Titre : La Dépêche algérienne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Alger)
Date d'édition : 1885-09-28
Contributeur : Robe, Eugène (1890-1970). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32755912k
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 28 septembre 1885 28 septembre 1885
Description : 1885/09/28 (A1,N74). 1885/09/28 (A1,N74).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t544856k
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-10449
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/04/2021
■>
Première année. — N° 74.
DEPOT LHü^L
Le nnméro r 5 oentimes. J tf Lundi 28 septembre 188g.
La Dépêche Algérienne
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
ABONNEMENTS :
Trois mois Six mois
Algérie 4.50 9
France 6 f 2
Un an
18
24
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Tontes les communications relatives aux annnonces et réclames doivuk
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, boulevard de la République, jû£m t
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseille, chez M. Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chex MM. AUDBOURG et C 1 *, place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
La
DÉPÊCHE! ALGÉRIENNE! est désignée pour l'insertion des annonces légales, judiciaires et autres exigées ponr la validité des procédures et contrata.
Alger, le 27 Septembre 1885.
Comité Central Républicain
Élections législatives du 4 octobre 1885.
LETELLIER
DÉPUTÉ SORTANT
BOURL1ER
m : CONSEILLER^GÉNÉRAL
Candidats Républicains
Comité Central Républicain
Elections, législatives du 4 octobre
Programme politique.—Politique française
I. — Défense et propagation des principes
républicains.
II. — Séparation des Eglises et de l’Elat,
avec réserve en ce qui concerne le culte
musulman en Algérie.
III. — Extension de la gratuité de l'ins
truction.
IV. — Maintien du domaine colonial de
la France, sans idées ds nouvelles conquê
tes.
V. — Révision du système des impôts.
VI. — Unification des pensions de retrai
te militaires.
VII. — Réforme de la loi sur les|pensions
civiles.
VIII. — Protection de la production et
du travail industriels.
IX. — Augmentation des taxes à l’im
portation sur les céréales et sur les bes
tiaux, pour mettre noire agriculture en état
de lutter contre la concurrence étrangère.
III. — SuppressionUprogressive de la
justice musulmane.
IV. — Extension du réseau des voies
ferrées et en général de tous] les travaux
publics nécessaires à la mise en valeur de
l’Algérie.
V. — Constitution immédiate de la pro
priété chez les Indigènes.
V. — Maintien et perfectionnement d’une
législation spéciale destinée à assurer la
sécurité des colons.
VI. — Développement de l’instruction
chez les Indigènes.
VII. — Révision de la loi sur la natura
lisation tant pour les Indigènes que pour les
étrangers habitant l'Algérie.
VIII. — Réforme des impôts arabes.
IX. —Développement de l’enseignement
agricole et en général de tout enseignement
professionnel.
X. — Construction d’un nouveau câble
sous-marin entre la France et l’Algérie et
réduction des tarifs de transports.
XI. -- Reprise de l’œuvre de la colonisa
tion interrompue ^depuis le rejet de la loi
des 50 millions.
XII. — Déclassement des fortifications de
la ville d’Alger.
Le Comité central républicain,
Accepté : LETELLIER-BOURLIER.
LETTRES DU VILLAGE
Politique algérienne
I. — Maintien du Gouvernement général
civil.
II. — Maintien et perfectionnement du
Conseil supérieur.
X..., le 23 septembre 1885.
J'ai suspendu ma dernière lettre pour me
rendre à la réunion où nous conviaient les
citoyens Marchai et Samary, candidats à la
députation d’une fraction du parti radical.
Cette réunion a eu lieu dans la grande salle
de l’auberge du Soleil, celle où l’on danse
le dimanche, et qui sert aussi de salle de
spectacle quand, par hasard, quelque artiste
ambulaot nous fait le plaisir de nous visiter
J’y ai vu passer pas mal ds prestidigitateurs
et d’escamoteurs ; j’y ai applaudi plus d’un
tour de passe-passe.
Ce n’est pas pour vous critiquer, messieurs
les citadins, mais au village, nous sommes
plus sérieux qu’à ri a ville et nous aurions
honte de nous donner ce spectacle les uns
aux autres par des manifestations bruyantes.
