Titre : L'Ordre
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1948-06-11
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32829724j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 11 juin 1948 11 juin 1948
Description : 1948/06/11 (A2,N229). 1948/06/11 (A2,N229).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t51173581
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-1857
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/11/2021
LA FRANCE
SACRIFIEE
2e
année.
No 229
Assainissement financier
et production vont de pair
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La
1
par Émile BURÉ
A mon retour en France, j’eus l’honneur d’être reçu par le
général de Gaulle, et je lui fis part, avec toute la confiance que
je mettais alors en lui, des idées qui m’étaient venues en Amé
rique, au contact des personnes de toutes situations, de toutes
opinions. Je ne doutais pas que notre pays ne conservât outre-
Atlantique de solides amitiés qu’il avait déçues en 1940 lors de
sa défaite, mais que la Libération avait sûrement ravivées.
L'heure d’une conversation sérieuse et profonde entre le gou
vernement de Paris et le gouvernement de Washington me sem
blait donc propice.
Quand on veut qu’un partenaire ait souci de vos intérêts,
il convient d’avoir également souci des siens. L’Amérique devait,
en crainte de conflits sociaux intérieurs, assurer la sécurité et
la prospérité de ses lignes maritimes. Pourquoi la France ne
lui offrirait-elle pas dans ses colonies des bases convenables à
son dessein national, à condition qu’elle reconnût dans ces
colonies sa souveraineté et l’aidât à les équiper? Ce fut la pre
mière question que je posai au général de Gaulle. Je lui en
posai une seconde à laquelle, comme à la première, il "ne
répondit pas et que je m’en vais rappeler: «Les ravages cau
sés chez nous par l’aviation américaine pour hâter la victoire
des Alliés sont grands, très grands ; il est possible à l’Amérique,
pays du miracle industriel, de rapidement reconstruire ce
qu’elle a détruit. Je suis sûr que si vous chargiez le grand avocat
Henry Torrès, qui fut à New-York l’un de vos meilleurs sou
tiens, de demander l’aide américaine pour la France dévastée
dans une série de conférences, elle ne lui serait point refusée :
personnalités, municipalités rivaliseraient de générosité au
moment de la quête. Il ne s’agit pas, n’est-ce pas, de mendicité,
il s’agit de solidarité ! » J’ai su un peu plus tard que Mme Eléo
nore Roosevelt, qui connaît bien son pays, avait eu la même
pensée que moi ; cette pensée n’était donc pas folle.
Une entente amicale, franco-américaine préalable aurait eu,
je le crois, d’heureux effets, tant en France que dans l’Empire
français, le vent d’anticolonialisme soufflant d’Amérique. Il est
regrettable que le général de Gaulle ne l'ait pas senti. Il ne son
gea même pas à resserrer les liens qui l’unissaient aux journa
listes américains qui durant la guerre avaient défendu sa cause
et qui comptaient parmi les meilleurs de leur pays. La France
n’a jamais su organiser sa propagande ; elle le sait moins que-
jamais. Résultat : comme après la première guerre mondiale,
Anglais et Américains soutiendront bientôt alors qu’ils lui au
ront refusé toutes réparations, toutes garanties de sécurité, que
c’est son impérialisme, et non celui de l’Allemagne, qui est à
redouter.
Quand le général de Gaulle quitta le pouvoir, la partie de
la France était difficile, mais elle n’était pas perdu.e. Elle l’est
maintenant et complètement. Tranchant, décisif, ironique, sar
castique, comme en général les petits hommes de sa sorte, Geor
ges Bidault a voulu mener seul le combat dans les conférences
interaliées et, inapte à la manœuvre, il a été tôt désarmé. Il
l’était déjà, qu'il ne souffrait pas encore le secours du Parle
ment et de la presse, qu’il lanterna jusqu’au jour où il lui fut
impossible de ne pas avouer sa défaite. Ses amis M.R.P. décla
rent : «J’aurais bien voulu vous voir à sa place, pris entre
Américains, Anglais et Russes. Sa position était intenable. » Ils
l’accusent en le défendant.
PRIX : 10 FRANCS
Directeur politique : Émile BURÉ
VENDREDI
11 JUIN 1948
Remarquable continuité de l’effort français
dans tous les domaines:
industriel, agricole et financier
st
le
VI
L’éfiondrement de la Troisième Force
sur le plan gouvernemental vient
de sa faiblesse sur le plan national
Le ministère Schuman S' enlisera- t-il définitivement
dans les sables mouvants du décret Poinso-Chapuis ?
Le général
DE GAULLE
contre
les accords
de Londres
" La France est en état
de danger permanent”
(lire Varticle en 6 e page)
D’abord il ne fit rien pour se concilier la Russie soviétique.
Tout au contraire, il fit tout pour se la rendre hostile (affaire du
camp de Beauregard, discours injurieux à l’adresse de la Tché
coslovaquie, proclamation de
Turin, etc.). La Tchécoslova-
CRISE ou INFLATION?
Yzchapperons-nous à ce dilemme ?
par H. BUFFANDEAU
L’audition de M. René Mayer
devant la commission des Fi
nances a donné lieu à un certain
nombre d’interprétations, — dont
la nôtre, — que la rue de Rivoli
a jugé bon de mettre
Avouons tout net que
mentation ne nous a
vaincu. .
Certes, il est hors
au point.
son
pas
argu-
con-
de
esprit de mettre en doute
notre
l'œu-
vre courageuse et importante
accomplie par le ministre des Fi
nances. Mais nous aurions pré ¬
Le centenaire
de Paul
par
Gauguin
Michel GEORGES-MICHEL
féré que l’équilibre financier du
premier semestre soit obtenu par
des économies brutales plutôt que
par des mesures exceptionnelles,
fiscales ou monétaires, qui pèsent
lourdement sur le crédit de l’Etat
et dont le moindre inconvénient
est de ne pouvoir être renouvelées
sans provoquer l’effondrement dé
finitif de ce qui reste de con
fiance.
Le système politique dans le
quel nous vivons ne permettait
pas cette solution, ce dont on ne
saurait faire grief à la rue de Ri
voli. Dans ces conditions, l’arrêt
de l’inflation, générateur possible
de baisse ultérieure des prix s’il
peut être maintenu, est un actif
non négligeable. Regrettons seu
lement que le répit ainsi obtenu
n’ait pas pu être utilisé à la mise
en œuvre pratique d’un commen
cement de véritables économies.
Le dégagement des cadres est en-
• core pendant devant le Conseil de
(Lire la suite en page 6)
par René SAIVE
Dans l’un des nombreux récits
qu’il consacre à ses aventures de
chasse en Amérique du Sud,
Biaise Cendrars conte l’histoire
d’un boa prodigieux qu’à la vérité
personne n’avait jamais vu, mais
dont l’existence était certaine,
étant donné l’odeur caractéristi
que de ses déjections. Ce boa figu
rerait assez bien la Troisième
Force, exception faite cependant
de la terreur qu’inspirait à ses
voisins ce redoutable animal : per
sonne en effet n’a jamais pu en
faire une exacte description et
c’est à sa seule odeur — une
odeur de roussi, surtout depuis
quelques jours — que les spécia
listes se réfèrent pour l’identifier.
A l’heure où nous écrivons, la
Troisième Force patauge dans ses
déjections avec une conscience et
une allégresse dignes d’une meil-
(Lire la suite en page 6)
L’indice général de notre production industrielle
dépasse celui de 1938 et nos emblavures approchent
très sensiblement, en 1948, celles de Vavant-guerre
par E. MONICK,
gouverneur de la Banque de France
C OMME gouverneur de la
Banque de France, et
comme vice - président
du Conseil national du Crédit,
je suis peut-être plus porté que
les membres des gouverne
ments successifs à reconnaître
qu’il existe une réelle conti
nuité dans les efforts qui ont
été les nôtres depuis la Libé
ration. Certes, les fautes n’ont
pas manqué : toutes d’ailleurs
découlaient du désir de trop
entreprendre à la fois, en mo
difiant au besoin la structure
même de trop d’institutions
économiques et sociales, alors
que la sagesse eût été sans
doute d’utiliser d’abord au
mieux celles qui existaient.
