Titre : La Vie parisienne : moeurs élégantes, choses du jour, fantaisies, voyages, théâtres, musique, modes / par Marcellin
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864
Contributeur : Marcelin, Émile (1825-1887). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328892561
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 1864 1864
Description : 1864 (A2,N1)- (A2,N25). 1864 (A2,N1)- (A2,N25).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k1256583w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, FOL-LC13-81
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/06/2016
238
LA VIE PARISIENNE
UN SALON DE PARIS
NOUVELLE (1)
VI
Quand Bauvron frappa, le mercredi suivant, à la porte de l'hôtel de
Retz, il était plus amoureux que jamais de Lucie, ou plutôt il commen-
çait pour tout de bon à en être amout eux.
Il entra Ni Lucip, ni son mari n'étaient dans le salon ; trois per-
sonnes seulement y figuraient : e Retz, la marquise, mère de
Lansac, de retour à Paris depuis la veine, et M. de la Rochaivon
homme de cinquante anf., que jadis les mauvais s langues avaient
donné pour amant à la marqui e de Lansac. M",(i de Retz reçut Bau-
vron avec une bienveillance et môme une effusion qu'il avait peine à
s 'expliqlier. Elle le prit par la main pour le présenter à M""' de Lansac
comme 1 'ami le plus dé\0"é de son fils et comme un des tonnes g 'ns
les plus distingués de la littérature < oti(emporaine. Mille de Retz était
toute gaie, toute rajeunie. Bauvron cherchait des yeux Lucie sans
oser dema'tder la raison de son absence
— Vous cherchez vo re ani ? lui dit Mme de Retz d'un ton indiffé-
relIt. Il vient d-e partir pour l'Italie avec sa femme.
Les oreilles de Bmvron tintèrent.
— Oui, continua -t-tlle avec une ironie qu'elle ne cherchait plus
à dissimuler, ils ont pris subitement la résolution de voyager Nous
sommes en famille, nulle raison de parler à mots couverts, puisque
vous êtes le confident de M. de Lansuc : vous le savez il y avait un
peu de froid entre eux. Eh bien! tout à coup ils se sont épris l'un
pour l'autre d'une ten tresse incroyable et les voilà partis. Toute
société, la nôtre même, leur était un supplice.
Biuvron n écoulait plus. Plongé dans le fauteuil sur lequel il lui
avait fallu be.aucoup de bonne volonté pour ne pas se laisser choir
il se faisait les réflexions les plus cruelles. Ces quatre aphorismes
tournaient et revenaient eu ordre dans sa tête comme mus par une
manivelle :
J une première fois un sol de ne pas assez comprendre que
l imprévu est tout dans le monde, et que j étais pour elle 1 i">prévn.
Je l 'ai été une seconde fois de ne pas brusquer l'occasion offerte, et
de ne pas oublier comme elle que les portes étaient ouvertes. J'ai été
banal, sans énergie, de la laisser à la rrurci des grands paren s pen-
dant une semaine, de ne pas me montrer, de ne pas revenir le len-
demain, une heur.- après, tout de suite. Elle doit avoir conçu pour
moi un mépris incroyable : elle a raison; et, malheureux! je l'en
aime dix fois plus !
Cependant Mme de Re'z avait résolu ce soir-là d'ouvrir sa boîte à
souvent'if chose rare! Elle fut comme toutes les vieilles femmes qui
ont eu un b -au temps et qui veulent bien en parler, charmante
Bauvron fit un effort sur lvi-même; il trouvait qu'on s'était assez
moqué de lui; il parvint à écouter et à donner la réplique. C'étai. nt
des histoires de galanterie du Directoire et du Consulat que M",e de
Retz racontait avec tous les voiles féminins du monde, mais qui n'en
saillaient qu'avec plus de relief.
