Titre : L'Ordre
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1947-01-08
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32829724j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 08 janvier 1947 08 janvier 1947
Description : 1947/01/08 (A19,N610). 1947/01/08 (A19,N610).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t5117808v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-1857
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/11/2021
— L’EDITORIAL 1
d’EmikeSuvé
LE MESSAGE
DE M. TRUMAN
Je ne partage pas l’opinion de ceux qui tiennent le président
Truman pour un président de circonstance de la plus médiocre
qualité. Son dernier message résumé hier par l’Ordre n’est pas
pour me donner tort. Ses adversaires républicains prétendent,
après avoir entendu ce message, qu’il s’est rapproché d’eux, et
il soutient, lui, qu’ils ont fait un pas et même plusieurs dans sa
direction. C’est très bien ainsi.
A la vérité, maintenant que l’isolationisme n’a plus de par
tisans avoués parmi les hommes politiques américains, on ne
voit plus très bien ce qui sépare en Amérique le républicain
moyen du démocrate moyen. L’un et l’autre ont eu, au lende
main de la guerre, même conscience de la puissance américaine,
l’un et l’autre souhaitent qu’elle s’accroisse encore et sont dis
posés pour cela à faire ensemble de leur mieux dans tous les
domaines, dans le domaine politique comme dans le domaine
militaire, comme dans le domaine social. C’est ce dernier do
maine qui leur donne immédiatement le plus de tourment. Les
syndicats ouvriers se montrent prêts à défendre les conquêtes
du New Deal rooseveltien auxquelles les patrons ne se sont ja
mais résignés et il convient au-dessus d’eux, en tenant compte
de l’esprit libertaire américain, d’imposer une législation du
travail favorable à l’intérêt national désormais sacré. Le repré
sentant du Tennessee, Jennings, s’écriait récemment, traduisant
sans nul doute l’opinion de la majorité de ses collègues : « La
seule union dans ce pays qui doive être au-dessus des autres,
c'est l’union des 48 États », mais c’est plus facile à dire qu’à
faire.
’ Si l’on craint la grève, il faut en arriver à l’arbitrage obli
gatoire qui suppose non seulement un arbitre incontesté, mais
des commissions d’enquêtes allant au fond des choses qui ne
sont agréables ni aux patrons ni aux ouvriers, et depuis des
mois Sénat et Chambre échangent ainsi des bills de réformes
sociales sans résultat décisif. Les grèves ont cessé, mais non pas,
selon moi, tant à cause des menaces qui pesaient sur les leaders
syndicalistes qui les avaient déclenchées qu’à cause de la fatigue
et aussi, il faut le dire, du bon sens des grévistes et de leurs
familles.
En Amérique, on semble chez nous l’ignorer, Franklin Roose
velt, animateur du New Deal, ne fut pas mieux traité par les
hommes de droite américains que Léon Blum, leader du Front
Populaire, par les hommes de droite français. Le leader d’un
journal américain anarchiste, devenu férocement conservateur,
me disait un jour, parlant de lui : « Vous l’aimez Roosevelt ?
Naturellement. puisque vous êtes Français. Eh bien ! c’est une
affreuse canaille, quand il a une place à offrir, il l’offre à huit
personnes, puis il la donne finalement à une neuvième et on
enregistre deux ou trois suicides ! »
L’audace de Franklin Roosevelt, qui sortit l’Amérique de la
détresse économique, fut, dans le domaine social, plus grande
certainement que celle de Léon Blum. Il admit d’abord un droit
de grève sans limite ou presque. Sous' son règne, le picketing
notamment fut légalisé, qui permet d’interdire, au moyen de
« piquets de grévistes », l’entrée des usines en grève non seule
ment à tout ouvrier indépendant mais à toute personnalité étran-
gère^. même par la violence.
En mars 1942, les hommes chargés d’organiser les piquets,
lors d’une grève de camionneurs, arrêtaient à leur entrée à New-
York les camions venant de 'New-Jersey, conduits par des « jau
nes » ; ils les forçaient à leur remettre le montant d’une journée
d’ouvrier syndiqué, faute de quoi ils les contraignaient à re
brousser chemin..La Cour Suprême, saisie de leur cas, leur donna
raison à la majorité. Qu’eût-on dit chez nous si un pareil arrêt
avait été rendu par un pareil tribunal ?
Les républicains, vainqueurs aux dernières élections, visent
à revenir sur les droits qu’ils jugent abusifs dont jouissent les
unions ouvrières à contrôler leurs fonds pour prévenir leur
emploi dans les luttes électorales. Ils veulent, disent-ils, que pa
trons et ouvriers soient égaux devant la loi, selon le principe
démocratique, mais hélas ! la révolution du machinisme con
trarie à tout instant ce principe et-de là leur embarras.
M. Truman, qui appartient à la droite du parti démocrate,
ne se dissimule pas la difficulté de leur tâche. Il les invite, dans
son message, à la modération, à la prudence, non sans raison.
Actuellement les travailleurs américains ne se préoccupent que
de leurs salaires, de leur confort, mais ils pourraient bien élever
un jour le débat. Dans ma jeunesse, j’ai rencontré au congrès de
T Internationale socialiste d’Amsterdam deux socialistes améri
cains, Morris Hilquit et Daniel de Léon, en lutte d’autant plus
ardente que les organisations qu’ils représentaient étaient plus
faibles. Ils ont disparu. La dernière organisation sociale a som
bré avec Norman Thomas dans l’objection de conscience et s’il
s'est formé un parti communiste, il ne compte pas beaucoup
d’adhérents. Il noyaute, assure-t-on, les unions ouvrières, mais
jusqu’alors son noyautage n’est pas très sensible. Cela est de
nature à rassurer les représentants politiques du capitalisme,
républicains ou démocrates. Mais les esprits avertis engagent
néanmoins ceux-ci à se méfier. Certains comités d’intellectuels,
réunissant écrivains, artistes et professeurs, interviennent à toute
occasion dans les débats sociaux et ils n’ignorent rien, eux, de
Marx et du marxisme.
19-Annbe .Nouvene Sere J# fis 4 FEANeS
Mercredi 8 janvier 1947 Z
- * A) A-------------------------
ORDRE
(Directeur politique < Émile BURÉ
Rédaction, Nministration 131, Rue Tronchet . (Publicité S Régie-Presse, 65,Champs-Elysées
Anjou 1 86-40 -- 4 lignes Après 21 heures : TRUdaine 65-96
“Nous ne céderons jamais
à la violence " déclare m. MOUTET
à la veille de son départ d’Indochine
"L’armée est le principal artisan
d’une solution de paix
déclare le général LECLERC
Saigon, 7 janvier. — A la veille
de son départ, M. Marius Moutet,
ministre de la France d’outre-Mer,
a fait ce soir les déclarations sui
vantes :
Je vais quitter Saigon pour rendre
compte au gouvernement de la mis
sion qu’il, m’a confiée. J’ai visité
presque toute. l’Indochine. A Battam-
bang, dans le territoire restitué par
le Siam j’ai constaté la joie de la po
pulation. Au Cambodge, au "Laos,
dans le pays Mois, j’ai été reçu d’une
façon touchante par des peuples
amis qui savent que la France ne les
abandonnera pas.
A Saïgon, je me suis longuement
entretenu avec le haut commissaire,
avec le nouveau gouvernement co-
chinchinois, avec tous ceux qui ont
désiré me voir et exposer leur point
de vue quel qu’il fut. Ma porte a été
ouverte à tous.
Je suis aussi allé à Hanoï où j’ai
vu l’image même de la guerre. Une
ville jadis florissante est aujourd’hui
terriblement ravagée. A l’hôpital
Yersin et dans les centres d’accueil,
j’ai vu la malheureuse population
annamite, victime de cette calamité.
A l'hôpital Lanessan, j’ai vu nos bles
sés et le long du mur de l’hôpital
j’ai salué les tombes des trop nom
breuses victimes civiles françaises
massacrées sans défense dans l’agres-
siondu 19 décembre, et, tout à côté,
celles de nos soldats tombés en
combattant.
J’ai vu l’Institut Pasteur ravagé
son œuvre scientifique et humani
taire anéantie systématiquement.
Son activité bienfaisante paralysée
pour de longs mois. J’ai pu aller
jusqu’aux avant-postes où j’ai vu
nos jeunes soldats pleins ' d’un cou
rage et d’une détermination magni
fique. Au palais du gouvernement
général je me suis entretenu avec lé
commissaire de le République, M.
Sainteny, l'homme des accords du
6 mars, qui, bien qu'lncomplètement
remis de ses graves blessures, a re-
pris'son poste et se préoccupe de
ravitailler les milliers d'habitants
Je n’ai pas vu le gouvernement du
Viêt-Nam et pour cause. Il a quitté
Hanoï le‘19 décembre et se trouve
quelque part je ne sais où. S’il avait
eu des propositions à faire 11 lui
était loisible d’envoyer un plénipo
tentiaire ou bien d'employer d’autres
moyens. En fait il a déclenché la
lutte et ses émissions de radio n’ont
d’autre objet que d’alimenter la pro-
pagande.
(Lire la suite en troisième page)
M. de Gasperi
aux Etats-Unis
L* Amérique entend-elle
aider la 'jeune Italie”?
Comme nous avons été les pre
miers à l’annoncer dans la presse,
M. Alcide de Gasperi, président du
Conseil italien, s’est rendu à
Washington sur l’invitation du
gouvernement des Etats - Unis.
L’ambassade d’Italie a donné « la
plus grande réception qui ait eu
lieu depuis dix ans », et M. de Gas
peri a été ensuite, au Mayflower
Hôtel, l’hôte de M. Byrnes, qui lui
a porté un toast chaleureux, disant
< qu’il n’y a pas. en Italie, d’hom
me de plus de fermeté et de cou
rage que M. Gasperi et que, s’il ne
UNE PARTIE DE L’EXPEDITION BYRD
est bloquée par les glaces du Pôle Sud
A bord du « Mount Olympus », 7 janvier. — L'intervention rapide du
brise-glace a North-Wind », à la suite d’un appel de détresse du sous-
marin « Sennet », a évité de Justesse à ce submersible d’être broyé entre
d’énormes icebergs. L'amiral Cruzen a immédiatement donné l’ordre au
« Sennet » de sortir du « pack » et de se rendre à la base de la terre
de Stottis, d’où il sera par la suite convoyé jusqu’à la Petite-Amérique, où
l’on compte l’utiliser à des expériences sous-marines.