Mais les résultats n’ont pas
manqué non plus : ils sont
parfois assez frappants sur le
plan matériel.
Reconstruction et production
Récemment, M. le ministre
des Travaux
que
Travaux publics rappelait
les 4.200 kilomètres de
voies ferrées détruites pendant
la guerre étaient aujourd’hui
entièrement rétablis, que le
nombre de locomotives en ser
vice, tombé de 18.000 avant la
guerre à 3.500 en 1945, était
maintenant de 12.500, que la
grande majorité des ponts mis
hors d’usage au cours des hos
tilités était aujourd’hui recons
truits à titre permanent ou pro
visoire. Il a donné sur les
ports, sur la marine marchan
de, sur les canaux intérieurs
et sur le trafic relatif aux dif
férentes catégories de trans
ports, des détails également
encourageants. D’autres chif
fres paraissent aussi frappants.
Notre production charbon
nière, qui était d’un million
de tonnes pour septembre
1944 est passée à trois millions
pour janvier 1946 ; elle s’éle
vait à quatre millions et demi
de tonnes pour janvier 1948 ;
elle se maintient depuis à Ce
chiffre.
La production d’électricité
thermique et hydraulique,
tombée en septembre 1944 à
631 millions de Kwh, se rele
vait à 1.820 millions de Kwh
en janvier 1946 ; elle était, en
janvier 1948, de 2.427 millions
de Kwh, dépassant très large
ment les indices d’avant
guerre.
Pour les fontes et aciers,
nous dépassons, en mars 1948,
(Lire la suite en page 6)
La politique par Limage
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quie, la Pologne et même aussi
la Yougoslavie avaient, au re
gard de l’Allemagne et de l’Ita
lie, deux pays dont il a pré
paré l’alliance avec le maxi
mum de légèreté diplomatique,
une politique qui s’accordait
avec la nôtre, et elles pou
vaient ainsi servir utilement
de trait d’union entre notre
pays et la Russie soviétique.
Comment admettre sans colère
qu’il se les soit aliénées ?
'Pour ce qui est de l’Angle
terre et de l’Amérique, déci
dées à retomber dans l’erreur
qu’elles commirent au lende
main de la première guerre
mondiale, à relever l’Allema
gne aux dépens de la France,
(Lire la suite en page 6)
A NOS LECTEURS
Le prochain numéro de
L’ORDRE DE PARIS
paraîtra
le vendredi 18 juin
6 pages - 10 francs
Tahitien
d'Amour,
dans le Bois
il apporta le
parfum de Noâ aux îles
bretonnes et, bien avant
le navigateur blanc, la
haute désespérance de
la solitude...
(Lire l’article en page 5)
MG+
UN MILLION
d'étrangers
viendront en
France cet etc
« 1830 » d’après Delacroix. « 1948 » longtemps après Delacroix.
On lit sur la robe de la Miss qui brandit le drapeau rouge : « Esprit
de révolte bourgeoise » et le premier « révolutionnaire » qui la suit
porte un sac d’or avec l’étiquette « profiteur ».
(Forward, Glasgow)
Il y a 25 ans
mourait
Pierre LOTI
Que pensent, de Fauteur
de Mon frère Yves, Robert
Kemp, André Maurois,
J. et J, Tharaud et Famiral
Lacaze
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GRANDES CAUSES,
PETITS EFFETS
Le partage de l'Inde a fail
li coûter la vie aux vingt
éléphants domestiques du
maharadjah d e Patiala.
Lorsque leurs mahouts ara
bes les eurent quittés pour
émigrer en Pakistan (les
mahouts sont en quelque
sorte les palefreniers des pa
chydermes', lesdits éléphants
refusèrent toute nourriture
et toute boisson. Il fallut que
le maharadjah dépêchât en
hâte un escadron de sa po
lice montée qui rattrapa les
fugitifs, les ramena à Pa
tiala bon gré mal gré et les
remit au service des fidèles
bêtes.
Depuis, un accord s'est
établi : les mahouts musul
mans demeureront dans la
principauté.
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13
.3
Grâce au progrès
L'AGRICULTURE
ne redoutera plus l’avenir!
Mais il faut moderniser
toujours davantage notre outillage rural
par R. MONTFORT
Rien n’est plus plaisant que
d'entendre un libéral faire le pro
cès de l’anarchie des prix ! Quel
régime, en effet, pourrait davan
tage favoriser le désordre des
prix, que le propre régime libé
ral ? Le spectacle offert par l’a
narchie de l’économie libérale et
ses conséquences tragiques sur le
plan social et politique : méven
te, chômage, misère, fascisme,
guerre, est encore trop près de
- nous pour que nous
l’oublier.
Cela veut-il dire que
de guerre institué par
baptisé dirigiste, régime
puissions
le régime
Vichy et
maintenu
dans son mécanisme essentiel par
les gouvernements de la libéra
tion, se soit révélé supérieur au
LA SEMAINE DE PIERRE LŒWEL
Je crois qu’il n’était pas inutile
qu’un haut magistrat — et singuliè
rement bien placé pour fournir ces
précisions — fît ces jours derniers
le bilan de cette fameuse répression
sur laquelle il ne se passe pas de jour
qu’une âme tendre verse des larmes
ou qu’un indigne tente d’indigner
l’opinion. Deux cent cinquante mille
Français sont morts dans les camps
de concentration, cinquante mille
travailleurs ont été tués en Allema
gne, trente mille patriotes ont été
fusillés dans les prisons de la Ges
tapo, quarante mille civils massacrés,
trente mille combattants des Forces
de l’Intérieur assassinés. Cela fait au
total quatre cent mille victimes
d’une part, et au profit ou au détri
ment des cours martiales et des cours
de justice mille quatre cents traîtres
fusillés. Ces chiffres n’ont pas be
soin de commentaires-..
Dieu sait si je voudrais parler
d’autre chose mais les vérités pour
lesquelles on se bat obsèdent, et il
vient inéluctablement un moment où
tous les fragments de vérités se re
joignent en une seule qui éclate. Et
celle-là a quitté désormais le plan
national pour atteindre aux propor
tions de la vérité mondiale. On ne
peut pas à la fois favoriser l’Alle
mand du dedans et juguler l’Alle
mand du dehors. On ne peut pas à
la fois maintenir une position de
méfiance, de sauvegarde et de fermeté
vis-à-vis de l’Allemagne et pratiquer
une politique de faiblesse et d’oubli
vis-à-vis de ceux qui, à l’intérieur
du pays, ont travaillé pour elle. On
ne peut pas vouloir combattre la
renaissance du nazisme en Allemagne
quand on est prêt à tolérer celle du
nazisme en France- Et ce qui se pro-
duit actuellement un peu partout
dans le monde, cet ensemble de peurs
et de complaisances qui pousse à la
réhabilitation de la Kollaboration en
s’appuyant sut le raisonnement que
dénonçait ici même Julien Benda :
< Allez-vous vous conduire comme
eux ? » (fort applicable aux assas
sins qu’on exécute au lieu de les
évangéliser) produit ses fruits natu
rels. Vous voulez le pardon ? Dans
ce cas, accordez-le d’abord aux Alle
mands. Vous verrez bientôt ce qu’ils
en feront. Quant aux autres, c’est
déjà vu.
libéralisme ? Il n’est pas possible
sur ce point d’établir une quel
conque comparaison entre les
deux systèmes, étant donné qu’ils
se situent à des époques totale
ment différentes. L’économie de
guerre, l’économie anémiée, l’éco
nomie de pénurie n’est en rien
assimilable à l’économie de pros
périté et d’abondance, et la com
paraison que l’on tenterait d’éta
blir ne pourrait l’être qu’à des
fins politiques et manquerait de
sérieux. •
Aussi, notre rédacteur du rap
port agricole de l’Alliance démo
cratique (I) se borne-t-il à souli
gner la négligence des pouvoir. 1
publics qui ne se sont pas pré
occupés suffisamment d’harmoni.
ser les prix agricoles entre eux
ce qui a eu pour conséquence
aux dires de l’auteur, de déséquili
brer la production et de démora
liser les producteurs.
