Titre : Écho des marchés du Centre : (Petites affiches de l'arrondissement d'Issoudun) : journal des denrées, feuille commerciale de l'agriculture, de la meunerie et de la boulangerie
Éditeur : [s.n.] (Issoudun)
Date d'édition : 1886-03-14
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327616469
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 14 mars 1886 14 mars 1886
Description : 1886/03/14 (A57,N21). 1886/03/14 (A57,N21).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG36 Collection numérique : BIPFPIG36
Description : Collection numérique : BIPFPIG36 Collection numérique : BIPFPIG36
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t51187576n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-1756
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/02/2023
57" Année — N" 21 - 1 5 centim es le numéro. Dimanche 14 Mars 1886
On s’abonne à Issoudun, rue Marmouse 16. — On peut s’abonner sans frais, dans les bureaux de poste ou par mandats et timbres-poste. — Les abonnements partent du premier de chaque mois et sont
exigibles d avance. — Toute personne qui veut cesser son abonnement doit refuser le journal. — On ne fait pas d’abonnements inférieurs à six mois.
ECHO DES MARCHES
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Un an. ..... 12 fr.
Six mois. .... 6 fr. 50
ANNONCES!
Annonces. , . . 20 c. la ligne.
Réclames. . . . 30 —
JOURNAL POLITIQUE, COMMERCIAL & AGRICOLE, PARAISSANT LES JEUDI & DIMANCHE.
et
CHRONIQUE POLITIQUE
La Chambre a repris jeudi le cours de ses
travaux interrompus par les vacances des jours
gras.
Deux interpellations étaient inscrites à l’ordre
da jour : celle de Mgr Freppel sur la suppression
des vicariats et celle de M. Camélinat sur les évé
nements de Decazeville.
Le crédit affecté aux vicariats ayant été réduit
l’année dernière, il est clair que le gouvernement ne
pouvait s’empêcher de supprimer un certain nom
bre de postes, jusqu’à concurrence de la diminution
des crédits. Mais Mgr Freppel a reproché avec
raison au ministre des cultes de ne s’être pas mis,
pour les suppressions à opérer, d’accord avec l’au
torité ecclésiastique, seule juge des besoins du
service religieux. D’une question d’ordre adminis
tratif, on a fait évidemment une question électo-
torale. Et les 3,000 vicaires atteints par la réforme
ont été sacrifiés aux rancunes des candidats
malheureux. Sur ce thème , Mgr Freppel a brodé
un discours mordant, peut-être trop humoristique.
La Chambre a naturellement voté l’ordre du jour
pur et simple octroyant un blanc-seing à M. Go-
blet au détriment des vicaires. Toujours affaire de
vexer l’Eglise. Il est même à craindre que la mo
rale de ce débat spirituel ne soit, lors du vote du
budget de 1887 , la suppression de quelques mil
liers de vicaires de plus.
L’interpellation Camélinat ne s’est pas termi
née dans la journée de jeudi.
Le champion des grévistes a demandé que le
Gouvernement use, à l’égard de la compagnie
concessionnaire, du droit qu’il possède de pronon
cer la déchéance. Le ministre des travaux publics,
M. Baïhaut, a déclaré qu’il ne voyait pas de mo
tif de poursuivre la déchéance. Il a ajouté, qu’au
lieu de pousser les mineurs à la continuation de
la grève, en les leurrant de l’espoir que l’Etat
pourrait se charger d’exploiter lui-même, on
ferait mieux de s’employer à faire reprendre le
travail.
Ce langage, nous nous empressons de le recon
naître, est correct autant que sage ; il est même à
regretter que le ministre ne l’ait pas fait entendre
plus tôt et qu’il ait laissé circuler, trop longtemps,
les bruits dont il se plaint, et auxquels il attri
bue, avec raison, la continuation de la grève.
Il est également fâcheux qu’en parlant ainsi, le
gouvernement n’ait pas cru devoir mettre ses
actes en rapport avec ses paroles. Puisque le gou
vernement est convaincu qu’il n’y a pas d’autre
solution à donner à la crise que la reprise pure et
simple du travail, que n’use-t-il de son autorité |
légale pour mettre un terme aux manifestations |
de nature à prolonger cette crise ? Parmi ces dé- |
monstrations il convient de placer les allocations |
que certains conseils municipaux, tels que ceux de |
Paris et de Lyon, ont cru devoir voter en faveur '
des ouvriers grévistes. On avait dit que ces délibé- .
rations étaient annulées ; il n’en a rien été. Le |
gouvernement, au contraire, a permis au préfet de
la Seine, M. Poubelle, de se faire l’intermédiaire,
entre le conseil municipal de Paris et le maire
de Decazeville, pour l’envoi de la somme votée |
par le premier. C’est là une imprudence et une |
faute.
—==-—
FEUILLETON DE L'ECHO DES MARCHÉS.
(29)
LA
GRANDE MARNIÉRE
PAR
Georges OHNET.
VIII.
B le vieil enfant souriait, uniquement préoccupé de
son idée fixe.
— Oui, mon père... dit Antoinette du bout des lèvres.
Alors le marquis enchanté s’élança vers son brûleur,
lira les caisses roulantes, pleines de charbon, qui occu
paient tout le dessous du fourneau, et commença, à
grand renfort de copeaux et de papier, à allumer lui-
même son appareil. Il avait retroussé ses manches jus
qu’aux coudes et se salissait épouvantablement. Il y eut
bientôt dans le laboratoire une fumée telle qu’il fallut ou
vrir les fenêtres. Et, moitié parlant, moitié toussant, à
demi asphyxié, l’inventeur expliquait. Il allait de l’appa
reil, qu’il déclarait défectueux, aux dessins nombreux
sur lesquels il l’avait rectifié...