Le détachement de l’amiral Cruzen, qui tente de rejoindre la Petite-
Amérique, est pratiquement immobilisé par les glaces. Les cargos
« Yancey » et « Merrik » sont déjà complètement emprisonnés et l’amiral
a donné l'ordre à tous les navires de surface de poursuivre leur route
aussitôt que possible. La mer qui, il y a quelques Jours était encore libre,
gèle avec une telle rapidité qu’il est possible maintenant d'aller à skis d’un
navire à l’autre.
De son côté, le détachement oriental signale que le mauvais temps
empêche de commencer les recherches pour tenter de retrouver les neuf
occupants de l’hydravion qui s’est perdu, il y a déjà huit jours, dans la
solitude glacée.
La mutinerie de la Santé
évoquée en Cour de Justice
qui reviennent chaque semaine à i
Hanoï. J’ai vu le général Morlière
qui a assumé les fonctions de com-
missatre de la République et qui est
allé jusqu'à la dernière minute à
l'extreme limite de la conciliation.
LES QUATRE PRESIDENCES
Le M. R. P.
se réunit aujourd’hui
Le comité directeur et les groupes
parlementaires du MR.P. se réunis
sent aujourd'hui à la salle des Ingé
nieurs civils. A Tordre du jour : les
quatre présidences et notamment la
présidence du gouvernement et la
présidence de la République. Il sem
ble que ce dernier problème surtout
doive retenir l'attention des délégués.
Quatre noms de candidats à l'Elysée
sont mis en avant : ceux de MM.
Francisque Gay, Champetier de Ri-
bes, Georges Bidault et Robert
Schuman. On retient cependant que
AL Francisque Gay, voici quinze
.jours. a manifesté l'intention de ne
pas briguer la succession de M. Al
bert Lebrun.
Georges Radici est condamné à mort
Georges Radici, milicien fanati- | condamner en quatre heures 28 dé.
1 alv vov Atincolante a onm-tenus de droit commun à la peine
réussit pas dans sa tâche, c’est
qu’elle sera au-dessus des forces
humaines >.
La question est de savoir dans
quelle mesure les Etats-Unis sont
disposés à aider l’Italie en la per
sonne de M. de Gasperi. Il est cer
tain que le gouvernement de
Washington, pour des raisons de
politique internationale, désire
renforcer la situation des chré
tiens-démocrates italiens. Il reste
à déterminer la forme et l’ampleur
de cette aide qui, pour des raisons
de politique internationale égale
ment, ne devra pas paraître favo
riser par trop un pays ex-ennemi
par rapport aux autres.
Sur les conversations qui se sont
engagées, on ne sait rien de pré
cis. Mais on ne risque guère de se
tromper en pensant qu’il s’agit, en
premier lieu, pour l’Italie, d’obtenir
un emprunt. On dit, d’autre part,
que les experts financiers améri
cains auraient recommandé à leurs
collègues italiens, accompagnant
M. de Gasperi, une dévaluation de
la lire. La parité actuelle de 225
lires pour un dollar et 900 lires
pour une livre serait portée à 400
et 1.600 respectivement. Evidem
ment, les forces d’occupation amé
ricaines et britanniques en tire
raient le même bénéfice que les
exportateurs italiens. D’autre part,
d’après des déclarations de M. Ma-
richella, directeur de la Banque
d’Italie, le gouvernement italien se
proposerait de demander la resti
tution des 72 tonnes d’or volées
par les Allemands en 1943 et ac
tuellement détenues par les Alliés.
La seule chose sûre, c’est que la
mission de M. de Gasperi, malgré
son caractère économique et fi
nancier, a surtout une importance
politique. Son succès peut consoli
der le président du Conseil et les
chrétiens-démocrates, comme son
échec peut ébranler définitivement
le tripartisme et favoriser les par
tis de gauche.
Claude VIVIERES.
que, aux yeux étincelants, a .com
paru hier devant la Cour de jus-
tice de la Seine, présidée par M.
Didier. Chef de cabinet de Max
Knipping, alors secrétaire général
au maintien de l’ordre, Radici
joua un rôle important dans la ré
pression sanglante qui devait clô
turer la mutinerie de la Santé le
14 juillet 1944.
On sait que 4.000 détenus de
droit commun s’emparèrent à cette
date des quartiers intérieurs de la
prison. Une seule grille les sépa
rait de la liberté, lorsque la Préfec
ture de police, les Allemands et la
Milice intervinrent. Après bien des
pourparlers, les mutins regagnèrent
leurs cellules. Mais les Allemands,
en pleine effervescence, exigèrent
aussitôt l’exécution de 400 otages
pris parmi lés meneurs. •
Knipping téléphona immédiate
ment à Vichy et obtint de Joseph
Darnand la constitution d’une cour
martiale. Radici devait y siéger et
VINGT MILLIONS
D’ALLEMANDS
VEULENT EMIGRER
Iront-ils en Russie, en Guyane
ou en Nouvelle-Guinée?
par Etienne MARAIS
Feu le Fuehrer n’avait cessé de
prêcher aux Allemands sa doctrine
de l’espace vital. L’Allemagne devra
s’étendre ou mourir, s’écriait-il à
la face du monde et, passant de la
pensée à l’action brutale, le pan
germanisme déchaîné réussit à
faire crouler le Reich millénaire
dans une mare de sang.
Or, Hitler est mort, dit-on, mais
ses néfastes théories, transformées
et adaptées aux besoins actuels,
continuent à hanter l’esprit des
Allemands, au moins de tous ceux
qui, hélas trop nombreux, n’ont
toujours pas compris. Si l’Allema-
gne ne peut plus étendre son es
pace vital au moyen de la force
conquérante, par des Anschluss et
des annexions, elle saura, peut-être,
conquérir « pacifiquement » des
pays qu’elle n’a pu subjuguer par
les armes.
Un de ces jeunes Allemands qui,
à la suite de la débâcle, ont en
core redoublé de fanatisme, entre
prend actuellement une campagne
d’ « éclaircissement » auprès des
correspondants étrangers à Berlin,
et notamment auprès des Suisses
de langue allemande, pour leur
suggérer un bien étrange projet :
« Il faut
leur dit Herr Karl
Stülpnagel
contre Hitler
Nous avons reçu de notre
confrère américain André Geof-
frey-Fraser la très intéressante let
tre que voici :
Voulez-vous me permettre, dans
l’intérêt de la vérité historique, de
corriger une impression erronée que
donne, dans l’ « Ordre » d'aujour-
d'hui, la manchette : « Quand le
général von Stülpnagel complotait
— un peu tard — contre Hitler. Le
20 Juillet 1944, à Paris » ?
Heinrich von Stülpnagel n’a pas
attendu 1944 pour s’opposer à Hit
ler ; il était déjà à l’œuvre en ce sens
en 1938. avec tout un groupe d’offi
ciers du grand état-major allemand.
Ce groupe m’avait déjà, en automne
1937, envoyé un certain M. Julius-
burger, qui, pendant toute la crise
tchécoslovaque, me tint informé jour
par jour des événements dans la
coulisse de la Bendlerstrasse. Par son
entremise, le général von Stülpnagel
me fit parvenir, en octobre 1938, le
résumé d'un aide-mémoire qui avait
été présenté à Hitler quelques heu
res avant la fameuse démarche de
MM Chamberlain et Bonnet, qui
nous mena à la honte de Munich. Ce
document, que je fis publier dans
l'excellente revue de mon ami Ber
nard Lavergne, P « Année politique
française et étrangère », indiquait,
avec raisons à l’appui, que l'état-ma-
Jor refuserait de suivre Hitler s’il
engageait une guerre sur deux fronts.
Les renseignements que me trans
mit Juliusburger en 1937 et 1938 fu
rent, avec le plein consentement de
Stülpnagel, communiqués par moi à
un service français competent ; on
laissait à ma discrétion l’usage jour
nalistique que j’en ferais Au mo
ment de la crise sudète, l'attirai là-
dessus l'attention particulière de M.
Georges Bonnet. Non seulement il ne
fut tenu aucun compte de ces infor
mations, mais lorsque Juliusburger
se fit connaître comme la source de
ces renseignements, il fut immédia
tement expulsé de France !
Dans mon journal, en date du 18
octobre 1938, je relève le passage
suivant :
« J... me dit que, si l’affaire tché
coslovaque avait mené à la guerre,
Stülpnagel et ses amis avaient l'in-
Lention de. faire un « putch ».
L'E.-M. aurait pris en mains le con
trôle des affaires militaires, tandis
qu’un gouvernement provisoire, com
posé d'éléments civils, aurait été
constitué. Hitler devait être liquidé,
le régime nazi renversé et on aurait
préparé des élections générales pour
une assemblée constituante en vue
d'élaborer une nouvelle Constitution
« démocratique ». La ligne générale
de ce groupe semble être celle du
général Schleicher, telle qu’il me
l’exposa longuement au cours de ma
dernière conversation avec lui, en
1933, quelques jours avant mon ar
restation. »
Je fais toutes les réserves possibles
sur l’orientation politique de Stülp-
magel, Oster, Canaris, Beck et les au
tres conjurés. Je suis loin de les croi
re des-agneaux pacifiques, mais, au
moins, leur nationalisme allemand
était tempéré d'un certain réalisme.
GEOFFREY FRASER.
RÉUNION
DU CONSEIL
DU PLAN
Importantes déclarations
des présidents Blum et Gouin
Le Conseil du plan s’est réuni
hier matin sous la présidence de
M. Léon Blum, président du gou
vernement provisoire, assisté de
M. Félix Gouin, ministre d’Etat,
président du Conseil du plan, et de
M. André Philip, ministre de l’Eco
nomie nationale et des Finances,
vice-président du Conseil du plan.
A cette réunion avaient été invi
tés les présidents des commissions
de modernisation, des six activités
de base et de la commmission du
bâtiment et des travaux publics.
Le Conseil a examiné le rapport
du commissaire général sur le pre
mier plan de modernisation et
d'équipement 1947-19'50 qui lui avait
été soumis à sa session du 27 no
vembre 1946.
Après une discussion générale a
laquelle ont participé notamment
les ministres présents ainsi que MM.
