Titre : L'Echo de France
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1919-07-28
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32759978g
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 28 juillet 1919 28 juillet 1919
Description : 1919/07/28 (N12763). 1919/07/28 (N12763).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k10369926
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-15395
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/12/2015
"iC / 36* ANNEE. — N» 12.763.
ÎO Centimes
10 Centimes
LUNDI 28 JUILLET 1319.
HENRY SIMOND
fel&BCTEUB-RÉDACTEUR EK CHIV
PAUL SIMOND
RIRBCTEUR-ADMINISTRATEUR
Adresse télégraphique : ÉCHORIS-PARIS
NOUVELLES DU MONDE ENTIER
Rédaction et Administration : 6, PLACE DE L’OPÉRA (9 e )
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VALENTIN SIMOND
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LA GRANDE PITIÉ DES LABORATOIRES DE FRANCE
, t , ■
Au Collège de France
-0-00-07-
Que la recherche scientifique n’ait
point été organisée méthodiquement
clans notre pays, qu’elle soit encore con
sidérée comme d’ordre secondaire par la
haute administration, c’est ce qui ressort
avec un éclat scandaleux de l’état an
cien et actuel des choses, des déclara
tions des personnages officiels et des
plaintes de nos savants.
La recherche scientifique chez nous
est subordonnée à la mission d’ensei
gnement. Du savant, on exige qu’il soit
un professeur.
Sans doute, la science ne saurait être
mieux dispensée que par les esprits for
més dans l’étude et le maniement des
phénomènes et capables d’aller toujours
plus avant dans la découverte de l’en
chaînement des faits. Mais cette règle
souffre des exceptions. Certains esprits,
génialement doués pour l’investigation
expérimentale, n’ont aucun don pédago
gique. Et, en revanche, d’excellents pro
fesseurs sont tout à fait inhabiles -à
concevoir ces idées neuves et fécondes
que l’expérience a pour but de transfor
mer en une interprétation a posteriori
des choses. « Les hommes qui ont le
pressentiment des vérités nouvelles sont
rares », disait Qlaude Bernard. Et ces
hommes rares, eussent-ils d’ailleurs le
don pédagogique, on sera sage de les
laisser à leur mission supérieure, qui
est de développer les 1 connaissances hu
maines.
De nombreux savants ont eu à souf
frir de cette fausse idée que se fait de
leur utilisation l’Etat. Ils ont été assu
jettis à des enseignements parfois élé
mentaires, sans y trouver la liberté d'ac
tion nécessaire à la recherche. J’ai rap
pelé déjà le cas si tristement significa
tif de Pierre Cqrie. Avant lui, Pasteur,
excédé de soucis professoraux, s’était
plaint amèrement des usages universi
taires qui reléguaient au dernier rang
la, recherche scientifique. Devant des
exemples analogues, Renaît, jeûne en
core, s’écriait : « Par un étrange renver
sement, la science n’est chez nous que
pour l’école, tandis que l’école ne de
vrait être que pour la science. »
Créer, en dehors de l’école, de grands
ateliers de travail scientifique, voués à
la recherche, où des élèves eu plein ta
lent puissent, on secondant les maîtres,
se perfectionner dans l’expérimenta
tion, voilà une pensée fondamentale
dont la nécessité a été vivement ressen
tie à diverses époques et qui, de nos
jours, manifestement s’impose.
Loin de moi l’idée de porter atteinte
au prestige et à l'action de l’Université.
Je voudrais que l’on donnât à cette
grande institution, Tuile des premières
dans notre pays, toute sa puissance* de
rayonnement ! Mais l’Université a la
tâche magnifique de former à la vie in
tellectuelle les jeunes générations fran
çaises. Qu’il y ait à côté d’elle quelques
grands instituts uniquement préoccupés
de l’avancement des sciences : c’est
dans la nature des choses, et aucun es
prit droit 11'en saurait prendre ombrage.
fl 11e s’agit d’ailleurs que de rentrer
dans notre tradition. Vous savez com
ment, sous la Renaissance, ce besoin
d’investigations poursuivies en toute in
dépendance, avec hardiesse, reçut de nos
rois satisfaction. Sur l’avis du maître
de sa librairie, Je savant Guillaume
Budé, François I er créa des lecteurs
royaux pour le grec, l’hébreu et les ma
lhématiques. Ces maîtres étaient sous
traits à l’étroite discipline de la Sor
bonne et placés sous l’autorité et la pro
tection immédiates du Roi.
Je 11e veux point retracer l’histoire
glorieuse du Collège de France, étroite
ment liée au développement des scien
ces. C’est le stade actuel de l’illustre
maison qui appelle notre examen.
Le Collège de France s’est toujours
souvenu de sa charte de fondation. Il
a maintenu dans une large me
sure sa tradition de libre recherche.
Il a garde quelque chose de son esprit
f originaire et de sa raison d’être. Renan
le 'disait voué à la science « en voie de
sc faire », par opposition à la science
faite, que l’Université a mission de dis--
penser. Il y a dans cette définition une
grande part de vérité. 1 Nulle condition
de grade n’est exigée des maîtres, nom
més au Collège de France. Ce sont leurs
travaux personnels qui constituent les
titres des candidats. Et leurs chaires
n’ont point un caractère de permanence
obligatoire : elles sont supprimées, rem
placées, créées au gré des talents qui se
manifestent, et selon que des sciences
apparaissent ou disparaissent au* champ
des recherches (car les sciences, comme
les dieux, descendent au Schéol, et ceux
qui savent voir les vieux manuels dans
les boites des bouquinistes sur les quais
s’écrient, à la manière d’Isaïe : « Quoi !
c’est celui-là qui faisait trembler les
temples et frissonner d’outhoiisiasme les
jeunes esprits ! »
Malheureusement, le seul intérêt de
la science n’inspire pas toujours les no
minations que fait le ministre de d’ins
truction publique, ni même, il faut bien'
le dire, les présentations qui sont l’œu
vre du Collège de France et de l’Acadé
mie compétente. Des règles de carrière
et certaines indulgences se sont établies,
dont les effets sont en contradiction avec
la raison d’être de l’institution. Il est
rare que des hommes soient appelés au
Collège de France en considération du
seul mérite de leur œuvre : des diplômes
et un brillant curriculum vitæ demeu
rent des titres extrêmement appréciés.
Une chaire est-elle instituée pour tel
-maître justement réputé ? Le glorieux
■titulaire choisit à son gré son suppléant.
O nature ! nous sommes ainsi faits
qu’il préfère à l’un de ses émules un
esprit peu original qui consciencieuse
ment le reflète et le prolonge. R y a des
« esprits femelles », ainsi que disait
Claude Bernard. Les grands maîtres ont
cette faiblesse d’aimer à se faire sup
pléer par ces esprits femelles. Ceux-ci,
qui produisaient de bons travaux sous
une impulsion liardie, sont frappés de
stérilité, dès qu’ils se trouvent livrés à
eux-mêmes. Or il est d’usage qu’un sup
pléant succède dans sa chaire au titu
laire qu’il assistait. Voilà donc, dès la
première transmission, une chaire qui
tombe en quenouille \ Lisez sur les murs
du Collège de France les-noms des suc
cesseurs de maîtres illustres ! Que de
professeurs obscurs, disparus sans lais
ser aucune œuvre. Ce collège de nova
teurs fait figure, à certaines heures, de
conservatoire de doctrines vieillies.
IU faut - qu’une ambition autrement
haute et forte anime et stimule l’an
tique maison. Il faut n’y admettre que
des esprits d’une réelle puissance de
production. C’est l’avis unanime. Mais
attention ! qui veut la fin doit vouloir
les moyens.
Pour que la nation puisse manifester
des exigences à l’égard de ce Temple de
la science, et qu’elle en reçoive vérita
blement des directions intellectuelles, il
convient qu’elle assure aux maîtres qui
y sont promus certaines conditions de
travail et de vie.
Il est trop évident que l'Efàt ne traite
point le Collège de France d’une ma
nière convenable. Il lui refuse la dota
tion indispensable à un grand institut
de recherches scientifiques, doublé en
fait d’un centre d’érudition historique,
philosophique et littéraire. Il semble le
considérer comme une institution plus
grancfe par son passé que par ses pro
messes d’avenir.
Considérons par exemple les appoin
tements de ces maîtres, qui doivent for
mer l’avant-garde de la science. Avant
1913, le montant en était fixé au chiffre
admis pour les professeurs de troisième
classe des universités de province,
10,000 francs. Un savant illustre, M.Ber-
thelot, était Iraité comme le débutant
d'une petite université de province .t En
trer au Collège de France, pour un pro
fesseur représentait un honneur et une
perte d’argent.
