Titre : Le Rappel de l'Aude : journal quotidien, républicain radical et d'alliance républicaine
Éditeur : [s.n.] (Carcassonne)
Date d'édition : 1892-08-26
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479392
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 26 août 1892 26 août 1892
Description : 1892/08/26 (A7,N2347). 1892/08/26 (A7,N2347).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG11 Collection numérique : BIPFPIG11
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t536653238
Source : Médiathèque de Carcassonne Agglo, RA
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/02/2024
/ me A Alée . — N° 2347 .
LIBERTÉ , ÉGALITÉ , FRATERNITÉ
Vendredi 26 Août 1892 .
0 Numéro
Journal Quotidien , Républicain Radical et d' Alliance Républicaine .
y * Numéiv ,
VI
Centitf ^
A TROIS MOIS six ' MOIS UN AN
Carcassonne ( Ville ) 4 fr. 50 9 fr. » 18 fr. »
Département de l' Aude et limitrophes S fr. » t© fr. » 20 fr. »
France et Algérie « fr. » 1 « fr. » #4 fr. »
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32 , Rue du Port , 32 , à l' Imprimerie POLÈRE ,
CARCASSONNE .
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ANNONCES ET RECLAMES
Annonces , cent . 'a ligue . Réclames , ô® cent . Faits divers , 4 fr
0 n' est palpité aucune annonce a moins de 4 franc. .
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CAWST , rue Alsace-Lorraine à Montpellier , à la Succursale de l' Agence HAVAS , Place ( lo i « Comédie
L' Agence Bavas , 34 , rue Notre-Dame-des-Vlctoires et 8 , Place de la Bourse ou 7 , rue Feydeau ,
est seule chargée , & Paris , de recevoir les annonces pour le Journal .
DRÔLES DE RALLIÉS !
Dans le vieux répertoire les marquis étaient en
général des personnages fort amusants . Est -ce un
legs de l' ancien régime , on en compte encore en
France quelques-uns dont l' originalité n' est pas
précisément ennuyeuse ? Ce qui les distingue au
jourd'hui comme autrefois , c' est une jolie suffi
sance . Ils s' estiment des personnages et ils nous
le font savoir Très facilement on se croirait à la
représentation d' une de ces pièces où
Le vicomte indigné sortant au second acte .
Qu' ils sortent ou qu' il entrent , ou bien encore
qu' ils se plaignent de n' être pas entrés dans les
Conseils généraux ou ailleurs , nos marquis mè
nent un beau tapage ; et l' on dit qu' il n' y a plus
de noblesse !
Hier , c' était le marquis de Castellane qui
s ' étonnant de pas voir prendre au sérieux sa con
version à la République , traitait de Ravachol M.
Francis Charmes , l' ancien rédacteur des Débats ,
que le suffrage universel aurait eu l' impertinence
de lui préférer .
Aujourd'hui , c' est le marquis de Breteuil qui
s' impose à l' attention publique .
M. de Breteuil — qui ne le sait déjà ? - a écrit
une lettre désormais fameuse par laquelle il a fait
savoir , urbi et orbi , qu' il donnait sa démission de
député d' Argelès ( Hautes-Pyrénées ). En temps de
vacances , il paraît que c' est là un grand événe
ment.
Il y avait trois ans que M. de Breteuil faisait
partie de la Chambre des deputés , et personne ne
s' en était aperçu . M. de Breteuil donne sa démis
sion et le voilà illustre ?
On nous conte que c' est là une véritable bonne
fortune pour la République . Nous n' y contredisons
pas. Mais M. de Breteuil était -il donc un person
nage si important ? Jusqu' à présent nous n' en
avions aucune idée .
Si M. de Breteuil , plus connu à Paris comme
clubiste que comme député , nous intéresse un ins
tant aujourd'hui , c est à cause de la forme origi
nale de sa démission .
Très crûment , il a signifié aux monarchistes
qu ils étaient désormais incapables de représenter
un pays qui ne voulait plus d' eux , et une cause
condamnée par le Saint-Père . Pour le moment , il
conserve son a dévouement au prince que la Ré
publique a proscrit », mais d' ores et déjà il relè
gue ce prince et ses partisans au rang de spectres ,
de fantômes et de tous les vieux accessoires
démodés .
Si c' était là tout l' incident , il aurait pu en cette
saison occuper la presse durant quelques jours ,
mais enfin comme tout passe , il n' y aurait pas
lieu d' y revenir . Ce qui fait , d' après nous , le pi
quant de la chose , c' est la grande colère des mo
narchistes , et notamment de M. Paul de Cassagnac
qui traite le pauvre Breteuil de la belle manière .
