Titre : L'Ordre
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1945-09-25
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32829724j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 25 septembre 1945 25 septembre 1945
Description : 1945/09/25 (A17,N205). 1945/09/25 (A17,N205).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t5116835g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-1857
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/11/2021
— L’ÉDITORIAL —
| d’Emile BU RÉ |
LA QUESTION
COLONIALE
Je redoute, je l’avoue, la conception du colonialisme qui est
actuellement en faveur.
J’ai été sensible, moi aussi, aux sentiments de respect et d’ami
tié que les hommes de couleur rangés sou$ la loi de la France ont,
durant la guerre, manifestés à l’endroit de cette dernière; j’estime,
cependant, qu’ils méritent une autre récompense que celle que nous
paraissons généralement décidés à leur réserver. En faire immé
diatement des citoyens, les armer immédiatement du bulletin de
vote, cela part d’un excellent naturel ; mais je crains qu’on ne
fasse pas ainsi leur bonheur et le nôtre. On ferait même ainsi cer
tainement leur malheur et le nôtre que je n’en serais pas autrement
surpris. J’ai été critiqué lorsque j’ai écrit, ici même, que, si cruels
qu’aient été les conquérants coloniaux, ils l’ont été moins que les
souverains indigènes qu’ils renversèrent, et c’est, pourtant, la vé
rité. Il m’est arrivé, ces jours derniers, de relire à la campagne
les lettres d’un grand voyageur français, Victor Jacquemont, dont
Lucien Descaves, qui s’y connaît en la matière, a déclaré, lors
qu’elles furent publiées, qu’il aurait été un prodigieux journaliste.
Visitant les Indes en 1830, cet ami de Stendhal et de Mérimée
constatait que les contrées de cet éblouissant pays où les rajahs
détenaient réellement le pouvoir, étaient celles où les indigènes
étaient le plus pressurés, le plus maltraités, où les voyageurs sur
les routes ne jouissaient d’aucune sécurité. Il faisait l’éloge de
« la vieille Dame de Londres », qui, en étendant sa domination,
apportait aux Indiens, en dépit de toutes les brutalités de certains
de ses agents, la paix avec une liberté plus grande que celle qu’ils
avaient jamais connue. « L’Inde sans les Anglais », dont rêva im
prudemment notre Piere Loti, c’eût été, soyons-en sûrs, durant la
guerre, l’Inde en proie à l’émeute sanglante, l’Inde soumise au
joug japonais. Quelle confiance, amis anglais, pourrez-vous jamais
faire à un Gandhi partisan de « la non-résistance au mal », apôtre
d'une religion qui tient le rat, qui répand la peste, pour un animal
sacré et empêche ainsi sa destruction ? Méfiez-vous des apôtres
quand ils ont dépassé l’âge de trente-trois ans et qu’ils n’ont pas
réussi, et qu’ils n’ont pas été crucifiés ; le moindre mal qu’ils puis
sent faire est d’escroquer leurs disciples, le plus souvent mora
lement et matériellement.
Ceux qui ont parcouru nos colonies françaises, même lorsqu’ils
étaient idéologiquement anticolonialistes, ont été contraints, quand
ils conduisirent consciencieusement, honnêtement leurs enquêtes,
de constater que notre pays avait accru dans des proportions
énormes parfois la prospérité des territoires confiés à sas soins.
Il aura sauvé notamment le Cambodge et ses habitants, les Khmers,
— c’est le moment de le rappeler aux déplorables intellectuels
indochinois qui osent à Paris même le défier. On peut, on doit se
dresser contre le mépris imbécile qu’ont certains colons pour les
indigènes, réprouver les contrats de travail qu’ils imposent à ces
derniers ; mais il convient de s’interdire toute généralisation
hâtive. Au vrai, ce n’est pas le colon.alisme qui est à condamner,
c’est le faux colonialisme des flibustiers prompts à tuer la poule
aux œufs d’or, à ruiner t en
tants, les territoires qu’ils
populations susceptibles de
tous. Renan a dit-un jour :
vue de bénéfices personnels et exorbi-
exploitent, à écraser à cette fin les
les mettre en valeur pour le bien de
« Je ne vois pas de raison pour qu’un
Je repousse ce dur paradoxe du doux
Papou /soit un mortel. » .
philosophe que j’adore. Le Papou, comme tous les autres hommes,
a le droit de s’élever sur notre planète aussi haut que possible
au-dessus de sa mortelle condition présente, et la tâche du vrai
colonialiste est de l’aider fraternellement dans son ascension, qui
ne saurait, selon moi, s accomplir convenablement que dans le déve
loppement de son intelligence native. Les blancs humanitaires de
T anti alcoolisme pèchent par vanité; leur pensée leur semble
tellement supérieure à celle des indigènes qu’ils la veulent imposer
aussitôt dans nos universités à ceux-ci, qui retourneront dans leur
pays avec un complexe d’infériorité, un goût de revanche des plus
détestables.
Le chrétien mystique Ernest Hello, dénonçant « les ironies de
Dieu », nous a mis en garde contre tous ceux qui, ne tenant pas
compte des réal.tés sociales par une générosité de cœur par trop
empressée, ajoutent à l’injustice humaine en la voulant supprimer
sans délais, sans précautions ; il faut l’écouter. Tous les hommes
ont le même but : le maximum de bonheur dans le maximum de
liberté ; mais, pour l’atteindre, ils ne sauraient prendre tous le
même chemin. Je sais que l’histoire des peuples de couleur est un
martyrologe ; mais celle des peuples blancs est-elle une idylle ?
17 e Année - Nouvelle Série N° 205
2 francs
Mardi 25 septembre 1945
L’ORDRE
Directeur politique : Emile BURÉ
Rédaction, Administration : 31, Rue Tronchet
Publicité : 36, Rue Tronchet
Anjou 88-40
4 lignes
Après 21 heures : Gutenberg 95-66
Comme précédemment, aux élections municipales
LE PAYS A VOTE A GAUCHE
Les partis qui Vont emporté Mer
sont flans le sens dan mouvement
300 Français
rendent
à la France
« Trois cents Français munis de
quelques armes de fortune se sont
rendus maîtres de Saïgon où flotte
depuis hier le drapeau tricolore. Les
quelques aventuriers qui avaient for
mé un « gouvernement » annamite
sont sous clé ! ». Voilà la nouvelle
transmise à son journal par le cor
respondant du « Daily Herald » à
Saïgon. Nous lui laissons la parole :
« Dimanche matin à trois heures,
les portes d’une demi-douzaine d’hô
tels s’ouvrirent silencieusement et une
armée de trois cents hommes, muets
et menaçants, armés jusqu’aux dents,
s’avança le long de la place déserte.
Un coup d’Etat commençait et Saï
gon allait redevenir française.
» C’était le point culminant d’une
semaine de folles rumeurs parlant de
soulèvement imminent. On ne savait
qui frapperait le premier : les Anna
mites, surexcités et pleins de confian
ce, ou les Français décidés à repren
dre le pouvoir.
» Il y a quelques jours, d’anciens
prisonniers de guerre français à Sai
gon reçurent la consigne confiden
tielle de se rassembler dans des ca
sernes. des hôtels et certaines mai
sons. Là, le petit contingent français
les arma de mitraillettes, grenades,
baïonnettes, couteaux et pistolets.
« C’est pour dimanche matin, à trois
heures », leur dit-on.
Les trois cents hommes, mal vêtus
pour la plupart, mais l’épaule ornée
d’une croix de Lorraine hâtivement
cousue, recevaient des consignes pré-
cises : « Frappez fort si
saire, et emparez-vous du
mite à l’Hôtel de Ville,
du Q. G. de la police et
croisements de routes. »
c’est néces-
Q. G. anna-
de la gare,
de tous les
» Des patrouilles nocturnes, britan
niques, indiennes et même japonai
ses, regardaient les Français chemi
nant dans Saïgon endormi.
Les résultats connus des élections cantonnales confirment, plus qu’ils
ne l’accentuent, compte tenu du nombre imposant des abstentions, l’ex-
pression. politique que le pays avait révélée au lendemain des élections
municipales. Le pays avait alors voté à gauche, c’est-à-dire dans le sens
du mouvement et des réformes. Il a encore voté à gauche et de façon
peut-être politiquement plus exclusive parce que le facteur « résis
tance » s’est confondu avec la couleur des partis au lieu de se juxtaposer
à eux de façon autonome. Sur ce point, le reclassement s’effectue. Et
c’est à gauche également que le pays votera le 21 octobre, en ce qui con
cerne. du moins, la désignation des élus.
En fait, les élections cantonnales, dans ce qu’on en peut déjà juger,
stabilisent, selon nous, une situation évidente déjà aussitôt après la libé
ration. Elles ne la modifient pas. Ce serait la même majorité, aujour
d’hui comme hier, si les députés étaient désignés à l’image de ce scrutin,
et ce sera cette majorité que nous verrons à l’Assemblée constituante.
Trois partis sont en flèche ascendante : les communistes, d’abord,
que, toutefois, le scrutin cantonnai avertit que certaines de leu/s cam
pagnes et certaines de leurs tactiques les arrêteront dans leur progrès,
s’ils y persévèrent, au profit des socialistes ; les membres du M. R. P.,
ensuite, d’un dynamisme jeune, conquérant ; les socialistes, enfin, qui
tendent, en beaucoup d’endroits, à supplanter les vieux radicaux.
Le succès électoral de ces trois partis s’explique aisément. En diver
gence de vues sur plusieurs points, ils ont, en commun, cette force de
représenter les possibilités d’une démocratie renouvelée. Ils sont organi
sés, ils sont disciplinés, et. chose essentielle selon nous, ils ne sont sus
pects, ni de près ni de loin, d’aucune complicité avec je vichysme. Les
socialistes cueillent, notamment, le fruit de leur épuration radicale,. c’est-
à-dire telle que les radicaux auraient dû la faire et ne l’ont pa s faite.
Ce sont des partis qui sentent la révolution en marche et se mettent eut
fil du courant. •
La position radicale, au contraire, qui a tant de mal à se maintenir,
est une position si évidemment conservatrice que les événements l’ont
dépassée. Les radicaux auraient eu la partie belle s’ils avaient repensé
leur doctrine et s’ils avaient rejeté de leur sein tout germe de « muni-
chisme ». Ils ont applaudi Daladier, qui, déjà, ne leur avait pas porté
bonheur et qui continue.