Il y a d’ailleurs toujours quelque chose à
apprendre, à écouter parler quelqu’un, alors
même que l’on ne partage pas ses idées.
Ceci pour vous dire que nous avons laissé
très merveilleusement pérorer les deux can
didats.
Le citoyen Marchai a pris beaucoup d’in
fluence depuis que j’avais eu l’occasion de
l’entendre parler et il nous a débité cou
ramment quelques-uns des articles de
sou journal. Quant à M. Samary que per
sonne ne connaissait ici, ce n’est pas de
l’étonnement mais de la stupeur que nous
avons éprouvé, lorsque ce long et pâle per-'
sonnage nous a entretenu à son tour. Tout
le monde se regardait en souriant et il nous
a fallu un grand respect de notre dignité
pour ne pas lui éclater de rire au nez et lui
laisser achever sa petite conférence. Mais,
lorsqu’il s’est enfin assis, l’assemblée a
poussé un profond soupir de satisfaction.
Quelques applaudissements ont même éclaté
inspirés par la joie que les auditeurs éprou
vaient de voir leur supplice prendre fin.
Il était alors 10 heures et, comme on ne
veille pas tard au village, chacun est rentré
chez soi après avoir vidé un verre de bière
avec nos hôtes, histoire de payer à l’auber
giste la location de sa salle et son pétrole.
Voilà, je puis vous le garantir, le récit
complet et véridique de cette soirée.
Aussi jugez qnelle a été notre stupéfac
tion lorsque, trois jours après, nous avons
lu dans le Petit Colon une dépêche datée
de chez nous, racontant que MM. Marchai
et Samary avaient été acclamés par les élec
teurs, et que ces derniers leur avaient offert
un punch à l’issue de ia réunion.
Non, vrai, ceci dépasse la plaisanterie et
les bornes de l’exagération permises.
Je parlais en commençant cette lettre des
tours de pas-e-passe que j’avais vu exécuter,
mais jamais escamoteur n’a eu le toupet
d’en faire un aussi audacieux; et le comble,
c’est que ce télégramme,donné comme éma
nant d’un électeur, a été rédigé et expédié
par M. Samary en personne.
Vous pensez si cela nous a mis en défian
ce contre les prétendues victoires que le
Petit Colon enregistre quotidiennement.
Avec beaucoup de succès de ce genre l’on
arrive, le jour du vote, à une défaite écra
sante.
Je ne suis pas prophète, mais je serais
plus qu’étonné si les candidats du soi-disant
congrès départemental ne succombaient pas
piteusement. Chaque jour le peu de chances
qu’ils ont du avoir au début dé la lutte vont
s'affaiblissant. D’une part, l’exhibition da
citoyen Samary produit un effet désastreux.
De l’autre, l’attitude du citoyen Marchai
vis-à-vis du citoyen Le Lièvre est appréciée
de nlus en plus sévèrement; enfin l’acharne
ment des journaux du parti contre M;
Bourlier, la puérilité de la plupart des griefs
invoqués contre ce candidat et la mauvaise
foi insigne qui préside â toute cette polémi
que opèrent un effet absolument contraire
à celui qu’en expriment le Radical et le
Petit Colon ; ils assurent à ce candidat un
regain sensible.
Quant à M. Letellier, sa situation n’a pas
été un instant ébranlée. On sait parfaite
ment dans les campagnes Je rôle qu’il a
joué à la Chambre, et son attitude passée
est un sûr garant de l’avenir, et bien peu
de gens, en dehors de ceux qui briguent sou
siège, expliquent l'intérêt que la départe
ment pourrait avoir à le remplacer.
Je suis donc convaincu que le 4 octobre
prochain verra le succès complet de la liste
du Comité central, et c’est, dans cet espoir»,
que je termine ma lettre en me disant.
Votre,
Jean Claude.
Le Brevet Feuillet
Puisque le Petit Colon de ce matin fait
délivrer par M. le docteur Feuillet, un des
plus vaillants soldats du parti pseudo-radi
cal d’Alger, le brevet de capacité qui lui
manquait, nous croyons utile, pour l’édifi
cation complète de nos lecteurs, de placer
sous leurs yeux l’appréciation toute récente
du même docteur Feuillet, sur l'honorable
M Bourlier.
