Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1872-12-20
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 20 décembre 1872 20 décembre 1872
Description : 1872/12/20 (Numéro 4269). 1872/12/20 (Numéro 4269).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : La Commune de Paris Collection numérique : La Commune de Paris
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
ON S'ABONNE AU BUREAU DU JOURNAL, 10, FAUBOURG-MONTMARTRE 10,
VENDREDI 20 DECEMBRE 1872
DOUZIEME ANNÉE. N°4239
ABONNEMENTS (PARIS)
Trois mois 14 fr. Six mois B8 fr. Un an se ft.
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1" ET 16 DE CHAQUE MOIS
ABONNEMENTS (DÉPARTEMENTS)
Y
"Trois mois il fr. Six mois 84 fr. Un an 89 fr,
IES ABONNEMENTS DATENT DES 1" ET 18 DE^CHAQUE MOIS
Un numéro ((à Paris) l S eentimes.
ANNONCES MM. FAUCHE Y-LAFFITTE-BBLLIER et C, 8. place de la BOUTÏM
M. duport, 7, rue Coq-Héron, et au bureau au journal.
(Droit d'insertion réservé à U rédaction )
Un numéro (départements) 3O centimes* [ 2
La rédaction ne répond pas des articles communiqué
et ne se charge 'pas de les renvoyer.
A vis
L'échéance du 31 décembifeéfant la
plus considérable de l'année, nous
prions nos souscripteurs dont l'abonne-
ment expire à cette date de vouloir bien
le renouveler sans retard, pour nous
permettre de leur éviter une interrup-
tion dans l'envoi du journal.
PRIX DE L'ABONNEMENT POUR LES S
DÉPARTEMENTS:
trots mois il tv. Six mois 34 fr.
Un an: 68 fr.
En mandat de poste, on à vue sur Paris.
(Joindre une bande imprimée.)
Après le Tour du monde en 80 jours,
par M. JULES VERNE, le Temps pu-
bliera successivement
]Lërà- "Deux nFrèr~g, parERCK-
MANN-CHATRIAN.
Madame de Villerxel,par AMÉ-
DÉE ACHARD.
Un Roman nouveau, par GEORGE
SAND.
AUX ABONNÉS D'ALSME-LORRAINE
T Jusqu'à nouvel avis, les abonnements
pour l'Alsace-Lorraine sont acceptés au
prix de France. x
On peut souscrire chez .tous les li-
braires.
PARIS, 19 DECEMBRE
BULLETIN DU JOUR
L'Assemblée s'est voté hier une quin-
zaine de jours de vacances que le public
ne lui marchandera pas; elle a décidé
qu'au cas fort probable où la discussion
du budget serait terminée après demain
samedi, elle s'ajournerait jusqu'au lundi
6 janvier. C'est un membre de la droite,
M. le baron Chaurand, qui a pris l'ini-
tiative de cette proposition aucun re-
présentant ne l'a combattue, pas même
M. Ganivet, qui au vote du budget aurait
seulement voulu ajouter celui de quel-
ques autres lois. Mais l'honorable M.
Dahirel, qui est de nature fort méfiante,
aurait souhaité que la Chambre ne se
séparât pas, même pour un si court es-
pace de temps, sans laisser derrière
elle une commission de permanence, et
ce n'est pas sans peine qu'au milieu des
exclamations et des rires M. Grévy a à
peu près réussi à le désarmer, en lui
faisant obs' rver que le bureau était
toujours là et en l'assurant que si une
convocation de l'Assemblée devenait
nécessaire, on pouvait se reposer sur
son président du soin d'y pourvoir.
Au début de la séance, on s'était oc-
cupé de la proposition présentée le jour
même de la réouverture de la session par
M. Wolowski et tendant à prendre sur
l'emprunt de trois milliards, en faveur
des Alsaciens-Lorrains que leur option
pour la nationalité française a forcés à
émigrer, une somme égale à celle des
versements volontaires opérés pour la
libération du territoire. Cette proposi-
tion ne pouvait soulever aucun débat;
elle a été, en effet, adoptée sans la moin-
dre observation, à l'unanimité; elle
aidera à soulager bien des in-
fortunes pour lesquelles ne saurait
FEUILLETON DU TEMPS
DU 20 DECEMBRE) 30
LE TOUR DU MONDE
EN
QUATRE-VINGTS JOURS
XXXV
DANS LEQUEL PASSEPARTOUT
NE SE FAIT PAS RÉPÉTER DEUX FOIS L'ORDRE
QUE SON MAITRE LUI DONNE.
Le lendemain, les habitants de Saville-
row auraient été bien surpris, si on leur
eut affirmé que Mr. Fogg avait réintégré
son domicile. Porte et fenêtres tout était
clos. Aucun changement ne s'était pro-
duit à l'extérieur.
En effet, après avoir quitté la gare,Phi-
lea.5 Fogg avait donné à Passepartout
l'ordre d'acheter quelques provisions, et
il était rentré dans sa maison. Son im-
passibilité habituelle ne s'était pas dé-
mentie devant le coup qui le frappait.
Ruiné, et par la faute de ce mal-
adroit inspecteur de police 1 Après
avoir' marché d'un pas sûr pendant
oo long parcours, après avoir ren-
versé mille obstacles, bravé mille dan-
gt-vro, ayant encore trouvé le temps de
ïaire quelque bien sur sa route, échouer
au port devant un fait brutal, qu'il ne
pouvait prévoir, et contre lequel il était
désarmé, cela était terrible De la somme
voir le Temps des 6, 7. 8, 9, 10, 11, 15, 16, 17,
qn, 21, 22, 23, 24, 28, 29, 30 novembre, 1«, 4, 5, 6,
1. 8. 12, 18, 14> 15, 18 et 19 décembre.
trop faire la patriotique sollicitude
de la O.iambre et du pays. Notons en-
core dans cette séance dont Ja^partie
ïWt'o^eB^htfBtlr§''ètaire"S§rdlïïcùtee plus
loin, un incident qui en à marqué la fin
et qui, sous une apparence de simple
rectification financière, dissimule mal
une arrière-pensée d'hostilité politique
contre l'honorable ministre des affaires
étrangères. Il s'agit d'un débat non
moins inattendu qu'inopportun soulevé
par M. Adrien Bonnet sur les 93 mil-
lions inscrits au budget, comme devant
être fournis par les droits d'entrée sur
les matières premières. Ce débat, qui a
amené deux fois M. de Rémusat à la
tribune, n'est pas terminé il sera re-
pris aujourd'hui.
La commission des Trente a tenu hier
une nouvelle séance. Nous reproduisons
plus loin le compte rendu du débat qui
s'y est engagé et qui, tout en accusant
chez quelques-uns des membres de la
majorité des dispositions un peu moins
absolues à l'égard des réformes deman-
dées par le gouvernement, ne permet
cependant pas encore de prévoir jusqu'à
quel point il sera possible de s'entendre,
et laisse, en tout cas, supposer qu'on
n'est pas près d'arriver à un résultat.
Au dehors, il n'y a toujours qu'un
personnage en scène, M. de Bismarck.
La crise suscitée au sein du gouverne-
ment prussien par le chancelier fédéral
vient de faire un pas, mais elle n'est
pas terminée. D'après ce que nous ap-
prend. la Correspondance provinciale,
feuille éminemment officieuse, il faut
tenir pour certain que M. de Bismarck
sera, suivant son désir, relevé de
ses fonctions de chef du cabinet,
tout en restant ministre des affaires
étrangères de Prusse; mais eh même
temps il ne semble pas douteux que cet
homme d'Etat n'entend pas pour cela
cesser d'avoir la haute main sur la di-
rection politique intérieure du royau-
me. L'organe ministériel ajoute, en
effet, que le gouvernement délibère sur
les dispositions à prendre relativement
à la présidence du ministère et à ses
rapports avec le gouvernement de l'em-
pire, et, suivant toute apparence, la
combinaison qui prévaudra sera de na-
ture à maintenir à M. de Bismarck une
situation tout à fait prépondérante.
DEPECHES TÉLÉGRAPHIQUES
SERVICE HAVAS-BULLIER
Allemagne.
Berlin, 18 décembre, soir.
La Correspondance provinciale confirme que
M. de Bismarck a demandé, pour cause do sur-
croit de, travail, à être relevé de la présidence
du ministère et qu'il demeurera ministre des
affaires étrangères de Prusse.
La Correspondance provinciale ajoute « Eu
égard a la situation, la satisfaction de ce vœu
ne saurait être refusée au chancelier de l'em-
pire. Quant aux dispositions à prendre relative-
ment a la présidence du ministère et à ses rap-
ports avec le gouvernement de l'empire, elles
sont, en ce moment, l'objet des délibérations du
gouvernement. Carlsruhe, 18 décembre, soir.