Quant aux modérés, ils cèdent la place parce qu’ils n’ont pas com
pris leur intérêt et leur devoir. Ils se sont, dans l’indigence de leur pro
gramme sur le plan économique et social, rabattus sur les vieux procé
dés de polémique électorale. Ils ont fait un procès à la gauche, et un pro
cès contestable, au lieu de chercher dans des aspirations neuves, hardies,
les moyens de disputer aux autres le terrain. Et puis, hormis Louis Ma
rin, quels sont leurs chefs, depuis qu’ont disparu' les ennemis jurés du
parlementarisme, lesquels s’étaient détournés du suffrage universel, pré
férant agiter l’opinion par des voies indirectes ?
Ceci dit, la gauche va bientôt recevoir la définitive consécration
électorale. Nous aurons une majorité communiste, socialiste, M. R. P.,
flanauêe des radicaux. Alors, que fera de Gaulle ? Il appellera auprès de
lui Blum, Herriot, Thorez, Bidault. Il n’est que de juxtaposer ces noms,
avec ce qu’ils signifient en ce moment de divergences intransigeantes,
pour mesurer à la fois la puissance de cette majorité et son imrn France,
si les choses ne s’améliorent pas. André STIBIO.
STATISTIQUE PARTIELLE
(Lire la suite en quatrième, page)
RESULTATS
POSITION
DE LA FRANCE
sur le problème
ALLEMAND
Nous avion s laissé prévoir, dès
premier jour, que la Conférence
le
de
Londres, pour de multiples raisons,
ne pourrait épuiser son vaste, beau
coup trop vaste programme. En fait,
la carence est à ce point totale qu’un
problème aussi capital que le problè
me allemand n’a même pas pu être
effleuré...
Le gouvernement français, dans ces
conditions, a tenu à préciser noir sur
blanc sa position sur les affaires alle
mandes, réglées à Potsdam hors de
sa présence. Il vient, dans un mémo
randum adressé à la Conférence, d’ex
poser ses réserves et ses vues sur la
question. Ce document, dont le «Ti-
mes » donne l’analyse, est divisé en
deux parties : l’une a trait à l’admi-
nistration centrale projetée, l’autre au
statut de la Ruhr et de la Rhénanie.
Avant de prendre une décision
quelconque, dit fort justement le gou
vernement français, il importe de sa
voir s’il n’y a pas en Allemagne d’im
portants mouvements séparatistes. Or,
les « Trois Grands » ont négligé de
s’en informer, préférant préparer pour
le Reich un nouveau régime centra
lisé, sans même consulter l’opinion
allemande. Nous ne pou- ons nous
rallier à ces solutions. qu’il convien
drait pour le moins d’ajourner.
Quant à la Ruhr et à la Rhénanie,
le mémorandum reprend la thèse bien
connue du général de Gaulle, et selon
laquelle la solidité de la paix dépen
dra du statut de ces régions : tout-
idée de conquête mise à part, il est
indispensable d’enlever à la souverai
neté allemande, comme on l’a fait à
l’Est, les territoires qui lui ont tou
jours servi à l’Ouest d’arsenal et de
tremplin.
Il ne reste plus, à présent, qu’à
faire triompher notre point de vue.
“lheureusement, c’est une ovte his-
tolre... Claude VIVIERES.
PAUSE
MILITAIRE
La tâche essentielle
du proche avenir
rééquipement du pays
et développement de l'épargne
par
Charles BIST.
La
France, dans tous les do-
En pleine incohérence au Conseil des Cinq
EN 1934-1937
PARTIS
Communistes
M.U.R.F
Socialistes S.F.I.O.
DE 7.796 CANTONS : 1.362 RESULTATS ACQUIS
BALLOTTAGES : 1.434
A ORLY
maines, est à la veille de grandes
décisions. Parmi ces décisions, au
cune n’a plus d’importance que
celle qui sera prise en matière
d'organisation militaire, parce que
aucune n’aura de conséquences
plus graves pour sa vie économique
et, par ricochet, pour la puissance
militaire française de l’avenir. Sui
vant que l’on prendra la vraie ou
la fausse direction, l’économie fran
çaise se relèvera ou ne se relèvera
pas. Or, sans relèvement de l’éco
nomie, pas de relèvement militaire.
Personne ne contestera plus que
la guerre ne soit devenue une af
faire industrielle. Ont gagné la
guerre les pays dont l’industrie a
été capable de soutenir les arme
ments. L’Allemagne, qui, avant tous
les autres, avait organisé son in
dustrie à un niveau de puissance
correspondant aux nécessités de
l’armement moderne, a failli la
gagner. L’industrie française, par
contre, s’est montrée inférieure aux
exigences militaires. Certes, l’ar
mée de 1939 n’a pas su faire l’em-
ploi des ressources existantes. Elle
n’a pas prévu le degré auquel l’en-
nemi porterait la mécanisation de
ses forces. Une fois de plus, comme
en 1870, comme en 1914, ses chefs
ont ignoré la puissance de l’adver-
saire et méconnu ses méthodes.
Tout cela est vrai. il n’en reste
pas moins qu’à l'usage, les moyens
techniques mis à la disposition de
l’armée par l’industrie, comme les
possibilités de les développer au
fur et à mesure du conflit se sont
trouvés insuffisants.
C’est une banalité d’affirmer
que l’équipement et l'outillage in
dustriel français sont, dans, un
nombre disproportionné de cas, in
férieurs à l’outillage correspondant
existant en Angleterre, aux Etats-
Unis. en Suisse, en Hollande ou en
Belgique. La tâche essentielle du
proche avenir, la réforme qui do
mine toutes les autres, c’est l’adap-
tation de notre outillage aux be
soins modernes, son élévation au
niveau atteint par nos grands amis
qui sont en même temps nos grands
concurrents. Qu’il s’agisse du ser
vice des postes, des chemins de fer,
de l’aviation, qu’il s’agisse de la
métallurgie, de l’industrie chimique
ou mécanique, les entrepreneurs les
plus compétents et à l’esprit le plus
ouvert sont tous d’accord sur un
point : à côté des réalisations indi
viduelles admirables la moyenne du
niveau technique reste inférieure à
celle des pays les plus progressifs.
C’est cette moyenne qui compte
lorsqu'un pays doit défendre sa vie.
La prochaine guerre n’en dou-
premier stade . essentiellement un
problème financier.
A l'heure qu’il est, le déficit bud
gétaire atteint 250 milliards. Tant
qu’un tel déficit subsiste, il est
vain d’espérer aucune stabilité mo
nétaire puisque celle-ci est incom
patible avec l’émission continue de
papier-monnaie qu’un tel déficit
comporte.
Mais sans monnaie saine, c’est-
à-dire stable, pas d’épargne fran
çaise. Pas non plus de crédits exté
rieurs. En d’autres termes, pas de
capitaux neufs pour la reconstruc
tion de l’industrie et la rénovation
de l’agriculture. J’ai vécu les diffi
cultés que l’instabilité du franc
nous a créées au lendemain de la
première guerre mondiale : re
fus de crédits étrangers tant que
les mesures propres à réaliser la
stabilité monétaire étaient diffé
rées ; défiance des nations anglo-
saxonnes (seules en mesure de nous
prêter) à l’égard de la capacité de
notre pays de retrouver son équi
libre financier ; perte de prestige
dan s tous les domaines; enfin, après
une longue crise, admiration soule-
Yée aux Etats-Unis et en Angle
terre par la politique de Raymond
Poincaré quand cette stabilisation a
été réalisée.
Le même problème se pose au
jourd’hui, mais d’une manière
bien plus aiguë. La France, avec
ses revenus actuels, ne peut pas
supporter un budget de 400 mil-
liards. Si l’émission
du papier-
monnaie doit, et cela est urgent,
être arrêtée, il faut réduire ce bud
get au moins de moitié, et attendre
pour l’accroître, que la production
soit revenue à ses dimensions nor-
males
c'est-à-dire vraisembla-
M. Molotov veut exclure la France et la Chine
des discussions sur les Balkans et la Hongrie
La carence du Conseil des Cinq de
samedi matin avait des raisons plus
graves que celles que nous lui attri
buions. Il s’agissait de rien moins
que de l’éviction pure et simple des
ministres des Affaires étrangères de
France et de Chine par une décision
unilatérale du président de séance.
Voici en quels termes l’incident est
rapporté par le rédacteur diplomati
que du « Times » :
« Les ministres avaient décidé de
se rencontrer samedi matin avec M.
Molotov comme président, mais ce
lui-ci remit la séance à plus tard et
invita M. Belvin et M. Byrnes à dis
cuter la situation ensemble. Cette
invitation peut probablement s’expli
quer par les termes de la déclaration
de Potsdam, qui a créé le Conseil
des cinq ministres des Affaires étran-
gères à des fins précises sans por-
* - à l’accord conclu à la
ter préjudice
conférence de
consultations
ministres des
trois grandes
Ce procédé
Yalta qui prévoit des
périodiques entre
les
Affaires étrangères des
puissances. »
discourtois du
soviétique aurait sa raison
crainte qu’il éprouverait de
France et la Chine se joindre
délégué
dans la
voir la
aux dé-
légués anglo-saxons pour s’opposer aux
prétentions russes qui deviennent de
plus en plus exorbitantes à mesure
que la discussion se porte sur des
pays plus rapprochés de la masse
moscovite. Ainsi, M. Molotov, qui fut
un des plus ardents à réclamer la
limitation des armements italiens,
s’opposerait non moins vigoureuse
ment à toute intervention dans ceux
de la Roumanie et de la Bulgarie. Pa
reille incohérence est désarmante. M.
Molotov a raison de vouloir réserver
ses propos" au plus petit nombre pos
sible d’auditeurs. Il y a des choses
qu’on ne peut dire que de bouche à
oreille.
M. Bidault a néanmoins eu raison,
de son côté, de relever
l’incongruité et de rappeler
ce
de
a
Londres
annonce
deux séances au
que le Conseil a tenu
cours desquelles fu-
rent discutées les questions du ravi
taillement de l’Autriche, du régime
provisoire pour les voies fluviales il-
térieures européennes et du rapatrie
ment des sujets soviétiques.
U.D.S.R
Républicains socialistes, Socia
listes indépendants, Vieux so
cialistes
Radicaux socialistes
Indépendants de gauche
Mouvement Républicain Popul.
Radicaux indépendants
Républicains de gauche et Al
liance démocratique
Fédération républ. et U.R.D...
Entente républicaine (Union pa
triotique républicaine, Parti
de Rénovation républicaine).