— Vois-tu, ma fille, les copeaux mouillés brûlent
maintenant : c’était la mise en train qui était difficile...
Le tirage est insuffisant, mais, avec une cheminée d’usine,
Ça irait tout seul... Des copeaux mouillés !... Hein ? Et
quelle chaleur ! Toute la valeur de l’invention est là...
En Amérique, dans les plantations, ils pourront chauffer
avec des détritus de cannes à sucre ! Qu’en dis-tu ?
Antoinette ne disait rien. Attirée par la lumière, une
énorme chauve-souris était entrée dans le laboratoire et,
toute noire, ses ailes étendues, elle tournoyait. Par deux
Le Budget de 188 7.
Voici quelles sont, dit-on, les principales me
sures auxquelles le gouvernement paraît disposé à
s’arrêter :
il déciderait d’abord deux opérations générales.
On transformerait en rentes 3 o/o amortissables
les obligations à court terme dites sexennaires. Le
montant de ces obligations s’élève au chiffre de
700 millions.
On consoliderait en rentes 3 o/o perpétuelle les
750 millions auxquels se montent les découverts
des budgets antérieurs.
Ces deux opérations de trésorerie constitueraient
un emprunt déguisé, s’élevant à 1,450 millions.
Les cent millions annuels rendus disponibles
par la première opération seraient consacrés aux
travaux publics, dont le budget extraordinaire se
trouverait ainsi soulagé. On supprimerait égale
ment le budget extraordinaire de la guerre, qui de
vait s’élever, pour 1887, à 40 millions. Cette dé
pense serait inscrite au budget ordinaire et cou
verte au moyen des économies réalisées dans tous
les services publics.
On maintiendrait pour 1887 le compte spécial
des garanties d’intérêt pour les chemins de fer,
mais on fait sortir du budget ordinaire les sommes
à prévoir pour la dotation de ce service, et les 100
millions nécessaires feraient l’objet d’une émission
d’obligation à 20 ou 25 ans.
On appliquerait aux alcools une surtaxe telle
que le produit de cet impôt fut augmenté de 100
millions.
Enfin, on convertirait le 4 1/2 0/0 ancien en 4
0/0. Cette opération produirait 3,700,000 francs.
——— ni —
ILe rendement des Impôts.
Le Journal officiel vient de publier le relevé du
rendement des impôts pour les deux premiers
mois de 1886.
Les recouvrements sur les contributions directes
sont inférieurs aux douzièmes échus de 43 millions
781 mille francs. La proportion d’infériorité est
un peu plus forte qu’en 1885.
L’impôt de 3 070 sur le revenu des valeurs mo
bilières a donné une plus-value de 161,500 fr.
Le rendement des impôts et revenus indirects
a été inférieur de 23 millions 116 mille francs
aux évalutions budgétaires , et de 15 millions
423 mille francs aux encaissements correspon
dants de 1885.
Tout cela indique que nous traversons une crise
dont nous sommes loin de toucher le fond.
LES INDUSTRIES MENACÉES
Les Allemands vont faire à Berlin une Exposi
tion nationale en 1888. Ils sont bien aises de mon
trer la prospérité de leur industrie. Il y a deux
ans , c’étaient les Italiens qui exposaient à Turin
les témoignages de leurs progrès industriels. Nos
voisins travaillent ; ils visent à supplanter la
France dans les fabrications qui faisaient naguère
son renom ; ils arrivent à se passer de nos pro
duits. Leur activité redouble d’année en année ;
leurs ouvriers , occupés sans relâche , tissent la
soie, frappent l’enclume , fouillent le sol, pétris
sent l’argile, sculptent le bois, chauffent les four
neaux , font des outils, des machines, des étoffes,
des ornements, des meubles. Nous, pendant ce
temps, nous faisons des grèves.
Ce que devient, pendant ces grèves, notre in
fois l’horrible bêle, dans son vol sinistre, effleura la
jeune fille, qui fascinée ne pouvait la quitter des yeux.
Il lui semblait la voir grandir peu à peu et s’étendre,
resserrant les cercles qu’elle traçait. Sa tête, devenue
énorme, avait des regards de feu, et un rictus diabolique
qui rappelait le visage de Carvajan. Elle passa encore
une fois, les griffes étendues, comme un vampire, et,
terrifiée, Antoinette se dit : Si elle me touche, c’est que
nous n’avons plus rien à espérer et que nous sommes
irrémédiablement perdus.
Une rougeur lui monta au visage, elle saisit le long ti
sonnier que son père venait de poser, et, au moment où
la bête hideuse s’avançait menaçante, elle frappa. Brisée
par la tige de fer, la'chauve-souris tomba sur la grille
du brûleur, et, Antoinette avec une joyeuse surprise, la
vit disparaître dans les flammes.
Elle respira plus librement ; elle pensa : je suis indi
gne de me laisser abattre. Il faut lutter, vaincre, en tout
cas se défendre .. Est-ce possible que des gens comme
nous soient si bas, qu'ils n’aient plus le moyen de se
relever ?
Puis l’horreur de la situation s’imposa de nouveau
à son esprit, et elle se reprit à désespérer. Son frère !
Qui sauverait le pauvre garçon accusé si bassement, et
autour duquel s’étendait le réseau dangereux des ca
lomnies ? Si elle pouvait essayer de faire face aux diffi
cultés de leur situation financière, comment irait-elle
au secours de ce sang de son sang ? Elle avait l’igno
rance de la pureté. Les lois criminelles n’étaient point
I faites pour son innocence. Elles lui faisaient l’effet d’une
monstrueuse énigme. Le péril qui menaçait Robert lui
semblait formidable et incompréhensible.
