Titre : Grand dictionnaire universel du XIXe siècle : français, historique, géographique, mythologique, bibliographique.... T. 11 MEMO-O / par M. Pierre Larousse
Auteur : Larousse, Pierre (1817-1875). Auteur du texte
Éditeur : Administration du grand Dictionnaire universel (Paris)
Date d'édition : 1866-1890
Sujet : Encyclopédies et dictionnaires français -- 19e siècle
Notice d'ensemble : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb33995829b
Type : monographie imprimée monographie imprimée
Langue : français
Format : 17 vol. ; in-fol. 17 vol. ; in-fol.
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : France-Japon Collection numérique : France-Japon
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k205363w
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
776 NAIF NAIG NAIG NAIG
bœufs, intitulé les Nymphes des eaux et ap-
partenant à l'Etat, a figuré à l'Exposition
universelle de 1855.
En peinture, nous citerons un tableau de
Du Fresnoy (les Naïades), qui est au Louvre, et
qui a été gravé par Landon une composition
de Gérard de Lairesse un tableau de Lucas
Cranach, payé fr. à la vente de la célèbra
galerie de San-Donato (1870); diverses com-
positions de MM. Foulongne (Salons de 1869
et 1872), Ranvier, une Lymphe des eaux (Sa-
lon de 1872), L. Legendre (Salon de 1872), etc.
N'oublions pas la Source, l'une des plus pures
et des plus séduisantes créations d'Ingres;
c'est une Naiade soutenant au-dessus de son
épaule l'urne d'où s'épanche l'eau de la source
dont elle est la divinité protectrice. V. SOURCE.
Bot. Les naiades sont des plantes à tiges
rameuses, charnues et fragiles, portant des
feuilles minces et transparentes; les fleurs,
dioïques, solitaires à l'aisselle des feuilles,
ont un périanthe formé d'une spathe mem-
braneuse et celluleuse terminée par deux
pointes. La fleur mate consiste en une seule
étamine; à anthère tétragone, à quatre lobes;
la fleur femelle est réduite à un ovaire entouré
d'une spathe. Le fruit est une nucule mono-
sperme, épicarpe membraneux. Ces plan-
tes, comme l'indique leur nom mythologique,
-croissent dans les eaux douces; elles abon-
dent surtout dans les étangs de l'Europe cen-
trale. Dans certains pays, elles croissent en
assez grande quantité pour qu'on puisse les
employer comme engrais. La naïade fluviatile
sert de nourriture aux carpes, et il est avan-
tageux de la propager dans les étangs.
NAÏADE, ÉE adj. (na-ia-dé rad. naïade).
Bot. Qui ressemble ou qui se rapporte au
genre naïade.
s. f. pl. Famille de plantes monocotylé-
dones. ayant pour type le genre naïade Les
NAÏAEES sont répandues dans les eaux douces
et salées de tous les climats. (P. Duchartre. Il
On les appelle aussi FLUVIALES, NAÏADES, po-
TAMOPHILES.
Encycl. Les naïadées sont des plantes
aquatiques, à tiges noueuses, le plus souvent
rampantes, portant des feuilles en général-
alternes, planes, entières, embrassantes ou
engainantes à la base et accompagnées de
stipules membraneuses. Les fleurs sont très-
petites, unisexuées, monoïques ou plus rare-
ment dioïques, solitaires ou groupées à l'ais-
selle des feuilles, quelquefois réunies en épis.
Le périanthe souvent remplacé par une
spathe, affecte des formes très-diverses et
manque même complètement dans certains
genres. Les fleurs mâles consistent le plus
souvent en une seule étamine; rarement elles
en ont plusieurs. Les fleurs femelles, ordinai-
rement plus nombreuses et placées au-dessus
des fleurs mâles, consistent en un ou plusieurs
pistils, à ovaire uniloculaire et uniovulé, sur-
monté d'un style simple que termine un stig-
mate souvent large et pelté. Le fruit est une
petite capsule à une seule loge, renfermant
une graine dont l'embryon est dépourvu d'al-
bumen. Cette famille, qui a des analogies
avec les alismacées et les bydrocharidées,
comprend les genres suivants, groupés en
six tribus I. Naiadées: naïade, caulinie.
Il. Zoslérées: zostère, cymodocée. — III. Posi-
donées. posidonie, thalassie. IV. Ruppiées:
ruppia.-V. Zannicheliées: zannichellie, al-
thénie. VI. Potamées potamot. Les naia-
dées habitent les eaux douces et salées de
tous les pays. Elles croissent souvent en très-
grande abondance et constituent essentiel-
lement la végétation des eaux courantes ou
stagnantes. Quelques-unes ont des rhizomes
alimentaires; d'autres, quand elles sont sé-
chées, peuvent servir a la confection des
sommiers, à l'emballage, etc. Toutes fournis-
sent un assez bon engrais.
NAÏBA s. f. (na-i-ba mot ar.). Impôt
personnel que l'on perçoit au Maroc, lors des
trois grandes fêtes de l'année ou dans d'au-
tres circonstances exceptionnelles.
NAÏDE s. f. (na-ï-de). Annél. Syn. de NCis.
NAÏDIN, INE adj. (na-i-dain, i-ne rad.
naïde). Annél. Qui ressemble ou qui se rap-
porte à la naïde.
s. f. pl. Famille d'annélides, ayant pour
type le genre nuïde ou naïs.
NAÏF, IVE adj. (na-iff, i-ve lat. natiuus,
qui vient de natus, né. Le sens primitif dé
naïf est, en effet, natif, originel, naturel
La pierre est de roche nafve
De quoi l'on fist le fondement.
(Romnn de la Rose.)
La Fontaine l'a encore employé dans cette
signification dans sa comédie de Climène, où
il dit qu'une couleur de rose avait
Rehaussé de son teint la naive blancheur.
Naturel, simple, ingénu, sans détour, sans
artifice Des gyâces NAïVES. Urte beauté NAïVE.