Depuis 1013, les maîtres du Collège de
France sont au rang de la première
classe de province et de la deuxième de
Paris (12,000 francs). Le projet de relè
vement des traitements du personnel
sciehtiiique et enseignant, établi par le
ministère de l'instruction publique, tend
à porter ce chiffre à 10,000 franes.qui est
le taux de la-troisième classe nouvelle de
l’Université de Paris et de la deuxième
classe de province ! C'est une assimila
tion indéfendable. Si nous voulons avoir
un grand Institut de recherches) qui
remplisse pleinement son rôle, il faut
qu'il puisse appeler à lui, sans leur in
fliger une diminution pécuniaire, les
savants les plus remarquablement doués
pour l'investigation expérimentale et dé
sireux de s’y adonner. Honorez le Iravail
des laboratoires, il n'en est pas de plus
fécond.
Quant à la situation faite au person
nel auxiliaire du Collège de France, elle
est scandaleuse. Un préparateur reçoit
3,000 francs, sans espoir d’avancement.
Le projet de relèvement établit une
échelle de grades et de traitements infé
rieurs encore à ceux de la Sorbonne.
Nous voulons bien le trouver tolé
rable, ce projet. Mais quand sera-t-il
voté et promulgué!
Je sais tel préparateur au Collège de
France, combattant volontaire au cours
de la guerre, âgé de 33 ans, marié, au
teur de découvertes remarquables, qui
gagnerait aisément 30,000 francs dans
l’industrie et qui pour se livret à ses re
cherches, sous tes auspices dç l’Etat,
doit se contenter du dixième de cette
somme ! Voilà comment notre régime
traite l’élite savante de ce pays !
L’administration prépare des amélio
rations. Nous lui demandons une ré-
I orme profonde de nos usages et de nos
institutions. Assez d’apathie et de sordi
dité ! Les hommes d’étude ont été dé
laissés et j’allais dire déconsidérés. 11
faut au contraire qu’étant discernés par
leurs pairs, ils soient traités avec égards,
comme le plus précieux trésor du pays.
Je ne le demande pas dans l’intérêt de
ces nobles esprits, qui trouvent en eux-
mêmes leurs plus hautes satisfactions,
mais dans l’intérêt de la France déci
mée et à qui l’humanité pourtant de
mande des directions.
MAURICE BARRES.
clé l’Académi* française.
P.-S. — La Fédération nationale d’as
sistance aux mutilés des armées de terre
et de mer, qui, depuis sa formation, a
rééduqué des milliers de soldats, a pris
l’heureuse initiative de constituer un
« Groupement des officiers mutilés »
ayant pour mission de maintenir en
étroiCe union ces glorieux artisans de la
victoire et de leur permettre de coordon
ner leurs efforts pour la revendication
de leurs droits et la solution des divers
problèmes qui les attendent dans leur
nouvelle vie.
Ce groupement, désirant continuer la
fraternisation étroite du soldat et de l’of
ficier, vient de se rattacher à l’Union na
tionale des combattants, dont le pro
gramme bien connu est tout entier résu
mé dans cette belle devise : « Unis
comme au front ».
Les inscriptions sont reçues au siège
de la Fédération, 30, pue Boissière. Pa
ris lC a , U. B.
LE BLOC
Le^ radicaux sont divi
sés : les séances de leur
congrès ne ressemblent pas
du tout à des réunions de Camarades
c’est une grande chamaillerie.. Le parti
socialiste, malgré son épithète d’unifié,
n’est pas moins divisé : il a une droite et
une gauche qui ne s’entendent à peu près
sur rien et que le centre n’arrive pas à ré
concilier. En.somme, les vieux partis d’a
vant la guerre subissent une crise et iront
au complet désarroi s’ils.refusent de con
naître le mal dont ils souffrent. Le clas
sement des opinions et des hommes n’est
plus ce qu’il était. Ce qu’il "était, d’ail
leurs, ne valait rien : mais'ce qu’il était
ne saurait durer. Le classement nouveau,
et qui s’imposera même à la volonté des
manœuvriers électoraux, sépare les hom
mes qui placent avant toutes choses
l’honneur et la prospérité de la nation
victorieuse et' les hommes qui ne profite
raient de la paix revenue que pour recom
mencer les petites querelles de politicail-
lerie où se gaspillerait l’énergie nationale.
Entre ceux-ci et ceux-là, nul accord n’est
aucunement possible. On invoquerait en
vain l’union sacrée à ce propos : l’union
sacrée est nationale et ne concerne pas
les partisans d’une doctrine qui désa
grège la nation. Mais cette division, qui
est inévitable, est aussi la seule. Entre les
divers amis^ de la nation, quel que soit
leur parti ou, en d’autres termes, quelles
que soient leurs préférences sur les pro
blèmes secondaires, l’accord n’est pas à
faire, il est fait. Les politiciens du con
grès annoncent le projet de rafistoler le
bloc de gauche, qui n’a été qu’un instru
ment de guerre entre les citoyens. Au
lendemain de la grande guerre menée par
toute la nation contre l’envahisseur, ce
n’est pas un instrument de guerre civile
que les circonstances réclament : c’est un
principe d’union française. Un bloc est
en formation, s’il n’est formé : non pas
un bloc de gauche ; mais un bloc natio
nal et qui, sans choisir, prend tous scs
éléments où ils sont. — A. B.
LES RÉVÉLATIONS D’ERZBERGER
Déclarations de MM. RM et Painlevé
M. CLEMENCEAU DANS LA SOMME
, . 'A' V
M. Clemenceau, président du conseil, est
rentré, hier soir, à Paris, à 10 li. 30, par
la gare du Nord, venant de la Somme, où
il a visité les régions libérées, accueilli par
tout par les manifestations les plus sym
pathiques îles populations.
(En 3 e page, le compte rendu du voyage)-
Le cdih te® Laoitol
vainqueur a Tour te France
Les 5,300 kilomètres du Tour de France,
organisé par VA alu, ont été bouclés hier. Le
ciment de la piste du vélodrome du Parc des
Princes a dû paraître bien doux aux rescapés
de la formidable épreuve, car leurs roues ont
sillonné, depuis près d’un mois, les routes les
plus accidentées, les plus rocailleuses et mê
me les terribles pavés des routes du Nord.
Le beau temps n fav'orisé la dernière étape.
Elle a donné lieu à l’arrivée à une véritable
tin de course de vitesse. Alavoine y battit
d’une demi-longueur l’Italien Lucotti et. Je* fa
meux grimpeur de côtes Barthélemy. Mais le
résistât de cette épreuve n’aurait pu modifier
le classement général du Tour que si Firmin
Lambut, qui avait près de deux heures
d'avance à la fin de la 14 e élape, avait été
LAMBOT
gagnant du Tour de France.
victime d’un accident ou d’un'e grave défail
lance, ce qui, heureusement* pour l’excellent
jeune coureur belge, n’est pas arrivé.
Des milliers de cyclistes s'étaient rendus,
dès le matin, au-devant, des « touristes » et,
depuis Saint-Germain, c’est entre deux haies
de spectateurs que les coureurs sont passés.
La côte du Cœur-Volant, à Marly, fut grim
pée à belle allure par ces infatigables, alors
que des cyclistes qui n’avaient pas fait 50 ki
lomètres dans leur journée étaient obliges
de la monter à pied. Place Magentq, à Saint-
Cloud, la foulé attendait depuis deux heures
le peloton (le tète, qui est liasse avec un re
tard de plus de deux heufes sur l’horaire
probable. L’ovation n’en a pas été moins
vive.
Quant au vélodrome, ses enceintes étaient
archi-combles, et lorsqu’à cinq heures un
coup de clairon annonça l’approche du pe
loton de tête une clameur immense s’éleva.
La foule acclama surtout Alavoine et Barthé
lemy, et enfui Larnbot., quand, quelques mi
nutes plus tard, il fit les tours de piste régle
mentaires. _
S. DE LAFRETE.
La France s'est-elle, comme Va pré
tendu AI. Erzberger, ministre des finan
ces, jointe à VAngleterre, en août 1017,
afin de sonder le gouvernement alle
mand, par l’intermédiaire du Saint-
Siège,, sur ses conditions de paix et no
tamment sur l’indépendance de la Bel
gique ?
La thèse des hommes politiques qui
détiennent actuellement le pouvoir en
Allemagne consiste à dire aux panger-
manistes que si l’Allemagne s’est effon
drée par la paix de Versailles 3 la respon
sabilité en incombe au gouvernement
de Vépoque, qui s’est obstinément re
fusé à toutes conversations.
A ou s n'avons pas à nous immiscer
dans les querelles entre Allemands sur
leur façon dé liquider leur débâcle.
Mais il s'agit de savoir quelle créance
il convient, en ce qui concerne le
gouvernement français de l’époque, d’aï-
iùch^r au plaidoyer pru domo de M. Erz
berger.