Que l' on en juge par cet échantillon : « M. de
Breteuil par ses métamorphoses successives a
perdu , dit le rédacteur de l' Autorité , le droit de
passer pour un homme sérieux . Nous l' avons con
nu impérialiste fougueux ... Ensuite , il fut roya
liste ... Étant royaliste il fit partie d' un comité se
cret de six membres qui dirigea toute l' affaire bou
langiste et en régla toutes les dépenses . J' en parle
à mon aise car j' en étais Et je nele regrette pas ,
car j' ai cherché là l' occasion de balayer le gou
vernement actuel et ce n' est pas ma faute , ni celle
de Breteuil si nous n' y sommes pas arrivés D' au
tres faisait partie de ce comité secret - qui a joué
sa tête , car il a conspiré à fond et n' a reculé de
vant aucune éventualité - et qui seraient bien
navrés si nous donnions leurs noms . Ce sont des
ralliés , aujourd'hui . - Drôles de ralliés et qui doi
vent inspirer une singulière confiance aux répu
blicains 1 »
Comme on le voit , une fois de plus M. Paul de
Cassagnac aura joué les enfants terribles . Mais , si
l' on veut bien nous permettre d' exprimer toute
notre opinion , son article nous paraît infiniment
plus digne d' attention que la lettre même d' un mar
quis de Breteuil .
Certes , si cet ex député , petit-fils de l' ancien
ministre de l' empire , Achille Fould , a ajouté un
chapitre nouveau à l' histoire de ses variations ,
nous n' avons pas à nous en plaindre nous autres
républicains . Mais , nous le répétons , ce quia-pour
nous une tout autre importance , c' est le passé de
tous ces personnages qui avec raison arrachent à
M. Paul de Cassagnac cette exclamation brutale ,
mais très franche :
« Drôles de ralliés . »
Ce sont ces « ralliés » qu' il convient de surveil
ler pour le quart d' heure . Ils s' introduisent dans la
République à peu près comme firent les Grecs dans
Troie à l' aide d' un cheval de bois si fameux à tra
vers les âges
Ces ralliés-là ont beau nous parler de la Répu
blique démocratique et des revendications socia
les ; ils ne nous disent rien qui vaille . Ils sont
prêts à nous trahir demain , comme ils ont trahi
leurs alliés d' hier .
L' article de M. Paul de Cassagnac nous apprend
en outre , quelle jolie besogne ces fauteurs de
guerre civile ont faite à l' époque du boulangisme
et qu' ils ne demanderaient qu' à recommencer .
C' est assez , c' est trop d' une fois .
Ayons-les donc sous l' œil et ne commettons plus
la faute de leur accorder des suffrages républi
cains dont ils n' useraient que pour étrangler la
République .
Il peut plaire à des marquis comme MM . de
Breteuil et de Castellane de jouer les Alcibiade en
coupant d' une manière plus ou moins drôle la
queue de leur chien . Regardons-les , mais ne les
suivons pas.
CRONSTADT ET LÉON XIII
Discours de M. Th. ROUSSEL
Dans l' allocution qu' il a prononcée , M. Théo
phile Roussel a insisté sur la situation que font à
la France républicaine Crnostadt et l' Encyclique
de Léon XIII :
Je n' ai pas à insister , a -t -il dit , sur ces deux évé
nements , qui ont apporté aux bases déjà si solides de
notre édifice républicain un ciment nouveau presque
inattendu ; mais comme je reviens encore une fois de
l' étranger , je ne résiste pas au plaisir de mettre sous
vos yeux , mes chers collègues , non pas les impres
sions personnelles que je rapporte de Belgique et
d' Angleterre , mais le témoignage non suspect d' un de
ces grands organes de l' opinion anglaise qui suivent
de - l' œil le plus méfiant les manifestations de sympa
thie qui s' échangent entre l' empire des tsars et la
France républicaine .
Voici ce que j' ai lu dans un numéro du Standard
qui remonte à plusieurs mois déjà : « Vingt et un ans
sont passés depuis le désastre de Sedan et l' écroule
ment du second empire et la France marche aujour
d' hui de front avec les plus grandes nations du conti
nent . Elle est reconnue comme une puissance de pre
mier ordre ; elle possède une armée nombreuse , vail
lante et bien organisée , et une marine qui n' est infé
rieure qu' à la nôtre : ce sont là des résultats splendi
des , quand on considère qu' ils ont été obtenus en si
peu de temps
Aujourd'hui , toute i'Europe reconnaît les hautes
qualités déployées par les Français pour le relèvement
de leur patrie .
La République , aujourd'hui , n' est pas seulement le
régime légal , légitime , définitif du gouvernement de
notre pays . Elle est le régime reconnu , accepté , res
pecté par le monde entier . Le tsar de toutes les Rus
sies a voulu attester ce respect en venant entendre ,
debout et tête nue , notre hymne de 92 .
Le grand pape qui veille aux destinées du monde
catholique et en qui s' incarne la plus grande puissance
morale du monde chrétien acommandé ce respect par
des prescriptions formelles et répétées .
M. Roussel se demande quelle conduite il faut
tenir envers « les débris dispersés et divers des
anciens ennemis de la République . »
Je crois fermement qu' il faut dire aujourd'hui , sans
crainte de démenti ni d' aucun jugement : « Le péril est
d J côté où l' anarchie se montre à nous , recrute des
soldats , brigue des mandats électifs dans nos grandes
cités et arbore le drapeau de la destruction violente
de la société .
Ce n' est pas que je propose , pour la défense de la
République , de travailler à fondre ensemble et avec
les républicains tous les débris des anciens partis ré
duits enfin à l' impuissance .