Nous l’empruntons au volume des délibé
rations du Conseil supérieur de la session
de novembre 1881.
La délégation du département d’Alger
était composée de MM. Bourlier, Bru, La»
fitte, Feuillet, Leroux et Trech.
Séance du 15 novembre 1881
••••*' •«***•
M. le Secrétaire général du Gouvernement
invite ensuite le Conseil à procéder à la no
mination d’un vice-président.
Après une suspension de séance de queI->
ques minutes, il est procédé au vote.
Feuilleton de la Dépêche Algérienne
N° 3.
LES
PAR
A. RACOT et G. PRADEL (l)
PROLOGUE
— Ne dites pas votre nom, je vou? l’or
donne ; il en profitera pour faire souffrir
l’enfant, et s’il vous connaît, vous ne pour
rez jamais le retrouver. i
— Vous n’avez pas besoin de savoir mon
nom, reprit l’inconnu en faisant un effort
sur lui-même. Vous avez fait fermer la por
te de la terrasse, c’est-à-dire que vous avez
essayé de me noyer. Maintenant vous allez
m’assassiner ; c’est votre droit, faites ! Pour
cela, vous n’avez pas besoin de savoir qui je
suis.
Cela dit, il se croisa les bras et regarda
le colonel en face.
— Vous assassiner? Oh que non pas ! s’é
cria le colonel. Si j’ai fait fermer la porte,
(1) Reproduction interdite aux journaux qui n’ont
pas traité avec la Société des Gens de Lettres.
j’ignorais que la crue du fleuve pût monter 1
jusque-là. Je voulais vous obliger â passer
par la grande porte, où vous m’auriez ren
contré. Vous assassiner? non, non. Le
combat sera loyal. Tout à l’heure il aura
lieu : mais, auparavant, une explication est
nécessaire. Il faut que vous sachiez qu’une
femme se trouve entre nous deux. Cette
femme est la mienne, à laquelle j’ai donné
mon nom, ma fortune, comme je lui avais
donné mon cœur, je voudrais trouver un
châtiment pour elle. Mais où la frapper ? Ce
n’est pas dans soq honneur: elle n’en a pas
Ce n’est pas la mère qu’on peut punir en
elle : elle a abandonné son enfant.
— Monsieur, dit la jeune femme en s’a
dressant à l’inconnu, j’aime à croire que
vous n’allez pas me laisser insulter devant
vous. Ma présence ici est inutile.
— Madame, s’écria ie colonel en avan
çant la main, je vous ordonne de rester.
— Vous ne voulez pas me tuer aussi, je
suppose, dit-elle avee un air de défi.
— Vous tuer ! répliqua le colonel avec
une amertume désespérée. Je n’en aurais ni
le cœur, ni le courage. ; mais je veux que
l’homme qui est là, celui qui refuse de me
dire son nom, sache au moins qui vous êtes.
— Et moi, je ne veux point continuer à
recevoir vos injures.
Et devenant furieuse...
— Dêfendez-moi, cria-t-elle à l’incoùnu ;
dêfendez-moi donc ! Est-ce que vous seriez
aussi lâche que lui ?
L’inconnu fit deux pas vers elle et lui
offrit son bras.
— Venez, madame, lui dit-il. Mon devoir
est de vous protéger.
Et il se dirigea vers une porte au fond du
petit salon.
Le colonel ne bougea point ; un sourire
de vengeance satisfaite crispa ses lèvres.
L’inconnu ouvrit la porte.
Il recuia d’un pas.
Un dragon, le sabre nu, se trouvait de
vant lui.
Le colonel avait pris ses précautions :
toute retraite était impossible.
— Tu es là Kern ? fit-il.
— Présent, mon colonel, répondit le dra
gon en portant la main à son casque.
— C’est bien ! referme la porte.
Puis, s’adressant à la jeune femme et à
l’inconnu :
— Yous voyez bien qu’il faut que vous
restiez.
