auprès do
la tombe d'Eudes et du mur des fédérés, enfin les
gardiens de la paix qui assurent la circulation sur
le boulevard de Ménilmontant, sont en nombre
sensiblement égal à celui du .27 mai.
La seule différence est que la porte principale du
cimetière est gardée uniquement par des agents, et
non par des gardes à pied. Le service d'ordre,
quoique aussi nombreux, est donc moins apparent
qu'il y a huit jours.
Les ordres, nous l'avons dit, sont exactement les
mômes. Pas de cortège, pas de drapeau rouge, pas
de discours ni de cris en plein air. Les socialistes
peuvent seulement porter leurs couronnes par petits
groupes au mur des fédérés.
Une douzaino de couronnes sont restées depuis
dimanche dernier chez Lexcellent. Trois ou quatre
groupes socialistes en apportent de nouvelles.
Les organisateurs de la manifestation, que nous
avons interrogés, paraissent perplexes. Le comité,
nous ont-ils répondu, va délibérer sur la conduite à
tenir.
3 heures.
Deux réunions publiques improvisées se tien-
nent, l'une dans la cour et l'autre au premier étage
de l'établissement Lexcellent.
Dans la cour, plusieurs orateurs attaquent vive-
ment les députés socialistes.
Au premier étage, MM. Faillet, Faberot,Vaillant,
députés, "Wober, conseiller municipal, défendent la
décision des députés socialistes.
Le citoyen Grollet, membre du comité d'organisa-
tion do la manifestation, propose qu'une déléga-
tion soit envoyée immédiatement au préfet de po-
lice qui est sur les lieux.
Cette proposition est repoussée comme inutile.
Le citoyen Georges demande si l'on veut aller au
Père-Lachaise ou promener les couronnes dans les
rues.
Cette dernière proposition est acceptée et presque
aussitôt les premières couronnes sortent.
Les gardiens do la paix laissent passer les por-
teurs et se mettent aussitôt en ligne derrière eux,
do façon à séparer la foule.
Cette même manœuvre est exécutée successivement
pour les diverses couronnes, dont les quatre pre-
mières suivent le boulevard Ménilmontant dans la
direction d^lavenue de la République,
La cinquieifl'o; par l'ordre de M. Cochefert, est
dirigée par la rue de la Roquette. On fait avancer
les gardes municipaux à cheval et une brigade des
gardiens de la paix qui déblaient le boulovard do
Ménilmontant. P
Au moment où nous mettons sous presse, la ma-
nifestation est dispersée.
rivé à mon âge sans avoir lu le Maître de
forges.
La première nuit, il est resté sur le paillas-
son, faisant toc toc à la porte qui ne s'ouvre
pas, et à chaque toc! toc! de ce Casimir répond
un pan pan! dans l'estomac de Lucrèce. La se-
conde nuit, il a pris un rhume, et il éternue
devant la porte inexorablement fermée, et a
chacun des atchi 1 conjugaux c'est toujours pan 1
pan! dans l'estomac de l'épouse récalcitrante.
A la troisième nuit, Casimir s'est lassé; il a
fait sa malle et il est allé demander, pour se ré-
chauffer, une tasse de thé à une de ses ancien-
nes amies, Diane de Pulna, qui l'a gentiment
accueilli et consolé.
Et le lendemain, elle me servait le choco-
lat 1
Lucrèce avait été invitée par une de ses amies
Mme Estelle'Champavert, à venir passer une
des journées desa lune de miel dans son cottage
en villégiature. Elle y va seule. Elle trouve là
une personne, fort experte aux choses de l'a-
mour, qui est en coquetterie réglée avec un
certain Théodule. Je vous aurai suffisamment
révélé le caractère de Théodule si je vous ap-
prends qu'il est joué par Baron fils. C'est un
nigaud hurluberlu. Il se glisse sournoisement
chez Mme Champavert, qu'il accable de décla-
rations brûlantes. Madame les écoute avec
plaisir, non sans trembler; car Champavert,
son mari, est le plus jaloux des droguistes; et
s'il rencontrait chez lui un visage suspect, oh!
son affaire ne traînerait pas 1
Justement, le voilà qui entre; il voit Théo-
dule, et sa femme, embarrassée d'expliquer
cette présence, le lui présente comme le mari de
Lucrèce c'est Casimir; ah quelle joie de faire
connaissance avec le mari de cette chère et ai-
mable Lucrèce. Lucrèce se prête à ce mensonge
par amitié pour Estelle Théodule par peur du
terrible Champavert. Et maintenant, il ne s'agit
plus que d'imaginer un prétexte pour amener
chez M. Champavert Casimir qui ne le connaît
pas.
Rien de plus simple. Avez-vous remarqué
que, tout à l'heure, je vous ai dit que Lucrèce
avait accepté les hommages du célèbre dentiste
Casimir? Vous avez cru, sans doute, que j'avais
mis les mots célèbre dentiste, pour être un or-
nement à la phrase. Sachez qu'il n'y a pas un
mot inutile dans mes comptes rendus; j'ai été
formé à l'école des vaudevillistes du temps
passé. Si je dis que Casimir est un dentiste,
c'est qu'il y aura dans la pièce quelque dent à
extraire ou quelque râtelier à poser.
Apprenez donc que Casimir, rentrant chez lui,
Courses de Chantilly. Le Derby. La 1" course
est gagnée par Longjumeau; l'Adige, 2°; Sclika, 3".
2° course Callistrate 1er, Praline 2°.
3B course Styrax 1", Débarrassé 2°, Séraphin 3».
*» ̃1-'
ÉLECTIONS SÉNATORIALES DU 3 JUIN 1894
CORSE
Inscrits 764. Votants 746
MM. Jacques Hébrard, ancien sénateur,
républicain 378 v. Elu.
Péraldi, ancien sénateur, républ. 369
II s'agissait de remplacer M. le docteur Pitti-Fer-
randi, républicain, décédé. Au renouvellement de jan-
vier 1894, M. Pitti-Ferrandi fut élu, au premier tour de
scrutin, par 415 voix. Ses compagnons de liste étaient
nommés aussi M. de Casablanca, sénateur sortant,
par 434 voix, et M. Farinole, conseiller à la cour d'Aix,
par 409 voix. M. Péraldi, sénateur sortant, obtenait
348 voix.
INDRE
Inscrits 617 Votants 613
MM. Verbeckmœs, républicain. 162 voix
Antony Ratier, avoué à Paris, rép.. 151
Mary-Faguet, conseiller général, ré-
publicam. 102
Patureau-Francœur, maire de Châ-
teauroux, radical. 80
Alizard, républicain. 53
Louis Boussac, négociant, radical.. 46
(Ballottage)
M. Clément, sénateur réactionnaire, décédé, qu'il
s'agissait de remplacer, avait été élu, le 5 janvier 1888,
par 350 voix sur 613 votants.
Le 17 février 1891, après la mort de M. de Bondy,
monarchiste, M. Benazet, député réactionnaire, était élu
par 312 voix contre 296 à M. Brunet, républicain; enfin
le 19 juillet de la même année, par suite de l'attribution
d'un siège au département de l'Indre après la mort de
M. de Pressensé, sénateur inamovible, la majorité pas-
sait aux républicains et M. Brunet était élu par 319 voix
contre 292 à M. de Bonneval, ancien député réaction-
naire.
LA PRÉSIDENCE DE LA CHAMBRE
Les radicaux n'avaient rien négligé pour don-
ner à l'élection d'hier une signification politique
très nette. Il s'agissait, en effet, déclaraient-ils, à
l'envi, de détruire la fâcheuse impression pro-
duite par les incidents de la dernière crise, de
montrer que le parti radical n'était point frappé
d'impuissance et qu'il disposait à la Chambre
d'une véritable majorité. Pour y réussir, on
avait fait choix d'un candidat fort peu intransi-
geant, dont le nom est loin d'inspirer de l'anti-
pathie parmi les républicains qui ne font point
partie de la gauche avancée. De plus, l'honorable
M. Bourgeois était porté non seulement par
toutes les fractions de l'opinion radicale, mais
aussi par les socialistes, qui faisaient ouverte-
ment campagne en sa faveur et ne cachent
pas, d'ailleurs, aujourd'hui, qu'ils ont tous voté
pour lui.
Eh bien malgré cette propagande et cet ap-
point, le candidat radical est battu. Il n'atteint
même pas le chiffre de suffrages obtenu, au
mois de novembre dernier, par M. Brisson il
s'en faut de 8 voix. Qu'est-ce à dire? sinon qu'au
Palais Bourbon il n'y a qu'une majorité, celle
qui avait élu président, au début de la législa-
ture, M. Casimir-Perier, celle qui s'était affir-
mée, à plusieurs reprises, et sur les ordres du
jour les plus caractéristiques, durant son pas-
sage au pouvoir, celle enfin qui vient de l'ap-
peler à nouveau au fauteuil présidentiel. So-
phistes et abstracteurs de quintessence auront
beau s'évertuer comment résister à l'évidence
matérielle des faits ? La défaite des radicaux est
indéniable, et, du reste, leurs journaux ne la
contestent pas. « Les républicains sincères,
écrivait hier matin le Radical, sont désireux
de se compter, de prouver qu'ils sont en majo-
rité au Palais Bourbon. » Aujourdliui notre
confrère ne dissimule pas sa déception. Que
sont devenus, demande-t-il mélancoliquement,
les trois cent vingt voix qui renversaient l'autre
jour le ministère ? Il ne s'en est pas retrouvé
deux cents, hier, pour affirmer sur un nom la
politique qu'elles avaient l'air de réclamer il y
a une semaine ? Le même journal constate en-
suite que la déroute des radicaux s'est accentuée
au scrutin pour la vice-présidence. « Là, dit-il,
les radicaux n'avaient même pas pu s'entendre
pour désigner un candidat. On est allé à la ba-
taille en débandade et on a été fortement battu.
Le contraire eût été surprenant. »
En somme, la journée d'hier prouve, une fois
de plus, ce que valent et.ee que représentent
des coalitions comme celle qui provoquait, il y
a quelques jours, la chute du cabinet Perier.
Aucune conception positive ne rattachant entre
eux les éléments qui les forment, ils se désa-
grègent immédiatement après le vote et ne
sauraient, par conséquent, servir d'appui à
un gouvernement quelconque. C'est ce qu'ont
parfaitement compris les chefs radicaux, et voilà
pourquoi, en dépit des objurgations de leurs
amis, nul d'entre eux n'a cru pouvoir accepter
la responsabilité du pouvoir. Comment n'au-
raient-ils pas senti leur impuissance à conser-
ver une majorité éphémère amenée par une
circonstance toute fortuite ? Les scrutins d'hier
ne peuvent pas ne pas apparaître comme une
justification éclatante de leurs hésitations et de
leur abstention finale.
Mais peut-on espérer que la leçon ne sera pas
absolument perdue et que tout le monde aper-
a trouvé la lettre de Champavert, par laquelle
on l'invitait à venir; comme il ne connaît pas
ce Champavert, il y a de bonnes raisons pour
cela, puisqu'il n'a encore jamais pu causer une
minute avec sa femme, il s'imagine que, si on
le mande, c'est pour une opération de son
métier. Il a donc pris sa trousse et il arrive à
l'adresse indiquée; il entre, et .comme le do-
mestique lui demande
Qui annoncerai-je, monsieur?