Et la tristesse s’étendait en elle, sombre, profonde,
ainsi qu’une nuit intérieure. Son père continuait à par
ler et elle ne l’écoutait pas. Les paroles du vieillard
* tombaient dans le vide, comme du robinet l’eau gout ¬
dustrie nationale, le contre-coup qu’elle en subira,
l’affaiblissement et les retards qui en résultent
pour elle en pleine rivalité européenne, tout cela
se peut-il calculer ? Nous ne le verrons peut-être
| que trop à notre grande exposition de 1889 , qui
suivra d’un an celle de l’Allemagne.
- —:
L’ÉTAT-MAJOR DE LA RÉVOLUTION
Un journal de Londres donne les intéressants
détails suivants sur les comités révolutionnaires
internationalistes et anarchistes qui se sont orga
nisés pendant ces dernières années en Angle
terre.
Le plus important et le plus actif d’entre eux
est le Club international des travailleurs , qui a
été fondé en 1848 par le fameux Karl Marx. Cette
association, qui compte un millier de membres
tout spécialement chargés de propager dans le
monde entier les principes d’athéisme et de com
munisme , a pour principaux chefs un Allemand,.
Baethke , un Anglais , John Neve , et un Belge 3.
Dave ; son organe est la Freiheit, que Most rédige
à New-York, et dont dix mille-exemplaires'envi
ron sont introduits clandestinement par semaine
en Angleterre et en Autriche.
Le Club des communistes allemands a des ten
dances moins violentes : il réprouve l’emploi de
la dynamite ; mais aussi, ne compte-t-il que 200
membres actifs.
Viennent ensuite le Club anarchiste de l’aurore,
la Société des anarchistes Israélites, les Révolu
tionnaires polonais, les Nihilistes russes, les So
cialistes hollandais et flamands , les Anarchistes
espagnols, les Révolutionnaires italiens, les Anar
chistes français ; quant aux Socialistes anglais,
leur organisation par groupes n’est encore qu’en
voie de formation.
Toutes ces Sociétés secrètes , qui ont des rami
fications sur le continent, sont en rapport cons
tant entre elles ; leurs chefs confèrent en ce mo
ment en vue de la publication, pour le 18 mars
prochain, d’un manifeste à adresser à tous les peu
ples en faveur de la révolution universelle.
—
INFORMATIONS
Plusieurs députés viennent de déposer une pro
position de loi tendant à l’exonération de l’impôt
foncier pour les terrains plantés en vignes et ra
vagés par le phyloxéra.
Il faut espérer que le gouvernement ne fera pas
d’opposition à ce projet, dont la justesse saute aux
yeux.
***
Le projet de loi sur l’espionnage en temps de
paix a été déposé vendredi sur le bureau de la
Chambre. Il contient treize articles qui relatent
avec les plus grands détails toutes les formes sous
lesquelles peut se traduire le dommage causé à
l’État par la divulgation ou la tentative de divul
gation des secrets qui intéressent sa défense.
Ainsi l’article 1 er punit d’un emprisonnement de
2 à 5 ans et d’une amende de 1,000 à 5,000 francs
toute personne qui divulgue des documents confi
dentiels dont il a connaissance en raison de ses
fonctions permanentes ou temporaires.
L'article 2 vise le coupable non fonctionnaire.
L’article 3 traite de la complicité.
Les articles 5 et 6 punissent d’un emprisonne
ment de un à cinq ans et d’une amende de 1,000 à
5,000 francs le crime d’espionnage, quelles que
soient les conditions dans lesquelles il a été entre
pris ou tenté.
Cette énumération des principaux articles suffit
pour montrer les lacunes qui existaient dans notre
législation, et pour expliquer les applaudissements
tant sonore et inutile dans la vasque de pierre. A la
pensée de la jeune fille revenait, obsédante et désolante,
la préoccupation du salut de Robert, et du payement
de l’échéance prochaine.
Elle songea un moment à interrompre le marquis au
milieu de ses amusements scientifiques, et à lui poser
nettement la question d'argent qu’il fallait résoudre. Au
moment de parler, un dernier reste de pitié pour le
vieil enfant qu’il fallait arracher à son aveugle sécurité
arrêta les mots décisifs. Elle se tut, pensant : il sera
assez tôt demain, qu’il ait encore au moins cette soirée
heureuse, et cette nuit tranquille. Et comme un vol de
spectres nocturnes, les pensées sinistres recommencè
rent à enserrer son esprit dans leur cercle douloureux.
A onze heures, le père et la fille quittèrent le lebo-
Iratoire et descendirent dans leurs appartements. Le
marquis, heureux d’avoir pu, pendant deux heures,
développer ses idées sans se préoccuper de savoir s’il
avait seulement été entendu, embrassa Antoinette, et la
quitta en lui disant :
— Je suis tout ragaillardi ! Tu ne t’imagines pas
comme ta présence me fait du bien... Quand je te vois
au milieu de mes appareils, je crois que tout ce que j’ai
■ entrepris doit réussir... Tu reviendras, n’est-ce pas? Tu
" y as intérêt, sais-tu... C’est la fortune !...
La fortune ! toujours le mot magique, le rêve de tout
savant : la pierre philosophale découverte ; l’or coulant
d’un creuset ou jaillissant d’un appareil. Et l’inventeur,
| confiant et ravi, alla se coucher avec ce rayon dans la
j cervelle.
| La nuit parut longue à Antoinette. Elle resta les yeux
| ouverts, dans l’obscurité, écoutant l’ouragan qui se dé-
: chaînait au dehors et faisait trembler le château sur sa
| base. Ces souffles irrités, passant et repassant en vio
lents tourbillons, lui rappelaient la mer, et, dans la
fièvre de son insomnie, il lui semblait otre sur un navire
de la Chambre au moment où le général Boulan
ger a déposé ce projet de loi.