La jeune femme se tordit les mains :
— Oh ! murmura-t elle, que faire pour se
venger !
— Madame, reprit le colonel au bout d’un
instant, et vous monsieur, je vous prierai
de vous asseoir, car les faits que j’ai à rap
peler ici demanderont un certain laps de
temps.
Lui-même prit un fauteuil et s’assit de
vant la petite porte vitrée, tandis que la
jeune femme tombait vaincue sur un ca
napé.
Sur un nouveau geste du colonel, l’iu
connu fit un signe négatif et demeura de
bout.
Le colonel commença son récit :
5%
— U me faut remonter â bien des année»
en arrière pour arriver au commencement
de cette triste histoire. C'était â Alger, il y
a plus de seize ans J’étais à cette époque
lieutenant aux chasseurs d’Afrique. Je sor
tais de Saint-Cyr. Je débutais dans la vie.
Avant le dîner, mes camarades et moi nous
nous réunissions â un grand café situé au
coin de la rae B :b-Azoun.
A cette heure ausri, une petite mendiante
mauresque, qui avait les plus beaux yeux
du monde, venait nous demander un bac-
chis en échange de fleurs de cactus ou de
grenades. Elle était jolie à ravir, cette en
fant, dans ses haillons et dans ses guenilles.
Je la gâtais plus que tous mes autres cama
rades, ayant pris 1 habitude de lui acheter
toujours des fleurs.
L’enfant s’en était vite aperçue ; aussi,
du plus loin qu’elle me voyait, accourait-
elle au-devant de moi en me saluant de son
plus gracieux souri e. Mes amis me plaisan
taient même sur l’intérêt que je portais à
cette enfaut. Un jo ver à l’heure accoutumée. Une autre petite
mendiante imérogêe par moi, m’apprit
qu’elle était malade Je ne puis vous dire
combien cette nouvelle me frappa.
Involontairement, je songeai que celte en
fant allait mourir privée de soins, privée de
tout, et je priai la mendiante que j’avais in
terrogée de me conduire auprès d’elle.
Il me fallait traverser les rues tortueuses
et sales du quartier Maure. Ma. conductrice
ma conduisit jusqu’à une maison borgne.
C’est là qu’ôtait la malade. (A suivre.)
Première année. — N° 74.
DEPOT LHü^L
Le nnméro r 5 oentimes. J tf Lundi 28 septembre 188g.
La Dépêche Algérienne
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
ABONNEMENTS :
Trois mois Six mois
Algérie 4.50 9
France 6 f 2
Un an
18
24
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Tontes les communications relatives aux annnonces et réclames doivuk
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, boulevard de la République, jû£m t
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseille, chez M. Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chex MM. AUDBOURG et C 1 *, place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
La
DÉPÊCHE! ALGÉRIENNE! est désignée pour l'insertion des annonces légales, judiciaires et autres exigées ponr la validité des procédures et contrata.
Alger, le 27 Septembre 1885.
Comité Central Républicain
Élections législatives du 4 octobre 1885.
LETELLIER
DÉPUTÉ SORTANT
BOURL1ER
m : CONSEILLER^GÉNÉRAL
Candidats Républicains
Comité Central Républicain
Elections, législatives du 4 octobre
Programme politique.—Politique française
I. — Défense et propagation des principes
républicains.
II. — Séparation des Eglises et de l’Elat,
avec réserve en ce qui concerne le culte
musulman en Algérie.
III. — Extension de la gratuité de l'ins
truction.
IV. — Maintien du domaine colonial de
la France, sans idées ds nouvelles conquê
tes.
V. — Révision du système des impôts.
VI. — Unification des pensions de retrai
te militaires.
VII. — Réforme de la loi sur les|pensions
civiles.
VIII. — Protection de la production et
du travail industriels.
IX. — Augmentation des taxes à l’im
portation sur les céréales et sur les bes
tiaux, pour mettre noire agriculture en état
de lutter contre la concurrence étrangère.
III. — SuppressionUprogressive de la
justice musulmane.
IV. — Extension du réseau des voies
ferrées et en général de tous] les travaux
publics nécessaires à la mise en valeur de
l’Algérie.