J’ai demandé foui IVabord à M. Paul
Painlevé, qui était président du conseil
en 1017, ce qu’il avait à dire. M. Pain
levé m’à fait la déclaration que voici :
— J'ai pris la présidence du conseil le
13 septembre 1917 et je Us que le 30 août
le ministre d’Angleterre auprès du
Saint-Siège aurait transmis une propo
sition, à laquelle aurait adhéré la France,
destinée à connaître les intentions du
gouvernement allemand. Eh bien !
j’ignore tout de cette affaire, qui me pa
rait singulièrement grossie. II. s'agit pro
bablement d'une sorte de mémorandum
remis en réponse à la démarche du
Saint-Siège, par le ministre britan
nique au Vatican. Et comme te minisire
anglais était chargé de représenter les
affaires de la France auprès du Saint-
Siège pour certains cas, le nonce a pu
en prendre . prétexte pour traduire la
chose à sa façon. Mais je suis convain
cu que M. Ribot n’a donné à qui que ce
soit mission de faire ces sortes de pro
positions.
» On voit très bien le processus : il a
du g avoir une'conversation du ministre
anglais au Vatican, qui a laisse un me-
’itforanda m. Ve mémorandum a été
transmis par le cardinal Gasparri à son
représentant à Berlin, le nonce Paccelli,
qui l’a fait tenir au chancelier Michaëlis.
Je présume que le ministre anglais au
près du Saint-Siège ai, dans cette con
versation, peut-être dit ceci : « Je suis
convaincu qu’on amènera la France à
Ces idées-là. » C’est une pure hypothèse
de ma part, mais encore une fois je suis
convdincu que M. Itibot n’a. autorisé qui
que ce fût à faire des ouvertures à VAl
lemagne par l'intermédiaire du Saint-
Siège.
» M. Ribot est resté minisire des af
faires étrangères pendant près d’un
mois dans mon ministère il m'aurait
mis au courant. Il ne l’a pas fait. Je suis
donc moralement sûr qu'il n’y a rien eu.
» D'ailleurs celte histoire, échafau
dée par Erzberger, parait d'autant plus
rocambolesque qu’elle est en contradic
tion avec les pourparlers qui à peu près
û la même époque se poursuivaient avec
l’Autriche. Combien il est étrange que.
l’Autriche se soit tellement déclarée
à bout de forces, et qu’en même temps
elle ait eu, dans les pourparlers avec le
prince Sixte, cette intransigeance fa
rouche à l’idée de céder Trieste à VIta
lie / »
Et M. Painlevé de conclure :
— l ogez donc Ribot.
“ La parole est d’abord
au gouvernement britannigue ”
DÉCLARE M. RIBOT
, M. Alexandre Ribot., ancien président
du conseil et ministre des affaires étran
gères., a de très bonne grâce consenti à
me fournir les éclaircissements suivants:
— C'est au gouvernement anglais à
s’expliquer. En ce qui nous concerne, je
puis dire qu’il n'y a rien eu: Nous avons
simplement accusé réceptions au Saint-
Siège par l'intermédiaire de fAngle
terre, parce que nous n'avions pas de
ministre au Vatican. •
» Le Pape avait, au mois d'août 1917,
fait une tentative de rapprochement. H
nous avait fait des propositions pour
servir de base à des ouvertures à faire
à VAllemagne.
» Nous avons décidé, /’Angleterre et
nous, de ne pas donner suite aux propo
sitions du Pape.
» Néanmoins, par déférence, l'Angle
terre en a accusé réception dans les ter
mes tes plus polis.
» Le ministre anglais, en son nom per
sonnel, a fait remarquer que, dans ces pro
positions, il n’y avait pas de garanties suf
fisantes pour la Belgique.
» Le cardinal Gasparri a pris texte de.
ces déclarations poux faire télégraphier
à l'Allemagne, afin d'avoir des préci
sions au sujet des garanties à donner à
la Belgique.
» C’était un commencement de conversa
tion qu’on voulait ébaucher, mais le gou
vernement anglais y a coupé court tout de
suite.
» Le ministre d’Angleterre n’a pas été
plus loin.
» Il u (ait remarquer que la première
chose ù faire serait, d'obtenir des garan
ties explicites poiir la Belgique. Or, /'Al
lemagne, mise ■ au pied du mur par le
Pape, n'a pas voulu répondre, parce
qu'elle ne voulait pas, à ce nwment,
donner de garanties à la Belgique. Il
n'y a eu aucune communication ni du
gouvernement viglais, ni du gouverne- \
meni frauçau.
» Les propos de M. Erzberger dénaturent
la vérité.
» Il suffit de relire la. lettre du Nonce
qui dit. que le ministre anglais a parlé
de garanties à donner à la Belgique et
qui demande une réponse à ce sujet
pour pouvoir reprendre la conversation
à Borne. C'est, le nonce à Berlin qui a
été chargé par le cardinal Gasparri d’é
crire au chancelier.
» Le gouvernement anglais a vu tout de
suite le danger, et il a prescrit à son mi
nistre de ne pas ajouter un mot : on est
donc loin d’une offre faite par les gouveer-
nements anglais et français.
» Je dois ajouter cependant que l’An
gleterre ne m’avait pas prévenu qu’elle
avait fait un accusé de réception à Rome.
J’ai donc télégraphié au Foreign Office
pour le prier de m’associer à la démar
che, mais ce n’était qu’un simple accusé
de réception dans les termes de défé
rence que comportait la situation.
» Quant au reste, je t'ai ignoré. J’ai dit
simplement au gouvernement anglais :
« Ne cous laissez pas engager dans une
conversation indirecte comme celle-là. »
« Et on en est resté là », conclut l’an
cien président du conseil.
MARCEL il U TI V.
L’INTERVENTION DU VATICAN
EN 1917
UNE LETTRE DU NONCE
Oscar Muller publie, dans la Deutsche
AUqem.eine Zeituna un article intitulé :
« Pourquoi il nous a fallu aller à Versail
les ? » Il donne le texie de la lettre que Je
nonce de Munich, Mgr Paccelli, a envoyée
le 30 août 1017 au chancelier Michaëlis.
Voici le texte de cette lettre :
J'ai le grand honneur de ' transmettre ci-
joint à Votre Excellence copie d’un télégram
me remis au cardinal-secrétaire d'Etat par Son
Excellence M. le ministre de Sa Majesté le
roi d'Angleterre près le Saint-Siège. Le gou
vernement français* se joint à l’exposé fait dans
le ■même télégramme:
Son Excellence désire ardemment poursui
vre eflicaeeinent tous les efforts de nature à
aboutir prochainement à une paix juste et du
rable' et que le gouvernement impérial s’est
montré disposé à accepter d’une façon si ac
cueillante.
En conséquence, Son Excellence m’a chargé
d’attirer d'une façon spéciale l’attention de
Votre Excellence sur le point se rapportant à
la Belgique et d'obtenir:
1° Une déclaration précise sur les intentions
du gouvernement impérial concernant la com
plète indépendance de la Belgique et sa com
plète indemnisation pour les dommages cau
sés en Belgique p,ar la guerre ;
2° La même indication précise relativement
aux garanties de son indépendance politique,
économique et militaire demandées par l'Alle
magne.
Si l’explication donnée est satisfaisante, Son
Eminence est d’avis qu’un pas important se
rait fait pour le développement ultérieur des
pourparlers.
En fait, le ministre sus-mentionné de Gran
de-Bretagne a déjà fait savoir à son gouverne-
nienl que le Saint-Siège répondra aux commu
nications contenues dans le télégramme à lui
transmis, aussitôt qu’il aura reçu par mon in
termédiaire la réponse du gouvernement impé
rial.
Puisse-l-il m'être permis d’exprimer la fer
me conviction que Voire Excellence, dont l'in
tervention en haut lieu parut d'accord avec la
proposition Irès considérée du. Pape et qui fit
preuve de dispositions si favorables relative
ment à celle œuvre de paix, acquerra dés mé
rites impérissables envers la pairie et l’huma
nité entière en facilitant l'heureuse poursuite
des pourparlers de paix par une réponse con
ciliante.
Dans cette attente, il m’est agréable de vous
exprimer mes sentiments de très haute consi
dération, et j’ai l’honneur de rester, de Votre
Excellence, le très dévoué :
Eugène Paccelli,
nonce apostolique.
[Oscar Muller accompagne ce document
d’un commentaire qui contient plusieurs
erreurs matérielles :
« L'écrit de Mgr Paccelli. dit-il, était la
première action médiatrice officielle du
Vatican, où F Angleterre et la France
avaient fait les premiers pas. »
M. Oscar Muller ajoute :
C'est à la suite de cet. événement que le
Reichstag vota une résolution de paix impli
quant la renonciation à la Belgique. Mais les
militaires et les grands industriels firent
échouer le projet en profitant de la faiblesse
des chanceliers Michaëlis et llertling.
