Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-04-02
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 02 avril 1894 02 avril 1894
Description : 1894/04/02 (Numéro 11998). 1894/04/02 (Numéro 11998).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
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LUNDI 2 AVRIL 1894
TRENTE-QUA'l'RIEN1E ANNEE. N* 1WB8
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Un numéro (à Paris) 15» centimes
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ifi Journal ne répond pas des articles non insérés
PARIS, 1" AVRIL
BULLETIN DU JOUR
&ÈOONOII.IATION ,>
T.fl r»anpma<«îr oat enfin *ontr<5 dans la légalité
constitutionnelle. Le budget a été voté pour la
première fois depuis bien des années. Pour la
première fois depuis bien des années, les im-
pôts seront levés et les dépenses de l'Etat ordon-
nées autrement que par un simple décret royal.
C'est- donc tout ensemble le retour à l'ordre lé-
gal et le rétablissement des relations normales
entre le gouvernement et la représentation na-
tionale.
Certes, le Danemark n'est pas le premier
pays où se soit déchaîné, en dépit de la consti-
tution ou, si l'on aime mieux, en vertu d'une
clause contradictoire de cet instrument, un pa- .1
reil conflit. La Prusse, de 1862 à 1866, a fourni
un assez bel exemple de ces luttes acharnées
entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif
et l'on ne saurait oublier que c'est à cette occa-
sion que l'on fit venir de l'étranger, où il était
ambassadeur, M. de Bismarck pour jouer les
Estrup, c'est-à-dire pour défendre la préroga-
tive royale, fût-ce au prix d'un coup d'Etat.
Mais d'abord cette guerre civile morale le
mot n'est pas trop fort a duré au Danemark
infiniment plus longtemps qu'en Prusse ce
qui. prouve, dans un certain sens, en faveur de
l'esprit pacifique et légal du peuple danois,
puisque chez toute autre nation un conflit si indé-
finiment prolongé se serait fatalement exaspéré
et aurait dégénéré en recours brutal à la force
de l'un ou l'autre côté. Et puis, en Prusse, il n'a
fallu rien moins qu'un Sadowa pour rétablir la
paix, tandis que chez les sujets du roi Christian
«'est spontanément, par une évolution interne,
que les partis en sont venus à s'entendre.
Cette dernière différence est importante. En
Prusse, en effet, le conflit s'est bien nominale-
ment clos par une sorte de bill d'indemnité que
M. de Bismarck a demandé aux Chambres pour
avoir substitué au budget voté de quatre exer-
cices un décret royal; mais, dans la réalité, c'est
le pouvoir législatif, ébloui et écrasé par le
triomphe de Sadowa, qui s'est incliné bien bas,
jusque dans la poussière, devant le pouvoir
exécutif et qui a désormais et jusqu'à la chute
du premier chancelier, un quart de siècle plus
tard, observé à son égard une attitude de ti-
mide déférence dont les nationaux-libéraux ont
encore trouvé le moyen de reculer les bornes.
A Copenhague, rien de semblable. Ce n'est pas
dans une apothéose que le ministère Estrup se
réconcilie avec ses adversaires. C'est tout sim-
plement l'acte de bons citoyens, las d'une lutte
obstinée, convaincus que le bien du pays ne
saurait être dans l'éternisation d'une querelle
de ce genre, sincèrement désireux de ramener
le gouvernement à la pratique du régime cons-
titutionnel.
Dans ces conditions, il n'y a ni vainqueurs ni
vaincus. Les modérés des deux côtés l'ont em-
porté. Il est probable que c'est sur la base du
projet Steffensen que s'est fait l'accord. Le bud-
et militaire a donc reçu la sanction du vote des
Chambres, mais en même temps il a été apporté
certains adoucissements à ce qu'il avait d'exa-
géré. C'est la raison et le patriotisme qui ont
inspiré ce compromis il faut donc en féliciter
le Danemark.
En dehors même du bon exemple que donne
ce petit pays en terminant pacifiquement un
conflit aussi grave et en démontrant qu'il est
possible de soutenir une querelle de cet ordre
sans recourir soit aux coups d'Etat, |soit à la ré-
volution, l'Europe ne peut qu'être satisfaite de
cette solution au point de vue international. Il
était regrettable que des scrupules, assurément
dignes de respect, mais sûrement exagérés,
eussent si longtemps entravé la mise à exécu-
tion des plans qui doivent garantir l'indépen-
dance du Danemark.
Primum vivere, deinde philosophari les li-
béraux danois avaient paru un peu oublier ce
sage dicton. A cette heure, il va être possible
de pourvoir à toutes les nécessités de la défense
nationale avec l'approbation du Parlement et
dans les limites de la Constitution. C'est un
grand bienfait, et les auteurs de la réconcilia-
tion qui a déjà eu ce premier résultat moral
ont bien droit, en dehors du témoignage de leur
conscience, aux applaudissements des bons
« citoyens d'Europe », si cette catégorie existe
toujours.
-♦-
J" DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
IDES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Vienne, 1" avril,"? h. 20.
Le congrès socialiste a terminé ses travaux hier.
En conformité avec le principe adopté dans une
précédente séance de refuser toute coopération avec
îes partis politiques bourgeois quels qu'ils soient, le
congrès a refusé d'envoyer des délégués au congrès
pour la protection des ouvriers, qui se tiendra à
Zurich en août et réunira des adhérents des diffé-
rents partis non socialistes.
Le congrès a voté une résolution en vertu de la-
quelle les socialistes doivent prendre part à toutes
les élections, non seulement politiques, mais com-
»
jçEuiLïLiEToitf ou ©emps
DU 2 AVRIL 1894
«r
̃ CHRONIQUETHÉATRALE
> ̃
'A l'Odéon, reprise de Don Juan d'Autriche, comédie en
cinq actes, de Casimir Delavigne. A la Porte-
Saint-Martin, Monte-Cristo, d'Alexandre Dumas et Au-
'• guste Maquet. Aux Folies-Dramatiques, reprise
des SS jours de Clairette. Au Théâtre de la Républi-
que, reprise de la Closerie des Genêts.– Au théâtre des
Menus-Plaisirs, reprise de Mademoiselle ma femme,
opérette en trois actes, de MM. Ordonneau et Octave
« Pradels, musique de M. Toulmouche.
L'Odéon a remis à la scène, pour ses lundis
classiques, le Don Juan d'Autriche, de Casimir
Delavigne. J'y ai couru; c'était moins pour voir
la pièce elle-même, dont le souvenir m'était
bien présent, que pour examiner la contenance
du public.
Il y a trente-cinq ou quarante ans, lorsque
j'entrais dans la critique, Don Juan d'Autriche
était une des pièces avec lesquelles, au Théâtre-
Français, on était sûr le dimanche de faire une
grosse recette. Ce n'est pas qu'on ne la jouât en
semaine; car, à cette époque, elle figurait au
répertoire courant. Mais vous savez que le pu-
blic du dimanche est où* plutôt était un public
r particulier, qui avait ses préférences et qu'il fal-
lait servir seloji ses goûts. On lui donnait plus
volontiers le Mariage de Figaro, Don Juand Au-
triche et, plus tard, quand Ponsard eut porté sa
pièce à la Comédie, l'Honneur et l'Argent. C'é-
tait un brave et bon public de petite bourgeoi-
sie, celui qui au théâtre ne va point chercher
des curiosités de psychologie ou des raffine-
ments de style, mais qui se plaît aux sentiments
généraux exprimés dans une langue claire, sous
une forme dramatique, qui se laisse, comme di-
sait Molière, prendre par les entrailles.
Don Juan d'Autriche a depuis longtemps dis-
paru de l'affiche du Théâtre-Français; la der-
nière reprise qui en a été faite, et sans grand
succès, date de 1885; il est maintenant admis,
parmi les jeunes gens de la génération nou-
velle, que la pièce de Casimir Delavigne est
aussi démodée, aussi vieux jeu que l'auteur lui-
même; leur excuse, c'est qu'ils ne l'ont pas lue;
c'est qu'ils ne connaissent peut-être Casimir De-
lavigne que par le sixain légendaire de Fernand j
munales. Ils doivent s'efforcer également d'organi-
ser une propagande efficace parmi les paysans.
Grenoble, 1er avril, midi et demi.
M. Antonin Dubost, garde des sceaux et président
du conseil général de l'Isère, qui doit présider cet
après-midi l'inauguration d'un hospice de vieillards
à la Tronche, est arrivé à Grenoble aujourd'hui, à
onze heures cinquante-cinq. a
Le ministre de la justice a été reçu par le préfet
de l'Isère, le maire de Grenoble, le conseil munici-
pal, la commission administrative des hospices, M.
Vogeli,- député, et un cèrtain nombre de oonscillers
généraux et de magistrats.
(Service Ilavas)
Saint-Pétersbourg, 1er avril.
Le Nouveau Temps et les Novosti constatent les dispo-
sitions unanimement pacifiques des gouvernements
européens. Ils se félicitent de la preuve de sympathie
que l'empereur d'Autriche a donnée à la France en oc-
troyant à M. Carnot l'ordre de Saint-Etienne.
Les Novosti ajoutent que, dans de semblables circon-
stances, l'entrevue d'Abbazzia ne peut qu'affermir l'es-
poir du maintien de la paix européenne.
M. de Mohrenheim est encore malade à Saint-Péter-
sbourg. La date de son retour à Paris n'est pas fixée.
Madrid, lor avril.
Le traité de commerce entre la Belgique a été
signé ad référendum par les plénipotentiaires. Il sera
soumis ultérieurement aux Cortès espagnoles.
Vichy, 1" avril.
Une manifestation franco-russe a lieu aujourd'hui.
La municipalité expose sur la place de l'hôtel de
ville un bronze d'art de Moubut, sculpteur, offert par la
ville au tsar.
Un registre contenant une adresse à l'empereur de
Russie se couvre de signatures.
La mairie est brillamment pavoisée.
Bordeaux, 1" avril.
Le Journal officiel des établissements du^Bénin, distri-
bué ce matin à Bordeaux, contient
1° La déclaration du général Dodds acceptant la sou-
mission des princes, des cabécères, des chefs et des
habitants du Dahomey, et indiquant la délimitation des
contrées placées sous le protectorat de la France, et
celles qui constituent les royaumes d'Abomey et d'Al-
lada
2° Les procès-verbaux de la proclamation d'Ago li
Agbo comme roi d'Abomey et de la reconnaissance de
Gi-Gla-Dou-Gbé-Nou-Maou, comme roi d'Allada;
3° Le règlement concernant le recrutement des gar-
des civils du Bénin;
4° Un ordre général concernant les remerciements
du général Dodds au bataillon de marche d'infanterie
légère d'Afrique, qui quitte le Dahomey où, pendant
un an, il a rendu des services très appréciés.
(Agence nationale)
Rome, lor avril.
Le questeur de Florence est appelé à la questure de
Rome. M. Marchionni, qu'il remplace, n'a encore reçu
aucune fonction. On attribue cette disgrâce à l'affaire
de la bombe de Montecitorio, dont l'auteur est resté
inconnu. On parle également, et pour la même raison,
du déplacement du juge d'instruction Caprioli.
Rome, lor avril.
On vient de publier la statistique du mouvement
commercial pour l'année écoulée. Il résulte de ce do-
cument que les importations se sont élevées au chiffre
de 1,190,148,000 lires, soit 16,756,218 lires de plus que
l'année précédente.
L'exportation s'élève à 964,124,348 lires, soit une aug-
mentation d'environ 6 millions sur l'année précédente.
♦
ÉLECTIONS SÉNATORIALES DU Ier AVRIL
MEUSE
Inscrits 848. Votants 844
MM. Buvignier, député, rép. 451 Elu.
Depautaine, r6p. 216
Thonin, candidat agricole, 171
Il s agissait de remplacer M. Schœlcher, sénateur
inamovible, dont le siège a été attribué à ce départe-
ment.
VAUCLUSE
Inscrits 442. Votants 437
MM. J. Gaillard, ancien député, rép. 115 voix
Valayer. 86
Tatilier 76
Capty, maire d'Orange, rép. 71
Poncet, anc. maire d Avignoti, rép.. 44
Guibert, conseiller général, rép 37
Divers. 8
Il y a lieu à un second tour de scrutin.
Il s'agissait de remplacer M. Gent, républicain, dé-
cédé, qui avait été élu le 4 janvier 1891 par 352 voix,
en môme temps que M. Guérin qui en obtenait 417.
TACTIQUE DANGEREUSE
L'appel du « comité ouvrier catholique » de
Brest, dont nous avons reproduit les passages
les plus caractéristiques, dénote un état d'es-
prit assez curieux. Sans doute, il reste dans la
tradition chrétienne en déclarant qu'une bonne
société doit toujours avoir pour base « la reli-
gion, la famille et la propriété ». Sans doute en-
core, il s'associe au mouvement général déter-
miné par les instructions multipliées du Saint-
Siège, en adhérant très catégoriquement à la
forme républicaine, mais combien est originale
sa façon de comprendre la République et de
soutenir la propriété!