La grande-duchesse de Bade est tombée ma-
lade de la rougeole. Les symptômes de la ma-
ladie présentent un caractère normal et nulle-
ment inquiétant.
Angleterre.
Londres, 19 décembre.
Le Times, dans son City artjclc, donne la
nouvelle que le rapport du comité chargé d'exa-
minerla question de faire adopter à la Hollande
l'étalon d or est favorable à cette adoption.
Suéde.
Stockholm, 18 décembre, soir.
Aujourd'hui, a été signée entre la Snôde, la
Norvége et le Danemark, une convention moné-
taire basee sur l'adoption de l'étalon d'or. Les
ratifications ne seront échangées qu'après que
les corps représentatifs des trois pays auront
délibére et statué sur la convention.
considérable qu'il avait emportée au dé-
part, il ne lui restait qu'un reliquat insi-
gnifiant. Sa fortune ne se composait plus
que des vingt mille livres déposées chez
Baring frères, et ces vingt mille livres,
il les devait à ses collègues du Reform-
Club. Après tant de dépenses faites, ce
pari gagné ne l'eût pas enrichi sans
doute,-et il est probable qu'il n'avait pas
cherché à s'enrichir, étant de ces hom-
mes qui « parient pour l'honneur » mais
ce pari perdu le ruinait totalement. Au
surplus, son parti était pris. Il savait ce
qui lui restait à faire.
Une chambre de la maison de Saville-
row fut réservée à Mrs. Aouda. La
jeune femme était désespérée. A certaines
paroles prononcées par Mr. Fogg, elle
avait compris que celui-ci méditait quel-
que projet funeste.
On sait, en effet, à quelles déplorables
extrémités se portent quelquefois ces An-
glais monomanes sous la pression d'une
idée fixe. Aussi Passepartout, sans en
avoir l'air, surveillait-il son maître.
Mais, tout d'abord, l'honnête garçon
était monté dans sa chambre et avait
éteint le bec de gaz qui brûlait depuis
quatre-vingts jours.
« Mon pauvre maître dit-il avec un
gros soupir, il est bien assez ruiné comme
cela, et il faut convenir que je lui coûte
cher >
La nuit se passa. Mr. Fogg s'était cou-
ché, mais avait-il dormi? Quant à Mrs.
Aouda, elle ne put prendre un seul instant
de repos. Passepartout, lui, avait veilla
comir.e un chien à la porte de son maître.
Le lendemain, Mr. Fogg le fit venir et
lui recommanda, en termes fort brefs, de
s'occuper du déjeuner de Mrs. Aouda.
Pour lui, il se contenterait d'une tasse de
thé et d'une rôtie. Mrs. Aouda voudrait
bien l'excuser pour le déjeuner et le dîner,
car tout son temps allait ètre consacré à
mettre ordre à ses affaires. Il ne descen-
drait pas. Le soir seulement, il demande-
rait à Mrs. Aouda la permission de l'en-
tretenir pendant quelques instants.
Passepartout. avant communication du
.• Espagne» '«' •
Madrid, 18 décembre, 7 ti: 80, solr.
Vlmparcial regarde comme impossible de res
tarder plus longtemps là réorganisation du ca-
binet, II croit que MM. Gassot, ministre d'Ultra-
mar» RUtà Gomez, ministre des finances, et Cor-
doba, ministre de la guerre, quitteront le mi-
nistère. M. Etchegaray passerait du ministère
du Fomente à celui des finances. M. Êomero
Giron entrerait au ministère des colonies (Ultra-
mar)> M. Llano Persi prendrait le portefeuille
du Fomento (travaux publics). Le lieutenant-
général Pieltam ou le général de Gaminde èn-
trerait au ministère de la guerre. M. Fernandez
de los Rios, ambassadeur d'Espagne à Lis-
bonne, aurait refusé le portefeuille pour des rai-
sons personnelles.
La minorité républicaine a décidé d'appuyer
le vote de confiance si le gouvernement fait des
déclarations en faveur de l'abolition Immédiate
de l'esclavage.
Décidés comme nous le sommes à
appuyer toute mesure susceptible de
donner au gouvernement existant un
caractère organique et une garantie de
durée, et d'épargner au pays les embar-
ras et les périls d'une Assemblée con-
stituante, nous ne pouvons songer à
produire aucune objection contre le
principe d'une seconde Chambre. Cette
institution se recommande, d'ailleurs,
par l'exemple de tous les gouver-
nements libres, tant républicains que
monarchiques. La France elle-même l'a
connue et pratiquée sous diverses for-
mes. Nous ne devons pas oublier que,
sous la Restauration, la Chambre des
pairs a rendu de notables services à la
cause du régime parlementaire et des
libertés publiques. C'est, d'autre part,
une question de savoir si le système des
deux Chambres n'eût pas été un obsta-
cle au coup d'Etat de 1852 deux
Assemblées étant après tout, plus
difficiles à confisquer qu'une seule.
Mais c'est aussi une question de
savoir si l'on pourra trouver dans
nos conditions politiques et so-
ciales les conditious d'une Chambre
haute investie d'une autorité suffisante.
A cet égard, nous entretenons des dou-
tes. Nous examinerons sans parti
pris les projets qui pourront se pro-
duire, mais nous ne sommes pas éloi-
gnés de croire qu'après beaucoup de
recherches et d'efforts, on en sera ré-
duit à revenir au renouvellement par-
tiel, et à l'accepter comme l'équivalent
d'une institution à la fois nécessaire et
impossible.
En ce moment, il est question d'un
projet qui se recommande au premier
aspect par un caractère fort séduisant
de simplicité, mais qui ne soutient véri-
tablementpasladiscussion.Nousnousre-
fusons à croire quela pensée de M.Thiers
ait pu, comme on le prétend, s'y arrêter
sérieusement. Il s'agirait de prendre les
deux cent cinquante membres les plus
âgés de l'Assemblée actuelle, et d'en
composer un Sénat, les cinq cents autres
membres restants formant l'Assemblée
législative. Le Sénat serait investi du
droit de prononcer la dissolution, de
concert avec le gouvernement; mais on
espérerait, grâce à ce système, pouvoir
gagner sans difficulté le moment de la
libération Au territoire, et même peut-
être prolonger au delà la durée de l'As-
semblée actuelle, si elle se trouvait à ce
moment saisie de questions impor-
tantes.
Ce système, on le voit, est fort sim-
ple, mais outre qu'il aurait l'inconvé-
nient de ne pouvoir servir qu'une fois,
il soulève une foule d'objections, dont
l'une est tellement forte qu'elle rend
toutes les autres superflues. L'Assem-
blée ne peut pas disposer de ses mem-
bres malgré eux; elle ne peut pas plus
altérer leur mandat qu'elle ne peut les
exclure. Personne ne peut être bombar-
dé sénateur, en dépit de lui-même. Il
programme de la journée, n'avait plus
qu'à s'y conformer. Cependant, il res-
tait là, il regardait son maître tou-
jours impassible, il ne pouvait se déci-
der à quitter sa chambre. Son cœur était
gros, sa conscience bourrelée de remords,
car il s'accusait plus que jamais de cet im-
mense désastre. Oui! S'il eût prévenu Mr.
Fogg, s'il luieùtdévoilé les projets de l'a-
gent Fix, Mi1. Fogg n'aurait certaine-
ment pas traîné l'agent Fix jusqu'à Li-
verpool, et alors.
Passepartout ne put plus tenir.
«Mon maître monsieur Fcgg s'scria-
t-il, maudissez-moi. C'est pdr ma faute
que.
-Jer.'accuse personne, répondit, Phileas
Fogg (la ton le plus calme. Allez. »
Passepartout quitta la chambre et vint
retrouver la jeune femme, à laquelle il fit
connaître les intentions de Mr. Fogg.
« Msd-une, ajouta-t-il, je ne puis rien
par moi-même, rien Je n'ai aucune in-
fluence sur l'esprit de mon maître. Vous,
peut-être.
Quelle influence aurais-je répondit
Mrs. Aouda. Monsieur Fogg n'en raLit au-
cune Ât-il jamais compris seulement,
que ma reconnaissance pour lui était
prête à déborder! A-t-il jamais lu dans
mon cceur Mon ami, il ne faudra pas
le quitter un seul instant. Vous dites qu'il
a manifesté l'intention de me parler ce
soir? 1
Oui, madame. Il s'agit sans doute de
sauvegarder votre situation en Angle-
terre.
Attendons » répondit la jeune
femme, qui demeura toute pensive.
Ainsi, pendant cette journée du diman-
che, la maison de Saville-row fut comme
si elle eût eté inhabitée, et, pour la pre-
mière fois depuis qu'il demeurait dans
cette maison, Phileas Fogg n'alla pas à son
club, quand onze heures et demie son-
nèrent à. l'église de Saint-Stephen.