C’est tout à fait notre avis
mais tandis que nous accusons
pour notre part, les insuffisance;
d’un dirigisme mal conçu et ma
organisé et trop limité dans l’é-
tendue de ses pouvoirs et dan. :
les moyens d’action mis au ser
vice de son autorité, le spécialiste
agricole de l’Alliance démocrati-
que voit, quant
de cet état de
diamétralement
reste ouvert et
sormais résolu,
et l’abondance
à lui, les causes
choses,' d’un côté
opposé. Le débat
ne sera plus dé
car la prospérité
reviendront heu-
BILLET PARISIEN
II. - Et ce nombre serait plus
élevé si nous leur évitions
d’inutiles tracasseries
par F. CHARBONNIER
Ce n’est pas la première fois qu’il
est question d’étendre l’application
de l’impôt sur le revenu aux recet
tes faites par les demoiselles de pe
tite vertu et qui réussissent à faire
porter parfois de très importants
intérêts à leur petit capital. Mais il
paraît que cette fois les agents du
fisc ne s’en tiendront pas à des
oaroles : ils passeront aux actes.
Nous ne disons pas aux gestes. Il
y a un an déjà, le Conseil d’Etat
avait été saisi d’une protestation
en bonne et due forme présentée
par un syndicat de jeunes et jolies
courtisanes désireuses de ne point
être écorchées par les percepteurs
Ces demoiselles demandaient à la
Haute Assemblée de déclarer que les
dons à elles faits par des amis ou
fixes ou de passage ne pouvaient
point être considérés comme salai-
te, pas davantage, comme
ce de professions libérales,
plus comme honoraires. Ils
donc échapper à l’emprise
bénéfi-
et non
devaient
du fisc.
Du commissaire général au Tou
risme à la Chambre syndicale des
Hôteliers l’optimisme règne. Un
grand nombre d’étrangers viendront
en France cette année. Les chiffres
records de 1929 ne seront certes pas
battus. Mais l’on espère néanmoins
que plus d’un million de touristes
visiteront notre pays durant l’été.
Neuf cent mille seulement y vinrent
l’an dernier, le nombre étant déjà
supérieur de près de 80 0/0 à ce
lui de 1946. En 1947, le touris
me rapporta d’ailleurs à l’Etat plus
de 7 milliards de devises contre 2,7
l’année précédente. L’amélioration
est donc constante. La dévaluation,
du reste, joue en notre faveur: nos
prix sont actuellement inférieurs de
20 à 25 0/0 à ceux pratiqués dans
les autres pays d’Europe.
Et comme depuis le 1er mai le
gouvernement britannique autorise
ses nationaux à « sortir » 35 li
vres d’Angleterre, on pense dans les
milieux officiels que beaucoup d’en
tre eux en profiteront pour traver
ser la Manche.
(Lire la suite en page 6)
(Richmond Post Dispatch.)
— Plus rien aux nations inami
cales !
(El Nacional, Mexico.)
— Rien de bon à manger par
ici ! Rien que des traités de paix !
Ce qui vient de la flûte
xepat kientât
pwL Le tam&Gwi
L'AFFAIRE GAILLOCHET-GOULIN
L’infatigable commissaire Fe
rez y Jorba vient de soulever avec
cette nouvelle affaire d’exporta
tion de capitaux un lièvre de taille
qui comporte un enseignement,
somme toute, réconfortant.
MM. Gaillochet et Goulin fu
rent en effet de grands manipu
lateurs du marché des valeurs à
terme et réalisèrent sur le dos
de l’épargne une fortune considé
rable avec la Franco-Wyoming,
la Malopolska, la Corocoro. Fi
nanciers avisés, ils planquèrent
leurs profits dans d’autres valeurs
que celles qu’ils prônaient au pu
blic. Ces capitaux vont sans dou
te faire retour pour une large
part au trésor public et ainsi se
ra-t-il démontré une fois de plus
les bienfaits de l’épargne pour le
Trésor public et illustré ce. vieux
proberbe : « Ce qui vient de la
flûte repart par le tambour ».
Robert DREUX.
Le 10 juin 1923 mourait à Ro-
chefort le capitaine de vaisseau
Julien Viaud, Pierre Loti. Le 10
juin de cette année marquera
donc les noces d'argent de sa mé
moire et de sa renommée. C'est,
pour l'œuvre d'un écrivain, une
sorte d’âge critique que vingt-
cinq ans passés après sa mort,
une épreuve de sa pérennité. Cet
anniversaire passera presque
inaperçu. Nulle célébration of
ficielle n’est prévue; pas de dis-'
cours en Sorbonne, pas de céré
monie autour d’une plaque com
mémorative.
Serait-ce le début de l'oubli
pour Loti? Nous avons, pour le
savoir, interrogé quelques écri
vains ou critiques.
Robert Kemp : « Avec le
temps, Loti reviendra
de mode »
M. Robert Kemp, feuilletoniste
des Nouvelles Littéraires nous
fournit une réponse nuancée et
dûment motivée.
— J’ai beaucoup lu Loti dans
ma jeunesse, j'avoue que je l’ai
un peu abandonné. Mais je pense
qu’il s’agit là d’une éclipse passa
gère. Pour certaines générations,
Loti a été une sorte de grand
frère pathétique.
goisse et l'idée de la
Son art, l'an-
mort qui
hantent son œuvre ne sont peut-
être pas dans nos préoccupations
actuelles. D’autres générations
viendront, en d’autres temps, qui
s’y intéresseront de nouveau et
qui pourront encore puiser chez
lui. Comme voyageur, il est dé
passé; on a vu plus que lui et
mieux que lui peut-être. Reste à
(Lire la suite en page 3)
Bateau - mouche
et « vol de nuit »
Bien souvent les Parisiens
se demandent : « Mais que
sont donc devenus les ba
teaux-mouches ? »
Eh biin ! le dernier a en
tre eux, amarré près du pont
Alexandre-111 avait été ache
té par la veuve d’un de nos
plus grands pilotes, porté
disparu en 1944, homme de
lettres dont l’œuvre vientd’ê-
tre couronnée d’un prix aussi
littéraire que diplomatique.
Le petit navire ayant été
aménagé d façon char
mante, la maîtresse du bord
y recevait des amis choi
sis, permettant de très pa
risiennes soirées.
Mais les temps sont durs
et ce « Club des St-Ex »
vient de se transformer en
« night-club », l’hôtesse en
débitante de boissons al
cooliques. Avec son nom et
les souvenirs qu’il contient,
on s’attendait à une autre
pratique du « vol de nuit »!
reusement avant épuisement de;
arguments opposés.