La résolution de paix du Reichstag est
du 19 juillet. On ne voit pas comment elle
put être votée « à la suite » cfe la réception
d’un document qui parvint à destination
le 30 août,]
LE RAPPORT CZERNIN
Bâle, 27 juillet. — Un radiotélégramme
de Nauen donne l’extrait suivant du rap
port du comte Czernin à l’ex-empereur
Charles, mentionné vendredi par Erzber
ger dans son discours à l’Assemblée na
tionale. ‘Nous rappelons que ce rapport au
rait été transmis à Berlin le 12 avril 1917.
Sire,
Que Votre Majesté me permette d'exprimer
mon opinion motivée sur la situation avec
la sincérité et la franchise dont fai joui de
puis le début de mes fonctions. ' II est clair
que autre force Militaire s'épuise et ce serait
perdre le temps de Votre Majesté que d'en
trer Hans des détails aïe sujet. Je mention
nerai simplement F épuisement des matières
premières pour ’a fabrication des munitions
La diminution de nos réserves d’hommes et
\siuiout le désespoir quhs’est emparé des mas
ses populaires par suite au manque de nourri
ture, rendent par trop pénible la soumission
aux charges de la guerre. Même s'il nous était
possible, comme je l’espère, , de tenir encore
quelques mois pour une défensive victorieuse,
je suis absolument certain qu’une nouvelle cam
pagne if hiver est impossible; en d’autres ter
mes. il faut obtenir à tout prix lu fin de la
guerre dans les derniers mois de l'été ou en
automne.
Il est essentiel Xentamer des négociations de
pair à un moment où l’ennemi n’a pas encore
pleine conscience de l’exUnrtion de nos forces.
Si nous faisons appel à l’Entente au moment où ;
les événements intérieurs de l'empire feront !
prévoir su dissolution imminente, nos démar- \
ches seront inutiles et nous n’obtiendrons que \
des conditions signifiant la destruction com
plète. des puissances centrales.
fLa suite à la 3 e page). !
LE PARTI RADICAL
DÉFINIT SAPOLITIQUE
La dernière séance du Congrès radical,
tenue hier, s’est ouverte par une allocution
de M. Couyba.
De la même voix qui chanta jadis « Ma-
non, voici le soleil », M. Maurice Boukay,
pardon, M. Charles Couyba fait l'apologie
du parti radical ; puis, "il donne la parole
à M. Blumenthal, député alsacien, qui fait
adopter une motion demandant la dispa
rition, de l’organisation allemande de l'Al-
sace-Lorraine et l’application immédiate
de- la législation française aux départe
ments (lu Rhin et de la Moselle.
Le Congrès entend ensuite M. Moudenc,
j délégué de la Haute-Garonne,
i Et ce délégué toulousain, qui fait partie
de. la Fédération des Cheminots,? et, par
conséquent aussi de la C. G. T., expose
ses idées sur les rapports que le parti ra
dical devrait entretenir a\Vc les syndicats :
« Les radicaux-socialistes, dit l’orateur,
doivent entrer dans les syndicats pour ne
pas laisser aux socialistes la liberté d’y
faire ce qu'ils veulent.
» Ce ne sont pas les socialistes qui ont
voté les lois sociales !
. » Et, .d'ailleurs, quand ils votent une
réforme, ils ne votent jamais ce qui est
nécessaire pour la réaliser, c’est-à-dire, le
budget. Et cependant ce sont eux qui ac
caparent le bénéfice moral de toutes les
améliorations apportées au sort du prolé
tariat ». J
MM. Ilerriot, Emile Desvaux, Louis
Deshayes et Louis Martin attestent le dé
vouement du parti à toutes les organisa
tions professionnelles et corporatives et la
Congrès, à l'unanimité, décide d’engager
les membres ouvriers du parti à entrer
dans les syndicats et à la C. G- T., de façon
à y contrebalancer l'influence des unifiés
et des révolutionnaires.
Le Congrès se déclare ensuite partisan
de la nationalisation des chemins de fer.
M. Gaston Gros donne alors lecture du
programme du parti. Ce programme est
fort long et très détaillé. Mais, comme M.
Couyba met son approbation aux voix, M.
Cazassus, député de la Haute-Garonne, bon.
dit à la place réservée aux orateurs.
« Vous ne pouvez vous prononcer sur fm
programme aussi Mou ! » s'écrie Je farouche
représentant de Saint-Gauden&
l)e toutes part s’élèvent des hurlements
de protestation ! Personne ne veut trouver
flou un programme dont la lecture a duré
une quarantaine de minutes. Mais 31. Ca
zassus, que Pierre Veber a baptisé naguère
1’ (( orateur à retardement » (parce qu’il
ne part jamais qu’au bout d’une heure,
quand il est à la tribune) s’entête, et voci
féré encore longtemps, au milieu d’un af
freux concert d’imprécations.
Finalement, on décide que le programme
sera, non pas approuvé, mais simplement
pris en considération et imprimé pour être
soumis aux méditations des membres du
parti, qui 1‘homologueront définitivement
au cours du congrès national.
-Les délégués des départements libérés
demandent au parti radical de mettre au
premier plan de son action sur les pouvoirs
publics les' solutions relatives au relève
ment des régions dévastées.
Enfin 31. Ripault donne lecture du mani
feste sur lequel se terminent les travaux du
congrès et qui résume le programme du
parti radical et radical-socialiste. Nous en
reproduisons plus loin les passages essen
tiels.
Ce manifeste soulève un violent incident.
M. Ripault avait dit tout d’abord en par-
lant- de la refonte de l’armée : « La nation ‘
armée a fait ses preuves, comme nous l'a
vions prévu, en combattant la loi de trois
ans, cette apparence de sécurité. »
Cette phrase soulève un beau tapage :
« Personne n’avait mis en doute que la na
tion année ferait ses preuves en cas de
guerre, s'écrie 31. Michelis, délégué des
Bouches-du-Rhône. Les membres du par 1(1
qui ont. voté pour les trois ans étaient ani
més par la plus grande sincérité et le plus
vif patriotisme. Il ne faut pas jeter sur
eux le discrédit ! »
On pense si les « deux ànmstes » ripos
tent! Et, bientôt, le congrès est nettement
divisé en deux camps, criant à tuertête et
se montrant le poing :
« Lai question des trois ou des deux ans
fut non pas une question de principe, mais
un « question d’inspiration, finit par faire
entendre le sénateur Michel. Tout le mon
de était, de bonne foi, et d’ailleurs, c°i dé
bat est purement, rétrospectif puisqu’il esf
maintenant assuré que le'service militaire
sera notablement réduit ! »
On calme et la phrase malheureusa
de M. Ripault est supprimée du mani
feste.
Le Congrès décide ensuite què le Con
grès national aura lieu les 19, 20 et 21
septembre à Strasbourg.
PAUL GORDEAUX.
LE MANIFESTE DU PARTI
Le manifeste adopté, comme on vient de
le voir, par le congrès radical, débute de
façon excellente *•
Citoyens,
Organisons la paix, établissons pour tous
une vie normale, travaillons avec passion à
rendre meilleure et plus fraternelle la maison
que le dévouement sans limites des enfants
de France a sauvé du plus grave péril que
l’histoire ait jamais enregistré.
A ceux-ci, la nation doit une reconnais
sance impérissable. Que le souvenir de leur
sacrifice domine toujours nos pensées, noî
travaux et nos polémiques 1 Rendons-nouf
compte que la communauté de souffrances,
la fraternité du champ de bataille ‘et celll
aussi, hélas ! des centaines de milliers di
tombes où le coude à coude héroïque est fixé
pour l’éternité nous invitent à maintenir plui
que jamais intangible cet article de notrl
programme : pas de luîtes de classes.
Union de tous les citoyens, au contraire,
pour suppléer, autant que faire se peut, lét
cher soulign qui manque aujourd’hui auX
veuves et aux orphelins, les protéger des
mille difficultés qui menacent leur faiblessq
et leur assurer un peu de cette quiétude ré
confortante que le sacrifice du disparu a dom
né à la nation en la sauvant ; gratitude aux
mutilés et aux grands blessés, dont nous res
terons toujours les débiteurs et que nous de
vons réconforter en leur assurant une vie
décente el en réparant l'état d’infériorité
dans lequel leurs glorieuses blessures le^
ont nacés ; réparations immédiates aux ré
gions dévastées par l'ennemi, aux cités el
aux villages écrasés et meurtris,par l'horri
ble fléau.
Tels sont tous nos premiers devoirs.
En effet et nul, certes, n’ira à l'encontre
de ces sages et patriotiques pensées — sauf
ceux que le manifeste exclut en disant : pa»
ÎO Centimes
10 Centimes
LUNDI 28 JUILLET 1319.