Un ton NAïF. Il est NAIF comme un enfant. Les
dieux de la NAïVE anliquité, participant aux
besoins et aux plaisirs des hommes, rnangenl et
boivent. (Renan.) La vanité africaine est toute
NAÏVE. Pourguoi ne vous arrêtez-vous pas à
me regarder quand je passe? dit une dame
de ce pays. (E. Bersot.)
-Qui retrace fidèlement la vérité, qui imite
la nature sans employer aucun artifice Une
expression NAÏVE. Uu Style KAÏF. Le récit NAÏF
d'un fait. Tout ce qui est vrai n'est pas NAïF.
mais tout et qui est NAÏF est vrai, d'une vérité
piquante, origiaale et rare. (Dider.) La per-
fecliou du genre familier est le naturel NAÏF.
(De Bonald.) Ce qu'il y a de plus su6lime dans
les œuvres de l'esprit humnin est peut-être
aussi ce qu'il y a de plus NAÏF. (V. Hugo.) Il
Qui est dépourvu de finesse, en parlant des
actes ou des paroles La réponse est NAïvE.
Celte manière d'agir est par trop NAÏVE. Il ne
faut rien de moins dans les cours qu'une vraie
et NAÏVE impudence pour réussir. (La Bruy.)
Qui dit sa pensée ingénument, sans dé-
tour, qui se montre sans déguisement Un
homme franc et NAÏF. Une âme NAÏVE.
Techn. Pointe natue, Diamant qui, na-
turellement et sans taille, offre une forme
pyramidale.
s. m. Ce qui est naïf, genre nuïf Lors-
que, par une heureuse absence de finesse et de
précaution, la phrase rnonlre la pensée toute
nue, NAÏF parait. (Rivarol.) Les anciens ont
atteint le sublime du NAÏF, et les modernes celui
du grand. (De Bonald.)
La cour désabusée
Dédaigna de ces vers l'extravagance aisée,
Distingua le naïf du plnt et du bouffon.
BOILEAU.
Syn. Naïf, naturel, simple. Ce qui est
naturel est ou parait vrai et est toujours
exempt d'affectation mais le naturel n'exclut
pas l'ornement, parce que la nature produit
réellement de très-belles choses. Ce qui est
naïf est toujours naturel, mais on pourrait
dire souvent qu'il l'est trop et qu'un peu de
réflexion aurait conduit à en modifier, à en
voiler les formes. Cependant on aime la
rtaiuelé dans un enfant, dans une jeune fille,
parce qu'on la retarde comme une preuve de
leur innocence. Quand on loue La Fontaine
pour la naïveté de son style, c'est qu'on sup-
pose que les traits malins qu'il décoche sou-
vent contre nos travers lui échappent en quel-
que sorte sans qu'il s'en aperçoive, et la naï-
veld n'est ici naturelle qu'en apparence; ce
qu'on admire dans notre grand fabuliste, c'est
son habileté à paraître naif. Enfin, ce qui est
simple se présente à nos yeux tel qu'il est,
sans ornements, sans emphase, sans aucun
dessein de séduire. Le style simple ne con-
vient qu'aux sujets dont l'importance n'est pas
très-grunde; dés que le sujet s'élève, le style
peut recevoir des ornements sans cesser pour
cela d'être naturel.
NA1 GEON (Jacques-André), littérateur fran-
çais, né à Paris en 1738, mort en 1810. Il com-
mença par étudier les beaux-arts, dessina,
peignit et sculpta; puis, s'étant lié intimement
avec Diderot, il se lit le disciple, l'imitateur
et l'admirateur fervent du célèbre encyclo-
.pédiste. Le maître a écrit ceci de l'élève
« Vous savez que Naigeon a dessiné plusieurs
années à l'Académie, modelé chez Le Moyne,
peint chez Vanlou et passé comme Socrate
de l'atelier des beaux-arts dans l'atelier de la
philosophie.. Il est vrai que, par compensa-
tion, Laharpe, qui ne professait aucune ten-
dresse à l'endroit de Naigeon, l'a tourné en
ridicule « « C'est le singe de Diderot, dont il ré-
pète sans cesse les conversations, comme il
copie son ton et ses manières. Il joint à la
gravité d'un savant la coiffure d'un petit-mal-
tre et les précautions d'une mauvaise santé
avec l'apparence de la force. De là, le cou-
plet suivunt
Je suis savant, je m'en pique,
Et tout le monde le sait;
Je vis de mélaphysique,
De légumes et de lait.
J'ai reçu de la nature
Une figure à bonbon;
Ajoutez-y ma frisure,
Et je suis monsieur Naigeon.
Avant de publier ses propres écrits, Nai-
geon fut d'abord le simple copiste, puis le col-
laborateur de d'Holbach. 11 faisait passer et
imprimer en Hollande les manuscrits de ce-
lui-ci, qu'il augmentait de notes considéra-
bles il donna quelques travaux à l'Encyclo-
pédie, notamment les articles Âme et uni-
TAIRES, et composa le Militaire philosophe ou
Difficullés sur ta religion proposée au Père
Malebranche (1768). Ce fut son premier ou-
vrage. Comme dans tous ceux qu'il donna
par la suite, il se traîne péniblement à la re-
morque des grands encyclopédistes, ressasse
leurs idées et ne tire presque rien de son pro-
pre fonds. La publication, avec des retou-
ches, des préfaces, des commentaires, du
Traité de la liberté de conscience, par Cicel-
lius du Recueil philosophique (2 vol. in-s°),
composé de morceaux attribués à Vauvenar-
gues, Dumarsais, Fontenelle, Mirabaud de
la Traduction de Séuèque, de Lagrange (7 vol.