M. Cercler dénonce plus dure
ment encore ce qu’il appelle le:
intentions révolutionnaires du
premier ministre de l’Agriculture
de la Libération qui entendait so
cialiser notre agriculture et la
subordonner à l’industrie. C’est
un reproche nouveau et, à la vé
rité. assez surprenant. Jamais
M. Tanguy-Prigent, dont la poli
tique avait reçu l’accord — rap-
pelons-le — de l’unanimité des re-
présentants de l’agriculture ras
semblés, grâce à lui d’ailleurs, au
sein de la C.G.A., ne s’était en
core vu opposer cette critique
Ah ! certes, le vote obtenu de
l’Assemblée nationale constituante
en faveur du statut du fermage
et du métayage présenté par ses
soins est un acte important, mais
de là à l’assimiler à une sociali
sation, il y a une marge sérieuse
De plus, croit-on que l’unani
mité de tous les parlementaires
se serait faite sur ces textes nou
veaux s’il s’était agi d’une véri
table socialisation ?
Voit-on les députés P.R.L. et
réactionnaires s’associant aux
marxistes pour une telle opération
révolutionnaire !
(Lire la suite en page 6)
Par ailleurs, nos plaignantes deman
daient encore, au cas où le Conseil
d’Etat déciderait, contre leur at-
’ente. que les dons en question de
vaient être frappés des taxes habi-
'uelles. qu’il précisât ce que l’on
devait entendre en l’espèce sous le
’erme de « frais professionnels »
Deux problèmes délicats étaient
ainsi soumis à la sagesse de nos
conseillers qui, cette fois encore,
n’étaient point les payeurs. Sans
s'attarder aux détails et laissant au
ministère des Finances toute lati
tude quant à l’appréciation des
trais, le Conseil d’Etat répondit af
firmativement sur l’essentiel : les
tilles soumises le sont aussi à l’im
pôt. Payer de leur personne ne les
dispense pas de payer sur leurs biens.
Et cette année des poursuites se
ront impitoyablement intentées
contre les jeunes personnes qui se
soustrairaient à ce devoir fiscal.
—Tu as vu ? disait l’autre jour
Manon à Carmen, il va falloir met
tre la main à la poche.
— De qui ? interrogea avec ingi
nuité Carmen.
Evidemment.
La menace des agents du fisc n’a
pas été sans soulever dans les rues
chaudes un certain émoi. Dans telle
ville méridionale, on put, durant
vingt-quatre heures, se croire reve-
nu au
:emps de Lysistrata : il
n'était que bruit de grèves des.
« bras
croisés ». Une ancienne étu-
diante avait proclamé fièrement le
grand principe économique: « Tout
impôt est injuste qui, au lieu de
frapper la richesse, frappe le tra-
vail. » C’était la révolte,
apaisa tout. Ces dames,
couchées, cess'rent de se
Les belles petites s’étaient
La nuit
à peine
plaindre,
dit sans
LA TRIBUNE LIBRE DE L’
Style littéraire
‘ORDRE
DE PARIS”
et style d’idées
par
Julien BENDA
(1) Il s’agit de M. Cercler, dont
nous avons commenté la première
partie du rapport dans notre pré
cédent article.
doute qu’il leur serait toujours fa
cile de truquer leurs déclarations, et
q -e bien malin serait le percepteur
à qui il ne serait pas possible de
faire lire la feuille à l’envers.
SCAPIN.
Dans une récente chronique, je prenais texte de l’opposition entre
le style littéraire et le style d’idées (1). Or, plus j’y pense, plus elle
me semble fondamentale.
Invité depuis quelque temps par d’indulgents amis à tirer de mon
œuvre un petit volume de « morceaux choisis », qui valût donc, du
moins selon leur dessein, par son ton littéraire, je découvris que mes
livres, ne consistant guère qu’en des propositions d’idées et des raison
nements visant à les soutenir, comportaient fort peu l’attrait littéraire,
du moins selon ce que. tout le monde entend sous ce mot. Du même
coup je fis cette remarque qui ne m’était jamais venue; à savoir que
les « anthologies » (de prosateurs) contiennent de saisissantes descrip
tions du monde extérieur, de brillantes observations psychologiques,
deS truismes moraux bien frappés, mais pas une page de discussion,
d’analyse profondément poussée, de logique rigoureuse et conduite
avec tout le développement qu’elle exige. C’est que ces activités,
quand elles sont exercées (2), ne peuvent pas s’exprimer sans des
surcroîts de précision, des insistances d’explication, des demandes
d’attention — des « lourdeurs » — qui les bannissent de droit d’un
parterre de fleurs littéraires. « La pensée, par sa nature, dit Valéry,
manque de style. » Mot très juste, si l’on veut dire de style littéraire.
Quand on pense au genre de style qu’exige un sujet sérieux, bien
posé, bien délimité et réellement traité, ne peut-on pas écrire, comme
je l’osai un jour dans La Nouvelle Revue Française, moderne
Polyeucte qui brise les idoles dans le temple même : « Le substantiel
n’est pas littéraire. »
Et, de fait, l’insertion de la pensée, telle que je viens de l’évo
quer, dans le style littéraire semble bien impossible sans qu elle perde
quelque chose de sa complexité. Dans ses Philosophes du XIX e siècle,
Taine a « traduit », dit-il, une phrase terriblement rocailleuse de
Maine de Biran en style de Voltaire. Thibaudet, qui pourtant goûtait
peu le jargon philosophique, lui a montré qu’avec sa traduction il
avait laissé échapper toute une nuance de la pensée de l'illustre
métaphysicien. Renouvier accuse quelque part Renan de renoncer
à une articulation de son raisonnement pour éviter un qui ou un que;
or c’est parce qu’il adopte de telles mœurs d’écriture que Renan siège
dans la galerie des littérateurs et parce que Renouvier les repoussa
qu’on ne l’y voit pas.
Les philosophes, disais-je dans cette chronique, sont littéraires, ou
tenus pour tels, dans la mesure où ils n’ont pas de rigueur : exemples
Cousin, Bergson, Edouard Le Roy; d’ailleurs, et à bon droit, acadé
miciens. On peut ajouter que, réciproquement, ils cessent d’être
littéraires pour autant qu’ils ont de la rigueur ou y prétendent.
Bergson ne figure pas dans les anthologies pour sa doctrine du schème
moteur ni sa critique du parallélisme psycho-physique; Taine y prend
place pour son Foyage aux Pyrénées ou pour une page éloquente des
Origines de la France contemporaine, non pour ses analyses de
l’Intelligence.
Quant à ceux qui ne sont que rigueur -— Auguste Comte, Renou
vier (on n’ose pas pour Descartes, malgré ses phrases de quinze
lignes , hérissées de qui et de que) — on déclare net qu’ils écrivent
mal; verdict irréfutable si le bien écrire est celui d’Anatole France
ou de Paul-Louis Courier. Reste à savoir si ce qu’ont à dire ces
penseurs peut l’être en langue facile. Mais l’idée de mes compatriotes,
qui ne descendent pas pour fien de l’hôtel de Rambouillet et pour
qui le juge suprême des ouvrages de l’esprit reste le salon de conver
sation, est qu’on n’a pas à vouloir dire ces choses-là si l’on est un
homme de bonne compagnie.
Dois-je préciser qu’il n’y a là de ma part aucune intention d’exal
ter l’abscondité germanique furieusement pratiquée actuellement dans
le pays de Descartes, au fond de laquelle il n’y a le plus souvent,
quand il y a quelque chose, que des idées très simples, qui pouvaient
être dites dans la langue de tout le monde, mais dont on découvrirait
alors que des Français les ont énoncées depuis longtemps — voire,
ainsi qu’il convenait, sous une forme littéraire.
(1) J’ai essagé de traiter la question à fond dans mon dernier
livre : Du style d’idées, ch. VII : « De l’expression de la pensée. » Aussi
dans ma France byzantine : « Essai d’une psychologie originelle du
littérateur. »
(2) Elles ne le sont nullement dans les Provinciales qu’on ne man
quera pas de m’opposer, et dont un critique, très hostile aux Jésuites,
M. André Mater, a montré qu’elles n’étaient qu’un admirable exemple
de polémique, n’allant aucunement au fond — très compliqué — de la
question; ouvrage éminemment littéraire, ajouterai-je, précisément par
cette carence. "
SACRIFIEE
2e
année.