Annoncez, monsieur Casimir.
Et le rideau tombe. Hein 1 me croirez-vous
maintenant, quand je vous dirai qu'il ne faut
jamais perdre un mot ni dans les vaudevilles,
ni dans les analyses de ces vaudevilles ? Songez
de plus que cette profession servira de prétexte
à des mots pleins de gaieté. Ainsi, au cours des
quiproquos, que vous voyez venir, à la suite de
cette donnée, il y a un moment où Casimir, fu-
rieux contre son sosie, sonne violemment à la
porte
N'ouvrez pas! crie un des personnages en
scène, il va nous arracher toutes nos dents
Que dites-vous de cette plaisanterie? N'est-
elle pas spirituelle et même, si j'ose m'exprimer
ainsi, très humoristique ? Eh bien! il y en a
beaucoup de cette force dans Fleur de Vertu, et
j'ai ri tout de même, parce que. parce que.
mon Dieu! je ne sais pas trop, parce que j'étais
en humeur de rire. 11 paraît que la veille, à la
répétition générale, mes confrères avaient
écouté d'un air morose ce vaudeville sans pré-
tention. Je m'y suis amusé pour ma part.
Le second acte est tout plein des quiproquos
promis par le premier. Ces quiproquos sont en-
chevêtrés d'une main assez preste Champa-
vert s'y démène et y patauge avec une furie en-
diablée. Il joue un rôle qui est classique dans
l'ancien vaudeville, le rôle du monsieur qui
croit tenir tous les fils de l'intrigue et qui, vou-
lant les démêler, les croise encore et les em-
brouille d'une façon plus inextricable.
C'est ce personnage qui a donné à l'auteur
l'idée de sa meilleure scène, de celle qui fait le
dénouement. Champavert, qui a fini par voir
qtTil avait été dupe en toute cette affaire, s'en
prend à, ceux qui l'ont mis dedans. Mais alors,
ou Casimir ou Théodule, je ne sais plus lequel,
mais peu importe, se retourne contre lui et, lui
rappelant un à un tous les incidents qui vien-
nent de se produire
Est-ce vous, lui demande-t-il, qui avez dit
ceci? puis cela ? Est-ce vous qui m'avez engagé
dans cette démarche? etc., etc. a
Oui, confesse à chaque fois Champavert
ahuri, mais.
cevra clairement l'impossibilité de rien tenter
de sérieux sans et, à plus forte raison, contre
la majorité? Il est difficile, hélas! 1 de se faire
beaucoup d'illusions sur la sagesse pratique et
l'esprit politique des hommes et des partis. Il
semble cependant que cette fois l'expérience ait
été plus complète et plus décisive que jamais et
nous nous refusons à croire qu'elle ne laisse
aucune impression sur les députés qui ont quel-
_que souci de la vérité parlementaire et de l'é-
quilibre indispensable du régime républicain.
LA FRAPPE DES MONNAIES DIVISIONNAIRES D'ARGENT
Le Journal des Débats, commentant ce matin le
rapport sur le projet de loi relatif à la frappe com-
plémentaire des monnaies divisionnaires d'argent,
rappelle que l'idée a été émise d'opérer cette frappe
au moyen d'une démonétisation correspondante
d'écus de cinq francs. « Quand on a trop d'écus et
pas assez de petites pièces, avait écrit- déjà notre
confrère, le simple bon sens commande de fondre
les écus en petites pièces jusqu'à concurrence de la
somme désirée. » Le Journal des Débats ajoute qu'il
ne parait pas que la commission se soit préoccupée-
de cette question. « La commission, dit notre con-
frère, ne parait pas s'être préoccupée de ces objec-
tions que soulève le projet du gouvernement. En
tout cas, nous no voyons pas qu'il y ait été ré-
pondu. » Evidemment la commission du budget eût
manqué à tous ses devoirs, si, étudiant le projet du
gouvernement, elle avait négligé de peser les in-
convénients ou les avantages d'une démonétisation
partielle de nos écus de cinq francs, en vue d'une
émission de pièces de 2 francs, de 1 franc et de
50 centimes. Mais en a-t-il été ainsi? Il suffit d'ou-
vrir le rapport fait au nom de la commission pour
s'apercevoir du contraire.
Aucune question n'a, en effet, retenu davantage la
commission. Bien loin quo celle-ci n'ait pas semblé
s'en préoccuper, elle y a attaché une grande atten-
tention. Le rapport consacre tout un chapitre au
résumé de la discussion qui a eu lieu. « On a pro-
posé, lit-on dans ce document, que l'Etat, au lieu
d'acheter de l'argent au cours du marché, ce qui lui
assurerait un bénéfice égal à la moitié environ de
la valeur nominale des monnaies émises, retirât de
la circulation une quantité suffisante d'écus de
5 francs. Ces écus seraient fondus, convertis en
pièces de 2 francs, de 1 franc et de 50 centimes. Au-
cune ressource exceptionnelle n'aurait été ménagée
au budget. » Voilà bien la thèse du Journal des Dé-
bats. Tout en rendant hommage aux -sentiments qui
ont pu l'inspirer, la commission du budget ne s'y
est pas ralliée. A-t-elle été mue par le désir de mé-
nager au budget une ressource exceptionnelle? Tout
en ne dédaignant pas cette considération, la com-
mission a eu des vues plus hautes, dont le rapport
a rendu compte en ces termes:
Il convient de le remarquer, si l'Etat démonétisait
des écus de 5 francs pour effectuer la frappe des mon-
naies divisionnaires, le projet de loi risquerait de
prendre un caractère qu'il ne doit pas avoir.
Tel qu'il est, avec son objet très précis, il est des
plus simples, il ne touche, ni directement ni indirec-
tement, aux problèmes si complexes qui soulève la
question monétaire. Des solutions si différentes qu'ils
peuvent suggérer, des théories ou des doctrines si
diverses qu'ils suscitent, aucune n'est en cause.
En serait-il de même dans le cas où l'Etat retirerait
de la circulation une quantité, même relativement
minime, d'écus de 5 francs? Par cette mesure, une dé-
faveur ne serait-elle pas jetée sur ces pièces d'argent?
Ne serait-elle pas interprétée comme une menace pour
notre régime monétaire?
Bien que la quantité d'écus de 5 francs soit moindre
qu'on ne le suppose généralement, il serait infiniment
regrettable qu'on portât atteinte à cette valeur. Telle
n'est certainement pas l'intention de ceux qui préfé-
reraient à des achats d'argent, au cours du jour, une
démonétisation partielle d'écus de 5 francs, mais telle
pourrait être la conséquence de leur proposition.
Qu'on dise si, vraiment, les préoccupations do la
commission ne se sont pas étendues au problème visé
par notre confrère. La vérité, c'est que ce problème-
est de ceux auxquels on ne saurait toucher qu'avec c
la plus extrême prudence. Quand on aurait diminué
de 6 millions à peine le montant total do nos écus
do cinq francs, la masse do ces écus n'aurait subi
qu'une réduction infime, mais quelle répercussion
possible, en revanche, sur sa valeur aux yeux du
public 1 Que de défiances seraient éveillées Certes,
il est permis de prétendre qu'on peut affronter ce
péril; mais telle n'a pas été l'opinion de la commis-
sion du budget. C'est en parfaite connaissance de
cause, après en avoir mûrement délibéré, qu'elle a
décidé de no pas toucher aux écus de cinq francs.
LES BREVETS D'INVENTION ET LA DEFENSE NATIONALE
Nous avons annoncé hier, aux « Dernières nou-
velles », la décision prise par lo ministre de la
guerre de réorganiser la commission des inventions
qui intéressent la défense nationale, en adjoignant
aux représentants do la guerre et de la marine un
certain nombre de notabilités scientifiques. C'est là
sans doute une amélioration à la situation actuelle,
mais nous doutons qu'elle soit suffisante pour satis-
faire à la fois aux intérêts des inventeurs et à la
sécurité do la défense du pays. En effet, comme nous
l'avons indiqué déjà, cette double question se pose
et ne peut être résolue que par une disposition légale
ou réglementaire permettant d'assurer le secret des
inventions d'ordre militaire, dans les cas où les ad-
Mais, puisque c'est vous qui avez tout
fait, laissez-moi tranquille 1
Et grâce à cet artifice, dans une scène très
"vive, très animée, tous les quiproquos sont en
un tour de main expliqués, toute l'intrigue est
débrouillée, Fleur de Vertu rentre en possession
de son mari qui n'aime qu'elle et à qui. pan! 1
pan elle ne refuse plus rien; Théodule est évincé
du ménage Champavert sans avoir laissé à
Estelle le souvenir d'une faute commise, et deux
fantoches, M. Caprican et Mlle de Saint-Avril qui
sont, assez maladroitement d'ailleurs, mêlés à
ce tohu-bohu d'événements, s'épousent à la fin
pour la plus grande gloire de la morale.
Fleur de Vertu n'étant pas une opérette pro-
prement dite, mais plutôt un vaudeville à cou-
plets, il y en a bon nombre dans la pièce, quel-
ques-uns joliment tournés, sur lesquels le mu-
sicien, M. Edmond Diet, a écrit une musique
aisée, d'un tour vif plutôt qu'élégant, sans ce
grain d'originalité qui la rendrait plus piquante.
Mlles Mily-Meyer et Blanche Marie se parta-
gent les morceaux à chanter; Mlle Mily-Meyer
a spirituellement dit et mimé une scène d'i-
vresse, que le librettiste et le musicien avaient
coupé pour elle d'une main adroite; elle a eu un
agréable succès en nous chantant « C'est le
verrou de ma famille. » Les airs de Mlle Blan-
che Marie sont moins gais et, à ce qu'il me sem-
ble aussi, moins heureux. Je n'aimé guère sa
valse chantée; car vous pensez bien qu'il y
a une valse chantée dans Fleur de Vertu; un
vaudeville à couplets qui se respecte ne saurait
se passer de valse chantée. Elle a de la voix et
chante juste, avec une correction plutôt froide.
Bartel a de la rondeur et de la verve dans Cham-
pavert. Baron fils jouait Théodule. C'est Hugue-
net qui devait le jouer; mais au dernier mo-
ment, presqu'à la veille de la première, Hugue-
net s'était dérobé, laissant les auteurs et son
théâtre dans un grand embarras. A qui s'adres-
ser ? On a songé à Baron fils, qui, pour le mo-
ment, appartient à l'Odéon. Baron n'avait chanté
de sa vie. Mais les couplets de vaudeville, on les
dit plutôt qu'on ne les chante. En six jours, il a
mis sur pied un rôle énorme, tout en mouve-
ment et en jeux de scène. Il a été vraiment co-
mique et il a dans son jeu beaucoup de naturel
et même un peu de fantaisie. Charles Lamy est
est un Casimir agréable.
Je suis persuadé que,si les Bouffés-Parisiens,
pouvaient se résoudre à inaugurer un tarif d'été
s'ils baissaient franchementle prix de leurs pla-
ces, Fleur de Vertu, qui est après tout une pièce
amusante et fort bien jouée, attirerait un nom-
breux public. Mais la question du prix des
ministrations do la guerre et de la marine jugeront
que ces inventions sont utiles pour la défense natio-
nale.