Frachon et Jouhaux, de la C.G.T.,
Tessier, de la C.F.T.C., Ricard, du
C.NPF. Lamour, de la C.e.A., Jo-
liot-Curie, Boris, Boulanger, Gin
gembre, Waldeck-Rochet, Lierman,
le Conseil a adopté à l’unanimité le
plan de modernisation et d’équipe
ment et a décidé, en particulier, de
recommander au gouvernement
l’engagement immédiat des pro
grammes de production et d’equi-
pement des six activités de base
pour 1947-1950 : houillères, électri
cité, sidérurgie, ciment, machinisme
agricole et transports ; et renga
gement des programmes d’ensem
ble de 1947 après leur mise au point
définitive.
L’EXPÉRIENCE BLUM
ALLOCUTION
de m. A. Gazier
Mendiants
à l’américaine
Après avoir présidé le conseil
du Plan. M. Léon Blum a fait à la
| presse la déclaration suivante :
A.vec M. Félix Gouin, j’ai pré
sidé le conseil du Plan.
Des décisions extrêmement im
portantes y ont été prises ou vont
en découler.
Dans l’œuvre de restauration éco
nomique à laquelle le gouverne
ment essaie, en ce moment même,
d’apporter sa propre contribution,
le plan est non seulement partie
intégrante, mais très probablement
la pièce essentielle.
, Il ( a en effet pour objet cet ac
croissement de la production et de
(Lire la suite en troisième page.)
Voici le texte de l’allocution ra
diodiffusée qu’a prononcée hier soir
M. Albert Gazier, secrétaire d’État
à la présidence du Conseil :
L’entreprise de baisse des prix
entreprise par le Gouvernement
réussira. Elle réussira parce que le
Gouvernement agit avec opiniâ
treté en usant de tous les moyens
dont il dispose. Elle réussira parce
qu’elle correspond aux aspirations
de l’ensemble de la population
française, parce qu’elle répond aux
vœux que chacun de vous formu
lait tout bas depuis longtemps.
Les salariés, les industriels, les
commerçants et les agriculteurs se
disaient : « J’aimerais mieux que
mes revenus ne soient pas augmen
tés et que les prix baissent », mais
ils ajoutaient: « Qui commen
cera ? Qui osera ? » Ils se décou
rageaient de mois en mois devant
ce qui leur apparaissait comme une
sorte de fatalité de la hausse con
tinue.
Maintenant, le cercle fatal se
brise, le courant s’inverse, l’espoir
renaît.
La hausse, c’est l’enrichissement
du spéculateur et l’appauvrissement
de celui qui produit. La Hausse,
c’est la prime à la paresse, aux ac
tivités parasitaires, au stockage. La
baisse, c’est l’encouragement à ven
dre vite; c’est la primauté rendue à
l’initiative, à la recherche et à
l’effort.
Le Conseil des ministres a pris
le décret historique du 2 janvier
1947. Un décret est un acte indis
pensable par lequel s’exprime une
décision gouvernementale. Mais
tout seul un décret ne serait qu’un
texte suivant d’autres textes, un
papier parmi d’autres papiers. Le
Gouvernement n’a point voulu se
contenter de. lancer en circulation
un document juridique, puis l'aban
donner à la bonne volonté de l’opi
nion.
L’appareil de contrôle est entré
en action. D’abord pour conseiller,
renseigner, avertir, puis pour punir
ceux qui n’observeraient pas la ré
glementation des prix. Vous n’êtes
plus seuls devant les prix. L’Etat
par son contrôle, les syndicats par
leurs commissions de surveillance,
sont à côtés de vous. Si vous cons
tatez un refus d’appliquer la baisse
de 5 pour 100, vous, ménagère,
cliente d’Un commerçant, vous,
(Lire la suite en troisième page.)
Ils étaient deux mendiants, deux
bons bougres mal vêtus de vieux blou
sons et de pantalons déchirés retenus
par des ficelles, chaussés de trous en
tourés de restes de souliers, qui lon
geaient la rue où j’habite, s’arrêtant
d chaque porte. Comme ils avaient de
bonnes têtes et qu’ils étaient deux —
ave^-vous remarqué que l’on préfère
toujours deux mendiants à un seul !
— les pièces et les petits billets tom
baient dru.
—Merci bien, M’siews Dames, mais
on est aussi des artisses.
Et ils exhibaient des petits tableau
tins —- charmants d’ailleurs — qu’ils
cédaient à l’aimable clientèle au prix
de 200 francs moins 5 % ; 190 francs.
Le député dont j’ai l'honneur de
partager l’hôtel s'allia au gérant pmi
en acheter un savant de s'en aller
prendre démocratiquement le métro
car il n’a pas de voiture : ce détail
a son importance. t
Et je suivis machinalement mes
de u x loustics sonnant conscencieuse-
ment à toutes, les portes en faisant
tinter les pièces dans leur chapeau.
Je les vit bientôt enfiler très rapi
dement une rue sans s’arrêter, sans
secouer la sébile de feutre : qu’arri-
vait-il T avaient-ils « senti » un
agent ! non, je ne voyais rien ; pour
tant ils n’étaient point encore passés
là ; cette rue, dans leur argot, était
« vierge ».
Ils arrivèrent sur une petite place
où stationnait une voiture, une vieille
Citroen encore acceptable et qui, ma
foi, par ces temps ferait bien mon
affaire. Je les rejoignis comme ils
s’y installaient : les deux mendiants
étaient en train de voler une auto !
Naïf que j’étais !
— Dis donc, Chariot, faudra qu’on
s’paye un antivol.
— C’est vrai, on peut plus êt’tran-
quille ,y a des voleurs partout.
—’ Où qu'on va malnt’nant !
— Du côté d’Austertitæ, il y a deux
mois qu’on n’y a pas été.
Et la voiture démarra, emportant
deux mendiants français qui, mieux
qu’en Amérique, roulent en voiture
alors que bien des gens aisés aspirent
à ce luxe.
Encore stupéfait je me drigeai
vers mon restaurant ; là j’hésitai
les biftecks étaient chers.
Comme dans un cauchemar une
main sale et tremblante se tendit vers
moi : l homme était vieux, malade et
je lui demandai, avant de lui tendre
une pièce :
, — Avez-vous votre permis de con
duire I
Il me regarda en clignant des yeux
et me répondit tout doucement, comme
en ayant pe“r de me contrarier.
— J "sais pas faire de. vélo !
Chanc'^n lui donna et je pensai
qu’au moins celui-là achèterait du
pain avec ‘ notre argent.
Son petit tour fini il compta sa
ywnnaie; puis s’assit à une table et
appela la servante.
— Lucie, un bifteck aux pofumes !
FRANC K-DOM INIQUE.
de mort sur les 50 qui furent dé
férés à ce tribunal, véritable cari-,
cature de la justice.
Que peut répondre aujourd’hui
l’accusé ?
— Mon rôle a été essentiellement
modérateur, déclare Radici. Sans
notre intervention auprès des auto
rités allemandes, il aurait fallu dé
plorer 400 fusillés au lieu de 28.
Mais le président Didier lui ré
torque que les détenus, au regard
de la loi, n’étaient coupables que
du délit de bris de prison, passible
au maximum de la peine de cinq
années d’emprisonnement.
Le 17 aôût 1944, Radici quittait
Paris pour s’engager dans la bri
gade « Charlemagne », mais il
aurait refusé de commander ses
hommes en Allemagne et il donna
sa démision. « J’étais Français
avant tout ! »
Spécialement extraits de Fresnes
pour la circonstance, Max Knip
ping et Jean Bassompierre, chef
régional de la Milice, tous deux en
instance de jugement, confirment
à la barre la défense de l’accusé."
Maurice Hennequin, ex-directeur
de la police municipale, qui attend
de comparaître devant la Cour de
justice, présente enfin la mutinerie
de la Santé comme une affaire
sans gravité, semblable à un « beau
chahut d’étudiants ».
Mais les jurés n’oublient pas les
28 fusillés et, après réquisitoire du
commissaire du Gouvernement
Cénac et plaidoirie de Me Zurfluh,
condamnent Georges Radici à la
peine de mort.
Emile VIGOUROUX.
Le parti communiste italien
compterait
2.166.448 adhérents
Rome, 7 janvier. - Oh annonce de
Florence, ouse tient actuellement
une réunion d'organisation du parti
communiste italien, que le parti s’est
augmenté en 1946 de 445.000 membres
ce qui’ porte à 2.166.448 le nombre
total de ses adhérents.
Les Etats-Unis
et le Moyen-Orient
Djeddah, 7 janvier. —: L roi
Seoud visitera le 12 janvier le grand
Ibn
centre américain de Dahran situé sur
le golfe Persique. H sera pendant une
dizaine de jours l’hôte des compagnies
pétrolières américaines.
. Dahran devient en même temps
que le plus grand aérodrome améri-
bain dans le Moyen-Orient, le point de
départ des pipe-lines qui vont traver
ser le désert vers la Méditerranée, et
une véritable ville américaine dont
l’importance économique et stratégi
que sera capitale pour l’avenir de tout
l’Orient.
Heinz Schmidt-Norton (tel est le
nom du jeune émule de Hitler) —
H faut absolument que vingt mil
lions d’Allemands soient autorisés
à émigrer, et cela dans le plus bref
délai, si l’on veut empêcher que
la catastrophe de l’Allemagne
n’entraîne celle du monde entier. »
20 millions d'Allemands, donc
près du tiers de toute la population,
devront émigrer, puisque le Grand
Reich, après les coupures qu’il a
subies, étouffe dans la ceinture
que les vainqueurs lui ont trop
serrée. Où trouver l’espace vital
dont ces 20 millions d’Allemands
auraient besoin ? Herr Schmidt-
Norton préconise une solution qui,
certes, ne manque pas d’audace :
« Transférons-les en Russie, seul
pays d’Europe qui a suffisamment
d'espace pour les caser... Cepen
dant, ajoute-t-il, nous ne voulons
pas que nos compatriotes soient
éparpillés à travers cet immense
pays, Nous demandons, au con
traire, qu’ils constituent, à l’inté
rieur de la Russie, un Etat indé
pendant. »
Dans la courageuse revue
« Deutsche Rundschau », M. Ru
dolf Pamperrien, examinant « les
possibilités de vie du peuple alle
mand », arrive à conclure que l’Al
lemagne ne pourra plus nourrir
ses 68 millions d’habitants compri
més sur une superficie de 380.090
kilomètres carrés, et, dans l'impos-
sibilité d’importer en quantités né
cessaires les vivres dont elle aura
besoin, sera amenée à rechercher
un débouché pour le trop-plein de
sa population. Où ces Allemands,
qui désirent émigrer, trouveront-ils
cet espace vital ?
