Titre : L'Ordre
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1948-05-28
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32829724j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 28 mai 1948 28 mai 1948
Description : 1948/05/28 (A2,N227). 1948/05/28 (A2,N227).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t51173568
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-1857
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/11/2021
LA GUERRE
Première pierre de touche
de la bonne volonté des
DES DEMOCRATIES
Russes et des Américains
2*
année. ... N* 227,
ESI PERDUE
PRIX : 10 FRANCS
Directeur politique : Émile BURÉ
VENDREDI
28 mai 1948.
L’AUTRICHE
par Émile BURÉ
CRISE SERIEUSE
UN GOUVERNEMENT
66
p Puisque notre journal, mal récompensé de la clairvoyance
dont il a témoigné avant et après la guerre, se voit obligé de
paraître non plus quotidiennement mais hebdomadairement
durant quelques semaines, je saisis l’occasion qui m’est ainsi
offerte de rappeler ce que, depuis son premier numéro, il a
demandé, sans, bien entendu, l’obtenir^ D’abord aujourd’hui,
si vous le voulez bien, dans le domaine de la politique exté
rieure seulement.
La parole est, dans notre pays, depuis la Libération, à ceux
— démocrates chrétiens et socialistes — qui, au regard de
i l’Allemagne, se sont toujours trompés parce que sensibles les
premiers à l’influence au Vatican, qui fut toujours germano
phile, les seconds à celle des social-démocrates allemands, qui
ne cessèrent jamais d’être, dans leur immense majorité, pan-
germanistes et bellicistes. Durant l’entre deux guerres on vit,
ceux-là embrasser à maintes reprises ces édifiants catholiques
von Papen et Balder von Schirach, ceux-ci garantir les sen
timents pacifiques de leurs « camarades » de la pseudo-Répu
blique de Weimar.
Les uns et les autres — le pacifisme chrétien ou laïque
étant immanquablement fauteur de guerre -— favorisèrent dans
la mesure de leur force et en toute inconscience, je m’empresse
de le reconnaître, l’accession d’Hitler au pouvoir. Durant la
guerre j’ai cru en exil — que n’ai-je pas cru en < exil! — que
la leçon qui leur fut donnée par le Fiïhrer allemand leur
servirait. Je ne tardai pas à revenir de mon illusion.
C’est sur le bateau qui, de New-York me conduisait à
Alger que j’appris la libération de mon pays. Sur ce bateau
de la Compagnie transatlantique, L’Oregon, je me trouvais
avec des officiers et-des aviateurs français qui, comme moi,
avaient séjourné en Amérique. Nous décidâmes de créer un
journal ronéotypé, Le Petit Oregon-naît — journal de
tous pour tous par tous — et je fus chargé d’en rédiger l’édi
torial. A la date du 3 septembre 1944 j’écrivis dans ce journal:
« Certains estiment qu’on peut rééduquer l’Allemagne. On ne
. change pas, selon moi, l’anatomie morale d’un peuple tel que
le peuple allemand par des prédications, A laver la tête d’un
nègre, on perd sa lessive. L’Allemagne ne deviendra morale
ment sage que si on la contraint matériellemeitl à la sagesse.
Et je demande alors qu’on la prive purement et simplement
de ses arsenaux 'de guerre — ceux de l’Ouest iraient à la
France, ceux de l’Est à la Pologne. >
• Sur ces entrefaites un premier discours de Georges Bidault
nous parvint. Son auteur gémissait déjà sur le sort de l’Alle
magne, distinguait déjà entre la bonne et la mauvaise Alle
magne. Renaissance express et inattendue, pour mot, du
briandisme. Mon article du Petit Oregon-naît exprima
ENTRE LONDRES
ET WASHINGTON
" Climat plus doux ” au contraire
dans les rapports américano-russes
par Marcel HODEN
La guerre de Palestine ; les
échanges de notes officieuses en
tre Washington et Moscou; les
délibérations du Congrès améri
cain au sujet de « l’aide » poli
tique et, militaire, aux Etats si
gnataires du Pacte de Bruxelles ;
la Conférence de Londres sur l’or
ganisation de l’Allemagne et la
mise en œuvre du plan Marshall,
tels sont, sur le plan internatio
nal, les principaux événements
de la semaine qui vient de s’écou
ler. En dépit de la diversité des
sujets et des lieux, un trait com
mun réunit ces divers événe
ments. C’est à savoir, l’influence
que, pris séparément ou consi
déré dans leur ensemble, ils ont
exercé sur la situation interna
tionale et, plus particulièrement,
sur les rapports des grandes
puissances entre elles.
Un état de guerre existe en Pa
lestine. Le Conseil de séourité des
Nations Unies peut avoir des dif
ficultés à le constater juridique-
. ment, du fait des objections que
soulève le gouvernement britan-
(Lire la suite en page 6)
La politique par l’image
L’Oncle
(Packer, N.Y. Mirror.)
Sam faisant monter
l’aiguille qui marque la puissance
aérienne : — Et nous pouvons
souffler plus fort encore s’il le
faut !
J affaires courantes
ET UNE ASSEMBLEE
Le traité de paix qui va être
signé doit faire en sorte que
l’Autriche ne devienne pas
une proie, ni même une
tentation pour quiconque. ”
J affaires électorales
Lourds orages à l’horizon
nous die le général
MALAISE
COMMERCIAL
Où les questions de
trésorerie rejoignent
le problème politique
par H. BUFFANDEAU
(lire l’article en page 6)
Le
par René SAIVE
temps qui est souvent ga
lant homme dans les affaires d’a-
l’amitié que j’avais alors pour le nouveau ministre des Affaires
étrangères de mon pays et la peine que m’avait causée son
discours. Je faisais, au demeurant, pleine confiance au général
de Gaulle pour la définition de la politique allemande du
Quai d’Orsay. Le général de Gaulle la définit en effet,, mais
pas à ma pleine satisfaction. Sa volonté de paix n’était Di
suffisamment explicite à mon gré. Mais, lui parti, il falL
dire adieu à toute espérance de paix juste et durable. Dans
la carence du Parlement, dans la complaisance de la presse,
A NOS LECTEURS
ias
lui
Le prochain numéro de
L’ORDRE DE PARIS
le ministre de son choix. Georges Bidault, abandonna une à
une toutes les revendications françaises en continuant d’affir
mer qu’il ne désespérait pas de les faire triompher,
A dire le vrai, il s’était résigné à la guerre et il la préparait
en plein accord avec les représentants de l’Amérique et de l’An
gleterre, faisant de son mieux pour blesser la Russie soviétique
avec laquelle il avait rompu en fait, sans en avertir le pays.
L’affaire du camp de Beauregard, le discours injurieux à
l’adresse de la Tchécoslovaquie furent pour attiser le feu de la
passion antisoviétique qui pousse en Europe au heurt du bloc
occidental côntre le bloc oriental, non seulement pour la ruine
de la France, mais pour celle de tout le monde civilisé.
le
paraîtra
vendredi 4 juin
6 pages - 10 francs
Le général de Gaulle — son lieutenant Pglewsky ne nous
en fait pas mystère — désavoue la politique de Georges
Bidault, qu’il installa au Quai d’Orsay, mais maintenant en
réalité la sienne ne paraît pas très différente. Après avoir été
en défiance de l’Angleterre et de l’Amérique et fait confiance
pour cela à la Russie soviétique, le général de Gaulle a complè-
tement renversé sa position. Il
croit, lui aussi, que la « guerre “
froide » qui met aux prises
l’Amérique et la Russie sovié
tique s’échauffera. Il accepte
la division de l’Europe en
deux blocs dont le' choc est,
selon lui, inévitable et il invite
même la France à prendre la
direction des forces du bloc
occidental auquel elle adhère
à son contentement. L’Allema
gne occidentale faisant partie
de ce bloc, l’Amérique et l’An
gleterre sont en droit, logique
ment, de lui demander de re
noncer à toutes les revendica
tions qu’il avait fait valoir
contre elle en récompense de
son concours à la défaite de la
Russie soviétique.