No 229
Assainissement financier
et production vont de pair
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La
1
par Émile BURÉ
A mon retour en France, j’eus l’honneur d’être reçu par le
général de Gaulle, et je lui fis part, avec toute la confiance que
je mettais alors en lui, des idées qui m’étaient venues en Amé
rique, au contact des personnes de toutes situations, de toutes
opinions. Je ne doutais pas que notre pays ne conservât outre-
Atlantique de solides amitiés qu’il avait déçues en 1940 lors de
sa défaite, mais que la Libération avait sûrement ravivées.
L'heure d’une conversation sérieuse et profonde entre le gou
vernement de Paris et le gouvernement de Washington me sem
blait donc propice.
Quand on veut qu’un partenaire ait souci de vos intérêts,
il convient d’avoir également souci des siens. L’Amérique devait,
en crainte de conflits sociaux intérieurs, assurer la sécurité et
la prospérité de ses lignes maritimes. Pourquoi la France ne
lui offrirait-elle pas dans ses colonies des bases convenables à
son dessein national, à condition qu’elle reconnût dans ces
colonies sa souveraineté et l’aidât à les équiper? Ce fut la pre
mière question que je posai au général de Gaulle. Je lui en
posai une seconde à laquelle, comme à la première, il "ne
répondit pas et que je m’en vais rappeler: «Les ravages cau
sés chez nous par l’aviation américaine pour hâter la victoire
des Alliés sont grands, très grands ; il est possible à l’Amérique,
pays du miracle industriel, de rapidement reconstruire ce
qu’elle a détruit. Je suis sûr que si vous chargiez le grand avocat
Henry Torrès, qui fut à New-York l’un de vos meilleurs sou
tiens, de demander l’aide américaine pour la France dévastée
dans une série de conférences, elle ne lui serait point refusée :
personnalités, municipalités rivaliseraient de générosité au
moment de la quête. Il ne s’agit pas, n’est-ce pas, de mendicité,
il s’agit de solidarité ! » J’ai su un peu plus tard que Mme Eléo
nore Roosevelt, qui connaît bien son pays, avait eu la même
pensée que moi ; cette pensée n’était donc pas folle.
Une entente amicale, franco-américaine préalable aurait eu,
je le crois, d’heureux effets, tant en France que dans l’Empire
français, le vent d’anticolonialisme soufflant d’Amérique. Il est
regrettable que le général de Gaulle ne l'ait pas senti. Il ne son
gea même pas à resserrer les liens qui l’unissaient aux journa
listes américains qui durant la guerre avaient défendu sa cause
et qui comptaient parmi les meilleurs de leur pays. La France
n’a jamais su organiser sa propagande ; elle le sait moins que-
jamais. Résultat : comme après la première guerre mondiale,
Anglais et Américains soutiendront bientôt alors qu’ils lui au
ront refusé toutes réparations, toutes garanties de sécurité, que
c’est son impérialisme, et non celui de l’Allemagne, qui est à
redouter.
Quand le général de Gaulle quitta le pouvoir, la partie de
la France était difficile, mais elle n’était pas perdu.e. Elle l’est
maintenant et complètement. Tranchant, décisif, ironique, sar
castique, comme en général les petits hommes de sa sorte, Geor
ges Bidault a voulu mener seul le combat dans les conférences
interaliées et, inapte à la manœuvre, il a été tôt désarmé. Il
l’était déjà, qu'il ne souffrait pas encore le secours du Parle
ment et de la presse, qu’il lanterna jusqu’au jour où il lui fut
impossible de ne pas avouer sa défaite. Ses amis M.R.P. décla
rent : «J’aurais bien voulu vous voir à sa place, pris entre
Américains, Anglais et Russes. Sa position était intenable. » Ils
l’accusent en le défendant.
PRIX : 10 FRANCS
Directeur politique : Émile BURÉ
VENDREDI
11 JUIN 1948
Remarquable continuité de l’effort français
dans tous les domaines:
industriel, agricole et financier
st
le
VI
L’éfiondrement de la Troisième Force
sur le plan gouvernemental vient
de sa faiblesse sur le plan national
Le ministère Schuman S' enlisera- t-il définitivement
dans les sables mouvants du décret Poinso-Chapuis ?
Le général
DE GAULLE
contre
les accords
de Londres
" La France est en état
de danger permanent”
(lire Varticle en 6 e page)
D’abord il ne fit rien pour se concilier la Russie soviétique.
Tout au contraire, il fit tout pour se la rendre hostile (affaire du
camp de Beauregard, discours injurieux à l’adresse de la Tché
coslovaquie, proclamation de
Turin, etc.). La Tchécoslova-
CRISE ou INFLATION?
Yzchapperons-nous à ce dilemme ?
par H. BUFFANDEAU
L’audition de M. René Mayer
devant la commission des Fi
nances a donné lieu à un certain
nombre d’interprétations, — dont
la nôtre, — que la rue de Rivoli
a jugé bon de mettre
Avouons tout net que
mentation ne nous a
vaincu. .
Certes, il est hors
au point.
son
pas
argu-
con-
de
esprit de mettre en doute
notre
l'œu-
vre courageuse et importante
accomplie par le ministre des Fi
nances. Mais nous aurions pré ¬
Le centenaire
de Paul
par
Gauguin
Michel GEORGES-MICHEL
féré que l’équilibre financier du
premier semestre soit obtenu par
des économies brutales plutôt que
par des mesures exceptionnelles,
fiscales ou monétaires, qui pèsent
lourdement sur le crédit de l’Etat
et dont le moindre inconvénient
est de ne pouvoir être renouvelées
sans provoquer l’effondrement dé
finitif de ce qui reste de con
fiance.
Le système politique dans le
quel nous vivons ne permettait
pas cette solution, ce dont on ne
saurait faire grief à la rue de Ri
voli. Dans ces conditions, l’arrêt
de l’inflation, générateur possible
de baisse ultérieure des prix s’il
peut être maintenu, est un actif
non négligeable. Regrettons seu
lement que le répit ainsi obtenu
n’ait pas pu être utilisé à la mise
en œuvre pratique d’un commen
cement de véritables économies.
Le dégagement des cadres est en-
• core pendant devant le Conseil de
(Lire la suite en page 6)
par René SAIVE
Dans l’un des nombreux récits
qu’il consacre à ses aventures de
chasse en Amérique du Sud,
Biaise Cendrars conte l’histoire
d’un boa prodigieux qu’à la vérité
personne n’avait jamais vu, mais
dont l’existence était certaine,
étant donné l’odeur caractéristi
que de ses déjections. Ce boa figu
rerait assez bien la Troisième
Force, exception faite cependant
de la terreur qu’inspirait à ses
voisins ce redoutable animal : per
sonne en effet n’a jamais pu en
faire une exacte description et
c’est à sa seule odeur — une
odeur de roussi, surtout depuis
quelques jours — que les spécia
listes se réfèrent pour l’identifier.
A l’heure où nous écrivons, la
Troisième Force patauge dans ses
déjections avec une conscience et
une allégresse dignes d’une meil-
(Lire la suite en page 6)
L’indice général de notre production industrielle
dépasse celui de 1938 et nos emblavures approchent
très sensiblement, en 1948, celles de Vavant-guerre
par E. MONICK,
gouverneur de la Banque de France
C OMME gouverneur de la
Banque de France, et
comme vice - président
du Conseil national du Crédit,
je suis peut-être plus porté que
les membres des gouverne
ments successifs à reconnaître
qu’il existe une réelle conti
nuité dans les efforts qui ont
été les nôtres depuis la Libé
ration. Certes, les fautes n’ont
pas manqué : toutes d’ailleurs
découlaient du désir de trop
entreprendre à la fois, en mo
difiant au besoin la structure
même de trop d’institutions
économiques et sociales, alors
que la sagesse eût été sans
doute d’utiliser d’abord au
mieux celles qui existaient.