Et pourquoi ce gentleman se fût-il pré-
senté au Reform-Club? Ses collègues ne
l'y attendaient plus. Puisque, la veille au
soir. à cette date fatale du samedi 21 dé-
faudrait donc que les deux cent cinquante
doyens de l'Assemblée fussent tous con-
éêntants, ce qu'il serait chimérique d'at-
tendre. Cette seule observation nous
dispense de nous arrêter plus longtemps
à un projet qui n'a aucune chance de
se faire prendre au sérieux, et qui,
eu égard aux circonstances où nous
nous trouvons, est Vraiment un peu trop
comique.
+
Un des délégués de la droite à la com-
mission des Trente, M: Germonière, di-
sait hier à ses collègues « En présencé
de la publicité que reçoivent nos dé-
bats, on peut s'inquiéter de ce que pen-
sera le pays en voyant que nous reve-
nons toujours sur les mêmes points. »
Cette appréhension est certainement
fondée lorsqu'on voit quels efforts sont
encore faits, au sein de la commission
des Trente, pour ressusciter les conclu-
sions de la commission Kêrdrël, et ré-
duire la tàche des commissaires à l'é-
tude de la responsabilité ministérielle,
c'est-à-dire à l'interdiction de la tribune
à M. Thiers.
MM. de Broglie, de Cnmont, Lucien
Brun en sont toujours à ce vieux pro-
gramme formellement condamné par le
vote du 29 novembre et, quand on les
presse un peu, quand on leur oppose le
vote de l'amendement Dufaure et le rejet
aes conclusions Batbie, ils allèguent que
« les choix faits dans les bureaux pour
la formation de la commission des
Trente ont modifié l'esprit de la propo-
sition Dufaure. » C'est se mettre fort à
l'aise vis-à-vis de l'Assemblée, et ces dé-
fenseurs si zélés du régime parlemen-
taire nous paraissent prendre avec lui
de singulières libertés lorsqu'ils oppo-
sent aux délibérations publiques de l'As-
semblée les causeries à huis clos des
bureaux, et cherchent à faire prévaloir
les arrière-pensées de quelques com-
missaires, sur des votes qui s'imposent
à toutes les fractions de l'Assemblée.
Nous sommes, d'ailleurs, heureux de
reconnaître que ces idées, bien qu'elles
eussent prévalu lors de la formation des
sous-commissions et qu'elles fussent,
hier encore, énergiquement soutenues
par plusieurs délégués de la droite,
n'ont pas été acceptées par la commis-
sion des Trente. Il est clair que leur
maintien, après les explications données
lundi par M. Thiers, aurait immédiate-
ment rallumé le conflit et provoqué ce
recours devant l'Assemblée, que le gou-
vernement s'est formellement réservé,
pour le cas où il subsisterait un désac-
cord sur la mission même des commis-
saires.
On a donc admis, après des observa-
tions très conciliantes de M. Ernoul,
que la question de la responsabilité
ministérielle ne serait pas traitée à part,
et que l'organisation d'une seconde
Chambre serait simultanément étudiée'
Mais le doute subsiste encore sur l'éten-
due de cette concession. Il parait, en
effet, que la question de la seconde
Chambre, indépendamment des difficul-
tés qu'elle comporte au point de vue de
l'organisation pratique, suscite, sur le
principe même, la dissidence très grave
que voici Les uns admettent, avec
M. Thiers, que la seconde Chambre de-
vra fonctionner dès qu'elle aura été
créée, et coexister avec l'Assemblée
actuelle. D'autres, au contraire, pré-
tendent ne légiférer que pour le temps
où ils ne seront plus. Ils se réservent à
eux-mêmes, l'omnipotence d'une As-
semblée unique et tiennent seulement
la seconde Chambre en réserve pour
l'opposer à une nouvelle Assemblée.
cembre, à dix heures trente-cinq, Phileas
Fogg n'avait pas paru dans le salon
du Reform-Club, son pari était perdu. Il
n'était même pas nécessaire qu'il allât
chez son banquier pour y prendre cette
somme de vingt mille livres. Ses adver-
soires avaient entre les mains un chèque
signé de lui, et il suffisait d'une simple
écriture à passer chez Baring frères,
pour que les vingt mille livres fussent
portées à leur crédit.
Mr. Fogg n'avait donc pas à sortir, et il
ne sortit pas. Il demeura dans sa chambre
et mit ordre à ses affaires. Passepartout
ne cessa de monter et de descendre l'es-
calier de la maison de Saville-row. Les
heures ne marchaient pas pour ce pauvre
garçon. Il écoutait à la porte de la cham-
bre-de son maître, et, ce faisant, il ne
pensait pas commettre la moindre indis-
crétion Il regardait par le trou de la
serrure, et il s'imaginait avoir ce droit!
Passepartout redoutait à chaque instant
quelque catastrophe. Parfois aussi, il
songeait à Fix, mais un revirement s'é-
tait fait dans son esprit. Il n'en voulait
plus à l'inspecteur de police. Fix s'était
trompé comme tout le monde à l'égard de
Phileas Fogg, mais il s'était trompé de
bonne foi, et, en le filant, en l'arrêtant,
il n'avait fait que son devoir, tandis que
lui. Cette pensée l'accablait, et il se te-
nait pour le dernier des misérables.
Quand enfin Passepartout se trouvait
trop malheureux d'être seul, il frappait
à la porte de Mrs. Aouda, il entrait dans
sa chambre, il s'asseyait dans un coin
sans mot dire, et il regardait la jeune fem-
me, toujours pensive.
Vers huit heures et demie du soir, Mr.
Fogg fit demander à Mrs. Aouda, si elle
pouvait le recevoir, et, quelques instants
après, la jeune femme et lui étaient seuls
dans cette chambre ? 1
Phileas Fogg prit une chaise et s'assit
près de la cheminée, en face de Mrs. Aou-
da. Son visage ne reflétait aucune émo-
,tion. Le Fogg du retour était exactement
le Fogg du départ. Même calme, même
imDassibilité.
Nous ne pouvons encore savoir si
cette opinion, est celle de la majorité
des <^mmisëair^gf mai« dtt. moins- p©»--
vons-nous affirmer que cette solution
bâtarde ne terminerait rien, que le gou-
vernement et l'opinion publique ne sau-
raient l'admettre, et que l'Assemblée à
venir n'en tiendrait aucun compte.
Ce que réclame, en effet, l'opinion
publique, ce que le gouvernement a de-
mandé lui-même par la bouche de M.
Thiersj c'est une organisation immé-
diate du régime actuel, une constitution
rudimentaire à pratiquer dès le lende-
main de sa promulgation. Ajourner
cette exécution jusqu'à la formation
d'une Assemblée nouvelle, ce serait mé-
connaître à la fois la teneur des propo-
sitions dont la commission est saisie et
les nécessités politiques urgentes qui
les ont inspirées. Quoi de plus étrange1,
en effet, que d'ajourner après l'Assem-
blée actuelle les mesures qui ont pour
but de remédier à ses imperfections ?
Forger à grand'peine une clef pour sor-
tir de l'impasse et stipuler qu'on n'en
pourra user que lorsqu'on sera sorti
par Un autre moyen, en trouant ou en
escaladant les murailles, c'est mal com-
prendre les dangers accumulés dans
cette impasse et l'impatience des gens
qui y sont enfermés. v$
Quant à cette idée non moins singu-
lière que l'Assemblée pourrait imposer
à la Chambre future le frein d'une
.seconde Assemblée qu'elle aurait re-
fusé 'Pour elle-même, c'est tout simple-
ment puéril. Rien ne fait supposer que
cette Assemblée à venir, ne fût=elle que
le produit d'un renouvellement partiel,
sera moins jalouse de ses pouvoirs, et
disposée à accepter des mains de sa de-
vanciére les éléments de pondération
dont celle-ci n'aurait pas voulu.
La commission des Trente a donc tout
intérêt à résister à ceux de ses membres
qui persistent dans des attermoiements
impossibles, dans des ruses compléte-
ment éventées, et qui risquent ainsi de
paralyser la commission et de compro-
mettre l'Assemblée tout entière.