Nous avions prévu dans ce
journal que la révolution du
machinisme qui favorise le so
cialisme troublerait les négo
ciations de paix, que les na
tions alliées seraient dentées
de subordonner leurs intérêts
nationaux vitaux, bien enten
dus, aux intérêts passagers et
mal entendus de leurs classes
dominantes capitalistes,, mais
nous espérions, malgré tout,
qu’elles résisteraient à cette
tentation. Elles en ont été in
capables, en dépit des objur
gations de tous les politiques
clairvoyants d’Europe et d’A-
. mérique, et « la guerre des
démocraties » aboutit alors
au relèvement et à la réhabili
tation de l’Allemagne, et de
tous ses satel'istes, aux applau
dissements moqueurs et vindi
catifs de tous ceux qui lui
prêtèrent traîtreusement ap
pui. J
J’ai reçu hier un nouveau
livre d’Alfred Fabèe-Luce :
« Une Tragédie royale, l’af
faire Léopold III » qui est
à ce sujet, significatif. L’au
teur de ce livre, germanophile
avoué de toujours, étend son
action. Son défaitisme est de
venu article d’exportation et,
après avoir défendu en Fran
ce Pétain, le voici défendant
en Belgique Léopold III, Nous
constaterons que celui-ci, ren
contrant un pareil défenseur,
n’a pas de chance, mais nous
nous garderons d’intervenir
dans le débat qui s’est insti
tué à son sujet dans lés mi
lieux politiques belges. Nous
ne citerons du livre d’Alfred
Fabre-Luce que le passage qui
intéresse toutes les nations al
liées et en particulier la Fran
ce. A M. Pierlot, l’ancien chef
du gouvernement belge en exil
qui s’élève contre le retour de
Léopold III en Belgique, notre
auteur déclare avec autant
d’intelligence que de cynisme:
M. Pierlot s’exprime comme si
la position diplomatique des di
verses puissances du continent
répondait aujourd’hui à une sorte
de palmarès de la Résistance.
C’est peut-être encore l’apparen
ce, ce n’est certainement plus
la réalité de la situation. Pour
en être assuré il suffit de consi-
(Lire la suite en page 6)
2.000 chiens
au Vél” d'Hiv'
Au champion, N. Vincent Auriol
donne un biscuit... (de Sèvres)!
(G. Whitelaw, Daily Herald.)
mour l’est beaucoup moins dans
les affaires politiques. Le cabi
net Schuman a fêté — façon de
parler — ses six mois d’existence
dans le décor bucolique du châ
teau de Champs, mais, si les mi
nistres ont choqué leurs verres
en l’honneur de ce demi-anniver
saire, ils ont dû convenir qu’ils
s’accordaient plus aisément sur
le choix d’une bonne bouteille que
sur la gestion des intérêts pu
blics. "
La seule décision qu’ils aient
pu prendre à l’unanimité, et qui
fut commentée avec une joie bien
compréhensible par le président
du Conseil et M. Coudé du Fo-
resto, concerne l’augmentation de
la ration de pain. Cet événement
méritait qu’on le célébrât comme
on le fit. Il avait néanmoins dé
pendu de Washington, et de lui
seul, qu’il se produisit. Le gou
vernement l’accueillit comme une
aubaine, mais, ayant rendu hom
mage au providentiel oncle Sam,
il lui fallut reconnaître que dans
les domaines où s’exerçaient ses
propres forces et ses vertus ori
ginales, des résultats positifs ne
devaient être envisagés qu’avec
prudence.
Première difficulté : l’échéan
ce du 1er juin. Il s’agit d’obtenir
avant cette date une baisse sub
stantielle des prix. Sur ce point,
aucun dissentiment. M. Monick,
(Lire la suite en page 6)
BETHOUARD
haut-commissaire de France à Vienne
Le général Béthouard, haut-commissaire de France en Autri-
che, prononçait, hier soir, avec un vif succès au Comité France-
Amérique, une conférence sur la question autrichienne; nous le re ¬
mercions d’avoir bien voulu nous en
Leg discussions sur le traité
de paix avec l’Autriche, re
prises au mois de février 1948,
sont actuellement poursuivies.
Des progrès sensibles ont été
déjà réalisés. Avant de con
clure en répondant à la ques
tion : « Où va l’Autriche? »,
je voudrais donner un aperçu
de l’état actuel des négocia
tions en insistant sur le carac
tère des clauses qui font encore
l’objet de divergences.
Un des résultats essentiels,
récemment obtenu à Londres,
est l’accord sur l’article 17 du
• traité qui est la plus impor
tante des clauses militaires.
Cet article fixe en effet les
grandes lignes de l’armée au
trichienne, dont les effectifs
sont limités à 53.000 hommes
pour l’armée de terre, y com
pris la gendarmerie et les gar
des-frontière, et à 5.000 hom
mes pour l’aviation militaire,
qui comprend 90 avions dont
dix ans,
nous an-
La commission d’enquete
sur le scandale du vin
n’est vraiment pas curieuse
LES MYSTERES DU « LACYDON »
(lire notre compte rendu en sixième page)
Le "Plan Bleu
est chose sérieuse et qui demande
à être prise au sérieux
Deux mille chiens de race dis
putent cette semaine leur cham
pionnat du monde de beauté. A
cette occasion, le Vél’ d’Hiv’ a été
transformé en chenil gigantesque
avec quatre rangs de cages mé
talliques qui courent autour de
la piste... Mais commençons sans
tarder notre visite : dès l’entrée,
une bouffée d’air chaud nous sai
sit à la gorge, l’atmosphère est
imprégnée du désinfectant que
pulvérisent des aides à blouse
blanche et les « participants »
manifestent leur mécontentement
d’être enfermés dans de si pe
tits réduits par des aboiements
et hurlements variés allant du
grave à Taigu et amplifiés par la
vaste caisse de résonance que
constitue le Vélodrome d’Hiver.
Des cockers avec leurs oreilles
ondulées aux lévriers afghans re
vêtus d’une fourrure aux poils
tombants, l’exposition nous mon
tre : les griffons toujours mal
peignés, les setters orgueilleux
de leur belle queue empanachée,
les barzoïs à la tête aplatie, les
braques tachés de roux et les ra
ces plus rares 4 : mastinis espa
gnols ou lakelands terriers.
Sur un socle, au centre de la
piste, se trouve un vase (en bis
cuit) de Sèvres, offert par le pré
sident de la République et qui
viendra consacrer la victoire du
meilleur.
Les propriétaires se tiennent
devant les cages et discutent des
mérites respectifs de leurs can
didats : un éleveur américain
vient d’acheter 500 000 francs un
berger allemand de race — rap
pelons qu’un lévrier vaut cou
ramment 200.000 francs, un poin
ter primé 80 000 et un dogue de
Bordeaux 100.000 francs.
J.-M. D.
En quatrième page :
A TRAVERS LA PRESSE
par Jean GALINE
PENICILLINE
ET POMPES FUNEBRES
C’est une très courte (et au
thentique) histoire que racon
te Marcel Pagnol.
Participant à une réunion à
Pézenas en pleine canicule,
notre Méridional immortel sor
tit prendre un peu d’air frais.