Dans l'état actuel des choses, tout inventeur, pour
s'assurer la propriété de sa découverte, doit, d'après
la loi du 5 juillet 1844, déposer une demande de
brevet accompagnée d'une description complète et
sincère, avec dessin s'il y a lieu, de son invention.
Au bout de trois mois environ, le brevet estdélivré
et à partir de ce moment (art. 23 de la loi précitée)
cette description et ce dessin déposés au ministère
du commerce doivent être communiqués sans frais
à toute réquisition, et toute personne peut en obte-
nir copie à ses frais. L'administration elle-méme
(art. 24) publie dans un recueil spécial les descrip-
tiens et dessins des brevets pour lesquels la deu-
xième annuité a été payée.
Ainsi donc, et c'est la conséquence fatale, inéluc-
table de la loi, il y a divulgation, puis publication
de l'invention, quels qu'en soient la nature, le ca-
ractère et l'importance. Cette prescription de la loi
est péremptoire elle est tellement absolue que
l'administration ne peut l'enfreindre. Si elle le fai-
sait, elle porterait atteinte à l'esprit de la loi, qui
considère le brevet commo un contrat entre la
société et l'inventeur, la première recevant commu-
nication de l'invention et le second ayant, en retour,
un privilège de propriété pour une durée limitée. A
l'inventeur, jouissance exclusive mais temporaire,
limitée à quinze ans; à la société, jouissance perpé-
tuelle, mais différée. Telle est la transaction admi-
rable qui a été le fondement de la première loi sur
les brevets d'invention votée par l'Assemblée con-
stituante le 7 janvier 1791 et qui est une des bases
essentielles de la loi de 1844.
Mais à d'autres époques surgissent d'autres né-
cessités résultant des progrès de la science et des
transformations sociales. Tel est le cas pour les
inventions concernant l'art militaire et la défense
nationale lés débats publics qui viennent d'avoir
lieu à la Chambre des députés ont démontré que ces
inventions ne pouvaient être traitées exactement
oommo oolloo qui uni Uil uaraotero puromont in-
dustriel.
Cette question soulevée déjà en 1892, à la suite du
procès Turpin, par Mo Donzel, avocat à la cour de
Paris, avait été examinée par la quinzième com-
mission des pétitions de la Chambre des députés
et renvoyée à M. le ministre de la guerre. Le mi-
nistre d'alors, M. de Freycinet, avait répondu le
19 avril 1892 que « cette question avait été depuis
plusieurs années, do la part de son administration,
l'objet d'un examen approfondi, duquel il résulte
que la loi de 1844 sur les brevets d'invention pré-
sente des inconvénients graves en ce qui concerne
les découvertes intéressant l'armée et la défense
nationale et en outre qu'elle se concilie difficilement
avec la loi sur l'espionnage ».
« J'estime donc, ajoutait M. le ministre, qu'il serait
opportun de procéder à la revision de la loi de 1844
sur les brevets d'invention. »
Nous avons le regret de constater que le ministre
du commerce qui a dans son département le service
de la propriété industrielle, et des brevets d'inven-
tion en particulier, est resté indifférent à l'opinion
exprimée par son collègue de la guerre sur l'oppor-
tunité de reviser la loi de 1844.
Mais cette indifférence n'étonnera pas quand on
saura qu'il règne dans les bureaux du ministère du
commerce non seulement une sorte d'apathie à l'en-
droit de toute réforme à apporter dans la loi des
brevets, mais encore un esprit d'hostilité nettement
accusé à l'égard des inventeurs et de tous ceux qui
s'y intéressent. Nous en trouvons la preuve dans
l'accueil qui a été fait à la pétition adressée le 14 juin
1892 au Sénat et à la Chambre des députés par la
Société des ingénieurs-conseils en vue d'obtenir une
revision de la loi du 5 juillet 1844. La note que M.
Terrier, alors ministre du commerce, a jointe à sa
réponse du 26 juillet 1893 est un véritable monu-
ment d'erreurset de puérilités. Nous y reviendrons
dans un prochain article; car il s'agissait là d'un
travail longuement étudié en vue de remanier l'en-
semble de la législation sur la propriété industrielle.
(Brevets (loi de 1844), Modèles et dessins indus-
triels (loi de 1806) et Marques de fabrique (loi de
1857.)
A titre d'exemple, signalons un seul point de cette
note. La pétition demandait pour les inventeurs
la substitution d'une taxe progressive, faible en
commençant, au lieu de la taxe annuelle et fixe de
100 francs, déterminée par la loi de 1844. L'auteur de
la note ministérielle a objecté que « cette taxe s'est
trouvée de fait successivement abaissée par suite
do la diminution de la valeur relative de l'argent ».
Et il ajoute cette autre observation, pour le moins
aussi singulière « Ce qui tendrait à prouver quo
l'obligation do verser une taxe de 100 fr. n'empêche
pas un inventeur de se faire breveter, c'est que le
nombre des demandes de brevets a toujours été en
augmentant; il atteint actuellement près de 10,000. »
Cette augmentation est insignifiante en France,
quand on pense qu'en Angleterre la nouvelle loi de
1884 a porté de 6,000 à 25,000 le nombre des patentes
prises dans ce pays.
Ces indications, auxquelles nous nous bornons
aujourd'hui, démontrent d'une part que la nécessité
s'impose de réformer la loi des brevets et, d'autre
part, qu'il y a urgence à prendre une disposition
exceptionnelle à l'égard des inventions intéressant
la défense nationale.
Plusieurs solutions se présentent; pour choisir la
meilleure, on peut s'inspirer des dispositions simi-
laires qui ont été adoptées par les législateurs do
doux pays voisins, dans lesquels l'industrie a pris
places est pour lethéâtre aujourd'hui une ques-
tion primordiale.
Le comité de patronage qui se propose d'éri-
ger une statue à Emile Augier a donné cette
semaine, au bénéfice de cette œuvre, une re.
présentation de gala à l'Odéon. Le spectacle
était naturellement composé de pièces ou de
fragments de pièces empruntées au répertoire
du maître. La recette a été dehuit mille et quel-
ques cents francs. C'est dire que la salle était
comble.
M. Jules Claretie avait eu l'heureuse idée de
nous rendre pour cette matinée le premier acte
du Fils de Giboyer une des grandes comédies
d'Augier, qui date de 1862 et qui n'a pas été re-
prise depuis cette époque. C'est Emile Augier
lui-même qui s'était, par un scrupule d'honnête
homme, refusé à ce qu'on remontât sa pièce. Il
y tombait sur les hommes du parti clérical alors
tout-puissant. Plus tard, lorsqu'ils furent abat-
tus, il lui déplut d'avoir l'air de frapper sur des
gens à terre. Le Fils de Giboyer était donc peu
connu de la génération nouvelle, qui n'avait pu
que le lire et nous-mêmes, nous n'en avions
conservé qu'un souvenir indistinct.
Ce fut l'autre jour comme une révélation. Il
est éblouissant, ce premier acte Nous nous re-
gardions les uns les autres, dans notre avant-
scène, stupéfaits et ravis. Ce qu'il y avait.dans
le dialogue d'idées remuées, de traits de carac-
tère, de mots cinglants ou profonds c'était à n'y
pas croire De quoi défrayer deux ou trois de
ces comédies en trois actes, qu'on nous donne
à présent pour des chefs-d'œuvre Et quand on
pense que les jeunes gens des nouvelles écoles
appellent cela le vieux jeu! C'étaient à chaque
réplique des tressaillements dans la salle.
L'acte a été joué à merveille. C'est toujours
Got qui faisait Giboyer; lui, je n'ai pas à le
louer. Les années ont passé sur son talent sans
rien lui enlever de sa vigueur et de son mor-
dant. Mais nous étions cnrieux de voir com-
ment Leloir se tirerait de ce terrible rôle du
marquis d'Auberive, qui fut un des triomphes
du grand comédien Samson, le plus admirable
diseur que j'aie connu au théâtre. Ah 1 Samson 1
non, ceux qui ne l'ont pas entendu ne peuvent
imaginer tout ce qu'il mettait d'ironie hautaine
et sarcastique dans la première réplique, que
lui avait prêtée Augier. Son valet de chambre
vient de lui dire, en le servant, que les commè-
res du quartier, lui voyant un teint frais et
vermeil, en augurent qu'il se remariera
Apprenez, monsieur Dubois, lui répond le
marquis, que, quand on a eu le malheur de per-
dans ces dernières années un développement consi.
dérable, et cela, on peut le dire, grâce aux amélio-
rations apportées récemment aux lois qui protègent t
les inventions.
Examinons comment est régie cette matière en
Angleterre et en Allemagne.
La loi anglaise du 25 août 1883 (art. 44) autorise
« l'inventeur d'un perfectionnement dans les engins
ou munitions de guerre à céder à l'administration
de la guerre tout le bénéfice de l'invention et d'une
patente obtenue ou à obtenir pour ladite invention.
Les parties peuvent convenir que l'invention reste-
ra secrète ». Dans ce cas, le secrétaire d'Etat prend
les dispositions les plus parfaites pour que tous Ie3
détails de l'invention restent secrets, les pièces de
la patente (brevet d'invention), les dessins et des.
criptioil sont scellés, personne ne pourra en avoir
communication. Contrairement à ce qui se passç
pour toutes les patentes (dont on peut se procure*
pour 8 deniers une copie imprimée), on n'imprime
pas, on ne vend pas les descriptions et les dessins.
pour des inventions auxquelles l'administration de
la guerre aura reconnu le caractère d'utilité pu-
blique.
En Allemagne, il en est do môme les inventions
y sont publiées in extenso et les copies en sont ven-
dues au public. Mais, « lorsqu'il s'agit d'inventions
concernant l'armée ou la marine, le brevet est déli-
vré sans aucune publication; l'inscription dans lo
rôle des brevets n'a pas lieu non plus (article 23 do
la loi du 7 avril 1891) ».
Sans imiter exactement les formes adoptées par
les lois anglaise et allemande, on peut, comme nous
l'avons indiqué déjà, prendre une mesure immé-
diate pour régler la question qui nous occupe en
attendant que les pouvoirs publics se décident à
entreprendre une nouvelle codification des lois qui
régissent la propriété industrielle. Il appartient à
M. lo général Mercier, après l'initiative qu'il a prise
à l'égard de la commission des inventions, de s'en-
tendre avec son collègue du commerce pour faire
décider par un décret que les brevets demandés
pour doo in.van.Hnna eoneorntmt la guerre et la ma-
rine soient maintenus secrets même après leur dé-
livrance, jusqu'à ce que ladite commission ait sta-
tué sur leur valeur et leur emploi exclusif au point
de vue de la défense nationale.
Un pas sera ainsi fait dans la voie à suivre pour
mettre notre législation à la hauteur des progrès
apportés par la science et par l'industrie depuis 1814,
c'est-à-dire depuis un demi-siècle, et en harmonie
avec les besoins actuels.