On nous $crit ce matin de Versailles
Nous allons réster quelques semaines
sans plus entendre parler de la commis-
sion des Trente. Cette commission a ajour-
né hier ses séances plénières jusqu'à ce
que ses sous-Commissions eussent élaboré
des projets de lois organiques. Or les
sous-commissions ne commenceront leurs
travaux qu'après les vacances, et elles
trouveront probablement assez de dif-
ficultés à leur tâche pour ne pas
aller très vite en besogne. Quant aux
dispositions dans lesquelles la commission
se sépare, elles sont difficiles à détermi-
ner. Une chose est certaine, c'est que la
majorité aborde aujourd'hui dans un es-
prit d'égards et d'adoucissement une étu-
de qu'elle avait entreprise d'abord dans
un esprit d'aigreur et de résistance. Mais
si le gouvernement et la majorité de la
commission se trouvent ainsi rapprochés
par les dispositions, ils paraissent aussi
divisés qu'auparavant sur les choses. La
commission, autant qu'on en peut juger,
n'a point abandonné son dessein d'exclure
dès aujourd'hui M. Thiers de la tribune,
et il est difficile de croire que M. Thiers
accepte cette manière de régler provisoi-
rement la responsabilité ministérielle. Il
en résulte qu'on ne peut prévoir ce qui
l'emportera finalement dans la commis-
sion, du besoin de s'entendre avec le gou-
vernement ou de la répugn'ance à lui faire
les concessions nécessaires pour cela. Les
membres de la minorité de la commission,
qui, par leur position, sont en quelque
sorte réduits au rôle de juges du camp,
avouent eux-mêmes l'impossibilité où ils
se trouvent de former aucune conjecture
Il resta sans parler pendant cinq minu-
tes. Puis, levant les yeux sur Mrs. Aouda:
« Madame, dit-il, me pardonnerez-vous
de vous avoir amenée en Angleterre ? 9
Moi, monsieur Fogg! répondit Mrs.
Aouda, en comprimant les battements
de son cœur.
Veuillez me permettre d'achever, re-
prit ftty\ Fogg. Lorsque j'ai eu la pensée de
vous entraîner loin de cette contrée de-
venue si dangereuse pour vous, j'étais ri-
che, et je comptais mettre une partie de
ma fortune à votre disposition. Votre
existence eût été heureuse et libre. Main-
tenant, je suisruiné.
Je le sais, monsieur Fogg, répondit la
jeune femme, et je vous demanderai à
mon tour Me pardonnerez-vous de vous
avoir suivi, et qui sait ? d'avoir peut-
être, en vous retardant, contribué à votre
ruine?
Madame, vous ne pouviez rester dans
l'Inde, et votre salut n'était assuré que si
vous vous éloigniez assez loin pour que
ces Indous ne pussent vous reprendre.
Ainsi, monsieur Fogg, reprit Mrs.
Aouda, non content de m'avoir arrachée
à une mort horrible, vous vous croyiez
encore obligé d'assurer ma position en
Europe?
Oui, madame, répondit Phileas Fogg,
mais les événements ont tourné contre
moi. Cependant, il existe encore quelques
restes de cette fortune dont je vous de-
mande la permission de disposer en votre
faveur.
Mais, vous, monsieur Fogg, que de-
viendrez-vous ? demanda Mrs. Aouda.
Moi, madame, répondit froidement le
gentleman, je n'ai besoin de rien.
Comment, monsieur, envisagez-vous
donc le sort qui vous attend ?
Comme il convient de le faire, répon-
dit doucement Mr. Fogg.
En tout cas, reprit Mrs. Aouda, la mi-
sère ne saurait atteindre un homme tel
que vous. Vos amis.
Je n'ai point d'amis, madame.
Vos parents.
Je n'ai plus de parents,
raisonnes sur l'issue dé ce conflit à la i oi* >
courtois et obstiné.
> II est vrai que si Van cherchait des in*
dices du dénoûment ailleurs que dans la
commission même, et, par exemple, dans
la conduite de la majorité de l'Assemblée, v,
on pourrait éprouver quelques inquié-*
tudes. Il semble que la droite soit décidée
à pousser les avantages qu'elle a obtenu^
samedi, et qu'elle s'apprête à s'empa-'
rer de tous les portefeuilles q\ù ne
lui appartiennent pas encore. On se
croit sur de M. Dufaure et de M. de
Goulard, mais on n'est pas également
satisfait de M. de Rémusat et de M;
Jules Simon. L'instruction publique, d'ail-
leurs, n'est-ce pas la question de l'ensei-
gnement congréganiste ? Et les affaires;
étrangères, n'est-ce pas la question ro*
maine 1 On voit de quel intérêt il serait
pour la droite de mettre la main sur ces
deux ministères. Est-ce ainsi qu'il faut
expliquer l'attaque inopinément entrer
prise hier contre M. le ministre des affak
res étrangères, et qui doit se poursuivre
aujourd'hui ? Est-ce par un motif sembla-
ble que la commission de l'instruction
primaire veut faire mettre à l'ordre du
jour la discussion de la loi de M. Jules
Simon Il faut avouer que, s'il en est ainsi,
on ne saurait faire grand fondement sur
les dispositions conciliantes dont la majo-
rité a paru tout à coup animée depuis la
victoire du 14. Cet adoucissement de ma-
nières serait tout simplement la politesse
d'un vainqueur qui demande les clefs de
la place avec d'autant plus d'égards qu'il
se croit plus certain de les obtenir au be-
soin par la force.
La commission de réorganisation de
l'armée parait s'émouvoir des critiques
soulevées par l'une des premières appli-
cations de la loi de recrutement, à sa-
voir la publication du programme d'exa-
men et la fixation à 1,500 francs de la
prime exigible pour le volontariat. Elle
voudrait que les conditions scientifi-
ques fussent plus sérieuses et les con-
ditions fiscales diminuées.
La commission nous permettra de lui
dire qu'elle s'y prend tard pour être
émue, et qu'elle est inexcusable, quand
elle a collaboré à la loi, de n'en avoir
pas prévu les conséquences possibles.
Comment, par exemple, est-elle sur-
prise de ce chiffre de 1,500 fr., qui sent'
d une lieue l'exonération; quand tout le
monde, à commencer par nous, en était
prévenu? M. Thiers ne se cachait pas, et
il était connu qu'il oscillaitaux environs
du chiffre dont on s'étonne aujourd'hui.
Quant au programme d'examen, il
pignifle assez clairement qu'on entend
faire de cette disposition de la loi une
condition à peu près nulle et non ave-
nue. Ainsi qu'un de nos correspondants
nous l'écrit, quelle garantie présentera
une épreuve qui ne comporte, sauf une
dictée, que des interrogations orales, où
l'escamotage en faveur des recomman-
dés sera la chose la plus simple du
monde ?
Nous lie savons ce que la commission
obtiendra du gouvernement; mais,
comme nous craignons qu'elle n'en ob-
tienne pas de modification assez consi-
dérable pour rectifier le caractère de la
loi, nous nous en consolerons d'autant
plus aisément si ellen'obtientrien du tout;
car ce sera le meilleur moyen pour que
cette loi, que nous croyons mauvaise,'
subisse une épreuve complet et décisive
devant l'opinion publique très abusée
sur ses mérites. Ce qu'on peut en dire
de plus avantageux, c'est qu'il suffira
d'y changer deux ou trois articles pour
la rendre bonne quand on le voudra, et
qu'en attendant, le débat auquel elle
donne lieu met tout le monde au cou-
rant de ces questions.
-Je vous plains alors, monsieur Fogg,
car l'isolement est une triste chose. Quoi I
pas un cœur ami pour y verser vos peines.
On dit cependant qu'à deux la misère
elle-même est supportable encore!
On le dit, madame.
Monsieur Fogg, dit alors Mrs. Aouda,"
qui se leva et tendit sa main au gentle-
man, voulez-vous à la fois d'une parente
et d'une amie 1 Voulez-vous de moi pour
votre femme? »
Mr. Fogg, à cette parole, s'était levé à
son tour. Il y avait comme un reflet inac-
coutumé dans les yeux, comme un trem-
blement sur les lèvres. Mrs. AoUdale re-
gardait. La sincérité, la droiture, la fer-
meté et la douceur de ce beau regard d'une
noble femme qui ose tout pour sauver ce-
lui auquel elle doit tout, l'étonna d'abord,
puis le pénétra. Il ferma les yeux un ins-
tant, comme pour éviter que ce regard ne
s'enfonçât plus avant. Quand il les rou-
vrit
« Je vous aime, madame 1 dit-il simple-
ment. Oui, en verité, par tout'ce qu'il y a
de plus sacré au monde, je vous aime, et
je suis tout à vous!
Ah » s'écria Mrs. Aouda, en portant
la main à son cœur.
Passepartout fut sonné. Il arriva aussi-
tôt. Mr. Fogg tenait encore dans sa main
la main de Mrs. Arouda. Passepartout
comprit, et sa large face rayonna comme
le soleil au zénith des régions tropicales
Mr. Fogg lui demanda s'il ne serait pas
trop tard pour aller prévenir le révérend
Samuel Wilson, de la paroisse de Saint-
Stephen.
Passepartout sourit de son meilleur
sourire.
« Jamais trop tard, a dit-i1.
Il n'était que dix heures moins cinq.
« Ce serait pour demain, lundi! dit-il.
Pour demain lundi?. demanda Mr.