***
Les insuccès de Louise Michel dans ses périgri-
nations, aux environs de Paris, la décident à reve
nir dans la capitale.
On annonce que cette enragée révolutionnaire
va provoquer, à l’occasion de l’anniversaire de la
Commune, un grand meeting en plein air qui au
rait lieu sur la place de la Nation. Les chefs des
groupes du parti de la Commune convoqueraient
à cette manifestation les délégations des princi
paux centres ouvriers de France.
***
De leur côté, plusieurs anciens combattants de
la Commune auraient également l’intention de cé
lébrer le 18 mars à leur façon.
En prévision de cette manifestation, M. Gragnon
vient de renouveler aux commissaires de police
de Paris les prescriptions relatives à l’interdiction
absolue de l'exhibition du drapeau rouge sur la
voie publique, ainsi que le port des insignes rap
pelant le régime insurrectionnel de la Commune
de 1871.
- TERRIBLE CATASTROPHE.
t
Une rencontre de deux trains s’est produite le
10 mars, vers 5 heures du soir, entre les stations
de .Monte-Carlo el-Roquebrune, sur une voie uni
que, à un tournant et dans un endroit ou le vide
vient immédiatement après le rocher.
A la commotion, qui a été épouvantable, a suc
cédé un broiement dont il est difficile de se faire
une idée.
Les locomotives sont entrées l'une dans l’autre.
Les wagons, après être montés les uns sur les au
tres, se sont écrasés avec une telle violence qu’ils
ont pour ainsi dire été réduits en miettes. Un de
première, un de seconde et un de troisième classe,
trois wagons franchissant le parapet sont tombés
dans la mer d’une hauteur de soixante-quinze
mètres. On les a retrouvés à l’état de véritables
hachis.
Ceux restés sur la voie foi ment une montagne
de débris absolument informes. Des roues de wa
gons, des portières, des tampons, des chaînes pen
dent le long du parapet au-dessus du gouffre, d’où
l’on a retiré un mort, Ferrero Giovanni, et plu
sieurs blessés.
Chose incroyable : Un voyageur tombé du haut
de la voie dans la mer, en a été quitte avec un
bras cassé. Un enfant de treize ans, précipité dans
les mêmes conditions, a eu les deux bras brisés.
Au lieu de songer à lui, le pauvre enfant s’en
allait appelant : « Papa! papa!» et son père, moins
heureux que lui, était mort.
Un chauffeur est mort durant le trajet. Un voya
geur agonise. Toute une famille, la mère, la fille,
le gendre et la petite-fille, ont été grièvement
blessés : la mère va être amputée d’une jambe. Au
nombre des blessés se trouvent Mme veuve Beck
et le directeur de la taverne alsacienne de Monaco.
Parmi les blessés se trouve la famille Prieur, de
Paris, qui était allée en excursion dans la monta
gne. Elle a pris le train à Roquebrune pour rentrer
à Monte-Carlo. Tous sont grièvement blessés. La
grand’mère âgée de soixante-quatorze ans, le père,
la mère et la fille. Mme Prieur va subir l’amputa
tion des deux jambes.
A l’heure actuelle, on compte quatre morts et
vingt-trois blessés, dont plusieurs affreusement.
Le chef de gare de Roquebrune a disparu. Ou
dit qu’il s’est suicidé.
On le croit responsable de l’horrible catastrophe,
ayant oublié d’avertir le chef de gare de Monte-
Carlo du départ du train.
De la terrasse du Casino, un grand nombre de
personnes ont assisté à l’horrible spectacle poussant
des cris de détresse.
Des ouvriers qui travaillaient sur la voie ont en
vain agité des signaux.
Le mécanicien du train arrivant de Monte-Carlo
a bien essayé de renverser la vapeur, mais la
courbe était si prononcée que le mécanicien du
, train de Menton n’a rien vu.
battu par la tempête. Des haleines furieuses grinçaient
dans les mâts et dans les cordages, et la poussée crois
sante et décroissante de leur bruit tumultueux donnait
à la jeune fille la sensation de la montée énorme et de
la descente profonde-des vagues.
Elle se trouvait, au milieu d'une obscurité traversée
seulement par de rouges éclairs, emportée sur un océan
couleur d’encre. Elle était toute étourdie par le balan
cement horrible des flots, et souffrait cruellement.
L’orage grandissait sans cesse, emplissant ses oreilles
de sifflements stridents, et,‘dans le trouble de ses pen
sées, elle se figurait allant délivrer son frère abandonné
sur un étroit et stérile rocher.
Elle se tournait vers celui qui commandait le fantas
tique vaisseau et, à la lueur de la foudre, elle lui
voyait le visage de Pascal. Il la regardait avec douceur,
comme pour lui dire : Tu sais bien que je t’adore ; tu
n’as qu’un mot à prononcer, qu’un signe à faire, et
c’est moi-même qui te conduirai vers ton frère, qui
assurerai son salut. Rien ne me coûtera pour te plaire.
Tes larmes me désolent, je souffre de ton chagrin. Ne
t'entête pas dans ton orgueil, sois raisonnable et bonne.
Et ton malheur, en un instant, va se réparer.