Ceux qui ont dirigé les assauts donnés à nos insti
tutions , les chefs et les officiers de l' armée - réaction
naire , n' ont , pour bien finir , qu' à suivre l' exemple
que vient de leur donner avec éclat un des meilleurs
d' entre eux , en déposant les armes , en sortant des
rangs et déclarant qu' il n' est plus permis de combat
tre la République dans la vie publique ; l' homme qui
se respecte ne peut pas servir deux causes . S' ilchange
d' opinion , même avec bonne foi , il est obligé de re
connaître qu' il s' était trompé , et , par son aveu même ,
il perd tout droit à la confiance .
La République ne pourrait jamais leur accorder la
sienne , et il n' y a pas de place pour eux dans les
rangs républicains . Mais cette restriction faite , je
crois pour que le grand parti républicain puisse se
dire enfin et sans conteste la France républicaine ,
qu' il doit largement s' ouvrir à tout homme de bonne
foi , de quelque part qu' il vienne et sur quelque point
de l' horizon politique que soit son origine .
L' orateur s' occupe ensuite de l' attitude à pren
dre vis-à-vis du clergé :
Il serait puéril de présenter l' acte si étudié , si for
tement voulu du pape comme un acte de foi républi
caine . Léon XIII n' a jamais été un républicain . Il est
un penseur profond , et un esprit moderne qui sait
comprendre et qui veut mettre à profit les mouve
ments d' évolution de notre société . Il reconnaît que
l' avenir partout , et en France déjà le présent , appar
tiennent à la démocratie , c' est-à-dire à la Républi
que ; il ne veut pas que la passion politique d' une
partie du clergé catholique compromette les intérêts
religieux dont il est le gardien suprême ,- s' obstinant
à lutter contre une force incoercible . Je n' ai ni com
pétence ni qualité pour parler des ordres venus du
Vatican , mais j' ai confiance que c' est ainsi que la
masse du clergé commence à les comprendre et se
dispose à y conformer sa conduite . Ne voyons -nous
pas déjà près de nous les plus violents insulteurs de
Marianne changer de ton dans leurs attaques ? Ne
commencent -ils pas à nous rappeler que l' Eglise du
Christ n' a pas été faite pour des pharisiens , qu' elle
est faite pour les humbles , les pauvres , les déshérités
dont la Révolution française a voulu opérer le relève
ment en inscrivant dans sa devise : l' Egalité et Fra
ternité prêchées dans l' Évangile ? et qui peut savoir
si nous ne verrons pas , comme au temps de notre
pape Urbain V , sortir des rangs du clergé de nou
veaux fraticelles qui porteront jusqu' à l' excès cette
prédication évangélique .
Le clergé catholique est avant tout une armée
bien disciplinée ; de plus , cette armée se compose de
soldats et d' officiers fort avisés qui peuvent s' égarer
et marcher plus ou moins loin dans un mauvais che
min , mais qui savent faire volte-face lorsque le géné
ral les avertit qu' ils ont fait fausse route .
ATTAQUE DE DIÉGO-SUAREZ PAR LES MAS
Le dernier courrier de Madagascar apporte la
nouvelle d' une attaque des Hovas contre nos éta
blissements de Diégo-Suarez . M. Henri Mager , le
délégué élu de la colonie près des pouvoirs métro
politains , a fourni au XIX e Siècle des détails circon
stanciés sur cette attaque :
« Au commencement de juillet , le gouvernement
hova de Ambohimarina , agissant d' après les ordres
reçus de Tananarive , organisait une colonne de 100
3fFEUILLETON DU RAPPEL DE L' AUDE
BUCHERONNE
PAR
Charles EDMOND
XIX
en "T J out devoir , ma mère , a ses limites . Le vôtre
si 1 ^ occas ion , vous l' avez rempli et au-delà . Ah I
pre Prrieneesse était encore de ce monde , elle serait la
D rem p Pé à vous su PP'i er de vous arrêter au point où
ra ûUesV° mmes ' chercherait en vain les ga
Oui bonheur dans cette union entre deux êtres
lleolizlàbaisscnt si peul
®conn u ma i n tenant qu' Hedwige est pour toi une
j '., 6 ' tanl 'ï 11e moi , en t 0 ' a proposant pour fem
Co® me s to e tout bonnement de te prendre en traître !
sais m on S1 e P u i s tant d' années que chaque été je fai
accom on _ v ?y a g e a Musignan , tu ne m' y avais jamais
p as obse Q ^ 6 - vous a i -! e p as vus , ne vous ai "i e
ei , emble rV f 3 ' un a de l' autre ? Vous jouiez
elle te ni ' ■ De ' u ' ménageais pas tes petits soins ;
d ' yeux qn ' Sait beaucoup , et à son tour elle n' avait
d,v e!nD BnunePour toi . C' est ainsi que germent et se
j*ra s nljo ? lar * ' es P ' us sol des affections . Et
re mo q u J , r , h lu ' ne briser contre un mécomp e ! Est
au as préparé , est -ce moi qui en serais
Co , Wbi e V < D JS ', P ers onne , ma mère il n' y a pas de
^ ia raison U eû1 , l es enfants sont arrivés à l âge
qui n'ont pu d * traité
- Et la raison leur commande l' ingratitude ! Tu
n' y songes pas pour le quart d' heure 1 Bientôt elle
se retournerait contre toi-même et tu en ressentirais
les morsures . C' est à moi à te préserver des écueils ,
des faux pas 1 Qu' ai -je donc fait autre chose depuis
que tu es au monde ? Et j' y parviendrai ! La persua
sion n' a pas de prise sur toi ; les prières restent nana
effet . Ma dernière ressource , c' est l' autorité mater
nelle . Le mariage se fera ; je le veux .