Au point de vue politique il faut, paraît-il, con-
fondre dans une même réprobation non seule-
ment les socialistes révolutionnaires et les anar-
chistes, mais les divers partis républicains, op-
portunistes ou radicaux. « Nous les mettons
tous dans le même sac, dit le manifeste; ils sont
tous de la même famille. » Donc entre la secte
des dynamiteurs et les républicains de gouver-
nement qui s'efforcent de la frapper et de la ré-
duire à l'impuissance point de distinction. Dé-
fenseurs et destructeurs de l'ordre social méri-
tent les mêmes anathèmes et doivent être com-
®.a~
Desnoyers, qui sans doute ne l'avait pas lue
davantage.
J'étais bien aise devoir si, malgré les dédains
et les blagues dès-beaux esprits, Don Juan d'Au-
triche avait gardé son action sur ce même pu-
blic qui avait si longtemps fait sa fortune. Le
public des lundis classiques de l'Odéon est com-
posé à peu près des mêmes éléments que celui
qui se rendait le dimanche à la Comédie-Fran-
çaise. Eh bien 1 malgré la douceur exceptionnelle
de la température, quiinvitaitàrespirer au dehors
l'air frais du soir, la salle était comble. Et si vous
aviez vu comme elle s'est amusée, comme elle
a ri, comme elle a battu des mains! Savez-vous
bien qu'elle a rappelé les acteurs trois fois à
chaque acte; qu'après la chute du rideau, elle
est restée debout, applaudissant, redemandant
les artistes? J'avais en face de moi, dans une lo-
ge, le ministre de l'instruction publique, qui
avait eu, j'imagine, la fantaisie de se rafraîchir
la mémoire d'une de ses vieilles admirations; il
regardait d'un air bienveillant ce débordement
d'enthousiasme et mêlait avec un sourire ses bra-
vos à ceux du public. Pernand Desnoyers avait
décidément raison, quand il s'écriait
II est des morts qu'il faut qu'on tue
Ce prétendu mort est bien vivant, et sa pièce,
encore que démodée par endroits, m'a tout l'air
d'être en son ensemble plus jeune que tant
d'œuvres de soi-disant jeunes qui affectent de
la mépriser.
Ce qui en a le plus vieilli, c'est la partie mélo-
dramatique. L'inquisition et tout l'appareil de
vieille ferraille qu'elle évoque ne sauraient être
pris au sérieux aujourd'hui. J'inclinerais à pen-
ser que Casimir Delavigne n'y croyait pas lui-
même il n'avait d'autre idée, en prenant le
sombre Philippe II pour tête de turc, que de
flatter les rancunes et les préjugés des libéraux
de la monarchie de Juillet, qui avaient deux
bêtes noires Ignace de Loyola et saint Domini-
que. Il faisait œuvre de polémique, et ces œu-
vres-là ne sont pas de durée au théâtre. Il a fallu
en couper beaucoup; on a retranché le rôle du
grand inquisiteur qui apparaissait au cinquième
acte comme un croquemitaine jaillissant d'une
boîte à surprise et toute une bonne moitié de la
scène où don Quesada se traîne aux genoux du
roi d'Espagne. Ces suppressions remontent fort
loin; je ne me rappelle pas avoir vu représen-
ter l'ouvrage dans son intégrité.
C'est une comédie, une pure comédie, que
Casimir Delavigne a voulu écrire, sous le cou-
vert de noms historiques. L'édition de ses œu-
vres porte Don Juan d'Autriche, comédie. En
1874, la Porte-Saint-Martin eut l'idée de repren-
battus avec la même énergie. Est-ce donc là ce
que prescrivait Léon XIII quand il rendait hom-
mage, dans ses encycliques, aux hommes de
bonne volonté, aux esprits sages et fermes, fus-
sent-ils complètement étrangers à la foi catho-
lique ?
Mais c'est surtout au point de vue économi-
que et social que les rédacteurs du document
tiennent un langage significatif. L'organisation
actuelle, fondée par la Révolution de 1789, ne
leur dit rien qui vaille et il faut en poursuivre
la transformation. Que parle-t-on de liberté du
travail ? Cette soi-disant liberté n'est que « la li-
berté de la force contre la faiblesse ». Le patron
« profite de la misère de l'ouvrier pour lui im-
poser un salaire de famine ». Le comité veut tra-
vailler à la constitution de conseils de métier
qui trancheraient toutes les questions de salaire,
d'heures de travail, d'assurance, etc.
Remplacez ces « conseils de métier » parl'Etat
ou la commune et vous avez la doctrine collec-
tiviste la plus orthodoxe. Rien n'empêcherait
plus M. Jules Guesde de signer l'appel qui nous
occupe. Jamais, croyons-nous, le socialisme
chrétien n'avait marqué avec plus de naïve
hardiesse combien est mince l'intervalle qui le
sépare du socialisme tout court.
Sans nous attarder à montrer quel lien indis-
soluble rattache au droit de propriété la liberté
du travail et qu'on ne saurait conserver l'un en
supprimant l'autre, nous nous demandons à
quels mobiles peuvent bien obéir ceux qui s'ef-
forcent à propager de pareilles théories. Ne sem-
ble-t-il pas qu'un certain nombre de catholiques
aient conçu une stratégie nouvelle, consistant
à chercher du côté des masses ouvrières l'appui
et l'influence qui ont été perdus par ailleurs.
Entre eux et les agitateurs socialistes il y aurait
concurrence de promesses et de flatteries. Mais
c'est là un jeu bien dangereux et que dénonçait,
il y a quelque temps, avec beaucoup de fer-
meté, M. l'évêque d'Angers. « Ne flattons
pas, disait-il, ceux que nous voulons sau-
ver, n'excitons pas chez eux des espérances
que personne ne réalisera jamais et ne jetons
pas l'huile sur une flamme déjà si ardente. » A
coup sûr, les socialistes chrétiens ne veulent
pas de bouleversement violent; ils affirment
que leurs aspirations devront se réaliser « peu
à peu, avec des réformes pacifiques ». Mais
une fois les appétits déchaînés, est-on sûr de
pouvoir les gouverner, et quand on aura appris
aux ouvriers qu'ils peuvent, au nom même de
la religion, présenter certaines revendications,
n'est-il pas à redouter qu'ils ne se jettent tout
de suite aux extrêmes? Souvenons-nous de
cette lettre, dont nous avons publié ici même
des extraits, et où un grand industriel déclarait
qu'à la suite d'une certaine propagande les
meilleurs ouvriers tendaient à passer du socia-
lisme chrétien au socialisme révolutionnaire et
de celui-ci à l'anarchisme. « Ils sont trop sim-
ples, ajoutait-il, pour faire une différence entre
socialistes et anarçhistes, et comme ces der-
niers promettent davantage, tous se font anar-
chistes. »
Voilà l'évolution qui doit résulter fatalement
de la campagne dont nous parlons. Aux catho-
liques clairvoyants de réagir contre des impru-
dences dont la religion serait la première vic-
time. En s'associant aux déclamateurs socialis-
tes pour condamner une société qui n'est pas, à
leur gré, suffisamment chrétienne, certains
catholiques ne font-il pas songer à la fable du
cheval qui cherche à se venger du cerf? Prendre
• le socialisme pour auxiliaire c'est s'exposer
bientôt à la servitude sous le plus brutal, le plus
aveugle et le plus tyrannique des maîtres.
̃<>̃ •
On a vu que le juge de paix du 1" arrondissement
de Paris a condamné la Compagnie des omnibus
dans le petit procès engagé par un voyageur à qui
le conducteur d'un omnibus avait refusé sa >< cor-
respondance » pour la raison qu'elle était « périmée ».
La Compagnie des omnibus change, en effet, deux
ou trois fois par jour ses tickets de correspondance
elle espère éviter ainsi la petite fraude de gens qui par-
tiraient, dès le matin, à leurs affaires, auraient soin
de se munir d'une correspondance et retourneraient
chez eux l'après-midi, après sept ou huit heures d'in-
tervalle entre les deux voyages. Mais, d'autre part, il
peut très bien arriver qu'un voyageur ait reçu un
ticket de correspondance une ou deux minutes
avant le moment où la couleur des billets sera
changée. Si, après quelques instants d'attente à la
station, on lui objecte que son ticket n'est plus va-
lable, alors qu'il demande simplement à user de son
droit, le voyageur se plaint et il a parfaitement
raison de se plaindre.
Il y a donc dans cet usage, pourtant si commode,
de la correspondance, une source de conflits inces-
sants entre le public et la Compagnie des omnibus.
La compagnie n'a point tort de tâcher de défendre
ses recettes contre des voyageurs pou scrupuleux;
mais il peut arriver que sus précautions atteignent
et lèsent de braves gens qui n'avaient pas
fraudé le moins du monde. Voilà un litige inextri-
cable. On sera forcémnnt amené, semble-t-il, à sup-
primer toutes ces contestations délicates en suppri-
mant la cause qui les fait naitre. Il faudra renoncer
an système do la correspondance il n'y a pas,
d'ailleurs, d'autre moyen de résoudre la difficulté.
Naturellement, dans cette hypothèse, une diminu-
tion du prix des places à Vintérieur, dans les omni-
bus, devra être consentie par la compagnie à titre
dre la pièce et d'en faire un mélo. On accompa-
gna d'une musique sourde les entrées et les
sorties; il fut convenu qu'on annoncerait l'en-
trée du traître par une noire ritournelle de con-
trebasse, et que l'on marquerait d'un coup de
cymbales le point culminant d'une scène à effet.
C'était Taillade qui jouait Philippe II; et vous
pensez si, avec son jeu saccadé et nerveux, sa
voix nette et vibrante, il avait accusé les féroci-
tés du personnage; Mlle Patry avait déployé
dans le rôle de dona Clorinde les emportements
les plus farouches; en revanche Dumaine avait
fait de Charles-Quint au couvent de Saint-Just
un Jean desEntommeuresd'une bonhomie ronde
et joyeuse; et Mangin c'est lui qui faisait
Quesada non, vous n'imaginez pas la joie de
ce public des premières, quand elle vit ce con-
seiller de Charles-Quint, un vieillard qui avait
occupé les places les plus importantes de l'Etat,
et il. qui le poète avait donné toujours un lan-
gage élégant et noble, dire tout son rôle du ton
dont Lebel s'écriait autrefois «Encore une étoile
dans mon assiette »
En 1885, à la Comédie-Française, Don Juan
d'Autriche fut joué, comme il devait l'être, en
comédie. C'est Delaunay qui jouait don Juan il y
portait t sa légèreté et sa bonne grâce accoutum ées;
peut-être n'était-il pas assez impétueux il ra-
lentit le mouvement général de la pièce; Duflos,
qui faisait Philippe II, avait, en ce temps-là, un
défaut dont il lui reste quelque chose: c'était
une diction trop appuyée et monotone; il faisait
un sort à tous les mots. Mlle Tholer, qui était
fort jolie et toute gracieuse, manqua d'énergie et
d'emportement dans le rôle de dona Clorinde, où
Mme Favart avait été admirable. Il n'y eut,
d'ailleurs, dans cette distribution, que Thiron
qui rendit à merveille les terreurs du pauvre
Quesada. Cette interprétation, qui n'était pas de
premier ordre, explique la réserve avec laquelle
fut accueillie la reprise d'un ouvrage qui avait
contre lui le préjugé du public, j'entends dupu-
blic de la Comédie-Française, et notamment de
celui des mardistes et des jeudistes.
On ne voulait plus d'un genre qui avait eu
ses beaux jours de 1828 a 1850, la comédie his-
torique. 11 consistait à jeter des personnages cé-
lèbres dans l'intrigue d'une comédie de genre,
Bertrand et Bâton, le Verre d'eau, Don Juan
d'A ulriche sont les chefs-d'œuvre de ce genre,
qui est fort amusant, quand on ne lui demande
pas autre chose que ce qu'il entend donner. Il
est clair que, si vous allez comparer le Boling-
broke et la reine Anne du Verre d'eau aux per-
sonnages qui, dans l'histoire vraie, ont porté
ces noms, il y aura un déchet terrible. Mais
de compensation pour le public. Et nous parlons
seulement des places à Vintérieur, parce que la
suppression de la correspondance ne touchera point
les voyageurs de l'impériale. Ceux-ci, en effet, sont
obligés actuellement de payer 0 fr. 30 au lieu de
Ofr. 15, s'ils veulent avoir une correspondance; sans
correspondance ils auraient à payer deux fois Ofr. 15
s'ils avaient à user de deux omnibus pour leur tra-
jet. Leur situation ne serait donc pas modifiée. Tan-
dis que les voyageurs de l'intérieur verraient leurs
dépenses doublées si l'on n'abaissait, dans une cer-
taine proportion, d'un tiers par exemple le
prix des places.