M. Pamperrien tourne tout
d’abord son regard vers l’Améri
que du Sud qui ne manque pas d’es
pace libre, mais il doute que les
grands pays de ce continent soient
disposés à accueillir une immigra
tion massive de ses compatriotes.
Mieux vaudrait, peut-être, pense
l’auteur, diriger cette colonisation
allemande sur les trois Guyanes
qui, « telle la Belle au bois dor
mant », se réveilleraient sous le
baiser du prince charmant accouru
tout droit des bords du Rhin.
Cependant, la solution qui, parmi
toutes les autres, tente le plus M.
Pamperrien, s’appelle : la Nouvelle-
Guinée. Située au nord de l’Aus
tralie, cette île, d’une superficie de
785.000 kilomètres carrés, et peu
plée seulement d’un million d'hom-
mes environ, se prêterait, croit-il,
tout particulièrement à l’immigra
tion allemande. Et voici les argu
ments qu’il cite en faveur de sa
suggestion, arguments des plus
caractéristiques pour la mentalité
d’un Allemand « post-hitlérien » :
1. Tous les territoires habités par
des Allemands, et surtout la mère
patrie, se trouvent si loin qu’il n’y
a guère lieu de craindre une me
nace allemande de la part de la
Nouvelle-Guinée germanisée et,
2. Une fois colonisée par les Al
lemands, la Nouvelle-Guinée pour
rait servir à l’Australie de pare-
choc contre la pression constante
exercée par la population de race
jaune.
Gœthe a dit ce mot acerbe au
docteur Riemer : « Ce peuple, que
la grâce n’a pas touché, finira mal.
car il ne veut point voir ce qu’il
est vraiment. Je parie que le des
tin l’abattra parce qu’il s’est trahi
lui-même, et dispersera les Alle
mands à travers la terre, comme
les juifs l’ont été : c’est dans l’exil
qu’ils développeront toutes les qua
lités qui leur sont propres. »
Un abîme ne sépare-t-il pas la
pensée du plus grand des indivi
dualistes que l'Allemagne ait pro
duits du vœu d’un Pamperrien tout
imprégné encore de la mentalité
totalitaire ? Tandis que l’auteur de
« Faust » prévoit, dans un rêve pro
phétique, le jour où les Allemands
seront amenés à se disperser à tra
vers le monde, individuellement ou
par petits groupes, le collaborateur
d’une revue allemande de 1946 ne
voit la dernière chance de son
peuple que dans une émigration
massive, une émigration par mil
lions vers un seul pays. A quelle
fin ? Sans doute pour qu’une autre
Allemagne se lève, une deuxième
patrie qui, un jour, pourrait « ser
vir de pare-choc contre la pression
de la race jaune ».
Ah ! ces Allemands qui, aujour
d’hui, se disent et, peut-être, se
croient même, loin de toute in
fluence hitlérienne, ils ne savent
pas combien leur esprit en est en
core trempé !
LES CHRONIQUES DE L’a ORDRE»
MOINEAU
ou les hasards de la vertu
par Michel GEORGES-MICHEL
LA QUOTIDIENNE
Aide-toi, le ciel f aidera !
Quelque que puisse être le sort
final réservé à la tentative de Léon
Blum, elle aura eu le mérite de
l’effort, de l’initiative, quelqu’un
aura enfin osé entreprendre quel
que chose et ce serait déjà beaucoup
si sans aboutir à la baisse, on réus
sissait à ne pas rendre la hausse
inéluctable. Si, surtout, on apprenait
aux uns et aux autres à la redouter.
Si, à la mystique de l’accroissement
perpétuel des prix, on parvenait à
substituer dans les classes commer
ciales, la crainte des chutes verti
cales. Si, le crédit se resserrant, les
cordons qui lient les bourses et les
liens qui retiennent les stocks se
desserraient.
Il va sans dire que la classe pay
sanne, si cupide hélas ! a elle aussi
son rôle à jouer. Il va sans dire
également, qu’à côté du commerce
en gros qui, lui, se rend assez volon
tiers aux objurgations gouverne
mentales, toute une partie du petit
commerce parisien durait grand be
soin d’être secoué d’importance car,
en dépit de ce qu’impriment les
journaux, il se rend avec mauvaise
grâce à l’obligation des 5 pour 100.
Dans mon quartier le cordonnier
déclare qu’il abaissera ses prix
« lorsque les autres en feront au
tant », la teinturière qu’elle ne
manquera pas d’y songer prochai
nement, et ces réponses au lieu de
susciter la réprobation de la clien
tèle ne recueillent que des sourires.
Hier au théâtre, j’entendais un
spectateur qui devant le program
me à 14 fr. 25 (au lieu de 15 fr.)
s’exclamait et disait au vendeur :
« Ils sont fous ! » Mais c’était lui
qui l’était et, avec lui, tous ces
consommateurs, ces acheteurs, ces
cochons de payans, ce public enfin
qui proteste, grogne, maudit ses
gouvernants mais trouve spirituel,
quand on veut venir à son secours,
d’aider le voleur contre le gendar
me et par ses lâches complaisances
favorise les maux dont il souffre.
Pierre LCWEL.
1920. Terrasse du Fouquet.
— Comment que ça va ?... Vous me prenez un
bouquet, dites, monsieur, j’vous en pousserai une...
— Barre-toi, voici les flics !
La môme Moineau lance un regard derrière elle,
soudain empoigne ses jupes, serre ses fleurs, et, les
mollets à l’air, traverse en courant les Champs-Ely
sées afin de se mettre à l’abri dans l’autre district...
1930. Casino de Deauville. Grande salle des
soupers. Dans le théâtre de verre lumineux, des dan
seurs à panache s’évertuent. Sur la piste, des fem
mes à qui l’on a cousu des diamants sur la peau, sur
les robes, sur le derrière, pâment ou croient, entre
les bras de leurs danseurs, « déménageurs » profes
sionnels à un billet le quart d’heure. Les autres man
gent, tout simplement, comme à la table où arrive
la nouvelle venue ;
— Comment que ça va ?..
Elle tend sa main comme Raquel Meller quand
celle-ci offrait des violettes, avec hésitation, l’avan
çant et la reprenant plusieurs fois.
On l'accueille, car elle porte une robe de la rue
de la Paix et un peu plus de diamants que les dan
seuses.
— Bonsoir la môme Moineau, assieds-toi. Une
coupe de champagne ?
— Oui. mais si vous permettez, c’est moi qui
l’offre...
— D’accord, mais tu vas nous en pousser une...
— Je veux bien m’asseoir, mais je ne peux pas
chanter ici. Et ça déchire ma robe, tellement je m’y
mets. C’est pas qu’elle vaille grand’chose. Quelques
dizaines de mille que me la laisse Jenny. C’est mon
prix. Mais je n’aime pas gâcher la marchandise, pas !
1 j'en claque assez avec ma. Packard, quand je
iduis. C’est une voiture que j’ai rapportée d'Amé-
con»
rique- A mille dollars par semaine qu’était mon
contrat, même sans amant, je pouvais me payer ça.
Et comme sur mon contrat il y avait marqué « La
Môme Moineau avec ses bagages », j’ai dit : « La
voiture, c’est mes bagages, tant pis si ça fait cha
virer le paquebot. » Moi, j’ai toujours été roublarde,
même avec les sergents de ville, quand ils m’avaient
pincée et que pour me libérer je devais leur chanter
une chanson. Eh bien ! je les refaisais d’un cou
plet ! S’ils l’avaient su... Quelle rigolade quand ils
me retiraient du violon. Mais il ne faut pas croire
que je sois de mauvaise famille. Je suis née à Reims,
dans une roulotte, s'il-vous-plaît, car ma mère était
Belge et mon père de Saint-Quentin. Je ne suis plus
avec mon père, mais il gagne bien sa vie. Il a des
marchés entiers et ma mère une petite maison que je
lui ai achetée à Montparnasse. Mon vrai nom, c'est
Lucienne Dhotelle, pas meublé, qu’on ajoutait...
C’est Fischer qui m’a trouvé ce nom de Moineau un
jour que je m’étais laissée tomber du cul d’une voi
ture où je m’étais accrochée et qu’il m’a ramassée.
Ensuite, il y a eu l’Olympia et mon premier amant,
le fils du dessinateur rosse. Après ça a été Bob, qui
m’a bien fait souffrir et chanter dans son café.
Après, un gentil acteur qui jouait L’Aiglon. Et ce
lui que j’ai- Ça fait quatre amants en tout, c’est pas
trop. C’est le chiffre qu’avouait la Belle Otéro.
Mais je vous fais perdre votre temps. Allez, je paie
une autre bouteille de champagne. Non, vous ne
voulez pas ? Oh ! j’ai les moyens...
1938. La nuit de Longchamp. On fait cercle
autour d’une belle créature aux muscles solides, aux
pommettes rouges et qui tend ses mains comme aux
baisers, mais des mains littéralement couvertes de
bijoux.
— Hein ? Crois-tu ? Qui aurait dit ça !
— Mais ne les montre pas ainsi... môme Moi-
neau !...
— Mais si, ça -fait rogner les poules, celles qui
m’achetaient pas de fleurs, dans le temps...
1941. Porto-Rico. San-Juan Hôtel Normandy,
le plus beau des Antilles. Mais je connais cette
petite bonne femme-là... »
— Comment que ça va ?...
— Mais c’est la môme Moineau ! .Jusqu’où la
guerre a-t-elle chassé les moineaux de Paris !
— Mais oui, c’est moi, et cet hôtel il est à moi,
et les champs de tabac qui sont autour et jusqu’au
bout de l’île, ils sont à mon mari, un type épatant,
architecte, ingénieur, planteur et qui m’a épousée
parce qu’il aime les Françaises. Je suis maintenant
Mme Rexash, mais toujours la môme Moineau. J’ai
une chambre avec des tableaux anciens. Je pars
pour New-York. Venez avec moi. On va apporter
des malles de cigares à tous les Français qui sont
là-bas. Et puis j’ai envie de voir des bars même s’il
n’y a pas de marchandes de fleurs. J’ai retenu un
appartement au San Regis, le plus snob hôtel de la
ville. De quoi rigoler en regardant les cops qui vous
ouvrent les portières.-. Mais sérieuse, hein. Faut
penser à ma situation...