- Vous vous laisserez fléchir 1
- J' ai dit.
— Ma mère par pitié !
- Je le veux , te dis - je .
Philippe se recueillit un instant , puis baissant la
tête :
- Je refuse , fit -il d' une voix ferme .
- Du moment que tu le prends sur ce ton , il ne
me convient à moi que d' ajouter un seul mot : j' a
vance la publication des bans .
- La décision une fois arrêtée , vous me tueriez
plutôt que de me faire revenir .
- Quand bien même je devrais en souffrir jusqu' à
mon dernier jour ? Ne te gêne pas ! Que suis -je pour
toi ? Tout au plus une mère , une femme I — la pre
mière venue à qui il a été permis de te donner la vie ,
que tu peux manier selon ton caprice et dont tu es
libre de disposer à ta fantaisie ; trop heureuse encore
si tu daignes ! J' en pâtirai - peu importe ! Ce qui
me reste à vivre tournera en supplice , — un détail !
Les mères sont créées pour cela ! A partir de cette
heure , à toi la parole , à moi de m ' incliner devant tes
ordres . Voyons , que dois -je faire ? Parle ... Or
donne !...
Un rictus exaspéré convulsa ses lèvres blêmes ; et
nu regard a l' appoint , - un regard à mettre un vail
laût homme en deroute !
— Je ne puis que vous imp'orer répondit Philippe .
Laissez moi , comme par le passé , ma vie des mon
tagnes et ma liberté
— Sinon , tu seras sans miséricorde ! Et pour com
mencer , voici la situation que tu me prépares : ton
mariage a été officiellement annoncé ; le prince et sa
fille sont installés chez nous . Dois -je maintenant , pour
comble d' humiliation , leur signifier qu' ils ont à dé
guerpir de céans . Car la vie en commun serait désor
mais en enfer , - pour moi surtout
- J' y ai pensé , ma mère ,
- C' était à craindre .
— Je désirerais à tout prix nous éviter à l' avenir
des heurts comme celui qui vient de se produire .
— Si tu crois que je cours après
— Ils vous sont on ne peut plus pénibles , et moi ils
me rendent horriblement malheureux .
— De nous deux , lequel est celui qui les provoque ?
— Faites donc bon accueit à une prière que je vais
vous adresser , et , qui sait ! tout peut encore se ter
miner à votre satisfaction .
La duchesse entrevit un rayon d' espoir ; — un pre
mier pas dans la voie des concessions ! Pour le mo
ment , elle n' ambitionnait pas davantage . Sa bonne
étoile finirait bien par lui assurer le succès définitif .
Elle reprit son siège . Curieuse et apaisée à la fois :
- Une demande , fit -elle ; dans que sens ?
Le prince et sa fille demeureront au château . C' est
à moi à le quitter ... rassurez -vous , - pour peu de
temps ! En l' état où sont les choses , je ne saurais
prolonger mon séjour à La Chesnaye .
— Quitter la maison !... Partir !... Où cela ?
— Vous échapperez aux amertumes d' une rupture ,
tout s' arrangera pour le mieux et l' avenir lui-même
pourrait être réservé .
- Je ne comprends pas.
— Cette prière que vous avez si souvent écoutée
en vain , je vous l' adresse aujourd'hui pour la dernière
fois ! Nos conscrits partent cette nuit . Laissez -moi les
accompagner , m' engager ... pour un an. .. pas un
jour de plus , je vous le jure .
La duchesso croyait avoir mal entendu ,
— Tu irais en Afrique ?. . . reprit-le en le détachant
chaque mot .
Par une habitude qui remontait à ses plus jeunes
années , Philippe , lorsqu' il s' agissait d' une longue
causerie ou bien d' une faveur à obtenir , s' installait
parfois sur un escabeau aux pieds de sa mère , et là ,
les yeux levés vers elle , la tête blottie pour ainsi dire
dans le giron maternel , l' enchanteur la délectait de sa
voix , la subjuguait par le charme de sa beauté et dé
sarmait ses résistances . Cette fois-ci encore , incon
sciemment , il renouvella sa douce manœuvre , et , lui
prenant la main qu' il couvrait de baisers :
- Oui , ma mère , soupira -t -il de sa plus tendre
parole , exaucez ma prière ! Rester désormais à La
Chesnaye , non , la souffrance dépasserait mes forces I
Mon départ aplanit tous les embarras , résout toutes
les difficultés et me crée pour le moment à moi
même une situation franche^et nette . En m' engageant
sous les drapeaux , j' aurai , comme un loyal citoyen ,
payé ma dette à mon pays et rempli un devoir . De
grâce ! laissez -moi aller au loin ! Je noierai là-bas
mes peines , et je vous reviendrai reconnaissant , sou
mis , je l' espère , à vos volontés , et en tout cas fils
digne d' une mère telle que vous .
— Tu reviendras !... qui me l' assure !
- Il y a une Providence pour les mères .