HENRY SIMOND
fel&BCTEUB-RÉDACTEUR EK CHIV
PAUL SIMOND
RIRBCTEUR-ADMINISTRATEUR
Adresse télégraphique : ÉCHORIS-PARIS
NOUVELLES DU MONDE ENTIER
Rédaction et Administration : 6, PLACE DE L’OPÉRA (9 e )
Adresse télégraphique : ECHORIS-PARIS
TÉLÉPHONE : Rédacteur en cheî. 101-52. — Administrateur. 102-45. — Rédaction. 102-79. — Entre minuit et 5 heures du matin. 101-56
VALENTIN SIMOND
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ABONNEMENTS (6, Place de l’Opéra) Téléph. 102-9»
Seine et Seine-et-Oise.. 3 mois 8 fr. 6 mois 15.50 1 an 30fL
Départent, et Colonies.. — 9 fr. — 16.50 — 32 fr.
Union Postale........... . — 10 fr. — 18 fr. — 35 ff.
POUR LA PUBLICITÉ, s’adresser Société u Écho de Paris-Publicité ». 20. rue Le Peietitf
LA GRANDE PITIÉ DES LABORATOIRES DE FRANCE
, t , ■
Au Collège de France
-0-00-07-
Que la recherche scientifique n’ait
point été organisée méthodiquement
clans notre pays, qu’elle soit encore con
sidérée comme d’ordre secondaire par la
haute administration, c’est ce qui ressort
avec un éclat scandaleux de l’état an
cien et actuel des choses, des déclara
tions des personnages officiels et des
plaintes de nos savants.
La recherche scientifique chez nous
est subordonnée à la mission d’ensei
gnement. Du savant, on exige qu’il soit
un professeur.
Sans doute, la science ne saurait être
mieux dispensée que par les esprits for
més dans l’étude et le maniement des
phénomènes et capables d’aller toujours
plus avant dans la découverte de l’en
chaînement des faits. Mais cette règle
souffre des exceptions. Certains esprits,
génialement doués pour l’investigation
expérimentale, n’ont aucun don pédago
gique. Et, en revanche, d’excellents pro
fesseurs sont tout à fait inhabiles -à
concevoir ces idées neuves et fécondes
que l’expérience a pour but de transfor
mer en une interprétation a posteriori
des choses. « Les hommes qui ont le
pressentiment des vérités nouvelles sont
rares », disait Qlaude Bernard. Et ces
hommes rares, eussent-ils d’ailleurs le
don pédagogique, on sera sage de les
laisser à leur mission supérieure, qui
est de développer les 1 connaissances hu
maines.
De nombreux savants ont eu à souf
frir de cette fausse idée que se fait de
leur utilisation l’Etat. Ils ont été assu
jettis à des enseignements parfois élé
mentaires, sans y trouver la liberté d'ac
tion nécessaire à la recherche. J’ai rap
pelé déjà le cas si tristement significa
tif de Pierre Cqrie. Avant lui, Pasteur,
excédé de soucis professoraux, s’était
plaint amèrement des usages universi
taires qui reléguaient au dernier rang
la, recherche scientifique. Devant des
exemples analogues, Renaît, jeûne en
core, s’écriait : « Par un étrange renver
sement, la science n’est chez nous que
pour l’école, tandis que l’école ne de
vrait être que pour la science. »
Créer, en dehors de l’école, de grands
ateliers de travail scientifique, voués à
la recherche, où des élèves eu plein ta
lent puissent, on secondant les maîtres,
se perfectionner dans l’expérimenta
tion, voilà une pensée fondamentale
dont la nécessité a été vivement ressen
tie à diverses époques et qui, de nos
jours, manifestement s’impose.
Loin de moi l’idée de porter atteinte
au prestige et à l'action de l’Université.
Je voudrais que l’on donnât à cette
grande institution, Tuile des premières
dans notre pays, toute sa puissance* de
rayonnement ! Mais l’Université a la
tâche magnifique de former à la vie in
tellectuelle les jeunes générations fran
çaises. Qu’il y ait à côté d’elle quelques
grands instituts uniquement préoccupés
de l’avancement des sciences : c’est
dans la nature des choses, et aucun es
prit droit 11'en saurait prendre ombrage.
fl 11e s’agit d’ailleurs que de rentrer
dans notre tradition. Vous savez com
ment, sous la Renaissance, ce besoin
d’investigations poursuivies en toute in
dépendance, avec hardiesse, reçut de nos
rois satisfaction. Sur l’avis du maître
de sa librairie, Je savant Guillaume
Budé, François I er créa des lecteurs
royaux pour le grec, l’hébreu et les ma
lhématiques. Ces maîtres étaient sous
traits à l’étroite discipline de la Sor
bonne et placés sous l’autorité et la pro
tection immédiates du Roi.
Je 11e veux point retracer l’histoire
glorieuse du Collège de France, étroite
ment liée au développement des scien
ces. C’est le stade actuel de l’illustre
maison qui appelle notre examen.
Le Collège de France s’est toujours
souvenu de sa charte de fondation. Il
a maintenu dans une large me
sure sa tradition de libre recherche.
Il a garde quelque chose de son esprit
f originaire et de sa raison d’être. Renan
le 'disait voué à la science « en voie de
sc faire », par opposition à la science
faite, que l’Université a mission de dis--
penser. Il y a dans cette définition une
grande part de vérité. 1 Nulle condition
de grade n’est exigée des maîtres, nom
més au Collège de France. Ce sont leurs
travaux personnels qui constituent les
titres des candidats. Et leurs chaires
n’ont point un caractère de permanence
obligatoire : elles sont supprimées, rem
placées, créées au gré des talents qui se
manifestent, et selon que des sciences
apparaissent ou disparaissent au* champ
des recherches (car les sciences, comme
les dieux, descendent au Schéol, et ceux
qui savent voir les vieux manuels dans
les boites des bouquinistes sur les quais
s’écrient, à la manière d’Isaïe : « Quoi !
c’est celui-là qui faisait trembler les
temples et frissonner d’outhoiisiasme les
jeunes esprits ! »
Malheureusement, le seul intérêt de
la science n’inspire pas toujours les no
minations que fait le ministre de d’ins
truction publique, ni même, il faut bien'
le dire, les présentations qui sont l’œu
vre du Collège de France et de l’Acadé
mie compétente. Des règles de carrière
et certaines indulgences se sont établies,
dont les effets sont en contradiction avec
la raison d’être de l’institution. Il est
rare que des hommes soient appelés au
Collège de France en considération du
seul mérite de leur œuvre : des diplômes
et un brillant curriculum vitæ demeu
rent des titres extrêmement appréciés.
Une chaire est-elle instituée pour tel
-maître justement réputé ? Le glorieux
■titulaire choisit à son gré son suppléant.
O nature ! nous sommes ainsi faits
qu’il préfère à l’un de ses émules un
esprit peu original qui consciencieuse
ment le reflète et le prolonge. R y a des
« esprits femelles », ainsi que disait
Claude Bernard. Les grands maîtres ont
cette faiblesse d’aimer à se faire sup
pléer par ces esprits femelles. Ceux-ci,
qui produisaient de bons travaux sous
une impulsion liardie, sont frappés de
stérilité, dès qu’ils se trouvent livrés à
eux-mêmes. Or il est d’usage qu’un sup
pléant succède dans sa chaire au titu
laire qu’il assistait. Voilà donc, dès la
première transmission, une chaire qui
tombe en quenouille \ Lisez sur les murs
du Collège de France les-noms des suc
cesseurs de maîtres illustres ! Que de
professeurs obscurs, disparus sans lais
ser aucune œuvre. Ce collège de nova
teurs fait figure, à certaines heures, de
conservatoire de doctrines vieillies.
IU faut - qu’une ambition autrement
haute et forte anime et stimule l’an
tique maison. Il faut n’y admettre que
des esprits d’une réelle puissance de
production. C’est l’avis unanime. Mais
attention ! qui veut la fin doit vouloir
les moyens.
Pour que la nation puisse manifester
des exigences à l’égard de ce Temple de
la science, et qu’elle en reçoive vérita
blement des directions intellectuelles, il
convient qu’elle assure aux maîtres qui
y sont promus certaines conditions de
travail et de vie.
Il est trop évident que l'Efàt ne traite
point le Collège de France d’une ma
nière convenable. Il lui refuse la dota
tion indispensable à un grand institut
de recherches scientifiques, doublé en
fait d’un centre d’érudition historique,
philosophique et littéraire. Il semble le
considérer comme une institution plus
grancfe par son passé que par ses pro
messes d’avenir.
Considérons par exemple les appoin
tements de ces maîtres, qui doivent for
mer l’avant-garde de la science. Avant
1913, le montant en était fixé au chiffre
admis pour les professeurs de troisième
classe des universités de province,
10,000 francs. Un savant illustre, M.Ber-
thelot, était Iraité comme le débutant
d'une petite université de province .t En
trer au Collège de France, pour un pro
fesseur représentait un honneur et une
perte d’argent.