in 12); une traduction qu'il fit lui-même du
Manuel d'Eyictèle; des Nolices sur La Fon-
taine et Racine et divers autres travaux
moins importants occupèrent les années sui-
vantes (1768-1778). La publication de la Mo-
rale uniuerselle, du baron d'Holbach (1788),
publication qui suivit de près la mort du fa-
meux baron, et surtout la rédaction, à un
point de vue anticatholique très-prononcé, de
tous les articles de philosophie ancienne et
moderne de l'Encyclopédie méthodiyue furent
les principaux ouvrages de Naigeon dans la
période qui précéda la Révolution. Grand ad-
mirateur des idées nouvelles, surtout à cause
de la couleur philosophique qu'elles avaient
à la première heure, il ne se fit remarquer
que par des publications antireligieuses la
nécessité d'en finir avec le catholicisme et
le clergé fut exposée par lui dans une bro-
chure virulente insérée au Mercure de France
(1789), et il revint sur ces doctrines dans une
adresse à l'Assemblée nationale sur la liberté
des cultes (1790). Naigeon ne joua aucun rôle
dans les événements qui suivirent; sous le
Consulat et sous l'Empire, confiné dans une
des classes de l'Institut, rendu plus circon-
spect dans ses paroles par la volonté du chef
de l'Etat qui, en rétablissant la religion,
avait voulu qu'elle fut respectée, et qui, d'ail-
leurs, exécrait philosophes et encyclopédis-
tes, il mourut à peu près oublié. Ses princi-
paux titres consistent dans la part qu'il a
prise à la rédaction de l'Encyclopédie métho-
dique, dans la magnifique édition de Diderot,
avec commentaires (1798, 20 vol. in-8°), et
dans celle des Essais de Montaigne (1802).
Cette dernière œuvre est curieuse en ce que,
faite sur un manuscrit original, chargé de
notes autographes de Montaigne, elle con-
tient une foule de passages omis à dessein
dans toutes les autres éditions. Le commen-
taire de Naigeon est souvent fastidieux et la
seule remarque à faire, c'est qu'il se donne
beaucoup de peine pour mettre au-dessus de
tout le reste les pensées, souvent étranges,
que les précédentsjéditeurs avaient prudem-
ment écartées.
La doctrine de Naigeon, c'est l'athéisme;
pas un encyclopédiste, excepté d'liolbach,
n'a professé cette doctrine aussi crûment.
Pour lui, la croyance en Dieu, en l'immor-
talité de l'âme, en la vie future n'est qu'une
invention du clergé pour faire venir dans
sa poche l'argent des autres.. Toute sa po-
lémique, d'un demi-siècle, peut se résumer
dans les pensées suivantes · et essentiel
pour l'Eglise que notre âme soit immortelle,
sans cela nous pourrions bien ne pas avoir
besoin des ministres de l'Eglise, ce qui for-
cerait le clergé de faire banqueroute. » —
Libre arbitre, faculté sans laquelle les pré-
tres ne pourraient nous damner, et à l'aide
de laquelle nous jouissons, par-dessus les
autres animaux, du pouvoir de nous perdre
nous mêmes. » — La charité, la plus im-
portante des vertus, consiste à aimer par-
dessus toutes choses un Dieu que nous ne
connaissons guère et des prêtres que nous
connaissons très-bien. » Toujours Dieu et les
prêtres! Naigeon rencontrait, toutes les fois
qu'il traitait ces matières, une certaine verve
brutale et impertinente qui ne manque pas
d'attrait; mais on est forcé de convenir qu'il
n'avait aucune véritable science de la ques-
tion et que, dans l'Encyclopédie méthodique,
il ne sut pas même donner un résumé satis-
faisant des systèmes qui, sur cette question,
ont partagé le monde. Son adresse à l'As-
semblée nationale portait ce titre Doit-on
parler de Dieu et en général d'une religion
dans la Déclaration des droits de l'homme? 11
est inutile de dire qu'il concluait à la néga-
tive. Plus tard, quand Robespierre établit le
culte de l'Etre suprême, Naigeon s'écria
« Ce monstre de Robespierre l Les philoso-
phes non suspects d'athéisme et, à plus forte
raison Bossuet, Pascal, Bacon, sont traités
par lui du bout de la plume, avec le plus grand
dédain Bossuet et les solitaires de Port-
Royal, s'ils avaient vécu dans l'antiquité,
n'auraient fait que ressusciter les folles sub-
tilités de l'école de Mégare Pascal seul au-
rait pu s'élever aux découvertes d'Archi-
mède il a été perdu pour les sciences aussitôt
que la religion en a fait sa conquête. Bacon
lui-même, lorsqu'il paye un tribut à de reli-
gieuses convenances, n'est plus qu'un enfant
qui répète les contes de sa nourrice. Campa-
nella n'avait point assez d'étoffe pour être
athée; on n'imagine pas combien il faut de
force de tête, combien il faut avoir observé,
comparé, médité, approfondi les sciences,
pour atteindre à cette opinion. »
Dons ses notes sur les Essais de Montaigne,
il rencontre cette pensée Si un disciple ne
montre que des sentiments vils et bas, il faut
le mettre pastissier dans quelque bonne ville,
fût-il fils d'un duc. » (Institution des enfants.)
Montaigne avait mis d'abord dans le manu-
scrit Que de bonne heure son gouverneur
l'estrangle, s'il est sans temoing.. Puis il
raya ce singulier précepte et le remplaça par
l'autre, beaucoup plus humain. Naigeon ap-
puie la rédaction primitive: On sent d'autant
plus, dit-il, la sagesse et la nécessité de cette
mesure (étrangler l'élève qui n'a pas de bonnes.
dispositions), qu'on a soi-même plus réfléchi,
mieux observé et qu'on est plus avancé dans
la connaissance de l'homme physique et mo-
ral. » Et il cherche querelle à Mlle de Gour-
nay, qui'n'a pas préféré, dans les manuscrits,
cette version à 1 autre.
Ce ne sont là que des boutades et quand
elles constituent tout le bagage littéraire et
philosophique d'un écrivain, que, de plus, il
faut les chercher dans de volumineux in-oc-
tavo, leur auteur doit bien s'attendre à ne pas
gagner une postérité reculée. Naigeon est
aujourd'hui l'un des plus oubliés parmi les
encyclopédistes.