Fôgg en regardant la jeune femme.
Pour demain lundi > répondit Mrs.
Aouda.
Passepartout sortit, tout courant.
J.Q~ IIUJ.NSI
ILafinà dtmainjl au~ ~~N~
VENDREDI 20 DECEMBRE 1872
DOUZIEME ANNÉE. N°4239
ABONNEMENTS (PARIS)
Trois mois 14 fr. Six mois B8 fr. Un an se ft.
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1" ET 16 DE CHAQUE MOIS
ABONNEMENTS (DÉPARTEMENTS)
Y
"Trois mois il fr. Six mois 84 fr. Un an 89 fr,
IES ABONNEMENTS DATENT DES 1" ET 18 DE^CHAQUE MOIS
Un numéro ((à Paris) l S eentimes.
ANNONCES MM. FAUCHE Y-LAFFITTE-BBLLIER et C, 8. place de la BOUTÏM
M. duport, 7, rue Coq-Héron, et au bureau au journal.
(Droit d'insertion réservé à U rédaction )
Un numéro (départements) 3O centimes* [ 2
La rédaction ne répond pas des articles communiqué
et ne se charge 'pas de les renvoyer.
A vis
L'échéance du 31 décembifeéfant la
plus considérable de l'année, nous
prions nos souscripteurs dont l'abonne-
ment expire à cette date de vouloir bien
le renouveler sans retard, pour nous
permettre de leur éviter une interrup-
tion dans l'envoi du journal.
PRIX DE L'ABONNEMENT POUR LES S
DÉPARTEMENTS:
trots mois il tv. Six mois 34 fr.
Un an: 68 fr.
En mandat de poste, on à vue sur Paris.
(Joindre une bande imprimée.)
Après le Tour du monde en 80 jours,
par M. JULES VERNE, le Temps pu-
bliera successivement
]Lërà- "Deux nFrèr~g, parERCK-
MANN-CHATRIAN.
Madame de Villerxel,par AMÉ-
DÉE ACHARD.
Un Roman nouveau, par GEORGE
SAND.
AUX ABONNÉS D'ALSME-LORRAINE
T Jusqu'à nouvel avis, les abonnements
pour l'Alsace-Lorraine sont acceptés au
prix de France. x
On peut souscrire chez .tous les li-
braires.
PARIS, 19 DECEMBRE
BULLETIN DU JOUR
L'Assemblée s'est voté hier une quin-
zaine de jours de vacances que le public
ne lui marchandera pas; elle a décidé
qu'au cas fort probable où la discussion
du budget serait terminée après demain
samedi, elle s'ajournerait jusqu'au lundi
6 janvier. C'est un membre de la droite,
M. le baron Chaurand, qui a pris l'ini-
tiative de cette proposition aucun re-
présentant ne l'a combattue, pas même
M. Ganivet, qui au vote du budget aurait
seulement voulu ajouter celui de quel-
ques autres lois. Mais l'honorable M.
Dahirel, qui est de nature fort méfiante,
aurait souhaité que la Chambre ne se
séparât pas, même pour un si court es-
pace de temps, sans laisser derrière
elle une commission de permanence, et
ce n'est pas sans peine qu'au milieu des
exclamations et des rires M. Grévy a à
peu près réussi à le désarmer, en lui
faisant obs' rver que le bureau était
toujours là et en l'assurant que si une
convocation de l'Assemblée devenait
nécessaire, on pouvait se reposer sur
son président du soin d'y pourvoir.
Au début de la séance, on s'était oc-
cupé de la proposition présentée le jour
même de la réouverture de la session par
M. Wolowski et tendant à prendre sur
l'emprunt de trois milliards, en faveur
des Alsaciens-Lorrains que leur option
pour la nationalité française a forcés à
émigrer, une somme égale à celle des
versements volontaires opérés pour la
libération du territoire. Cette proposi-
tion ne pouvait soulever aucun débat;
elle a été, en effet, adoptée sans la moin-
dre observation, à l'unanimité; elle
aidera à soulager bien des in-
fortunes pour lesquelles ne saurait
FEUILLETON DU TEMPS
DU 20 DECEMBRE) 30
LE TOUR DU MONDE
EN
QUATRE-VINGTS JOURS
XXXV
DANS LEQUEL PASSEPARTOUT
NE SE FAIT PAS RÉPÉTER DEUX FOIS L'ORDRE
QUE SON MAITRE LUI DONNE.
Le lendemain, les habitants de Saville-
row auraient été bien surpris, si on leur
eut affirmé que Mr. Fogg avait réintégré
son domicile. Porte et fenêtres tout était
clos. Aucun changement ne s'était pro-
duit à l'extérieur.
En effet, après avoir quitté la gare,Phi-
lea.5 Fogg avait donné à Passepartout
l'ordre d'acheter quelques provisions, et
il était rentré dans sa maison. Son im-
passibilité habituelle ne s'était pas dé-
mentie devant le coup qui le frappait.
Ruiné, et par la faute de ce mal-
adroit inspecteur de police 1 Après
avoir' marché d'un pas sûr pendant
oo long parcours, après avoir ren-
versé mille obstacles, bravé mille dan-
gt-vro, ayant encore trouvé le temps de
ïaire quelque bien sur sa route, échouer
au port devant un fait brutal, qu'il ne
pouvait prévoir, et contre lequel il était
désarmé, cela était terrible De la somme
voir le Temps des 6, 7. 8, 9, 10, 11, 15, 16, 17,
qn, 21, 22, 23, 24, 28, 29, 30 novembre, 1«, 4, 5, 6,
1. 8. 12, 18, 14> 15, 18 et 19 décembre.
trop faire la patriotique sollicitude
de la O.iambre et du pays. Notons en-
core dans cette séance dont Ja^partie
ïWt'o^eB^htfBtlr§''ètaire"S§rdlïïcùtee plus
loin, un incident qui en à marqué la fin
et qui, sous une apparence de simple
rectification financière, dissimule mal
une arrière-pensée d'hostilité politique
contre l'honorable ministre des affaires
étrangères. Il s'agit d'un débat non
moins inattendu qu'inopportun soulevé
par M. Adrien Bonnet sur les 93 mil-
lions inscrits au budget, comme devant
être fournis par les droits d'entrée sur
les matières premières. Ce débat, qui a
amené deux fois M. de Rémusat à la
tribune, n'est pas terminé il sera re-
pris aujourd'hui.
La commission des Trente a tenu hier
une nouvelle séance. Nous reproduisons
plus loin le compte rendu du débat qui
s'y est engagé et qui, tout en accusant
chez quelques-uns des membres de la
majorité des dispositions un peu moins
absolues à l'égard des réformes deman-
dées par le gouvernement, ne permet
cependant pas encore de prévoir jusqu'à
quel point il sera possible de s'entendre,
et laisse, en tout cas, supposer qu'on
n'est pas près d'arriver à un résultat.
Au dehors, il n'y a toujours qu'un
personnage en scène, M. de Bismarck.
La crise suscitée au sein du gouverne-
ment prussien par le chancelier fédéral
vient de faire un pas, mais elle n'est
pas terminée. D'après ce que nous ap-
prend. la Correspondance provinciale,
feuille éminemment officieuse, il faut
tenir pour certain que M. de Bismarck
sera, suivant son désir, relevé de
ses fonctions de chef du cabinet,
tout en restant ministre des affaires
étrangères de Prusse; mais eh même
temps il ne semble pas douteux que cet
homme d'Etat n'entend pas pour cela
cesser d'avoir la haute main sur la di-
rection politique intérieure du royau-
me. L'organe ministériel ajoute, en
effet, que le gouvernement délibère sur
les dispositions à prendre relativement
à la présidence du ministère et à ses
rapports avec le gouvernement de l'em-
pire, et, suivant toute apparence, la
combinaison qui prévaudra sera de na-
ture à maintenir à M. de Bismarck une
situation tout à fait prépondérante.
DEPECHES TÉLÉGRAPHIQUES
SERVICE HAVAS-BULLIER
Allemagne.
Berlin, 18 décembre, soir.
La Correspondance provinciale confirme que
M. de Bismarck a demandé, pour cause do sur-
croit de, travail, à être relevé de la présidence
du ministère et qu'il demeurera ministre des
affaires étrangères de Prusse.
La Correspondance provinciale ajoute « Eu
égard a la situation, la satisfaction de ce vœu
ne saurait être refusée au chancelier de l'em-
pire. Quant aux dispositions à prendre relative-
ment a la présidence du ministère et à ses rap-
ports avec le gouvernement de l'empire, elles
sont, en ce moment, l'objet des délibérations du
gouvernement. Carlsruhe, 18 décembre, soir.
La grande-duchesse de Bade est tombée ma-
lade de la rougeole. Les symptômes de la ma-
ladie présentent un caractère normal et nulle-
ment inquiétant.