La compagnie qui retrouverait, par la suppres-
sion de la correspondance, des recettes certaines,
consentirait, sans aucun doute, à cette modification
de son tarif. Et le public de l'intérieur, qui payerait
10 centimes de plus les voyages compliqués, mais
10 centimes de moins les voyages simples, trouve-
rait largement son compte à cette petite réforme.
-0
SAGES CONSEILS
Si quelques voix'se sont élevées, dans l'épis-
copat français, pour protester avec véhémence
contre la législation nouvelle des fabriques, il
faut reconnaître que la grande majorité des
évoques ont gardé, en cette circonstance, une
parfaite réserve. Quelques-uns même, et non
des moins considérables par l'autorité et le ta-
lent, n'ont pas hésité à déclarer publiquement
que ce serait là un mauvais prétexte pour partir
en guerre contre la société civile. On se sou-
vient, en outre, de l'attitude récemment prise, à
la Chambre, par Mgr d'Hulst. Aux yeux de
l'honorable député, la question des fabriques ne
justifiait pas, de la part des catholiques, un
vote hostile contre le cabinet. Aux conseils de
prudence et de modération déjà donnés sur
cette délicate matière, nous pouvons joindre
aujourd'hui les excellentes instructions conte-
nues dans une lettre adressée aux curés de son
diocèse par l'archevêque de Cambrai.
Sans doute, le prélat n'est point partisan de
la réglementation nouvelle, et il a soumis dès le
début de l'année aux ministères des cultes et à
la nonciature ses doléances et ses réclamations;
mais il n'a pas jugé à propos d'en saisir le pu-
blic, et, s'il ne l'a point fait, « c'est peut-être,
dit-il, parce qu'un certain nombre de nos dio-
césains se sont empressés de le faire, à grand
bruit, en notre lieu et place, sans nous avoir
demandé ni autorisation ni conseil ».
Au surplus, l'auteur de la lettre estime que,
pour le moment, le plus expédient est non de
protester, mais d'en venir « à une action pra-
tique, régulière et rationnelle ».
Il s'agit, en effet, dit-il, pour les conseils de fabri-
que, de prévoir, de préparer et d'établir leur situation
réelle pour l'année prochaine, en préparant et en éta-
blissant un budget qui puisse être accepté par l'auto-
rité civile.
Ce budget sera la base nécessaire et le point de dé-
part inévitable de toutes leurs opérations ultérieures.
Sans ce budget accepté, les conseils de fabrique se
trouveraient exposés aux embarras et aux difficultés
les plus graves dans la gestion des intérêts temporels
des paroisses; ils doivent donc se considérer comme
en un poste d'honneur, en face de dangers sérieux; et
nous-mêmes nous les considérons, non pas seulement
comme les utiles auxiliaires de notre clergé, mais
comme les défenseurs nécessaires de l'organisation
paroissiale.
Il exhorte ensuite les curés à mettre au ser-
vice des fabriciens les lumières de leur expé-
rience personnelle et à leur prêter, en toute cir-
constance, le concours le plus empressé
Grâce à cette bonne entente, ajoute-t-il, à cette union
pour supporter le travail nécessaire, les opérations
de recettes et de dépenses se présenteront à l'apure-
ment officiel, non seulement dans les conditions d'une
loyauté parfaite, mais encore sous le couvert des jus-
tifications les plus irréprochables. Elles ne craindront
pas d'affronter l'examen le plus méticuleux et n'auront
qu'à lui demander d'être lui-même loyal.
On ne saurait trop approuver, croyons-nous,
la sagesse de ces recommandations. Ce n'cst
jamais en jetant feu et flammes, en criant à la
persécution et à la tyrannie, que les représen-
tants de l'Eglise sauvegardent le mieux ses inté-
rêts. S'il y a, dans la législation nouvelle, cer~
taines imperfections et certains abus, c'est seu-
lement dans la pratique et, pour ainsi dire, à
l'user, qu'ils pourront se révéler avec évidence.
Et les membres de l'épiscopat auront d'autant
plus de chances de faire reconnaître par le gou-
vernement et les Chambres le bien fondé de
leurs griefs qu'ils auront apporté plus de
bonne volonté dans la soumission nécessaire
à la loi, plus d'exactitude dans son application,
plus de mesure dans l'exposé des inconvénients
que l'expérience pourra signaler. L'état d'esprit
que dénote la lettre de l'archevêque de Cam-
brai est, en tout cas, celui qui semble le mieux
répondre aux instructions réitérées du Vati-
can et c'est aussi celui qui peut le mieux ser-
vir la cause de la réconciliation nationale à la-
quelle sont attachés tous les bons citoyens.
AFFAIRES COLONIALES
Bénin
Au moment où le bataillon de marche d'infanterie
est-ce que l'auteur a affiché la prétention de faire
au théâtre un cours d'histoire? II a prétendu
simplement mettre sous forme dramatique cette
idée générale, qui est vieille comme le monde,
que les plus grands événements sont quelque-
fois produits par les- plus petites causes c'est
l'idée que Pascal a formulée dans une phrase si
pittoresque. « Cromwell allait ravager toute la
chrétienté; la famille royale était perdue, et la
sienne à jamais puissante, sans un petit grain
de sable qui se mit dans son urèthre. Rome
même allait trembler sous lui; mais, ce petit
gravier s'étant mis là, il est mort, sa famille
abaissée, tout en paix et lé roi rétabli. » Ce petit
grain de sable, c'est le Verre d'eau, de Scribe,
qui en a fait un grand vaudeville. Pourquoi exi-
ger d'un vaudeville que les personnages qu'il
met en jeu soient conformes à la vérité histori-
que ? Est-ce que c'est son affaire? Est-ce qu'il
vous a promis rien de pareil?
Don Juan d'Autriche, c'est la lutte de deux
jeunes gens qui aiment une même femme, l'un
roi, l'autre bâtard qui n'a que la cape et l'épée. Ce
bâtard est le fils de Charles-Quint. C'est qu'au
cinquième acte l'auteur aura besoin pour sortir
de l'impasse où son action l'aura acculée de
l'intervention d'un dieu, et ce dieu sera Charles-
Quint, qui fera le dénouement. La femme est
une juive et le roi est Philippe Il; vous imagi-
nez-vous que ce soit pour étudier, comme on
dit aujourd'hui, l'état d'âme de l'Espagne ca-
tholique à cette époque, que l'auteur a pris pour
héros Philippe II et a fait de doua Clorinde une
juive? C'esl qu'au moment d'être prise de force
par le roi qu'elle n'aime pas, elle l'arrêtera par ce
mot qui fera coup de théâtre « Je suis juive! » »
C'est qu'ensuite Philippe If reprendra ses avan-
tages, la menaçant du bûcher, si elle ne cède
point.
Et don Quesada, vous figurez-vous que, si Ca-
simir Delavigne a fait de ce conseiller de Char-
les-Quint un trembleur si plaisant, c'est qu'il
avait exhumé ce caractère d'une vieille chro-
nique ? Point du tout; c'est qu'au cinquième
acte, ce trembleur, sous le coup d'une émotion
vive, emporté par sa tendresse pour don Juan,
son fils adoptif, tiendra tête au roi, se jettera à
ses genoux, offrira sa vie; c'est que de ce con-
traste, jaillira une scène imprévue et pathéti-
que, qui se terminera par ce mot à effet
Relevez-vous, vieillard, vous êtes encore
tout pâle de votre courage I
Cela est-il émouvant? Oui, sans doute; eh
bien 1 que ne vous laissez-vous émouvoir, sans
chercher ce qui manque, ce qu'on ne s'était pas
engagé à vous donner Toute cette pièce avec
légère d'Afrique a quitté le Dahomey, on a lu l'or-
dre du jour suivant
Le bataillon de marche d'infanterie légère d'Afrique
quitte le Dahomey où, pendant un an, constamment
aux avant-postes il a rendu des services très appré-
ciés, grâce à l'activité et au dévouement du chef de ba-
taillon et des officiers.
Le général les remercie tous, et particulièrement le
commandant Chmitelin, du concours qu'ils ont apporté
à la conquête et à la pacification du pays.
Le lieutenant-colonel Mauduit, commandant le groupe
des bataillons du département de la guerre, quitte
également le corps expéditionnaire.
Cet officier supérieur, resté pendant presque tout son
séjour colonial dans le haut Dahomey, et en présence
des avant-postes d'un ennemi actif et vigilant, a été
l'un des plus précieux auxiliaires du commandant su-
périeur.
A Oumbégamé, le 10 septembre 1893.
Le général Dodds avait, le 9 janvier 1893, mis
sous séquestre les biens que les métis portugais,
Candido Rodriguez, Georges da Sonza, Innocentio
Sostrez, Alexandre da Silva, possédaient à Ouidah.
Ces indigènes, serviteurs de Behanzin, avaient ac-
compagné le souverain dans sa fuite au pays
mahi.
Le général Dodds, considérant que la période de
guerre a pris fin par la reddition do Behanzin, a,
par un arrêt du 24 février dernier, rendu leurs biens
aux métis portugais.
On sait qu'un corps de garde civile indigène
doit concourir au maintien de l'ordre dans notre co-
lonie du Bénin avec le bataillon de tirailleurs
haoussas et une réserve de troupes métropolitaines.
Les gardes civils reçoivent, outre les objets d'ha-
billement et d'équipement, une solde journalière de
1 fr. 25. Les engagements sont de deux et quatre
ans. Ils donnent droit à une prime de 50 et de 100
francs suivant qu'il s'agit de l'une ou de l'autre
période. Cette prime est la môme pour les rengage-
ments, mais dans ce cas, le garde civil a droit à
une haute paye d'ancienneté qui varie suivant les
grades (simple garde, caporal ou. sergent) de 10 à
25 centimes par jour pour un rengagement de 2 ans
et de 20 à 50 centimes pour un rengagement de
4 ans. p nb~ gcmen
Notons que la solde de caporal est de 1 fr. 37 par
jour et celle de sergent do 1 fr. 85. Le milicien paye
sa nourriture. On voit combien de semblables
troupes, bien encadrées, peuvent allégories charges
militaires d'une colonie.
Congo français
M. J. Dybowski est arrivé hier à Bordeaux, sur
le paquebot Ville-de-Maceio, de retour d'un voyage
sur la côte du Congo français. Comme dans son
voyage précédent, M. Dybowski, dont on connait
les talents de naturaliste, a recueilli de nombreux
objets d'histoire naturelle qu'il destine au Muséum.
Il était accompagné de MM. Fontenilliat et Le-
hongre.
Indo-Chine
On nous télégraphie de Marseille
Deux paquebots partent aujourd'hui pour l'Extrême-
Orient. Ce sont le Cheribou, de la Compagnie nationale,
allant au Tonkin avec une cinquantaine de passa-
gers, dont le lieutenant-colonel Heiligenmeyer, de l'in-
fanterie de marine, deux chefs de bataillon, cinq capi-
taines, deux lieutenants, trois sous-lieutenants de la
même arme.
Le chargement du Cheribou se compose surtout de
liquides, mais ausside 400 tonnes de nfatériel d'artille-
rie et de munitions pour le Tonkin, plus une vingtaine
de cages de pigeons-voyageurs.
L'autre paquebot est le Melbourne, courrier de l'Indo-
Chine et du Japon, avec une centaine de passagers,
dont Charles Brooke, le fils du fondateur du sultanat
de Sarawack, le général Coronnat, effectuant sa tour-
née d'inspection en Cochinchine et au Tonkin, Legay,
trésorier général aux Indes françaises, Lioutet, prési-
dent de la cour de Pondichéry, Klobukowski, consul
de France à Yokohama, et Mme Sieh, femme de l'am-
bassadeur de Chine à Londres.
Le Melbourne, dont le chargement est complet, em-
porte des pièces métalliques pour la construction d'un
phare et 600 tuyaux de fonte pour la canalisation des
eaux potables à Saïgon.
LES FUNÉRAILLES DE KOSSUTH
(Dépéches de notre correspondant particulier]
Budapest, 1er avril, 8 heures.
Une foule immense a stationné, durant la journée
et une partio de la nuit, autour du Musée national
pour défiler devant le cercueil de Kossuth. Le corps
de Kossuth n'est d'ailleurs pas exposé, la figure
ayant été très altérée par l'embaumement.
Beaucoup de monde également a assisté au ser-
vice et à l'enterrement de la femme et de la fille de
Kossuth.
On remarquait dans l'assistance beaucoup de dé-
putés, de délégués de diverses associations politi-
ques et de dames en grand deuil. p
Les couronnes étaient nombreuses et magnifiques.