Conservateurs
Indépendants de droite
(LIRE LES RESULTATS
SIEGES
. 93
9
. 313
20
PARTIS
EN 1945
SIEGES
tons pas sera conduite non par des
militaires mais par des ingénieurs,
“P 2 —-"002 . h sa -
blement pendant plusieurs années.
Or, le budget militaire, à lui
seul., comporte 200 milliards con
sacrés à entretenir une armée qui,
d’ici dix ans au moins, n’aura pas à
servir et à équiper cette armée avec
un outillage qui, dans dix ans, sera
certainement plus que démodé.
Le problème est donc tragique et
la seule solution adaptée à sa gran
deur est une solution héroïque. Elle
consiste à nos yeux à faire délibé
rément une « pause militaire ». On
réduira, pendant une période de
cinq ans par exemple, le budget de
la Guerre aux sommes juste suffi-
santés pour entretenir les troupes
nécessaires à la garde de nos colo
nies.
Pour le reste, on attendra que
les nouvelles techniques permet
tent de faire un plan rationnel
d’armement adapté aux conditions
nouvelles et conçu en fonction de
notre politique extérieure.
D'ici là, tous les efforts se con-
centreront sur un seul objet : le
sn--- ? Io-—% centreront sur un seul objet : te
par des organisateurs beaucoup plus rééquipement du pays, le dévelop-
(J11 weyw 2— --4*' A. tX. . , ' ■ r oar 2
que par des stratèges. Armer la
et Chine sont pourtant
la Russie.
DEMAIN, FIN
DE LA SESSION
DU CONSEIL ?
Londres. — La réunion d'hier matin
été aussi difficile et, dit-on, animée,
que celles de la fin de la semaine der-
nière. La session du conseil des Cing
doit prendre fin mercredi, si l'on juge
qu’il est utile de poursuivre jusque là.
Le malaise suscité par le désir
qu’avait manifesté samedi dernier la
délégation russe de ne traiter qu’à trois
les questions balkaniques, n’est pas
encore entièrement dissipe.
Si les questions purement balkani
ques n’avalent pas fait l’objet de la
dernière réunion de samedi, elles fu
rent reprises hier matin.
Dans la question des frontières bal
kaniques, la délégation soviétique sou
tient que seules les puissances balka
niques elles-mêmes doivent en fixer le
tracé.
Le communiqué publié hier soir à
60
293
6
106
67
79
143
29
9
Communistes
Union prolétarienne
Socialistes S.F.I.O
Socialistes de France. Socialistes
français, Républicains socia
listes, Socialistes indépendants
Radicaux socialistes
Démocrates populaires ........
Radicaux indépendants
Républicains de gauche
U.R.D
Conservateurs
P.S.F
P.P.F
TOTAL :
28
4
150
48
432
28
104
214
262
77
9
6
1.362
a reçu hier un beau cadeau
Indéterminés
TOTAL
134
1.362
DETAILLES EN TROISIEME PAGE)
vertement
que Fran-
les alliées
Les Danois, gens heureux et optimistes
Copenhague, septembre. —
gros car orange que j’ai pris
l'aérodrome roule à travers
à
la
LETTRE DE LONDRES L’AVENIR
de l’industrie britannique
Main-d'œuvre et inventions nouvelles
Londres, septembre (de notre cor
respondant particulier). — Le nou
veau gouvernement anglais se rend
très bien compte que ses projets
ambitieux de réforme sociale ne
pourront être réalisés que si le fu
tur économique de la Grande-Bre
tagne est assuré. C’est pour cette
raison que l’intérêt du public bri
tannique s’est concentré non pas
sur les nationalisations, mais sur le
problème plus immédiat de la re
prise des exportations et de la re
conquête des marchés commer
ciaux, en un mot du switch over,
c’est-à-dire du passage de la pro
duction de guerre à la production
de paix-
L’industrie britannique manque
aujourd’hui de main-d'œuvre. Le
rythme trop lent de la démobilisa
tion est critiqué non seu ement
par les soldats, mais par les gros
industriels qui réclament à cor et
à cri leurs ouvriers. Les Chambres
de commerce britanniques dans
tous les pays enregistrent sans cesse
des commandes importantes qui ne
peuvent être exécutées faute de
main-d’œuvre. Une campagne est
en cours qui a pour but d’amener
le gouvernement à transformer le
projet primitif de démobilisation.
Les Anglais craignent notamment
la concurrence américd'ne qui a
déjà été favorisée par un passage
beaucoup plus rapide à la produc
tion normale-
ils sont donc obligés de prendre
des mesures immédiates de concen
tration de l’effort sur les industries
qui ont été les moins touchées par
la mobilisation. D’un autre côté, ils
mettent au point des procédés et
des produits nouveaux grâce aux
quels ils espèrent lutter avanta
geusement avec les Américains-
Une industrie traditionnelle bri
tannique, qu’il n’est pas question
de nationaliser maintenant, a dé
marré déjà : ce sont les chantiers
navals qui ont reçu et accepté des
commandes pour les cinq années à
venir. ILa main-d’œuvre spécialisée,
utilisée pendant la guerre pour la
construction des unités de combat,
n’a pas été éloignée des chantiers
et elle a été facilement récupérée.
Deux cent quatre-vingt-huit na
vires sont en construction et des
commandes nouvelles affluent. Fait
intéressant : les commandes étran
gères sont strictement rationnées
par une commission spéciale de
l’Amirauté, et la majorité des na
vires en cours de construction sont
destirtés aux compagnies britanni
ques qui espèrent arracher aux
Américains, possédant des bâti-
1 ment moins spécialisés et rapide
ment jdétériorables, le monopole
I des transports maritimes que ces
banlieue, une proche banlieue qui
ne rappelle en rien le Kremlin-
Bicêtre, Villejuif ou Ivry. Des pe
tites maisons pimpantes, posées
comme des jouets neufs au milieu
de pelouses bien peignées et cein
tes de barrières blanches, des fer
mes toutes blanches cachées par
des rideaux d’arbres, des usines qui
ressemblent à des laboratoires, des
serres qui s’étendent sur des kilo
mètres, des cabanes de jardiniers
en bois verni, tout cela net, neuf,
propre, frais. Et puis voici les fau
bourgs avec leurs maisons moder
nes, leurs magasins aux enseignes
peintes de couleurs vives, et leurs
squares où courent des enfants
blonds...
Et partout, dans tous les sens,
des centaines, des milliers de vélos
qui, par grappes de cinquante,
s’agglomèrent aux carrefours, se
doublent, s’entrecroisent, montent
et descendent des trottoirs cycla
bles dans un tintamarre de sonne
ries. La ville défile sous nos yeux,
avec ses larges avenues, ses palais,
ses curieux clochers à escaliers
extérieurs, ses flèches de cathédra
les revêtues de cuivre vert-de-
grisé, ses multiples statues parmi
lesquelles on est soudain surpris
de reconnaître le groupe des bour
geois de Calais de Rodin, ses tram
ways jaunes, ses cabines télépho
niques rouges et or, et ses canaux
tranquilles. Nous traversons un
grand pont mobile qui enjambe
une. partie du port, nous dépassons
un immense baromètre doré juché
au sommet d'un immeuble, et le
car s’arrête sur la place du
Radhus, le centre de Copenhague.
Les Danois sont optimistes. Ils
adorent le bruit, le remue-ménage,
la mangeaille. Ils sont joyeux,
pressés, badauds, bons vivants. Et
leur capitale leur ressemble. Je ne
saurais décrire l’impression d’acti-
vité, de vie intense, de grouille-
ment que ma donnée Copenhague.
Cela fait penser aux couloirs, du
métro aux heures d’affluence, à, la
foire de Paris, au pesage d’un
champ de courses. Poussé, pressé,
un peu ahuri par cette bousculade,
je me demandais, le premier jour,
ce que tout cela pouvait bien si
gnifier : Est-ce une fête ? Y aura-
t-il un défilé ?...
Mais non. C’était un jour comme
un autre, et tous ces hommes
joyeux, toutes ces femmes joyeu
ses se précipitaient simplement
vers des magasins bourrés de mar
chandises, vers des restaurants
pantagruéliques, vers des théâtres,
des dancings et des cinémas. Peut-
être, sûrement même, beaucoup
d’entre eux allaient aussi à leur
travail, mais, au premier abord, je
ne m’en rendais pas compte. Tout,
dans cette ville, me paraissait co-
casse et un peu irréel, depuis les
taxis qui foncent dans la foule
sans s’occuper du reste (dame ! les
trottoirs ne sont pas faits pour les
chiens, et les piétons n’ont qu’à y
restér !) jusqu’aux étalages bourrés
de jambons, de conserves, de lait
concentré ou en poudre, en passant
par les concerts gratuits que l’ar-
mée du Salut dispense aux mélo
manes. Mon premier repas au res
taurant mit lie comble à mon
ahurissement, et j'ai quelque scru
pule à en parler.
J’étais entré dans une sorte de
grande usine à manger qui s’ap
pelle Skandia. Le garçon (j’ai su
plus tard qu’il se prénommait Na
poléon) m’apporta un menu auquel,
bien entendu, je ne compris rien,
sinon que j’avais le choix entre
soixante-dix plats différents. On
m’avait beaucoup vanté les fameux
smôrrbrod, la grande spécialité
Scandinave. Ce sont, m’avait-on dit,
des sandwiches qu’il est agréable
de consommer comme hors-d’œu
vre. J’en commandai donc trois,
pensant qu’un petit quelque chose
pour ouvrir l’appétit ne fait jamais
de mal. Le petit quelque, chose
qui me fut apporté correspondait
à peu près (en ce qui conczrne les
matières grasses et la viande) à la
ration normale que touche un
Parisien en quatre semaines. Cha
que smrrbrd se composait d'une
mince tranche de pain bis, enduite
d'une épaisse couche de beurre
frais, le tout artistement dissimulé
sous un énorme morceau de jam
bon, de rôti de porc ou de saumon.
SORO.
(Lire la suite en quatrième page)
C’est hier que M. Jefferson Caf-
fery remit officiellement au général
de Gaulle l’avion offert par le prési
dent Truman au chef du gouverne
ment provisoire lors de son voyage
aux U.S.A.
Orly était en fête, malgré la pluie,
et la cérémonie fut une belle mani
festation d'amitié franco-américaine..
Casques blancs, bufleteries et guê
tres blanches, la célèbre M.P. était là
au garde-à-vous, face à un détache
ment de l’armée de l’air française.