V. — Constitution immédiate de la pro
priété chez les Indigènes.
V. — Maintien et perfectionnement d’une
législation spéciale destinée à assurer la
sécurité des colons.
VI. — Développement de l’instruction
chez les Indigènes.
VII. — Révision de la loi sur la natura
lisation tant pour les Indigènes que pour les
étrangers habitant l'Algérie.
VIII. — Réforme des impôts arabes.
IX. —Développement de l’enseignement
agricole et en général de tout enseignement
professionnel.
X. — Construction d’un nouveau câble
sous-marin entre la France et l’Algérie et
réduction des tarifs de transports.
XI. -- Reprise de l’œuvre de la colonisa
tion interrompue ^depuis le rejet de la loi
des 50 millions.
XII. — Déclassement des fortifications de
la ville d’Alger.
Le Comité central républicain,
Accepté : LETELLIER-BOURLIER.
LETTRES DU VILLAGE
Politique algérienne
I. — Maintien du Gouvernement général
civil.
II. — Maintien et perfectionnement du
Conseil supérieur.
X..., le 23 septembre 1885.
J'ai suspendu ma dernière lettre pour me
rendre à la réunion où nous conviaient les
citoyens Marchai et Samary, candidats à la
députation d’une fraction du parti radical.
Cette réunion a eu lieu dans la grande salle
de l’auberge du Soleil, celle où l’on danse
le dimanche, et qui sert aussi de salle de
spectacle quand, par hasard, quelque artiste
ambulaot nous fait le plaisir de nous visiter
J’y ai vu passer pas mal ds prestidigitateurs
et d’escamoteurs ; j’y ai applaudi plus d’un
tour de passe-passe.
Ce n’est pas pour vous critiquer, messieurs
les citadins, mais au village, nous sommes
plus sérieux qu’à ri a ville et nous aurions
honte de nous donner ce spectacle les uns
aux autres par des manifestations bruyantes.
Il y a d’ailleurs toujours quelque chose à
apprendre, à écouter parler quelqu’un, alors
même que l’on ne partage pas ses idées.
Ceci pour vous dire que nous avons laissé
très merveilleusement pérorer les deux can
didats.
Le citoyen Marchai a pris beaucoup d’in
fluence depuis que j’avais eu l’occasion de
l’entendre parler et il nous a débité cou
ramment quelques-uns des articles de
sou journal. Quant à M. Samary que per
sonne ne connaissait ici, ce n’est pas de
l’étonnement mais de la stupeur que nous
avons éprouvé, lorsque ce long et pâle per-'
sonnage nous a entretenu à son tour. Tout
le monde se regardait en souriant et il nous
a fallu un grand respect de notre dignité
pour ne pas lui éclater de rire au nez et lui
laisser achever sa petite conférence. Mais,
lorsqu’il s’est enfin assis, l’assemblée a
poussé un profond soupir de satisfaction.
Quelques applaudissements ont même éclaté
inspirés par la joie que les auditeurs éprou
vaient de voir leur supplice prendre fin.
Il était alors 10 heures et, comme on ne
veille pas tard au village, chacun est rentré
chez soi après avoir vidé un verre de bière
avec nos hôtes, histoire de payer à l’auber
giste la location de sa salle et son pétrole.
Voilà, je puis vous le garantir, le récit
complet et véridique de cette soirée.
Aussi jugez qnelle a été notre stupéfac
tion lorsque, trois jours après, nous avons
lu dans le Petit Colon une dépêche datée
de chez nous, racontant que MM. Marchai
et Samary avaient été acclamés par les élec
teurs, et que ces derniers leur avaient offert
un punch à l’issue de ia réunion.
Non, vrai, ceci dépasse la plaisanterie et
les bornes de l’exagération permises.
Je parlais en commençant cette lettre des
tours de pas-e-passe que j’avais vu exécuter,
mais jamais escamoteur n’a eu le toupet
d’en faire un aussi audacieux; et le comble,
c’est que ce télégramme,donné comme éma
nant d’un électeur, a été rédigé et expédié
par M. Samary en personne.