M. Damiron a porté sur lui le jugement sui-
vant Sans éclat, sans grandeur, avec une
célébrité qui n'est pas précisément de la
gloire, et un caractère d'opinions qui n'est ni
1 élévation ni la modération, il n'est pas un de
ces noms que l'on recherche et dont on se
flatte. Naigeon est, en effet, une pâle et froide
figure sans originalité ni vraie force, dont
aucun traitn'impose ni n'attire beaucoup, et
néanmoins, à y bien regarder, il ne laisse pas,
sous certains rapports, que d'exciter quelque
intérêt et de mériter quelque attention. Ainsi
d'abord, comme homme, il vaut beaucoup
mieux que comme philosophe. Il se rend a
lui-même le témoignage, et comme il se le
rend publiquement, il faut l'en croire, qu'il a
(ce sont les termes dont il se sert dans ses
Mémoires sur Diderot) une fermeté et une
» inflexible droiture de caractère qui l'éloigne
» égelement de l'adulation et de la satire. »
Naigeon, tout médiocre et tout en sous-ordre
qu'if soit, va si loin en son sens et avec une
si extrême conséquence, qu'il ne donne guère
après lui place à de plus audacieux, et que,
dans son athéisme à outrance, il dépasse sans
fléchir tout ce qui a été professé de plus dé-
claré en cette mauère..
Ajoutons, avec le même critique philosophe,
que, comme homme privé, il laissa « des sou-
venirs de probité, de droiture et de franchise,
non sans grande rudesse, de simplicité de
mœurs, de goûts sérieux et studieux. Son
goùt pour les livres était celui d'un amateur
éclairé il se forma lentement une magnifique
bibliothèque, remarquable surtout par ses col-
lections de classiques latins, les plus belles
que l'on ait rassemblées, dit M. Renouard.
Comme tous les bibliophiles, il avait ses ma-
nies sa plus grande était do vouloir, aux
livres qu'il achetait, des marges intactes. De
là ces vers qui lui sont appliqués dans une
satire du temps
Naigeon si renommé pour sa bibliothèque,
Dont, le pied à la main, on sait qu'il fit l'achat
Ce pied à la main, qui est, dans ces vers,
d'un effet bizarre, constate une habitude de
Naigeon. L'auteur (Mérard de Saint-Just)
ajoute, en effet, en notre Toutle monde sait
que Naigeon n arrive jamais chez un librnire
et dans une vente de livres que son pied à la
main. S'il manque à l'exemplaire qu il désire
acheter un cinquantième de ligne à la marge
d'en haut où d'en bas, il le rejette comme in-
digne d'entrer dans son cabinet. » Un autre
biographe ajoute qu'autant il se pâmait d'aise
en rencontrant un livre bien conservé, à
belles marges, autant il montrait de mécon-
tentement et même de chagrin en voyant,
entre les mains d'un autre, un exemplaire
meilleur, à ce point de vue, que le sien. Chez
lui, personne n'avait le droit d'ouvrir un
livre.
La fin de sa vie fut triste et morose; il
voyait relever par l'Empire les supersti-
tions qu'il avait combattues toute sa vie,
avec les encyclopédistes, puis avec les répu-
blicains. La solitude, la maladie, puis, sinon
le dénûrnent, du moins la gêne, empoisonne-
rent ses derniers jours. Il se vit contraint de
vendre sa belle bibliothèque, qui fut achetée
par M. Firntin Didot. Lorsque celui-ci la re-
vendit en partie, en t811, presque tous les
exemplaires atteignirent des prix élevés.
NAIGEON (Jean), peintre français, parent
du précédent, né à Dijon en 1753, mort à Pa-
ris en 1832. Après avoir fait à Dijon ses pre-
mières études, il vint assez tard à Paris se
perfectionner dans l'atelier de David. Ses
progrès furent lents, malgré son opiniâtreté
au travail. Naigeon avait trente-quatre ans
lorsqu'il envoya au Salon de 1791 les deux
uniques tableaux connus de lui:le Déparl
d'Gnée et Pyrrhus enfant présenlé à la cour
de Clodius. Les figures de ces tableaux sont
d'une correction réelle; les groupes sont bien
agencés et les silhouettes ne manquent pas
d élégance mais les types manquent d'ori-
ginalité. Les draperies sont lourdes et l'exé-
cution est hésitante et malhabile. Toutefois,
la dimension de ces toiles, le sérieux du su-
jet, les efforts qu'on y sentait plaidèrent en
faveur du peintre et lui valurent des éloges.
Mais Naigeon était assez intelligent pour ne
point se méprendre sur la portée de ce suc-
cès d'estime. Il renonça presque absolument
à la peinture. Toutefois, comme il possédait
un flair artistique très-fin et qu'il était très-
instruit, il se fit charger, en 1793, en même
temps que ses collègues Peyron et Bonvoi-
sin, de l'inventaire des œuvres d'art et des
monuments d'archéologie trouvés dans les
couvents supprimés. C est à lui que l'on doit
la conservation d'une foule de trésors qui al-
laient être dispersés; il sut préserver, entre
autres, l'église de Saint-Denis, les châteaux
d'Ecouen et de Praslin, renfermant des pein-
tures de Le Brun, des sculptures de Jean Gou-
jon et de beaux vitraux d après Raphaël. Ces
richesses furent déposées provisoirement à
l'hôtel de Nesle et Naigeon en fut créé con-
servateur. Plus tard, après le 18 brumaire,
l'artiste revint un instant à ses pinceaux pour
exécuter les grisailles qui décorent les deux
extrémités du plafond de la galerie du Luxem-
bourg. Enfin, en 1812, il fut nommé directeur
du musée que l'on créa dans ce palais, et res-
taura fort habilement les toiles fort détério-
rées qui devaient y figurer. Cette collection,
qu'il avait faite aussi riche qu'intéressante,
fut enlevée à ses soins en 1815, pour être mise
au Louvre à la place des chefs-d'œuvre em-
portés par les alliés. Naigeon n'en resta pas
moins, jusque vers 1828, conservateur du mu-
sée du Luxembourg, où l'on réunit des ta-
bleaux d'artistes vivants.