L’énorme et magnifique appareil ar
genté, marqué des emblèmes français,
semblait protéger le groupe officiel de
ses longues ailes et de ses quatre puis
sants moteurs.
M. Jefferson Caffery, accompagné
du général Smith, s’entretenait avec
M. Tillon, ministre de l’Air, et le gé
néral Vallin quand la longue voiture
du général de Gaulle arriva, entou
ré? de ses motocyclistes impeccables.
Le chef du gouvernement provisoire
en petite tenue de général de briga
de, passa en revue l’équipage du grand
C.54 et décora plusieurs officiels amé
ricains, puis il visita son nouvel ap
pareil.
Grand compartiment avec vingt
confortables fauteuils, couchettes, cui
sine, frigidaires, soute à bagages et
chambre d’équipage! 450 kilomètres-
heure. 8.000 kilomètres de rayon; l’ap
pareil représente le dernier cri de la
technique moderne. Digne cadeau du
chef d’Etat américain au général de
Gaulle.
France c’est d’abord et avant tout
créer pour elle l’outillage indus
triel qui, le jour venu, sera capable
de répondre aux demandes encore
totalement imprévisibles que la tech
nique militaire de l’avenir exigera
de l’industrie.
Or. cette réfection industrielle 1
coûtera des sommes énormes. Je ne
cite ici aucun chiffre. Les pertes et
les destructions subies durant cette
guerre ont été inventoriées, chif
frées dans des rapports que tout-le
monde a pu' lire. Il est inutile de
les rappeler ici. Et l’on voit tout
de suite que l’avenir militaire de la
France étant un problème de re
construction industrielle devient au
pement d’une épargne indispensa
ble à la remise en marche de l’in-
dustrie et de l'agriculture, et sur
tout la remise rapide au travail
d’une jeunesse qui ne demande
qu’à s’atteler avec toute son éner
gie à la reconstruction de la Fran
ce. Cela fait, et le budget de la re
construction étant devenu inutile,
tout le problème de l’armement et
de la défense de là France sera ré
examiné avec des yeux jeunes et
des moyens financiers neufs.
Grande décision, je le reconnais,
mais qui est à la mesure de la
clairvoyance, de la ténacité, de Tin-
trépidité de l’homme auquel la
France fait confiance depuis cinq
ans : le général Charles de Gaulle.
L’ORDRE DANS LES IDEES
La mort du théâtre intellectuel
par Lucien FABRE.
F. D.
Lire en quatrième page :
La Révolution, solution
du désespoir en Italie ?
par Jean MARABINI.
DANGER DE MORT
Depuis quelque
temps, les rues de
Paris sont rien
moins que sûres.
Du fait des ma
landrins, escarpes
et autres Man
drins de basse
classe dont l’au
dace grandit de
jour en jour avec
le nombre ? Cer
tes. Mais aussi —
et c’est propre
ment un comble
— du fait de cer
tains de ceux qui
ont pour mission
d’assurer la sécu-
rité
(au
du
1 e s
des
des bourgeois
sens original
mot) contre
entreprises
malfaiteurs.
Lire en deuxième page :
derniers détiennent pour
ment.
(Lire la suite en quatrième
le mo-
A. G.
page.)
PARIS ET LES GRANDS CENTRES
auront-ils de la viande cet hiver ?
par Paul LANIER
l’exercice de leurs
fonctions d’un
zèle maladroit ou
d’une nervosité
fâcheuse, qui
voient des gangs
ters en automo-
bile
partout et
qui ont le doigt
trop prompt sur
la gâchette.
Tels ceux qui,
dans la nuit de
samedi à diman
che, vers 1 heure
du matin, boule
vard Poissonnière,
ont, sans rime ni
raison — et cir
constance aggra
vante — sans au-
Qu’on nous en
tende bien : nous
ne faisons pas ici
l e procès du corps
de la police pari
sienne, qui, dans
son ensemble, ac
complit avec
conscience, sou
vent avec coura
ge, une tâche de
plus en plus
lourde et de plus
en plus périlleu
se. Nous n’en
avons, répétons-
le. qu’à certains
agents
trop
jeunes peut-être
pour la responsa
bilité qu’ils assu
ment — qui font
preuve dans
ment,
balles
et la
d’une
avertisse-
criblé de
les pneus
carosserie
voiture de
« l’Ordre ». C’est,
miracle qu’aucun'
des occupants
n'ait été blessé —
sinon tué — un
projectile ayant
traversé la glace
arrière pour aller
frapper le plafon
nier. Et les au
teurs de cette
stupide agression
— nous ne
voyons pas d’au
tre qualificatif
■— se permirent
de prendre de
haut les justes
observations que
leur firent le
chauffeur et les
témoins égale-
ment indignés.
En conclusion, ils
eurent ce mot dé
sarmant, si l’on
peut dire: « Nous
avons l’ordre de
tirer » ! De tirer
au petit bonheur,
à l’aveuglette, sur
n’importe qui, et,
d e préférence ,
pour prendre
moins de risque,
sur les passants
inoffensifs ?
Serions - nous
revenus au Paris
du temps de Vil
lon. où le guet se
donnait parfois le
divertissement de
rosser les braves
gens attardés au-
delà de l’heure
du couvre - feu,
pendant que cou
pe-jarrets et tire-
laine « opéraient »
en toute tran
quillité dans le
voisinage? Si oui,
les « arguments
frappants » d’au
jourd’hui étant
d’autre efficacité,
de nature même,
plus qu’à rester
chez eux et à cre-
vailler lentement
de faim, à moins
qu’ils ne préfè
rent la mort bru
tale. sans phrase,
reçue de la main
trop diligente
d’un « défenseur
de l’ordre ».
A moins,
tôt — c’est
souhait —
ne renvoie
jeux plus
cents
nants
ces
plu-
notre
qu’on
à des
inno-
éton-
gardiens
à vous
pour
toute
bientôt
couper
toujours
réplique,
il sera
pratiquement in
terdit de circuler
du crépuscule à
l’aube. Ainsi les
travailleurs d e
nuit n’auront-ils
de la paix entre
les doigts de qui
un revolver est
presque aussi
dangereux que la
bombe atomique.
P. S. — Signa
lons qu’un fait
identique s’est
produit diman
che, vers 22 h.,
place Sembat, à
Boulogne-sur-Sei-
ne. Une voiture
8553 YC 3 avait
soi-disant forcé
un barrage ef
fectué par deux
gardiens de
paix,
ceux-ci,
tant <
L’un
la
de
, n’écou-
que son
courage (?), tira
deux balles dans
la carrosserie. Il
n'y eut pas de
blessé, heureuse
ment.
, Dans un remarquable article qu’il a donné à l’hebdomadaire
Les Eto.les, M. Marc Beigbeder écrit :
« Si humain, si direct qu’il se fasse, le théâtre intellectuel
ne peut malgré tout recouvrir le véritable théâtre. Celui-ci se
fondera toujours sur une émotion plus simple, une passion, repo
sera sur le cœur et les sens plus encore que sur le cerveau. »
. ajoute : “ Le goût de la simplicité marque tout au nouveau
theatre. Celle-ci est obtenue le plus souvent par les recours aux
thèmes sentimentaux. »
Il conclut que dans cette offensive l’un des premiers sur pied
fut le Tristan et Yseult de M. Lucien Fabre.
, Liquidons rapidement une petite querelle de principe qui
m est faite en passant. M. Beigbeder trouve mon texte « bour
souflé ». La boursouflure ou ce que la critique dune époque plus
courtoise appelait l’emphase est question toute relative, on le sait
assez. Déjà Gustave Larroumet remarquait il y a quelque cinquante
ans ”, Ce sont les spectateurs des Fradon et des Ponsard qui ont
taxé d emphase les Racine et les Hugo parce qu’ils n’étaient pas
eux-mêmes au diapason véritable ni de la passion ni de l’époque
évoquées par ces dramaturges. » Ayant constaté que ce qui paraît
emphatique aux uns ne le paraît pas à d’autres au moins aussi
qualifiés pour en juger, le critique concluait qu’il y avait là sans
doute une question de tempérament et que nous vivions à une
époque « prosaïque ». Il y a du vrai ; ce sont les mêmes qui ont
trouvé Claudel boursouflé, Gide contourné Giraudoux ampoulé
et Valéry obscur. Un écrivain connu clamait dans les couloirs de
la Comédie-Française son dégoût du style de Shakespeare après
Antoine et Cléopâtre et divertissait une petite cour d’admirateurs
en expliquant qu’ON avait « soupé » de ces grands mots et de ces
grands « machins ». D’accord. Mais qui est ce ON ? Non pas cer
tainement le véritable peuple dont il faut sentir la ferveur à l’au
dition des classiques. En vérité, la nature, l’époque, les sentiments,
les événements, le caractère exceptionnels d’Antoine réclament
un langage qui peut paraître emphatique à ceux qui ne se sont
pas donné la peine den pénétrer les raisons et d’en éprouver la
nécessité ; et il en est de même pour les héros d’Eschyle ; et pour
Tristan. C’est ce langage même qui nous donne la possibilité d’en-
trer dans le domaine supérieur de la crise où nous ne pourrons
le trouver emphatique si nous oublions notre siècle et nous iden
tifions au héros ; mais si, comme dit Pascal, nous ne nous embar
quons pas dans ce langage avec lui, si nous jugeons de ses
sentiments d’après ceux d’un petit bourgeois du XX' siècle, et de
ses paroles d’après notre jargon journalier, nous refusons l’illusion
du théâtre et nous ne jouons plus le jeu. C’est un cercle vicieux.
Par contre, il est évident que le même vocabulaire mis dans la
bouche de personnages en veston serait parfaitement déplacé.
Ceci dit, le recours aux thèmes sentimentaux dont parle M.
Beigbeder ne peut en effet que marquer le sain retour au drame
véritable qui est toujours affectif et demande des lignes et des
plans simples à cause de l’optique théâtrale : car si le roman est
la peinture des mœurs, le drame en est l’architecture.
Est-ce à dire cependant que le théâtre « intellectuel » soit
par là condamné ? Je ne le crois pas. Car, de même que la liberté
est sauvée dès qu’on note que la volonté de l’homme est facteur
du déterminisme, le théâtre intellectuel est sauvé dès qu’on note
que l’intelligence peut devenir à notre époque un élément de la
passion ; il suffit qu’elle prenne dans cette passion une place
assez grande pour être à l’échelle de la scène, pour vivre par les
traits que l’on voit de la salle ; et si elle ne peut sur l’Acropole
être cette Athéna géante qu’on voyait depuis Eleusis, que sa lutte
avec Dionysos fasse frissonner tout entier le colosse olympien
de Zeus dont le cerveau l’a engendrée.
| d’Emile BU RÉ |
LA QUESTION
COLONIALE
Je redoute, je l’avoue, la conception du colonialisme qui est
actuellement en faveur.