Vous pensez si cela nous a mis en défian
ce contre les prétendues victoires que le
Petit Colon enregistre quotidiennement.
Avec beaucoup de succès de ce genre l’on
arrive, le jour du vote, à une défaite écra
sante.
Je ne suis pas prophète, mais je serais
plus qu’étonné si les candidats du soi-disant
congrès départemental ne succombaient pas
piteusement. Chaque jour le peu de chances
qu’ils ont du avoir au début dé la lutte vont
s'affaiblissant. D’une part, l’exhibition da
citoyen Samary produit un effet désastreux.
De l’autre, l’attitude du citoyen Marchai
vis-à-vis du citoyen Le Lièvre est appréciée
de nlus en plus sévèrement; enfin l’acharne
ment des journaux du parti contre M;
Bourlier, la puérilité de la plupart des griefs
invoqués contre ce candidat et la mauvaise
foi insigne qui préside â toute cette polémi
que opèrent un effet absolument contraire
à celui qu’en expriment le Radical et le
Petit Colon ; ils assurent à ce candidat un
regain sensible.
Quant à M. Letellier, sa situation n’a pas
été un instant ébranlée. On sait parfaite
ment dans les campagnes Je rôle qu’il a
joué à la Chambre, et son attitude passée
est un sûr garant de l’avenir, et bien peu
de gens, en dehors de ceux qui briguent sou
siège, expliquent l'intérêt que la départe
ment pourrait avoir à le remplacer.
Je suis donc convaincu que le 4 octobre
prochain verra le succès complet de la liste
du Comité central, et c’est, dans cet espoir»,
que je termine ma lettre en me disant.
Votre,
Jean Claude.
Le Brevet Feuillet
Puisque le Petit Colon de ce matin fait
délivrer par M. le docteur Feuillet, un des
plus vaillants soldats du parti pseudo-radi
cal d’Alger, le brevet de capacité qui lui
manquait, nous croyons utile, pour l’édifi
cation complète de nos lecteurs, de placer
sous leurs yeux l’appréciation toute récente
du même docteur Feuillet, sur l'honorable
M Bourlier.
Nous l’empruntons au volume des délibé
rations du Conseil supérieur de la session
de novembre 1881.
La délégation du département d’Alger
était composée de MM. Bourlier, Bru, La»
fitte, Feuillet, Leroux et Trech.
Séance du 15 novembre 1881
••••*' •«***•
M. le Secrétaire général du Gouvernement
invite ensuite le Conseil à procéder à la no
mination d’un vice-président.
Après une suspension de séance de queI->
ques minutes, il est procédé au vote.
Feuilleton de la Dépêche Algérienne
N° 3.
LES
PAR
A. RACOT et G. PRADEL (l)
PROLOGUE
— Ne dites pas votre nom, je vou? l’or
donne ; il en profitera pour faire souffrir
l’enfant, et s’il vous connaît, vous ne pour
rez jamais le retrouver. i
— Vous n’avez pas besoin de savoir mon
nom, reprit l’inconnu en faisant un effort
sur lui-même. Vous avez fait fermer la por
te de la terrasse, c’est-à-dire que vous avez
essayé de me noyer. Maintenant vous allez
m’assassiner ; c’est votre droit, faites ! Pour
cela, vous n’avez pas besoin de savoir qui je
suis.
Cela dit, il se croisa les bras et regarda
le colonel en face.
— Vous assassiner? Oh que non pas ! s’é
cria le colonel. Si j’ai fait fermer la porte,
(1) Reproduction interdite aux journaux qui n’ont
pas traité avec la Société des Gens de Lettres.
j’ignorais que la crue du fleuve pût monter 1
jusque-là. Je voulais vous obliger â passer
par la grande porte, où vous m’auriez ren
contré. Vous assassiner? non, non. Le
combat sera loyal. Tout à l’heure il aura
lieu : mais, auparavant, une explication est
nécessaire. Il faut que vous sachiez qu’une
femme se trouve entre nous deux. Cette
femme est la mienne, à laquelle j’ai donné
mon nom, ma fortune, comme je lui avais
donné mon cœur, je voudrais trouver un
châtiment pour elle. Mais où la frapper ? Ce
n’est pas dans soq honneur: elle n’en a pas
Ce n’est pas la mère qu’on peut punir en
elle : elle a abandonné son enfant.