1947. Paris. 1 Les journaux annoncent que des
cambrioleurs ont volé 85 millions des bijoux de la
môme Moineau...
d’EmikeSuvé
LE MESSAGE
DE M. TRUMAN
Je ne partage pas l’opinion de ceux qui tiennent le président
Truman pour un président de circonstance de la plus médiocre
qualité. Son dernier message résumé hier par l’Ordre n’est pas
pour me donner tort. Ses adversaires républicains prétendent,
après avoir entendu ce message, qu’il s’est rapproché d’eux, et
il soutient, lui, qu’ils ont fait un pas et même plusieurs dans sa
direction. C’est très bien ainsi.
A la vérité, maintenant que l’isolationisme n’a plus de par
tisans avoués parmi les hommes politiques américains, on ne
voit plus très bien ce qui sépare en Amérique le républicain
moyen du démocrate moyen. L’un et l’autre ont eu, au lende
main de la guerre, même conscience de la puissance américaine,
l’un et l’autre souhaitent qu’elle s’accroisse encore et sont dis
posés pour cela à faire ensemble de leur mieux dans tous les
domaines, dans le domaine politique comme dans le domaine
militaire, comme dans le domaine social. C’est ce dernier do
maine qui leur donne immédiatement le plus de tourment. Les
syndicats ouvriers se montrent prêts à défendre les conquêtes
du New Deal rooseveltien auxquelles les patrons ne se sont ja
mais résignés et il convient au-dessus d’eux, en tenant compte
de l’esprit libertaire américain, d’imposer une législation du
travail favorable à l’intérêt national désormais sacré. Le repré
sentant du Tennessee, Jennings, s’écriait récemment, traduisant
sans nul doute l’opinion de la majorité de ses collègues : « La
seule union dans ce pays qui doive être au-dessus des autres,
c'est l’union des 48 États », mais c’est plus facile à dire qu’à
faire.
’ Si l’on craint la grève, il faut en arriver à l’arbitrage obli
gatoire qui suppose non seulement un arbitre incontesté, mais
des commissions d’enquêtes allant au fond des choses qui ne
sont agréables ni aux patrons ni aux ouvriers, et depuis des
mois Sénat et Chambre échangent ainsi des bills de réformes
sociales sans résultat décisif. Les grèves ont cessé, mais non pas,
selon moi, tant à cause des menaces qui pesaient sur les leaders
syndicalistes qui les avaient déclenchées qu’à cause de la fatigue
et aussi, il faut le dire, du bon sens des grévistes et de leurs
familles.
En Amérique, on semble chez nous l’ignorer, Franklin Roose
velt, animateur du New Deal, ne fut pas mieux traité par les
hommes de droite américains que Léon Blum, leader du Front
Populaire, par les hommes de droite français. Le leader d’un
journal américain anarchiste, devenu férocement conservateur,
me disait un jour, parlant de lui : « Vous l’aimez Roosevelt ?
Naturellement. puisque vous êtes Français. Eh bien ! c’est une
affreuse canaille, quand il a une place à offrir, il l’offre à huit
personnes, puis il la donne finalement à une neuvième et on
enregistre deux ou trois suicides ! »
L’audace de Franklin Roosevelt, qui sortit l’Amérique de la
détresse économique, fut, dans le domaine social, plus grande
certainement que celle de Léon Blum. Il admit d’abord un droit
de grève sans limite ou presque. Sous' son règne, le picketing
notamment fut légalisé, qui permet d’interdire, au moyen de
« piquets de grévistes », l’entrée des usines en grève non seule
ment à tout ouvrier indépendant mais à toute personnalité étran-
gère^. même par la violence.
En mars 1942, les hommes chargés d’organiser les piquets,
lors d’une grève de camionneurs, arrêtaient à leur entrée à New-
York les camions venant de 'New-Jersey, conduits par des « jau
nes » ; ils les forçaient à leur remettre le montant d’une journée
d’ouvrier syndiqué, faute de quoi ils les contraignaient à re
brousser chemin..La Cour Suprême, saisie de leur cas, leur donna
raison à la majorité. Qu’eût-on dit chez nous si un pareil arrêt
avait été rendu par un pareil tribunal ?
Les républicains, vainqueurs aux dernières élections, visent
à revenir sur les droits qu’ils jugent abusifs dont jouissent les
unions ouvrières à contrôler leurs fonds pour prévenir leur
emploi dans les luttes électorales. Ils veulent, disent-ils, que pa
trons et ouvriers soient égaux devant la loi, selon le principe
démocratique, mais hélas ! la révolution du machinisme con
trarie à tout instant ce principe et-de là leur embarras.
M. Truman, qui appartient à la droite du parti démocrate,
ne se dissimule pas la difficulté de leur tâche. Il les invite, dans
son message, à la modération, à la prudence, non sans raison.
Actuellement les travailleurs américains ne se préoccupent que
de leurs salaires, de leur confort, mais ils pourraient bien élever
un jour le débat. Dans ma jeunesse, j’ai rencontré au congrès de
T Internationale socialiste d’Amsterdam deux socialistes améri
cains, Morris Hilquit et Daniel de Léon, en lutte d’autant plus
ardente que les organisations qu’ils représentaient étaient plus
faibles. Ils ont disparu. La dernière organisation sociale a som
bré avec Norman Thomas dans l’objection de conscience et s’il
s'est formé un parti communiste, il ne compte pas beaucoup
d’adhérents. Il noyaute, assure-t-on, les unions ouvrières, mais
jusqu’alors son noyautage n’est pas très sensible. Cela est de
nature à rassurer les représentants politiques du capitalisme,
républicains ou démocrates. Mais les esprits avertis engagent
néanmoins ceux-ci à se méfier. Certains comités d’intellectuels,
réunissant écrivains, artistes et professeurs, interviennent à toute
occasion dans les débats sociaux et ils n’ignorent rien, eux, de
Marx et du marxisme.
19-Annbe .Nouvene Sere J# fis 4 FEANeS
Mercredi 8 janvier 1947 Z
- * A) A-------------------------
ORDRE
(Directeur politique < Émile BURÉ
Rédaction, Nministration 131, Rue Tronchet . (Publicité S Régie-Presse, 65,Champs-Elysées
Anjou 1 86-40 -- 4 lignes Après 21 heures : TRUdaine 65-96
“Nous ne céderons jamais
à la violence " déclare m. MOUTET
à la veille de son départ d’Indochine
"L’armée est le principal artisan
d’une solution de paix
déclare le général LECLERC
Saigon, 7 janvier. — A la veille
de son départ, M. Marius Moutet,
ministre de la France d’outre-Mer,
a fait ce soir les déclarations sui
vantes :
Je vais quitter Saigon pour rendre
compte au gouvernement de la mis
sion qu’il, m’a confiée. J’ai visité
presque toute. l’Indochine. A Battam-
bang, dans le territoire restitué par
le Siam j’ai constaté la joie de la po
pulation. Au Cambodge, au "Laos,
dans le pays Mois, j’ai été reçu d’une
façon touchante par des peuples
amis qui savent que la France ne les
abandonnera pas.
A Saïgon, je me suis longuement
entretenu avec le haut commissaire,
avec le nouveau gouvernement co-
chinchinois, avec tous ceux qui ont
désiré me voir et exposer leur point
de vue quel qu’il fut. Ma porte a été
ouverte à tous.
Je suis aussi allé à Hanoï où j’ai
vu l’image même de la guerre. Une
ville jadis florissante est aujourd’hui
terriblement ravagée. A l’hôpital
Yersin et dans les centres d’accueil,
j’ai vu la malheureuse population
annamite, victime de cette calamité.
A l'hôpital Lanessan, j’ai vu nos bles
sés et le long du mur de l’hôpital
j’ai salué les tombes des trop nom
breuses victimes civiles françaises
massacrées sans défense dans l’agres-
siondu 19 décembre, et, tout à côté,
celles de nos soldats tombés en
combattant.
J’ai vu l’Institut Pasteur ravagé
son œuvre scientifique et humani
taire anéantie systématiquement.
Son activité bienfaisante paralysée
pour de longs mois. J’ai pu aller
jusqu’aux avant-postes où j’ai vu
nos jeunes soldats pleins ' d’un cou
rage et d’une détermination magni
fique. Au palais du gouvernement
général je me suis entretenu avec lé
commissaire de le République, M.
Sainteny, l'homme des accords du
6 mars, qui, bien qu'lncomplètement
remis de ses graves blessures, a re-
pris'son poste et se préoccupe de
ravitailler les milliers d'habitants
Je n’ai pas vu le gouvernement du
Viêt-Nam et pour cause. Il a quitté
Hanoï le‘19 décembre et se trouve
quelque part je ne sais où. S’il avait
eu des propositions à faire 11 lui
était loisible d’envoyer un plénipo
tentiaire ou bien d'employer d’autres
moyens. En fait il a déclenché la
lutte et ses émissions de radio n’ont
d’autre objet que d’alimenter la pro-
pagande.
(Lire la suite en troisième page)
M. de Gasperi
aux Etats-Unis
L* Amérique entend-elle
aider la 'jeune Italie”?
Comme nous avons été les pre
miers à l’annoncer dans la presse,
M. Alcide de Gasperi, président du
Conseil italien, s’est rendu à
Washington sur l’invitation du
gouvernement des Etats - Unis.
L’ambassade d’Italie a donné « la
plus grande réception qui ait eu
lieu depuis dix ans », et M. de Gas
peri a été ensuite, au Mayflower
Hôtel, l’hôte de M. Byrnes, qui lui
a porté un toast chaleureux, disant
< qu’il n’y a pas. en Italie, d’hom
me de plus de fermeté et de cou
rage que M. Gasperi et que, s’il ne
UNE PARTIE DE L’EXPEDITION BYRD
est bloquée par les glaces du Pôle Sud
A bord du « Mount Olympus », 7 janvier. — L'intervention rapide du
brise-glace a North-Wind », à la suite d’un appel de détresse du sous-
marin « Sennet », a évité de Justesse à ce submersible d’être broyé entre
d’énormes icebergs. L'amiral Cruzen a immédiatement donné l’ordre au
« Sennet » de sortir du « pack » et de se rendre à la base de la terre
de Stottis, d’où il sera par la suite convoyé jusqu’à la Petite-Amérique, où
l’on compte l’utiliser à des expériences sous-marines.