J’ai été sensible, moi aussi, aux sentiments de respect et d’ami
tié que les hommes de couleur rangés sou$ la loi de la France ont,
durant la guerre, manifestés à l’endroit de cette dernière; j’estime,
cependant, qu’ils méritent une autre récompense que celle que nous
paraissons généralement décidés à leur réserver. En faire immé
diatement des citoyens, les armer immédiatement du bulletin de
vote, cela part d’un excellent naturel ; mais je crains qu’on ne
fasse pas ainsi leur bonheur et le nôtre. On ferait même ainsi cer
tainement leur malheur et le nôtre que je n’en serais pas autrement
surpris. J’ai été critiqué lorsque j’ai écrit, ici même, que, si cruels
qu’aient été les conquérants coloniaux, ils l’ont été moins que les
souverains indigènes qu’ils renversèrent, et c’est, pourtant, la vé
rité. Il m’est arrivé, ces jours derniers, de relire à la campagne
les lettres d’un grand voyageur français, Victor Jacquemont, dont
Lucien Descaves, qui s’y connaît en la matière, a déclaré, lors
qu’elles furent publiées, qu’il aurait été un prodigieux journaliste.
Visitant les Indes en 1830, cet ami de Stendhal et de Mérimée
constatait que les contrées de cet éblouissant pays où les rajahs
détenaient réellement le pouvoir, étaient celles où les indigènes
étaient le plus pressurés, le plus maltraités, où les voyageurs sur
les routes ne jouissaient d’aucune sécurité. Il faisait l’éloge de
« la vieille Dame de Londres », qui, en étendant sa domination,
apportait aux Indiens, en dépit de toutes les brutalités de certains
de ses agents, la paix avec une liberté plus grande que celle qu’ils
avaient jamais connue. « L’Inde sans les Anglais », dont rêva im
prudemment notre Piere Loti, c’eût été, soyons-en sûrs, durant la
guerre, l’Inde en proie à l’émeute sanglante, l’Inde soumise au
joug japonais. Quelle confiance, amis anglais, pourrez-vous jamais
faire à un Gandhi partisan de « la non-résistance au mal », apôtre
d'une religion qui tient le rat, qui répand la peste, pour un animal
sacré et empêche ainsi sa destruction ? Méfiez-vous des apôtres
quand ils ont dépassé l’âge de trente-trois ans et qu’ils n’ont pas
réussi, et qu’ils n’ont pas été crucifiés ; le moindre mal qu’ils puis
sent faire est d’escroquer leurs disciples, le plus souvent mora
lement et matériellement.
Ceux qui ont parcouru nos colonies françaises, même lorsqu’ils
étaient idéologiquement anticolonialistes, ont été contraints, quand
ils conduisirent consciencieusement, honnêtement leurs enquêtes,
de constater que notre pays avait accru dans des proportions
énormes parfois la prospérité des territoires confiés à sas soins.
Il aura sauvé notamment le Cambodge et ses habitants, les Khmers,
— c’est le moment de le rappeler aux déplorables intellectuels
indochinois qui osent à Paris même le défier. On peut, on doit se
dresser contre le mépris imbécile qu’ont certains colons pour les
indigènes, réprouver les contrats de travail qu’ils imposent à ces
derniers ; mais il convient de s’interdire toute généralisation
hâtive. Au vrai, ce n’est pas le colon.alisme qui est à condamner,
c’est le faux colonialisme des flibustiers prompts à tuer la poule
aux œufs d’or, à ruiner t en
tants, les territoires qu’ils
populations susceptibles de
tous. Renan a dit-un jour :
vue de bénéfices personnels et exorbi-
exploitent, à écraser à cette fin les
les mettre en valeur pour le bien de
« Je ne vois pas de raison pour qu’un
Je repousse ce dur paradoxe du doux
Papou /soit un mortel. » .
philosophe que j’adore. Le Papou, comme tous les autres hommes,
a le droit de s’élever sur notre planète aussi haut que possible
au-dessus de sa mortelle condition présente, et la tâche du vrai
colonialiste est de l’aider fraternellement dans son ascension, qui
ne saurait, selon moi, s accomplir convenablement que dans le déve
loppement de son intelligence native. Les blancs humanitaires de
T anti alcoolisme pèchent par vanité; leur pensée leur semble
tellement supérieure à celle des indigènes qu’ils la veulent imposer
aussitôt dans nos universités à ceux-ci, qui retourneront dans leur
pays avec un complexe d’infériorité, un goût de revanche des plus
détestables.
Le chrétien mystique Ernest Hello, dénonçant « les ironies de
Dieu », nous a mis en garde contre tous ceux qui, ne tenant pas
compte des réal.tés sociales par une générosité de cœur par trop
empressée, ajoutent à l’injustice humaine en la voulant supprimer
sans délais, sans précautions ; il faut l’écouter. Tous les hommes
ont le même but : le maximum de bonheur dans le maximum de
liberté ; mais, pour l’atteindre, ils ne sauraient prendre tous le
même chemin. Je sais que l’histoire des peuples de couleur est un
martyrologe ; mais celle des peuples blancs est-elle une idylle ?
17 e Année - Nouvelle Série N° 205
2 francs
Mardi 25 septembre 1945
L’ORDRE
Directeur politique : Emile BURÉ
Rédaction, Administration : 31, Rue Tronchet
Publicité : 36, Rue Tronchet
Anjou 88-40
4 lignes
Après 21 heures : Gutenberg 95-66
Comme précédemment, aux élections municipales
LE PAYS A VOTE A GAUCHE
Les partis qui Vont emporté Mer
sont flans le sens dan mouvement
300 Français
rendent
à la France
« Trois cents Français munis de
quelques armes de fortune se sont
rendus maîtres de Saïgon où flotte
depuis hier le drapeau tricolore. Les
quelques aventuriers qui avaient for
mé un « gouvernement » annamite
sont sous clé ! ». Voilà la nouvelle
transmise à son journal par le cor
respondant du « Daily Herald » à
Saïgon. Nous lui laissons la parole :
« Dimanche matin à trois heures,
les portes d’une demi-douzaine d’hô
tels s’ouvrirent silencieusement et une
armée de trois cents hommes, muets
et menaçants, armés jusqu’aux dents,
s’avança le long de la place déserte.
Un coup d’Etat commençait et Saï
gon allait redevenir française.
» C’était le point culminant d’une
semaine de folles rumeurs parlant de
soulèvement imminent. On ne savait
qui frapperait le premier : les Anna
mites, surexcités et pleins de confian
ce, ou les Français décidés à repren
dre le pouvoir.
» Il y a quelques jours, d’anciens
prisonniers de guerre français à Sai
gon reçurent la consigne confiden
tielle de se rassembler dans des ca
sernes. des hôtels et certaines mai
sons. Là, le petit contingent français
les arma de mitraillettes, grenades,
baïonnettes, couteaux et pistolets.
« C’est pour dimanche matin, à trois
heures », leur dit-on.
Les trois cents hommes, mal vêtus
pour la plupart, mais l’épaule ornée
d’une croix de Lorraine hâtivement
cousue, recevaient des consignes pré-
cises : « Frappez fort si
saire, et emparez-vous du
mite à l’Hôtel de Ville,
du Q. G. de la police et
croisements de routes. »
c’est néces-
Q. G. anna-
de la gare,
de tous les
» Des patrouilles nocturnes, britan
niques, indiennes et même japonai
ses, regardaient les Français chemi
nant dans Saïgon endormi.
Les résultats connus des élections cantonnales confirment, plus qu’ils
ne l’accentuent, compte tenu du nombre imposant des abstentions, l’ex-
pression. politique que le pays avait révélée au lendemain des élections
municipales. Le pays avait alors voté à gauche, c’est-à-dire dans le sens
du mouvement et des réformes. Il a encore voté à gauche et de façon
peut-être politiquement plus exclusive parce que le facteur « résis
tance » s’est confondu avec la couleur des partis au lieu de se juxtaposer
à eux de façon autonome. Sur ce point, le reclassement s’effectue. Et
c’est à gauche également que le pays votera le 21 octobre, en ce qui con
cerne. du moins, la désignation des élus.
En fait, les élections cantonnales, dans ce qu’on en peut déjà juger,
stabilisent, selon nous, une situation évidente déjà aussitôt après la libé
ration. Elles ne la modifient pas. Ce serait la même majorité, aujour
d’hui comme hier, si les députés étaient désignés à l’image de ce scrutin,
et ce sera cette majorité que nous verrons à l’Assemblée constituante.
Trois partis sont en flèche ascendante : les communistes, d’abord,
que, toutefois, le scrutin cantonnai avertit que certaines de leu/s cam
pagnes et certaines de leurs tactiques les arrêteront dans leur progrès,
s’ils y persévèrent, au profit des socialistes ; les membres du M. R. P.,
ensuite, d’un dynamisme jeune, conquérant ; les socialistes, enfin, qui
tendent, en beaucoup d’endroits, à supplanter les vieux radicaux.
Le succès électoral de ces trois partis s’explique aisément. En diver
gence de vues sur plusieurs points, ils ont, en commun, cette force de
représenter les possibilités d’une démocratie renouvelée. Ils sont organi
sés, ils sont disciplinés, et. chose essentielle selon nous, ils ne sont sus
pects, ni de près ni de loin, d’aucune complicité avec je vichysme. Les
socialistes cueillent, notamment, le fruit de leur épuration radicale,. c’est-
à-dire telle que les radicaux auraient dû la faire et ne l’ont pa s faite.
Ce sont des partis qui sentent la révolution en marche et se mettent eut
fil du courant. •
La position radicale, au contraire, qui a tant de mal à se maintenir,
est une position si évidemment conservatrice que les événements l’ont
dépassée. Les radicaux auraient eu la partie belle s’ils avaient repensé
leur doctrine et s’ils avaient rejeté de leur sein tout germe de « muni-
chisme ». Ils ont applaudi Daladier, qui, déjà, ne leur avait pas porté
bonheur et qui continue.