. — Philippe , écoute -moi bien , mon enfant : il s' a
girait de défendre notre pays contre l' étranger , que ,
la première , je te mettrais le fusil à la main. Mais
cette guerre d' Afrique , guerre de broussailles , d' em
buscades , au loin et contre des sauvages qui , en
tonme , ne sontjamais venus nous attaquer en France ,
— cela ne me passionne pas outre mesure .
( A suivre ).
runroi HT I » ciycuo
LIBERTÉ , ÉGALITÉ , FRATERNITÉ
Vendredi 26 Août 1892 .
0 Numéro
Journal Quotidien , Républicain Radical et d' Alliance Républicaine .
y * Numéiv ,
VI
Centitf ^
A TROIS MOIS six ' MOIS UN AN
Carcassonne ( Ville ) 4 fr. 50 9 fr. » 18 fr. »
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0 n' est palpité aucune annonce a moins de 4 franc. .
Les annonces sont reçues t l Carcassonne , aux bureaux du Journal ; à Toulouse , à l' Agence
CAWST , rue Alsace-Lorraine à Montpellier , à la Succursale de l' Agence HAVAS , Place ( lo i « Comédie
L' Agence Bavas , 34 , rue Notre-Dame-des-Vlctoires et 8 , Place de la Bourse ou 7 , rue Feydeau ,
est seule chargée , & Paris , de recevoir les annonces pour le Journal .
DRÔLES DE RALLIÉS !
Dans le vieux répertoire les marquis étaient en
général des personnages fort amusants . Est -ce un
legs de l' ancien régime , on en compte encore en
France quelques-uns dont l' originalité n' est pas
précisément ennuyeuse ? Ce qui les distingue au
jourd'hui comme autrefois , c' est une jolie suffi
sance . Ils s' estiment des personnages et ils nous
le font savoir Très facilement on se croirait à la
représentation d' une de ces pièces où
Le vicomte indigné sortant au second acte .
Qu' ils sortent ou qu' il entrent , ou bien encore
qu' ils se plaignent de n' être pas entrés dans les
Conseils généraux ou ailleurs , nos marquis mè
nent un beau tapage ; et l' on dit qu' il n' y a plus
de noblesse !
Hier , c' était le marquis de Castellane qui
s ' étonnant de pas voir prendre au sérieux sa con
version à la République , traitait de Ravachol M.
Francis Charmes , l' ancien rédacteur des Débats ,
que le suffrage universel aurait eu l' impertinence
de lui préférer .
Aujourd'hui , c' est le marquis de Breteuil qui
s' impose à l' attention publique .
M. de Breteuil — qui ne le sait déjà ? - a écrit
une lettre désormais fameuse par laquelle il a fait
savoir , urbi et orbi , qu' il donnait sa démission de
député d' Argelès ( Hautes-Pyrénées ). En temps de
vacances , il paraît que c' est là un grand événe
ment.
Il y avait trois ans que M. de Breteuil faisait
partie de la Chambre des deputés , et personne ne
s' en était aperçu . M. de Breteuil donne sa démis
sion et le voilà illustre ?
On nous conte que c' est là une véritable bonne
fortune pour la République . Nous n' y contredisons
pas. Mais M. de Breteuil était -il donc un person
nage si important ? Jusqu' à présent nous n' en
avions aucune idée .
Si M. de Breteuil , plus connu à Paris comme
clubiste que comme député , nous intéresse un ins
tant aujourd'hui , c est à cause de la forme origi
nale de sa démission .
Très crûment , il a signifié aux monarchistes
qu ils étaient désormais incapables de représenter
un pays qui ne voulait plus d' eux , et une cause
condamnée par le Saint-Père . Pour le moment , il
conserve son a dévouement au prince que la Ré
publique a proscrit », mais d' ores et déjà il relè
gue ce prince et ses partisans au rang de spectres ,
de fantômes et de tous les vieux accessoires
démodés .
Si c' était là tout l' incident , il aurait pu en cette
saison occuper la presse durant quelques jours ,
mais enfin comme tout passe , il n' y aurait pas
lieu d' y revenir . Ce qui fait , d' après nous , le pi
quant de la chose , c' est la grande colère des mo
narchistes , et notamment de M. Paul de Cassagnac
qui traite le pauvre Breteuil de la belle manière .
Que l' on en juge par cet échantillon : « M. de
Breteuil par ses métamorphoses successives a
perdu , dit le rédacteur de l' Autorité , le droit de
passer pour un homme sérieux . Nous l' avons con
nu impérialiste fougueux ... Ensuite , il fut roya
liste ... Étant royaliste il fit partie d' un comité se
cret de six membres qui dirigea toute l' affaire bou
langiste et en régla toutes les dépenses . J' en parle
à mon aise car j' en étais Et je nele regrette pas ,
car j' ai cherché là l' occasion de balayer le gou
vernement actuel et ce n' est pas ma faute , ni celle
de Breteuil si nous n' y sommes pas arrivés D' au
tres faisait partie de ce comité secret - qui a joué
sa tête , car il a conspiré à fond et n' a reculé de
vant aucune éventualité - et qui seraient bien
navrés si nous donnions leurs noms . Ce sont des
ralliés , aujourd'hui . - Drôles de ralliés et qui doi
vent inspirer une singulière confiance aux répu
blicains 1 »
Comme on le voit , une fois de plus M. Paul de
Cassagnac aura joué les enfants terribles . Mais , si
l' on veut bien nous permettre d' exprimer toute
notre opinion , son article nous paraît infiniment
plus digne d' attention que la lettre même d' un mar
quis de Breteuil .