Il appartiendrait ensuite à M. le ministre du com-
merce de prendre en mains cette importante ques-
tion mais, s'il veut la faire aboutir, il nous permet-
tra de lui dire que, s'il doit s'aider do ses bureaux,
ce sont des renseignements et non des avis qu'il
doit leur demander. Pour lui faciliter sa tâche, il
trouvera, nous en avons l'assurance, des concours
éclairés, dévoués et désintéressés dans les person-
nalités du Parlement, de l'industrie et du barreau
qui sont réputées comme ayant une haute compé-
tence dans la matière.
Il ne faut pas tarder à se mettre à l'œuvre; car, à
l'époque actuelle, c'est principalement par les pro-
grès des inventions que notre industrie, à qui les
débouchés extérieurs sont fermés par des lois pro-
tectionnistes, peut lutter victorieusement contre lés
industries étrangères qui sont favorisées par der
lois meilleures que les nôtres.
AFFAIRES COLONIALES
LE TRAITÉ ANGLO-CONGOLAIS
Nous publions ci-dessous la lettre dans la.
quelle lord Kimberley, secrétaire des affaires
étrangères dans le cabinet Rosebery, explique à
M. Hardinge, agent britannique à Zanzibar
et commissaire pour les possessions anglaises,
de l'Afrique orientale, la portée du traité
anglo-congolais du 12 mai 1894.
Ce document montre que l'entente anglo-
congolaise remonte, non pas comme on l'avait
dit, au commencement de l'année 1891, au
voyage que le roi Léopold fit à Londres au mois
de mars, mais bien à 1890, c'est-à-dire à l'an-
née même où la France, en acquiesçant aux
propositions fiscales faites par le gouvernement
congolais à la conférence de Bruxelles, permet-
tait à l'Etat du Congo de vivre de ses propres
ressources.
Il y a donc près de quatre ans que l'entente
antifrançaise a été scellée. Depuis cette époque,
par conséquent, toutes les tentatives de rappro-
chement avec la France étaient .destinées à en-
dormir la vigilance du gouvernement français.
Les négociations de juin 1892, suspendues à la
suite des incidents de Poumayrac, celles de
décembre 1892, rompues par suite des exigences
de l'Etat du Congo voulant se faire reconnaîtra
par la France des territoires du bassin du NU,
enfin celle de février 1894, sans compter les
pourparlers officieusement engagés à Paris, à
Bruxelles ou à Ostende, toute cette diplomatie
n'avait qu'un but rendre notre gouvernement
complice du partage des provinces égyptiennes
de l'Equateur.
La lettre de lord Kimberley précise, en termes
formels, la portée de la politique de l'Etat du
Congo à l'égard de la France. C'est un document
qui non seulement confirme tout ce que nous
avons eu à dire à propos de cette politique,
mais qui montre quelle faute la France aurait
commise si elle s'était laissé entraîner à ré-
dre un ange, comme la marquise d'Auberive,
on n'a pas la moindre envie d'en épouser un se.
cond. Verse-moi à boire.
Le personnage était posé dès les premiers
mots. Et quelle impertinence, quand il luttait
d'esprit et de ruse avec la baronne Pfeffert 1
Quel air de moquerie aristocratique, lorsqu'il
envoyait son neveu, ce petit sacristain de vi.
comte d'Outreville, prendre un autre tailleur
que M. de Sainte-Agathe, et avec quelle désin-
volture il traitait par-dessous jambe ce pauvre
imbécile de Maréchal, qui n'y voyait que du feu I
Ah comme tous ces souvenirs me remontaient
à la mémoire, à mesure que se déroulaient les
scènes où Leloir avait pris sa place.
Heureusement pour lui que j'étais à peu près
seul dans la salle à m'en souvenir! Le dirai-je?
Leloirne pâlit pas trop devant cette écrasante
comparaison. C'est un excellent comédien et un
artiste de premier ordre que ce Leloir, une des
colonnes de la maison de Molière. Leloir et par
son talent de composition et par son goût d'ori-
ginalité laborieuse, et par sa diction d'une
netteté, d'une variété et d'une souplesses rares
ne le cède à aucun des grands acteurs que j'ai
connus. Il est de leur race, et il a de plus cette
qualité que je prise par dessus toutes les autres
il aime et il respecte la Comédie-Française, dont
il est sociétaire; il ne cherche point à battre
monnaie avec sa jeune renommée; il ne court
point après la réclama il laisse venir à lui la
gloire.
C'est Laugier qui faisait Maréchal. Ah que
voulez-vous? Laugier n'a pas connu les grands
bourgeois si cossus de 1830. Le père Provost
était l'un d'eux. Il était magnifique d'allure, de
prestance, de geste, de voix, et avec cela des
retours de bonhomie où l'on sentait le manu.
facturier enrichi. Comme il était plaisant, lors-
qu'au marquis, lui offrant d'être à la Chambre
l'orateur du parti catholique dans la question
universitaire, il s'écriait avec un geste large
comme le monde:
Du haut de la tribune, dominer l'assem-
blée du geste et de la voix, envoyer sa pensée
aux deux bouts de la terre sur les ailes de 1s
Renommée.
Et s'interrompant tout à coup, du ton le plus
familier:
-Mais, sapristi! croyez-vous que je saurai
parler?
La meilleure façon d'apprendre à nager, lui
dit philosophiquement le marquis, c'est de s«
jeter à l'eau.
Oui, mais c'est qu'il ne s'agit pas de barbo-
ter ici.
TRENTE-QUATRIEME ANNtE. N* 12001
LUNDI 4 JUIN 1891
PRIX DE L'ABONNEMENT
f*3 • Trois mois, l«4fr.; Six mois, 2S fr.; Un an, B© fr.
DH>t» & ALSACE-LORRAINE 17 fr.; 34 fr.; 68 fr
DBION POSTALE. tS fr.; 36 fr' 72 f r.
AUTRES PATS. 23 fr.; 46 fr.; 92 ft.
LES ABOWHBHBirrS DATETT DES V ET 16 DR CIIAOUB MOIS
Un nnméro (départements) 20 centimes
ANNONCES MM. Lagrange, CERF ET C% 8, place de la Bourse
Le Journal et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant à leur teneur
Adresse téligraphiqut TEMPS PARIS
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PARIS. Trois mois, 14 fr.; Six mois, 2S fr. Tjp », SQft,
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LES ABONNEMENTS DATENT DES V ET 16 Du CHAQCK MOIS
Un numéro (à Paris) 1S centimes
Directeur politique Adrien Hébrard
Tontes les lettres destinées à la. Rédaction doivent être adressées au Directeur
Le Journal ne répond pas des articles non insérés
BULLETIN DU JOUR
30UP DE THEATRE A ROME
M. Crispi réservait une surprise à ses amis
et à ses ennemis. A la onzième heure, quand la
Chambre était en proie aux quarante auteurs
de propositions d'ordres du jour, le premier
ministre est venu apporter à la tribune un pro-
jet qui modifie profondément les conditions du
débat actuellement engagé et de celui qui devait
prochainement s'ouvrir sur la demande de
pleins pouvoirs.
En somme, le président du conseil met la
Chambre en demeure d'assumer la responsabi-
lité de fixer par une commission ad hoc le total.
des économies réalisables par la réforme admi-
nistrative. Dix-huit membres spécialement élus
recevraient le mandat d'étudier et d'indiquer
les grandes lignes de cette réorganisation ils
devraient déposer leur rapport au plus tard le
30 juin.
A première vue, cette motion semble consti-
tuer une reculade. D'une part, le cabinet paraît
remettre en doute lui-même les bases du grand
projet fiscal de M. Sonnino en invitant la Cham-
bre à reprendre en sous-ordre l'examen des
économies possibles. D'autre part, M. Crispi
à l'air de renoncer à cette dictature à temps que
le projet relatif aux pleins pouvoirs deman-
dait à la Chambre de consacrer, puisqu'il souf-
fre ou plutôt provoque l'ingérence de la légis-
lature dans la préparation de cette réforme
administrative dont il avait prétendu se réser-
ver le monopole. Quelques députés ont bien in-
terprété cette démarche dans ce sens M. Im-
briani s'est écrié « Vous avez peur » »
Il n'était pas besoin, toutefois, du démenti 1
sec et dédaigneux que M. Crispi a opposé à
cette insinuation pour en faire justice. A vrai
dire, parmi les reproches et ils sont nom-
breux que l'on peut adresser à l'homme
d'Etat sicilien, le dernier que l'on soit en droit
de lui faire, c'est celui de timidité. M. Crispi n'a
point accoutumé de fuir ou de bouder le péril
bien plutôt, il le provoque, il fonce sur lui tête
baissée et il fait surgir lui-même les obstacles
contre lesquels il va se briser.
De plus, les conjonctures actuelles ne sem-
blent pas précisément exiger ou même excuser
une retraite de ce genre. La situation parlemen-
taire, qui paraissait désespérée au début, n'a
pas cessé de s'améliorer. Des votes ont été
acquis qui paraissaient impossibles, des défilés
franchis, des caps doublés dont la seule pers-
pective effrayait les imaginations. Sans doute, il
reste un rude coup de collier à donner et c'est
souvent ce dernier quart d'heure qui est le plus
mauvais à passer mais enfin la dissolution est
toujours là comme ressource suprême et M.
Crispi ne fait nullement mine de se défier des
résultats d'un appel au pays.
Il est vrai que, de certains côtés, la politique
du ministère surtout en ce qui a trait à la dé-
fense de l'ordre et à la répression des troubles
agraires de l'hiver dernier a soulevé une émo-
tion profonde. Des condamnations que l'on qua-
lifie de sauvages, comme celle du député De Fe-
lice ont bien mauvaise grâce sous un régime
dont les fondateurs et quelques-uns des repré-
sentants actuels ont eux-mêmes éprouvé jus-
qu'où se portent parfois les excès de la justice
politique.
Toutefois, il n'y a pas là un mouvement d'o-
pinion assez profond et assez large pour que
M. Crispi ait beaucoup à en redouter les effets
immédiats. Non c'est autre part qu'il faut
chercher l'explication de cette manœuvre.
Le plujtprobable, c'est que le président du
conseil a voulu mettre ses adversaires au pied
du mur, forcer l'opposition à jouer cartes sur
table, se préparer un mot d'ordre électoral. En
effet, sa motion contraint ses ennemis à pren-
dre l'initiative des économies, à assumer la res-
ponsabilité d'indiquer les rouages de l'Etat et
les chapitres du budget sur lesquels faire porter
ces réductions de crédit, au lieu de confesser
hautement que les économies n'étaient dans leur
bouche qu'un vain mot.
Certes, le procédé est fort adroit. Il déplace
brusquement les responsabilités. Il relègue au
second plan ce spectre des nouveaux impôts
que l'opposition trouvait tant d'avantage à agi-
ter contre le gouvernement. En outre, grâce au
secret qui avait été observé, la motion est venue
surprendre la Chambre qui ne s'y attendait pas.
Aucune entente n'a été possible. Il a fallu yoter
le couteau sur la gorge et le ministère peut voir
un gage de succès sur le fond des choses dans
la victoire qu'il a remportée sur la question d'a-
journement.
Une majorité de 35 voix-de 21 seulement
si l'on tient compte des abstentions n'est pas
énorme, mais elle suffit, surtout si l'on ne perd
pas de vue que tous les groupes opposants-
Rudini, Giolitti, Zanardelli, Cavallotti ont don-
né avec ensemble contre le ministère. On peut
donc croire que la manoeuvre réussira.