— Monsieur, dit la jeune femme en s’a
dressant à l’inconnu, j’aime à croire que
vous n’allez pas me laisser insulter devant
vous. Ma présence ici est inutile.
— Madame, s’écria ie colonel en avan
çant la main, je vous ordonne de rester.
— Vous ne voulez pas me tuer aussi, je
suppose, dit-elle avee un air de défi.
— Vous tuer ! répliqua le colonel avec
une amertume désespérée. Je n’en aurais ni
le cœur, ni le courage. ; mais je veux que
l’homme qui est là, celui qui refuse de me
dire son nom, sache au moins qui vous êtes.
— Et moi, je ne veux point continuer à
recevoir vos injures.
Et devenant furieuse...
— Dêfendez-moi, cria-t-elle à l’incoùnu ;
dêfendez-moi donc ! Est-ce que vous seriez
aussi lâche que lui ?
L’inconnu fit deux pas vers elle et lui
offrit son bras.
— Venez, madame, lui dit-il. Mon devoir
est de vous protéger.
Et il se dirigea vers une porte au fond du
petit salon.
Le colonel ne bougea point ; un sourire
de vengeance satisfaite crispa ses lèvres.
L’inconnu ouvrit la porte.
Il recuia d’un pas.
Un dragon, le sabre nu, se trouvait de
vant lui.
Le colonel avait pris ses précautions :
toute retraite était impossible.
— Tu es là Kern ? fit-il.
— Présent, mon colonel, répondit le dra
gon en portant la main à son casque.
— C’est bien ! referme la porte.
Puis, s’adressant à la jeune femme et à
l’inconnu :
— Yous voyez bien qu’il faut que vous
restiez.
La jeune femme se tordit les mains :
— Oh ! murmura-t elle, que faire pour se
venger !
— Madame, reprit le colonel au bout d’un
instant, et vous monsieur, je vous prierai
de vous asseoir, car les faits que j’ai à rap
peler ici demanderont un certain laps de
temps.
Lui-même prit un fauteuil et s’assit de
vant la petite porte vitrée, tandis que la
jeune femme tombait vaincue sur un ca
napé.
Sur un nouveau geste du colonel, l’iu
connu fit un signe négatif et demeura de
bout.
Le colonel commença son récit :
5%
— U me faut remonter â bien des année»
en arrière pour arriver au commencement
de cette triste histoire. C'était â Alger, il y
a plus de seize ans J’étais à cette époque
lieutenant aux chasseurs d’Afrique. Je sor
tais de Saint-Cyr. Je débutais dans la vie.
Avant le dîner, mes camarades et moi nous
nous réunissions â un grand café situé au
coin de la rae B :b-Azoun.
A cette heure ausri, une petite mendiante
mauresque, qui avait les plus beaux yeux
du monde, venait nous demander un bac-
chis en échange de fleurs de cactus ou de
grenades. Elle était jolie à ravir, cette en
fant, dans ses haillons et dans ses guenilles.
Je la gâtais plus que tous mes autres cama
rades, ayant pris 1 habitude de lui acheter
toujours des fleurs.
L’enfant s’en était vite aperçue ; aussi,
du plus loin qu’elle me voyait, accourait-
elle au-devant de moi en me saluant de son
plus gracieux souri e. Mes amis me plaisan
taient même sur l’intérêt que je portais à
cette enfaut. Un jo
mendiante imérogêe par moi, m’apprit
qu’elle était malade Je ne puis vous dire
combien cette nouvelle me frappa.
Involontairement, je songeai que celte en
fant allait mourir privée de soins, privée de
tout, et je priai la mendiante que j’avais in
terrogée de me conduire auprès d’elle.
Il me fallait traverser les rues tortueuses
et sales du quartier Maure. Ma. conductrice
ma conduisit jusqu’à une maison borgne.
C’est là qu’ôtait la malade. (A suivre.)
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