Titre : La Chronique mondaine, littéraire & artistique : journal hebdomadaire
Éditeur : [s.n.] (Nîmes)
Date d'édition : 1936-07-25
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32741873b
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 25 juillet 1936 25 juillet 1936
Description : 1936/07/25 (A45,N26). 1936/07/25 (A45,N26).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG30 Collection numérique : BIPFPIG30
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t51056423s
Source : Bibliothèque Carré d'art / Nîmes, 33352
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/04/2023
QUARANTE-CINQUIEME ANNEE. N. 26.
Le Numéro tn centimes
SAMEDI 25 JUILLET 1936.
ÙTTÊRmiîacMriSTWE
REDACTION
ADMINISTRATION
PUBLICITE
4, Rue de la Violette, NIMES — Télép. 22-34
Annonces 2 frs^ la ligne
Par abonnement,
contrat.
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JOURNAL HEBDOMADAIRE
PAUL VIOLETTE
DIRECTEUR-REDACTEUR EN CHEF
ABONNEMENTS
Nimes et Département du Gard
Six mois
Un an
Autres Départements
Six mois
Un an ..
10 fr-
18 fr.
10 fr. 50
1« fr. 50
à l'École Antique
Sur le point de subir, comme cha-
que année à pareille époque, un repos
estival (le deux mois, la Chronique ju-
ge inutile de .redonner, après tous ses
confrères de la presse quotidienne, un
compte rendu détaillé de toutes les
journées de la première semaine de la
■XVII" session de l'Ecole Antique. Elle
préfère reproduire quelques extraits
de la très, belle côpférence inaugurale
l'aile dimanche dernir, à la Galerie Ju-
les Salles, par- M. Paganelli, Inspec-
leur d'Académie.
Ce fut un beau début, accueilli par
Ue chaleureux applaudissements, prou-
va,nt au très sympathique conféren-
cier, au savant helléniste, le plaisir
hien vif et bien sincère que tous ses
auditeurs avaient eu à écouter sa si
remarquable leçon de littérature et de
philosophie, il avait pris un sujet très
-délicat, i'Eupalinos de Paul Valéry.
Le célèbre Académicien a énornié-
ment de talent, mais avouons-le, un
talent, pour beaucoup, uin peu henné-
tique: il a fallu toute l'aisance, toute
l'érudition, toute la subtilité d'esprit
de M. Paganelli pour dégager, avec
une clarté très prenante le charme et
l'esprit de l'oeuvré philosophique de
Paul Valéry.
Cette conférence, d'une si haute te-
nue littéraire mériterait les honneurs
d'une reproduction complète, car elle
a formé un tout fort harmonieux.
Mais dans notre modeste journal nous
devons nous borjaer et reproduira
seulement quelques extraits qui ne
pourront que donner grande envie à
nos lecteurs d'aller Entendre la con-
férence complète, si comme nous l'es-
pérons M. Paganelli veut bien la re-
faire dans le courant de l'hiver, pour
les très nombreux fervents nimois de
notre Ecole Antique qui n'ont pu l'en-
tendre cet été.
P. V.
l'S
« Comme Phèdre, je voudrais me
lai.re; ou me borner à la lecture de
ces pages; vous me permettrez, Mes-
dames et Messieurs, d'y faire de lar-
ges emprunts. Ce que je dirai ne se-
ra que l'écho affaibli, peut-être défor-
mé, de ce dialogue socratique, aux en-
lers, sur la rive du fleuve Temps,
d'où, immobiles, les âmes assistent à
l'écoulement vrai des êtres, dans la
posture éternelle de la Sagesse.
Je ne saurais me faire l'introduc-
teur de Paul Valéry à l'Ecole aptique
ni vous le présenter; mais j'ai choisi
Eupalinos, pour vous en donner une
image... ,
Valéry vient-il jouer ou se jouer ?
qu'importe ! le jeu en vaut la peine;
suivons-le. El si c'est la faptaisie de
quelque rhéteur de l'autre monde qui
les a pris pour marionnettes, lui et
Socrate, concluons, de bonne grâce,
avec Phèdre : C'est en quoi rigoureu-
sement consiste l'immortalité.
Tout au long du dialogue le prota-
IiE CHEtfflli CAMARGUAIS
Au taureau camarguais s'apparente ta race.
Tu vis à ses côtés, vos groupes noirs et blancs
Errenty l'hiver, sous l'œil des gardians indolents
Qu'engourdit le repos et que l'ennui terrasse.
JÔ'JfcT&zvtë' •■" ;
Mais aux premiers bourgeons délaçant leur cuirasse,
Tu pars ! la haute si elle aux clous étincelants
A suspendu les lourds étriers à tes flancs.
Ton pied, vierge du fer, laisse à peine sa trace.
Et c'est la chevauchée ardente aux sentiers verts
Pour conduire la course à ces cirques ouverts
Où ta tradition garde encor ses racines.
-
Et là, tout frémissant aux portes du toril,
Tu révèles l'orgueil des juments sarrasines,
Dans le relief dressé de ton hardi profil !
u,_ ...