Le hasard de sa promenade le
mena aux environs du cime
tière. Le marbrier voisin était
devant sa
l’interpella
— Alors,
faires vont
porte et Pagnol
aimablement :
mon ami, les af-
bien ?
— Ah ! là, là ! Ne m’én par
lez pas, monsieur, répondit lé
brave homme avec « Tas
sent », cette pénicilline... elle
nous tuera !
LES ORIGINES
DE L’AFFAIRE
Puissions-nous, dans
conter ainsi le duel qui
goisse aujourd’hui !
(Chase, New Orléans States.)
L’Europe occidentale : — Oui
ou non, voulez-vous protéger vos
investissements ?
1" juin: baisse sensible
rajustement ou
grèves ?
communiquer les bonnes feuilles:
70 de combat. La question de
l’armement a pu être réglée
grâce aux concessions du, re
présentant soviétique, qui, fi
nalement, a accepté que l’Au
triche puisse se procurer à
l’étranger les armes et les
équipements nécessaires à ses
forces armées.
Si certains points de détail
doivent encore faire l’objet de
discussions, il est probable
qu’un accord général sur les
clauses militaires pourra fina
lement être atteint.
Ainsi, l’Autriche sera à même
de posséder les forces mili
taires suffisantes pour assurer
l’ordre intérieur et la sécurité
de ses frontières si celles-ci ve
naient à être menacées par des
éléments peu importants.
Mais il est bien évident que
ces moyens limités ne seront
pas suffisants pour protéger
efficacement l’indér ndance
de l’Autriche en cas d’agres
sion^
C'est pour cette raison que
les puissances occidentales ont
. voulu introduire dans le traité
une clause de garantie collec
tive de l’indépendance de
l’Autriche et de l’intégrité de
CE QU’ILS DISENT
M. jouhaux (C.g.t.-f.o.)î « Je n’ai pas réclamé au
gouvernement 7 0/0 d’augmentation. »
M. D. MAYER: « Ni revalorisation ni échelle mobile des
salaires. »
M. LE LEAP (C.G.T.)z « La C.G.T. prendra toute dis
positions le 1er juin. »
M. TESSIER « On peut toujours causer. »
...et M. Tout le Monde: «.Comment s^n sortir?»
A plusieurs reprises la presse a
publié « la vérité sur l’affaire du
Plan Bleu » ; c’était chaque fois
des versions différentes. Qu’îl nous
soit permis aujourd’hui d’apporter
des éclaircissements sur les origines
de sa découverte.
Fin mai 1947, un rédacteur du
journal Aux Ecoutes qui vient du
reste d’en témoigner officiellement
recevait la visite de deux de ses ca
marades de la division Leclerc, tous
deux garçons d’excellente famille.
Didier Cotte étudiant en philoso
phie et Delchambre représentant de
commerce. Ils avaient des « en
nuis », racontèrent avoir été recrutés
par un nommé De Mervelce pour
pour faire parti d’un commando
anti-ommuniste, ce qui notons-le
répondait parfaitement à leur ten
dance politique. Seulement, pour
alimenter la caisse et faire vivre les
membres de ce commando il fallait
faire des « coups de main » en
attendant mieux !... De nombreuses
affaires réussirent... mais la dernière
en date, l’attaque de deux vieilles
filles qui possédaient de l’or rue
Championnet, les avait fait recon
naître. la police les poursuivait, ils
ne savaient que faire et semblaient
regretter sincèrement « tout ça ».
La police en la personne d’inspec
teurs des Renseignements généraux
de la Sûreté nationale parvint effec
tivement à les arrêter. Les R. G.
connaissaient l’existence du groupe
et obtinrent sans trop de difficultés
semble-t-il des deux jeunes gens
(moyennant la cessation de pour-
naît la suite, la découverte du fa
meux Plan Bleu, les affiches, les or
dres de mission, les proclamations
pour le jour J, les arrestations de
De Vulpian, des généraux Guillau-
dot et Merson, Loustounau-Lacau,
de Munch, du commandant Renau-
dain, du capitaine Prate.
Il faut bien le dire, c’était là un
début. Le recrutement des forces
antirépublicaine dans le cadre du Pla,
Bleu était vraisemblablement un
maillon, une partie seulement des
troupes que se proposait de grouper
l’amiral Auphan autour de son Co
mité central de coordination. Les
troupes parallèlement organisées no
tamment au sein de l’Armée fran-
çaise loyale,, de l’Armée franche, du
M. A. C., s’ignoraient les unes les
autres.
Aujourd’hui, le général Guillau-
dot est en fuite, il a promis de venir
au procès, de Mervelce aussi. Mais
déjà une campagne de presse à peine
camouflée s’amorce pour faire tom
ber dans la « rigolade » ce qui était,
tout semble le prouver, le début
d’une conspiration contre la Répu-
blique.
Quoi qu’il en soit, les magistrats
qui ont instruit l’affaire ayant été
sérieusement malmenés se sont jugés
outragés et ont assigné plusieurs
journaux devant la Chambre dès
mises en accusation.
S.-M. GORLIN.
TRIESTE
ne doit pas être
ville italienne
Le Comité pour l’indépendance
de Trieste, qui groupe Yougoslaves
et Italiens soucieux de l’avenir du
grand port méditerranéen et de
la paix européenne, vient d’adres-
ser une vigoureuse protestation au
secrétariat général de . l’O. N. U.
contre une éventualité de ratta
chement à l’Italie, acceptée par
MM. Marshall, Bevin et Bidault.
Cette protestation a été sou
mise à l’assemblée générale des
Nations Unies. Trieste doit être
ville libre et avoir une adminis
tration totalement indépendante
des deux pays qui se la disputent
aujourd’hui Là est le salut de la
ville et le salut de la paix.
< On verra au 1er juin ». De
puis six mois, en somme, la poli
tique gouvernementale, en matière
de salaires, a consisté à fixer com
me premier terme à l’expérience en
treprise, cette date que l’on veut
fatidique.
Aussi ne s'étonnera-t-on pas de
voir aujourd’hui les principaux in
téressés tirer la sonnette de l’Hôtel
Matignon ou du ministère du Tra
vail pour aller poser à M. Schuman
ou à M. Mayer (Daniel) cette ques
tion bien naturelle : « Et main
tenant, qu’allez-vous faire ? Une
vraie baisse ou une augmentation
de salaires ? »
Dans certains milieux politiques,
toutefois, l’optimisme est de mise :
l’abondance des produits sur le mar
ché d’une part, l’absence de grands
mouvements revendicatifs d’autre
(.Lire la suite en page 6)
ses frontières à laquelle, jus
qu’ici, s’est opposée l’U.R.S.S.,
qui estime inutile une telle pré
caution. Rien ne peut laisser
prévoir qwe l’Union soviétique
puisse modifier sur ce point
important son attitude initiale.
Il èst bien évident qu’une ga
rantie des seules puissances
occidentales serait concevable,
mais qu'elle présenterait un
caractère politique très diffé
rent.
Peut-être ce problème sera-
t-il plus facilement résolu lors
que sera réglée la question des
frontières qui vient de provo-’
quer une crise récente au sein
de la Conférence.
L’intention exprimée par la
Déclaration de Moscou de
1943, de « rétablir une Au
triche libre et indépendante »
a toujours été interprétée par
les puissances occidentales
comme impliquant le rétablis
sement des frontières de 1937.