Angleterre.
Londres, 19 décembre.
Le Times, dans son City artjclc, donne la
nouvelle que le rapport du comité chargé d'exa-
minerla question de faire adopter à la Hollande
l'étalon d or est favorable à cette adoption.
Suéde.
Stockholm, 18 décembre, soir.
Aujourd'hui, a été signée entre la Snôde, la
Norvége et le Danemark, une convention moné-
taire basee sur l'adoption de l'étalon d'or. Les
ratifications ne seront échangées qu'après que
les corps représentatifs des trois pays auront
délibére et statué sur la convention.
considérable qu'il avait emportée au dé-
part, il ne lui restait qu'un reliquat insi-
gnifiant. Sa fortune ne se composait plus
que des vingt mille livres déposées chez
Baring frères, et ces vingt mille livres,
il les devait à ses collègues du Reform-
Club. Après tant de dépenses faites, ce
pari gagné ne l'eût pas enrichi sans
doute,-et il est probable qu'il n'avait pas
cherché à s'enrichir, étant de ces hom-
mes qui « parient pour l'honneur » mais
ce pari perdu le ruinait totalement. Au
surplus, son parti était pris. Il savait ce
qui lui restait à faire.
Une chambre de la maison de Saville-
row fut réservée à Mrs. Aouda. La
jeune femme était désespérée. A certaines
paroles prononcées par Mr. Fogg, elle
avait compris que celui-ci méditait quel-
que projet funeste.
On sait, en effet, à quelles déplorables
extrémités se portent quelquefois ces An-
glais monomanes sous la pression d'une
idée fixe. Aussi Passepartout, sans en
avoir l'air, surveillait-il son maître.
Mais, tout d'abord, l'honnête garçon
était monté dans sa chambre et avait
éteint le bec de gaz qui brûlait depuis
quatre-vingts jours.
« Mon pauvre maître dit-il avec un
gros soupir, il est bien assez ruiné comme
cela, et il faut convenir que je lui coûte
cher >
La nuit se passa. Mr. Fogg s'était cou-
ché, mais avait-il dormi? Quant à Mrs.
Aouda, elle ne put prendre un seul instant
de repos. Passepartout, lui, avait veilla
comir.e un chien à la porte de son maître.
Le lendemain, Mr. Fogg le fit venir et
lui recommanda, en termes fort brefs, de
s'occuper du déjeuner de Mrs. Aouda.
Pour lui, il se contenterait d'une tasse de
thé et d'une rôtie. Mrs. Aouda voudrait
bien l'excuser pour le déjeuner et le dîner,
car tout son temps allait ètre consacré à
mettre ordre à ses affaires. Il ne descen-
drait pas. Le soir seulement, il demande-
rait à Mrs. Aouda la permission de l'en-
tretenir pendant quelques instants.
Passepartout. avant communication du
.• Espagne» '«' •
Madrid, 18 décembre, 7 ti: 80, solr.
Vlmparcial regarde comme impossible de res
tarder plus longtemps là réorganisation du ca-
binet, II croit que MM. Gassot, ministre d'Ultra-
mar» RUtà Gomez, ministre des finances, et Cor-
doba, ministre de la guerre, quitteront le mi-
nistère. M. Etchegaray passerait du ministère
du Fomente à celui des finances. M. Êomero
Giron entrerait au ministère des colonies (Ultra-
mar)> M. Llano Persi prendrait le portefeuille
du Fomento (travaux publics). Le lieutenant-
général Pieltam ou le général de Gaminde èn-
trerait au ministère de la guerre. M. Fernandez
de los Rios, ambassadeur d'Espagne à Lis-
bonne, aurait refusé le portefeuille pour des rai-
sons personnelles.
La minorité républicaine a décidé d'appuyer
le vote de confiance si le gouvernement fait des
déclarations en faveur de l'abolition Immédiate
de l'esclavage.
Décidés comme nous le sommes à
appuyer toute mesure susceptible de
donner au gouvernement existant un
caractère organique et une garantie de
durée, et d'épargner au pays les embar-
ras et les périls d'une Assemblée con-
stituante, nous ne pouvons songer à
produire aucune objection contre le
principe d'une seconde Chambre. Cette
institution se recommande, d'ailleurs,
par l'exemple de tous les gouver-
nements libres, tant républicains que
monarchiques. La France elle-même l'a
connue et pratiquée sous diverses for-
mes. Nous ne devons pas oublier que,
sous la Restauration, la Chambre des
pairs a rendu de notables services à la
cause du régime parlementaire et des
libertés publiques. C'est, d'autre part,
une question de savoir si le système des
deux Chambres n'eût pas été un obsta-
cle au coup d'Etat de 1852 deux
Assemblées étant après tout, plus
difficiles à confisquer qu'une seule.
Mais c'est aussi une question de
savoir si l'on pourra trouver dans
nos conditions politiques et so-
ciales les conditious d'une Chambre
haute investie d'une autorité suffisante.
A cet égard, nous entretenons des dou-
tes. Nous examinerons sans parti
pris les projets qui pourront se pro-
duire, mais nous ne sommes pas éloi-
gnés de croire qu'après beaucoup de
recherches et d'efforts, on en sera ré-
duit à revenir au renouvellement par-
tiel, et à l'accepter comme l'équivalent
d'une institution à la fois nécessaire et
impossible.
En ce moment, il est question d'un
projet qui se recommande au premier
aspect par un caractère fort séduisant
de simplicité, mais qui ne soutient véri-
tablementpasladiscussion.Nousnousre-
fusons à croire quela pensée de M.Thiers
ait pu, comme on le prétend, s'y arrêter
sérieusement. Il s'agirait de prendre les
deux cent cinquante membres les plus
âgés de l'Assemblée actuelle, et d'en
composer un Sénat, les cinq cents autres
membres restants formant l'Assemblée
législative. Le Sénat serait investi du
droit de prononcer la dissolution, de
concert avec le gouvernement; mais on
espérerait, grâce à ce système, pouvoir
gagner sans difficulté le moment de la
libération Au territoire, et même peut-
être prolonger au delà la durée de l'As-
semblée actuelle, si elle se trouvait à ce
moment saisie de questions impor-
tantes.
Ce système, on le voit, est fort sim-
ple, mais outre qu'il aurait l'inconvé-
nient de ne pouvoir servir qu'une fois,
il soulève une foule d'objections, dont
l'une est tellement forte qu'elle rend
toutes les autres superflues. L'Assem-
blée ne peut pas disposer de ses mem-
bres malgré eux; elle ne peut pas plus
altérer leur mandat qu'elle ne peut les
exclure. Personne ne peut être bombar-
dé sénateur, en dépit de lui-même. Il
programme de la journée, n'avait plus
qu'à s'y conformer. Cependant, il res-
tait là, il regardait son maître tou-
jours impassible, il ne pouvait se déci-
der à quitter sa chambre. Son cœur était
gros, sa conscience bourrelée de remords,
car il s'accusait plus que jamais de cet im-
mense désastre. Oui! S'il eût prévenu Mr.
Fogg, s'il luieùtdévoilé les projets de l'a-
gent Fix, Mi1. Fogg n'aurait certaine-
ment pas traîné l'agent Fix jusqu'à Li-
verpool, et alors.
Passepartout ne put plus tenir.
«Mon maître monsieur Fcgg s'scria-
t-il, maudissez-moi. C'est pdr ma faute
que.
-Jer.'accuse personne, répondit, Phileas
Fogg (la ton le plus calme. Allez. »
Passepartout quitta la chambre et vint
retrouver la jeune femme, à laquelle il fit
connaître les intentions de Mr. Fogg.
« Msd-une, ajouta-t-il, je ne puis rien
par moi-même, rien Je n'ai aucune in-
fluence sur l'esprit de mon maître. Vous,
peut-être.
Quelle influence aurais-je répondit
Mrs. Aouda. Monsieur Fogg n'en raLit au-
cune Ât-il jamais compris seulement,
que ma reconnaissance pour lui était
prête à déborder! A-t-il jamais lu dans
mon cceur Mon ami, il ne faudra pas
le quitter un seul instant. Vous dites qu'il
a manifesté l'intention de me parler ce
soir? 1
Oui, madame. Il s'agit sans doute de
sauvegarder votre situation en Angle-
terre.
Attendons » répondit la jeune
femme, qui demeura toute pensive.
Ainsi, pendant cette journée du diman-
che, la maison de Saville-row fut comme
si elle eût eté inhabitée, et, pour la pre-
mière fois depuis qu'il demeurait dans
cette maison, Phileas Fogg n'alla pas à son
club, quand onze heures et demie son-
nèrent à. l'église de Saint-Stephen.