Seulement, ce triomphe aura été acheté un
peu cher. Ces petites habiletés ne sont guère
séantes au gouvernement d'un grand pays. Il
convient peu d'enlever un vote essentiel comme
un prestidigitateur escamote une muscade. M.
Crispi s'est trop souvenu de son passé de cons-
pirateur, trop peu de sa dignité actuelle d'homme
FEUILLETON DU (ftttttpS
DU 4 JUIN 1894
CHRONIQUE THEATRALE
Aux Bouffes-Parisiens, Fleur de vertu, vaudevi!le-opô-
rette en trois actes de M. Depré pour les paroles, et
Diet pour la musique. La représentation de gala
pour Emile Augier à TOdéon. Au théâtre des Let-
tres, reprise des Deux Douleurs, .de M. François
Coppée, et les Lâcheurs, comédie en quatre actes et
cinq tableaux de M. Edouard Franchelti. A la Bo-
dinière, Un bon garçon, pièce en deux actes, par M.
Henri Amie. Rentrée d'Yvette aux Ambassadeurs
et de Judic à l'Alcazar d'Eté.
Les Bouffes-Parisiens nous ont donné cette
semaine Fleur de Vertu, vaudeville-opérette en
trois actes de MM. E. Depré, pour les paroles,
et E. Diet, pour la musique.
Fleur de Vertu, c'est Mlle Mily-Meyer, qui se
nomme Lucrèce (ut sequum est) dans la pièce
de ces messieurs. Elle est si pudique qu'un mot
d'amour la fait rougir; une simple pression des
doigts, et. pan! c'est un coup qu'elle reçoit
dans l'estomac. Elle en-perd la respiration; elle
s'évanouit. Comment cette sensitive a-t-elle pu
acccepter les hommages du célèbre dentiste
M. Casimir, alias Charles Lamy, l'ordinaire té-
norino des Bouffes? La vérité est qu'elle est al-
lée à la mairie, puis à l'église, puis au dîner de
noce,
Où sa pudeur s'est fait un effort, surprenant
à écouter, sans tomber en pamoison, les allu-
sions discrètes des convives, aux félicités pro-
chaines que son mari attend d'elle.
Au dernier moment, elle s'est sauvée éper-
due dans sa chambre, et elle a poussé le verrou
• le verrou de sa famille elle chante même
un assez joli couplet en l'honneur de ce verrou.
Casimir n'est qu'à demi étonné
-Tupenses bien,dit-ilà un de ses amis,enlui
contant sa mésaventure, que je ne suis pas ar-
d'Etat dirigeant. Son pouvoir peut sortir agran-
di de cet épisode, son autorité morale en sort
singulièrement diminuée.
«a».
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Vienne, 3 juin, 8 h. 25.
La Chambre a clos sa session en nommant les
menbres de la Délégation autrichienne.
Les Délégations ne se réuniront sans doute qu'à
la fin de septembre;
Belgrade, 3 juin, 8 heures.
La reine Nathalie a fait savoir qu'elle ne rentre-
rait pas en Serbie avant que le jeune roi ait atteint
sa majorité, suivant la décision de la Skouptchina.
Le roi remettra peut-être son voyage à cause
des événements de Bulgarie: En tout cas, il est
certain aujourd'hui qu'il ne se rendra ni à Vienne
ni à Berlin.
Madrid, 3 juin, 9 h. 15.
Le débat d'hier sur le traité de commerce hispano-
allemand à la Chambro des députés, auquel MM.
Sagasta, Moret, Canovas, Silvela et Gamazo ont
pris part, cause une profonde impression dont toute
la presse se fait l'écho aujourd'hui. L'opinion publi-
que est persuadée que le traité ne sera jamais voté,
et que la situation du ministre des affaires étrangè-
res est compromise par l'ajournement indéfini de
l'approbation de tous les traités. Les bruits d'une
modification prochaine dans le cabinet s'accen-
tuent.
Alger, 3 juin.
Dans les fouilles entreprises à Tigzirt, près de Del-
lys, par M. Gavault, architecte départemental, chargé
d'une mission du ministère de l'instruction publique,
une grande basilique de quarante mètres de longueur
vient d'être découverte.
Ce monument, qui date du cinquième ou sixième siè-
cle de notre ère, est couvert de nombreuses sculptures,
dont certaines sont purement ornementales, telles
que des rosaces, des entrelacs, des chevrons, des vo-
lutes, etc.
M. Gavault a découvert dans l'abside principalement
de nombreuses stèles païennes qui sembleraient indi-
quer que cette église fut construite sur l'emplacement
d'un temple.
Les chapiteaux sculptés mis à jour, et qui tous sont
différents, sont au nombre de plus de quarante. Le mo-
nogramme du Christ sous diverses formes est reproduit
à profusion.
DERNIÈRE HEURE
Au Père-Lachaise
Il semble bien que ce sont les députés socialistes
dont l'opinion a prévalu. A deux heures, il n'y a
pas trois cents personnes chez le marchand de vin
Lexcellent, dont l'établissement sert de rendez-vous.
Nous ne rencontrons, en fait do députés, que MM.
Vaillant, Groussier et Faberot; et l'on sait que ces
citoyens ont déclaré hier soir, au meeting do la
salle du Commerce, qu'ils iraient au Père-Lachaise
non comme députés, mais à titre purement indivi-
duel.
Le boulevard de Ménilmontant est absolument
calme et sa physionomie serait exactement celle de
tous les jours, sans le déploiement des forces de
police. Le service d'ordre, dirigé par MM. Lêpine,
préfet de police, Gaillot, directeur de la police muni-
cipale, Cochefert et Debeury, commissaires divi-
'sionnaires, est à peu près le même que dimanche
dernier.
Les gardes municipaux à cheval, rangés dans la
rue du Repos et la rue Spinoza, les gardes à pied,
massés dans la grande allée du cimetière, auprès do
la tombe d'Eudes et du mur des fédérés, enfin les
gardiens de la paix qui assurent la circulation sur
le boulevard de Ménilmontant, sont en nombre
sensiblement égal à celui du .27 mai.
La seule différence est que la porte principale du
cimetière est gardée uniquement par des agents, et
non par des gardes à pied. Le service d'ordre,
quoique aussi nombreux, est donc moins apparent
qu'il y a huit jours.
Les ordres, nous l'avons dit, sont exactement les
mômes. Pas de cortège, pas de drapeau rouge, pas
de discours ni de cris en plein air. Les socialistes
peuvent seulement porter leurs couronnes par petits
groupes au mur des fédérés.
Une douzaino de couronnes sont restées depuis
dimanche dernier chez Lexcellent. Trois ou quatre
groupes socialistes en apportent de nouvelles.
Les organisateurs de la manifestation, que nous
avons interrogés, paraissent perplexes. Le comité,
nous ont-ils répondu, va délibérer sur la conduite à
tenir.
3 heures.
Deux réunions publiques improvisées se tien-
nent, l'une dans la cour et l'autre au premier étage
de l'établissement Lexcellent.
Dans la cour, plusieurs orateurs attaquent vive-
ment les députés socialistes.
Au premier étage, MM. Faillet, Faberot,Vaillant,
députés, "Wober, conseiller municipal, défendent la
décision des députés socialistes.
Le citoyen Grollet, membre du comité d'organisa-
tion do la manifestation, propose qu'une déléga-
tion soit envoyée immédiatement au préfet de po-
lice qui est sur les lieux.
Cette proposition est repoussée comme inutile.
Le citoyen Georges demande si l'on veut aller au
Père-Lachaise ou promener les couronnes dans les
rues.
Cette dernière proposition est acceptée et presque
aussitôt les premières couronnes sortent.
Les gardiens do la paix laissent passer les por-
teurs et se mettent aussitôt en ligne derrière eux,
do façon à séparer la foule.
Cette même manœuvre est exécutée successivement
pour les diverses couronnes, dont les quatre pre-
mières suivent le boulevard Ménilmontant dans la
direction d^lavenue de la République,
La cinquieifl'o; par l'ordre de M. Cochefert, est
dirigée par la rue de la Roquette. On fait avancer
les gardes municipaux à cheval et une brigade des
gardiens de la paix qui déblaient le boulovard do
Ménilmontant. P
Au moment où nous mettons sous presse, la ma-
nifestation est dispersée.
rivé à mon âge sans avoir lu le Maître de
forges.
La première nuit, il est resté sur le paillas-
son, faisant toc toc à la porte qui ne s'ouvre
pas, et à chaque toc! toc! de ce Casimir répond
un pan pan! dans l'estomac de Lucrèce. La se-
conde nuit, il a pris un rhume, et il éternue
devant la porte inexorablement fermée, et a
chacun des atchi 1 conjugaux c'est toujours pan 1
pan! dans l'estomac de l'épouse récalcitrante.
A la troisième nuit, Casimir s'est lassé; il a
fait sa malle et il est allé demander, pour se ré-
chauffer, une tasse de thé à une de ses ancien-
nes amies, Diane de Pulna, qui l'a gentiment
accueilli et consolé.
Et le lendemain, elle me servait le choco-
lat 1
Lucrèce avait été invitée par une de ses amies
Mme Estelle'Champavert, à venir passer une
des journées desa lune de miel dans son cottage
en villégiature. Elle y va seule. Elle trouve là
une personne, fort experte aux choses de l'a-
mour, qui est en coquetterie réglée avec un
certain Théodule. Je vous aurai suffisamment
révélé le caractère de Théodule si je vous ap-
prends qu'il est joué par Baron fils. C'est un
nigaud hurluberlu. Il se glisse sournoisement
chez Mme Champavert, qu'il accable de décla-
rations brûlantes. Madame les écoute avec
plaisir, non sans trembler; car Champavert,
son mari, est le plus jaloux des droguistes; et
s'il rencontrait chez lui un visage suspect, oh!
son affaire ne traînerait pas 1
Justement, le voilà qui entre; il voit Théo-
dule, et sa femme, embarrassée d'expliquer
cette présence, le lui présente comme le mari de
Lucrèce c'est Casimir; ah quelle joie de faire
connaissance avec le mari de cette chère et ai-
mable Lucrèce. Lucrèce se prête à ce mensonge
par amitié pour Estelle Théodule par peur du
terrible Champavert. Et maintenant, il ne s'agit
plus que d'imaginer un prétexte pour amener
chez M. Champavert Casimir qui ne le connaît
pas.
Rien de plus simple. Avez-vous remarqué
que, tout à l'heure, je vous ai dit que Lucrèce
avait accepté les hommages du célèbre dentiste
Casimir? Vous avez cru, sans doute, que j'avais
mis les mots célèbre dentiste, pour être un or-
nement à la phrase. Sachez qu'il n'y a pas un
mot inutile dans mes comptes rendus; j'ai été
formé à l'école des vaudevillistes du temps
passé. Si je dis que Casimir est un dentiste,
c'est qu'il y aura dans la pièce quelque dent à
extraire ou quelque râtelier à poser.
Apprenez donc que Casimir, rentrant chez lui,
Courses de Chantilly. Le Derby. La 1" course
est gagnée par Longjumeau; l'Adige, 2°; Sclika, 3".