Or, on connaît les revendica
tions yougoslaves sur la « Ca-
rinthie Slovène », qu’un plé
biscite a attribuée à l’Autriche
en 1920. On sait également que
l’U.R.S.S. soutient les revendi-
(Lire la suite en page 3)
LA TRIBUNE LIBRE DE L
ORDRE DE PARIS ”
Bis repetita placent
par Julien BENDA
suites) de
ainsi que
suivre au
complot.
travailler pour eux. C’est
la Sûreté nationale put
jour le jour la» vie du
En juin 1947, Cotte vint avertir
la Sûreté qu’un départ imminent du
groupe devait avoir lieu en direction
de Vannes. Mission : faire disparaî
tre le juge d’instruction Verdeau
lequel refusait de 1 faire relâcher un
ancien maquisard Creté accusé de
meurtre. Ici une parenthèse, Creté
s’il est le meurtrier de Mme Lame-
née et de son fils n’était pas le seul
lorsque celle-ci fut violée avant de
mourir. Très au courant de certains
faits précis Crêté s’en serait déjà
servi à plusieurs reprises pour faire
du chantage. Il fallait le libérer afin
qu’il ne puisse parler! Mais l’affaire
est importante, les Renseignements
généraux confirment que le « com
mando » est prêt à tout, les minis
tères de l’Intérieur et de la Justice
sont avisés, des mesures urgentes
s’imposent. C’est alors que l’expédi
tion de Lamballe est décidée, impro
visée en quelques heures. On con-
UN COMPLIQUÉ !
On demandait au duc de
Windsor s’il espérait trou
ver bientôt le « job » dont
il aurait besoin, nous assu
re-t-on, pour maintenir son
actuel train de vie. Il soupi
ra :
— Je ne sais pas. Je n’ai
jamais eu la vie facile et
j’ai peur de ne l’avoir ja
mais.
Ah ! ces questions de mi»
nimum vital ! ,
LE BILLET PARISIEN DE PIERRE LOEWEL
Le faux, sauveur
J '
En prenant sur ma table de tra
vail pour effacer un mot mal écrit
le Corrector magique, le souvenir
me revient du temps où nous bé
nissions l’étrange négligente d’un
occupant assez sot pour laisser à
la disposition des amateurs de faux
états civils un moyen aussi simple
de tripatouiller , leurs cartes d’iden
tité. Gloire et reconnaissance au
Corrector ! Que de fois grâce à lui,
durant la guerre, des papiers de la
plus authentique Vertu transit rmè-
rent un patronyme par trop révéla
teur en un nom obscur !
C’était tout un jeu impression
nant que de se composer une iden
tité et, quand on n’était pas en rap
ports avec une organisation secrète
et qu’on était réduit à ses propres
talents de falsificateur, la sagesse
commandait de restreindre les mo
difications. Je m’étais arrêté pour
ma part au nom de Louvel, qui
m’offrait des avantages euphoniques
quand le souvenir de l'assassin du
duc de Berry me fit craindre d’être
pris pour un régicide. Une nouvelle
application de Corrector et le Lou
vel décapité sur l’échafaud fit place
à quelqu’un d’autre qui n’avait pas
de mort sur la conscience.
Tout cela n’était pas simple, s’ac
compagnait de beaucoup d’émotions
qui restent enfouies au fond du
cœur et qu’on ose à peine rappeler.
Tout cela fait souvenir d’un temps
dur et qui pourra renaître un jour
sous une autre forme. Il peut être
imprudent de l’évoquer, mais par
gratitude pour le destin il faut en
dire un mot. Car au fond toutes
ces précautions ne signifiaient rien
et seul- était en cause le sort qui
nous a tous conduits.
Ma récente chronique : « Science et action
sociale » a suscité une réponse, publiée ici-même,
dont je ne ferai état que parce qu’elle me permet
de réaffirmer mes positions.
On m’y assure que Langevin admettait fort
bien que la science est une curiosité gratuite, mais
voulait que les applications pratiques en fussent
« orientées vers la paix et la justice ». Je répète
que les « applications pratiques » de la science
ne regardent pas le savant; il peut s’y livrer, mais
ce n’est pas en tant que savant, c’est parce que,
sur l’esprit de science, il vient greffer l’esprit
humanitaire qui est une tout autre chose. On ne
compte plus, outre Faraday, les hommes de science
chez lesquels la préoccupation du sort de l’hu
manité semble avoir été peu lancinante. Je ne
sache pas qu’elle ait beaucoup hanté Galilée, Ke
pler ou Le Verrier, encore que leurs découvertes
aient servi leurs semblables. Mon philanthrope ré
pond, avec Langevin, que ce ne sont donc pas là
de vrais savants. Le lecteur jugera ce jugement.
L’avocat de Langevin déclare qu’il est « trop
facile » de répondre à son client comme je l’ai
fait, que Faraday, en restant un vrai savant, ne
s’est jamais soucié d’action sociale. Il ne s’agit
pas de savoir si cela est « trop facile », mais si
cela est exact. Ces allures exécutoires, dénuées de
toute preuve, sont des mœurs de pure polémique,
et assez basse.
Toutefois mon pourfendeur, à défaut de preuve,
m’assène un dictât; c’est que la vraie science, selon
Langevin, est humanitaire ; que l’éminent professeur
de physique mathématique eût déclaré « en retou
chant un peu la formule, que science sans cons
cience n’est pas vraie science. » Rappelons le fa
meux verset : « Science sans conscience n’est que
ruine de l’âme. » Je réponds qu’elle est peut-être
ruine de l’âme; mais elle est science. Cela me suffit
pour l’honorer.
Mon morigéneur n’est pas loin de m’assimiler
à M. de, La Palice quand je demande que l’on
ne confondent pas la science et l’exploitation so-
_ ciale de la science ; distinction qui, à Tén ¬
tendre, traîne dans tous les manuels (?). Elle
semble toutefois lui être peu familière si je cons
tate que, d’après lui, il n’y a pas de « vraie »
science sans cette exploitation.
Quant’ à faire dire à M. Albert Bayet que
c’est en adoptant dans leurs rapports mutuels les
principes qui gouvernent la science que les hu
mains trouveront le salut, si c’est là une interpré
tation fausse, mon redresseur de torts en accusera
le critique d’Europe que j’ai cité dans la chro
nique qu’il incrimine, lequel me semble avoir rendu
très fidèlement la pensée de l’auteur. Or, je répète
que les principes qui président à la recherche de
la vérité — le souci de l’observation exacte, le
sens des déductions correctes, l’art du choix de
la variable, de la mise en équation — n’ont abso
lument rien à voir avec les principes dont doivent
s’inspirer les humains pour établir la paix entre
eux, lesquels sont des principes moraux, dont l’es
sentiel est le respect les uns des autres, éminem
ment le sens de la justice. Quant à ce que la
science ait, comme l’assure mon censeur et, paraît-
il, M. Albert Bayet, la même origine que la
morale, c’est une affirmation que je crois parfai
tement fausse et que je soumets à mon lecteur.
Aussi bien l‘inviterai-je à médite, sur cette morale
« qui donnera à chacun k droit à la recherche
désintéressée de la vérité. seule dignité d.
l’homme ». Que dit-il de cette humanité dont tous
les membres seraient devenus des savants !..
Quand Littré déclare que la justice a le
même fondement que la science, vu qu’elle consiste
à reconnaître si Pierre a ou non commis l’acte
qu’on lui reproche, il escamote la vraie question;
cai la justice consiste, une fois établi que Pierre
a commis cet acte, à décider quel traitement doit
lui être appliqué. Question dont la réponse impli
que nécessairement un élément sentimental.