Mais elle, implacable, détournait la tête, refusait de
faire entendre la prière si doucement implorée. Et,
dans le cahos mouvant des flots exaspérés, le navire
s’éloignait, abandonnant à son sort le pauvre Robert
qui appelait à grands cris. La nuit se faisait plus si
nistre, la clameur du vent plus effroyable, et les vagues
énormes, devenues couleur de sang, roulaient dans
leurs plis des cadvres.
Antoinette, terrifiée, voulut s'arracher à cet horrible
cauchemar. Ella raisonna, se dit : Mais non, je suis
dans ma chambre, près de mon père, je rêve tout éveil
lée. Elle tâta les draps de son lit pour se convaincre.
M a is/toujours l’hallucinationrevemt.ElledutaJ&mer
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Réclames. . . . 30 —
JOURNAL POLITIQUE, COMMERCIAL & AGRICOLE, PARAISSANT LES JEUDI & DIMANCHE.
et
CHRONIQUE POLITIQUE
La Chambre a repris jeudi le cours de ses
travaux interrompus par les vacances des jours
gras.
Deux interpellations étaient inscrites à l’ordre
da jour : celle de Mgr Freppel sur la suppression
des vicariats et celle de M. Camélinat sur les évé
nements de Decazeville.
Le crédit affecté aux vicariats ayant été réduit
l’année dernière, il est clair que le gouvernement ne
pouvait s’empêcher de supprimer un certain nom
bre de postes, jusqu’à concurrence de la diminution
des crédits. Mais Mgr Freppel a reproché avec
raison au ministre des cultes de ne s’être pas mis,
pour les suppressions à opérer, d’accord avec l’au
torité ecclésiastique, seule juge des besoins du
service religieux. D’une question d’ordre adminis
tratif, on a fait évidemment une question électo-
torale. Et les 3,000 vicaires atteints par la réforme
ont été sacrifiés aux rancunes des candidats
malheureux. Sur ce thème , Mgr Freppel a brodé
un discours mordant, peut-être trop humoristique.
La Chambre a naturellement voté l’ordre du jour
pur et simple octroyant un blanc-seing à M. Go-
blet au détriment des vicaires. Toujours affaire de
vexer l’Eglise. Il est même à craindre que la mo
rale de ce débat spirituel ne soit, lors du vote du
budget de 1887 , la suppression de quelques mil
liers de vicaires de plus.
L’interpellation Camélinat ne s’est pas termi
née dans la journée de jeudi.
Le champion des grévistes a demandé que le
Gouvernement use, à l’égard de la compagnie
concessionnaire, du droit qu’il possède de pronon
cer la déchéance. Le ministre des travaux publics,
M. Baïhaut, a déclaré qu’il ne voyait pas de mo
tif de poursuivre la déchéance. Il a ajouté, qu’au
lieu de pousser les mineurs à la continuation de
la grève, en les leurrant de l’espoir que l’Etat
pourrait se charger d’exploiter lui-même, on
ferait mieux de s’employer à faire reprendre le
travail.
Ce langage, nous nous empressons de le recon
naître, est correct autant que sage ; il est même à
regretter que le ministre ne l’ait pas fait entendre
plus tôt et qu’il ait laissé circuler, trop longtemps,
les bruits dont il se plaint, et auxquels il attri
bue, avec raison, la continuation de la grève.
Il est également fâcheux qu’en parlant ainsi, le
gouvernement n’ait pas cru devoir mettre ses
actes en rapport avec ses paroles. Puisque le gou
vernement est convaincu qu’il n’y a pas d’autre
solution à donner à la crise que la reprise pure et
simple du travail, que n’use-t-il de son autorité |
légale pour mettre un terme aux manifestations |
de nature à prolonger cette crise ? Parmi ces dé- |
monstrations il convient de placer les allocations |
que certains conseils municipaux, tels que ceux de |
Paris et de Lyon, ont cru devoir voter en faveur '
des ouvriers grévistes. On avait dit que ces délibé- .
rations étaient annulées ; il n’en a rien été. Le |
gouvernement, au contraire, a permis au préfet de
la Seine, M. Poubelle, de se faire l’intermédiaire,
entre le conseil municipal de Paris et le maire
de Decazeville, pour l’envoi de la somme votée |
par le premier. C’est là une imprudence et une |
faute.
—==-—
FEUILLETON DE L'ECHO DES MARCHÉS.
(29)
LA
GRANDE MARNIÉRE
PAR
Georges OHNET.
VIII.
B le vieil enfant souriait, uniquement préoccupé de
son idée fixe.
— Oui, mon père... dit Antoinette du bout des lèvres.
Alors le marquis enchanté s’élança vers son brûleur,
lira les caisses roulantes, pleines de charbon, qui occu
paient tout le dessous du fourneau, et commença, à
grand renfort de copeaux et de papier, à allumer lui-
même son appareil. Il avait retroussé ses manches jus
qu’aux coudes et se salissait épouvantablement. Il y eut
bientôt dans le laboratoire une fumée telle qu’il fallut ou
vrir les fenêtres. Et, moitié parlant, moitié toussant, à
demi asphyxié, l’inventeur expliquait. Il allait de l’appa
reil, qu’il déclarait défectueux, aux dessins nombreux
sur lesquels il l’avait rectifié...
— Vois-tu, ma fille, les copeaux mouillés brûlent
maintenant : c’était la mise en train qui était difficile...
Le tirage est insuffisant, mais, avec une cheminée d’usine,
Ça irait tout seul... Des copeaux mouillés !... Hein ? Et
quelle chaleur ! Toute la valeur de l’invention est là...
En Amérique, dans les plantations, ils pourront chauffer
avec des détritus de cannes à sucre ! Qu’en dis-tu ?