Certes , si cet ex député , petit-fils de l' ancien
ministre de l' empire , Achille Fould , a ajouté un
chapitre nouveau à l' histoire de ses variations ,
nous n' avons pas à nous en plaindre nous autres
républicains . Mais , nous le répétons , ce quia-pour
nous une tout autre importance , c' est le passé de
tous ces personnages qui avec raison arrachent à
M. Paul de Cassagnac cette exclamation brutale ,
mais très franche :
« Drôles de ralliés . »
Ce sont ces « ralliés » qu' il convient de surveil
ler pour le quart d' heure . Ils s' introduisent dans la
République à peu près comme firent les Grecs dans
Troie à l' aide d' un cheval de bois si fameux à tra
vers les âges
Ces ralliés-là ont beau nous parler de la Répu
blique démocratique et des revendications socia
les ; ils ne nous disent rien qui vaille . Ils sont
prêts à nous trahir demain , comme ils ont trahi
leurs alliés d' hier .
L' article de M. Paul de Cassagnac nous apprend
en outre , quelle jolie besogne ces fauteurs de
guerre civile ont faite à l' époque du boulangisme
et qu' ils ne demanderaient qu' à recommencer .
C' est assez , c' est trop d' une fois .
Ayons-les donc sous l' œil et ne commettons plus
la faute de leur accorder des suffrages républi
cains dont ils n' useraient que pour étrangler la
République .
Il peut plaire à des marquis comme MM . de
Breteuil et de Castellane de jouer les Alcibiade en
coupant d' une manière plus ou moins drôle la
queue de leur chien . Regardons-les , mais ne les
suivons pas.
CRONSTADT ET LÉON XIII
Discours de M. Th. ROUSSEL
Dans l' allocution qu' il a prononcée , M. Théo
phile Roussel a insisté sur la situation que font à
la France républicaine Crnostadt et l' Encyclique
de Léon XIII :
Je n' ai pas à insister , a -t -il dit , sur ces deux évé
nements , qui ont apporté aux bases déjà si solides de
notre édifice républicain un ciment nouveau presque
inattendu ; mais comme je reviens encore une fois de
l' étranger , je ne résiste pas au plaisir de mettre sous
vos yeux , mes chers collègues , non pas les impres
sions personnelles que je rapporte de Belgique et
d' Angleterre , mais le témoignage non suspect d' un de
ces grands organes de l' opinion anglaise qui suivent
de - l' œil le plus méfiant les manifestations de sympa
thie qui s' échangent entre l' empire des tsars et la
France républicaine .
Voici ce que j' ai lu dans un numéro du Standard
qui remonte à plusieurs mois déjà : « Vingt et un ans
sont passés depuis le désastre de Sedan et l' écroule
ment du second empire et la France marche aujour
d' hui de front avec les plus grandes nations du conti
nent . Elle est reconnue comme une puissance de pre
mier ordre ; elle possède une armée nombreuse , vail
lante et bien organisée , et une marine qui n' est infé
rieure qu' à la nôtre : ce sont là des résultats splendi
des , quand on considère qu' ils ont été obtenus en si
peu de temps
Aujourd'hui , toute i'Europe reconnaît les hautes
qualités déployées par les Français pour le relèvement
de leur patrie .
La République , aujourd'hui , n' est pas seulement le
régime légal , légitime , définitif du gouvernement de
notre pays . Elle est le régime reconnu , accepté , res
pecté par le monde entier . Le tsar de toutes les Rus
sies a voulu attester ce respect en venant entendre ,
debout et tête nue , notre hymne de 92 .
Le grand pape qui veille aux destinées du monde
catholique et en qui s' incarne la plus grande puissance
morale du monde chrétien acommandé ce respect par
des prescriptions formelles et répétées .
M. Roussel se demande quelle conduite il faut
tenir envers « les débris dispersés et divers des
anciens ennemis de la République . »
Je crois fermement qu' il faut dire aujourd'hui , sans
crainte de démenti ni d' aucun jugement : « Le péril est
d J côté où l' anarchie se montre à nous , recrute des
soldats , brigue des mandats électifs dans nos grandes
cités et arbore le drapeau de la destruction violente
de la société .
Ce n' est pas que je propose , pour la défense de la
République , de travailler à fondre ensemble et avec
les républicains tous les débris des anciens partis ré
duits enfin à l' impuissance .
Ceux qui ont dirigé les assauts donnés à nos insti
tutions , les chefs et les officiers de l' armée - réaction
naire , n' ont , pour bien finir , qu' à suivre l' exemple
que vient de leur donner avec éclat un des meilleurs
d' entre eux , en déposant les armes , en sortant des
rangs et déclarant qu' il n' est plus permis de combat
tre la République dans la vie publique ; l' homme qui
se respecte ne peut pas servir deux causes . S' ilchange
d' opinion , même avec bonne foi , il est obligé de re
connaître qu' il s' était trompé , et , par son aveu même ,
il perd tout droit à la confiance .