Quant aux modérés, ils cèdent la place parce qu’ils n’ont pas com
pris leur intérêt et leur devoir. Ils se sont, dans l’indigence de leur pro
gramme sur le plan économique et social, rabattus sur les vieux procé
dés de polémique électorale. Ils ont fait un procès à la gauche, et un pro
cès contestable, au lieu de chercher dans des aspirations neuves, hardies,
les moyens de disputer aux autres le terrain. Et puis, hormis Louis Ma
rin, quels sont leurs chefs, depuis qu’ont disparu' les ennemis jurés du
parlementarisme, lesquels s’étaient détournés du suffrage universel, pré
férant agiter l’opinion par des voies indirectes ?
Ceci dit, la gauche va bientôt recevoir la définitive consécration
électorale. Nous aurons une majorité communiste, socialiste, M. R. P.,
flanauêe des radicaux. Alors, que fera de Gaulle ? Il appellera auprès de
lui Blum, Herriot, Thorez, Bidault. Il n’est que de juxtaposer ces noms,
avec ce qu’ils signifient en ce moment de divergences intransigeantes,
pour mesurer à la fois la puissance de cette majorité et son imrn France,
si les choses ne s’améliorent pas. André STIBIO.
STATISTIQUE PARTIELLE
(Lire la suite en quatrième, page)
RESULTATS
POSITION
DE LA FRANCE
sur le problème
ALLEMAND
Nous avion s laissé prévoir, dès
premier jour, que la Conférence
le
de
Londres, pour de multiples raisons,
ne pourrait épuiser son vaste, beau
coup trop vaste programme. En fait,
la carence est à ce point totale qu’un
problème aussi capital que le problè
me allemand n’a même pas pu être
effleuré...
Le gouvernement français, dans ces
conditions, a tenu à préciser noir sur
blanc sa position sur les affaires alle
mandes, réglées à Potsdam hors de
sa présence. Il vient, dans un mémo
randum adressé à la Conférence, d’ex
poser ses réserves et ses vues sur la
question. Ce document, dont le «Ti-
mes » donne l’analyse, est divisé en
deux parties : l’une a trait à l’admi-
nistration centrale projetée, l’autre au
statut de la Ruhr et de la Rhénanie.
Avant de prendre une décision
quelconque, dit fort justement le gou
vernement français, il importe de sa
voir s’il n’y a pas en Allemagne d’im
portants mouvements séparatistes. Or,
les « Trois Grands » ont négligé de
s’en informer, préférant préparer pour
le Reich un nouveau régime centra
lisé, sans même consulter l’opinion
allemande. Nous ne pou- ons nous
rallier à ces solutions. qu’il convien
drait pour le moins d’ajourner.
Quant à la Ruhr et à la Rhénanie,
le mémorandum reprend la thèse bien
connue du général de Gaulle, et selon
laquelle la solidité de la paix dépen
dra du statut de ces régions : tout-
idée de conquête mise à part, il est
indispensable d’enlever à la souverai
neté allemande, comme on l’a fait à
l’Est, les territoires qui lui ont tou
jours servi à l’Ouest d’arsenal et de
tremplin.
Il ne reste plus, à présent, qu’à
faire triompher notre point de vue.
“lheureusement, c’est une ovte his-
tolre... Claude VIVIERES.
PAUSE
MILITAIRE
La tâche essentielle
du proche avenir
rééquipement du pays
et développement de l'épargne
par
Charles BIST.
La
France, dans tous les do-
En pleine incohérence au Conseil des Cinq
EN 1934-1937
PARTIS
Communistes
M.U.R.F
Socialistes S.F.I.O.
DE 7.796 CANTONS : 1.362 RESULTATS ACQUIS
BALLOTTAGES : 1.434
A ORLY
maines, est à la veille de grandes
décisions. Parmi ces décisions, au
cune n’a plus d’importance que
celle qui sera prise en matière
d'organisation militaire, parce que
aucune n’aura de conséquences
plus graves pour sa vie économique
et, par ricochet, pour la puissance
militaire française de l’avenir. Sui
vant que l’on prendra la vraie ou
la fausse direction, l’économie fran
çaise se relèvera ou ne se relèvera
pas. Or, sans relèvement de l’éco
nomie, pas de relèvement militaire.
Personne ne contestera plus que
la guerre ne soit devenue une af
faire industrielle. Ont gagné la
guerre les pays dont l’industrie a
été capable de soutenir les arme
ments. L’Allemagne, qui, avant tous
les autres, avait organisé son in
dustrie à un niveau de puissance
correspondant aux nécessités de
l’armement moderne, a failli la
gagner. L’industrie française, par
contre, s’est montrée inférieure aux
exigences militaires. Certes, l’ar
mée de 1939 n’a pas su faire l’em-
ploi des ressources existantes. Elle
n’a pas prévu le degré auquel l’en-
nemi porterait la mécanisation de
ses forces. Une fois de plus, comme
en 1870, comme en 1914, ses chefs
ont ignoré la puissance de l’adver-
saire et méconnu ses méthodes.
Tout cela est vrai. il n’en reste
pas moins qu’à l'usage, les moyens
techniques mis à la disposition de
l’armée par l’industrie, comme les
possibilités de les développer au
fur et à mesure du conflit se sont
trouvés insuffisants.
C’est une banalité d’affirmer
que l’équipement et l'outillage in
dustriel français sont, dans, un
nombre disproportionné de cas, in
férieurs à l’outillage correspondant
existant en Angleterre, aux Etats-
Unis. en Suisse, en Hollande ou en
Belgique. La tâche essentielle du
proche avenir, la réforme qui do
mine toutes les autres, c’est l’adap-
tation de notre outillage aux be
soins modernes, son élévation au
niveau atteint par nos grands amis
qui sont en même temps nos grands
concurrents. Qu’il s’agisse du ser
vice des postes, des chemins de fer,
de l’aviation, qu’il s’agisse de la
métallurgie, de l’industrie chimique
ou mécanique, les entrepreneurs les
plus compétents et à l’esprit le plus
ouvert sont tous d’accord sur un
point : à côté des réalisations indi
viduelles admirables la moyenne du
niveau technique reste inférieure à
celle des pays les plus progressifs.
C’est cette moyenne qui compte
lorsqu'un pays doit défendre sa vie.
La prochaine guerre n’en dou-
premier stade . essentiellement un
problème financier.
A l'heure qu’il est, le déficit bud
gétaire atteint 250 milliards. Tant
qu’un tel déficit subsiste, il est
vain d’espérer aucune stabilité mo
nétaire puisque celle-ci est incom
patible avec l’émission continue de
papier-monnaie qu’un tel déficit
comporte.
Mais sans monnaie saine, c’est-
à-dire stable, pas d’épargne fran
çaise. Pas non plus de crédits exté
rieurs. En d’autres termes, pas de
capitaux neufs pour la reconstruc
tion de l’industrie et la rénovation
de l’agriculture. J’ai vécu les diffi
cultés que l’instabilité du franc
nous a créées au lendemain de la
première guerre mondiale : re
fus de crédits étrangers tant que
les mesures propres à réaliser la
stabilité monétaire étaient diffé
rées ; défiance des nations anglo-
saxonnes (seules en mesure de nous
prêter) à l’égard de la capacité de
notre pays de retrouver son équi
libre financier ; perte de prestige
dan s tous les domaines; enfin, après
une longue crise, admiration soule-
Yée aux Etats-Unis et en Angle
terre par la politique de Raymond
Poincaré quand cette stabilisation a
été réalisée.
Le même problème se pose au
jourd’hui, mais d’une manière
bien plus aiguë. La France, avec
ses revenus actuels, ne peut pas
supporter un budget de 400 mil-
liards. Si l’émission
du papier-
monnaie doit, et cela est urgent,
être arrêtée, il faut réduire ce bud
get au moins de moitié, et attendre
pour l’accroître, que la production
soit revenue à ses dimensions nor-
males
c'est-à-dire vraisembla-
M. Molotov veut exclure la France et la Chine
des discussions sur les Balkans et la Hongrie
La carence du Conseil des Cinq de
samedi matin avait des raisons plus
graves que celles que nous lui attri
buions. Il s’agissait de rien moins
que de l’éviction pure et simple des
ministres des Affaires étrangères de
France et de Chine par une décision
unilatérale du président de séance.
Voici en quels termes l’incident est
rapporté par le rédacteur diplomati
que du « Times » :
« Les ministres avaient décidé de
se rencontrer samedi matin avec M.
Molotov comme président, mais ce
lui-ci remit la séance à plus tard et
invita M. Belvin et M. Byrnes à dis
cuter la situation ensemble. Cette
invitation peut probablement s’expli
quer par les termes de la déclaration
de Potsdam, qui a créé le Conseil
des cinq ministres des Affaires étran-
gères à des fins précises sans por-
* - à l’accord conclu à la
ter préjudice
conférence de
consultations
ministres des
trois grandes
Ce procédé
Yalta qui prévoit des
périodiques entre
les
Affaires étrangères des
puissances. »
discourtois du
soviétique aurait sa raison
crainte qu’il éprouverait de
France et la Chine se joindre
délégué
dans la
voir la
aux dé-
légués anglo-saxons pour s’opposer aux
prétentions russes qui deviennent de
plus en plus exorbitantes à mesure
que la discussion se porte sur des
pays plus rapprochés de la masse
moscovite. Ainsi, M. Molotov, qui fut
un des plus ardents à réclamer la
limitation des armements italiens,
s’opposerait non moins vigoureuse
ment à toute intervention dans ceux
de la Roumanie et de la Bulgarie. Pa
reille incohérence est désarmante. M.
Molotov a raison de vouloir réserver
ses propos" au plus petit nombre pos
sible d’auditeurs. Il y a des choses
qu’on ne peut dire que de bouche à
oreille.
M. Bidault a néanmoins eu raison,
de son côté, de relever
l’incongruité et de rappeler
ce
de
a
Londres
annonce
deux séances au
que le Conseil a tenu
cours desquelles fu-
rent discutées les questions du ravi
taillement de l’Autriche, du régime
provisoire pour les voies fluviales il-
térieures européennes et du rapatrie
ment des sujets soviétiques.
U.D.S.R
Républicains socialistes, Socia
listes indépendants, Vieux so
cialistes
Radicaux socialistes
Indépendants de gauche
Mouvement Républicain Popul.
Radicaux indépendants
Républicains de gauche et Al
liance démocratique
Fédération républ. et U.R.D...
Entente républicaine (Union pa
triotique républicaine, Parti
de Rénovation républicaine).
Conservateurs
Indépendants de droite
(LIRE LES RESULTATS
SIEGES
. 93
9
. 313
20
PARTIS
EN 1945
SIEGES
tons pas sera conduite non par des
militaires mais par des ingénieurs,
“P 2 —-"002 . h sa -
blement pendant plusieurs années.