Antoinette ne disait rien. Attirée par la lumière, une
énorme chauve-souris était entrée dans le laboratoire et,
toute noire, ses ailes étendues, elle tournoyait. Par deux
Le Budget de 188 7.
Voici quelles sont, dit-on, les principales me
sures auxquelles le gouvernement paraît disposé à
s’arrêter :
il déciderait d’abord deux opérations générales.
On transformerait en rentes 3 o/o amortissables
les obligations à court terme dites sexennaires. Le
montant de ces obligations s’élève au chiffre de
700 millions.
On consoliderait en rentes 3 o/o perpétuelle les
750 millions auxquels se montent les découverts
des budgets antérieurs.
Ces deux opérations de trésorerie constitueraient
un emprunt déguisé, s’élevant à 1,450 millions.
Les cent millions annuels rendus disponibles
par la première opération seraient consacrés aux
travaux publics, dont le budget extraordinaire se
trouverait ainsi soulagé. On supprimerait égale
ment le budget extraordinaire de la guerre, qui de
vait s’élever, pour 1887, à 40 millions. Cette dé
pense serait inscrite au budget ordinaire et cou
verte au moyen des économies réalisées dans tous
les services publics.
On maintiendrait pour 1887 le compte spécial
des garanties d’intérêt pour les chemins de fer,
mais on fait sortir du budget ordinaire les sommes
à prévoir pour la dotation de ce service, et les 100
millions nécessaires feraient l’objet d’une émission
d’obligation à 20 ou 25 ans.
On appliquerait aux alcools une surtaxe telle
que le produit de cet impôt fut augmenté de 100
millions.
Enfin, on convertirait le 4 1/2 0/0 ancien en 4
0/0. Cette opération produirait 3,700,000 francs.
——— ni —
ILe rendement des Impôts.
Le Journal officiel vient de publier le relevé du
rendement des impôts pour les deux premiers
mois de 1886.
Les recouvrements sur les contributions directes
sont inférieurs aux douzièmes échus de 43 millions
781 mille francs. La proportion d’infériorité est
un peu plus forte qu’en 1885.
L’impôt de 3 070 sur le revenu des valeurs mo
bilières a donné une plus-value de 161,500 fr.
Le rendement des impôts et revenus indirects
a été inférieur de 23 millions 116 mille francs
aux évalutions budgétaires , et de 15 millions
423 mille francs aux encaissements correspon
dants de 1885.
Tout cela indique que nous traversons une crise
dont nous sommes loin de toucher le fond.
LES INDUSTRIES MENACÉES
Les Allemands vont faire à Berlin une Exposi
tion nationale en 1888. Ils sont bien aises de mon
trer la prospérité de leur industrie. Il y a deux
ans , c’étaient les Italiens qui exposaient à Turin
les témoignages de leurs progrès industriels. Nos
voisins travaillent ; ils visent à supplanter la
France dans les fabrications qui faisaient naguère
son renom ; ils arrivent à se passer de nos pro
duits. Leur activité redouble d’année en année ;
leurs ouvriers , occupés sans relâche , tissent la
soie, frappent l’enclume , fouillent le sol, pétris
sent l’argile, sculptent le bois, chauffent les four
neaux , font des outils, des machines, des étoffes,
des ornements, des meubles. Nous, pendant ce
temps, nous faisons des grèves.
Ce que devient, pendant ces grèves, notre in
fois l’horrible bêle, dans son vol sinistre, effleura la
jeune fille, qui fascinée ne pouvait la quitter des yeux.
Il lui semblait la voir grandir peu à peu et s’étendre,
resserrant les cercles qu’elle traçait. Sa tête, devenue
énorme, avait des regards de feu, et un rictus diabolique
qui rappelait le visage de Carvajan. Elle passa encore
une fois, les griffes étendues, comme un vampire, et,
terrifiée, Antoinette se dit : Si elle me touche, c’est que
nous n’avons plus rien à espérer et que nous sommes
irrémédiablement perdus.
Une rougeur lui monta au visage, elle saisit le long ti
sonnier que son père venait de poser, et, au moment où
la bête hideuse s’avançait menaçante, elle frappa. Brisée
par la tige de fer, la'chauve-souris tomba sur la grille
du brûleur, et, Antoinette avec une joyeuse surprise, la
vit disparaître dans les flammes.
Elle respira plus librement ; elle pensa : je suis indi
gne de me laisser abattre. Il faut lutter, vaincre, en tout
cas se défendre .. Est-ce possible que des gens comme
nous soient si bas, qu'ils n’aient plus le moyen de se
relever ?
Puis l’horreur de la situation s’imposa de nouveau
à son esprit, et elle se reprit à désespérer. Son frère !
Qui sauverait le pauvre garçon accusé si bassement, et
autour duquel s’étendait le réseau dangereux des ca
lomnies ? Si elle pouvait essayer de faire face aux diffi
cultés de leur situation financière, comment irait-elle
au secours de ce sang de son sang ? Elle avait l’igno
rance de la pureté. Les lois criminelles n’étaient point
I faites pour son innocence. Elles lui faisaient l’effet d’une
monstrueuse énigme. Le péril qui menaçait Robert lui
semblait formidable et incompréhensible.
Et la tristesse s’étendait en elle, sombre, profonde,
ainsi qu’une nuit intérieure. Son père continuait à par
ler et elle ne l’écoutait pas. Les paroles du vieillard
* tombaient dans le vide, comme du robinet l’eau gout ¬
dustrie nationale, le contre-coup qu’elle en subira,
l’affaiblissement et les retards qui en résultent
pour elle en pleine rivalité européenne, tout cela
se peut-il calculer ? Nous ne le verrons peut-être
| que trop à notre grande exposition de 1889 , qui
suivra d’un an celle de l’Allemagne.