Le détachement de l’amiral Cruzen, qui tente de rejoindre la Petite-
Amérique, est pratiquement immobilisé par les glaces. Les cargos
« Yancey » et « Merrik » sont déjà complètement emprisonnés et l’amiral
a donné l'ordre à tous les navires de surface de poursuivre leur route
aussitôt que possible. La mer qui, il y a quelques Jours était encore libre,
gèle avec une telle rapidité qu’il est possible maintenant d'aller à skis d’un
navire à l’autre.
De son côté, le détachement oriental signale que le mauvais temps
empêche de commencer les recherches pour tenter de retrouver les neuf
occupants de l’hydravion qui s’est perdu, il y a déjà huit jours, dans la
solitude glacée.
La mutinerie de la Santé
évoquée en Cour de Justice
qui reviennent chaque semaine à i
Hanoï. J’ai vu le général Morlière
qui a assumé les fonctions de com-
missatre de la République et qui est
allé jusqu'à la dernière minute à
l'extreme limite de la conciliation.
LES QUATRE PRESIDENCES
Le M. R. P.
se réunit aujourd’hui
Le comité directeur et les groupes
parlementaires du MR.P. se réunis
sent aujourd'hui à la salle des Ingé
nieurs civils. A Tordre du jour : les
quatre présidences et notamment la
présidence du gouvernement et la
présidence de la République. Il sem
ble que ce dernier problème surtout
doive retenir l'attention des délégués.
Quatre noms de candidats à l'Elysée
sont mis en avant : ceux de MM.
Francisque Gay, Champetier de Ri-
bes, Georges Bidault et Robert
Schuman. On retient cependant que
AL Francisque Gay, voici quinze
.jours. a manifesté l'intention de ne
pas briguer la succession de M. Al
bert Lebrun.
Georges Radici est condamné à mort
Georges Radici, milicien fanati- | condamner en quatre heures 28 dé.
1 alv vov Atincolante a onm-tenus de droit commun à la peine
réussit pas dans sa tâche, c’est
qu’elle sera au-dessus des forces
humaines >.
La question est de savoir dans
quelle mesure les Etats-Unis sont
disposés à aider l’Italie en la per
sonne de M. de Gasperi. Il est cer
tain que le gouvernement de
Washington, pour des raisons de
politique internationale, désire
renforcer la situation des chré
tiens-démocrates italiens. Il reste
à déterminer la forme et l’ampleur
de cette aide qui, pour des raisons
de politique internationale égale
ment, ne devra pas paraître favo
riser par trop un pays ex-ennemi
par rapport aux autres.
Sur les conversations qui se sont
engagées, on ne sait rien de pré
cis. Mais on ne risque guère de se
tromper en pensant qu’il s’agit, en
premier lieu, pour l’Italie, d’obtenir
un emprunt. On dit, d’autre part,
que les experts financiers améri
cains auraient recommandé à leurs
collègues italiens, accompagnant
M. de Gasperi, une dévaluation de
la lire. La parité actuelle de 225
lires pour un dollar et 900 lires
pour une livre serait portée à 400
et 1.600 respectivement. Evidem
ment, les forces d’occupation amé
ricaines et britanniques en tire
raient le même bénéfice que les
exportateurs italiens. D’autre part,
d’après des déclarations de M. Ma-
richella, directeur de la Banque
d’Italie, le gouvernement italien se
proposerait de demander la resti
tution des 72 tonnes d’or volées
par les Allemands en 1943 et ac
tuellement détenues par les Alliés.
La seule chose sûre, c’est que la
mission de M. de Gasperi, malgré
son caractère économique et fi
nancier, a surtout une importance
politique. Son succès peut consoli
der le président du Conseil et les
chrétiens-démocrates, comme son
échec peut ébranler définitivement
le tripartisme et favoriser les par
tis de gauche.
Claude VIVIERES.
que, aux yeux étincelants, a .com
paru hier devant la Cour de jus-
tice de la Seine, présidée par M.
Didier. Chef de cabinet de Max
Knipping, alors secrétaire général
au maintien de l’ordre, Radici
joua un rôle important dans la ré
pression sanglante qui devait clô
turer la mutinerie de la Santé le
14 juillet 1944.
On sait que 4.000 détenus de
droit commun s’emparèrent à cette
date des quartiers intérieurs de la
prison. Une seule grille les sépa
rait de la liberté, lorsque la Préfec
ture de police, les Allemands et la
Milice intervinrent. Après bien des
pourparlers, les mutins regagnèrent
leurs cellules. Mais les Allemands,
en pleine effervescence, exigèrent
aussitôt l’exécution de 400 otages
pris parmi lés meneurs. •
Knipping téléphona immédiate
ment à Vichy et obtint de Joseph
Darnand la constitution d’une cour
martiale. Radici devait y siéger et
VINGT MILLIONS
D’ALLEMANDS
VEULENT EMIGRER
Iront-ils en Russie, en Guyane
ou en Nouvelle-Guinée?
par Etienne MARAIS
Feu le Fuehrer n’avait cessé de
prêcher aux Allemands sa doctrine
de l’espace vital. L’Allemagne devra
s’étendre ou mourir, s’écriait-il à
la face du monde et, passant de la
pensée à l’action brutale, le pan
germanisme déchaîné réussit à
faire crouler le Reich millénaire
dans une mare de sang.
Or, Hitler est mort, dit-on, mais
ses néfastes théories, transformées
et adaptées aux besoins actuels,
continuent à hanter l’esprit des
Allemands, au moins de tous ceux
qui, hélas trop nombreux, n’ont
toujours pas compris. Si l’Allema-
gne ne peut plus étendre son es
pace vital au moyen de la force
conquérante, par des Anschluss et
des annexions, elle saura, peut-être,
conquérir « pacifiquement » des
pays qu’elle n’a pu subjuguer par
les armes.
Un de ces jeunes Allemands qui,
à la suite de la débâcle, ont en
core redoublé de fanatisme, entre
prend actuellement une campagne
d’ « éclaircissement » auprès des
correspondants étrangers à Berlin,
et notamment auprès des Suisses
de langue allemande, pour leur
suggérer un bien étrange projet :
« Il faut
leur dit Herr Karl
Stülpnagel
contre Hitler
Nous avons reçu de notre
confrère américain André Geof-
frey-Fraser la très intéressante let
tre que voici :
Voulez-vous me permettre, dans
l’intérêt de la vérité historique, de
corriger une impression erronée que
donne, dans l’ « Ordre » d'aujour-
d'hui, la manchette : « Quand le
général von Stülpnagel complotait
— un peu tard — contre Hitler. Le
20 Juillet 1944, à Paris » ?
Heinrich von Stülpnagel n’a pas
attendu 1944 pour s’opposer à Hit
ler ; il était déjà à l’œuvre en ce sens
en 1938. avec tout un groupe d’offi
ciers du grand état-major allemand.
Ce groupe m’avait déjà, en automne
1937, envoyé un certain M. Julius-
burger, qui, pendant toute la crise
tchécoslovaque, me tint informé jour
par jour des événements dans la
coulisse de la Bendlerstrasse. Par son
entremise, le général von Stülpnagel
me fit parvenir, en octobre 1938, le
résumé d'un aide-mémoire qui avait
été présenté à Hitler quelques heu
res avant la fameuse démarche de
MM Chamberlain et Bonnet, qui
nous mena à la honte de Munich. Ce
document, que je fis publier dans
l'excellente revue de mon ami Ber
nard Lavergne, P « Année politique
française et étrangère », indiquait,
avec raisons à l’appui, que l'état-ma-
Jor refuserait de suivre Hitler s’il
engageait une guerre sur deux fronts.
Les renseignements que me trans
mit Juliusburger en 1937 et 1938 fu
rent, avec le plein consentement de
Stülpnagel, communiqués par moi à
un service français competent ; on
laissait à ma discrétion l’usage jour
nalistique que j’en ferais Au mo
ment de la crise sudète, l'attirai là-
dessus l'attention particulière de M.
Georges Bonnet. Non seulement il ne
fut tenu aucun compte de ces infor
mations, mais lorsque Juliusburger
se fit connaître comme la source de
ces renseignements, il fut immédia
tement expulsé de France !
Dans mon journal, en date du 18
octobre 1938, je relève le passage
suivant :
« J... me dit que, si l’affaire tché
coslovaque avait mené à la guerre,
Stülpnagel et ses amis avaient l'in-
Lention de. faire un « putch ».
L'E.-M. aurait pris en mains le con
trôle des affaires militaires, tandis
qu’un gouvernement provisoire, com
posé d'éléments civils, aurait été
constitué. Hitler devait être liquidé,
le régime nazi renversé et on aurait
préparé des élections générales pour
une assemblée constituante en vue
d'élaborer une nouvelle Constitution
« démocratique ». La ligne générale
de ce groupe semble être celle du
général Schleicher, telle qu’il me
l’exposa longuement au cours de ma
dernière conversation avec lui, en
1933, quelques jours avant mon ar
restation. »
Je fais toutes les réserves possibles
sur l’orientation politique de Stülp-
magel, Oster, Canaris, Beck et les au
tres conjurés. Je suis loin de les croi
re des-agneaux pacifiques, mais, au
moins, leur nationalisme allemand
était tempéré d'un certain réalisme.
GEOFFREY FRASER.
RÉUNION
DU CONSEIL
DU PLAN
Importantes déclarations
des présidents Blum et Gouin
Le Conseil du plan s’est réuni
hier matin sous la présidence de
M. Léon Blum, président du gou
vernement provisoire, assisté de
M. Félix Gouin, ministre d’Etat,
président du Conseil du plan, et de
M. André Philip, ministre de l’Eco
nomie nationale et des Finances,
vice-président du Conseil du plan.
A cette réunion avaient été invi
tés les présidents des commissions
de modernisation, des six activités
de base et de la commmission du
bâtiment et des travaux publics.
Le Conseil a examiné le rapport
du commissaire général sur le pre
mier plan de modernisation et
d'équipement 1947-19'50 qui lui avait
été soumis à sa session du 27 no
vembre 1946.
Après une discussion générale a
laquelle ont participé notamment
les ministres présents ainsi que MM.