NAIGEON (Jean-Guillaume-Elzidor), pein-
tre, fils du précédent, né à Paris en 1797,
mort en 1867. Son père, puis Gros commen-
cèrent son instruction artistique, qu'il com-
pléta à l'Ecole des beaux-arts. En t827, Nai-
bœufs, intitulé les Nymphes des eaux et ap-
partenant à l'Etat, a figuré à l'Exposition
universelle de 1855.
En peinture, nous citerons un tableau de
Du Fresnoy (les Naïades), qui est au Louvre, et
qui a été gravé par Landon une composition
de Gérard de Lairesse un tableau de Lucas
Cranach, payé fr. à la vente de la célèbra
galerie de San-Donato (1870); diverses com-
positions de MM. Foulongne (Salons de 1869
et 1872), Ranvier, une Lymphe des eaux (Sa-
lon de 1872), L. Legendre (Salon de 1872), etc.
N'oublions pas la Source, l'une des plus pures
et des plus séduisantes créations d'Ingres;
c'est une Naiade soutenant au-dessus de son
épaule l'urne d'où s'épanche l'eau de la source
dont elle est la divinité protectrice. V. SOURCE.
Bot. Les naiades sont des plantes à tiges
rameuses, charnues et fragiles, portant des
feuilles minces et transparentes; les fleurs,
dioïques, solitaires à l'aisselle des feuilles,
ont un périanthe formé d'une spathe mem-
braneuse et celluleuse terminée par deux
pointes. La fleur mate consiste en une seule
étamine; à anthère tétragone, à quatre lobes;
la fleur femelle est réduite à un ovaire entouré
d'une spathe. Le fruit est une nucule mono-
sperme, épicarpe membraneux. Ces plan-
tes, comme l'indique leur nom mythologique,
-croissent dans les eaux douces; elles abon-
dent surtout dans les étangs de l'Europe cen-
trale. Dans certains pays, elles croissent en
assez grande quantité pour qu'on puisse les
employer comme engrais. La naïade fluviatile
sert de nourriture aux carpes, et il est avan-
tageux de la propager dans les étangs.
NAÏADE, ÉE adj. (na-ia-dé rad. naïade).
Bot. Qui ressemble ou qui se rapporte au
genre naïade.
s. f. pl. Famille de plantes monocotylé-
dones. ayant pour type le genre naïade Les
NAÏAEES sont répandues dans les eaux douces
et salées de tous les climats. (P. Duchartre. Il
On les appelle aussi FLUVIALES, NAÏADES, po-
TAMOPHILES.
Encycl. Les naïadées sont des plantes
aquatiques, à tiges noueuses, le plus souvent
rampantes, portant des feuilles en général-
alternes, planes, entières, embrassantes ou
engainantes à la base et accompagnées de
stipules membraneuses. Les fleurs sont très-
petites, unisexuées, monoïques ou plus rare-
ment dioïques, solitaires ou groupées à l'ais-
selle des feuilles, quelquefois réunies en épis.
Le périanthe souvent remplacé par une
spathe, affecte des formes très-diverses et
manque même complètement dans certains
genres. Les fleurs mâles consistent le plus
souvent en une seule étamine; rarement elles
en ont plusieurs. Les fleurs femelles, ordinai-
rement plus nombreuses et placées au-dessus
des fleurs mâles, consistent en un ou plusieurs
pistils, à ovaire uniloculaire et uniovulé, sur-
monté d'un style simple que termine un stig-
mate souvent large et pelté. Le fruit est une
petite capsule à une seule loge, renfermant
une graine dont l'embryon est dépourvu d'al-
bumen. Cette famille, qui a des analogies
avec les alismacées et les bydrocharidées,
comprend les genres suivants, groupés en
six tribus I. Naiadées: naïade, caulinie.
Il. Zoslérées: zostère, cymodocée. — III. Posi-
donées. posidonie, thalassie. IV. Ruppiées:
ruppia.-V. Zannicheliées: zannichellie, al-
thénie. VI. Potamées potamot. Les naia-
dées habitent les eaux douces et salées de
tous les pays. Elles croissent souvent en très-
grande abondance et constituent essentiel-
lement la végétation des eaux courantes ou
stagnantes. Quelques-unes ont des rhizomes
alimentaires; d'autres, quand elles sont sé-
chées, peuvent servir a la confection des
sommiers, à l'emballage, etc. Toutes fournis-
sent un assez bon engrais.
NAÏBA s. f. (na-i-ba mot ar.). Impôt
personnel que l'on perçoit au Maroc, lors des
trois grandes fêtes de l'année ou dans d'au-
tres circonstances exceptionnelles.
NAÏDE s. f. (na-ï-de). Annél. Syn. de NCis.
NAÏDIN, INE adj. (na-i-dain, i-ne rad.
naïde). Annél. Qui ressemble ou qui se rap-
porte à la naïde.
s. f. pl. Famille d'annélides, ayant pour
type le genre nuïde ou naïs.
NAÏF, IVE adj. (na-iff, i-ve lat. natiuus,
qui vient de natus, né. Le sens primitif dé
naïf est, en effet, natif, originel, naturel
La pierre est de roche nafve
De quoi l'on fist le fondement.
(Romnn de la Rose.)
La Fontaine l'a encore employé dans cette
signification dans sa comédie de Climène, où
il dit qu'une couleur de rose avait
Rehaussé de son teint la naive blancheur.
Naturel, simple, ingénu, sans détour, sans
artifice Des gyâces NAïVES. Urte beauté NAïVE.
Un ton NAïF. Il est NAIF comme un enfant. Les
dieux de la NAïVE anliquité, participant aux
besoins et aux plaisirs des hommes, rnangenl et
boivent. (Renan.) La vanité africaine est toute
NAÏVE. Pourguoi ne vous arrêtez-vous pas à
me regarder quand je passe? dit une dame
de ce pays. (E. Bersot.)