— Voilà, dit-il, les femmes qui faisaient scandale et dont on parlait
jadis. Leur conduite t:n valait la peine. Aujourd'hui, dans le monde
tel que je l 'ai vu, on fait scandale à propos de niaiseries. C'est la
petite madame une telle qui a valsé trois fois avec monsieur un tel;
c'est une autre qui s'est compromise au cotillon, ou bien qu'on a
rencontrée le matin à pied Hors de sou quartier. Oui, c'est là tout,
à part quelques femmes qui prennent le grand parti se font enle-
ver et qu'on ne revoit plus, qui, parconséquent, ne sonl p us du monde.
—Oui, dit en souriant la marquise de Lansac; aussi les jeunes fem-
mes ne sauraient elles avoir trop de tantes etJe graud'mères pourleur
donner des con -eils et les empêcher de l'aire le malheur de leur vie.
Bauvron ne broncha pas; il était décidé à ne comprendre aucune
allusion.
— Ces changements d'aspect du monde, dit M. de la Rochaivon,
s'expliquent p ,ii- des raisons de politique.
— Oui, madame, c est mon travers, laissez-le moi, je vous prie.
Voici ce que j avance : Sous le Directoire, tous les parvenus du nou-
veau régime, comme toutes les personnes de l'ancien qui n'avaient
pas plié sous l 'ora .e, en voyant La terreur cesser, n'eurent qu'une
idée, jouir des plaisirs dont ils avaient été fi longtemps privés, et
dont un revirement pouvait les priver demain. De là une furie, une
rage, un tourbil on; de là des fê es multipliées et un monde impro-
vise qui eut bientôt sa physionomie : physionomie très vivante, très-
ardente. Sous l'km pire, le moud" gaide quelque chose de ce carac-
tère. C est un va-et-vient d', fliciers efl brillants uniformes ; en'reune
femme et celui qu'elle aime, il y avait toujours un départ prochain,
c est—à—dire la moit possible, probable; puis, comment faire attendre
les vainqueurs du monde?
Il l'allait aller vite, brûler, comme on disait, les scrupules sur l'au-
tel de la Victoire. Avec la Restauration commence 1 aplatissent» nt du
monde. L'ancien régime reparaît, mai, sans ses belles traditions et
ses belles façons; il est vieux, rancunier, inquiet sous sa morgue, se
sentant contesté. La jeune génération noble n'a plus cette confiance
( ) Voir les numéros du 26 mars, du 2,9 et 16 avril.
illimitée en elle-même qui faisait la force et la distinction suprême
de la noblesse au bon temps; ce manque d'arrière-pensée et, pour
ainsi dire, celte naïveté dans la jouissance de la vie et du commerce
des femmes ; cet abandon dans la vie é égante que le bourgeois Mo-
lière essayait de bafouer il y a deux siècles. Il faut s'agiter, recouvrer
une^ importance perdue, ou ( onserver une importance reconquise.
Il n'est plus temps d aimer, de passer des journées sur le tapis d'une
fier b'!(/ulé. occupé à lui faire mille et un madrigaux et sonnets, ou
d envoyer quérir les violons pour lui faire danser la courante. Il faut
se préoccuper de plaire au ministre avant de plaire à une femme;
partout surgit la question de pot-au-feu. — Puis. avant que rien se
soit formé, agencé, que ce monde, prenant confiance,ait un ton nou-
veau et tasse figure, voici une révolution bourgeoise et toutes les
dames noblesqui ferment leur; grands appartements, lesdémeublerit,
font le wi.th en geignant dans les petits, affectent la simplicité de
toilette et d'équipages, la vie toute intérieure, comme é ant seule de
bon goût dans un temps où la draperie, l'épicerie et la finance s'é-
talent au soleil.
— Vous verrez qu'il y aura réaction. dit Bauvron ; vos filles se las-
seront d ne plus briller. Vienne une petite révolution : dès l'oiage
apaisé, vous verrez notre m. nde, avide de plaisir, rouvrir ses grands
appartements, ei les carrosses et les laquais poudrés de courir, et les
rob s à queue et les paniers de revenir.