Après la bénédiction, donnée par un pasteur évan-
gélique, les cercueils ont été placés sur deux chars
funèbres attelés chacun do quatre chevaux, et con-
duits au cimetière au milieu d'une foule immense
qui formait la haie.
Aucun discours n'a été prononcé sur la tombe.
Budapest, 1" avril, 8 h. 15.
Les députations de la province sont arrivées en
masse apportant d'innombrables couronnes de
fleurs. On estime à plusieurs centaines de mille les
personnes qui assisteront aux funérailles de Kos-
suth.
La journée d'hier s'est passée tranquillement,
sauf de nombreux accidents qui se sont produits à
la suite de bousculades aux alentours du Musée. On
espère que tout se passera également avec calme
demain. Bien des personnes ne sont pas sans appré-
ses conflits de passion qui se heurtent, ne re-
nouvelle-t-elle pas à chaque instant la curiosité,
ne tient-elle pas d'un bout à l'autre l'attention en
haleine? Apparemment, puisque depuis tant
d'années, tant de publics composés de gens qui
ne vont pas chercher midi à quatorze heures,
s'attendrissent, rient et battent des mains, en
dépit de vos critiques chagrines. Qu'est-ce que
ça me fait à moi que ce ne soit pas là le vrai Phi-
lippe II ? C'est un roi, à qui la religion fait une
loi de détester les juifs et qui se trouve aimer
passionnément une juive, voilà tout. Je vou-
drais plus sans doute dans un drame d'histoire;
je voudrais autre chose, tout au moins. Mais
c'est ici une comédie de genre, un vaudeville, si
vous préférez ce terme.Vous n'aimez pas le vau-
deville à la bonne heure Les goûts sont libres.
Mais n'allez pas répétant partout et sur tous les
tons que le public ne l'aime pas. Il l'a dans l'os,
au contraire, le public français. Faites-un tour
à l'Odéon, et vous m'en direz des nouvelles.
Don Juan d'Autriche n'y est pas joué d'une
façon supérieure. On abat trop de besogne à
l'Odéon pour que cette besogne soit toujours
bien finie et perlée. Il faut bien, quand on remet
tous les quinze jours à la scène une grande œu-
vre du répertoire (sans parler des pièces en
cours), il faut bien se contenter d'à-peu-près.
Ces à-peu-près sont plus que suffisants. Ces
jeunes gens ont, à défaut d'expérience et d'ac-
quis, une merveilleuse .ardeur et une bonne vo-
lonté infatigable.
C'est Albert Lambert qui joue Charles-Quint.
Je profite de l'occasion pour annoncerau public
un volume de lui qui vient de paraître sous ce
titre Sur les planches. Quelques chapitres en
avaient déjà été publiés dans la Revue d'art dra-
matique. Ce sont, à mon avis, les plus intéres-
sants, ceux que le savant comédien a consacrés à
l'art complexe et délicat de la mise en scène. Au
reste, jesuis convaincu que, quand Albert Lam-
bert mais ce temps est encore loin sera
fatigué d'apprendre et de jouer des rôles pour
son compte, il acceptera dans un grand théâtre
des fonctions de régisseur général, à moins
qu'il ne devienne directeur à son tour. Ce qui
m'ennuie de vieillir, c'est que je ne verrai plus
se réaliser mes prédictions. J'en ai tant vu qui
sont devenues des réalités! Car je peux bien le
dire il n'y a guère d'artistes en possession de
la faveur publique, dont je n'aie prédit et accom-
pagné les succès. Je me suis trompé quelque-
fois, pas si souvent qu'on l'a bien voulu dire.
Qui ne se trompe jamais? Albert Lambert a été
très bon dans frère Arsène. J'aurais souhaité
une nuance de mélancolie superbe.
A. DODDS.
hensions. On craint des manifestations violentes
devant les édifices royaux qui n'ont pas arboré de
drapeaux.
Les fils de Kossuth, dans l'intérêt du maintien da
l'ordre, ont publié un avis priant les habitants de
s'abstenir demain de toute démonstration.
On mande d'Agram lue les Croates se proposent
de faire une manifestation antimagyare le jour des
funérailles de Kossuth en déposant une couronna
sur le monument de Jellachich, ennemi mortel de
Kossuth et resté célèbre par la vigueur qu'il dé.
ploya à la tête des troupes impériales contre lea
volontaires hongrois de 1818.
O»i
LE CONCRÈS POÉDICAL A ROUIE
Les sections du congrès, réunies à la polyclinique
se sont occupées hier, de huit heures du matin à
trois heures de l'après-midi, de l'examen des nom-
breux mémoires présentés.
On a beaucoup remarqué le rapport du docteur
Cornil sur les modifications des cellules dans le can-
cer.
Le docteur Hallopeau a présenté une étude sur
les suppurations, et le docteur Tison sur un nouvel
anesthésique local suffisant pour les opérations de
petite chirurgie.
La deuxième séance générale a eu lieu à quatre
heures du soir à l'Eldorado. Ont pris la parole, M.
Foster, de Cambridge, sur l'organisation de la
science Nothnagel, de Vienne, sur l'adaptation de
l'organisme aux modifications pathologiques Laa-
che, de Christiania, sur l'hypertrophie idiopathique
du cœur et dégénérescence du muscle cardiaque.
Le roi et la reine ont visité longuement, de trois
heures à six heures, l'exposition de médecine et
d'hygiène où se trouvaient réunies la plupart des
congressistes. Ils ont visité particulièrement les ba-
raques de l'hôpital militaire allemand.
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
(DÉPÊCHES HA.VAS ET RENSEIGNEMENTS PARTICULIERS)
Alsaoe-Lorraine
Le prince Louis-Clovis de Hohenlohe-Schillings-
fürst, statthalter de l'Alsace-Lorraine, a célébré,
hier, le soixante-quinzième anniversaire de sa nais-
sance.
Allemagne
C'est aujourd'hui que le prince Bismarck célèbre
le soixante-dix-neuvième anniversaire de sa nais-
sance.
Quatre-vingt-trois membres des groupes des con.
servateurs et des conservateurs libres du Reichstag
ont envoyé une adresse de félicitations au prince.
Des adresses lui ont été également envoyées par
les municipalités ou par des associations diverses
des villes de Cologne, Dusseldorf, Halle, Iéna, etc., etc.
Hier soir, ses amis de Friedrichsruh, de Ham-
bourg et des environs, au nombre de trois mille, lui
ont donné, dans le parc du château, le spectacle
d'une imposante retraite aux flambeaux. Efe défilé a
duré près d'une heure; l'ex-chancelier, la princesse
Bismarck, les comtes Herbert et Guillaume, un cer-
tain nombre d'autres membres de la famille et
d'amis y ont assisté, placés aux fenêtres du châ-
teau.
Les membres du comité qui avait soutenu la can-
didature du prince aux dernières élections pour le
Reichstag sont entrés au château pour saluer leur
représentant. Le président du comité, M. Wœr-
mann, a prononcé une allocution dans laquelle il a
exprimé la joie que ressentent les amis du châtelain
de Friedrichsruh en constatant qu'il a recouvré sa
santé et toutes ses forces. L'orateur a ensuite fait
allusion à la réconciliation de M. de Bismarck et de
l'empereur.
M. de Bismarck a répondu •̃̃̃
J'ai l'impression que, depuis que l'ai quitté mes fono<
tions, les sentiments de bienveillance à mon égard
n'ont pas diminué, mais qu'ils se sont accrus, au con.
traire, d'année en année. C'est un fait sans précédent
dans le monde politique qu'un ministre qui a démis-
sionné il y a quatre ans soit honoré par des particu-
liers comme je le suis en ce moment.
Je suis entré en fonctions à une époque favorable
mais ce n'est pas moi tout seul qui ai fait l'unité; il
m'a fallu pour cela la bienveillance de mes compa-
triotes. Cette bienveillance a fait naître chez moi un
sentiment réciproque. Je ressentirai toujours les
joies et les peines des Allemands comme les miennes
propres.
Quand la première des cités commerçantes de l'Al-
lemagne est prospère, l'Allemagne entière est pros-
père. Je porte un hoch à la prospérité de la ville de
Hambourg.
Après la retraite aux flambeaux, le prince a reçu
des délégations de plusieurs écoles polytechniques.
g e P PY 4
La Post apprend qu'il est arrivé, il y a quelques
jours, au ministère des affaires étrangères de Ber-
lin, une malle contenant les papiers laissés par
Emin pacha, entre autres le journal tenu par lui
ainsi que des observations scientifiques. Le journal
va du 15 octobre 1874 au 2 décembre 1889.
Autriche-Hongrie
L'arrangement commercial provisoire conclu en-
tre l'Autriche et la Russie entre en vigueur demain
lundi. Il durera jusqu'au 1" juillet (vieux style) et
pendant ce temps on formulera le nouveau traité de
commerce d'une manière définitive.
La Russie n'accorde pas à l' Autriche-Hongrie les
avantages particuliers qu'elle avait concédés à la
Norvège et qui manquent également dans le traité
russo-ailemand.
L'Autriche-Hongrie, de son côté, n'accorde pas à
la Russie les avantages concédés à la Serbie en ce
qui concerne les blés et à la Roumanie en ce qui
concerne le pétrole. Dans le cas où l'Autriche
accorderait ces concessions à un Etat autre que la
Serbie ou la Roumanie, la Russie devra également
en profiter.
La Russie déclare ne vouloir modifier en rien,
pendant la durée du traité, toutes les réductions do
Don Juan, c'était Fénoux, qui porte dans
ce rôle ses qualités ordinaires d'élégance et
de bien dire. Je voudrais plus de fierté juvénile
et plus de feu don Juan, c'est un jeune coq,
droit sur ses ergots, le plumage hérissé, et
lançant à toute volée son cocorico vainqueur.
Il fait (dans la conception du drame et dans l'i-
dée du poète) opposition avec le sévère Phi-
lippe II, qui brûle peut-être d'une flamme plus
intense, mais qui est forcé par la majesté royale
d'en amortir les éclats. Philippe II se raiditdans
sa dignité, don Juan a l'exubérance d'un jeune
échappé de collège. Il faut que le contraste soit
fortement accusé par les deux interprètes. Ni
Rameau, qui jouait Philippe II, ni Fénoux, qui
était chargé du personnage de don Juan, ne
semblent s'être mis en peine de marquer cette
opposition.
La pièce n'est pas encore, comme on dit en
style de théâtre, fondue. Ils n'ont pas assez sou.
vent répété ensemble. Je crois que Marck, sé-
duit par le succès de la première, a l'idée da
donner quelques représentations de Don Juan
d'Autriche en attendant que la pièce nouvelle de
M. Léon Lavedan, qui doit terminer la saison,
soit prête et au point. Ce ne serait pas là une
mauvaise combinaison. Les acteurs ne sont
assis dans leurs rôles, ils ne les ont dans les
jambes et dans la mâchoire qu'après les avoir
joués plusieurs fois de suite.
Mlle Wissocq est très gentille dans le rôle de
Pablo. C'est à peine si j'ose lui en faire compli-
ment il est si facile, il est si brillant 1 Tous les
ans jadis on nous jouait au Conservatoire la
scène du moinillon au couvent de Saint-Just;
c'était pour l'ingénue comique un succès as-
suré. Mlle Dux déploie, pour jouer dona Clo.
rinde, les ressources de sa voix magnifique. Ce
qui lui manque encore, en dehors de son visage
que la nature n'a pas fait tragique, c'est le foyer,
ou, comme on disait sous la Restauration, le
peclus. Elle ne se livre pas assez.
Eh mademoiselle, criait Voltaire à une
jeune actrice qui disait paisiblement la tirade
d'une femme abandonnée et jalouse, que feriez-
vous si votre amant vous quittait?
Moi, répondit l'aimable enfant, j'en pren-
drais un autre.
Mlle Dux a l'air d'être indifférente aux éclata
de passion qui s'échappent de ses lèvres. Quelle
actrice elle pourrait être si elle s'animait un
peu 1 Elle a reçu de la nature des dons admi-
rables. Mlle Dunoyer joue la vieille Dorothée
avec sa franchise de voix accoutumée, qu'elle
mouille pour cette fois de pitié et de tendresse*
LUNDI 2 AVRIL 1894
TRENTE-QUA'l'RIEN1E ANNEE. N* 1WB8
PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS. Trois mois, 14 fr.; Six mois, 28 fr.; Un an, 56 fr.
DBPU & ALSAOE-LORRAINE 17 fr.; 34 fr.; 68 fr.
-UNION POSTALE. 18 fr.; 36 fr.; 72 fr.
AUTRES PAYS. 23 fr.; 46 fr.; 92fr.