-Qui retrace fidèlement la vérité, qui imite
la nature sans employer aucun artifice Une
expression NAÏVE. Uu Style KAÏF. Le récit NAÏF
d'un fait. Tout ce qui est vrai n'est pas NAïF.
mais tout et qui est NAÏF est vrai, d'une vérité
piquante, origiaale et rare. (Dider.) La per-
fecliou du genre familier est le naturel NAÏF.
(De Bonald.) Ce qu'il y a de plus su6lime dans
les œuvres de l'esprit humnin est peut-être
aussi ce qu'il y a de plus NAÏF. (V. Hugo.) Il
Qui est dépourvu de finesse, en parlant des
actes ou des paroles La réponse est NAïvE.
Celte manière d'agir est par trop NAÏVE. Il ne
faut rien de moins dans les cours qu'une vraie
et NAÏVE impudence pour réussir. (La Bruy.)
Qui dit sa pensée ingénument, sans dé-
tour, qui se montre sans déguisement Un
homme franc et NAÏF. Une âme NAÏVE.
Techn. Pointe natue, Diamant qui, na-
turellement et sans taille, offre une forme
pyramidale.
s. m. Ce qui est naïf, genre nuïf Lors-
que, par une heureuse absence de finesse et de
précaution, la phrase rnonlre la pensée toute
nue, NAÏF parait. (Rivarol.) Les anciens ont
atteint le sublime du NAÏF, et les modernes celui
du grand. (De Bonald.)
La cour désabusée
Dédaigna de ces vers l'extravagance aisée,
Distingua le naïf du plnt et du bouffon.
BOILEAU.
Syn. Naïf, naturel, simple. Ce qui est
naturel est ou parait vrai et est toujours
exempt d'affectation mais le naturel n'exclut
pas l'ornement, parce que la nature produit
réellement de très-belles choses. Ce qui est
naïf est toujours naturel, mais on pourrait
dire souvent qu'il l'est trop et qu'un peu de
réflexion aurait conduit à en modifier, à en
voiler les formes. Cependant on aime la
rtaiuelé dans un enfant, dans une jeune fille,
parce qu'on la retarde comme une preuve de
leur innocence. Quand on loue La Fontaine
pour la naïveté de son style, c'est qu'on sup-
pose que les traits malins qu'il décoche sou-
vent contre nos travers lui échappent en quel-
que sorte sans qu'il s'en aperçoive, et la naï-
veld n'est ici naturelle qu'en apparence; ce
qu'on admire dans notre grand fabuliste, c'est
son habileté à paraître naif. Enfin, ce qui est
simple se présente à nos yeux tel qu'il est,
sans ornements, sans emphase, sans aucun
dessein de séduire. Le style simple ne con-
vient qu'aux sujets dont l'importance n'est pas
très-grunde; dés que le sujet s'élève, le style
peut recevoir des ornements sans cesser pour
cela d'être naturel.
NA1 GEON (Jacques-André), littérateur fran-
çais, né à Paris en 1738, mort en 1810. Il com-
mença par étudier les beaux-arts, dessina,
peignit et sculpta; puis, s'étant lié intimement
avec Diderot, il se lit le disciple, l'imitateur
et l'admirateur fervent du célèbre encyclo-
.pédiste. Le maître a écrit ceci de l'élève
« Vous savez que Naigeon a dessiné plusieurs
années à l'Académie, modelé chez Le Moyne,
peint chez Vanlou et passé comme Socrate
de l'atelier des beaux-arts dans l'atelier de la
philosophie.. Il est vrai que, par compensa-
tion, Laharpe, qui ne professait aucune ten-
dresse à l'endroit de Naigeon, l'a tourné en
ridicule « « C'est le singe de Diderot, dont il ré-
pète sans cesse les conversations, comme il
copie son ton et ses manières. Il joint à la
gravité d'un savant la coiffure d'un petit-mal-
tre et les précautions d'une mauvaise santé
avec l'apparence de la force. De là, le cou-
plet suivunt
Je suis savant, je m'en pique,
Et tout le monde le sait;
Je vis de mélaphysique,
De légumes et de lait.
J'ai reçu de la nature
Une figure à bonbon;
Ajoutez-y ma frisure,
Et je suis monsieur Naigeon.
Avant de publier ses propres écrits, Nai-
geon fut d'abord le simple copiste, puis le col-
laborateur de d'Holbach. 11 faisait passer et
imprimer en Hollande les manuscrits de ce-
lui-ci, qu'il augmentait de notes considéra-
bles il donna quelques travaux à l'Encyclo-
pédie, notamment les articles Âme et uni-
TAIRES, et composa le Militaire philosophe ou
Difficullés sur ta religion proposée au Père
Malebranche (1768). Ce fut son premier ou-
vrage. Comme dans tous ceux qu'il donna
par la suite, il se traîne péniblement à la re-
morque des grands encyclopédistes, ressasse
leurs idées et ne tire presque rien de son pro-
pre fonds. La publication, avec des retou-
ches, des préfaces, des commentaires, du
Traité de la liberté de conscience, par Cicel-
lius du Recueil philosophique (2 vol. in-s°),
composé de morceaux attribués à Vauvenar-
gues, Dumarsais, Fontenelle, Mirabaud de
la Traduction de Séuèque, de Lagrange (7 vol.