Depuis 1013, les maîtres du Collège de
France sont au rang de la première
classe de province et de la deuxième de
Paris (12,000 francs). Le projet de relè
vement des traitements du personnel
sciehtiiique et enseignant, établi par le
ministère de l'instruction publique, tend
à porter ce chiffre à 10,000 franes.qui est
le taux de la-troisième classe nouvelle de
l’Université de Paris et de la deuxième
classe de province ! C'est une assimila
tion indéfendable. Si nous voulons avoir
un grand Institut de recherches) qui
remplisse pleinement son rôle, il faut
qu'il puisse appeler à lui, sans leur in
fliger une diminution pécuniaire, les
savants les plus remarquablement doués
pour l'investigation expérimentale et dé
sireux de s’y adonner. Honorez le Iravail
des laboratoires, il n'en est pas de plus
fécond.
Quant à la situation faite au person
nel auxiliaire du Collège de France, elle
est scandaleuse. Un préparateur reçoit
3,000 francs, sans espoir d’avancement.
Le projet de relèvement établit une
échelle de grades et de traitements infé
rieurs encore à ceux de la Sorbonne.
Nous voulons bien le trouver tolé
rable, ce projet. Mais quand sera-t-il
voté et promulgué!
Je sais tel préparateur au Collège de
France, combattant volontaire au cours
de la guerre, âgé de 33 ans, marié, au
teur de découvertes remarquables, qui
gagnerait aisément 30,000 francs dans
l’industrie et qui pour se livret à ses re
cherches, sous tes auspices dç l’Etat,
doit se contenter du dixième de cette
somme ! Voilà comment notre régime
traite l’élite savante de ce pays !
L’administration prépare des amélio
rations. Nous lui demandons une ré-
I orme profonde de nos usages et de nos
institutions. Assez d’apathie et de sordi
dité ! Les hommes d’étude ont été dé
laissés et j’allais dire déconsidérés. 11
faut au contraire qu’étant discernés par
leurs pairs, ils soient traités avec égards,
comme le plus précieux trésor du pays.
Je ne le demande pas dans l’intérêt de
ces nobles esprits, qui trouvent en eux-
mêmes leurs plus hautes satisfactions,
mais dans l’intérêt de la France déci
mée et à qui l’humanité pourtant de
mande des directions.
MAURICE BARRES.
clé l’Académi* française.
P.-S. — La Fédération nationale d’as
sistance aux mutilés des armées de terre
et de mer, qui, depuis sa formation, a
rééduqué des milliers de soldats, a pris
l’heureuse initiative de constituer un
« Groupement des officiers mutilés »
ayant pour mission de maintenir en
étroiCe union ces glorieux artisans de la
victoire et de leur permettre de coordon
ner leurs efforts pour la revendication
de leurs droits et la solution des divers
problèmes qui les attendent dans leur
nouvelle vie.
Ce groupement, désirant continuer la
fraternisation étroite du soldat et de l’of
ficier, vient de se rattacher à l’Union na
tionale des combattants, dont le pro
gramme bien connu est tout entier résu
mé dans cette belle devise : « Unis
comme au front ».
Les inscriptions sont reçues au siège
de la Fédération, 30, pue Boissière. Pa
ris lC a , U. B.
LE BLOC
Le^ radicaux sont divi
sés : les séances de leur
congrès ne ressemblent pas
du tout à des réunions de Camarades
c’est une grande chamaillerie.. Le parti
socialiste, malgré son épithète d’unifié,
n’est pas moins divisé : il a une droite et
une gauche qui ne s’entendent à peu près
sur rien et que le centre n’arrive pas à ré
concilier. En.somme, les vieux partis d’a
vant la guerre subissent une crise et iront
au complet désarroi s’ils.refusent de con
naître le mal dont ils souffrent. Le clas
sement des opinions et des hommes n’est
plus ce qu’il était. Ce qu’il "était, d’ail
leurs, ne valait rien : mais'ce qu’il était
ne saurait durer. Le classement nouveau,
et qui s’imposera même à la volonté des
manœuvriers électoraux, sépare les hom
mes qui placent avant toutes choses
l’honneur et la prospérité de la nation
victorieuse et' les hommes qui ne profite
raient de la paix revenue que pour recom
mencer les petites querelles de politicail-
lerie où se gaspillerait l’énergie nationale.
Entre ceux-ci et ceux-là, nul accord n’est
aucunement possible. On invoquerait en
vain l’union sacrée à ce propos : l’union
sacrée est nationale et ne concerne pas
les partisans d’une doctrine qui désa
grège la nation. Mais cette division, qui
est inévitable, est aussi la seule. Entre les
divers amis^ de la nation, quel que soit
leur parti ou, en d’autres termes, quelles
que soient leurs préférences sur les pro
blèmes secondaires, l’accord n’est pas à
faire, il est fait. Les politiciens du con
grès annoncent le projet de rafistoler le
bloc de gauche, qui n’a été qu’un instru
ment de guerre entre les citoyens. Au
lendemain de la grande guerre menée par
toute la nation contre l’envahisseur, ce
n’est pas un instrument de guerre civile
que les circonstances réclament : c’est un
principe d’union française. Un bloc est
en formation, s’il n’est formé : non pas
un bloc de gauche ; mais un bloc natio
nal et qui, sans choisir, prend tous scs
éléments où ils sont. — A. B.
LES RÉVÉLATIONS D’ERZBERGER
Déclarations de MM. RM et Painlevé
M. CLEMENCEAU DANS LA SOMME
, . 'A' V
M. Clemenceau, président du conseil, est
rentré, hier soir, à Paris, à 10 li. 30, par
la gare du Nord, venant de la Somme, où
il a visité les régions libérées, accueilli par
tout par les manifestations les plus sym
pathiques îles populations.
(En 3 e page, le compte rendu du voyage)-
Le cdih te® Laoitol
vainqueur a Tour te France
Les 5,300 kilomètres du Tour de France,
organisé par VA alu, ont été bouclés hier. Le
ciment de la piste du vélodrome du Parc des
Princes a dû paraître bien doux aux rescapés
de la formidable épreuve, car leurs roues ont
sillonné, depuis près d’un mois, les routes les
plus accidentées, les plus rocailleuses et mê
me les terribles pavés des routes du Nord.
Le beau temps n fav'orisé la dernière étape.
Elle a donné lieu à l’arrivée à une véritable
tin de course de vitesse. Alavoine y battit
d’une demi-longueur l’Italien Lucotti et. Je* fa
meux grimpeur de côtes Barthélemy. Mais le
résistât de cette épreuve n’aurait pu modifier
le classement général du Tour que si Firmin
Lambut, qui avait près de deux heures
d'avance à la fin de la 14 e élape, avait été
LAMBOT
gagnant du Tour de France.
victime d’un accident ou d’un'e grave défail
lance, ce qui, heureusement* pour l’excellent
jeune coureur belge, n’est pas arrivé.
Des milliers de cyclistes s'étaient rendus,
dès le matin, au-devant, des « touristes » et,
depuis Saint-Germain, c’est entre deux haies
de spectateurs que les coureurs sont passés.
La côte du Cœur-Volant, à Marly, fut grim
pée à belle allure par ces infatigables, alors
que des cyclistes qui n’avaient pas fait 50 ki
lomètres dans leur journée étaient obliges
de la monter à pied. Place Magentq, à Saint-
Cloud, la foulé attendait depuis deux heures
le peloton (le tète, qui est liasse avec un re
tard de plus de deux heufes sur l’horaire
probable. L’ovation n’en a pas été moins
vive.
Quant au vélodrome, ses enceintes étaient
archi-combles, et lorsqu’à cinq heures un
coup de clairon annonça l’approche du pe
loton de tête une clameur immense s’éleva.
La foule acclama surtout Alavoine et Barthé
lemy, et enfui Larnbot., quand, quelques mi
nutes plus tard, il fit les tours de piste régle
mentaires. _
S. DE LAFRETE.
La France s'est-elle, comme Va pré
tendu AI. Erzberger, ministre des finan
ces, jointe à VAngleterre, en août 1017,
afin de sonder le gouvernement alle
mand, par l’intermédiaire du Saint-
Siège,, sur ses conditions de paix et no
tamment sur l’indépendance de la Bel
gique ?
La thèse des hommes politiques qui
détiennent actuellement le pouvoir en
Allemagne consiste à dire aux panger-
manistes que si l’Allemagne s’est effon
drée par la paix de Versailles 3 la respon
sabilité en incombe au gouvernement
de Vépoque, qui s’est obstinément re
fusé à toutes conversations.
A ou s n'avons pas à nous immiscer
dans les querelles entre Allemands sur
leur façon dé liquider leur débâcle.