— Qui donne.a le tin à nos filles, à ce monde nouveau que vous
nous prédisez? Quand je lis Hamilt,'n et que je m'imprègne des il-
1l1rJs de cour; quand je vois dans S.iut-Simou les 1 rincesses et les
duchesses se colleter pour un tabouret, je suis effrayé de sentir com-
bien je suis bourgeoise, loin de ce ton de grande dame si souverain,
si sûr, si inimitable, qu'une femme née savait tenir des propos gros-
siers et faire des actions de peuple et de courlisane sans ridicule et
en gardant les g andes manières. T ut cela ne nous \a plus; il faut
nous contenter d'êlre de braves mères de famile, écrivant l'ortho-
graphe et amassant du bien pour nos enfants.
— Ce qui donnera le ton? Si je lis bien dans l'avenir, ce sera
Margot.
— Quelle horreur !
— Oui, Margot devenue princesse, restée seule en vue, seule me-
nant grand train. Vos filles, pour briller, seront bien forcées de lui
prendre s, s modes, ses équipages, son rouge, et même sa démarche
et ses manières.
— Que nous dites-vous là. monsieur de Bauvron ? Vous voulez me
faire croire, p:¡r exemple, que moi lU mes nièces, ou tou'e aullcqui
me touche par le san.g ou les relations, nous iro s faire les gracieuses
aux Champs Ely,ées, en calèche découverte, les jambes sur la ban-
quette de devant ?
— Pourquoi pas?
Vous n 'y entendez rien ! Mais puisque, nous en convenons tous,
le monde devient chaque jour plus plat, plus bourgeois, plus préoc-
cupé d'intérêt d'argent, moins passionné, dites-moi, monsieur de
Bauvron, comment se fait-il que nos romanciers le peignent d'autant
plus sombre, tragique, fougueux dans ses amours, plus entier dans
le mat comme dans le bien, plus grand et plus luxui ux dans ses ha-
bitudes? Pourquoi M. de Balzac crée-t-il des dames de Beauséant et
d'Espard, des princesses de Cadignan qui ne rappellent pas mais qui
voudraient rappeler les femmes de la Fronde, et telles que je n'en ai
jamais vu, ni sous la restauration, ni maintenant ? Pourquoi conçut il
des types grands dans le bien décidés dans le mal et en révolte
contre l'humanité, à la filç,on de Satan, tandis qu'en vérité tous les
gens que je connais se promènent tranquill ment entre le vice et la
vertu, sans se dégoûter de l'un ni de lautre? Pourquoi tel autre,
vous, par exemple, nous présentez-vous des héros et des héroïnes
qui ne pensent qu'à s'aimer et qui sont en dé'ire pendant huit vo-
lumes, tandis que l'amour lient si peu de place dans la vie moderne,
et, loin d'y être une question de vie et de mort, y est à peine une
occupation ? Où voyez-vous (jes lorcats qui s'introduisent dans le grand
monde, des femmes qui meurent de chagrin pour s'être trompées
dans le choix d'un amant, des pères q i tuent un fils qui les dés-
honore? Ce sont là des exceptions si rares dans nos mœurs, qu'elles
ne sont ni vraisemblables ni int, ressantes en littérature. Laissez les
morts finale-, les técits de Gaiet e de< Ttib»nments, les traîtres de mélodrame, aux théâtres du boulevard ; et
pui que nous sommes bo rgc"is, prenez pour bujet des niaise des
bourge -ise,-;, des événements et djs lier onnages que vous aurez vus,
et rendtz-les intéressants par la multiplicié des détails et la finesse
de l'observation. Voici, entre autres, un sujet que je vous recom-
mande : Une jt une femme, qui croit a\oir à se plaindre de son mari,
s passionne eu deux entrevues po ir un ami de ce mari. Comment le
jeune homme est-il arrivé à exciter en deux jours un tel amo"I' ou
un ici caprice? En feignant des sentiments violents, passionnés,
comme ce x de nos romans modernes, et qui sont du goût de la jeune
femm^. Mais le jeune premier manque de foi, il ne peut se persua-
der qu 'il ait réussi, et au moment décisif, il parle d'après son vrai ca-
LA VIE PARISIENNE
UN SALON DE PARIS
NOUVELLE (1)
VI
Quand Bauvron frappa, le mercredi suivant, à la porte de l'hôtel de
Retz, il était plus amoureux que jamais de Lucie, ou plutôt il commen-
çait pour tout de bon à en être amout eux.