La vérité est que mon mentor refuse de confé
rer une haute valeur à une activité spirituelle qui
ne se yeut pas résolument pratique. En quoi il est
pleinement de son époque. J’ai dit ce que je pensais
d’elle sous cet aspect.'
Première pierre de touche
de la bonne volonté des
DES DEMOCRATIES
Russes et des Américains
2*
année. ... N* 227,
ESI PERDUE
PRIX : 10 FRANCS
Directeur politique : Émile BURÉ
VENDREDI
28 mai 1948.
L’AUTRICHE
par Émile BURÉ
CRISE SERIEUSE
UN GOUVERNEMENT
66
p Puisque notre journal, mal récompensé de la clairvoyance
dont il a témoigné avant et après la guerre, se voit obligé de
paraître non plus quotidiennement mais hebdomadairement
durant quelques semaines, je saisis l’occasion qui m’est ainsi
offerte de rappeler ce que, depuis son premier numéro, il a
demandé, sans, bien entendu, l’obtenir^ D’abord aujourd’hui,
si vous le voulez bien, dans le domaine de la politique exté
rieure seulement.
La parole est, dans notre pays, depuis la Libération, à ceux
— démocrates chrétiens et socialistes — qui, au regard de
i l’Allemagne, se sont toujours trompés parce que sensibles les
premiers à l’influence au Vatican, qui fut toujours germano
phile, les seconds à celle des social-démocrates allemands, qui
ne cessèrent jamais d’être, dans leur immense majorité, pan-
germanistes et bellicistes. Durant l’entre deux guerres on vit,
ceux-là embrasser à maintes reprises ces édifiants catholiques
von Papen et Balder von Schirach, ceux-ci garantir les sen
timents pacifiques de leurs « camarades » de la pseudo-Répu
blique de Weimar.
Les uns et les autres — le pacifisme chrétien ou laïque
étant immanquablement fauteur de guerre -— favorisèrent dans
la mesure de leur force et en toute inconscience, je m’empresse
de le reconnaître, l’accession d’Hitler au pouvoir. Durant la
guerre j’ai cru en exil — que n’ai-je pas cru en < exil! — que
la leçon qui leur fut donnée par le Fiïhrer allemand leur
servirait. Je ne tardai pas à revenir de mon illusion.
C’est sur le bateau qui, de New-York me conduisait à
Alger que j’appris la libération de mon pays. Sur ce bateau
de la Compagnie transatlantique, L’Oregon, je me trouvais
avec des officiers et-des aviateurs français qui, comme moi,
avaient séjourné en Amérique. Nous décidâmes de créer un
journal ronéotypé, Le Petit Oregon-naît — journal de
tous pour tous par tous — et je fus chargé d’en rédiger l’édi
torial. A la date du 3 septembre 1944 j’écrivis dans ce journal:
« Certains estiment qu’on peut rééduquer l’Allemagne. On ne
. change pas, selon moi, l’anatomie morale d’un peuple tel que
le peuple allemand par des prédications, A laver la tête d’un
nègre, on perd sa lessive. L’Allemagne ne deviendra morale
ment sage que si on la contraint matériellemeitl à la sagesse.
Et je demande alors qu’on la prive purement et simplement
de ses arsenaux 'de guerre — ceux de l’Ouest iraient à la
France, ceux de l’Est à la Pologne. >
• Sur ces entrefaites un premier discours de Georges Bidault
nous parvint. Son auteur gémissait déjà sur le sort de l’Alle
magne, distinguait déjà entre la bonne et la mauvaise Alle
magne. Renaissance express et inattendue, pour mot, du
briandisme. Mon article du Petit Oregon-naît exprima
ENTRE LONDRES
ET WASHINGTON
" Climat plus doux ” au contraire
dans les rapports américano-russes
par Marcel HODEN
La guerre de Palestine ; les
échanges de notes officieuses en
tre Washington et Moscou; les
délibérations du Congrès améri
cain au sujet de « l’aide » poli
tique et, militaire, aux Etats si
gnataires du Pacte de Bruxelles ;
la Conférence de Londres sur l’or
ganisation de l’Allemagne et la
mise en œuvre du plan Marshall,
tels sont, sur le plan internatio
nal, les principaux événements
de la semaine qui vient de s’écou
ler. En dépit de la diversité des
sujets et des lieux, un trait com
mun réunit ces divers événe
ments. C’est à savoir, l’influence
que, pris séparément ou consi
déré dans leur ensemble, ils ont
exercé sur la situation interna
tionale et, plus particulièrement,
sur les rapports des grandes
puissances entre elles.
Un état de guerre existe en Pa
lestine. Le Conseil de séourité des
Nations Unies peut avoir des dif
ficultés à le constater juridique-
. ment, du fait des objections que
soulève le gouvernement britan-
(Lire la suite en page 6)
La politique par l’image
L’Oncle
(Packer, N.Y. Mirror.)
Sam faisant monter
l’aiguille qui marque la puissance
aérienne : — Et nous pouvons
souffler plus fort encore s’il le
faut !
J affaires courantes
ET UNE ASSEMBLEE
Le traité de paix qui va être
signé doit faire en sorte que
l’Autriche ne devienne pas
une proie, ni même une
tentation pour quiconque. ”
J affaires électorales
Lourds orages à l’horizon
nous die le général
MALAISE
COMMERCIAL
Où les questions de
trésorerie rejoignent
le problème politique
par H. BUFFANDEAU
(lire l’article en page 6)
Le
par René SAIVE
temps qui est souvent ga
lant homme dans les affaires d’a-
l’amitié que j’avais alors pour le nouveau ministre des Affaires
étrangères de mon pays et la peine que m’avait causée son
discours. Je faisais, au demeurant, pleine confiance au général
de Gaulle pour la définition de la politique allemande du
Quai d’Orsay. Le général de Gaulle la définit en effet,, mais
pas à ma pleine satisfaction. Sa volonté de paix n’était Di
suffisamment explicite à mon gré. Mais, lui parti, il falL
dire adieu à toute espérance de paix juste et durable. Dans
la carence du Parlement, dans la complaisance de la presse,
A NOS LECTEURS
ias
lui
Le prochain numéro de
L’ORDRE DE PARIS
le ministre de son choix. Georges Bidault, abandonna une à
une toutes les revendications françaises en continuant d’affir
mer qu’il ne désespérait pas de les faire triompher,
A dire le vrai, il s’était résigné à la guerre et il la préparait
en plein accord avec les représentants de l’Amérique et de l’An
gleterre, faisant de son mieux pour blesser la Russie soviétique
avec laquelle il avait rompu en fait, sans en avertir le pays.
L’affaire du camp de Beauregard, le discours injurieux à
l’adresse de la Tchécoslovaquie furent pour attiser le feu de la
passion antisoviétique qui pousse en Europe au heurt du bloc
occidental côntre le bloc oriental, non seulement pour la ruine
de la France, mais pour celle de tout le monde civilisé.
le
paraîtra
vendredi 4 juin
6 pages - 10 francs
Le général de Gaulle — son lieutenant Pglewsky ne nous
en fait pas mystère — désavoue la politique de Georges
Bidault, qu’il installa au Quai d’Orsay, mais maintenant en
réalité la sienne ne paraît pas très différente. Après avoir été
en défiance de l’Angleterre et de l’Amérique et fait confiance
pour cela à la Russie soviétique, le général de Gaulle a complè-
tement renversé sa position. Il
croit, lui aussi, que la « guerre “
froide » qui met aux prises
l’Amérique et la Russie sovié
tique s’échauffera. Il accepte
la division de l’Europe en
deux blocs dont le' choc est,
selon lui, inévitable et il invite
même la France à prendre la
direction des forces du bloc
occidental auquel elle adhère
à son contentement. L’Allema
gne occidentale faisant partie
de ce bloc, l’Amérique et l’An
gleterre sont en droit, logique
ment, de lui demander de re
noncer à toutes les revendica
tions qu’il avait fait valoir
contre elle en récompense de
son concours à la défaite de la
Russie soviétique.