Mais il s'agit de savoir quelle créance
il convient, en ce qui concerne le
gouvernement français de l’époque, d’aï-
iùch^r au plaidoyer pru domo de M. Erz
berger.
J’ai demandé foui IVabord à M. Paul
Painlevé, qui était président du conseil
en 1017, ce qu’il avait à dire. M. Pain
levé m’à fait la déclaration que voici :
— J'ai pris la présidence du conseil le
13 septembre 1917 et je Us que le 30 août
le ministre d’Angleterre auprès du
Saint-Siège aurait transmis une propo
sition, à laquelle aurait adhéré la France,
destinée à connaître les intentions du
gouvernement allemand. Eh bien !
j’ignore tout de cette affaire, qui me pa
rait singulièrement grossie. II. s'agit pro
bablement d'une sorte de mémorandum
remis en réponse à la démarche du
Saint-Siège, par le ministre britan
nique au Vatican. Et comme te minisire
anglais était chargé de représenter les
affaires de la France auprès du Saint-
Siège pour certains cas, le nonce a pu
en prendre . prétexte pour traduire la
chose à sa façon. Mais je suis convain
cu que M. Ribot n’a donné à qui que ce
soit mission de faire ces sortes de pro
positions.
» On voit très bien le processus : il a
du g avoir une'conversation du ministre
anglais au Vatican, qui a laisse un me-
’itforanda m. Ve mémorandum a été
transmis par le cardinal Gasparri à son
représentant à Berlin, le nonce Paccelli,
qui l’a fait tenir au chancelier Michaëlis.
Je présume que le ministre anglais au
près du Saint-Siège ai, dans cette con
versation, peut-être dit ceci : « Je suis
convaincu qu’on amènera la France à
Ces idées-là. » C’est une pure hypothèse
de ma part, mais encore une fois je suis
convdincu que M. Itibot n’a. autorisé qui
que ce fût à faire des ouvertures à VAl
lemagne par l'intermédiaire du Saint-
Siège.
» M. Ribot est resté minisire des af
faires étrangères pendant près d’un
mois dans mon ministère il m'aurait
mis au courant. Il ne l’a pas fait. Je suis
donc moralement sûr qu'il n’y a rien eu.
» D'ailleurs celte histoire, échafau
dée par Erzberger, parait d'autant plus
rocambolesque qu’elle est en contradic
tion avec les pourparlers qui à peu près
û la même époque se poursuivaient avec
l’Autriche. Combien il est étrange que.
l’Autriche se soit tellement déclarée
à bout de forces, et qu’en même temps
elle ait eu, dans les pourparlers avec le
prince Sixte, cette intransigeance fa
rouche à l’idée de céder Trieste à VIta
lie / »
Et M. Painlevé de conclure :
— l ogez donc Ribot.
“ La parole est d’abord
au gouvernement britannigue ”
DÉCLARE M. RIBOT
, M. Alexandre Ribot., ancien président
du conseil et ministre des affaires étran
gères., a de très bonne grâce consenti à
me fournir les éclaircissements suivants:
— C'est au gouvernement anglais à
s’expliquer. En ce qui nous concerne, je
puis dire qu’il n'y a rien eu: Nous avons
simplement accusé réceptions au Saint-
Siège par l'intermédiaire de fAngle
terre, parce que nous n'avions pas de
ministre au Vatican. •
» Le Pape avait, au mois d'août 1917,
fait une tentative de rapprochement. H
nous avait fait des propositions pour
servir de base à des ouvertures à faire
à VAllemagne.
» Nous avons décidé, /’Angleterre et
nous, de ne pas donner suite aux propo
sitions du Pape.
» Néanmoins, par déférence, l'Angle
terre en a accusé réception dans les ter
mes tes plus polis.
» Le ministre anglais, en son nom per
sonnel, a fait remarquer que, dans ces pro
positions, il n’y avait pas de garanties suf
fisantes pour la Belgique.
» Le cardinal Gasparri a pris texte de.
ces déclarations poux faire télégraphier
à l'Allemagne, afin d'avoir des préci
sions au sujet des garanties à donner à
la Belgique.
» C’était un commencement de conversa
tion qu’on voulait ébaucher, mais le gou
vernement anglais y a coupé court tout de
suite.
» Le ministre d’Angleterre n’a pas été
plus loin.
» Il u (ait remarquer que la première
chose ù faire serait, d'obtenir des garan
ties explicites poiir la Belgique. Or, /'Al
lemagne, mise ■ au pied du mur par le
Pape, n'a pas voulu répondre, parce
qu'elle ne voulait pas, à ce nwment,
donner de garanties à la Belgique. Il
n'y a eu aucune communication ni du
gouvernement viglais, ni du gouverne- \
meni frauçau.
» Les propos de M. Erzberger dénaturent
la vérité.
» Il suffit de relire la. lettre du Nonce
qui dit. que le ministre anglais a parlé
de garanties à donner à la Belgique et
qui demande une réponse à ce sujet
pour pouvoir reprendre la conversation
à Borne. C'est, le nonce à Berlin qui a
été chargé par le cardinal Gasparri d’é
crire au chancelier.
» Le gouvernement anglais a vu tout de
suite le danger, et il a prescrit à son mi
nistre de ne pas ajouter un mot : on est
donc loin d’une offre faite par les gouveer-
nements anglais et français.
» Je dois ajouter cependant que l’An
gleterre ne m’avait pas prévenu qu’elle
avait fait un accusé de réception à Rome.
J’ai donc télégraphié au Foreign Office
pour le prier de m’associer à la démar
che, mais ce n’était qu’un simple accusé
de réception dans les termes de défé
rence que comportait la situation.
» Quant au reste, je t'ai ignoré. J’ai dit
simplement au gouvernement anglais :
« Ne cous laissez pas engager dans une
conversation indirecte comme celle-là. »
« Et on en est resté là », conclut l’an
cien président du conseil.
MARCEL il U TI V.
L’INTERVENTION DU VATICAN
EN 1917
UNE LETTRE DU NONCE
Oscar Muller publie, dans la Deutsche
AUqem.eine Zeituna un article intitulé :
« Pourquoi il nous a fallu aller à Versail
les ? » Il donne le texie de la lettre que Je
nonce de Munich, Mgr Paccelli, a envoyée
le 30 août 1017 au chancelier Michaëlis.
Voici le texte de cette lettre :
J'ai le grand honneur de ' transmettre ci-
joint à Votre Excellence copie d’un télégram
me remis au cardinal-secrétaire d'Etat par Son
Excellence M. le ministre de Sa Majesté le
roi d'Angleterre près le Saint-Siège. Le gou
vernement français* se joint à l’exposé fait dans
le ■même télégramme:
Son Excellence désire ardemment poursui
vre eflicaeeinent tous les efforts de nature à
aboutir prochainement à une paix juste et du
rable' et que le gouvernement impérial s’est
montré disposé à accepter d’une façon si ac
cueillante.
En conséquence, Son Excellence m’a chargé
d’attirer d'une façon spéciale l’attention de
Votre Excellence sur le point se rapportant à
la Belgique et d'obtenir:
1° Une déclaration précise sur les intentions
du gouvernement impérial concernant la com
plète indépendance de la Belgique et sa com
plète indemnisation pour les dommages cau
sés en Belgique p,ar la guerre ;
2° La même indication précise relativement
aux garanties de son indépendance politique,
économique et militaire demandées par l'Alle
magne.
Si l’explication donnée est satisfaisante, Son
Eminence est d’avis qu’un pas important se
rait fait pour le développement ultérieur des
pourparlers.
En fait, le ministre sus-mentionné de Gran
de-Bretagne a déjà fait savoir à son gouverne-
nienl que le Saint-Siège répondra aux commu
nications contenues dans le télégramme à lui
transmis, aussitôt qu’il aura reçu par mon in
termédiaire la réponse du gouvernement impé
rial.
Puisse-l-il m'être permis d’exprimer la fer
me conviction que Voire Excellence, dont l'in
tervention en haut lieu parut d'accord avec la
proposition Irès considérée du. Pape et qui fit
preuve de dispositions si favorables relative
ment à celle œuvre de paix, acquerra dés mé
rites impérissables envers la pairie et l’huma
nité entière en facilitant l'heureuse poursuite
des pourparlers de paix par une réponse con
ciliante.
Dans cette attente, il m’est agréable de vous
exprimer mes sentiments de très haute consi
dération, et j’ai l’honneur de rester, de Votre
Excellence, le très dévoué :
Eugène Paccelli,
nonce apostolique.
[Oscar Muller accompagne ce document
d’un commentaire qui contient plusieurs
erreurs matérielles :
« L'écrit de Mgr Paccelli. dit-il, était la
première action médiatrice officielle du
Vatican, où F Angleterre et la France
avaient fait les premiers pas. »
M. Oscar Muller ajoute :
C'est à la suite de cet. événement que le
Reichstag vota une résolution de paix impli
quant la renonciation à la Belgique. Mais les
militaires et les grands industriels firent
échouer le projet en profitant de la faiblesse
des chanceliers Michaëlis et llertling.