Et pourquoi ce gentleman se fût-il pré-
senté au Reform-Club? Ses collègues ne
l'y attendaient plus. Puisque, la veille au
soir. à cette date fatale du samedi 21 dé-
faudrait donc que les deux cent cinquante
doyens de l'Assemblée fussent tous con-
éêntants, ce qu'il serait chimérique d'at-
tendre. Cette seule observation nous
dispense de nous arrêter plus longtemps
à un projet qui n'a aucune chance de
se faire prendre au sérieux, et qui,
eu égard aux circonstances où nous
nous trouvons, est Vraiment un peu trop
comique.
+
Un des délégués de la droite à la com-
mission des Trente, M: Germonière, di-
sait hier à ses collègues « En présencé
de la publicité que reçoivent nos dé-
bats, on peut s'inquiéter de ce que pen-
sera le pays en voyant que nous reve-
nons toujours sur les mêmes points. »
Cette appréhension est certainement
fondée lorsqu'on voit quels efforts sont
encore faits, au sein de la commission
des Trente, pour ressusciter les conclu-
sions de la commission Kêrdrël, et ré-
duire la tàche des commissaires à l'é-
tude de la responsabilité ministérielle,
c'est-à-dire à l'interdiction de la tribune
à M. Thiers.
MM. de Broglie, de Cnmont, Lucien
Brun en sont toujours à ce vieux pro-
gramme formellement condamné par le
vote du 29 novembre et, quand on les
presse un peu, quand on leur oppose le
vote de l'amendement Dufaure et le rejet
aes conclusions Batbie, ils allèguent que
« les choix faits dans les bureaux pour
la formation de la commission des
Trente ont modifié l'esprit de la propo-
sition Dufaure. » C'est se mettre fort à
l'aise vis-à-vis de l'Assemblée, et ces dé-
fenseurs si zélés du régime parlemen-
taire nous paraissent prendre avec lui
de singulières libertés lorsqu'ils oppo-
sent aux délibérations publiques de l'As-
semblée les causeries à huis clos des
bureaux, et cherchent à faire prévaloir
les arrière-pensées de quelques com-
missaires, sur des votes qui s'imposent
à toutes les fractions de l'Assemblée.
Nous sommes, d'ailleurs, heureux de
reconnaître que ces idées, bien qu'elles
eussent prévalu lors de la formation des
sous-commissions et qu'elles fussent,
hier encore, énergiquement soutenues
par plusieurs délégués de la droite,
n'ont pas été acceptées par la commis-
sion des Trente. Il est clair que leur
maintien, après les explications données
lundi par M. Thiers, aurait immédiate-
ment rallumé le conflit et provoqué ce
recours devant l'Assemblée, que le gou-
vernement s'est formellement réservé,
pour le cas où il subsisterait un désac-
cord sur la mission même des commis-
saires.
On a donc admis, après des observa-
tions très conciliantes de M. Ernoul,
que la question de la responsabilité
ministérielle ne serait pas traitée à part,
et que l'organisation d'une seconde
Chambre serait simultanément étudiée'
Mais le doute subsiste encore sur l'éten-
due de cette concession. Il parait, en
effet, que la question de la seconde
Chambre, indépendamment des difficul-
tés qu'elle comporte au point de vue de
l'organisation pratique, suscite, sur le
principe même, la dissidence très grave
que voici Les uns admettent, avec
M. Thiers, que la seconde Chambre de-
vra fonctionner dès qu'elle aura été
créée, et coexister avec l'Assemblée
actuelle. D'autres, au contraire, pré-
tendent ne légiférer que pour le temps
où ils ne seront plus. Ils se réservent à
eux-mêmes, l'omnipotence d'une As-
semblée unique et tiennent seulement
la seconde Chambre en réserve pour
l'opposer à une nouvelle Assemblée.
cembre, à dix heures trente-cinq, Phileas
Fogg n'avait pas paru dans le salon
du Reform-Club, son pari était perdu. Il
n'était même pas nécessaire qu'il allât
chez son banquier pour y prendre cette
somme de vingt mille livres. Ses adver-
soires avaient entre les mains un chèque
signé de lui, et il suffisait d'une simple
écriture à passer chez Baring frères,
pour que les vingt mille livres fussent
portées à leur crédit.
Mr. Fogg n'avait donc pas à sortir, et il
ne sortit pas. Il demeura dans sa chambre
et mit ordre à ses affaires. Passepartout
ne cessa de monter et de descendre l'es-
calier de la maison de Saville-row. Les
heures ne marchaient pas pour ce pauvre
garçon. Il écoutait à la porte de la cham-
bre-de son maître, et, ce faisant, il ne
pensait pas commettre la moindre indis-
crétion Il regardait par le trou de la
serrure, et il s'imaginait avoir ce droit!
Passepartout redoutait à chaque instant
quelque catastrophe. Parfois aussi, il
songeait à Fix, mais un revirement s'é-
tait fait dans son esprit. Il n'en voulait
plus à l'inspecteur de police. Fix s'était
trompé comme tout le monde à l'égard de
Phileas Fogg, mais il s'était trompé de
bonne foi, et, en le filant, en l'arrêtant,
il n'avait fait que son devoir, tandis que
lui. Cette pensée l'accablait, et il se te-
nait pour le dernier des misérables.
Quand enfin Passepartout se trouvait
trop malheureux d'être seul, il frappait
à la porte de Mrs. Aouda, il entrait dans
sa chambre, il s'asseyait dans un coin
sans mot dire, et il regardait la jeune fem-
me, toujours pensive.
Vers huit heures et demie du soir, Mr.
Fogg fit demander à Mrs. Aouda, si elle
pouvait le recevoir, et, quelques instants
après, la jeune femme et lui étaient seuls
dans cette chambre ? 1
Phileas Fogg prit une chaise et s'assit
près de la cheminée, en face de Mrs. Aou-
da. Son visage ne reflétait aucune émo-
,tion. Le Fogg du retour était exactement
le Fogg du départ. Même calme, même
imDassibilité.
Nous ne pouvons encore savoir si
cette opinion, est celle de la majorité
des <^mmisëair^gf mai« dtt. moins- p©»--
vons-nous affirmer que cette solution
bâtarde ne terminerait rien, que le gou-
vernement et l'opinion publique ne sau-
raient l'admettre, et que l'Assemblée à
venir n'en tiendrait aucun compte.
Ce que réclame, en effet, l'opinion
publique, ce que le gouvernement a de-
mandé lui-même par la bouche de M.
Thiersj c'est une organisation immé-
diate du régime actuel, une constitution
rudimentaire à pratiquer dès le lende-
main de sa promulgation. Ajourner
cette exécution jusqu'à la formation
d'une Assemblée nouvelle, ce serait mé-
connaître à la fois la teneur des propo-
sitions dont la commission est saisie et
les nécessités politiques urgentes qui
les ont inspirées. Quoi de plus étrange1,
en effet, que d'ajourner après l'Assem-
blée actuelle les mesures qui ont pour
but de remédier à ses imperfections ?
Forger à grand'peine une clef pour sor-
tir de l'impasse et stipuler qu'on n'en
pourra user que lorsqu'on sera sorti
par Un autre moyen, en trouant ou en
escaladant les murailles, c'est mal com-
prendre les dangers accumulés dans
cette impasse et l'impatience des gens
qui y sont enfermés. v$
Quant à cette idée non moins singu-
lière que l'Assemblée pourrait imposer
à la Chambre future le frein d'une
.seconde Assemblée qu'elle aurait re-
fusé 'Pour elle-même, c'est tout simple-
ment puéril. Rien ne fait supposer que
cette Assemblée à venir, ne fût=elle que
le produit d'un renouvellement partiel,
sera moins jalouse de ses pouvoirs, et
disposée à accepter des mains de sa de-
vanciére les éléments de pondération
dont celle-ci n'aurait pas voulu.
La commission des Trente a donc tout
intérêt à résister à ceux de ses membres
qui persistent dans des attermoiements
impossibles, dans des ruses compléte-
ment éventées, et qui risquent ainsi de
paralyser la commission et de compro-
mettre l'Assemblée tout entière.