Nous avions prévu dans ce
journal que la révolution du
machinisme qui favorise le so
cialisme troublerait les négo
ciations de paix, que les na
tions alliées seraient dentées
de subordonner leurs intérêts
nationaux vitaux, bien enten
dus, aux intérêts passagers et
mal entendus de leurs classes
dominantes capitalistes,, mais
nous espérions, malgré tout,
qu’elles résisteraient à cette
tentation. Elles en ont été in
capables, en dépit des objur
gations de tous les politiques
clairvoyants d’Europe et d’A-
. mérique, et « la guerre des
démocraties » aboutit alors
au relèvement et à la réhabili
tation de l’Allemagne, et de
tous ses satel'istes, aux applau
dissements moqueurs et vindi
catifs de tous ceux qui lui
prêtèrent traîtreusement ap
pui. J
J’ai reçu hier un nouveau
livre d’Alfred Fabèe-Luce :
« Une Tragédie royale, l’af
faire Léopold III » qui est
à ce sujet, significatif. L’au
teur de ce livre, germanophile
avoué de toujours, étend son
action. Son défaitisme est de
venu article d’exportation et,
après avoir défendu en Fran
ce Pétain, le voici défendant
en Belgique Léopold III, Nous
constaterons que celui-ci, ren
contrant un pareil défenseur,
n’a pas de chance, mais nous
nous garderons d’intervenir
dans le débat qui s’est insti
tué à son sujet dans lés mi
lieux politiques belges. Nous
ne citerons du livre d’Alfred
Fabre-Luce que le passage qui
intéresse toutes les nations al
liées et en particulier la Fran
ce. A M. Pierlot, l’ancien chef
du gouvernement belge en exil
qui s’élève contre le retour de
Léopold III en Belgique, notre
auteur déclare avec autant
d’intelligence que de cynisme:
M. Pierlot s’exprime comme si
la position diplomatique des di
verses puissances du continent
répondait aujourd’hui à une sorte
de palmarès de la Résistance.
C’est peut-être encore l’apparen
ce, ce n’est certainement plus
la réalité de la situation. Pour
en être assuré il suffit de consi-
(Lire la suite en page 6)
2.000 chiens
au Vél” d'Hiv'
Au champion, N. Vincent Auriol
donne un biscuit... (de Sèvres)!
(G. Whitelaw, Daily Herald.)
mour l’est beaucoup moins dans
les affaires politiques. Le cabi
net Schuman a fêté — façon de
parler — ses six mois d’existence
dans le décor bucolique du châ
teau de Champs, mais, si les mi
nistres ont choqué leurs verres
en l’honneur de ce demi-anniver
saire, ils ont dû convenir qu’ils
s’accordaient plus aisément sur
le choix d’une bonne bouteille que
sur la gestion des intérêts pu
blics. "
La seule décision qu’ils aient
pu prendre à l’unanimité, et qui
fut commentée avec une joie bien
compréhensible par le président
du Conseil et M. Coudé du Fo-
resto, concerne l’augmentation de
la ration de pain. Cet événement
méritait qu’on le célébrât comme
on le fit. Il avait néanmoins dé
pendu de Washington, et de lui
seul, qu’il se produisit. Le gou
vernement l’accueillit comme une
aubaine, mais, ayant rendu hom
mage au providentiel oncle Sam,
il lui fallut reconnaître que dans
les domaines où s’exerçaient ses
propres forces et ses vertus ori
ginales, des résultats positifs ne
devaient être envisagés qu’avec
prudence.
Première difficulté : l’échéan
ce du 1er juin. Il s’agit d’obtenir
avant cette date une baisse sub
stantielle des prix. Sur ce point,
aucun dissentiment. M. Monick,
(Lire la suite en page 6)
BETHOUARD
haut-commissaire de France à Vienne
Le général Béthouard, haut-commissaire de France en Autri-
che, prononçait, hier soir, avec un vif succès au Comité France-
Amérique, une conférence sur la question autrichienne; nous le re ¬
mercions d’avoir bien voulu nous en
Leg discussions sur le traité
de paix avec l’Autriche, re
prises au mois de février 1948,
sont actuellement poursuivies.
Des progrès sensibles ont été
déjà réalisés. Avant de con
clure en répondant à la ques
tion : « Où va l’Autriche? »,
je voudrais donner un aperçu
de l’état actuel des négocia
tions en insistant sur le carac
tère des clauses qui font encore
l’objet de divergences.
Un des résultats essentiels,
récemment obtenu à Londres,
est l’accord sur l’article 17 du
• traité qui est la plus impor
tante des clauses militaires.
Cet article fixe en effet les
grandes lignes de l’armée au
trichienne, dont les effectifs
sont limités à 53.000 hommes
pour l’armée de terre, y com
pris la gendarmerie et les gar
des-frontière, et à 5.000 hom
mes pour l’aviation militaire,
qui comprend 90 avions dont
dix ans,
nous an-
La commission d’enquete
sur le scandale du vin
n’est vraiment pas curieuse
LES MYSTERES DU « LACYDON »
(lire notre compte rendu en sixième page)
Le "Plan Bleu
est chose sérieuse et qui demande
à être prise au sérieux
Deux mille chiens de race dis
putent cette semaine leur cham
pionnat du monde de beauté. A
cette occasion, le Vél’ d’Hiv’ a été
transformé en chenil gigantesque
avec quatre rangs de cages mé
talliques qui courent autour de
la piste... Mais commençons sans
tarder notre visite : dès l’entrée,
une bouffée d’air chaud nous sai
sit à la gorge, l’atmosphère est
imprégnée du désinfectant que
pulvérisent des aides à blouse
blanche et les « participants »
manifestent leur mécontentement
d’être enfermés dans de si pe
tits réduits par des aboiements
et hurlements variés allant du
grave à Taigu et amplifiés par la
vaste caisse de résonance que
constitue le Vélodrome d’Hiver.
Des cockers avec leurs oreilles
ondulées aux lévriers afghans re
vêtus d’une fourrure aux poils
tombants, l’exposition nous mon
tre : les griffons toujours mal
peignés, les setters orgueilleux
de leur belle queue empanachée,
les barzoïs à la tête aplatie, les
braques tachés de roux et les ra
ces plus rares 4 : mastinis espa
gnols ou lakelands terriers.
Sur un socle, au centre de la
piste, se trouve un vase (en bis
cuit) de Sèvres, offert par le pré
sident de la République et qui
viendra consacrer la victoire du
meilleur.
Les propriétaires se tiennent
devant les cages et discutent des
mérites respectifs de leurs can
didats : un éleveur américain
vient d’acheter 500 000 francs un
berger allemand de race — rap
pelons qu’un lévrier vaut cou
ramment 200.000 francs, un poin
ter primé 80 000 et un dogue de
Bordeaux 100.000 francs.
J.-M. D.
En quatrième page :
A TRAVERS LA PRESSE
par Jean GALINE
PENICILLINE
ET POMPES FUNEBRES
C’est une très courte (et au
thentique) histoire que racon
te Marcel Pagnol.
Participant à une réunion à
Pézenas en pleine canicule,
notre Méridional immortel sor
tit prendre un peu d’air frais.