in 12); une traduction qu'il fit lui-même du
Manuel d'Eyictèle; des Nolices sur La Fon-
taine et Racine et divers autres travaux
moins importants occupèrent les années sui-
vantes (1768-1778). La publication de la Mo-
rale uniuerselle, du baron d'Holbach (1788),
publication qui suivit de près la mort du fa-
meux baron, et surtout la rédaction, à un
point de vue anticatholique très-prononcé, de
tous les articles de philosophie ancienne et
moderne de l'Encyclopédie méthodiyue furent
les principaux ouvrages de Naigeon dans la
période qui précéda la Révolution. Grand ad-
mirateur des idées nouvelles, surtout à cause
de la couleur philosophique qu'elles avaient
à la première heure, il ne se fit remarquer
que par des publications antireligieuses la
nécessité d'en finir avec le catholicisme et
le clergé fut exposée par lui dans une bro-
chure virulente insérée au Mercure de France
(1789), et il revint sur ces doctrines dans une
adresse à l'Assemblée nationale sur la liberté
des cultes (1790). Naigeon ne joua aucun rôle
dans les événements qui suivirent; sous le
Consulat et sous l'Empire, confiné dans une
des classes de l'Institut, rendu plus circon-
spect dans ses paroles par la volonté du chef
de l'Etat qui, en rétablissant la religion,
avait voulu qu'elle fut respectée, et qui, d'ail-
leurs, exécrait philosophes et encyclopédis-
tes, il mourut à peu près oublié. Ses princi-
paux titres consistent dans la part qu'il a
prise à la rédaction de l'Encyclopédie métho-
dique, dans la magnifique édition de Diderot,
avec commentaires (1798, 20 vol. in-8°), et
dans celle des Essais de Montaigne (1802).
Cette dernière œuvre est curieuse en ce que,
faite sur un manuscrit original, chargé de
notes autographes de Montaigne, elle con-
tient une foule de passages omis à dessein
dans toutes les autres éditions. Le commen-
taire de Naigeon est souvent fastidieux et la
seule remarque à faire, c'est qu'il se donne
beaucoup de peine pour mettre au-dessus de
tout le reste les pensées, souvent étranges,
que les précédentsjéditeurs avaient prudem-
ment écartées.
La doctrine de Naigeon, c'est l'athéisme;
pas un encyclopédiste, excepté d'liolbach,
n'a professé cette doctrine aussi crûment.
Pour lui, la croyance en Dieu, en l'immor-
talité de l'âme, en la vie future n'est qu'une
invention du clergé pour faire venir dans
sa poche l'argent des autres.. Toute sa po-
lémique, d'un demi-siècle, peut se résumer
dans les pensées suivantes · et essentiel
pour l'Eglise que notre âme soit immortelle,
sans cela nous pourrions bien ne pas avoir
besoin des ministres de l'Eglise, ce qui for-
cerait le clergé de faire banqueroute. » —
Libre arbitre, faculté sans laquelle les pré-
tres ne pourraient nous damner, et à l'aide
de laquelle nous jouissons, par-dessus les
autres animaux, du pouvoir de nous perdre
nous mêmes. » — La charité, la plus im-
portante des vertus, consiste à aimer par-
dessus toutes choses un Dieu que nous ne
connaissons guère et des prêtres que nous
connaissons très-bien. » Toujours Dieu et les
prêtres! Naigeon rencontrait, toutes les fois
qu'il traitait ces matières, une certaine verve
brutale et impertinente qui ne manque pas
d'attrait; mais on est forcé de convenir qu'il
n'avait aucune véritable science de la ques-
tion et que, dans l'Encyclopédie méthodique,
il ne sut pas même donner un résumé satis-
faisant des systèmes qui, sur cette question,
ont partagé le monde. Son adresse à l'As-
semblée nationale portait ce titre Doit-on
parler de Dieu et en général d'une religion
dans la Déclaration des droits de l'homme? 11
est inutile de dire qu'il concluait à la néga-
tive. Plus tard, quand Robespierre établit le
culte de l'Etre suprême, Naigeon s'écria
« Ce monstre de Robespierre l Les philoso-
phes non suspects d'athéisme et, à plus forte
raison Bossuet, Pascal, Bacon, sont traités
par lui du bout de la plume, avec le plus grand
dédain Bossuet et les solitaires de Port-
Royal, s'ils avaient vécu dans l'antiquité,
n'auraient fait que ressusciter les folles sub-
tilités de l'école de Mégare Pascal seul au-
rait pu s'élever aux découvertes d'Archi-
mède il a été perdu pour les sciences aussitôt
que la religion en a fait sa conquête. Bacon
lui-même, lorsqu'il paye un tribut à de reli-
gieuses convenances, n'est plus qu'un enfant
qui répète les contes de sa nourrice. Campa-
nella n'avait point assez d'étoffe pour être
athée; on n'imagine pas combien il faut de
force de tête, combien il faut avoir observé,
comparé, médité, approfondi les sciences,
pour atteindre à cette opinion. »
Dons ses notes sur les Essais de Montaigne,
il rencontre cette pensée Si un disciple ne
montre que des sentiments vils et bas, il faut
le mettre pastissier dans quelque bonne ville,
fût-il fils d'un duc. » (Institution des enfants.)
Montaigne avait mis d'abord dans le manu-
scrit Que de bonne heure son gouverneur
l'estrangle, s'il est sans temoing.. Puis il
raya ce singulier précepte et le remplaça par
l'autre, beaucoup plus humain. Naigeon ap-
puie la rédaction primitive: On sent d'autant
plus, dit-il, la sagesse et la nécessité de cette
mesure (étrangler l'élève qui n'a pas de bonnes.
dispositions), qu'on a soi-même plus réfléchi,
mieux observé et qu'on est plus avancé dans
la connaissance de l'homme physique et mo-
ral. » Et il cherche querelle à Mlle de Gour-
nay, qui'n'a pas préféré, dans les manuscrits,
cette version à 1 autre.
Ce ne sont là que des boutades et quand
elles constituent tout le bagage littéraire et
philosophique d'un écrivain, que, de plus, il
faut les chercher dans de volumineux in-oc-
tavo, leur auteur doit bien s'attendre à ne pas
gagner une postérité reculée. Naigeon est
aujourd'hui l'un des plus oubliés parmi les
encyclopédistes.