2° course Callistrate 1er, Praline 2°.
3B course Styrax 1", Débarrassé 2°, Séraphin 3».
*» ̃1-'
ÉLECTIONS SÉNATORIALES DU 3 JUIN 1894
CORSE
Inscrits 764. Votants 746
MM. Jacques Hébrard, ancien sénateur,
républicain 378 v. Elu.
Péraldi, ancien sénateur, républ. 369
II s'agissait de remplacer M. le docteur Pitti-Fer-
randi, républicain, décédé. Au renouvellement de jan-
vier 1894, M. Pitti-Ferrandi fut élu, au premier tour de
scrutin, par 415 voix. Ses compagnons de liste étaient
nommés aussi M. de Casablanca, sénateur sortant,
par 434 voix, et M. Farinole, conseiller à la cour d'Aix,
par 409 voix. M. Péraldi, sénateur sortant, obtenait
348 voix.
INDRE
Inscrits 617 Votants 613
MM. Verbeckmœs, républicain. 162 voix
Antony Ratier, avoué à Paris, rép.. 151
Mary-Faguet, conseiller général, ré-
publicam. 102
Patureau-Francœur, maire de Châ-
teauroux, radical. 80
Alizard, républicain. 53
Louis Boussac, négociant, radical.. 46
(Ballottage)
M. Clément, sénateur réactionnaire, décédé, qu'il
s'agissait de remplacer, avait été élu, le 5 janvier 1888,
par 350 voix sur 613 votants.
Le 17 février 1891, après la mort de M. de Bondy,
monarchiste, M. Benazet, député réactionnaire, était élu
par 312 voix contre 296 à M. Brunet, républicain; enfin
le 19 juillet de la même année, par suite de l'attribution
d'un siège au département de l'Indre après la mort de
M. de Pressensé, sénateur inamovible, la majorité pas-
sait aux républicains et M. Brunet était élu par 319 voix
contre 292 à M. de Bonneval, ancien député réaction-
naire.
LA PRÉSIDENCE DE LA CHAMBRE
Les radicaux n'avaient rien négligé pour don-
ner à l'élection d'hier une signification politique
très nette. Il s'agissait, en effet, déclaraient-ils, à
l'envi, de détruire la fâcheuse impression pro-
duite par les incidents de la dernière crise, de
montrer que le parti radical n'était point frappé
d'impuissance et qu'il disposait à la Chambre
d'une véritable majorité. Pour y réussir, on
avait fait choix d'un candidat fort peu intransi-
geant, dont le nom est loin d'inspirer de l'anti-
pathie parmi les républicains qui ne font point
partie de la gauche avancée. De plus, l'honorable
M. Bourgeois était porté non seulement par
toutes les fractions de l'opinion radicale, mais
aussi par les socialistes, qui faisaient ouverte-
ment campagne en sa faveur et ne cachent
pas, d'ailleurs, aujourd'hui, qu'ils ont tous voté
pour lui.
Eh bien malgré cette propagande et cet ap-
point, le candidat radical est battu. Il n'atteint
même pas le chiffre de suffrages obtenu, au
mois de novembre dernier, par M. Brisson il
s'en faut de 8 voix. Qu'est-ce à dire? sinon qu'au
Palais Bourbon il n'y a qu'une majorité, celle
qui avait élu président, au début de la législa-
ture, M. Casimir-Perier, celle qui s'était affir-
mée, à plusieurs reprises, et sur les ordres du
jour les plus caractéristiques, durant son pas-
sage au pouvoir, celle enfin qui vient de l'ap-
peler à nouveau au fauteuil présidentiel. So-
phistes et abstracteurs de quintessence auront
beau s'évertuer comment résister à l'évidence
matérielle des faits ? La défaite des radicaux est
indéniable, et, du reste, leurs journaux ne la
contestent pas. « Les républicains sincères,
écrivait hier matin le Radical, sont désireux
de se compter, de prouver qu'ils sont en majo-
rité au Palais Bourbon. » Aujourdliui notre
confrère ne dissimule pas sa déception. Que
sont devenus, demande-t-il mélancoliquement,
les trois cent vingt voix qui renversaient l'autre
jour le ministère ? Il ne s'en est pas retrouvé
deux cents, hier, pour affirmer sur un nom la
politique qu'elles avaient l'air de réclamer il y
a une semaine ? Le même journal constate en-
suite que la déroute des radicaux s'est accentuée
au scrutin pour la vice-présidence. « Là, dit-il,
les radicaux n'avaient même pas pu s'entendre
pour désigner un candidat. On est allé à la ba-
taille en débandade et on a été fortement battu.
Le contraire eût été surprenant. »
En somme, la journée d'hier prouve, une fois
de plus, ce que valent et.ee que représentent
des coalitions comme celle qui provoquait, il y
a quelques jours, la chute du cabinet Perier.
Aucune conception positive ne rattachant entre
eux les éléments qui les forment, ils se désa-
grègent immédiatement après le vote et ne
sauraient, par conséquent, servir d'appui à
un gouvernement quelconque. C'est ce qu'ont
parfaitement compris les chefs radicaux, et voilà
pourquoi, en dépit des objurgations de leurs
amis, nul d'entre eux n'a cru pouvoir accepter
la responsabilité du pouvoir. Comment n'au-
raient-ils pas senti leur impuissance à conser-
ver une majorité éphémère amenée par une
circonstance toute fortuite ? Les scrutins d'hier
ne peuvent pas ne pas apparaître comme une
justification éclatante de leurs hésitations et de
leur abstention finale.
Mais peut-on espérer que la leçon ne sera pas
absolument perdue et que tout le monde aper-
a trouvé la lettre de Champavert, par laquelle
on l'invitait à venir; comme il ne connaît pas
ce Champavert, il y a de bonnes raisons pour
cela, puisqu'il n'a encore jamais pu causer une
minute avec sa femme, il s'imagine que, si on
le mande, c'est pour une opération de son
métier. Il a donc pris sa trousse et il arrive à
l'adresse indiquée; il entre, et .comme le do-
mestique lui demande
Qui annoncerai-je, monsieur?
Annoncez, monsieur Casimir.
Et le rideau tombe. Hein 1 me croirez-vous
maintenant, quand je vous dirai qu'il ne faut
jamais perdre un mot ni dans les vaudevilles,
ni dans les analyses de ces vaudevilles ? Songez
de plus que cette profession servira de prétexte
à des mots pleins de gaieté. Ainsi, au cours des
quiproquos, que vous voyez venir, à la suite de
cette donnée, il y a un moment où Casimir, fu-
rieux contre son sosie, sonne violemment à la
porte
N'ouvrez pas! crie un des personnages en
scène, il va nous arracher toutes nos dents
Que dites-vous de cette plaisanterie? N'est-
elle pas spirituelle et même, si j'ose m'exprimer
ainsi, très humoristique ? Eh bien! il y en a
beaucoup de cette force dans Fleur de Vertu, et
j'ai ri tout de même, parce que. parce que.
mon Dieu! je ne sais pas trop, parce que j'étais
en humeur de rire. 11 paraît que la veille, à la
répétition générale, mes confrères avaient
écouté d'un air morose ce vaudeville sans pré-
tention. Je m'y suis amusé pour ma part.
Le second acte est tout plein des quiproquos
promis par le premier. Ces quiproquos sont en-
chevêtrés d'une main assez preste Champa-
vert s'y démène et y patauge avec une furie en-
diablée. Il joue un rôle qui est classique dans
l'ancien vaudeville, le rôle du monsieur qui
croit tenir tous les fils de l'intrigue et qui, vou-
lant les démêler, les croise encore et les em-
brouille d'une façon plus inextricable.
C'est ce personnage qui a donné à l'auteur
l'idée de sa meilleure scène, de celle qui fait le
dénouement. Champavert, qui a fini par voir
qtTil avait été dupe en toute cette affaire, s'en
prend à, ceux qui l'ont mis dedans. Mais alors,
ou Casimir ou Théodule, je ne sais plus lequel,
mais peu importe, se retourne contre lui et, lui
rappelant un à un tous les incidents qui vien-
nent de se produire
Est-ce vous, lui demande-t-il, qui avez dit
ceci? puis cela ? Est-ce vous qui m'avez engagé
dans cette démarche? etc., etc. a
Oui, confesse à chaque fois Champavert
ahuri, mais.
cevra clairement l'impossibilité de rien tenter
de sérieux sans et, à plus forte raison, contre
la majorité? Il est difficile, hélas! 1 de se faire
beaucoup d'illusions sur la sagesse pratique et
l'esprit politique des hommes et des partis. Il
semble cependant que cette fois l'expérience ait
été plus complète et plus décisive que jamais et
nous nous refusons à croire qu'elle ne laisse
aucune impression sur les députés qui ont quel-
_que souci de la vérité parlementaire et de l'é-
quilibre indispensable du régime républicain.
LA FRAPPE DES MONNAIES DIVISIONNAIRES D'ARGENT
Le Journal des Débats, commentant ce matin le
rapport sur le projet de loi relatif à la frappe com-
plémentaire des monnaies divisionnaires d'argent,
rappelle que l'idée a été émise d'opérer cette frappe
au moyen d'une démonétisation correspondante
d'écus de cinq francs. « Quand on a trop d'écus et
pas assez de petites pièces, avait écrit- déjà notre
confrère, le simple bon sens commande de fondre
les écus en petites pièces jusqu'à concurrence de la
somme désirée. » Le Journal des Débats ajoute qu'il
ne parait pas que la commission se soit préoccupée-
de cette question. « La commission, dit notre con-
frère, ne parait pas s'être préoccupée de ces objec-
tions que soulève le projet du gouvernement. En
tout cas, nous no voyons pas qu'il y ait été ré-
pondu. » Evidemment la commission du budget eût
manqué à tous ses devoirs, si, étudiant le projet du
gouvernement, elle avait négligé de peser les in-
convénients ou les avantages d'une démonétisation
partielle de nos écus de cinq francs, en vue d'une
émission de pièces de 2 francs, de 1 franc et de
50 centimes. Mais en a-t-il été ainsi? Il suffit d'ou-
vrir le rapport fait au nom de la commission pour
s'apercevoir du contraire.
Aucune question n'a, en effet, retenu davantage la
commission. Bien loin quo celle-ci n'ait pas semblé
s'en préoccuper, elle y a attaché une grande atten-
tention. Le rapport consacre tout un chapitre au
résumé de la discussion qui a eu lieu. « On a pro-
posé, lit-on dans ce document, que l'Etat, au lieu
d'acheter de l'argent au cours du marché, ce qui lui
assurerait un bénéfice égal à la moitié environ de
la valeur nominale des monnaies émises, retirât de
la circulation une quantité suffisante d'écus de
5 francs. Ces écus seraient fondus, convertis en
pièces de 2 francs, de 1 franc et de 50 centimes. Au-
cune ressource exceptionnelle n'aurait été ménagée
au budget. » Voilà bien la thèse du Journal des Dé-
bats. Tout en rendant hommage aux -sentiments qui
ont pu l'inspirer, la commission du budget ne s'y
est pas ralliée. A-t-elle été mue par le désir de mé-
nager au budget une ressource exceptionnelle? Tout
en ne dédaignant pas cette considération, la com-
mission a eu des vues plus hautes, dont le rapport
a rendu compte en ces termes:
Il convient de le remarquer, si l'Etat démonétisait
des écus de 5 francs pour effectuer la frappe des mon-
naies divisionnaires, le projet de loi risquerait de
prendre un caractère qu'il ne doit pas avoir.