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1" ET 16 DE CHAQUE MOIS V;
Un numéro (départements) 20 centimes
ANNONCES: MM. Lagrange, CERF ET C, 8, place de la Bourse
le Journal et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant à leur teneur
éâdrtssc tiligraphiqut TEMPS PABIS
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mIg Trois mois, 14 fr. Six mois, 28 fr. Ur u, 56 te
DBP'« s'ÀLSAOt-LÔRRÂiNE 17 fr.; ¡ 34 fr.; 68 fc
UNION POSTALE. 18 fr.; 36 fr.; V2fe
JOTRES PAYS. 23fr.; 46fr.; 32 Vu
LES ABONNEMENTS DATENT DES I" ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (à Paris) 15» centimes
Directeur politique Adrien Hébrard
Joutes les lettres destinées à. la Rédaction doivent être adressées au Directeur
ifi Journal ne répond pas des articles non insérés
PARIS, 1" AVRIL
BULLETIN DU JOUR
&ÈOONOII.IATION ,>
T.fl r»anpma<«îr oat enfin *ontr<5 dans la légalité
constitutionnelle. Le budget a été voté pour la
première fois depuis bien des années. Pour la
première fois depuis bien des années, les im-
pôts seront levés et les dépenses de l'Etat ordon-
nées autrement que par un simple décret royal.
C'est- donc tout ensemble le retour à l'ordre lé-
gal et le rétablissement des relations normales
entre le gouvernement et la représentation na-
tionale.
Certes, le Danemark n'est pas le premier
pays où se soit déchaîné, en dépit de la consti-
tution ou, si l'on aime mieux, en vertu d'une
clause contradictoire de cet instrument, un pa- .1
reil conflit. La Prusse, de 1862 à 1866, a fourni
un assez bel exemple de ces luttes acharnées
entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif
et l'on ne saurait oublier que c'est à cette occa-
sion que l'on fit venir de l'étranger, où il était
ambassadeur, M. de Bismarck pour jouer les
Estrup, c'est-à-dire pour défendre la préroga-
tive royale, fût-ce au prix d'un coup d'Etat.
Mais d'abord cette guerre civile morale le
mot n'est pas trop fort a duré au Danemark
infiniment plus longtemps qu'en Prusse ce
qui. prouve, dans un certain sens, en faveur de
l'esprit pacifique et légal du peuple danois,
puisque chez toute autre nation un conflit si indé-
finiment prolongé se serait fatalement exaspéré
et aurait dégénéré en recours brutal à la force
de l'un ou l'autre côté. Et puis, en Prusse, il n'a
fallu rien moins qu'un Sadowa pour rétablir la
paix, tandis que chez les sujets du roi Christian
«'est spontanément, par une évolution interne,
que les partis en sont venus à s'entendre.
Cette dernière différence est importante. En
Prusse, en effet, le conflit s'est bien nominale-
ment clos par une sorte de bill d'indemnité que
M. de Bismarck a demandé aux Chambres pour
avoir substitué au budget voté de quatre exer-
cices un décret royal; mais, dans la réalité, c'est
le pouvoir législatif, ébloui et écrasé par le
triomphe de Sadowa, qui s'est incliné bien bas,
jusque dans la poussière, devant le pouvoir
exécutif et qui a désormais et jusqu'à la chute
du premier chancelier, un quart de siècle plus
tard, observé à son égard une attitude de ti-
mide déférence dont les nationaux-libéraux ont
encore trouvé le moyen de reculer les bornes.
A Copenhague, rien de semblable. Ce n'est pas
dans une apothéose que le ministère Estrup se
réconcilie avec ses adversaires. C'est tout sim-
plement l'acte de bons citoyens, las d'une lutte
obstinée, convaincus que le bien du pays ne
saurait être dans l'éternisation d'une querelle
de ce genre, sincèrement désireux de ramener
le gouvernement à la pratique du régime cons-
titutionnel.
Dans ces conditions, il n'y a ni vainqueurs ni
vaincus. Les modérés des deux côtés l'ont em-
porté. Il est probable que c'est sur la base du
projet Steffensen que s'est fait l'accord. Le bud-
et militaire a donc reçu la sanction du vote des
Chambres, mais en même temps il a été apporté
certains adoucissements à ce qu'il avait d'exa-
géré. C'est la raison et le patriotisme qui ont
inspiré ce compromis il faut donc en féliciter
le Danemark.
En dehors même du bon exemple que donne
ce petit pays en terminant pacifiquement un
conflit aussi grave et en démontrant qu'il est
possible de soutenir une querelle de cet ordre
sans recourir soit aux coups d'Etat, |soit à la ré-
volution, l'Europe ne peut qu'être satisfaite de
cette solution au point de vue international. Il
était regrettable que des scrupules, assurément
dignes de respect, mais sûrement exagérés,
eussent si longtemps entravé la mise à exécu-
tion des plans qui doivent garantir l'indépen-
dance du Danemark.
Primum vivere, deinde philosophari les li-
béraux danois avaient paru un peu oublier ce
sage dicton. A cette heure, il va être possible
de pourvoir à toutes les nécessités de la défense
nationale avec l'approbation du Parlement et
dans les limites de la Constitution. C'est un
grand bienfait, et les auteurs de la réconcilia-
tion qui a déjà eu ce premier résultat moral
ont bien droit, en dehors du témoignage de leur
conscience, aux applaudissements des bons
« citoyens d'Europe », si cette catégorie existe
toujours.
-♦-
J" DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
IDES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Vienne, 1" avril,"? h. 20.
Le congrès socialiste a terminé ses travaux hier.
En conformité avec le principe adopté dans une
précédente séance de refuser toute coopération avec
îes partis politiques bourgeois quels qu'ils soient, le
congrès a refusé d'envoyer des délégués au congrès
pour la protection des ouvriers, qui se tiendra à
Zurich en août et réunira des adhérents des diffé-
rents partis non socialistes.
Le congrès a voté une résolution en vertu de la-
quelle les socialistes doivent prendre part à toutes
les élections, non seulement politiques, mais com-
»
jçEuiLïLiEToitf ou ©emps
DU 2 AVRIL 1894
«r
̃ CHRONIQUETHÉATRALE
> ̃
'A l'Odéon, reprise de Don Juan d'Autriche, comédie en
cinq actes, de Casimir Delavigne. A la Porte-
Saint-Martin, Monte-Cristo, d'Alexandre Dumas et Au-
'• guste Maquet. Aux Folies-Dramatiques, reprise
des SS jours de Clairette. Au Théâtre de la Républi-
que, reprise de la Closerie des Genêts.– Au théâtre des
Menus-Plaisirs, reprise de Mademoiselle ma femme,
opérette en trois actes, de MM. Ordonneau et Octave
« Pradels, musique de M. Toulmouche.
L'Odéon a remis à la scène, pour ses lundis
classiques, le Don Juan d'Autriche, de Casimir
Delavigne. J'y ai couru; c'était moins pour voir
la pièce elle-même, dont le souvenir m'était
bien présent, que pour examiner la contenance
du public.
Il y a trente-cinq ou quarante ans, lorsque
j'entrais dans la critique, Don Juan d'Autriche
était une des pièces avec lesquelles, au Théâtre-
Français, on était sûr le dimanche de faire une
grosse recette. Ce n'est pas qu'on ne la jouât en
semaine; car, à cette époque, elle figurait au
répertoire courant. Mais vous savez que le pu-
blic du dimanche est où* plutôt était un public
r particulier, qui avait ses préférences et qu'il fal-
lait servir seloji ses goûts. On lui donnait plus
volontiers le Mariage de Figaro, Don Juand Au-
triche et, plus tard, quand Ponsard eut porté sa
pièce à la Comédie, l'Honneur et l'Argent. C'é-
tait un brave et bon public de petite bourgeoi-
sie, celui qui au théâtre ne va point chercher
des curiosités de psychologie ou des raffine-
ments de style, mais qui se plaît aux sentiments
généraux exprimés dans une langue claire, sous
une forme dramatique, qui se laisse, comme di-
sait Molière, prendre par les entrailles.
Don Juan d'Autriche a depuis longtemps dis-
paru de l'affiche du Théâtre-Français; la der-
nière reprise qui en a été faite, et sans grand
succès, date de 1885; il est maintenant admis,
parmi les jeunes gens de la génération nou-
velle, que la pièce de Casimir Delavigne est
aussi démodée, aussi vieux jeu que l'auteur lui-
même; leur excuse, c'est qu'ils ne l'ont pas lue;
c'est qu'ils ne connaissent peut-être Casimir De-
lavigne que par le sixain légendaire de Fernand j
munales. Ils doivent s'efforcer également d'organi-
ser une propagande efficace parmi les paysans.
Grenoble, 1er avril, midi et demi.
M. Antonin Dubost, garde des sceaux et président
du conseil général de l'Isère, qui doit présider cet
après-midi l'inauguration d'un hospice de vieillards
à la Tronche, est arrivé à Grenoble aujourd'hui, à
onze heures cinquante-cinq. a
Le ministre de la justice a été reçu par le préfet
de l'Isère, le maire de Grenoble, le conseil munici-
pal, la commission administrative des hospices, M.
Vogeli,- député, et un cèrtain nombre de oonscillers
généraux et de magistrats.
(Service Ilavas)
Saint-Pétersbourg, 1er avril.
Le Nouveau Temps et les Novosti constatent les dispo-
sitions unanimement pacifiques des gouvernements
européens. Ils se félicitent de la preuve de sympathie
que l'empereur d'Autriche a donnée à la France en oc-
troyant à M. Carnot l'ordre de Saint-Etienne.
Les Novosti ajoutent que, dans de semblables circon-
stances, l'entrevue d'Abbazzia ne peut qu'affermir l'es-
poir du maintien de la paix européenne.
M. de Mohrenheim est encore malade à Saint-Péter-
sbourg. La date de son retour à Paris n'est pas fixée.
Madrid, lor avril.
Le traité de commerce entre la Belgique a été
signé ad référendum par les plénipotentiaires. Il sera
soumis ultérieurement aux Cortès espagnoles.
Vichy, 1" avril.
Une manifestation franco-russe a lieu aujourd'hui.
La municipalité expose sur la place de l'hôtel de
ville un bronze d'art de Moubut, sculpteur, offert par la
ville au tsar.
Un registre contenant une adresse à l'empereur de
Russie se couvre de signatures.
La mairie est brillamment pavoisée.
Bordeaux, 1" avril.
Le Journal officiel des établissements du^Bénin, distri-
bué ce matin à Bordeaux, contient
1° La déclaration du général Dodds acceptant la sou-
mission des princes, des cabécères, des chefs et des
habitants du Dahomey, et indiquant la délimitation des
contrées placées sous le protectorat de la France, et
celles qui constituent les royaumes d'Abomey et d'Al-
lada
2° Les procès-verbaux de la proclamation d'Ago li
Agbo comme roi d'Abomey et de la reconnaissance de
Gi-Gla-Dou-Gbé-Nou-Maou, comme roi d'Allada;
3° Le règlement concernant le recrutement des gar-
des civils du Bénin;
4° Un ordre général concernant les remerciements
du général Dodds au bataillon de marche d'infanterie
légère d'Afrique, qui quitte le Dahomey où, pendant
un an, il a rendu des services très appréciés.
(Agence nationale)
Rome, lor avril.
Le questeur de Florence est appelé à la questure de
Rome. M. Marchionni, qu'il remplace, n'a encore reçu
aucune fonction. On attribue cette disgrâce à l'affaire
de la bombe de Montecitorio, dont l'auteur est resté
inconnu. On parle également, et pour la même raison,
du déplacement du juge d'instruction Caprioli.
Rome, lor avril.
On vient de publier la statistique du mouvement
commercial pour l'année écoulée. Il résulte de ce do-
cument que les importations se sont élevées au chiffre
de 1,190,148,000 lires, soit 16,756,218 lires de plus que
l'année précédente.
L'exportation s'élève à 964,124,348 lires, soit une aug-
mentation d'environ 6 millions sur l'année précédente.
♦
ÉLECTIONS SÉNATORIALES DU Ier AVRIL
MEUSE
Inscrits 848. Votants 844
MM. Buvignier, député, rép. 451 Elu.
Depautaine, r6p. 216
Thonin, candidat agricole, 171
Il s agissait de remplacer M. Schœlcher, sénateur
inamovible, dont le siège a été attribué à ce départe-
ment.
VAUCLUSE
Inscrits 442. Votants 437
MM. J. Gaillard, ancien député, rép. 115 voix
Valayer. 86
Tatilier 76
Capty, maire d'Orange, rép. 71
Poncet, anc. maire d Avignoti, rép.. 44
Guibert, conseiller général, rép 37
Divers. 8
Il y a lieu à un second tour de scrutin.