La République ne pourrait jamais leur accorder la
sienne , et il n' y a pas de place pour eux dans les
rangs républicains . Mais cette restriction faite , je
crois pour que le grand parti républicain puisse se
dire enfin et sans conteste la France républicaine ,
qu' il doit largement s' ouvrir à tout homme de bonne
foi , de quelque part qu' il vienne et sur quelque point
de l' horizon politique que soit son origine .
L' orateur s' occupe ensuite de l' attitude à pren
dre vis-à-vis du clergé :
Il serait puéril de présenter l' acte si étudié , si for
tement voulu du pape comme un acte de foi républi
caine . Léon XIII n' a jamais été un républicain . Il est
un penseur profond , et un esprit moderne qui sait
comprendre et qui veut mettre à profit les mouve
ments d' évolution de notre société . Il reconnaît que
l' avenir partout , et en France déjà le présent , appar
tiennent à la démocratie , c' est-à-dire à la Républi
que ; il ne veut pas que la passion politique d' une
partie du clergé catholique compromette les intérêts
religieux dont il est le gardien suprême ,- s' obstinant
à lutter contre une force incoercible . Je n' ai ni com
pétence ni qualité pour parler des ordres venus du
Vatican , mais j' ai confiance que c' est ainsi que la
masse du clergé commence à les comprendre et se
dispose à y conformer sa conduite . Ne voyons -nous
pas déjà près de nous les plus violents insulteurs de
Marianne changer de ton dans leurs attaques ? Ne
commencent -ils pas à nous rappeler que l' Eglise du
Christ n' a pas été faite pour des pharisiens , qu' elle
est faite pour les humbles , les pauvres , les déshérités
dont la Révolution française a voulu opérer le relève
ment en inscrivant dans sa devise : l' Egalité et Fra
ternité prêchées dans l' Évangile ? et qui peut savoir
si nous ne verrons pas , comme au temps de notre
pape Urbain V , sortir des rangs du clergé de nou
veaux fraticelles qui porteront jusqu' à l' excès cette
prédication évangélique .
Le clergé catholique est avant tout une armée
bien disciplinée ; de plus , cette armée se compose de
soldats et d' officiers fort avisés qui peuvent s' égarer
et marcher plus ou moins loin dans un mauvais che
min , mais qui savent faire volte-face lorsque le géné
ral les avertit qu' ils ont fait fausse route .
ATTAQUE DE DIÉGO-SUAREZ PAR LES MAS
Le dernier courrier de Madagascar apporte la
nouvelle d' une attaque des Hovas contre nos éta
blissements de Diégo-Suarez . M. Henri Mager , le
délégué élu de la colonie près des pouvoirs métro
politains , a fourni au XIX e Siècle des détails circon
stanciés sur cette attaque :
« Au commencement de juillet , le gouvernement
hova de Ambohimarina , agissant d' après les ordres
reçus de Tananarive , organisait une colonne de 100
3fFEUILLETON DU RAPPEL DE L' AUDE
BUCHERONNE
PAR
Charles EDMOND
XIX
en "T J out devoir , ma mère , a ses limites . Le vôtre
si 1 ^ occas ion , vous l' avez rempli et au-delà . Ah I
pre Prrieneesse était encore de ce monde , elle serait la
D rem p Pé à vous su PP'i er de vous arrêter au point où
ra ûUesV° mmes ' chercherait en vain les ga
Oui bonheur dans cette union entre deux êtres
lleolizlàbaisscnt si peul
®conn u ma i n tenant qu' Hedwige est pour toi une
j '., 6 ' tanl 'ï 11e moi , en t 0 ' a proposant pour fem
Co® me s to e tout bonnement de te prendre en traître !
sais m on S1 e P u i s tant d' années que chaque été je fai
accom on _ v ?y a g e a Musignan , tu ne m' y avais jamais
p as obse Q ^ 6 - vous a i -! e p as vus , ne vous ai "i e
ei , emble rV f 3 ' un a de l' autre ? Vous jouiez
elle te ni ' ■ De ' u ' ménageais pas tes petits soins ;
d ' yeux qn ' Sait beaucoup , et à son tour elle n' avait
d,v e!nD BnunePour toi . C' est ainsi que germent et se
j*ra s nljo ? lar * ' es P ' us sol des affections . Et
re mo q u J , r , h lu ' ne briser contre un mécomp e ! Est
au as préparé , est -ce moi qui en serais
Co , Wbi e V < D JS ', P ers onne , ma mère il n' y a pas de
^ ia raison U eû1 , l es enfants sont arrivés à l âge
qui n'ont pu d * traité
- Et la raison leur commande l' ingratitude ! Tu
n' y songes pas pour le quart d' heure 1 Bientôt elle
se retournerait contre toi-même et tu en ressentirais
les morsures . C' est à moi à te préserver des écueils ,
des faux pas 1 Qu' ai -je donc fait autre chose depuis
que tu es au monde ? Et j' y parviendrai ! La persua
sion n' a pas de prise sur toi ; les prières restent nana
effet . Ma dernière ressource , c' est l' autorité mater
nelle . Le mariage se fera ; je le veux .
- Vous vous laisserez fléchir 1
- J' ai dit.