Il entra Ni Lucip, ni son mari n'étaient dans le salon ; trois per-
sonnes seulement y figuraient : e Retz, la marquise, mère de
Lansac, de retour à Paris depuis la veine, et M. de la Rochaivon
homme de cinquante anf., que jadis les mauvais s langues avaient
donné pour amant à la marqui e de Lansac. M",(i de Retz reçut Bau-
vron avec une bienveillance et môme une effusion qu'il avait peine à
s 'expliqlier. Elle le prit par la main pour le présenter à M""' de Lansac
comme 1 'ami le plus dé\0"é de son fils et comme un des tonnes g 'ns
les plus distingués de la littérature < oti(emporaine. Mille de Retz était
toute gaie, toute rajeunie. Bauvron cherchait des yeux Lucie sans
oser dema'tder la raison de son absence
— Vous cherchez vo re ani ? lui dit Mme de Retz d'un ton indiffé-
relIt. Il vient d-e partir pour l'Italie avec sa femme.
Les oreilles de Bmvron tintèrent.
— Oui, continua -t-tlle avec une ironie qu'elle ne cherchait plus
à dissimuler, ils ont pris subitement la résolution de voyager Nous
sommes en famille, nulle raison de parler à mots couverts, puisque
vous êtes le confident de M. de Lansuc : vous le savez il y avait un
peu de froid entre eux. Eh bien! tout à coup ils se sont épris l'un
pour l'autre d'une ten tresse incroyable et les voilà partis. Toute
société, la nôtre même, leur était un supplice.
Biuvron n écoulait plus. Plongé dans le fauteuil sur lequel il lui
avait fallu be.aucoup de bonne volonté pour ne pas se laisser choir
il se faisait les réflexions les plus cruelles. Ces quatre aphorismes
tournaient et revenaient eu ordre dans sa tête comme mus par une
manivelle :
J une première fois un sol de ne pas assez comprendre que
l imprévu est tout dans le monde, et que j étais pour elle 1 i">prévn.
Je l 'ai été une seconde fois de ne pas brusquer l'occasion offerte, et
de ne pas oublier comme elle que les portes étaient ouvertes. J'ai été
banal, sans énergie, de la laisser à la rrurci des grands paren s pen-
dant une semaine, de ne pas me montrer, de ne pas revenir le len-
demain, une heur.- après, tout de suite. Elle doit avoir conçu pour
moi un mépris incroyable : elle a raison; et, malheureux! je l'en
aime dix fois plus !
Cependant Mme de Re'z avait résolu ce soir-là d'ouvrir sa boîte à
souvent'if chose rare! Elle fut comme toutes les vieilles femmes qui
ont eu un b -au temps et qui veulent bien en parler, charmante
Bauvron fit un effort sur lvi-même; il trouvait qu'on s'était assez
moqué de lui; il parvint à écouter et à donner la réplique. C'étai. nt
des histoires de galanterie du Directoire et du Consulat que M",e de
Retz racontait avec tous les voiles féminins du monde, mais qui n'en
saillaient qu'avec plus de relief.