On nous $crit ce matin de Versailles
Nous allons réster quelques semaines
sans plus entendre parler de la commis-
sion des Trente. Cette commission a ajour-
né hier ses séances plénières jusqu'à ce
que ses sous-Commissions eussent élaboré
des projets de lois organiques. Or les
sous-commissions ne commenceront leurs
travaux qu'après les vacances, et elles
trouveront probablement assez de dif-
ficultés à leur tâche pour ne pas
aller très vite en besogne. Quant aux
dispositions dans lesquelles la commission
se sépare, elles sont difficiles à détermi-
ner. Une chose est certaine, c'est que la
majorité aborde aujourd'hui dans un es-
prit d'égards et d'adoucissement une étu-
de qu'elle avait entreprise d'abord dans
un esprit d'aigreur et de résistance. Mais
si le gouvernement et la majorité de la
commission se trouvent ainsi rapprochés
par les dispositions, ils paraissent aussi
divisés qu'auparavant sur les choses. La
commission, autant qu'on en peut juger,
n'a point abandonné son dessein d'exclure
dès aujourd'hui M. Thiers de la tribune,
et il est difficile de croire que M. Thiers
accepte cette manière de régler provisoi-
rement la responsabilité ministérielle. Il
en résulte qu'on ne peut prévoir ce qui
l'emportera finalement dans la commis-
sion, du besoin de s'entendre avec le gou-
vernement ou de la répugn'ance à lui faire
les concessions nécessaires pour cela. Les
membres de la minorité de la commission,
qui, par leur position, sont en quelque
sorte réduits au rôle de juges du camp,
avouent eux-mêmes l'impossibilité où ils
se trouvent de former aucune conjecture
Il resta sans parler pendant cinq minu-
tes. Puis, levant les yeux sur Mrs. Aouda:
« Madame, dit-il, me pardonnerez-vous
de vous avoir amenée en Angleterre ? 9
Moi, monsieur Fogg! répondit Mrs.
Aouda, en comprimant les battements
de son cœur.
Veuillez me permettre d'achever, re-
prit ftty\ Fogg. Lorsque j'ai eu la pensée de
vous entraîner loin de cette contrée de-
venue si dangereuse pour vous, j'étais ri-
che, et je comptais mettre une partie de
ma fortune à votre disposition. Votre
existence eût été heureuse et libre. Main-
tenant, je suisruiné.
Je le sais, monsieur Fogg, répondit la
jeune femme, et je vous demanderai à
mon tour Me pardonnerez-vous de vous
avoir suivi, et qui sait ? d'avoir peut-
être, en vous retardant, contribué à votre
ruine?
Madame, vous ne pouviez rester dans
l'Inde, et votre salut n'était assuré que si
vous vous éloigniez assez loin pour que
ces Indous ne pussent vous reprendre.
Ainsi, monsieur Fogg, reprit Mrs.
Aouda, non content de m'avoir arrachée
à une mort horrible, vous vous croyiez
encore obligé d'assurer ma position en
Europe?
Oui, madame, répondit Phileas Fogg,
mais les événements ont tourné contre
moi. Cependant, il existe encore quelques
restes de cette fortune dont je vous de-
mande la permission de disposer en votre
faveur.
Mais, vous, monsieur Fogg, que de-
viendrez-vous ? demanda Mrs. Aouda.
Moi, madame, répondit froidement le
gentleman, je n'ai besoin de rien.
Comment, monsieur, envisagez-vous
donc le sort qui vous attend ?
Comme il convient de le faire, répon-
dit doucement Mr. Fogg.
En tout cas, reprit Mrs. Aouda, la mi-
sère ne saurait atteindre un homme tel
que vous. Vos amis.
Je n'ai point d'amis, madame.
Vos parents.
Je n'ai plus de parents,
raisonnes sur l'issue dé ce conflit à la i oi* >
courtois et obstiné.
> II est vrai que si Van cherchait des in*
dices du dénoûment ailleurs que dans la
commission même, et, par exemple, dans
la conduite de la majorité de l'Assemblée, v,
on pourrait éprouver quelques inquié-*
tudes. Il semble que la droite soit décidée
à pousser les avantages qu'elle a obtenu^
samedi, et qu'elle s'apprête à s'empa-'
rer de tous les portefeuilles q\ù ne
lui appartiennent pas encore. On se
croit sur de M. Dufaure et de M. de
Goulard, mais on n'est pas également
satisfait de M. de Rémusat et de M;
Jules Simon. L'instruction publique, d'ail-
leurs, n'est-ce pas la question de l'ensei-
gnement congréganiste ? Et les affaires;
étrangères, n'est-ce pas la question ro*
maine 1 On voit de quel intérêt il serait
pour la droite de mettre la main sur ces
deux ministères. Est-ce ainsi qu'il faut
expliquer l'attaque inopinément entrer
prise hier contre M. le ministre des affak
res étrangères, et qui doit se poursuivre
aujourd'hui ? Est-ce par un motif sembla-
ble que la commission de l'instruction
primaire veut faire mettre à l'ordre du
jour la discussion de la loi de M. Jules
Simon Il faut avouer que, s'il en est ainsi,
on ne saurait faire grand fondement sur
les dispositions conciliantes dont la majo-
rité a paru tout à coup animée depuis la
victoire du 14. Cet adoucissement de ma-
nières serait tout simplement la politesse
d'un vainqueur qui demande les clefs de
la place avec d'autant plus d'égards qu'il
se croit plus certain de les obtenir au be-
soin par la force.
La commission de réorganisation de
l'armée parait s'émouvoir des critiques
soulevées par l'une des premières appli-
cations de la loi de recrutement, à sa-
voir la publication du programme d'exa-
men et la fixation à 1,500 francs de la
prime exigible pour le volontariat. Elle
voudrait que les conditions scientifi-
ques fussent plus sérieuses et les con-
ditions fiscales diminuées.
La commission nous permettra de lui
dire qu'elle s'y prend tard pour être
émue, et qu'elle est inexcusable, quand
elle a collaboré à la loi, de n'en avoir
pas prévu les conséquences possibles.
Comment, par exemple, est-elle sur-
prise de ce chiffre de 1,500 fr., qui sent'
d une lieue l'exonération; quand tout le
monde, à commencer par nous, en était
prévenu? M. Thiers ne se cachait pas, et
il était connu qu'il oscillaitaux environs
du chiffre dont on s'étonne aujourd'hui.
Quant au programme d'examen, il
pignifle assez clairement qu'on entend
faire de cette disposition de la loi une
condition à peu près nulle et non ave-
nue. Ainsi qu'un de nos correspondants
nous l'écrit, quelle garantie présentera
une épreuve qui ne comporte, sauf une
dictée, que des interrogations orales, où
l'escamotage en faveur des recomman-
dés sera la chose la plus simple du
monde ?
Nous lie savons ce que la commission
obtiendra du gouvernement; mais,
comme nous craignons qu'elle n'en ob-
tienne pas de modification assez consi-
dérable pour rectifier le caractère de la
loi, nous nous en consolerons d'autant
plus aisément si ellen'obtientrien du tout;
car ce sera le meilleur moyen pour que
cette loi, que nous croyons mauvaise,'
subisse une épreuve complet et décisive
devant l'opinion publique très abusée
sur ses mérites. Ce qu'on peut en dire
de plus avantageux, c'est qu'il suffira
d'y changer deux ou trois articles pour
la rendre bonne quand on le voudra, et
qu'en attendant, le débat auquel elle
donne lieu met tout le monde au cou-
rant de ces questions.
-Je vous plains alors, monsieur Fogg,
car l'isolement est une triste chose. Quoi I
pas un cœur ami pour y verser vos peines.
On dit cependant qu'à deux la misère
elle-même est supportable encore!
On le dit, madame.
Monsieur Fogg, dit alors Mrs. Aouda,"
qui se leva et tendit sa main au gentle-
man, voulez-vous à la fois d'une parente
et d'une amie 1 Voulez-vous de moi pour
votre femme? »
Mr. Fogg, à cette parole, s'était levé à
son tour. Il y avait comme un reflet inac-
coutumé dans les yeux, comme un trem-
blement sur les lèvres. Mrs. AoUdale re-
gardait. La sincérité, la droiture, la fer-
meté et la douceur de ce beau regard d'une
noble femme qui ose tout pour sauver ce-
lui auquel elle doit tout, l'étonna d'abord,
puis le pénétra. Il ferma les yeux un ins-
tant, comme pour éviter que ce regard ne
s'enfonçât plus avant. Quand il les rou-
vrit
« Je vous aime, madame 1 dit-il simple-
ment. Oui, en verité, par tout'ce qu'il y a
de plus sacré au monde, je vous aime, et
je suis tout à vous!
Ah » s'écria Mrs. Aouda, en portant
la main à son cœur.
Passepartout fut sonné. Il arriva aussi-
tôt. Mr. Fogg tenait encore dans sa main
la main de Mrs. Arouda. Passepartout
comprit, et sa large face rayonna comme
le soleil au zénith des régions tropicales
Mr. Fogg lui demanda s'il ne serait pas
trop tard pour aller prévenir le révérend
Samuel Wilson, de la paroisse de Saint-
Stephen.
Passepartout sourit de son meilleur
sourire.
« Jamais trop tard, a dit-i1.
Il n'était que dix heures moins cinq.
« Ce serait pour demain, lundi! dit-il.
Pour demain lundi?. demanda Mr.
Fôgg en regardant la jeune femme.
Pour demain lundi > répondit Mrs.
Aouda.
Passepartout sortit, tout courant.
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