Il s'agissait de remplacer M. Gent, républicain, dé-
cédé, qui avait été élu le 4 janvier 1891 par 352 voix,
en môme temps que M. Guérin qui en obtenait 417.
TACTIQUE DANGEREUSE
L'appel du « comité ouvrier catholique » de
Brest, dont nous avons reproduit les passages
les plus caractéristiques, dénote un état d'es-
prit assez curieux. Sans doute, il reste dans la
tradition chrétienne en déclarant qu'une bonne
société doit toujours avoir pour base « la reli-
gion, la famille et la propriété ». Sans doute en-
core, il s'associe au mouvement général déter-
miné par les instructions multipliées du Saint-
Siège, en adhérant très catégoriquement à la
forme républicaine, mais combien est originale
sa façon de comprendre la République et de
soutenir la propriété!
Au point de vue politique il faut, paraît-il, con-
fondre dans une même réprobation non seule-
ment les socialistes révolutionnaires et les anar-
chistes, mais les divers partis républicains, op-
portunistes ou radicaux. « Nous les mettons
tous dans le même sac, dit le manifeste; ils sont
tous de la même famille. » Donc entre la secte
des dynamiteurs et les républicains de gouver-
nement qui s'efforcent de la frapper et de la ré-
duire à l'impuissance point de distinction. Dé-
fenseurs et destructeurs de l'ordre social méri-
tent les mêmes anathèmes et doivent être com-
®.a~
Desnoyers, qui sans doute ne l'avait pas lue
davantage.
J'étais bien aise devoir si, malgré les dédains
et les blagues dès-beaux esprits, Don Juan d'Au-
triche avait gardé son action sur ce même pu-
blic qui avait si longtemps fait sa fortune. Le
public des lundis classiques de l'Odéon est com-
posé à peu près des mêmes éléments que celui
qui se rendait le dimanche à la Comédie-Fran-
çaise. Eh bien 1 malgré la douceur exceptionnelle
de la température, quiinvitaitàrespirer au dehors
l'air frais du soir, la salle était comble. Et si vous
aviez vu comme elle s'est amusée, comme elle
a ri, comme elle a battu des mains! Savez-vous
bien qu'elle a rappelé les acteurs trois fois à
chaque acte; qu'après la chute du rideau, elle
est restée debout, applaudissant, redemandant
les artistes? J'avais en face de moi, dans une lo-
ge, le ministre de l'instruction publique, qui
avait eu, j'imagine, la fantaisie de se rafraîchir
la mémoire d'une de ses vieilles admirations; il
regardait d'un air bienveillant ce débordement
d'enthousiasme et mêlait avec un sourire ses bra-
vos à ceux du public. Pernand Desnoyers avait
décidément raison, quand il s'écriait
II est des morts qu'il faut qu'on tue
Ce prétendu mort est bien vivant, et sa pièce,
encore que démodée par endroits, m'a tout l'air
d'être en son ensemble plus jeune que tant
d'œuvres de soi-disant jeunes qui affectent de
la mépriser.
Ce qui en a le plus vieilli, c'est la partie mélo-
dramatique. L'inquisition et tout l'appareil de
vieille ferraille qu'elle évoque ne sauraient être
pris au sérieux aujourd'hui. J'inclinerais à pen-
ser que Casimir Delavigne n'y croyait pas lui-
même il n'avait d'autre idée, en prenant le
sombre Philippe II pour tête de turc, que de
flatter les rancunes et les préjugés des libéraux
de la monarchie de Juillet, qui avaient deux
bêtes noires Ignace de Loyola et saint Domini-
que. Il faisait œuvre de polémique, et ces œu-
vres-là ne sont pas de durée au théâtre. Il a fallu
en couper beaucoup; on a retranché le rôle du
grand inquisiteur qui apparaissait au cinquième
acte comme un croquemitaine jaillissant d'une
boîte à surprise et toute une bonne moitié de la
scène où don Quesada se traîne aux genoux du
roi d'Espagne. Ces suppressions remontent fort
loin; je ne me rappelle pas avoir vu représen-
ter l'ouvrage dans son intégrité.
C'est une comédie, une pure comédie, que
Casimir Delavigne a voulu écrire, sous le cou-
vert de noms historiques. L'édition de ses œu-
vres porte Don Juan d'Autriche, comédie. En
1874, la Porte-Saint-Martin eut l'idée de repren-
battus avec la même énergie. Est-ce donc là ce
que prescrivait Léon XIII quand il rendait hom-
mage, dans ses encycliques, aux hommes de
bonne volonté, aux esprits sages et fermes, fus-
sent-ils complètement étrangers à la foi catho-
lique ?
Mais c'est surtout au point de vue économi-
que et social que les rédacteurs du document
tiennent un langage significatif. L'organisation
actuelle, fondée par la Révolution de 1789, ne
leur dit rien qui vaille et il faut en poursuivre
la transformation. Que parle-t-on de liberté du
travail ? Cette soi-disant liberté n'est que « la li-
berté de la force contre la faiblesse ». Le patron
« profite de la misère de l'ouvrier pour lui im-
poser un salaire de famine ». Le comité veut tra-
vailler à la constitution de conseils de métier
qui trancheraient toutes les questions de salaire,
d'heures de travail, d'assurance, etc.
Remplacez ces « conseils de métier » parl'Etat
ou la commune et vous avez la doctrine collec-
tiviste la plus orthodoxe. Rien n'empêcherait
plus M. Jules Guesde de signer l'appel qui nous
occupe. Jamais, croyons-nous, le socialisme
chrétien n'avait marqué avec plus de naïve
hardiesse combien est mince l'intervalle qui le
sépare du socialisme tout court.
Sans nous attarder à montrer quel lien indis-
soluble rattache au droit de propriété la liberté
du travail et qu'on ne saurait conserver l'un en
supprimant l'autre, nous nous demandons à
quels mobiles peuvent bien obéir ceux qui s'ef-
forcent à propager de pareilles théories. Ne sem-
ble-t-il pas qu'un certain nombre de catholiques
aient conçu une stratégie nouvelle, consistant
à chercher du côté des masses ouvrières l'appui
et l'influence qui ont été perdus par ailleurs.
Entre eux et les agitateurs socialistes il y aurait
concurrence de promesses et de flatteries. Mais
c'est là un jeu bien dangereux et que dénonçait,
il y a quelque temps, avec beaucoup de fer-
meté, M. l'évêque d'Angers. « Ne flattons
pas, disait-il, ceux que nous voulons sau-
ver, n'excitons pas chez eux des espérances
que personne ne réalisera jamais et ne jetons
pas l'huile sur une flamme déjà si ardente. » A
coup sûr, les socialistes chrétiens ne veulent
pas de bouleversement violent; ils affirment
que leurs aspirations devront se réaliser « peu
à peu, avec des réformes pacifiques ». Mais
une fois les appétits déchaînés, est-on sûr de
pouvoir les gouverner, et quand on aura appris
aux ouvriers qu'ils peuvent, au nom même de
la religion, présenter certaines revendications,
n'est-il pas à redouter qu'ils ne se jettent tout
de suite aux extrêmes? Souvenons-nous de
cette lettre, dont nous avons publié ici même
des extraits, et où un grand industriel déclarait
qu'à la suite d'une certaine propagande les
meilleurs ouvriers tendaient à passer du socia-
lisme chrétien au socialisme révolutionnaire et
de celui-ci à l'anarchisme. « Ils sont trop sim-
ples, ajoutait-il, pour faire une différence entre
socialistes et anarçhistes, et comme ces der-
niers promettent davantage, tous se font anar-
chistes. »
Voilà l'évolution qui doit résulter fatalement
de la campagne dont nous parlons. Aux catho-
liques clairvoyants de réagir contre des impru-
dences dont la religion serait la première vic-
time. En s'associant aux déclamateurs socialis-
tes pour condamner une société qui n'est pas, à
leur gré, suffisamment chrétienne, certains
catholiques ne font-il pas songer à la fable du
cheval qui cherche à se venger du cerf? Prendre
• le socialisme pour auxiliaire c'est s'exposer
bientôt à la servitude sous le plus brutal, le plus
aveugle et le plus tyrannique des maîtres.
̃<>̃ •
On a vu que le juge de paix du 1" arrondissement
de Paris a condamné la Compagnie des omnibus
dans le petit procès engagé par un voyageur à qui
le conducteur d'un omnibus avait refusé sa >< cor-
respondance » pour la raison qu'elle était « périmée ».
La Compagnie des omnibus change, en effet, deux
ou trois fois par jour ses tickets de correspondance
elle espère éviter ainsi la petite fraude de gens qui par-
tiraient, dès le matin, à leurs affaires, auraient soin
de se munir d'une correspondance et retourneraient
chez eux l'après-midi, après sept ou huit heures d'in-
tervalle entre les deux voyages. Mais, d'autre part, il
peut très bien arriver qu'un voyageur ait reçu un
ticket de correspondance une ou deux minutes
avant le moment où la couleur des billets sera
changée. Si, après quelques instants d'attente à la
station, on lui objecte que son ticket n'est plus va-
lable, alors qu'il demande simplement à user de son
droit, le voyageur se plaint et il a parfaitement
raison de se plaindre.
Il y a donc dans cet usage, pourtant si commode,
de la correspondance, une source de conflits inces-
sants entre le public et la Compagnie des omnibus.
La compagnie n'a point tort de tâcher de défendre
ses recettes contre des voyageurs pou scrupuleux;
mais il peut arriver que sus précautions atteignent
et lèsent de braves gens qui n'avaient pas
fraudé le moins du monde. Voilà un litige inextri-
cable. On sera forcémnnt amené, semble-t-il, à sup-
primer toutes ces contestations délicates en suppri-
mant la cause qui les fait naitre. Il faudra renoncer
an système do la correspondance il n'y a pas,
d'ailleurs, d'autre moyen de résoudre la difficulté.
Naturellement, dans cette hypothèse, une diminu-
tion du prix des places à Vintérieur, dans les omni-
bus, devra être consentie par la compagnie à titre
dre la pièce et d'en faire un mélo. On accompa-
gna d'une musique sourde les entrées et les
sorties; il fut convenu qu'on annoncerait l'en-
trée du traître par une noire ritournelle de con-
trebasse, et que l'on marquerait d'un coup de
cymbales le point culminant d'une scène à effet.
C'était Taillade qui jouait Philippe II; et vous
pensez si, avec son jeu saccadé et nerveux, sa
voix nette et vibrante, il avait accusé les féroci-
tés du personnage; Mlle Patry avait déployé
dans le rôle de dona Clorinde les emportements
les plus farouches; en revanche Dumaine avait
fait de Charles-Quint au couvent de Saint-Just
un Jean desEntommeuresd'une bonhomie ronde
et joyeuse; et Mangin c'est lui qui faisait
Quesada non, vous n'imaginez pas la joie de
ce public des premières, quand elle vit ce con-
seiller de Charles-Quint, un vieillard qui avait
occupé les places les plus importantes de l'Etat,
et il. qui le poète avait donné toujours un lan-
gage élégant et noble, dire tout son rôle du ton
dont Lebel s'écriait autrefois «Encore une étoile
dans mon assiette »
En 1885, à la Comédie-Française, Don Juan
d'Autriche fut joué, comme il devait l'être, en
comédie. C'est Delaunay qui jouait don Juan il y
portait t sa légèreté et sa bonne grâce accoutum ées;
peut-être n'était-il pas assez impétueux il ra-
lentit le mouvement général de la pièce; Duflos,
qui faisait Philippe II, avait, en ce temps-là, un
défaut dont il lui reste quelque chose: c'était
une diction trop appuyée et monotone; il faisait
un sort à tous les mots. Mlle Tholer, qui était
fort jolie et toute gracieuse, manqua d'énergie et
d'emportement dans le rôle de dona Clorinde, où
Mme Favart avait été admirable. Il n'y eut,
d'ailleurs, dans cette distribution, que Thiron
qui rendit à merveille les terreurs du pauvre
Quesada. Cette interprétation, qui n'était pas de
premier ordre, explique la réserve avec laquelle
fut accueillie la reprise d'un ouvrage qui avait
contre lui le préjugé du public, j'entends dupu-
blic de la Comédie-Française, et notamment de
celui des mardistes et des jeudistes.