Mais les résultats n’ont pas
manqué non plus : ils sont
parfois assez frappants sur le
plan matériel.
Reconstruction et production
Récemment, M. le ministre
des Travaux
que
Travaux publics rappelait
les 4.200 kilomètres de
voies ferrées détruites pendant
la guerre étaient aujourd’hui
entièrement rétablis, que le
nombre de locomotives en ser
vice, tombé de 18.000 avant la
guerre à 3.500 en 1945, était
maintenant de 12.500, que la
grande majorité des ponts mis
hors d’usage au cours des hos
tilités était aujourd’hui recons
truits à titre permanent ou pro
visoire. Il a donné sur les
ports, sur la marine marchan
de, sur les canaux intérieurs
et sur le trafic relatif aux dif
férentes catégories de trans
ports, des détails également
encourageants. D’autres chif
fres paraissent aussi frappants.
Notre production charbon
nière, qui était d’un million
de tonnes pour septembre
1944 est passée à trois millions
pour janvier 1946 ; elle s’éle
vait à quatre millions et demi
de tonnes pour janvier 1948 ;
elle se maintient depuis à Ce
chiffre.
La production d’électricité
thermique et hydraulique,
tombée en septembre 1944 à
631 millions de Kwh, se rele
vait à 1.820 millions de Kwh
en janvier 1946 ; elle était, en
janvier 1948, de 2.427 millions
de Kwh, dépassant très large
ment les indices d’avant
guerre.
Pour les fontes et aciers,
nous dépassons, en mars 1948,
(Lire la suite en page 6)
La politique par Limage
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quie, la Pologne et même aussi
la Yougoslavie avaient, au re
gard de l’Allemagne et de l’Ita
lie, deux pays dont il a pré
paré l’alliance avec le maxi
mum de légèreté diplomatique,
une politique qui s’accordait
avec la nôtre, et elles pou
vaient ainsi servir utilement
de trait d’union entre notre
pays et la Russie soviétique.
Comment admettre sans colère
qu’il se les soit aliénées ?
'Pour ce qui est de l’Angle
terre et de l’Amérique, déci
dées à retomber dans l’erreur
qu’elles commirent au lende
main de la première guerre
mondiale, à relever l’Allema
gne aux dépens de la France,
(Lire la suite en page 6)
A NOS LECTEURS
Le prochain numéro de
L’ORDRE DE PARIS
paraîtra
le vendredi 18 juin
6 pages - 10 francs
Tahitien
d'Amour,
dans le Bois
il apporta le
parfum de Noâ aux îles
bretonnes et, bien avant
le navigateur blanc, la
haute désespérance de
la solitude...
(Lire l’article en page 5)
MG+
UN MILLION
d'étrangers
viendront en
France cet etc
« 1830 » d’après Delacroix. « 1948 » longtemps après Delacroix.
On lit sur la robe de la Miss qui brandit le drapeau rouge : « Esprit
de révolte bourgeoise » et le premier « révolutionnaire » qui la suit
porte un sac d’or avec l’étiquette « profiteur ».
(Forward, Glasgow)
Il y a 25 ans
mourait
Pierre LOTI
Que pensent, de Fauteur
de Mon frère Yves, Robert
Kemp, André Maurois,
J. et J, Tharaud et Famiral
Lacaze
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GRANDES CAUSES,
PETITS EFFETS
Le partage de l'Inde a fail
li coûter la vie aux vingt
éléphants domestiques du
maharadjah d e Patiala.
Lorsque leurs mahouts ara
bes les eurent quittés pour
émigrer en Pakistan (les
mahouts sont en quelque
sorte les palefreniers des pa
chydermes', lesdits éléphants
refusèrent toute nourriture
et toute boisson. Il fallut que
le maharadjah dépêchât en
hâte un escadron de sa po
lice montée qui rattrapa les
fugitifs, les ramena à Pa
tiala bon gré mal gré et les
remit au service des fidèles
bêtes.
Depuis, un accord s'est
établi : les mahouts musul
mans demeureront dans la
principauté.
,3
13
.3
Grâce au progrès
L'AGRICULTURE
ne redoutera plus l’avenir!
Mais il faut moderniser
toujours davantage notre outillage rural
par R. MONTFORT
Rien n’est plus plaisant que
d'entendre un libéral faire le pro
cès de l’anarchie des prix ! Quel
régime, en effet, pourrait davan
tage favoriser le désordre des
prix, que le propre régime libé
ral ? Le spectacle offert par l’a
narchie de l’économie libérale et
ses conséquences tragiques sur le
plan social et politique : méven
te, chômage, misère, fascisme,
guerre, est encore trop près de
- nous pour que nous
l’oublier.
Cela veut-il dire que
de guerre institué par
baptisé dirigiste, régime
puissions
le régime
Vichy et
maintenu
dans son mécanisme essentiel par
les gouvernements de la libéra
tion, se soit révélé supérieur au
LA SEMAINE DE PIERRE LŒWEL
Je crois qu’il n’était pas inutile
qu’un haut magistrat — et singuliè
rement bien placé pour fournir ces
précisions — fît ces jours derniers
le bilan de cette fameuse répression
sur laquelle il ne se passe pas de jour
qu’une âme tendre verse des larmes
ou qu’un indigne tente d’indigner
l’opinion. Deux cent cinquante mille
Français sont morts dans les camps
de concentration, cinquante mille
travailleurs ont été tués en Allema
gne, trente mille patriotes ont été
fusillés dans les prisons de la Ges
tapo, quarante mille civils massacrés,
trente mille combattants des Forces
de l’Intérieur assassinés. Cela fait au
total quatre cent mille victimes
d’une part, et au profit ou au détri
ment des cours martiales et des cours
de justice mille quatre cents traîtres
fusillés. Ces chiffres n’ont pas be
soin de commentaires-..
Dieu sait si je voudrais parler
d’autre chose mais les vérités pour
lesquelles on se bat obsèdent, et il
vient inéluctablement un moment où
tous les fragments de vérités se re
joignent en une seule qui éclate. Et
celle-là a quitté désormais le plan
national pour atteindre aux propor
tions de la vérité mondiale. On ne
peut pas à la fois favoriser l’Alle
mand du dedans et juguler l’Alle
mand du dehors. On ne peut pas à
la fois maintenir une position de
méfiance, de sauvegarde et de fermeté
vis-à-vis de l’Allemagne et pratiquer
une politique de faiblesse et d’oubli
vis-à-vis de ceux qui, à l’intérieur
du pays, ont travaillé pour elle. On
ne peut pas vouloir combattre la
renaissance du nazisme en Allemagne
quand on est prêt à tolérer celle du
nazisme en France- Et ce qui se pro-
duit actuellement un peu partout
dans le monde, cet ensemble de peurs
et de complaisances qui pousse à la
réhabilitation de la Kollaboration en
s’appuyant sut le raisonnement que
dénonçait ici même Julien Benda :
< Allez-vous vous conduire comme
eux ? » (fort applicable aux assas
sins qu’on exécute au lieu de les
évangéliser) produit ses fruits natu
rels. Vous voulez le pardon ? Dans
ce cas, accordez-le d’abord aux Alle
mands. Vous verrez bientôt ce qu’ils
en feront. Quant aux autres, c’est
déjà vu.
libéralisme ? Il n’est pas possible
sur ce point d’établir une quel
conque comparaison entre les
deux systèmes, étant donné qu’ils
se situent à des époques totale
ment différentes. L’économie de
guerre, l’économie anémiée, l’éco
nomie de pénurie n’est en rien
assimilable à l’économie de pros
périté et d’abondance, et la com
paraison que l’on tenterait d’éta
blir ne pourrait l’être qu’à des
fins politiques et manquerait de
sérieux. •
Aussi, notre rédacteur du rap
port agricole de l’Alliance démo
cratique (I) se borne-t-il à souli
gner la négligence des pouvoir. 1
publics qui ne se sont pas pré
occupés suffisamment d’harmoni.
ser les prix agricoles entre eux
ce qui a eu pour conséquence
aux dires de l’auteur, de déséquili
brer la production et de démora
liser les producteurs.