Le hasard de sa promenade le
mena aux environs du cime
tière. Le marbrier voisin était
devant sa
l’interpella
— Alors,
faires vont
porte et Pagnol
aimablement :
mon ami, les af-
bien ?
— Ah ! là, là ! Ne m’én par
lez pas, monsieur, répondit lé
brave homme avec « Tas
sent », cette pénicilline... elle
nous tuera !
LES ORIGINES
DE L’AFFAIRE
Puissions-nous, dans
conter ainsi le duel qui
goisse aujourd’hui !
(Chase, New Orléans States.)
L’Europe occidentale : — Oui
ou non, voulez-vous protéger vos
investissements ?
1" juin: baisse sensible
rajustement ou
grèves ?
communiquer les bonnes feuilles:
70 de combat. La question de
l’armement a pu être réglée
grâce aux concessions du, re
présentant soviétique, qui, fi
nalement, a accepté que l’Au
triche puisse se procurer à
l’étranger les armes et les
équipements nécessaires à ses
forces armées.
Si certains points de détail
doivent encore faire l’objet de
discussions, il est probable
qu’un accord général sur les
clauses militaires pourra fina
lement être atteint.
Ainsi, l’Autriche sera à même
de posséder les forces mili
taires suffisantes pour assurer
l’ordre intérieur et la sécurité
de ses frontières si celles-ci ve
naient à être menacées par des
éléments peu importants.
Mais il est bien évident que
ces moyens limités ne seront
pas suffisants pour protéger
efficacement l’indér ndance
de l’Autriche en cas d’agres
sion^
C'est pour cette raison que
les puissances occidentales ont
. voulu introduire dans le traité
une clause de garantie collec
tive de l’indépendance de
l’Autriche et de l’intégrité de
CE QU’ILS DISENT
M. jouhaux (C.g.t.-f.o.)î « Je n’ai pas réclamé au
gouvernement 7 0/0 d’augmentation. »
M. D. MAYER: « Ni revalorisation ni échelle mobile des
salaires. »
M. LE LEAP (C.G.T.)z « La C.G.T. prendra toute dis
positions le 1er juin. »
M. TESSIER « On peut toujours causer. »
...et M. Tout le Monde: «.Comment s^n sortir?»
A plusieurs reprises la presse a
publié « la vérité sur l’affaire du
Plan Bleu » ; c’était chaque fois
des versions différentes. Qu’îl nous
soit permis aujourd’hui d’apporter
des éclaircissements sur les origines
de sa découverte.
Fin mai 1947, un rédacteur du
journal Aux Ecoutes qui vient du
reste d’en témoigner officiellement
recevait la visite de deux de ses ca
marades de la division Leclerc, tous
deux garçons d’excellente famille.
Didier Cotte étudiant en philoso
phie et Delchambre représentant de
commerce. Ils avaient des « en
nuis », racontèrent avoir été recrutés
par un nommé De Mervelce pour
pour faire parti d’un commando
anti-ommuniste, ce qui notons-le
répondait parfaitement à leur ten
dance politique. Seulement, pour
alimenter la caisse et faire vivre les
membres de ce commando il fallait
faire des « coups de main » en
attendant mieux !... De nombreuses
affaires réussirent... mais la dernière
en date, l’attaque de deux vieilles
filles qui possédaient de l’or rue
Championnet, les avait fait recon
naître. la police les poursuivait, ils
ne savaient que faire et semblaient
regretter sincèrement « tout ça ».
La police en la personne d’inspec
teurs des Renseignements généraux
de la Sûreté nationale parvint effec
tivement à les arrêter. Les R. G.
connaissaient l’existence du groupe
et obtinrent sans trop de difficultés
semble-t-il des deux jeunes gens
(moyennant la cessation de pour-
naît la suite, la découverte du fa
meux Plan Bleu, les affiches, les or
dres de mission, les proclamations
pour le jour J, les arrestations de
De Vulpian, des généraux Guillau-
dot et Merson, Loustounau-Lacau,
de Munch, du commandant Renau-
dain, du capitaine Prate.
Il faut bien le dire, c’était là un
début. Le recrutement des forces
antirépublicaine dans le cadre du Pla,
Bleu était vraisemblablement un
maillon, une partie seulement des
troupes que se proposait de grouper
l’amiral Auphan autour de son Co
mité central de coordination. Les
troupes parallèlement organisées no
tamment au sein de l’Armée fran-
çaise loyale,, de l’Armée franche, du
M. A. C., s’ignoraient les unes les
autres.
Aujourd’hui, le général Guillau-
dot est en fuite, il a promis de venir
au procès, de Mervelce aussi. Mais
déjà une campagne de presse à peine
camouflée s’amorce pour faire tom
ber dans la « rigolade » ce qui était,
tout semble le prouver, le début
d’une conspiration contre la Répu-
blique.
Quoi qu’il en soit, les magistrats
qui ont instruit l’affaire ayant été
sérieusement malmenés se sont jugés
outragés et ont assigné plusieurs
journaux devant la Chambre dès
mises en accusation.
S.-M. GORLIN.
TRIESTE
ne doit pas être
ville italienne
Le Comité pour l’indépendance
de Trieste, qui groupe Yougoslaves
et Italiens soucieux de l’avenir du
grand port méditerranéen et de
la paix européenne, vient d’adres-
ser une vigoureuse protestation au
secrétariat général de . l’O. N. U.
contre une éventualité de ratta
chement à l’Italie, acceptée par
MM. Marshall, Bevin et Bidault.
Cette protestation a été sou
mise à l’assemblée générale des
Nations Unies. Trieste doit être
ville libre et avoir une adminis
tration totalement indépendante
des deux pays qui se la disputent
aujourd’hui Là est le salut de la
ville et le salut de la paix.
< On verra au 1er juin ». De
puis six mois, en somme, la poli
tique gouvernementale, en matière
de salaires, a consisté à fixer com
me premier terme à l’expérience en
treprise, cette date que l’on veut
fatidique.
Aussi ne s'étonnera-t-on pas de
voir aujourd’hui les principaux in
téressés tirer la sonnette de l’Hôtel
Matignon ou du ministère du Tra
vail pour aller poser à M. Schuman
ou à M. Mayer (Daniel) cette ques
tion bien naturelle : « Et main
tenant, qu’allez-vous faire ? Une
vraie baisse ou une augmentation
de salaires ? »
Dans certains milieux politiques,
toutefois, l’optimisme est de mise :
l’abondance des produits sur le mar
ché d’une part, l’absence de grands
mouvements revendicatifs d’autre
(.Lire la suite en page 6)
ses frontières à laquelle, jus
qu’ici, s’est opposée l’U.R.S.S.,
qui estime inutile une telle pré
caution. Rien ne peut laisser
prévoir qwe l’Union soviétique
puisse modifier sur ce point
important son attitude initiale.
Il èst bien évident qu’une ga
rantie des seules puissances
occidentales serait concevable,
mais qu'elle présenterait un
caractère politique très diffé
rent.
Peut-être ce problème sera-
t-il plus facilement résolu lors
que sera réglée la question des
frontières qui vient de provo-’
quer une crise récente au sein
de la Conférence.
L’intention exprimée par la
Déclaration de Moscou de
1943, de « rétablir une Au
triche libre et indépendante »
a toujours été interprétée par
les puissances occidentales
comme impliquant le rétablis
sement des frontières de 1937.