On ne voulait plus d'un genre qui avait eu
ses beaux jours de 1828 a 1850, la comédie his-
torique. 11 consistait à jeter des personnages cé-
lèbres dans l'intrigue d'une comédie de genre,
Bertrand et Bâton, le Verre d'eau, Don Juan
d'A ulriche sont les chefs-d'œuvre de ce genre,
qui est fort amusant, quand on ne lui demande
pas autre chose que ce qu'il entend donner. Il
est clair que, si vous allez comparer le Boling-
broke et la reine Anne du Verre d'eau aux per-
sonnages qui, dans l'histoire vraie, ont porté
ces noms, il y aura un déchet terrible. Mais
de compensation pour le public. Et nous parlons
seulement des places à Vintérieur, parce que la
suppression de la correspondance ne touchera point
les voyageurs de l'impériale. Ceux-ci, en effet, sont
obligés actuellement de payer 0 fr. 30 au lieu de
Ofr. 15, s'ils veulent avoir une correspondance; sans
correspondance ils auraient à payer deux fois Ofr. 15
s'ils avaient à user de deux omnibus pour leur tra-
jet. Leur situation ne serait donc pas modifiée. Tan-
dis que les voyageurs de l'intérieur verraient leurs
dépenses doublées si l'on n'abaissait, dans une cer-
taine proportion, d'un tiers par exemple le
prix des places.
La compagnie qui retrouverait, par la suppres-
sion de la correspondance, des recettes certaines,
consentirait, sans aucun doute, à cette modification
de son tarif. Et le public de l'intérieur, qui payerait
10 centimes de plus les voyages compliqués, mais
10 centimes de moins les voyages simples, trouve-
rait largement son compte à cette petite réforme.
-0
SAGES CONSEILS
Si quelques voix'se sont élevées, dans l'épis-
copat français, pour protester avec véhémence
contre la législation nouvelle des fabriques, il
faut reconnaître que la grande majorité des
évoques ont gardé, en cette circonstance, une
parfaite réserve. Quelques-uns même, et non
des moins considérables par l'autorité et le ta-
lent, n'ont pas hésité à déclarer publiquement
que ce serait là un mauvais prétexte pour partir
en guerre contre la société civile. On se sou-
vient, en outre, de l'attitude récemment prise, à
la Chambre, par Mgr d'Hulst. Aux yeux de
l'honorable député, la question des fabriques ne
justifiait pas, de la part des catholiques, un
vote hostile contre le cabinet. Aux conseils de
prudence et de modération déjà donnés sur
cette délicate matière, nous pouvons joindre
aujourd'hui les excellentes instructions conte-
nues dans une lettre adressée aux curés de son
diocèse par l'archevêque de Cambrai.
Sans doute, le prélat n'est point partisan de
la réglementation nouvelle, et il a soumis dès le
début de l'année aux ministères des cultes et à
la nonciature ses doléances et ses réclamations;
mais il n'a pas jugé à propos d'en saisir le pu-
blic, et, s'il ne l'a point fait, « c'est peut-être,
dit-il, parce qu'un certain nombre de nos dio-
césains se sont empressés de le faire, à grand
bruit, en notre lieu et place, sans nous avoir
demandé ni autorisation ni conseil ».
Au surplus, l'auteur de la lettre estime que,
pour le moment, le plus expédient est non de
protester, mais d'en venir « à une action pra-
tique, régulière et rationnelle ».
Il s'agit, en effet, dit-il, pour les conseils de fabri-
que, de prévoir, de préparer et d'établir leur situation
réelle pour l'année prochaine, en préparant et en éta-
blissant un budget qui puisse être accepté par l'auto-
rité civile.
Ce budget sera la base nécessaire et le point de dé-
part inévitable de toutes leurs opérations ultérieures.
Sans ce budget accepté, les conseils de fabrique se
trouveraient exposés aux embarras et aux difficultés
les plus graves dans la gestion des intérêts temporels
des paroisses; ils doivent donc se considérer comme
en un poste d'honneur, en face de dangers sérieux; et
nous-mêmes nous les considérons, non pas seulement
comme les utiles auxiliaires de notre clergé, mais
comme les défenseurs nécessaires de l'organisation
paroissiale.
Il exhorte ensuite les curés à mettre au ser-
vice des fabriciens les lumières de leur expé-
rience personnelle et à leur prêter, en toute cir-
constance, le concours le plus empressé
Grâce à cette bonne entente, ajoute-t-il, à cette union
pour supporter le travail nécessaire, les opérations
de recettes et de dépenses se présenteront à l'apure-
ment officiel, non seulement dans les conditions d'une
loyauté parfaite, mais encore sous le couvert des jus-
tifications les plus irréprochables. Elles ne craindront
pas d'affronter l'examen le plus méticuleux et n'auront
qu'à lui demander d'être lui-même loyal.
On ne saurait trop approuver, croyons-nous,
la sagesse de ces recommandations. Ce n'cst
jamais en jetant feu et flammes, en criant à la
persécution et à la tyrannie, que les représen-
tants de l'Eglise sauvegardent le mieux ses inté-
rêts. S'il y a, dans la législation nouvelle, cer~
taines imperfections et certains abus, c'est seu-
lement dans la pratique et, pour ainsi dire, à
l'user, qu'ils pourront se révéler avec évidence.
Et les membres de l'épiscopat auront d'autant
plus de chances de faire reconnaître par le gou-
vernement et les Chambres le bien fondé de
leurs griefs qu'ils auront apporté plus de
bonne volonté dans la soumission nécessaire
à la loi, plus d'exactitude dans son application,
plus de mesure dans l'exposé des inconvénients
que l'expérience pourra signaler. L'état d'esprit
que dénote la lettre de l'archevêque de Cam-
brai est, en tout cas, celui qui semble le mieux
répondre aux instructions réitérées du Vati-
can et c'est aussi celui qui peut le mieux ser-
vir la cause de la réconciliation nationale à la-
quelle sont attachés tous les bons citoyens.
AFFAIRES COLONIALES
Bénin
Au moment où le bataillon de marche d'infanterie
est-ce que l'auteur a affiché la prétention de faire
au théâtre un cours d'histoire? II a prétendu
simplement mettre sous forme dramatique cette
idée générale, qui est vieille comme le monde,
que les plus grands événements sont quelque-
fois produits par les- plus petites causes c'est
l'idée que Pascal a formulée dans une phrase si
pittoresque. « Cromwell allait ravager toute la
chrétienté; la famille royale était perdue, et la
sienne à jamais puissante, sans un petit grain
de sable qui se mit dans son urèthre. Rome
même allait trembler sous lui; mais, ce petit
gravier s'étant mis là, il est mort, sa famille
abaissée, tout en paix et lé roi rétabli. » Ce petit
grain de sable, c'est le Verre d'eau, de Scribe,
qui en a fait un grand vaudeville. Pourquoi exi-
ger d'un vaudeville que les personnages qu'il
met en jeu soient conformes à la vérité histori-
que ? Est-ce que c'est son affaire? Est-ce qu'il
vous a promis rien de pareil?
Don Juan d'Autriche, c'est la lutte de deux
jeunes gens qui aiment une même femme, l'un
roi, l'autre bâtard qui n'a que la cape et l'épée. Ce
bâtard est le fils de Charles-Quint. C'est qu'au
cinquième acte l'auteur aura besoin pour sortir
de l'impasse où son action l'aura acculée de
l'intervention d'un dieu, et ce dieu sera Charles-
Quint, qui fera le dénouement. La femme est
une juive et le roi est Philippe Il; vous imagi-
nez-vous que ce soit pour étudier, comme on
dit aujourd'hui, l'état d'âme de l'Espagne ca-
tholique à cette époque, que l'auteur a pris pour
héros Philippe II et a fait de doua Clorinde une
juive? C'esl qu'au moment d'être prise de force
par le roi qu'elle n'aime pas, elle l'arrêtera par ce
mot qui fera coup de théâtre « Je suis juive! » »
C'est qu'ensuite Philippe If reprendra ses avan-
tages, la menaçant du bûcher, si elle ne cède
point.
Et don Quesada, vous figurez-vous que, si Ca-
simir Delavigne a fait de ce conseiller de Char-
les-Quint un trembleur si plaisant, c'est qu'il
avait exhumé ce caractère d'une vieille chro-
nique ? Point du tout; c'est qu'au cinquième
acte, ce trembleur, sous le coup d'une émotion
vive, emporté par sa tendresse pour don Juan,
son fils adoptif, tiendra tête au roi, se jettera à
ses genoux, offrira sa vie; c'est que de ce con-
traste, jaillira une scène imprévue et pathéti-
que, qui se terminera par ce mot à effet
Relevez-vous, vieillard, vous êtes encore
tout pâle de votre courage I
Cela est-il émouvant? Oui, sans doute; eh
bien 1 que ne vous laissez-vous émouvoir, sans
chercher ce qui manque, ce qu'on ne s'était pas
engagé à vous donner Toute cette pièce avec
légère d'Afrique a quitté le Dahomey, on a lu l'or-
dre du jour suivant
Le bataillon de marche d'infanterie légère d'Afrique
quitte le Dahomey où, pendant un an, constamment
aux avant-postes il a rendu des services très appré-
ciés, grâce à l'activité et au dévouement du chef de ba-
taillon et des officiers.
Le général les remercie tous, et particulièrement le
commandant Chmitelin, du concours qu'ils ont apporté
à la conquête et à la pacification du pays.
Le lieutenant-colonel Mauduit, commandant le groupe
des bataillons du département de la guerre, quitte
également le corps expéditionnaire.
Cet officier supérieur, resté pendant presque tout son
séjour colonial dans le haut Dahomey, et en présence
des avant-postes d'un ennemi actif et vigilant, a été
l'un des plus précieux auxiliaires du commandant su-
périeur.
A Oumbégamé, le 10 septembre 1893.
Le général Dodds avait, le 9 janvier 1893, mis
sous séquestre les biens que les métis portugais,
Candido Rodriguez, Georges da Sonza, Innocentio
Sostrez, Alexandre da Silva, possédaient à Ouidah.
Ces indigènes, serviteurs de Behanzin, avaient ac-
compagné le souverain dans sa fuite au pays
mahi.
Le général Dodds, considérant que la période de
guerre a pris fin par la reddition do Behanzin, a,
par un arrêt du 24 février dernier, rendu leurs biens
aux métis portugais.
On sait qu'un corps de garde civile indigène
doit concourir au maintien de l'ordre dans notre co-
lonie du Bénin avec le bataillon de tirailleurs
haoussas et une réserve de troupes métropolitaines.
Les gardes civils reçoivent, outre les objets d'ha-
billement et d'équipement, une solde journalière de
1 fr. 25. Les engagements sont de deux et quatre
ans. Ils donnent droit à une prime de 50 et de 100
francs suivant qu'il s'agit de l'une ou de l'autre
période. Cette prime est la môme pour les rengage-
ments, mais dans ce cas, le garde civil a droit à
une haute paye d'ancienneté qui varie suivant les
grades (simple garde, caporal ou. sergent) de 10 à
25 centimes par jour pour un rengagement de 2 ans
et de 20 à 50 centimes pour un rengagement de
4 ans. p nb~ gcmen
Notons que la solde de caporal est de 1 fr. 37 par
jour et celle de sergent do 1 fr. 85. Le milicien paye
sa nourriture. On voit combien de semblables
troupes, bien encadrées, peuvent allégories charges
militaires d'une colonie.
Congo français
M. J. Dybowski est arrivé hier à Bordeaux, sur
le paquebot Ville-de-Maceio, de retour d'un voyage
sur la côte du Congo français. Comme dans son
voyage précédent, M. Dybowski, dont on connait
les talents de naturaliste, a recueilli de nombreux
objets d'histoire naturelle qu'il destine au Muséum.
Il était accompagné de MM. Fontenilliat et Le-
hongre.
Indo-Chine
On nous télégraphie de Marseille
Deux paquebots partent aujourd'hui pour l'Extrême-
Orient. Ce sont le Cheribou, de la Compagnie nationale,
allant au Tonkin avec une cinquantaine de passa-
gers, dont le lieutenant-colonel Heiligenmeyer, de l'in-
fanterie de marine, deux chefs de bataillon, cinq capi-
taines, deux lieutenants, trois sous-lieutenants de la
même arme.
Le chargement du Cheribou se compose surtout de
liquides, mais ausside 400 tonnes de nfatériel d'artille-
rie et de munitions pour le Tonkin, plus une vingtaine
de cages de pigeons-voyageurs.
L'autre paquebot est le Melbourne, courrier de l'Indo-
Chine et du Japon, avec une centaine de passagers,
dont Charles Brooke, le fils du fondateur du sultanat
de Sarawack, le général Coronnat, effectuant sa tour-
née d'inspection en Cochinchine et au Tonkin, Legay,
trésorier général aux Indes françaises, Lioutet, prési-
dent de la cour de Pondichéry, Klobukowski, consul
de France à Yokohama, et Mme Sieh, femme de l'am-
bassadeur de Chine à Londres.
Le Melbourne, dont le chargement est complet, em-
porte des pièces métalliques pour la construction d'un
phare et 600 tuyaux de fonte pour la canalisation des
eaux potables à Saïgon.
LES FUNÉRAILLES DE KOSSUTH
(Dépéches de notre correspondant particulier]
Budapest, 1er avril, 8 heures.