C’est tout à fait notre avis
mais tandis que nous accusons
pour notre part, les insuffisance;
d’un dirigisme mal conçu et ma
organisé et trop limité dans l’é-
tendue de ses pouvoirs et dan. :
les moyens d’action mis au ser
vice de son autorité, le spécialiste
agricole de l’Alliance démocrati-
que voit, quant
de cet état de
diamétralement
reste ouvert et
sormais résolu,
et l’abondance
à lui, les causes
choses,' d’un côté
opposé. Le débat
ne sera plus dé
car la prospérité
reviendront heu-
BILLET PARISIEN
II. - Et ce nombre serait plus
élevé si nous leur évitions
d’inutiles tracasseries
par F. CHARBONNIER
Ce n’est pas la première fois qu’il
est question d’étendre l’application
de l’impôt sur le revenu aux recet
tes faites par les demoiselles de pe
tite vertu et qui réussissent à faire
porter parfois de très importants
intérêts à leur petit capital. Mais il
paraît que cette fois les agents du
fisc ne s’en tiendront pas à des
oaroles : ils passeront aux actes.
Nous ne disons pas aux gestes. Il
y a un an déjà, le Conseil d’Etat
avait été saisi d’une protestation
en bonne et due forme présentée
par un syndicat de jeunes et jolies
courtisanes désireuses de ne point
être écorchées par les percepteurs
Ces demoiselles demandaient à la
Haute Assemblée de déclarer que les
dons à elles faits par des amis ou
fixes ou de passage ne pouvaient
point être considérés comme salai-
te, pas davantage, comme
ce de professions libérales,
plus comme honoraires. Ils
donc échapper à l’emprise
bénéfi-
et non
devaient
du fisc.
Du commissaire général au Tou
risme à la Chambre syndicale des
Hôteliers l’optimisme règne. Un
grand nombre d’étrangers viendront
en France cette année. Les chiffres
records de 1929 ne seront certes pas
battus. Mais l’on espère néanmoins
que plus d’un million de touristes
visiteront notre pays durant l’été.
Neuf cent mille seulement y vinrent
l’an dernier, le nombre étant déjà
supérieur de près de 80 0/0 à ce
lui de 1946. En 1947, le touris
me rapporta d’ailleurs à l’Etat plus
de 7 milliards de devises contre 2,7
l’année précédente. L’amélioration
est donc constante. La dévaluation,
du reste, joue en notre faveur: nos
prix sont actuellement inférieurs de
20 à 25 0/0 à ceux pratiqués dans
les autres pays d’Europe.
Et comme depuis le 1er mai le
gouvernement britannique autorise
ses nationaux à « sortir » 35 li
vres d’Angleterre, on pense dans les
milieux officiels que beaucoup d’en
tre eux en profiteront pour traver
ser la Manche.
(Lire la suite en page 6)
(Richmond Post Dispatch.)
— Plus rien aux nations inami
cales !
(El Nacional, Mexico.)
— Rien de bon à manger par
ici ! Rien que des traités de paix !
Ce qui vient de la flûte
xepat kientât
pwL Le tam&Gwi
L'AFFAIRE GAILLOCHET-GOULIN
L’infatigable commissaire Fe
rez y Jorba vient de soulever avec
cette nouvelle affaire d’exporta
tion de capitaux un lièvre de taille
qui comporte un enseignement,
somme toute, réconfortant.
MM. Gaillochet et Goulin fu
rent en effet de grands manipu
lateurs du marché des valeurs à
terme et réalisèrent sur le dos
de l’épargne une fortune considé
rable avec la Franco-Wyoming,
la Malopolska, la Corocoro. Fi
nanciers avisés, ils planquèrent
leurs profits dans d’autres valeurs
que celles qu’ils prônaient au pu
blic. Ces capitaux vont sans dou
te faire retour pour une large
part au trésor public et ainsi se
ra-t-il démontré une fois de plus
les bienfaits de l’épargne pour le
Trésor public et illustré ce. vieux
proberbe : « Ce qui vient de la
flûte repart par le tambour ».
Robert DREUX.
Le 10 juin 1923 mourait à Ro-
chefort le capitaine de vaisseau
Julien Viaud, Pierre Loti. Le 10
juin de cette année marquera
donc les noces d'argent de sa mé
moire et de sa renommée. C'est,
pour l'œuvre d'un écrivain, une
sorte d’âge critique que vingt-
cinq ans passés après sa mort,
une épreuve de sa pérennité. Cet
anniversaire passera presque
inaperçu. Nulle célébration of
ficielle n’est prévue; pas de dis-'
cours en Sorbonne, pas de céré
monie autour d’une plaque com
mémorative.
Serait-ce le début de l'oubli
pour Loti? Nous avons, pour le
savoir, interrogé quelques écri
vains ou critiques.
Robert Kemp : « Avec le
temps, Loti reviendra
de mode »
M. Robert Kemp, feuilletoniste
des Nouvelles Littéraires nous
fournit une réponse nuancée et
dûment motivée.
— J’ai beaucoup lu Loti dans
ma jeunesse, j'avoue que je l’ai
un peu abandonné. Mais je pense
qu’il s’agit là d’une éclipse passa
gère. Pour certaines générations,
Loti a été une sorte de grand
frère pathétique.
goisse et l'idée de la
Son art, l'an-
mort qui
hantent son œuvre ne sont peut-
être pas dans nos préoccupations
actuelles. D’autres générations
viendront, en d’autres temps, qui
s’y intéresseront de nouveau et
qui pourront encore puiser chez
lui. Comme voyageur, il est dé
passé; on a vu plus que lui et
mieux que lui peut-être. Reste à
(Lire la suite en page 3)
Bateau - mouche
et « vol de nuit »
Bien souvent les Parisiens
se demandent : « Mais que
sont donc devenus les ba
teaux-mouches ? »
Eh biin ! le dernier a en
tre eux, amarré près du pont
Alexandre-111 avait été ache
té par la veuve d’un de nos
plus grands pilotes, porté
disparu en 1944, homme de
lettres dont l’œuvre vientd’ê-
tre couronnée d’un prix aussi
littéraire que diplomatique.
Le petit navire ayant été
aménagé d façon char
mante, la maîtresse du bord
y recevait des amis choi
sis, permettant de très pa
risiennes soirées.
Mais les temps sont durs
et ce « Club des St-Ex »
vient de se transformer en
« night-club », l’hôtesse en
débitante de boissons al
cooliques. Avec son nom et
les souvenirs qu’il contient,
on s’attendait à une autre
pratique du « vol de nuit »!
reusement avant épuisement de;
arguments opposés.
M. Cercler dénonce plus dure
ment encore ce qu’il appelle le:
intentions révolutionnaires du
premier ministre de l’Agriculture
de la Libération qui entendait so
cialiser notre agriculture et la
subordonner à l’industrie. C’est
un reproche nouveau et, à la vé
rité. assez surprenant. Jamais
M. Tanguy-Prigent, dont la poli
tique avait reçu l’accord — rap-
pelons-le — de l’unanimité des re-
présentants de l’agriculture ras
semblés, grâce à lui d’ailleurs, au
sein de la C.G.A., ne s’était en
core vu opposer cette critique
Ah ! certes, le vote obtenu de
l’Assemblée nationale constituante
en faveur du statut du fermage
et du métayage présenté par ses
soins est un acte important, mais
de là à l’assimiler à une sociali
sation, il y a une marge sérieuse
De plus, croit-on que l’unani
mité de tous les parlementaires
se serait faite sur ces textes nou
veaux s’il s’était agi d’une véri
table socialisation ?