Tel qu'il est, avec son objet très précis, il est des
plus simples, il ne touche, ni directement ni indirec-
tement, aux problèmes si complexes qui soulève la
question monétaire. Des solutions si différentes qu'ils
peuvent suggérer, des théories ou des doctrines si
diverses qu'ils suscitent, aucune n'est en cause.
En serait-il de même dans le cas où l'Etat retirerait
de la circulation une quantité, même relativement
minime, d'écus de 5 francs? Par cette mesure, une dé-
faveur ne serait-elle pas jetée sur ces pièces d'argent?
Ne serait-elle pas interprétée comme une menace pour
notre régime monétaire?
Bien que la quantité d'écus de 5 francs soit moindre
qu'on ne le suppose généralement, il serait infiniment
regrettable qu'on portât atteinte à cette valeur. Telle
n'est certainement pas l'intention de ceux qui préfé-
reraient à des achats d'argent, au cours du jour, une
démonétisation partielle d'écus de 5 francs, mais telle
pourrait être la conséquence de leur proposition.
Qu'on dise si, vraiment, les préoccupations do la
commission ne se sont pas étendues au problème visé
par notre confrère. La vérité, c'est que ce problème-
est de ceux auxquels on ne saurait toucher qu'avec c
la plus extrême prudence. Quand on aurait diminué
de 6 millions à peine le montant total do nos écus
do cinq francs, la masse do ces écus n'aurait subi
qu'une réduction infime, mais quelle répercussion
possible, en revanche, sur sa valeur aux yeux du
public 1 Que de défiances seraient éveillées Certes,
il est permis de prétendre qu'on peut affronter ce
péril; mais telle n'a pas été l'opinion de la commis-
sion du budget. C'est en parfaite connaissance de
cause, après en avoir mûrement délibéré, qu'elle a
décidé de no pas toucher aux écus de cinq francs.
LES BREVETS D'INVENTION ET LA DEFENSE NATIONALE
Nous avons annoncé hier, aux « Dernières nou-
velles », la décision prise par lo ministre de la
guerre de réorganiser la commission des inventions
qui intéressent la défense nationale, en adjoignant
aux représentants do la guerre et de la marine un
certain nombre de notabilités scientifiques. C'est là
sans doute une amélioration à la situation actuelle,
mais nous doutons qu'elle soit suffisante pour satis-
faire à la fois aux intérêts des inventeurs et à la
sécurité do la défense du pays. En effet, comme nous
l'avons indiqué déjà, cette double question se pose
et ne peut être résolue que par une disposition légale
ou réglementaire permettant d'assurer le secret des
inventions d'ordre militaire, dans les cas où les ad-
Mais, puisque c'est vous qui avez tout
fait, laissez-moi tranquille 1
Et grâce à cet artifice, dans une scène très
"vive, très animée, tous les quiproquos sont en
un tour de main expliqués, toute l'intrigue est
débrouillée, Fleur de Vertu rentre en possession
de son mari qui n'aime qu'elle et à qui. pan! 1
pan elle ne refuse plus rien; Théodule est évincé
du ménage Champavert sans avoir laissé à
Estelle le souvenir d'une faute commise, et deux
fantoches, M. Caprican et Mlle de Saint-Avril qui
sont, assez maladroitement d'ailleurs, mêlés à
ce tohu-bohu d'événements, s'épousent à la fin
pour la plus grande gloire de la morale.
Fleur de Vertu n'étant pas une opérette pro-
prement dite, mais plutôt un vaudeville à cou-
plets, il y en a bon nombre dans la pièce, quel-
ques-uns joliment tournés, sur lesquels le mu-
sicien, M. Edmond Diet, a écrit une musique
aisée, d'un tour vif plutôt qu'élégant, sans ce
grain d'originalité qui la rendrait plus piquante.
Mlles Mily-Meyer et Blanche Marie se parta-
gent les morceaux à chanter; Mlle Mily-Meyer
a spirituellement dit et mimé une scène d'i-
vresse, que le librettiste et le musicien avaient
coupé pour elle d'une main adroite; elle a eu un
agréable succès en nous chantant « C'est le
verrou de ma famille. » Les airs de Mlle Blan-
che Marie sont moins gais et, à ce qu'il me sem-
ble aussi, moins heureux. Je n'aimé guère sa
valse chantée; car vous pensez bien qu'il y
a une valse chantée dans Fleur de Vertu; un
vaudeville à couplets qui se respecte ne saurait
se passer de valse chantée. Elle a de la voix et
chante juste, avec une correction plutôt froide.
Bartel a de la rondeur et de la verve dans Cham-
pavert. Baron fils jouait Théodule. C'est Hugue-
net qui devait le jouer; mais au dernier mo-
ment, presqu'à la veille de la première, Hugue-
net s'était dérobé, laissant les auteurs et son
théâtre dans un grand embarras. A qui s'adres-
ser ? On a songé à Baron fils, qui, pour le mo-
ment, appartient à l'Odéon. Baron n'avait chanté
de sa vie. Mais les couplets de vaudeville, on les
dit plutôt qu'on ne les chante. En six jours, il a
mis sur pied un rôle énorme, tout en mouve-
ment et en jeux de scène. Il a été vraiment co-
mique et il a dans son jeu beaucoup de naturel
et même un peu de fantaisie. Charles Lamy est
est un Casimir agréable.
Je suis persuadé que,si les Bouffés-Parisiens,
pouvaient se résoudre à inaugurer un tarif d'été
s'ils baissaient franchementle prix de leurs pla-
ces, Fleur de Vertu, qui est après tout une pièce
amusante et fort bien jouée, attirerait un nom-
breux public. Mais la question du prix des
ministrations do la guerre et de la marine jugeront
que ces inventions sont utiles pour la défense natio-
nale.
Dans l'état actuel des choses, tout inventeur, pour
s'assurer la propriété de sa découverte, doit, d'après
la loi du 5 juillet 1844, déposer une demande de
brevet accompagnée d'une description complète et
sincère, avec dessin s'il y a lieu, de son invention.
Au bout de trois mois environ, le brevet estdélivré
et à partir de ce moment (art. 23 de la loi précitée)
cette description et ce dessin déposés au ministère
du commerce doivent être communiqués sans frais
à toute réquisition, et toute personne peut en obte-
nir copie à ses frais. L'administration elle-méme
(art. 24) publie dans un recueil spécial les descrip-
tiens et dessins des brevets pour lesquels la deu-
xième annuité a été payée.
Ainsi donc, et c'est la conséquence fatale, inéluc-
table de la loi, il y a divulgation, puis publication
de l'invention, quels qu'en soient la nature, le ca-
ractère et l'importance. Cette prescription de la loi
est péremptoire elle est tellement absolue que
l'administration ne peut l'enfreindre. Si elle le fai-
sait, elle porterait atteinte à l'esprit de la loi, qui
considère le brevet commo un contrat entre la
société et l'inventeur, la première recevant commu-
nication de l'invention et le second ayant, en retour,
un privilège de propriété pour une durée limitée. A
l'inventeur, jouissance exclusive mais temporaire,
limitée à quinze ans; à la société, jouissance perpé-
tuelle, mais différée. Telle est la transaction admi-
rable qui a été le fondement de la première loi sur
les brevets d'invention votée par l'Assemblée con-
stituante le 7 janvier 1791 et qui est une des bases
essentielles de la loi de 1844.
Mais à d'autres époques surgissent d'autres né-
cessités résultant des progrès de la science et des
transformations sociales. Tel est le cas pour les
inventions concernant l'art militaire et la défense
nationale lés débats publics qui viennent d'avoir
lieu à la Chambre des députés ont démontré que ces
inventions ne pouvaient être traitées exactement
oommo oolloo qui uni Uil uaraotero puromont in-
dustriel.
Cette question soulevée déjà en 1892, à la suite du
procès Turpin, par Mo Donzel, avocat à la cour de
Paris, avait été examinée par la quinzième com-
mission des pétitions de la Chambre des députés
et renvoyée à M. le ministre de la guerre. Le mi-
nistre d'alors, M. de Freycinet, avait répondu le
19 avril 1892 que « cette question avait été depuis
plusieurs années, do la part de son administration,
l'objet d'un examen approfondi, duquel il résulte
que la loi de 1844 sur les brevets d'invention pré-
sente des inconvénients graves en ce qui concerne
les découvertes intéressant l'armée et la défense
nationale et en outre qu'elle se concilie difficilement
avec la loi sur l'espionnage ».
« J'estime donc, ajoutait M. le ministre, qu'il serait
opportun de procéder à la revision de la loi de 1844
sur les brevets d'invention. »
Nous avons le regret de constater que le ministre
du commerce qui a dans son département le service
de la propriété industrielle, et des brevets d'inven-
tion en particulier, est resté indifférent à l'opinion
exprimée par son collègue de la guerre sur l'oppor-
tunité de reviser la loi de 1844.
Mais cette indifférence n'étonnera pas quand on
saura qu'il règne dans les bureaux du ministère du
commerce non seulement une sorte d'apathie à l'en-
droit de toute réforme à apporter dans la loi des
brevets, mais encore un esprit d'hostilité nettement
accusé à l'égard des inventeurs et de tous ceux qui
s'y intéressent. Nous en trouvons la preuve dans
l'accueil qui a été fait à la pétition adressée le 14 juin
1892 au Sénat et à la Chambre des députés par la
Société des ingénieurs-conseils en vue d'obtenir une
revision de la loi du 5 juillet 1844. La note que M.
Terrier, alors ministre du commerce, a jointe à sa
réponse du 26 juillet 1893 est un véritable monu-
ment d'erreurset de puérilités. Nous y reviendrons
dans un prochain article; car il s'agissait là d'un
travail longuement étudié en vue de remanier l'en-
semble de la législation sur la propriété industrielle.
(Brevets (loi de 1844), Modèles et dessins indus-
triels (loi de 1806) et Marques de fabrique (loi de
1857.)
A titre d'exemple, signalons un seul point de cette
note. La pétition demandait pour les inventeurs
la substitution d'une taxe progressive, faible en
commençant, au lieu de la taxe annuelle et fixe de
100 francs, déterminée par la loi de 1844. L'auteur de
la note ministérielle a objecté que « cette taxe s'est
trouvée de fait successivement abaissée par suite
do la diminution de la valeur relative de l'argent ».
Et il ajoute cette autre observation, pour le moins
aussi singulière « Ce qui tendrait à prouver quo
l'obligation do verser une taxe de 100 fr. n'empêche
pas un inventeur de se faire breveter, c'est que le
nombre des demandes de brevets a toujours été en
augmentant; il atteint actuellement près de 10,000. »
Cette augmentation est insignifiante en France,
quand on pense qu'en Angleterre la nouvelle loi de
1884 a porté de 6,000 à 25,000 le nombre des patentes
prises dans ce pays.