- —:
L’ÉTAT-MAJOR DE LA RÉVOLUTION
Un journal de Londres donne les intéressants
détails suivants sur les comités révolutionnaires
internationalistes et anarchistes qui se sont orga
nisés pendant ces dernières années en Angle
terre.
Le plus important et le plus actif d’entre eux
est le Club international des travailleurs , qui a
été fondé en 1848 par le fameux Karl Marx. Cette
association, qui compte un millier de membres
tout spécialement chargés de propager dans le
monde entier les principes d’athéisme et de com
munisme , a pour principaux chefs un Allemand,.
Baethke , un Anglais , John Neve , et un Belge 3.
Dave ; son organe est la Freiheit, que Most rédige
à New-York, et dont dix mille-exemplaires'envi
ron sont introduits clandestinement par semaine
en Angleterre et en Autriche.
Le Club des communistes allemands a des ten
dances moins violentes : il réprouve l’emploi de
la dynamite ; mais aussi, ne compte-t-il que 200
membres actifs.
Viennent ensuite le Club anarchiste de l’aurore,
la Société des anarchistes Israélites, les Révolu
tionnaires polonais, les Nihilistes russes, les So
cialistes hollandais et flamands , les Anarchistes
espagnols, les Révolutionnaires italiens, les Anar
chistes français ; quant aux Socialistes anglais,
leur organisation par groupes n’est encore qu’en
voie de formation.
Toutes ces Sociétés secrètes , qui ont des rami
fications sur le continent, sont en rapport cons
tant entre elles ; leurs chefs confèrent en ce mo
ment en vue de la publication, pour le 18 mars
prochain, d’un manifeste à adresser à tous les peu
ples en faveur de la révolution universelle.
—
INFORMATIONS
Plusieurs députés viennent de déposer une pro
position de loi tendant à l’exonération de l’impôt
foncier pour les terrains plantés en vignes et ra
vagés par le phyloxéra.
Il faut espérer que le gouvernement ne fera pas
d’opposition à ce projet, dont la justesse saute aux
yeux.
***
Le projet de loi sur l’espionnage en temps de
paix a été déposé vendredi sur le bureau de la
Chambre. Il contient treize articles qui relatent
avec les plus grands détails toutes les formes sous
lesquelles peut se traduire le dommage causé à
l’État par la divulgation ou la tentative de divul
gation des secrets qui intéressent sa défense.
Ainsi l’article 1 er punit d’un emprisonnement de
2 à 5 ans et d’une amende de 1,000 à 5,000 francs
toute personne qui divulgue des documents confi
dentiels dont il a connaissance en raison de ses
fonctions permanentes ou temporaires.
L'article 2 vise le coupable non fonctionnaire.
L’article 3 traite de la complicité.
Les articles 5 et 6 punissent d’un emprisonne
ment de un à cinq ans et d’une amende de 1,000 à
5,000 francs le crime d’espionnage, quelles que
soient les conditions dans lesquelles il a été entre
pris ou tenté.
Cette énumération des principaux articles suffit
pour montrer les lacunes qui existaient dans notre
législation, et pour expliquer les applaudissements
tant sonore et inutile dans la vasque de pierre. A la
pensée de la jeune fille revenait, obsédante et désolante,
la préoccupation du salut de Robert, et du payement
de l’échéance prochaine.
Elle songea un moment à interrompre le marquis au
milieu de ses amusements scientifiques, et à lui poser
nettement la question d'argent qu’il fallait résoudre. Au
moment de parler, un dernier reste de pitié pour le
vieil enfant qu’il fallait arracher à son aveugle sécurité
arrêta les mots décisifs. Elle se tut, pensant : il sera
assez tôt demain, qu’il ait encore au moins cette soirée
heureuse, et cette nuit tranquille. Et comme un vol de
spectres nocturnes, les pensées sinistres recommencè
rent à enserrer son esprit dans leur cercle douloureux.
A onze heures, le père et la fille quittèrent le lebo-
Iratoire et descendirent dans leurs appartements. Le
marquis, heureux d’avoir pu, pendant deux heures,
développer ses idées sans se préoccuper de savoir s’il
avait seulement été entendu, embrassa Antoinette, et la
quitta en lui disant :
— Je suis tout ragaillardi ! Tu ne t’imagines pas
comme ta présence me fait du bien... Quand je te vois
au milieu de mes appareils, je crois que tout ce que j’ai
■ entrepris doit réussir... Tu reviendras, n’est-ce pas? Tu
" y as intérêt, sais-tu... C’est la fortune !...
La fortune ! toujours le mot magique, le rêve de tout
savant : la pierre philosophale découverte ; l’or coulant
d’un creuset ou jaillissant d’un appareil. Et l’inventeur,
| confiant et ravi, alla se coucher avec ce rayon dans la
j cervelle.
| La nuit parut longue à Antoinette. Elle resta les yeux
| ouverts, dans l’obscurité, écoutant l’ouragan qui se dé-
: chaînait au dehors et faisait trembler le château sur sa
| base. Ces souffles irrités, passant et repassant en vio
lents tourbillons, lui rappelaient la mer, et, dans la
fièvre de son insomnie, il lui semblait otre sur un navire
de la Chambre au moment où le général Boulan
ger a déposé ce projet de loi.
***
Les insuccès de Louise Michel dans ses périgri-
nations, aux environs de Paris, la décident à reve
nir dans la capitale.