Frachon et Jouhaux, de la C.G.T.,
Tessier, de la C.F.T.C., Ricard, du
C.NPF. Lamour, de la C.e.A., Jo-
liot-Curie, Boris, Boulanger, Gin
gembre, Waldeck-Rochet, Lierman,
le Conseil a adopté à l’unanimité le
plan de modernisation et d’équipe
ment et a décidé, en particulier, de
recommander au gouvernement
l’engagement immédiat des pro
grammes de production et d’equi-
pement des six activités de base
pour 1947-1950 : houillères, électri
cité, sidérurgie, ciment, machinisme
agricole et transports ; et renga
gement des programmes d’ensem
ble de 1947 après leur mise au point
définitive.
L’EXPÉRIENCE BLUM
ALLOCUTION
de m. A. Gazier
Mendiants
à l’américaine
Après avoir présidé le conseil
du Plan. M. Léon Blum a fait à la
| presse la déclaration suivante :
A.vec M. Félix Gouin, j’ai pré
sidé le conseil du Plan.
Des décisions extrêmement im
portantes y ont été prises ou vont
en découler.
Dans l’œuvre de restauration éco
nomique à laquelle le gouverne
ment essaie, en ce moment même,
d’apporter sa propre contribution,
le plan est non seulement partie
intégrante, mais très probablement
la pièce essentielle.
, Il ( a en effet pour objet cet ac
croissement de la production et de
(Lire la suite en troisième page.)
Voici le texte de l’allocution ra
diodiffusée qu’a prononcée hier soir
M. Albert Gazier, secrétaire d’État
à la présidence du Conseil :
L’entreprise de baisse des prix
entreprise par le Gouvernement
réussira. Elle réussira parce que le
Gouvernement agit avec opiniâ
treté en usant de tous les moyens
dont il dispose. Elle réussira parce
qu’elle correspond aux aspirations
de l’ensemble de la population
française, parce qu’elle répond aux
vœux que chacun de vous formu
lait tout bas depuis longtemps.
Les salariés, les industriels, les
commerçants et les agriculteurs se
disaient : « J’aimerais mieux que
mes revenus ne soient pas augmen
tés et que les prix baissent », mais
ils ajoutaient: « Qui commen
cera ? Qui osera ? » Ils se décou
rageaient de mois en mois devant
ce qui leur apparaissait comme une
sorte de fatalité de la hausse con
tinue.
Maintenant, le cercle fatal se
brise, le courant s’inverse, l’espoir
renaît.
La hausse, c’est l’enrichissement
du spéculateur et l’appauvrissement
de celui qui produit. La Hausse,
c’est la prime à la paresse, aux ac
tivités parasitaires, au stockage. La
baisse, c’est l’encouragement à ven
dre vite; c’est la primauté rendue à
l’initiative, à la recherche et à
l’effort.
Le Conseil des ministres a pris
le décret historique du 2 janvier
1947. Un décret est un acte indis
pensable par lequel s’exprime une
décision gouvernementale. Mais
tout seul un décret ne serait qu’un
texte suivant d’autres textes, un
papier parmi d’autres papiers. Le
Gouvernement n’a point voulu se
contenter de. lancer en circulation
un document juridique, puis l'aban
donner à la bonne volonté de l’opi
nion.
L’appareil de contrôle est entré
en action. D’abord pour conseiller,
renseigner, avertir, puis pour punir
ceux qui n’observeraient pas la ré
glementation des prix. Vous n’êtes
plus seuls devant les prix. L’Etat
par son contrôle, les syndicats par
leurs commissions de surveillance,
sont à côtés de vous. Si vous cons
tatez un refus d’appliquer la baisse
de 5 pour 100, vous, ménagère,
cliente d’Un commerçant, vous,
(Lire la suite en troisième page.)
Ils étaient deux mendiants, deux
bons bougres mal vêtus de vieux blou
sons et de pantalons déchirés retenus
par des ficelles, chaussés de trous en
tourés de restes de souliers, qui lon
geaient la rue où j’habite, s’arrêtant
d chaque porte. Comme ils avaient de
bonnes têtes et qu’ils étaient deux —
ave^-vous remarqué que l’on préfère
toujours deux mendiants à un seul !
— les pièces et les petits billets tom
baient dru.
—Merci bien, M’siews Dames, mais
on est aussi des artisses.
Et ils exhibaient des petits tableau
tins —- charmants d’ailleurs — qu’ils
cédaient à l’aimable clientèle au prix
de 200 francs moins 5 % ; 190 francs.
Le député dont j’ai l'honneur de
partager l’hôtel s'allia au gérant pmi
en acheter un savant de s'en aller
prendre démocratiquement le métro
car il n’a pas de voiture : ce détail
a son importance. t
Et je suivis machinalement mes
de u x loustics sonnant conscencieuse-
ment à toutes, les portes en faisant
tinter les pièces dans leur chapeau.
Je les vit bientôt enfiler très rapi
dement une rue sans s’arrêter, sans
secouer la sébile de feutre : qu’arri-
vait-il T avaient-ils « senti » un
agent ! non, je ne voyais rien ; pour
tant ils n’étaient point encore passés
là ; cette rue, dans leur argot, était
« vierge ».
Ils arrivèrent sur une petite place
où stationnait une voiture, une vieille
Citroen encore acceptable et qui, ma
foi, par ces temps ferait bien mon
affaire. Je les rejoignis comme ils
s’y installaient : les deux mendiants
étaient en train de voler une auto !
Naïf que j’étais !
— Dis donc, Chariot, faudra qu’on
s’paye un antivol.
— C’est vrai, on peut plus êt’tran-
quille ,y a des voleurs partout.
—’ Où qu'on va malnt’nant !
— Du côté d’Austertitæ, il y a deux
mois qu’on n’y a pas été.
Et la voiture démarra, emportant
deux mendiants français qui, mieux
qu’en Amérique, roulent en voiture
alors que bien des gens aisés aspirent
à ce luxe.
Encore stupéfait je me drigeai
vers mon restaurant ; là j’hésitai
les biftecks étaient chers.
Comme dans un cauchemar une
main sale et tremblante se tendit vers
moi : l homme était vieux, malade et
je lui demandai, avant de lui tendre
une pièce :
, — Avez-vous votre permis de con
duire I
Il me regarda en clignant des yeux
et me répondit tout doucement, comme
en ayant pe“r de me contrarier.
— J "sais pas faire de. vélo !
Chanc'^n lui donna et je pensai
qu’au moins celui-là achèterait du
pain avec ‘ notre argent.
Son petit tour fini il compta sa
ywnnaie; puis s’assit à une table et
appela la servante.
— Lucie, un bifteck aux pofumes !
FRANC K-DOM INIQUE.
de mort sur les 50 qui furent dé
férés à ce tribunal, véritable cari-,
cature de la justice.
Que peut répondre aujourd’hui
l’accusé ?
— Mon rôle a été essentiellement
modérateur, déclare Radici. Sans
notre intervention auprès des auto
rités allemandes, il aurait fallu dé
plorer 400 fusillés au lieu de 28.
Mais le président Didier lui ré
torque que les détenus, au regard
de la loi, n’étaient coupables que
du délit de bris de prison, passible
au maximum de la peine de cinq
années d’emprisonnement.
Le 17 aôût 1944, Radici quittait
Paris pour s’engager dans la bri
gade « Charlemagne », mais il
aurait refusé de commander ses
hommes en Allemagne et il donna
sa démision. « J’étais Français
avant tout ! »
Spécialement extraits de Fresnes
pour la circonstance, Max Knip
ping et Jean Bassompierre, chef
régional de la Milice, tous deux en
instance de jugement, confirment
à la barre la défense de l’accusé."
Maurice Hennequin, ex-directeur
de la police municipale, qui attend
de comparaître devant la Cour de
justice, présente enfin la mutinerie
de la Santé comme une affaire
sans gravité, semblable à un « beau
chahut d’étudiants ».
Mais les jurés n’oublient pas les
28 fusillés et, après réquisitoire du
commissaire du Gouvernement
Cénac et plaidoirie de Me Zurfluh,
condamnent Georges Radici à la
peine de mort.
Emile VIGOUROUX.
Le parti communiste italien
compterait
2.166.448 adhérents
Rome, 7 janvier. - Oh annonce de
Florence, ouse tient actuellement
une réunion d'organisation du parti
communiste italien, que le parti s’est
augmenté en 1946 de 445.000 membres
ce qui’ porte à 2.166.448 le nombre
total de ses adhérents.
Les Etats-Unis
et le Moyen-Orient
Djeddah, 7 janvier. —: L roi
Seoud visitera le 12 janvier le grand
Ibn
centre américain de Dahran situé sur
le golfe Persique. H sera pendant une
dizaine de jours l’hôte des compagnies
pétrolières américaines.
. Dahran devient en même temps
que le plus grand aérodrome améri-
bain dans le Moyen-Orient, le point de
départ des pipe-lines qui vont traver
ser le désert vers la Méditerranée, et
une véritable ville américaine dont
l’importance économique et stratégi
que sera capitale pour l’avenir de tout
l’Orient.
Heinz Schmidt-Norton (tel est le
nom du jeune émule de Hitler) —
H faut absolument que vingt mil
lions d’Allemands soient autorisés
à émigrer, et cela dans le plus bref
délai, si l’on veut empêcher que
la catastrophe de l’Allemagne
n’entraîne celle du monde entier. »
20 millions d'Allemands, donc
près du tiers de toute la population,
devront émigrer, puisque le Grand
Reich, après les coupures qu’il a
subies, étouffe dans la ceinture
que les vainqueurs lui ont trop
serrée. Où trouver l’espace vital
dont ces 20 millions d’Allemands
auraient besoin ? Herr Schmidt-
Norton préconise une solution qui,
certes, ne manque pas d’audace :
« Transférons-les en Russie, seul
pays d’Europe qui a suffisamment
d'espace pour les caser... Cepen
dant, ajoute-t-il, nous ne voulons
pas que nos compatriotes soient
éparpillés à travers cet immense
pays, Nous demandons, au con
traire, qu’ils constituent, à l’inté
rieur de la Russie, un Etat indé
pendant. »
Dans la courageuse revue
« Deutsche Rundschau », M. Ru
dolf Pamperrien, examinant « les
possibilités de vie du peuple alle
mand », arrive à conclure que l’Al
lemagne ne pourra plus nourrir
ses 68 millions d’habitants compri
més sur une superficie de 380.090
kilomètres carrés, et, dans l'impos-
sibilité d’importer en quantités né
cessaires les vivres dont elle aura
besoin, sera amenée à rechercher
un débouché pour le trop-plein de
sa population. Où ces Allemands,
qui désirent émigrer, trouveront-ils
cet espace vital ?