Voit-on les députés P.R.L. et
réactionnaires s’associant aux
marxistes pour une telle opération
révolutionnaire !
(Lire la suite en page 6)
Par ailleurs, nos plaignantes deman
daient encore, au cas où le Conseil
d’Etat déciderait, contre leur at-
’ente. que les dons en question de
vaient être frappés des taxes habi-
'uelles. qu’il précisât ce que l’on
devait entendre en l’espèce sous le
’erme de « frais professionnels »
Deux problèmes délicats étaient
ainsi soumis à la sagesse de nos
conseillers qui, cette fois encore,
n’étaient point les payeurs. Sans
s'attarder aux détails et laissant au
ministère des Finances toute lati
tude quant à l’appréciation des
trais, le Conseil d’Etat répondit af
firmativement sur l’essentiel : les
tilles soumises le sont aussi à l’im
pôt. Payer de leur personne ne les
dispense pas de payer sur leurs biens.
Et cette année des poursuites se
ront impitoyablement intentées
contre les jeunes personnes qui se
soustrairaient à ce devoir fiscal.
—Tu as vu ? disait l’autre jour
Manon à Carmen, il va falloir met
tre la main à la poche.
— De qui ? interrogea avec ingi
nuité Carmen.
Evidemment.
La menace des agents du fisc n’a
pas été sans soulever dans les rues
chaudes un certain émoi. Dans telle
ville méridionale, on put, durant
vingt-quatre heures, se croire reve-
nu au
:emps de Lysistrata : il
n'était que bruit de grèves des.
« bras
croisés ». Une ancienne étu-
diante avait proclamé fièrement le
grand principe économique: « Tout
impôt est injuste qui, au lieu de
frapper la richesse, frappe le tra-
vail. » C’était la révolte,
apaisa tout. Ces dames,
couchées, cess'rent de se
Les belles petites s’étaient
La nuit
à peine
plaindre,
dit sans
LA TRIBUNE LIBRE DE L’
Style littéraire
‘ORDRE
DE PARIS”
et style d’idées
par
Julien BENDA
(1) Il s’agit de M. Cercler, dont
nous avons commenté la première
partie du rapport dans notre pré
cédent article.
doute qu’il leur serait toujours fa
cile de truquer leurs déclarations, et
q -e bien malin serait le percepteur
à qui il ne serait pas possible de
faire lire la feuille à l’envers.
SCAPIN.
Dans une récente chronique, je prenais texte de l’opposition entre
le style littéraire et le style d’idées (1). Or, plus j’y pense, plus elle
me semble fondamentale.
Invité depuis quelque temps par d’indulgents amis à tirer de mon
œuvre un petit volume de « morceaux choisis », qui valût donc, du
moins selon leur dessein, par son ton littéraire, je découvris que mes
livres, ne consistant guère qu’en des propositions d’idées et des raison
nements visant à les soutenir, comportaient fort peu l’attrait littéraire,
du moins selon ce que. tout le monde entend sous ce mot. Du même
coup je fis cette remarque qui ne m’était jamais venue; à savoir que
les « anthologies » (de prosateurs) contiennent de saisissantes descrip
tions du monde extérieur, de brillantes observations psychologiques,
deS truismes moraux bien frappés, mais pas une page de discussion,
d’analyse profondément poussée, de logique rigoureuse et conduite
avec tout le développement qu’elle exige. C’est que ces activités,
quand elles sont exercées (2), ne peuvent pas s’exprimer sans des
surcroîts de précision, des insistances d’explication, des demandes
d’attention — des « lourdeurs » — qui les bannissent de droit d’un
parterre de fleurs littéraires. « La pensée, par sa nature, dit Valéry,
manque de style. » Mot très juste, si l’on veut dire de style littéraire.
Quand on pense au genre de style qu’exige un sujet sérieux, bien
posé, bien délimité et réellement traité, ne peut-on pas écrire, comme
je l’osai un jour dans La Nouvelle Revue Française, moderne
Polyeucte qui brise les idoles dans le temple même : « Le substantiel
n’est pas littéraire. »
Et, de fait, l’insertion de la pensée, telle que je viens de l’évo
quer, dans le style littéraire semble bien impossible sans qu elle perde
quelque chose de sa complexité. Dans ses Philosophes du XIX e siècle,
Taine a « traduit », dit-il, une phrase terriblement rocailleuse de
Maine de Biran en style de Voltaire. Thibaudet, qui pourtant goûtait
peu le jargon philosophique, lui a montré qu’avec sa traduction il
avait laissé échapper toute une nuance de la pensée de l'illustre
métaphysicien. Renouvier accuse quelque part Renan de renoncer
à une articulation de son raisonnement pour éviter un qui ou un que;
or c’est parce qu’il adopte de telles mœurs d’écriture que Renan siège
dans la galerie des littérateurs et parce que Renouvier les repoussa
qu’on ne l’y voit pas.
Les philosophes, disais-je dans cette chronique, sont littéraires, ou
tenus pour tels, dans la mesure où ils n’ont pas de rigueur : exemples
Cousin, Bergson, Edouard Le Roy; d’ailleurs, et à bon droit, acadé
miciens. On peut ajouter que, réciproquement, ils cessent d’être
littéraires pour autant qu’ils ont de la rigueur ou y prétendent.
Bergson ne figure pas dans les anthologies pour sa doctrine du schème
moteur ni sa critique du parallélisme psycho-physique; Taine y prend
place pour son Foyage aux Pyrénées ou pour une page éloquente des
Origines de la France contemporaine, non pour ses analyses de
l’Intelligence.
Quant à ceux qui ne sont que rigueur -— Auguste Comte, Renou
vier (on n’ose pas pour Descartes, malgré ses phrases de quinze
lignes , hérissées de qui et de que) — on déclare net qu’ils écrivent
mal; verdict irréfutable si le bien écrire est celui d’Anatole France
ou de Paul-Louis Courier. Reste à savoir si ce qu’ont à dire ces
penseurs peut l’être en langue facile. Mais l’idée de mes compatriotes,
qui ne descendent pas pour fien de l’hôtel de Rambouillet et pour
qui le juge suprême des ouvrages de l’esprit reste le salon de conver
sation, est qu’on n’a pas à vouloir dire ces choses-là si l’on est un
homme de bonne compagnie.
Dois-je préciser qu’il n’y a là de ma part aucune intention d’exal
ter l’abscondité germanique furieusement pratiquée actuellement dans
le pays de Descartes, au fond de laquelle il n’y a le plus souvent,
quand il y a quelque chose, que des idées très simples, qui pouvaient
être dites dans la langue de tout le monde, mais dont on découvrirait
alors que des Français les ont énoncées depuis longtemps — voire,
ainsi qu’il convenait, sous une forme littéraire.
(1) J’ai essagé de traiter la question à fond dans mon dernier
livre : Du style d’idées, ch. VII : « De l’expression de la pensée. » Aussi
dans ma France byzantine : « Essai d’une psychologie originelle du
littérateur. »
(2) Elles ne le sont nullement dans les Provinciales qu’on ne man
quera pas de m’opposer, et dont un critique, très hostile aux Jésuites,
M. André Mater, a montré qu’elles n’étaient qu’un admirable exemple
de polémique, n’allant aucunement au fond — très compliqué — de la
question; ouvrage éminemment littéraire, ajouterai-je, précisément par
cette carence. "
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