Or, on connaît les revendica
tions yougoslaves sur la « Ca-
rinthie Slovène », qu’un plé
biscite a attribuée à l’Autriche
en 1920. On sait également que
l’U.R.S.S. soutient les revendi-
(Lire la suite en page 3)
LA TRIBUNE LIBRE DE L
ORDRE DE PARIS ”
Bis repetita placent
par Julien BENDA
suites) de
ainsi que
suivre au
complot.
travailler pour eux. C’est
la Sûreté nationale put
jour le jour la» vie du
En juin 1947, Cotte vint avertir
la Sûreté qu’un départ imminent du
groupe devait avoir lieu en direction
de Vannes. Mission : faire disparaî
tre le juge d’instruction Verdeau
lequel refusait de 1 faire relâcher un
ancien maquisard Creté accusé de
meurtre. Ici une parenthèse, Creté
s’il est le meurtrier de Mme Lame-
née et de son fils n’était pas le seul
lorsque celle-ci fut violée avant de
mourir. Très au courant de certains
faits précis Crêté s’en serait déjà
servi à plusieurs reprises pour faire
du chantage. Il fallait le libérer afin
qu’il ne puisse parler! Mais l’affaire
est importante, les Renseignements
généraux confirment que le « com
mando » est prêt à tout, les minis
tères de l’Intérieur et de la Justice
sont avisés, des mesures urgentes
s’imposent. C’est alors que l’expédi
tion de Lamballe est décidée, impro
visée en quelques heures. On con-
UN COMPLIQUÉ !
On demandait au duc de
Windsor s’il espérait trou
ver bientôt le « job » dont
il aurait besoin, nous assu
re-t-on, pour maintenir son
actuel train de vie. Il soupi
ra :
— Je ne sais pas. Je n’ai
jamais eu la vie facile et
j’ai peur de ne l’avoir ja
mais.
Ah ! ces questions de mi»
nimum vital ! ,
LE BILLET PARISIEN DE PIERRE LOEWEL
Le faux, sauveur
J '
En prenant sur ma table de tra
vail pour effacer un mot mal écrit
le Corrector magique, le souvenir
me revient du temps où nous bé
nissions l’étrange négligente d’un
occupant assez sot pour laisser à
la disposition des amateurs de faux
états civils un moyen aussi simple
de tripatouiller , leurs cartes d’iden
tité. Gloire et reconnaissance au
Corrector ! Que de fois grâce à lui,
durant la guerre, des papiers de la
plus authentique Vertu transit rmè-
rent un patronyme par trop révéla
teur en un nom obscur !
C’était tout un jeu impression
nant que de se composer une iden
tité et, quand on n’était pas en rap
ports avec une organisation secrète
et qu’on était réduit à ses propres
talents de falsificateur, la sagesse
commandait de restreindre les mo
difications. Je m’étais arrêté pour
ma part au nom de Louvel, qui
m’offrait des avantages euphoniques
quand le souvenir de l'assassin du
duc de Berry me fit craindre d’être
pris pour un régicide. Une nouvelle
application de Corrector et le Lou
vel décapité sur l’échafaud fit place
à quelqu’un d’autre qui n’avait pas
de mort sur la conscience.
Tout cela n’était pas simple, s’ac
compagnait de beaucoup d’émotions
qui restent enfouies au fond du
cœur et qu’on ose à peine rappeler.
Tout cela fait souvenir d’un temps
dur et qui pourra renaître un jour
sous une autre forme. Il peut être
imprudent de l’évoquer, mais par
gratitude pour le destin il faut en
dire un mot. Car au fond toutes
ces précautions ne signifiaient rien
et seul- était en cause le sort qui
nous a tous conduits.
Ma récente chronique : « Science et action
sociale » a suscité une réponse, publiée ici-même,
dont je ne ferai état que parce qu’elle me permet
de réaffirmer mes positions.
On m’y assure que Langevin admettait fort
bien que la science est une curiosité gratuite, mais
voulait que les applications pratiques en fussent
« orientées vers la paix et la justice ». Je répète
que les « applications pratiques » de la science
ne regardent pas le savant; il peut s’y livrer, mais
ce n’est pas en tant que savant, c’est parce que,
sur l’esprit de science, il vient greffer l’esprit
humanitaire qui est une tout autre chose. On ne
compte plus, outre Faraday, les hommes de science
chez lesquels la préoccupation du sort de l’hu
manité semble avoir été peu lancinante. Je ne
sache pas qu’elle ait beaucoup hanté Galilée, Ke
pler ou Le Verrier, encore que leurs découvertes
aient servi leurs semblables. Mon philanthrope ré
pond, avec Langevin, que ce ne sont donc pas là
de vrais savants. Le lecteur jugera ce jugement.
L’avocat de Langevin déclare qu’il est « trop
facile » de répondre à son client comme je l’ai
fait, que Faraday, en restant un vrai savant, ne
s’est jamais soucié d’action sociale. Il ne s’agit
pas de savoir si cela est « trop facile », mais si
cela est exact. Ces allures exécutoires, dénuées de
toute preuve, sont des mœurs de pure polémique,
et assez basse.
Toutefois mon pourfendeur, à défaut de preuve,
m’assène un dictât; c’est que la vraie science, selon
Langevin, est humanitaire ; que l’éminent professeur
de physique mathématique eût déclaré « en retou
chant un peu la formule, que science sans cons
cience n’est pas vraie science. » Rappelons le fa
meux verset : « Science sans conscience n’est que
ruine de l’âme. » Je réponds qu’elle est peut-être
ruine de l’âme; mais elle est science. Cela me suffit
pour l’honorer.
Mon morigéneur n’est pas loin de m’assimiler
à M. de, La Palice quand je demande que l’on
ne confondent pas la science et l’exploitation so-
_ ciale de la science ; distinction qui, à Tén ¬
tendre, traîne dans tous les manuels (?). Elle
semble toutefois lui être peu familière si je cons
tate que, d’après lui, il n’y a pas de « vraie »
science sans cette exploitation.
Quant’ à faire dire à M. Albert Bayet que
c’est en adoptant dans leurs rapports mutuels les
principes qui gouvernent la science que les hu
mains trouveront le salut, si c’est là une interpré
tation fausse, mon redresseur de torts en accusera
le critique d’Europe que j’ai cité dans la chro
nique qu’il incrimine, lequel me semble avoir rendu
très fidèlement la pensée de l’auteur. Or, je répète
que les principes qui président à la recherche de
la vérité — le souci de l’observation exacte, le
sens des déductions correctes, l’art du choix de
la variable, de la mise en équation — n’ont abso
lument rien à voir avec les principes dont doivent
s’inspirer les humains pour établir la paix entre
eux, lesquels sont des principes moraux, dont l’es
sentiel est le respect les uns des autres, éminem
ment le sens de la justice. Quant à ce que la
science ait, comme l’assure mon censeur et, paraît-
il, M. Albert Bayet, la même origine que la
morale, c’est une affirmation que je crois parfai
tement fausse et que je soumets à mon lecteur.
Aussi bien l‘inviterai-je à médite, sur cette morale
« qui donnera à chacun k droit à la recherche
désintéressée de la vérité. seule dignité d.
l’homme ». Que dit-il de cette humanité dont tous
les membres seraient devenus des savants !..
Quand Littré déclare que la justice a le
même fondement que la science, vu qu’elle consiste
à reconnaître si Pierre a ou non commis l’acte
qu’on lui reproche, il escamote la vraie question;
cai la justice consiste, une fois établi que Pierre
a commis cet acte, à décider quel traitement doit
lui être appliqué. Question dont la réponse impli
que nécessairement un élément sentimental.
La vérité est que mon mentor refuse de confé
rer une haute valeur à une activité spirituelle qui
ne se yeut pas résolument pratique. En quoi il est
pleinement de son époque. J’ai dit ce que je pensais
d’elle sous cet aspect.'
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