— Voilà, dit-il, les femmes qui faisaient scandale et dont on parlait
jadis. Leur conduite t:n valait la peine. Aujourd'hui, dans le monde
tel que je l 'ai vu, on fait scandale à propos de niaiseries. C'est la
petite madame une telle qui a valsé trois fois avec monsieur un tel;
c'est une autre qui s'est compromise au cotillon, ou bien qu'on a
rencontrée le matin à pied Hors de sou quartier. Oui, c'est là tout,
à part quelques femmes qui prennent le grand parti se font enle-
ver et qu'on ne revoit plus, qui, parconséquent, ne sonl p us du monde.
—Oui, dit en souriant la marquise de Lansac; aussi les jeunes fem-
mes ne sauraient elles avoir trop de tantes etJe graud'mères pourleur
donner des con -eils et les empêcher de l'aire le malheur de leur vie.
Bauvron ne broncha pas; il était décidé à ne comprendre aucune
allusion.
— Ces changements d'aspect du monde, dit M. de la Rochaivon,
s'expliquent p ,ii- des raisons de politique.
— Oui, madame, c est mon travers, laissez-le moi, je vous prie.
Voici ce que j avance : Sous le Directoire, tous les parvenus du nou-
veau régime, comme toutes les personnes de l'ancien qui n'avaient
pas plié sous l 'ora .e, en voyant La terreur cesser, n'eurent qu'une
idée, jouir des plaisirs dont ils avaient été fi longtemps privés, et
dont un revirement pouvait les priver demain. De là une furie, une
rage, un tourbil on; de là des fê es multipliées et un monde impro-
vise qui eut bientôt sa physionomie : physionomie très vivante, très-
ardente. Sous l'km pire, le moud" gaide quelque chose de ce carac-
tère. C est un va-et-vient d', fliciers efl brillants uniformes ; en'reune
femme et celui qu'elle aime, il y avait toujours un départ prochain,
c est—à—dire la moit possible, probable; puis, comment faire attendre
les vainqueurs du monde?
Il l'allait aller vite, brûler, comme on disait, les scrupules sur l'au-
tel de la Victoire. Avec la Restauration commence 1 aplatissent» nt du
monde. L'ancien régime reparaît, mai, sans ses belles traditions et
ses belles façons; il est vieux, rancunier, inquiet sous sa morgue, se
sentant contesté. La jeune génération noble n'a plus cette confiance
( ) Voir les numéros du 26 mars, du 2,9 et 16 avril.
illimitée en elle-même qui faisait la force et la distinction suprême
de la noblesse au bon temps; ce manque d'arrière-pensée et, pour
ainsi dire, celte naïveté dans la jouissance de la vie et du commerce
des femmes ; cet abandon dans la vie é égante que le bourgeois Mo-
lière essayait de bafouer il y a deux siècles. Il faut s'agiter, recouvrer
une^ importance perdue, ou ( onserver une importance reconquise.
Il n'est plus temps d aimer, de passer des journées sur le tapis d'une
fier b'!(/ulé. occupé à lui faire mille et un madrigaux et sonnets, ou
d envoyer quérir les violons pour lui faire danser la courante. Il faut
se préoccuper de plaire au ministre avant de plaire à une femme;
partout surgit la question de pot-au-feu. — Puis. avant que rien se
soit formé, agencé, que ce monde, prenant confiance,ait un ton nou-
veau et tasse figure, voici une révolution bourgeoise et toutes les
dames noblesqui ferment leur; grands appartements, lesdémeublerit,
font le wi.th en geignant dans les petits, affectent la simplicité de
toilette et d'équipages, la vie toute intérieure, comme é ant seule de
bon goût dans un temps où la draperie, l'épicerie et la finance s'é-
talent au soleil.
— Vous verrez qu'il y aura réaction. dit Bauvron ; vos filles se las-
seront d ne plus briller. Vienne une petite révolution : dès l'oiage
apaisé, vous verrez notre m. nde, avide de plaisir, rouvrir ses grands
appartements, ei les carrosses et les laquais poudrés de courir, et les
rob s à queue et les paniers de revenir.