Or, le budget militaire, à lui
seul., comporte 200 milliards con
sacrés à entretenir une armée qui,
d’ici dix ans au moins, n’aura pas à
servir et à équiper cette armée avec
un outillage qui, dans dix ans, sera
certainement plus que démodé.
Le problème est donc tragique et
la seule solution adaptée à sa gran
deur est une solution héroïque. Elle
consiste à nos yeux à faire délibé
rément une « pause militaire ». On
réduira, pendant une période de
cinq ans par exemple, le budget de
la Guerre aux sommes juste suffi-
santés pour entretenir les troupes
nécessaires à la garde de nos colo
nies.
Pour le reste, on attendra que
les nouvelles techniques permet
tent de faire un plan rationnel
d’armement adapté aux conditions
nouvelles et conçu en fonction de
notre politique extérieure.
D'ici là, tous les efforts se con-
centreront sur un seul objet : le
sn--- ? Io-—% centreront sur un seul objet : te
par des organisateurs beaucoup plus rééquipement du pays, le dévelop-
(J11 weyw 2— --4*' A. tX. . , ' ■ r oar 2
que par des stratèges. Armer la
et Chine sont pourtant
la Russie.
DEMAIN, FIN
DE LA SESSION
DU CONSEIL ?
Londres. — La réunion d'hier matin
été aussi difficile et, dit-on, animée,
que celles de la fin de la semaine der-
nière. La session du conseil des Cing
doit prendre fin mercredi, si l'on juge
qu’il est utile de poursuivre jusque là.
Le malaise suscité par le désir
qu’avait manifesté samedi dernier la
délégation russe de ne traiter qu’à trois
les questions balkaniques, n’est pas
encore entièrement dissipe.
Si les questions purement balkani
ques n’avalent pas fait l’objet de la
dernière réunion de samedi, elles fu
rent reprises hier matin.
Dans la question des frontières bal
kaniques, la délégation soviétique sou
tient que seules les puissances balka
niques elles-mêmes doivent en fixer le
tracé.
Le communiqué publié hier soir à
60
293
6
106
67
79
143
29
9
Communistes
Union prolétarienne
Socialistes S.F.I.O
Socialistes de France. Socialistes
français, Républicains socia
listes, Socialistes indépendants
Radicaux socialistes
Démocrates populaires ........
Radicaux indépendants
Républicains de gauche
U.R.D
Conservateurs
P.S.F
P.P.F
TOTAL :
28
4
150
48
432
28
104
214
262
77
9
6
1.362
a reçu hier un beau cadeau
Indéterminés
TOTAL
134
1.362
DETAILLES EN TROISIEME PAGE)
vertement
que Fran-
les alliées
Les Danois, gens heureux et optimistes
Copenhague, septembre. —
gros car orange que j’ai pris
l'aérodrome roule à travers
à
la
LETTRE DE LONDRES L’AVENIR
de l’industrie britannique
Main-d'œuvre et inventions nouvelles
Londres, septembre (de notre cor
respondant particulier). — Le nou
veau gouvernement anglais se rend
très bien compte que ses projets
ambitieux de réforme sociale ne
pourront être réalisés que si le fu
tur économique de la Grande-Bre
tagne est assuré. C’est pour cette
raison que l’intérêt du public bri
tannique s’est concentré non pas
sur les nationalisations, mais sur le
problème plus immédiat de la re
prise des exportations et de la re
conquête des marchés commer
ciaux, en un mot du switch over,
c’est-à-dire du passage de la pro
duction de guerre à la production
de paix-
L’industrie britannique manque
aujourd’hui de main-d'œuvre. Le
rythme trop lent de la démobilisa
tion est critiqué non seu ement
par les soldats, mais par les gros
industriels qui réclament à cor et
à cri leurs ouvriers. Les Chambres
de commerce britanniques dans
tous les pays enregistrent sans cesse
des commandes importantes qui ne
peuvent être exécutées faute de
main-d’œuvre. Une campagne est
en cours qui a pour but d’amener
le gouvernement à transformer le
projet primitif de démobilisation.
Les Anglais craignent notamment
la concurrence américd'ne qui a
déjà été favorisée par un passage
beaucoup plus rapide à la produc
tion normale-
ils sont donc obligés de prendre
des mesures immédiates de concen
tration de l’effort sur les industries
qui ont été les moins touchées par
la mobilisation. D’un autre côté, ils
mettent au point des procédés et
des produits nouveaux grâce aux
quels ils espèrent lutter avanta
geusement avec les Américains-
Une industrie traditionnelle bri
tannique, qu’il n’est pas question
de nationaliser maintenant, a dé
marré déjà : ce sont les chantiers
navals qui ont reçu et accepté des
commandes pour les cinq années à
venir. ILa main-d’œuvre spécialisée,
utilisée pendant la guerre pour la
construction des unités de combat,
n’a pas été éloignée des chantiers
et elle a été facilement récupérée.
Deux cent quatre-vingt-huit na
vires sont en construction et des
commandes nouvelles affluent. Fait
intéressant : les commandes étran
gères sont strictement rationnées
par une commission spéciale de
l’Amirauté, et la majorité des na
vires en cours de construction sont
destirtés aux compagnies britanni
ques qui espèrent arracher aux
Américains, possédant des bâti-
1 ment moins spécialisés et rapide
ment jdétériorables, le monopole
I des transports maritimes que ces
banlieue, une proche banlieue qui
ne rappelle en rien le Kremlin-
Bicêtre, Villejuif ou Ivry. Des pe
tites maisons pimpantes, posées
comme des jouets neufs au milieu
de pelouses bien peignées et cein
tes de barrières blanches, des fer
mes toutes blanches cachées par
des rideaux d’arbres, des usines qui
ressemblent à des laboratoires, des
serres qui s’étendent sur des kilo
mètres, des cabanes de jardiniers
en bois verni, tout cela net, neuf,
propre, frais. Et puis voici les fau
bourgs avec leurs maisons moder
nes, leurs magasins aux enseignes
peintes de couleurs vives, et leurs
squares où courent des enfants
blonds...
Et partout, dans tous les sens,
des centaines, des milliers de vélos
qui, par grappes de cinquante,
s’agglomèrent aux carrefours, se
doublent, s’entrecroisent, montent
et descendent des trottoirs cycla
bles dans un tintamarre de sonne
ries. La ville défile sous nos yeux,
avec ses larges avenues, ses palais,
ses curieux clochers à escaliers
extérieurs, ses flèches de cathédra
les revêtues de cuivre vert-de-
grisé, ses multiples statues parmi
lesquelles on est soudain surpris
de reconnaître le groupe des bour
geois de Calais de Rodin, ses tram
ways jaunes, ses cabines télépho
niques rouges et or, et ses canaux
tranquilles. Nous traversons un
grand pont mobile qui enjambe
une. partie du port, nous dépassons
un immense baromètre doré juché
au sommet d'un immeuble, et le
car s’arrête sur la place du
Radhus, le centre de Copenhague.
Les Danois sont optimistes. Ils
adorent le bruit, le remue-ménage,
la mangeaille. Ils sont joyeux,
pressés, badauds, bons vivants. Et
leur capitale leur ressemble. Je ne
saurais décrire l’impression d’acti-
vité, de vie intense, de grouille-
ment que ma donnée Copenhague.
Cela fait penser aux couloirs, du
métro aux heures d’affluence, à, la
foire de Paris, au pesage d’un
champ de courses. Poussé, pressé,
un peu ahuri par cette bousculade,
je me demandais, le premier jour,
ce que tout cela pouvait bien si
gnifier : Est-ce une fête ? Y aura-
t-il un défilé ?...
Mais non. C’était un jour comme
un autre, et tous ces hommes
joyeux, toutes ces femmes joyeu
ses se précipitaient simplement
vers des magasins bourrés de mar
chandises, vers des restaurants
pantagruéliques, vers des théâtres,
des dancings et des cinémas. Peut-
être, sûrement même, beaucoup
d’entre eux allaient aussi à leur
travail, mais, au premier abord, je
ne m’en rendais pas compte. Tout,
dans cette ville, me paraissait co-
casse et un peu irréel, depuis les
taxis qui foncent dans la foule
sans s’occuper du reste (dame ! les
trottoirs ne sont pas faits pour les
chiens, et les piétons n’ont qu’à y
restér !) jusqu’aux étalages bourrés
de jambons, de conserves, de lait
concentré ou en poudre, en passant
par les concerts gratuits que l’ar-
mée du Salut dispense aux mélo
manes. Mon premier repas au res
taurant mit lie comble à mon
ahurissement, et j'ai quelque scru
pule à en parler.
J’étais entré dans une sorte de
grande usine à manger qui s’ap
pelle Skandia. Le garçon (j’ai su
plus tard qu’il se prénommait Na
poléon) m’apporta un menu auquel,
bien entendu, je ne compris rien,
sinon que j’avais le choix entre
soixante-dix plats différents. On
m’avait beaucoup vanté les fameux
smôrrbrod, la grande spécialité
Scandinave. Ce sont, m’avait-on dit,
des sandwiches qu’il est agréable
de consommer comme hors-d’œu
vre. J’en commandai donc trois,
pensant qu’un petit quelque chose
pour ouvrir l’appétit ne fait jamais
de mal. Le petit quelque, chose
qui me fut apporté correspondait
à peu près (en ce qui conczrne les
matières grasses et la viande) à la
ration normale que touche un
Parisien en quatre semaines. Cha
que smrrbrd se composait d'une
mince tranche de pain bis, enduite
d'une épaisse couche de beurre
frais, le tout artistement dissimulé
sous un énorme morceau de jam
bon, de rôti de porc ou de saumon.
SORO.
(Lire la suite en quatrième page)
C’est hier que M. Jefferson Caf-
fery remit officiellement au général
de Gaulle l’avion offert par le prési
dent Truman au chef du gouverne
ment provisoire lors de son voyage
aux U.S.A.
Orly était en fête, malgré la pluie,
et la cérémonie fut une belle mani
festation d'amitié franco-américaine..
Casques blancs, bufleteries et guê
tres blanches, la célèbre M.P. était là
au garde-à-vous, face à un détache
ment de l’armée de l’air française.
L’énorme et magnifique appareil ar
genté, marqué des emblèmes français,
semblait protéger le groupe officiel de
ses longues ailes et de ses quatre puis
sants moteurs.