La résolution de paix du Reichstag est
du 19 juillet. On ne voit pas comment elle
put être votée « à la suite » cfe la réception
d’un document qui parvint à destination
le 30 août,]
LE RAPPORT CZERNIN
Bâle, 27 juillet. — Un radiotélégramme
de Nauen donne l’extrait suivant du rap
port du comte Czernin à l’ex-empereur
Charles, mentionné vendredi par Erzber
ger dans son discours à l’Assemblée na
tionale. ‘Nous rappelons que ce rapport au
rait été transmis à Berlin le 12 avril 1917.
Sire,
Que Votre Majesté me permette d'exprimer
mon opinion motivée sur la situation avec
la sincérité et la franchise dont fai joui de
puis le début de mes fonctions. ' II est clair
que autre force Militaire s'épuise et ce serait
perdre le temps de Votre Majesté que d'en
trer Hans des détails aïe sujet. Je mention
nerai simplement F épuisement des matières
premières pour ’a fabrication des munitions
La diminution de nos réserves d’hommes et
\siuiout le désespoir quhs’est emparé des mas
ses populaires par suite au manque de nourri
ture, rendent par trop pénible la soumission
aux charges de la guerre. Même s'il nous était
possible, comme je l’espère, , de tenir encore
quelques mois pour une défensive victorieuse,
je suis absolument certain qu’une nouvelle cam
pagne if hiver est impossible; en d’autres ter
mes. il faut obtenir à tout prix lu fin de la
guerre dans les derniers mois de l'été ou en
automne.
Il est essentiel Xentamer des négociations de
pair à un moment où l’ennemi n’a pas encore
pleine conscience de l’exUnrtion de nos forces.
Si nous faisons appel à l’Entente au moment où ;
les événements intérieurs de l'empire feront !
prévoir su dissolution imminente, nos démar- \
ches seront inutiles et nous n’obtiendrons que \
des conditions signifiant la destruction com
plète. des puissances centrales.
fLa suite à la 3 e page). !
LE PARTI RADICAL
DÉFINIT SAPOLITIQUE
La dernière séance du Congrès radical,
tenue hier, s’est ouverte par une allocution
de M. Couyba.
De la même voix qui chanta jadis « Ma-
non, voici le soleil », M. Maurice Boukay,
pardon, M. Charles Couyba fait l'apologie
du parti radical ; puis, "il donne la parole
à M. Blumenthal, député alsacien, qui fait
adopter une motion demandant la dispa
rition, de l’organisation allemande de l'Al-
sace-Lorraine et l’application immédiate
de- la législation française aux départe
ments (lu Rhin et de la Moselle.
Le Congrès entend ensuite M. Moudenc,
j délégué de la Haute-Garonne,
i Et ce délégué toulousain, qui fait partie
de. la Fédération des Cheminots,? et, par
conséquent aussi de la C. G. T., expose
ses idées sur les rapports que le parti ra
dical devrait entretenir a\Vc les syndicats :
« Les radicaux-socialistes, dit l’orateur,
doivent entrer dans les syndicats pour ne
pas laisser aux socialistes la liberté d’y
faire ce qu'ils veulent.
» Ce ne sont pas les socialistes qui ont
voté les lois sociales !
. » Et, .d'ailleurs, quand ils votent une
réforme, ils ne votent jamais ce qui est
nécessaire pour la réaliser, c’est-à-dire, le
budget. Et cependant ce sont eux qui ac
caparent le bénéfice moral de toutes les
améliorations apportées au sort du prolé
tariat ». J
MM. Ilerriot, Emile Desvaux, Louis
Deshayes et Louis Martin attestent le dé
vouement du parti à toutes les organisa
tions professionnelles et corporatives et la
Congrès, à l'unanimité, décide d’engager
les membres ouvriers du parti à entrer
dans les syndicats et à la C. G- T., de façon
à y contrebalancer l'influence des unifiés
et des révolutionnaires.
Le Congrès se déclare ensuite partisan
de la nationalisation des chemins de fer.
M. Gaston Gros donne alors lecture du
programme du parti. Ce programme est
fort long et très détaillé. Mais, comme M.
Couyba met son approbation aux voix, M.
Cazassus, député de la Haute-Garonne, bon.
dit à la place réservée aux orateurs.
« Vous ne pouvez vous prononcer sur fm
programme aussi Mou ! » s'écrie Je farouche
représentant de Saint-Gauden&
l)e toutes part s’élèvent des hurlements
de protestation ! Personne ne veut trouver
flou un programme dont la lecture a duré
une quarantaine de minutes. Mais 31. Ca
zassus, que Pierre Veber a baptisé naguère
1’ (( orateur à retardement » (parce qu’il
ne part jamais qu’au bout d’une heure,
quand il est à la tribune) s’entête, et voci
féré encore longtemps, au milieu d’un af
freux concert d’imprécations.
Finalement, on décide que le programme
sera, non pas approuvé, mais simplement
pris en considération et imprimé pour être
soumis aux méditations des membres du
parti, qui 1‘homologueront définitivement
au cours du congrès national.
-Les délégués des départements libérés
demandent au parti radical de mettre au
premier plan de son action sur les pouvoirs
publics les' solutions relatives au relève
ment des régions dévastées.
Enfin 31. Ripault donne lecture du mani
feste sur lequel se terminent les travaux du
congrès et qui résume le programme du
parti radical et radical-socialiste. Nous en
reproduisons plus loin les passages essen
tiels.
Ce manifeste soulève un violent incident.
M. Ripault avait dit tout d’abord en par-
lant- de la refonte de l’armée : « La nation ‘
armée a fait ses preuves, comme nous l'a
vions prévu, en combattant la loi de trois
ans, cette apparence de sécurité. »
Cette phrase soulève un beau tapage :
« Personne n’avait mis en doute que la na
tion année ferait ses preuves en cas de
guerre, s'écrie 31. Michelis, délégué des
Bouches-du-Rhône. Les membres du par 1(1
qui ont. voté pour les trois ans étaient ani
més par la plus grande sincérité et le plus
vif patriotisme. Il ne faut pas jeter sur
eux le discrédit ! »
On pense si les « deux ànmstes » ripos
tent! Et, bientôt, le congrès est nettement
divisé en deux camps, criant à tuertête et
se montrant le poing :
« Lai question des trois ou des deux ans
fut non pas une question de principe, mais
un « question d’inspiration, finit par faire
entendre le sénateur Michel. Tout le mon
de était, de bonne foi, et d’ailleurs, c°i dé
bat est purement, rétrospectif puisqu’il esf
maintenant assuré que le'service militaire
sera notablement réduit ! »
On calme et la phrase malheureusa
de M. Ripault est supprimée du mani
feste.
Le Congrès décide ensuite què le Con
grès national aura lieu les 19, 20 et 21
septembre à Strasbourg.
PAUL GORDEAUX.
LE MANIFESTE DU PARTI
Le manifeste adopté, comme on vient de
le voir, par le congrès radical, débute de
façon excellente *•
Citoyens,
Organisons la paix, établissons pour tous
une vie normale, travaillons avec passion à
rendre meilleure et plus fraternelle la maison
que le dévouement sans limites des enfants
de France a sauvé du plus grave péril que
l’histoire ait jamais enregistré.
A ceux-ci, la nation doit une reconnais
sance impérissable. Que le souvenir de leur
sacrifice domine toujours nos pensées, noî
travaux et nos polémiques 1 Rendons-nouf
compte que la communauté de souffrances,
la fraternité du champ de bataille ‘et celll
aussi, hélas ! des centaines de milliers di
tombes où le coude à coude héroïque est fixé
pour l’éternité nous invitent à maintenir plui
que jamais intangible cet article de notrl
programme : pas de luîtes de classes.
Union de tous les citoyens, au contraire,
pour suppléer, autant que faire se peut, lét
cher soulign qui manque aujourd’hui auX
veuves et aux orphelins, les protéger des
mille difficultés qui menacent leur faiblessq
et leur assurer un peu de cette quiétude ré
confortante que le sacrifice du disparu a dom
né à la nation en la sauvant ; gratitude aux
mutilés et aux grands blessés, dont nous res
terons toujours les débiteurs et que nous de
vons réconforter en leur assurant une vie
décente el en réparant l'état d’infériorité
dans lequel leurs glorieuses blessures le^
ont nacés ; réparations immédiates aux ré
gions dévastées par l'ennemi, aux cités el
aux villages écrasés et meurtris,par l'horri
ble fléau.
Tels sont tous nos premiers devoirs.
En effet et nul, certes, n’ira à l'encontre
de ces sages et patriotiques pensées — sauf
ceux que le manifeste exclut en disant : pa»
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