— Qui donne.a le tin à nos filles, à ce monde nouveau que vous
nous prédisez? Quand je lis Hamilt,'n et que je m'imprègne des il-
1l1rJs de cour; quand je vois dans S.iut-Simou les 1 rincesses et les
duchesses se colleter pour un tabouret, je suis effrayé de sentir com-
bien je suis bourgeoise, loin de ce ton de grande dame si souverain,
si sûr, si inimitable, qu'une femme née savait tenir des propos gros-
siers et faire des actions de peuple et de courlisane sans ridicule et
en gardant les g andes manières. T ut cela ne nous \a plus; il faut
nous contenter d'êlre de braves mères de famile, écrivant l'ortho-
graphe et amassant du bien pour nos enfants.
— Ce qui donnera le ton? Si je lis bien dans l'avenir, ce sera
Margot.
— Quelle horreur !
— Oui, Margot devenue princesse, restée seule en vue, seule me-
nant grand train. Vos filles, pour briller, seront bien forcées de lui
prendre s, s modes, ses équipages, son rouge, et même sa démarche
et ses manières.
— Que nous dites-vous là. monsieur de Bauvron ? Vous voulez me
faire croire, p:¡r exemple, que moi lU mes nièces, ou tou'e aullcqui
me touche par le san.g ou les relations, nous iro s faire les gracieuses
aux Champs Ely,ées, en calèche découverte, les jambes sur la ban-
quette de devant ?
— Pourquoi pas?
Vous n 'y entendez rien ! Mais puisque, nous en convenons tous,
le monde devient chaque jour plus plat, plus bourgeois, plus préoc-
cupé d'intérêt d'argent, moins passionné, dites-moi, monsieur de
Bauvron, comment se fait-il que nos romanciers le peignent d'autant
plus sombre, tragique, fougueux dans ses amours, plus entier dans
le mat comme dans le bien, plus grand et plus luxui ux dans ses ha-
bitudes? Pourquoi M. de Balzac crée-t-il des dames de Beauséant et
d'Espard, des princesses de Cadignan qui ne rappellent pas mais qui
voudraient rappeler les femmes de la Fronde, et telles que je n'en ai
jamais vu, ni sous la restauration, ni maintenant ? Pourquoi conçut il
des types grands dans le bien décidés dans le mal et en révolte
contre l'humanité, à la filç,on de Satan, tandis qu'en vérité tous les
gens que je connais se promènent tranquill ment entre le vice et la
vertu, sans se dégoûter de l'un ni de lautre? Pourquoi tel autre,
vous, par exemple, nous présentez-vous des héros et des héroïnes
qui ne pensent qu'à s'aimer et qui sont en dé'ire pendant huit vo-
lumes, tandis que l'amour lient si peu de place dans la vie moderne,
et, loin d'y être une question de vie et de mort, y est à peine une
occupation ? Où voyez-vous (jes lorcats qui s'introduisent dans le grand
monde, des femmes qui meurent de chagrin pour s'être trompées
dans le choix d'un amant, des pères q i tuent un fils qui les dés-
honore? Ce sont là des exceptions si rares dans nos mœurs, qu'elles
ne sont ni vraisemblables ni int, ressantes en littérature. Laissez les
morts finale-, les técits de Gaiet e de< Ttib»n
pui que nous sommes bo rgc"is, prenez pour bujet des niaise des
bourge -ise,-;, des événements et djs lier onnages que vous aurez vus,
et rendtz-les intéressants par la multiplicié des détails et la finesse
de l'observation. Voici, entre autres, un sujet que je vous recom-
mande : Une jt une femme, qui croit a\oir à se plaindre de son mari,
s passionne eu deux entrevues po ir un ami de ce mari. Comment le
jeune homme est-il arrivé à exciter en deux jours un tel amo"I' ou
un ici caprice? En feignant des sentiments violents, passionnés,
comme ce x de nos romans modernes, et qui sont du goût de la jeune
femm^. Mais le jeune premier manque de foi, il ne peut se persua-
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