Une foule immense a stationné, durant la journée
et une partio de la nuit, autour du Musée national
pour défiler devant le cercueil de Kossuth. Le corps
de Kossuth n'est d'ailleurs pas exposé, la figure
ayant été très altérée par l'embaumement.
Beaucoup de monde également a assisté au ser-
vice et à l'enterrement de la femme et de la fille de
Kossuth.
On remarquait dans l'assistance beaucoup de dé-
putés, de délégués de diverses associations politi-
ques et de dames en grand deuil. p
Les couronnes étaient nombreuses et magnifiques.
Après la bénédiction, donnée par un pasteur évan-
gélique, les cercueils ont été placés sur deux chars
funèbres attelés chacun do quatre chevaux, et con-
duits au cimetière au milieu d'une foule immense
qui formait la haie.
Aucun discours n'a été prononcé sur la tombe.
Budapest, 1" avril, 8 h. 15.
Les députations de la province sont arrivées en
masse apportant d'innombrables couronnes de
fleurs. On estime à plusieurs centaines de mille les
personnes qui assisteront aux funérailles de Kos-
suth.
La journée d'hier s'est passée tranquillement,
sauf de nombreux accidents qui se sont produits à
la suite de bousculades aux alentours du Musée. On
espère que tout se passera également avec calme
demain. Bien des personnes ne sont pas sans appré-
ses conflits de passion qui se heurtent, ne re-
nouvelle-t-elle pas à chaque instant la curiosité,
ne tient-elle pas d'un bout à l'autre l'attention en
haleine? Apparemment, puisque depuis tant
d'années, tant de publics composés de gens qui
ne vont pas chercher midi à quatorze heures,
s'attendrissent, rient et battent des mains, en
dépit de vos critiques chagrines. Qu'est-ce que
ça me fait à moi que ce ne soit pas là le vrai Phi-
lippe II ? C'est un roi, à qui la religion fait une
loi de détester les juifs et qui se trouve aimer
passionnément une juive, voilà tout. Je vou-
drais plus sans doute dans un drame d'histoire;
je voudrais autre chose, tout au moins. Mais
c'est ici une comédie de genre, un vaudeville, si
vous préférez ce terme.Vous n'aimez pas le vau-
deville à la bonne heure Les goûts sont libres.
Mais n'allez pas répétant partout et sur tous les
tons que le public ne l'aime pas. Il l'a dans l'os,
au contraire, le public français. Faites-un tour
à l'Odéon, et vous m'en direz des nouvelles.
Don Juan d'Autriche n'y est pas joué d'une
façon supérieure. On abat trop de besogne à
l'Odéon pour que cette besogne soit toujours
bien finie et perlée. Il faut bien, quand on remet
tous les quinze jours à la scène une grande œu-
vre du répertoire (sans parler des pièces en
cours), il faut bien se contenter d'à-peu-près.
Ces à-peu-près sont plus que suffisants. Ces
jeunes gens ont, à défaut d'expérience et d'ac-
quis, une merveilleuse .ardeur et une bonne vo-
lonté infatigable.
C'est Albert Lambert qui joue Charles-Quint.
Je profite de l'occasion pour annoncerau public
un volume de lui qui vient de paraître sous ce
titre Sur les planches. Quelques chapitres en
avaient déjà été publiés dans la Revue d'art dra-
matique. Ce sont, à mon avis, les plus intéres-
sants, ceux que le savant comédien a consacrés à
l'art complexe et délicat de la mise en scène. Au
reste, jesuis convaincu que, quand Albert Lam-
bert mais ce temps est encore loin sera
fatigué d'apprendre et de jouer des rôles pour
son compte, il acceptera dans un grand théâtre
des fonctions de régisseur général, à moins
qu'il ne devienne directeur à son tour. Ce qui
m'ennuie de vieillir, c'est que je ne verrai plus
se réaliser mes prédictions. J'en ai tant vu qui
sont devenues des réalités! Car je peux bien le
dire il n'y a guère d'artistes en possession de
la faveur publique, dont je n'aie prédit et accom-
pagné les succès. Je me suis trompé quelque-
fois, pas si souvent qu'on l'a bien voulu dire.
Qui ne se trompe jamais? Albert Lambert a été
très bon dans frère Arsène. J'aurais souhaité
une nuance de mélancolie superbe.
A. DODDS.
hensions. On craint des manifestations violentes
devant les édifices royaux qui n'ont pas arboré de
drapeaux.
Les fils de Kossuth, dans l'intérêt du maintien da
l'ordre, ont publié un avis priant les habitants de
s'abstenir demain de toute démonstration.
On mande d'Agram lue les Croates se proposent
de faire une manifestation antimagyare le jour des
funérailles de Kossuth en déposant une couronna
sur le monument de Jellachich, ennemi mortel de
Kossuth et resté célèbre par la vigueur qu'il dé.
ploya à la tête des troupes impériales contre lea
volontaires hongrois de 1818.
O»i
LE CONCRÈS POÉDICAL A ROUIE
Les sections du congrès, réunies à la polyclinique
se sont occupées hier, de huit heures du matin à
trois heures de l'après-midi, de l'examen des nom-
breux mémoires présentés.
On a beaucoup remarqué le rapport du docteur
Cornil sur les modifications des cellules dans le can-
cer.
Le docteur Hallopeau a présenté une étude sur
les suppurations, et le docteur Tison sur un nouvel
anesthésique local suffisant pour les opérations de
petite chirurgie.
La deuxième séance générale a eu lieu à quatre
heures du soir à l'Eldorado. Ont pris la parole, M.
Foster, de Cambridge, sur l'organisation de la
science Nothnagel, de Vienne, sur l'adaptation de
l'organisme aux modifications pathologiques Laa-
che, de Christiania, sur l'hypertrophie idiopathique
du cœur et dégénérescence du muscle cardiaque.
Le roi et la reine ont visité longuement, de trois
heures à six heures, l'exposition de médecine et
d'hygiène où se trouvaient réunies la plupart des
congressistes. Ils ont visité particulièrement les ba-
raques de l'hôpital militaire allemand.
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
(DÉPÊCHES HA.VAS ET RENSEIGNEMENTS PARTICULIERS)
Alsaoe-Lorraine
Le prince Louis-Clovis de Hohenlohe-Schillings-
fürst, statthalter de l'Alsace-Lorraine, a célébré,
hier, le soixante-quinzième anniversaire de sa nais-
sance.
Allemagne
C'est aujourd'hui que le prince Bismarck célèbre
le soixante-dix-neuvième anniversaire de sa nais-
sance.
Quatre-vingt-trois membres des groupes des con.
servateurs et des conservateurs libres du Reichstag
ont envoyé une adresse de félicitations au prince.
Des adresses lui ont été également envoyées par
les municipalités ou par des associations diverses
des villes de Cologne, Dusseldorf, Halle, Iéna, etc., etc.
Hier soir, ses amis de Friedrichsruh, de Ham-
bourg et des environs, au nombre de trois mille, lui
ont donné, dans le parc du château, le spectacle
d'une imposante retraite aux flambeaux. Efe défilé a
duré près d'une heure; l'ex-chancelier, la princesse
Bismarck, les comtes Herbert et Guillaume, un cer-
tain nombre d'autres membres de la famille et
d'amis y ont assisté, placés aux fenêtres du châ-
teau.
Les membres du comité qui avait soutenu la can-
didature du prince aux dernières élections pour le
Reichstag sont entrés au château pour saluer leur
représentant. Le président du comité, M. Wœr-
mann, a prononcé une allocution dans laquelle il a
exprimé la joie que ressentent les amis du châtelain
de Friedrichsruh en constatant qu'il a recouvré sa
santé et toutes ses forces. L'orateur a ensuite fait
allusion à la réconciliation de M. de Bismarck et de
l'empereur.
M. de Bismarck a répondu •̃̃̃
J'ai l'impression que, depuis que l'ai quitté mes fono<
tions, les sentiments de bienveillance à mon égard
n'ont pas diminué, mais qu'ils se sont accrus, au con.
traire, d'année en année. C'est un fait sans précédent
dans le monde politique qu'un ministre qui a démis-
sionné il y a quatre ans soit honoré par des particu-
liers comme je le suis en ce moment.
Je suis entré en fonctions à une époque favorable
mais ce n'est pas moi tout seul qui ai fait l'unité; il
m'a fallu pour cela la bienveillance de mes compa-
triotes. Cette bienveillance a fait naître chez moi un
sentiment réciproque. Je ressentirai toujours les
joies et les peines des Allemands comme les miennes
propres.
Quand la première des cités commerçantes de l'Al-
lemagne est prospère, l'Allemagne entière est pros-
père. Je porte un hoch à la prospérité de la ville de
Hambourg.
Après la retraite aux flambeaux, le prince a reçu
des délégations de plusieurs écoles polytechniques.
g e P PY 4
La Post apprend qu'il est arrivé, il y a quelques
jours, au ministère des affaires étrangères de Ber-
lin, une malle contenant les papiers laissés par
Emin pacha, entre autres le journal tenu par lui
ainsi que des observations scientifiques. Le journal
va du 15 octobre 1874 au 2 décembre 1889.
Autriche-Hongrie
L'arrangement commercial provisoire conclu en-
tre l'Autriche et la Russie entre en vigueur demain
lundi. Il durera jusqu'au 1" juillet (vieux style) et
pendant ce temps on formulera le nouveau traité de
commerce d'une manière définitive.
La Russie n'accorde pas à l' Autriche-Hongrie les
avantages particuliers qu'elle avait concédés à la
Norvège et qui manquent également dans le traité
russo-ailemand.
L'Autriche-Hongrie, de son côté, n'accorde pas à
la Russie les avantages concédés à la Serbie en ce
qui concerne les blés et à la Roumanie en ce qui
concerne le pétrole. Dans le cas où l'Autriche
accorderait ces concessions à un Etat autre que la
Serbie ou la Roumanie, la Russie devra également
en profiter.
La Russie déclare ne vouloir modifier en rien,
pendant la durée du traité, toutes les réductions do
Don Juan, c'était Fénoux, qui porte dans
ce rôle ses qualités ordinaires d'élégance et
de bien dire. Je voudrais plus de fierté juvénile
et plus de feu don Juan, c'est un jeune coq,
droit sur ses ergots, le plumage hérissé, et
lançant à toute volée son cocorico vainqueur.
Il fait (dans la conception du drame et dans l'i-
dée du poète) opposition avec le sévère Phi-
lippe II, qui brûle peut-être d'une flamme plus
intense, mais qui est forcé par la majesté royale
d'en amortir les éclats. Philippe II se raiditdans
sa dignité, don Juan a l'exubérance d'un jeune
échappé de collège. Il faut que le contraste soit
fortement accusé par les deux interprètes. Ni
Rameau, qui jouait Philippe II, ni Fénoux, qui
était chargé du personnage de don Juan, ne
semblent s'être mis en peine de marquer cette
opposition.
La pièce n'est pas encore, comme on dit en
style de théâtre, fondue. Ils n'ont pas assez sou.
vent répété ensemble. Je crois que Marck, sé-
duit par le succès de la première, a l'idée da
donner quelques représentations de Don Juan
d'Autriche en attendant que la pièce nouvelle de
M. Léon Lavedan, qui doit terminer la saison,
soit prête et au point. Ce ne serait pas là une
mauvaise combinaison. Les acteurs ne sont
assis dans leurs rôles, ils ne les ont dans les
jambes et dans la mâchoire qu'après les avoir
joués plusieurs fois de suite.
Mlle Wissocq est très gentille dans le rôle de
Pablo. C'est à peine si j'ose lui en faire compli-
ment il est si facile, il est si brillant 1 Tous les
ans jadis on nous jouait au Conservatoire la
scène du moinillon au couvent de Saint-Just;
c'était pour l'ingénue comique un succès as-
suré. Mlle Dux déploie, pour jouer dona Clo.
rinde, les ressources de sa voix magnifique. Ce
qui lui manque encore, en dehors de son visage
que la nature n'a pas fait tragique, c'est le foyer,
ou, comme on disait sous la Restauration, le
peclus. Elle ne se livre pas assez.
Eh mademoiselle, criait Voltaire à une
jeune actrice qui disait paisiblement la tirade
d'une femme abandonnée et jalouse, que feriez-
vous si votre amant vous quittait?
Moi, répondit l'aimable enfant, j'en pren-
drais un autre.
Mlle Dux a l'air d'être indifférente aux éclata
de passion qui s'échappent de ses lèvres. Quelle
actrice elle pourrait être si elle s'animait un
peu 1 Elle a reçu de la nature des dons admi-
rables. Mlle Dunoyer joue la vieille Dorothée
avec sa franchise de voix accoutumée, qu'elle
mouille pour cette fois de pitié et de tendresse*
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