M. Pamperrien tourne tout
d’abord son regard vers l’Améri
que du Sud qui ne manque pas d’es
pace libre, mais il doute que les
grands pays de ce continent soient
disposés à accueillir une immigra
tion massive de ses compatriotes.
Mieux vaudrait, peut-être, pense
l’auteur, diriger cette colonisation
allemande sur les trois Guyanes
qui, « telle la Belle au bois dor
mant », se réveilleraient sous le
baiser du prince charmant accouru
tout droit des bords du Rhin.
Cependant, la solution qui, parmi
toutes les autres, tente le plus M.
Pamperrien, s’appelle : la Nouvelle-
Guinée. Située au nord de l’Aus
tralie, cette île, d’une superficie de
785.000 kilomètres carrés, et peu
plée seulement d’un million d'hom-
mes environ, se prêterait, croit-il,
tout particulièrement à l’immigra
tion allemande. Et voici les argu
ments qu’il cite en faveur de sa
suggestion, arguments des plus
caractéristiques pour la mentalité
d’un Allemand « post-hitlérien » :
1. Tous les territoires habités par
des Allemands, et surtout la mère
patrie, se trouvent si loin qu’il n’y
a guère lieu de craindre une me
nace allemande de la part de la
Nouvelle-Guinée germanisée et,
2. Une fois colonisée par les Al
lemands, la Nouvelle-Guinée pour
rait servir à l’Australie de pare-
choc contre la pression constante
exercée par la population de race
jaune.
Gœthe a dit ce mot acerbe au
docteur Riemer : « Ce peuple, que
la grâce n’a pas touché, finira mal.
car il ne veut point voir ce qu’il
est vraiment. Je parie que le des
tin l’abattra parce qu’il s’est trahi
lui-même, et dispersera les Alle
mands à travers la terre, comme
les juifs l’ont été : c’est dans l’exil
qu’ils développeront toutes les qua
lités qui leur sont propres. »
Un abîme ne sépare-t-il pas la
pensée du plus grand des indivi
dualistes que l'Allemagne ait pro
duits du vœu d’un Pamperrien tout
imprégné encore de la mentalité
totalitaire ? Tandis que l’auteur de
« Faust » prévoit, dans un rêve pro
phétique, le jour où les Allemands
seront amenés à se disperser à tra
vers le monde, individuellement ou
par petits groupes, le collaborateur
d’une revue allemande de 1946 ne
voit la dernière chance de son
peuple que dans une émigration
massive, une émigration par mil
lions vers un seul pays. A quelle
fin ? Sans doute pour qu’une autre
Allemagne se lève, une deuxième
patrie qui, un jour, pourrait « ser
vir de pare-choc contre la pression
de la race jaune ».
Ah ! ces Allemands qui, aujour
d’hui, se disent et, peut-être, se
croient même, loin de toute in
fluence hitlérienne, ils ne savent
pas combien leur esprit en est en
core trempé !
LES CHRONIQUES DE L’a ORDRE»
MOINEAU
ou les hasards de la vertu
par Michel GEORGES-MICHEL
LA QUOTIDIENNE
Aide-toi, le ciel f aidera !
Quelque que puisse être le sort
final réservé à la tentative de Léon
Blum, elle aura eu le mérite de
l’effort, de l’initiative, quelqu’un
aura enfin osé entreprendre quel
que chose et ce serait déjà beaucoup
si sans aboutir à la baisse, on réus
sissait à ne pas rendre la hausse
inéluctable. Si, surtout, on apprenait
aux uns et aux autres à la redouter.
Si, à la mystique de l’accroissement
perpétuel des prix, on parvenait à
substituer dans les classes commer
ciales, la crainte des chutes verti
cales. Si, le crédit se resserrant, les
cordons qui lient les bourses et les
liens qui retiennent les stocks se
desserraient.
Il va sans dire que la classe pay
sanne, si cupide hélas ! a elle aussi
son rôle à jouer. Il va sans dire
également, qu’à côté du commerce
en gros qui, lui, se rend assez volon
tiers aux objurgations gouverne
mentales, toute une partie du petit
commerce parisien durait grand be
soin d’être secoué d’importance car,
en dépit de ce qu’impriment les
journaux, il se rend avec mauvaise
grâce à l’obligation des 5 pour 100.
Dans mon quartier le cordonnier
déclare qu’il abaissera ses prix
« lorsque les autres en feront au
tant », la teinturière qu’elle ne
manquera pas d’y songer prochai
nement, et ces réponses au lieu de
susciter la réprobation de la clien
tèle ne recueillent que des sourires.
Hier au théâtre, j’entendais un
spectateur qui devant le program
me à 14 fr. 25 (au lieu de 15 fr.)
s’exclamait et disait au vendeur :
« Ils sont fous ! » Mais c’était lui
qui l’était et, avec lui, tous ces
consommateurs, ces acheteurs, ces
cochons de payans, ce public enfin
qui proteste, grogne, maudit ses
gouvernants mais trouve spirituel,
quand on veut venir à son secours,
d’aider le voleur contre le gendar
me et par ses lâches complaisances
favorise les maux dont il souffre.
Pierre LCWEL.
1920. Terrasse du Fouquet.
— Comment que ça va ?... Vous me prenez un
bouquet, dites, monsieur, j’vous en pousserai une...
— Barre-toi, voici les flics !
La môme Moineau lance un regard derrière elle,
soudain empoigne ses jupes, serre ses fleurs, et, les
mollets à l’air, traverse en courant les Champs-Ely
sées afin de se mettre à l’abri dans l’autre district...
1930. Casino de Deauville. Grande salle des
soupers. Dans le théâtre de verre lumineux, des dan
seurs à panache s’évertuent. Sur la piste, des fem
mes à qui l’on a cousu des diamants sur la peau, sur
les robes, sur le derrière, pâment ou croient, entre
les bras de leurs danseurs, « déménageurs » profes
sionnels à un billet le quart d’heure. Les autres man
gent, tout simplement, comme à la table où arrive
la nouvelle venue ;
— Comment que ça va ?..
Elle tend sa main comme Raquel Meller quand
celle-ci offrait des violettes, avec hésitation, l’avan
çant et la reprenant plusieurs fois.
On l'accueille, car elle porte une robe de la rue
de la Paix et un peu plus de diamants que les dan
seuses.
— Bonsoir la môme Moineau, assieds-toi. Une
coupe de champagne ?
— Oui. mais si vous permettez, c’est moi qui
l’offre...
— D’accord, mais tu vas nous en pousser une...
— Je veux bien m’asseoir, mais je ne peux pas
chanter ici. Et ça déchire ma robe, tellement je m’y
mets. C’est pas qu’elle vaille grand’chose. Quelques
dizaines de mille que me la laisse Jenny. C’est mon
prix. Mais je n’aime pas gâcher la marchandise, pas !
1 j'en claque assez avec ma. Packard, quand je
iduis. C’est une voiture que j’ai rapportée d'Amé-
con»
rique- A mille dollars par semaine qu’était mon
contrat, même sans amant, je pouvais me payer ça.
Et comme sur mon contrat il y avait marqué « La
Môme Moineau avec ses bagages », j’ai dit : « La
voiture, c’est mes bagages, tant pis si ça fait cha
virer le paquebot. » Moi, j’ai toujours été roublarde,
même avec les sergents de ville, quand ils m’avaient
pincée et que pour me libérer je devais leur chanter
une chanson. Eh bien ! je les refaisais d’un cou
plet ! S’ils l’avaient su... Quelle rigolade quand ils
me retiraient du violon. Mais il ne faut pas croire
que je sois de mauvaise famille. Je suis née à Reims,
dans une roulotte, s'il-vous-plaît, car ma mère était
Belge et mon père de Saint-Quentin. Je ne suis plus
avec mon père, mais il gagne bien sa vie. Il a des
marchés entiers et ma mère une petite maison que je
lui ai achetée à Montparnasse. Mon vrai nom, c'est
Lucienne Dhotelle, pas meublé, qu’on ajoutait...
C’est Fischer qui m’a trouvé ce nom de Moineau un
jour que je m’étais laissée tomber du cul d’une voi
ture où je m’étais accrochée et qu’il m’a ramassée.
Ensuite, il y a eu l’Olympia et mon premier amant,
le fils du dessinateur rosse. Après ça a été Bob, qui
m’a bien fait souffrir et chanter dans son café.
Après, un gentil acteur qui jouait L’Aiglon. Et ce
lui que j’ai- Ça fait quatre amants en tout, c’est pas
trop. C’est le chiffre qu’avouait la Belle Otéro.
Mais je vous fais perdre votre temps. Allez, je paie
une autre bouteille de champagne. Non, vous ne
voulez pas ? Oh ! j’ai les moyens...
1938. La nuit de Longchamp. On fait cercle
autour d’une belle créature aux muscles solides, aux
pommettes rouges et qui tend ses mains comme aux
baisers, mais des mains littéralement couvertes de
bijoux.
— Hein ? Crois-tu ? Qui aurait dit ça !
— Mais ne les montre pas ainsi... môme Moi-
neau !...
— Mais si, ça -fait rogner les poules, celles qui
m’achetaient pas de fleurs, dans le temps...
1941. Porto-Rico. San-Juan Hôtel Normandy,
le plus beau des Antilles. Mais je connais cette
petite bonne femme-là... »
— Comment que ça va ?...
— Mais c’est la môme Moineau ! .Jusqu’où la
guerre a-t-elle chassé les moineaux de Paris !
— Mais oui, c’est moi, et cet hôtel il est à moi,
et les champs de tabac qui sont autour et jusqu’au
bout de l’île, ils sont à mon mari, un type épatant,
architecte, ingénieur, planteur et qui m’a épousée
parce qu’il aime les Françaises. Je suis maintenant
Mme Rexash, mais toujours la môme Moineau. J’ai
une chambre avec des tableaux anciens. Je pars
pour New-York. Venez avec moi. On va apporter
des malles de cigares à tous les Français qui sont
là-bas. Et puis j’ai envie de voir des bars même s’il
n’y a pas de marchandes de fleurs. J’ai retenu un
appartement au San Regis, le plus snob hôtel de la
ville. De quoi rigoler en regardant les cops qui vous
ouvrent les portières.-. Mais sérieuse, hein. Faut
penser à ma situation...
1947. Paris. 1 Les journaux annoncent que des
cambrioleurs ont volé 85 millions des bijoux de la
môme Moineau...
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