M. Jefferson Caffery, accompagné
du général Smith, s’entretenait avec
M. Tillon, ministre de l’Air, et le gé
néral Vallin quand la longue voiture
du général de Gaulle arriva, entou
ré? de ses motocyclistes impeccables.
Le chef du gouvernement provisoire
en petite tenue de général de briga
de, passa en revue l’équipage du grand
C.54 et décora plusieurs officiels amé
ricains, puis il visita son nouvel ap
pareil.
Grand compartiment avec vingt
confortables fauteuils, couchettes, cui
sine, frigidaires, soute à bagages et
chambre d’équipage! 450 kilomètres-
heure. 8.000 kilomètres de rayon; l’ap
pareil représente le dernier cri de la
technique moderne. Digne cadeau du
chef d’Etat américain au général de
Gaulle.
France c’est d’abord et avant tout
créer pour elle l’outillage indus
triel qui, le jour venu, sera capable
de répondre aux demandes encore
totalement imprévisibles que la tech
nique militaire de l’avenir exigera
de l’industrie.
Or. cette réfection industrielle 1
coûtera des sommes énormes. Je ne
cite ici aucun chiffre. Les pertes et
les destructions subies durant cette
guerre ont été inventoriées, chif
frées dans des rapports que tout-le
monde a pu' lire. Il est inutile de
les rappeler ici. Et l’on voit tout
de suite que l’avenir militaire de la
France étant un problème de re
construction industrielle devient au
pement d’une épargne indispensa
ble à la remise en marche de l’in-
dustrie et de l'agriculture, et sur
tout la remise rapide au travail
d’une jeunesse qui ne demande
qu’à s’atteler avec toute son éner
gie à la reconstruction de la Fran
ce. Cela fait, et le budget de la re
construction étant devenu inutile,
tout le problème de l’armement et
de la défense de là France sera ré
examiné avec des yeux jeunes et
des moyens financiers neufs.
Grande décision, je le reconnais,
mais qui est à la mesure de la
clairvoyance, de la ténacité, de Tin-
trépidité de l’homme auquel la
France fait confiance depuis cinq
ans : le général Charles de Gaulle.
L’ORDRE DANS LES IDEES
La mort du théâtre intellectuel
par Lucien FABRE.
F. D.
Lire en quatrième page :
La Révolution, solution
du désespoir en Italie ?
par Jean MARABINI.
DANGER DE MORT
Depuis quelque
temps, les rues de
Paris sont rien
moins que sûres.
Du fait des ma
landrins, escarpes
et autres Man
drins de basse
classe dont l’au
dace grandit de
jour en jour avec
le nombre ? Cer
tes. Mais aussi —
et c’est propre
ment un comble
— du fait de cer
tains de ceux qui
ont pour mission
d’assurer la sécu-
rité
(au
du
1 e s
des
des bourgeois
sens original
mot) contre
entreprises
malfaiteurs.
Lire en deuxième page :
derniers détiennent pour
ment.
(Lire la suite en quatrième
le mo-
A. G.
page.)
PARIS ET LES GRANDS CENTRES
auront-ils de la viande cet hiver ?
par Paul LANIER
l’exercice de leurs
fonctions d’un
zèle maladroit ou
d’une nervosité
fâcheuse, qui
voient des gangs
ters en automo-
bile
partout et
qui ont le doigt
trop prompt sur
la gâchette.
Tels ceux qui,
dans la nuit de
samedi à diman
che, vers 1 heure
du matin, boule
vard Poissonnière,
ont, sans rime ni
raison — et cir
constance aggra
vante — sans au-
Qu’on nous en
tende bien : nous
ne faisons pas ici
l e procès du corps
de la police pari
sienne, qui, dans
son ensemble, ac
complit avec
conscience, sou
vent avec coura
ge, une tâche de
plus en plus
lourde et de plus
en plus périlleu
se. Nous n’en
avons, répétons-
le. qu’à certains
agents
trop
jeunes peut-être
pour la responsa
bilité qu’ils assu
ment — qui font
preuve dans
ment,
balles
et la
d’une
avertisse-
criblé de
les pneus
carosserie
voiture de
« l’Ordre ». C’est,
miracle qu’aucun'
des occupants
n'ait été blessé —
sinon tué — un
projectile ayant
traversé la glace
arrière pour aller
frapper le plafon
nier. Et les au
teurs de cette
stupide agression
— nous ne
voyons pas d’au
tre qualificatif
■— se permirent
de prendre de
haut les justes
observations que
leur firent le
chauffeur et les
témoins égale-
ment indignés.
En conclusion, ils
eurent ce mot dé
sarmant, si l’on
peut dire: « Nous
avons l’ordre de
tirer » ! De tirer
au petit bonheur,
à l’aveuglette, sur
n’importe qui, et,
d e préférence ,
pour prendre
moins de risque,
sur les passants
inoffensifs ?
Serions - nous
revenus au Paris
du temps de Vil
lon. où le guet se
donnait parfois le
divertissement de
rosser les braves
gens attardés au-
delà de l’heure
du couvre - feu,
pendant que cou
pe-jarrets et tire-
laine « opéraient »
en toute tran
quillité dans le
voisinage? Si oui,
les « arguments
frappants » d’au
jourd’hui étant
d’autre efficacité,
de nature même,
plus qu’à rester
chez eux et à cre-
vailler lentement
de faim, à moins
qu’ils ne préfè
rent la mort bru
tale. sans phrase,
reçue de la main
trop diligente
d’un « défenseur
de l’ordre ».
A moins,
tôt — c’est
souhait —
ne renvoie
jeux plus
cents
nants
ces
plu-
notre
qu’on
à des
inno-
éton-
gardiens
à vous
pour
toute
bientôt
couper
toujours
réplique,
il sera
pratiquement in
terdit de circuler
du crépuscule à
l’aube. Ainsi les
travailleurs d e
nuit n’auront-ils
de la paix entre
les doigts de qui
un revolver est
presque aussi
dangereux que la
bombe atomique.
P. S. — Signa
lons qu’un fait
identique s’est
produit diman
che, vers 22 h.,
place Sembat, à
Boulogne-sur-Sei-
ne. Une voiture
8553 YC 3 avait
soi-disant forcé
un barrage ef
fectué par deux
gardiens de
paix,
ceux-ci,
tant <
L’un
la
de
, n’écou-
que son
courage (?), tira
deux balles dans
la carrosserie. Il
n'y eut pas de
blessé, heureuse
ment.
, Dans un remarquable article qu’il a donné à l’hebdomadaire
Les Eto.les, M. Marc Beigbeder écrit :
« Si humain, si direct qu’il se fasse, le théâtre intellectuel
ne peut malgré tout recouvrir le véritable théâtre. Celui-ci se
fondera toujours sur une émotion plus simple, une passion, repo
sera sur le cœur et les sens plus encore que sur le cerveau. »
. ajoute : “ Le goût de la simplicité marque tout au nouveau
theatre. Celle-ci est obtenue le plus souvent par les recours aux
thèmes sentimentaux. »
Il conclut que dans cette offensive l’un des premiers sur pied
fut le Tristan et Yseult de M. Lucien Fabre.
, Liquidons rapidement une petite querelle de principe qui
m est faite en passant. M. Beigbeder trouve mon texte « bour
souflé ». La boursouflure ou ce que la critique dune époque plus
courtoise appelait l’emphase est question toute relative, on le sait
assez. Déjà Gustave Larroumet remarquait il y a quelque cinquante
ans ”, Ce sont les spectateurs des Fradon et des Ponsard qui ont
taxé d emphase les Racine et les Hugo parce qu’ils n’étaient pas
eux-mêmes au diapason véritable ni de la passion ni de l’époque
évoquées par ces dramaturges. » Ayant constaté que ce qui paraît
emphatique aux uns ne le paraît pas à d’autres au moins aussi
qualifiés pour en juger, le critique concluait qu’il y avait là sans
doute une question de tempérament et que nous vivions à une
époque « prosaïque ». Il y a du vrai ; ce sont les mêmes qui ont
trouvé Claudel boursouflé, Gide contourné Giraudoux ampoulé
et Valéry obscur. Un écrivain connu clamait dans les couloirs de
la Comédie-Française son dégoût du style de Shakespeare après
Antoine et Cléopâtre et divertissait une petite cour d’admirateurs
en expliquant qu’ON avait « soupé » de ces grands mots et de ces
grands « machins ». D’accord. Mais qui est ce ON ? Non pas cer
tainement le véritable peuple dont il faut sentir la ferveur à l’au
dition des classiques. En vérité, la nature, l’époque, les sentiments,
les événements, le caractère exceptionnels d’Antoine réclament
un langage qui peut paraître emphatique à ceux qui ne se sont
pas donné la peine den pénétrer les raisons et d’en éprouver la
nécessité ; et il en est de même pour les héros d’Eschyle ; et pour
Tristan. C’est ce langage même qui nous donne la possibilité d’en-
trer dans le domaine supérieur de la crise où nous ne pourrons
le trouver emphatique si nous oublions notre siècle et nous iden
tifions au héros ; mais si, comme dit Pascal, nous ne nous embar
quons pas dans ce langage avec lui, si nous jugeons de ses
sentiments d’après ceux d’un petit bourgeois du XX' siècle, et de
ses paroles d’après notre jargon journalier, nous refusons l’illusion
du théâtre et nous ne jouons plus le jeu. C’est un cercle vicieux.
Par contre, il est évident que le même vocabulaire mis dans la
bouche de personnages en veston serait parfaitement déplacé.
Ceci dit, le recours aux thèmes sentimentaux dont parle M.
Beigbeder ne peut en effet que marquer le sain retour au drame
véritable qui est toujours affectif et demande des lignes et des
plans simples à cause de l’optique théâtrale : car si le roman est
la peinture des mœurs, le drame en est l’architecture.
Est-ce à dire cependant que le théâtre « intellectuel » soit
par là condamné ? Je ne le crois pas. Car, de même que la liberté
est sauvée dès qu’on note que la volonté de l’homme est facteur
du déterminisme, le théâtre intellectuel est sauvé dès qu’on note
que l’intelligence peut devenir à notre époque un élément de la
passion ; il suffit qu’elle prenne dans cette passion une place
assez grande pour être à l’échelle de la scène, pour vivre par les
traits que l’on voit de la salle ; et si elle ne peut sur l’Acropole
être cette Athéna géante qu’on voyait depuis Eleusis, que sa lutte
avec Dionysos fasse frissonner tout entier le colosse olympien
de Zeus dont le cerveau l’a engendrée.
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