On annonce que cette enragée révolutionnaire
va provoquer, à l’occasion de l’anniversaire de la
Commune, un grand meeting en plein air qui au
rait lieu sur la place de la Nation. Les chefs des
groupes du parti de la Commune convoqueraient
à cette manifestation les délégations des princi
paux centres ouvriers de France.
***
De leur côté, plusieurs anciens combattants de
la Commune auraient également l’intention de cé
lébrer le 18 mars à leur façon.
En prévision de cette manifestation, M. Gragnon
vient de renouveler aux commissaires de police
de Paris les prescriptions relatives à l’interdiction
absolue de l'exhibition du drapeau rouge sur la
voie publique, ainsi que le port des insignes rap
pelant le régime insurrectionnel de la Commune
de 1871.
- TERRIBLE CATASTROPHE.
t
Une rencontre de deux trains s’est produite le
10 mars, vers 5 heures du soir, entre les stations
de .Monte-Carlo el-Roquebrune, sur une voie uni
que, à un tournant et dans un endroit ou le vide
vient immédiatement après le rocher.
A la commotion, qui a été épouvantable, a suc
cédé un broiement dont il est difficile de se faire
une idée.
Les locomotives sont entrées l'une dans l’autre.
Les wagons, après être montés les uns sur les au
tres, se sont écrasés avec une telle violence qu’ils
ont pour ainsi dire été réduits en miettes. Un de
première, un de seconde et un de troisième classe,
trois wagons franchissant le parapet sont tombés
dans la mer d’une hauteur de soixante-quinze
mètres. On les a retrouvés à l’état de véritables
hachis.
Ceux restés sur la voie foi ment une montagne
de débris absolument informes. Des roues de wa
gons, des portières, des tampons, des chaînes pen
dent le long du parapet au-dessus du gouffre, d’où
l’on a retiré un mort, Ferrero Giovanni, et plu
sieurs blessés.
Chose incroyable : Un voyageur tombé du haut
de la voie dans la mer, en a été quitte avec un
bras cassé. Un enfant de treize ans, précipité dans
les mêmes conditions, a eu les deux bras brisés.
Au lieu de songer à lui, le pauvre enfant s’en
allait appelant : « Papa! papa!» et son père, moins
heureux que lui, était mort.
Un chauffeur est mort durant le trajet. Un voya
geur agonise. Toute une famille, la mère, la fille,
le gendre et la petite-fille, ont été grièvement
blessés : la mère va être amputée d’une jambe. Au
nombre des blessés se trouvent Mme veuve Beck
et le directeur de la taverne alsacienne de Monaco.
Parmi les blessés se trouve la famille Prieur, de
Paris, qui était allée en excursion dans la monta
gne. Elle a pris le train à Roquebrune pour rentrer
à Monte-Carlo. Tous sont grièvement blessés. La
grand’mère âgée de soixante-quatorze ans, le père,
la mère et la fille. Mme Prieur va subir l’amputa
tion des deux jambes.
A l’heure actuelle, on compte quatre morts et
vingt-trois blessés, dont plusieurs affreusement.
Le chef de gare de Roquebrune a disparu. Ou
dit qu’il s’est suicidé.
On le croit responsable de l’horrible catastrophe,
ayant oublié d’avertir le chef de gare de Monte-
Carlo du départ du train.
De la terrasse du Casino, un grand nombre de
personnes ont assisté à l’horrible spectacle poussant
des cris de détresse.
Des ouvriers qui travaillaient sur la voie ont en
vain agité des signaux.
Le mécanicien du train arrivant de Monte-Carlo
a bien essayé de renverser la vapeur, mais la
courbe était si prononcée que le mécanicien du
, train de Menton n’a rien vu.
battu par la tempête. Des haleines furieuses grinçaient
dans les mâts et dans les cordages, et la poussée crois
sante et décroissante de leur bruit tumultueux donnait
à la jeune fille la sensation de la montée énorme et de
la descente profonde-des vagues.
Elle se trouvait, au milieu d'une obscurité traversée
seulement par de rouges éclairs, emportée sur un océan
couleur d’encre. Elle était toute étourdie par le balan
cement horrible des flots, et souffrait cruellement.
L’orage grandissait sans cesse, emplissant ses oreilles
de sifflements stridents, et,‘dans le trouble de ses pen
sées, elle se figurait allant délivrer son frère abandonné
sur un étroit et stérile rocher.
Elle se tournait vers celui qui commandait le fantas
tique vaisseau et, à la lueur de la foudre, elle lui
voyait le visage de Pascal. Il la regardait avec douceur,
comme pour lui dire : Tu sais bien que je t’adore ; tu
n’as qu’un mot à prononcer, qu’un signe à faire, et
c’est moi-même qui te conduirai vers ton frère, qui
assurerai son salut. Rien ne me coûtera pour te plaire.
Tes larmes me désolent, je souffre de ton chagrin. Ne
t'entête pas dans ton orgueil, sois raisonnable et bonne.
Et ton malheur, en un instant, va se réparer.
Mais elle, implacable, détournait la tête, refusait de
faire entendre la prière si doucement implorée. Et,
dans le cahos mouvant des flots exaspérés, le navire
s’éloignait, abandonnant à son sort le pauvre Robert
qui appelait à grands cris. La nuit se faisait plus si
nistre, la clameur du vent plus effroyable, et les vagues
énormes, devenues couleur de sang, roulaient dans
leurs plis des cadvres.
Antoinette, terrifiée, voulut s'arracher à cet horrible
cauchemar. Ella raisonna, se dit : Mais non, je suis
dans ma chambre, près de mon père, je rêve tout éveil
lée. Elle tâta les draps de son lit pour se convaincre.
M a is/toujours l’hallucinationrevemt.ElledutaJ&mer
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