Ces indications, auxquelles nous nous bornons
aujourd'hui, démontrent d'une part que la nécessité
s'impose de réformer la loi des brevets et, d'autre
part, qu'il y a urgence à prendre une disposition
exceptionnelle à l'égard des inventions intéressant
la défense nationale.
Plusieurs solutions se présentent; pour choisir la
meilleure, on peut s'inspirer des dispositions simi-
laires qui ont été adoptées par les législateurs do
doux pays voisins, dans lesquels l'industrie a pris
places est pour lethéâtre aujourd'hui une ques-
tion primordiale.
Le comité de patronage qui se propose d'éri-
ger une statue à Emile Augier a donné cette
semaine, au bénéfice de cette œuvre, une re.
présentation de gala à l'Odéon. Le spectacle
était naturellement composé de pièces ou de
fragments de pièces empruntées au répertoire
du maître. La recette a été dehuit mille et quel-
ques cents francs. C'est dire que la salle était
comble.
M. Jules Claretie avait eu l'heureuse idée de
nous rendre pour cette matinée le premier acte
du Fils de Giboyer une des grandes comédies
d'Augier, qui date de 1862 et qui n'a pas été re-
prise depuis cette époque. C'est Emile Augier
lui-même qui s'était, par un scrupule d'honnête
homme, refusé à ce qu'on remontât sa pièce. Il
y tombait sur les hommes du parti clérical alors
tout-puissant. Plus tard, lorsqu'ils furent abat-
tus, il lui déplut d'avoir l'air de frapper sur des
gens à terre. Le Fils de Giboyer était donc peu
connu de la génération nouvelle, qui n'avait pu
que le lire et nous-mêmes, nous n'en avions
conservé qu'un souvenir indistinct.
Ce fut l'autre jour comme une révélation. Il
est éblouissant, ce premier acte Nous nous re-
gardions les uns les autres, dans notre avant-
scène, stupéfaits et ravis. Ce qu'il y avait.dans
le dialogue d'idées remuées, de traits de carac-
tère, de mots cinglants ou profonds c'était à n'y
pas croire De quoi défrayer deux ou trois de
ces comédies en trois actes, qu'on nous donne
à présent pour des chefs-d'œuvre Et quand on
pense que les jeunes gens des nouvelles écoles
appellent cela le vieux jeu! C'étaient à chaque
réplique des tressaillements dans la salle.
L'acte a été joué à merveille. C'est toujours
Got qui faisait Giboyer; lui, je n'ai pas à le
louer. Les années ont passé sur son talent sans
rien lui enlever de sa vigueur et de son mor-
dant. Mais nous étions cnrieux de voir com-
ment Leloir se tirerait de ce terrible rôle du
marquis d'Auberive, qui fut un des triomphes
du grand comédien Samson, le plus admirable
diseur que j'aie connu au théâtre. Ah 1 Samson 1
non, ceux qui ne l'ont pas entendu ne peuvent
imaginer tout ce qu'il mettait d'ironie hautaine
et sarcastique dans la première réplique, que
lui avait prêtée Augier. Son valet de chambre
vient de lui dire, en le servant, que les commè-
res du quartier, lui voyant un teint frais et
vermeil, en augurent qu'il se remariera
Apprenez, monsieur Dubois, lui répond le
marquis, que, quand on a eu le malheur de per-
dans ces dernières années un développement consi.
dérable, et cela, on peut le dire, grâce aux amélio-
rations apportées récemment aux lois qui protègent t
les inventions.
Examinons comment est régie cette matière en
Angleterre et en Allemagne.
La loi anglaise du 25 août 1883 (art. 44) autorise
« l'inventeur d'un perfectionnement dans les engins
ou munitions de guerre à céder à l'administration
de la guerre tout le bénéfice de l'invention et d'une
patente obtenue ou à obtenir pour ladite invention.
Les parties peuvent convenir que l'invention reste-
ra secrète ». Dans ce cas, le secrétaire d'Etat prend
les dispositions les plus parfaites pour que tous Ie3
détails de l'invention restent secrets, les pièces de
la patente (brevet d'invention), les dessins et des.
criptioil sont scellés, personne ne pourra en avoir
communication. Contrairement à ce qui se passç
pour toutes les patentes (dont on peut se procure*
pour 8 deniers une copie imprimée), on n'imprime
pas, on ne vend pas les descriptions et les dessins.
pour des inventions auxquelles l'administration de
la guerre aura reconnu le caractère d'utilité pu-
blique.
En Allemagne, il en est do môme les inventions
y sont publiées in extenso et les copies en sont ven-
dues au public. Mais, « lorsqu'il s'agit d'inventions
concernant l'armée ou la marine, le brevet est déli-
vré sans aucune publication; l'inscription dans lo
rôle des brevets n'a pas lieu non plus (article 23 do
la loi du 7 avril 1891) ».
Sans imiter exactement les formes adoptées par
les lois anglaise et allemande, on peut, comme nous
l'avons indiqué déjà, prendre une mesure immé-
diate pour régler la question qui nous occupe en
attendant que les pouvoirs publics se décident à
entreprendre une nouvelle codification des lois qui
régissent la propriété industrielle. Il appartient à
M. lo général Mercier, après l'initiative qu'il a prise
à l'égard de la commission des inventions, de s'en-
tendre avec son collègue du commerce pour faire
décider par un décret que les brevets demandés
pour doo in.van.Hnna eoneorntmt la guerre et la ma-
rine soient maintenus secrets même après leur dé-
livrance, jusqu'à ce que ladite commission ait sta-
tué sur leur valeur et leur emploi exclusif au point
de vue de la défense nationale.
Un pas sera ainsi fait dans la voie à suivre pour
mettre notre législation à la hauteur des progrès
apportés par la science et par l'industrie depuis 1814,
c'est-à-dire depuis un demi-siècle, et en harmonie
avec les besoins actuels.
Il appartiendrait ensuite à M. le ministre du com-
merce de prendre en mains cette importante ques-
tion mais, s'il veut la faire aboutir, il nous permet-
tra de lui dire que, s'il doit s'aider do ses bureaux,
ce sont des renseignements et non des avis qu'il
doit leur demander. Pour lui faciliter sa tâche, il
trouvera, nous en avons l'assurance, des concours
éclairés, dévoués et désintéressés dans les person-
nalités du Parlement, de l'industrie et du barreau
qui sont réputées comme ayant une haute compé-
tence dans la matière.
Il ne faut pas tarder à se mettre à l'œuvre; car, à
l'époque actuelle, c'est principalement par les pro-
grès des inventions que notre industrie, à qui les
débouchés extérieurs sont fermés par des lois pro-
tectionnistes, peut lutter victorieusement contre lés
industries étrangères qui sont favorisées par der
lois meilleures que les nôtres.
AFFAIRES COLONIALES
LE TRAITÉ ANGLO-CONGOLAIS
Nous publions ci-dessous la lettre dans la.
quelle lord Kimberley, secrétaire des affaires
étrangères dans le cabinet Rosebery, explique à
M. Hardinge, agent britannique à Zanzibar
et commissaire pour les possessions anglaises,
de l'Afrique orientale, la portée du traité
anglo-congolais du 12 mai 1894.
Ce document montre que l'entente anglo-
congolaise remonte, non pas comme on l'avait
dit, au commencement de l'année 1891, au
voyage que le roi Léopold fit à Londres au mois
de mars, mais bien à 1890, c'est-à-dire à l'an-
née même où la France, en acquiesçant aux
propositions fiscales faites par le gouvernement
congolais à la conférence de Bruxelles, permet-
tait à l'Etat du Congo de vivre de ses propres
ressources.
Il y a donc près de quatre ans que l'entente
antifrançaise a été scellée. Depuis cette époque,
par conséquent, toutes les tentatives de rappro-
chement avec la France étaient .destinées à en-
dormir la vigilance du gouvernement français.
Les négociations de juin 1892, suspendues à la
suite des incidents de Poumayrac, celles de
décembre 1892, rompues par suite des exigences
de l'Etat du Congo voulant se faire reconnaîtra
par la France des territoires du bassin du NU,
enfin celle de février 1894, sans compter les
pourparlers officieusement engagés à Paris, à
Bruxelles ou à Ostende, toute cette diplomatie
n'avait qu'un but rendre notre gouvernement
complice du partage des provinces égyptiennes
de l'Equateur.
La lettre de lord Kimberley précise, en termes
formels, la portée de la politique de l'Etat du
Congo à l'égard de la France. C'est un document
qui non seulement confirme tout ce que nous
avons eu à dire à propos de cette politique,
mais qui montre quelle faute la France aurait
commise si elle s'était laissé entraîner à ré-
dre un ange, comme la marquise d'Auberive,
on n'a pas la moindre envie d'en épouser un se.
cond. Verse-moi à boire.
Le personnage était posé dès les premiers
mots. Et quelle impertinence, quand il luttait
d'esprit et de ruse avec la baronne Pfeffert 1
Quel air de moquerie aristocratique, lorsqu'il
envoyait son neveu, ce petit sacristain de vi.
comte d'Outreville, prendre un autre tailleur
que M. de Sainte-Agathe, et avec quelle désin-
volture il traitait par-dessous jambe ce pauvre
imbécile de Maréchal, qui n'y voyait que du feu I
Ah comme tous ces souvenirs me remontaient
à la mémoire, à mesure que se déroulaient les
scènes où Leloir avait pris sa place.
Heureusement pour lui que j'étais à peu près
seul dans la salle à m'en souvenir! Le dirai-je?
Leloirne pâlit pas trop devant cette écrasante
comparaison. C'est un excellent comédien et un
artiste de premier ordre que ce Leloir, une des
colonnes de la maison de Molière. Leloir et par
son talent de composition et par son goût d'ori-
ginalité laborieuse, et par sa diction d'une
netteté, d'une variété et d'une souplesses rares
ne le cède à aucun des grands acteurs que j'ai
connus. Il est de leur race, et il a de plus cette
qualité que je prise par dessus toutes les autres
il aime et il respecte la Comédie-Française, dont
il est sociétaire; il ne cherche point à battre
monnaie avec sa jeune renommée; il ne court
point après la réclama il laisse venir à lui la
gloire.
C'est Laugier qui faisait Maréchal. Ah que
voulez-vous? Laugier n'a pas connu les grands
bourgeois si cossus de 1830. Le père Provost
était l'un d'eux. Il était magnifique d'allure, de
prestance, de geste, de voix, et avec cela des
retours de bonhomie où l'on sentait le manu.
facturier enrichi. Comme il était plaisant, lors-
qu'au marquis, lui offrant d'être à la Chambre
l'orateur du parti catholique dans la question
universitaire, il s'écriait avec un geste large
comme le monde:
Du haut de la tribune, dominer l'assem-
blée du geste et de la voix, envoyer sa pensée
aux deux bouts de la terre sur les ailes de 1s
Renommée.
Et s'interrompant tout à coup, du ton le plus
familier:
-Mais, sapristi! croyez-vous que je saurai
parler?
La meilleure façon d'apprendre à nager, lui
dit philosophiquement le marquis, c'est de s«
jeter à l'eau.
Oui, mais c'est qu'il ne s'agit pas de barbo-
ter ici.
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