— Ma mère par pitié !
- Je le veux , te dis - je .
Philippe se recueillit un instant , puis baissant la
tête :
- Je refuse , fit -il d' une voix ferme .
- Du moment que tu le prends sur ce ton , il ne
me convient à moi que d' ajouter un seul mot : j' a
vance la publication des bans .
- La décision une fois arrêtée , vous me tueriez
plutôt que de me faire revenir .
- Quand bien même je devrais en souffrir jusqu' à
mon dernier jour ? Ne te gêne pas ! Que suis -je pour
toi ? Tout au plus une mère , une femme I — la pre
mière venue à qui il a été permis de te donner la vie ,
que tu peux manier selon ton caprice et dont tu es
libre de disposer à ta fantaisie ; trop heureuse encore
si tu daignes ! J' en pâtirai - peu importe ! Ce qui
me reste à vivre tournera en supplice , — un détail !
Les mères sont créées pour cela ! A partir de cette
heure , à toi la parole , à moi de m ' incliner devant tes
ordres . Voyons , que dois -je faire ? Parle ... Or
donne !...
Un rictus exaspéré convulsa ses lèvres blêmes ; et
nu regard a l' appoint , - un regard à mettre un vail
laût homme en deroute !
— Je ne puis que vous imp'orer répondit Philippe .
Laissez moi , comme par le passé , ma vie des mon
tagnes et ma liberté
— Sinon , tu seras sans miséricorde ! Et pour com
mencer , voici la situation que tu me prépares : ton
mariage a été officiellement annoncé ; le prince et sa
fille sont installés chez nous . Dois -je maintenant , pour
comble d' humiliation , leur signifier qu' ils ont à dé
guerpir de céans . Car la vie en commun serait désor
mais en enfer , - pour moi surtout
- J' y ai pensé , ma mère ,
- C' était à craindre .
— Je désirerais à tout prix nous éviter à l' avenir
des heurts comme celui qui vient de se produire .
— Si tu crois que je cours après
— Ils vous sont on ne peut plus pénibles , et moi ils
me rendent horriblement malheureux .
— De nous deux , lequel est celui qui les provoque ?
— Faites donc bon accueit à une prière que je vais
vous adresser , et , qui sait ! tout peut encore se ter
miner à votre satisfaction .
La duchesse entrevit un rayon d' espoir ; — un pre
mier pas dans la voie des concessions ! Pour le mo
ment , elle n' ambitionnait pas davantage . Sa bonne
étoile finirait bien par lui assurer le succès définitif .
Elle reprit son siège . Curieuse et apaisée à la fois :
- Une demande , fit -elle ; dans que sens ?
Le prince et sa fille demeureront au château . C' est
à moi à le quitter ... rassurez -vous , - pour peu de
temps ! En l' état où sont les choses , je ne saurais
prolonger mon séjour à La Chesnaye .
— Quitter la maison !... Partir !... Où cela ?
— Vous échapperez aux amertumes d' une rupture ,
tout s' arrangera pour le mieux et l' avenir lui-même
pourrait être réservé .
- Je ne comprends pas.
— Cette prière que vous avez si souvent écoutée
en vain , je vous l' adresse aujourd'hui pour la dernière
fois ! Nos conscrits partent cette nuit . Laissez -moi les
accompagner , m' engager ... pour un an. .. pas un
jour de plus , je vous le jure .
La duchesso croyait avoir mal entendu ,
— Tu irais en Afrique ?. . . reprit-le en le détachant
chaque mot .
Par une habitude qui remontait à ses plus jeunes
années , Philippe , lorsqu' il s' agissait d' une longue
causerie ou bien d' une faveur à obtenir , s' installait
parfois sur un escabeau aux pieds de sa mère , et là ,
les yeux levés vers elle , la tête blottie pour ainsi dire
dans le giron maternel , l' enchanteur la délectait de sa
voix , la subjuguait par le charme de sa beauté et dé
sarmait ses résistances . Cette fois-ci encore , incon
sciemment , il renouvella sa douce manœuvre , et , lui
prenant la main qu' il couvrait de baisers :
- Oui , ma mère , soupira -t -il de sa plus tendre
parole , exaucez ma prière ! Rester désormais à La
Chesnaye , non , la souffrance dépasserait mes forces I
Mon départ aplanit tous les embarras , résout toutes
les difficultés et me crée pour le moment à moi
même une situation franche^et nette . En m' engageant
sous les drapeaux , j' aurai , comme un loyal citoyen ,
payé ma dette à mon pays et rempli un devoir . De
grâce ! laissez -moi aller au loin ! Je noierai là-bas
mes peines , et je vous reviendrai reconnaissant , sou
mis , je l' espère , à vos volontés , et en tout cas fils
digne d' une mère telle que vous .
— Tu reviendras !... qui me l' assure !
- Il y a une Providence pour les mères .
. — Philippe , écoute -moi bien , mon enfant : il s' a
girait de défendre notre pays contre l' étranger , que ,
la première , je te mettrais le fusil à la main. Mais
cette guerre d' Afrique , guerre de broussailles , d' em
buscades , au loin et contre des sauvages qui , en
tonme , ne sontjamais venus nous attaquer en France ,
— cela ne me passionne pas outre mesure .
( A suivre ).
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