M. Damiron a porté sur lui le jugement sui-
vant Sans éclat, sans grandeur, avec une
célébrité qui n'est pas précisément de la
gloire, et un caractère d'opinions qui n'est ni
1 élévation ni la modération, il n'est pas un de
ces noms que l'on recherche et dont on se
flatte. Naigeon est, en effet, une pâle et froide
figure sans originalité ni vraie force, dont
aucun traitn'impose ni n'attire beaucoup, et
néanmoins, à y bien regarder, il ne laisse pas,
sous certains rapports, que d'exciter quelque
intérêt et de mériter quelque attention. Ainsi
d'abord, comme homme, il vaut beaucoup
mieux que comme philosophe. Il se rend a
lui-même le témoignage, et comme il se le
rend publiquement, il faut l'en croire, qu'il a
(ce sont les termes dont il se sert dans ses
Mémoires sur Diderot) une fermeté et une
» inflexible droiture de caractère qui l'éloigne
» égelement de l'adulation et de la satire. »
Naigeon, tout médiocre et tout en sous-ordre
qu'if soit, va si loin en son sens et avec une
si extrême conséquence, qu'il ne donne guère
après lui place à de plus audacieux, et que,
dans son athéisme à outrance, il dépasse sans
fléchir tout ce qui a été professé de plus dé-
claré en cette mauère..
Ajoutons, avec le même critique philosophe,
que, comme homme privé, il laissa « des sou-
venirs de probité, de droiture et de franchise,
non sans grande rudesse, de simplicité de
mœurs, de goûts sérieux et studieux. Son
goùt pour les livres était celui d'un amateur
éclairé il se forma lentement une magnifique
bibliothèque, remarquable surtout par ses col-
lections de classiques latins, les plus belles
que l'on ait rassemblées, dit M. Renouard.
Comme tous les bibliophiles, il avait ses ma-
nies sa plus grande était do vouloir, aux
livres qu'il achetait, des marges intactes. De
là ces vers qui lui sont appliqués dans une
satire du temps
Naigeon si renommé pour sa bibliothèque,
Dont, le pied à la main, on sait qu'il fit l'achat
Ce pied à la main, qui est, dans ces vers,
d'un effet bizarre, constate une habitude de
Naigeon. L'auteur (Mérard de Saint-Just)
ajoute, en effet, en notre Toutle monde sait
que Naigeon n arrive jamais chez un librnire
et dans une vente de livres que son pied à la
main. S'il manque à l'exemplaire qu il désire
acheter un cinquantième de ligne à la marge
d'en haut où d'en bas, il le rejette comme in-
digne d'entrer dans son cabinet. » Un autre
biographe ajoute qu'autant il se pâmait d'aise
en rencontrant un livre bien conservé, à
belles marges, autant il montrait de mécon-
tentement et même de chagrin en voyant,
entre les mains d'un autre, un exemplaire
meilleur, à ce point de vue, que le sien. Chez
lui, personne n'avait le droit d'ouvrir un
livre.
La fin de sa vie fut triste et morose; il
voyait relever par l'Empire les supersti-
tions qu'il avait combattues toute sa vie,
avec les encyclopédistes, puis avec les répu-
blicains. La solitude, la maladie, puis, sinon
le dénûrnent, du moins la gêne, empoisonne-
rent ses derniers jours. Il se vit contraint de
vendre sa belle bibliothèque, qui fut achetée
par M. Firntin Didot. Lorsque celui-ci la re-
vendit en partie, en t811, presque tous les
exemplaires atteignirent des prix élevés.
NAIGEON (Jean), peintre français, parent
du précédent, né à Dijon en 1753, mort à Pa-
ris en 1832. Après avoir fait à Dijon ses pre-
mières études, il vint assez tard à Paris se
perfectionner dans l'atelier de David. Ses
progrès furent lents, malgré son opiniâtreté
au travail. Naigeon avait trente-quatre ans
lorsqu'il envoya au Salon de 1791 les deux
uniques tableaux connus de lui:le Déparl
d'Gnée et Pyrrhus enfant présenlé à la cour
de Clodius. Les figures de ces tableaux sont
d'une correction réelle; les groupes sont bien
agencés et les silhouettes ne manquent pas
d élégance mais les types manquent d'ori-
ginalité. Les draperies sont lourdes et l'exé-
cution est hésitante et malhabile. Toutefois,
la dimension de ces toiles, le sérieux du su-
jet, les efforts qu'on y sentait plaidèrent en
faveur du peintre et lui valurent des éloges.
Mais Naigeon était assez intelligent pour ne
point se méprendre sur la portée de ce suc-
cès d'estime. Il renonça presque absolument
à la peinture. Toutefois, comme il possédait
un flair artistique très-fin et qu'il était très-
instruit, il se fit charger, en 1793, en même
temps que ses collègues Peyron et Bonvoi-
sin, de l'inventaire des œuvres d'art et des
monuments d'archéologie trouvés dans les
couvents supprimés. C est à lui que l'on doit
la conservation d'une foule de trésors qui al-
laient être dispersés; il sut préserver, entre
autres, l'église de Saint-Denis, les châteaux
d'Ecouen et de Praslin, renfermant des pein-
tures de Le Brun, des sculptures de Jean Gou-
jon et de beaux vitraux d après Raphaël. Ces
richesses furent déposées provisoirement à
l'hôtel de Nesle et Naigeon en fut créé con-
servateur. Plus tard, après le 18 brumaire,
l'artiste revint un instant à ses pinceaux pour
exécuter les grisailles qui décorent les deux
extrémités du plafond de la galerie du Luxem-
bourg. Enfin, en 1812, il fut nommé directeur
du musée que l'on créa dans ce palais, et res-
taura fort habilement les toiles fort détério-
rées qui devaient y figurer. Cette collection,
qu'il avait faite aussi riche qu'intéressante,
fut enlevée à ses soins en 1815, pour être mise
au Louvre à la place des chefs-d'œuvre em-
portés par les alliés. Naigeon n'en resta pas
moins, jusque vers 1828, conservateur du mu-
sée du Luxembourg, où l'on réunit des ta-
bleaux d'artistes vivants.
NAIGEON (Jean-Guillaume-Elzidor), pein-
tre, fils du précédent, né à Paris en 1797,
mort en 1867. Son père, puis Gros commen-
cèrent son instruction artistique, qu'il com-
pléta à l'Ecole des beaux-arts. En t827, Nai-
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