Jehanne RAVIER
!llll(tfl!l!lllll!l;l!lilllllll!lllll!|i|||||!ll|||||||il!l!lll!ll|||!|||!|||||||||!l||||[|!li|||||l|||ll!l!lil!lllllîlllll
palinos, diL Phèdre. La ijgure.qlEu-
palinos, encore qu'elle n'épuise pas
l'invention et les désirs associés du
maître et du disciple, — est une figu-
re riche, nuancée, infiniment sédui-
safite. Je ne puis que l'esquisser. Eu-
palinos est d'abord architecte, l Ar-
chitecte; il l'est dans la conception et
l'exécution, pour le détail et pour
l'ensemble; il l'est avec calcul et avec
amour, par l'intelligence, par son
corps et par sou âme; il est un hom-
me qui se donne dans son art...
Illlllll!lll!l!l!|i|!lll!lllllllllllllllllll!lll!lllilll!lil'lill
goniste c'est Phèdre: sa personnalité,
dépouillée, s'est accrue; plus que con-
tradicteur, il se fera animateur. Et
Socrate ? Socrate demeure le Maître,
mais quel changement ! Il reste l'in-
venteur d'idées et le dialecticien iné-
galable, il paraît croire encore au Sou-
verain bien, mais il ne croît plus à
l'absolutisme du Connais-toi toi-mê-
me; il a perdu foi en cette connais-
sance de l'homme, suprême science
et suprême sagesse, qui faisaient sa
vertu; il doute, — et de quelle pointe
aiguë, — et de son œuvre et de sa vie
et de sa mort.
Socrate « Hélas ! hélas ! j ai usé
d'une vérité et d'une sincérité bien
plus menteuses que les mythes, et
que les paroles inspirées. J'enseignais
ce que j'inventais- Je faisais des en-
fants aux âmes séduites, et je les ac-
couchais habilement.
... Qu'ai-je donc fait que de donner
à croire au reste des humains que
j'en savais bien plus qu'eux-mêmes
sur les choses les plus douteuses ?
Et le secret de le faire croire consis-
te dans une mort si bien conduite, pa
rée d'une telle injustice, et de telles
amitiés environnée, qu'elle obscurcis-
se le soleil, et déconcerte la nature.
Qu'est-ce qu'il y a de plus redou-
table (pie d'en faire une sorte, de chef-
d'oeuvre ?... La vie ne peut pas se dé-
fendre contre ces immortelles ago-
nies »...
Quelle critique, qui porte loin et
haut ! On n'est pas plus révolution-
naire, et, pour tout dire, pas plus So-
crate.... quant à l'esprit, du moins;
car, pour ce qui est de la lettre, nous
en sommes à l'Anti-Socrate et je m'ex-
plique. Phèdre, soutenu et poussé par
Socrate, va nous conduire, de degrés
en degrés, jusqu'à un type d'humani-
té supérieure, bien différent, semble-
t-il, du type socratique et équivalent.
Socrate, le Socrate désabusé que
son démon a trahi, participe à la non-
velle création avec un enthousiasme
vengeur; il crée, admire, envie rétros-
pectivement et il serait tout prêt aux
réalisations; mais ici, aux enfers, les
projets sont souvenirs et il n'est lui-
même qu'une ombre courant après un
fantôme.
11 était de Mégare et s'appelait Eu-
...Et comme Phèdre, à cette révéla-
Mon, marque sa junévile approbation:
« Sais-tu bien que si je m'abandofnne
à ma pensée je vais le comparer a
quelque chant nuptial mêlé de flûtes,
que je sens naître de moi-même ».
Eupalinos poursuit : « Dis-moi
dit, n'as-tu pas observé, en te
promanant dans cette ville, que,
d'entre les édifices dont elle est
peuplée, les uns sont muets, les
autres parlent et d'autres enfin, qui
sont les plus rares, chantent ? «Voi-
ci donc le pont jeté entre l'Architec--
ture et la Musique, leur communau-
té d'arts majeurs et, pour ainsi par-
1er, transcendants, établie. Car la Mu-
sique et l'Architecture, tout au con-
traire de la peinture et de la poésie,
« nous font penser à tout autre chose
qu'à elles-mêmes; elles sont, au mi-
lieu de ce monde, comme les monu-
monts d'un autre monde; ou bien
comme les exemples çà et là disse-
minés, d'une structure ' et d'une du-
rée qui ne sont pas celles des êtres,
mais celles des formes et des lois ».
Car Socrate résiste : lui qui a ton-
jours tout tiré de lui-même ne peut
guère comprendre que des hommes
aussi purs, quant à l'intelligence,
aient eu besoin « des formes .sensi-
bles et des grâces corporelles pour at-
teindre leur état le plus élevé ». D'au-
tre part, il estime que se construire et
se connaître soi-mèmes sont deux ac-
tes distincts; vivre et penser n'ont pas
les mêmes exigences : te l'homme, dé-
clare-t-il, n'a |>as besoin de toute la
nature mais seulement d'une partie
d'elle. Philosophe est celui qui se fait
une idée plus étendue et veut avoir be-
soi,n de tout. Mais l'homme qui ne
veut que vivre, n'a besoin ni du fer,
ni de l'airain en eux-mêmes, mais seu-
leinent de telle dureté ou de telle duc-
tilité»... Bref, il tant choisir d'être u,n
homme, ou bien, un esprit. L'homme
ne peut choisir que parce qu'il peut
ignorer »... Secrate, qui avait choisi
d être un esprit, opterait à présent
pour le rôle d'homme ; Architecte,
Constructeur, il prendrait la suite du
démiurge primitif, pour débrouiller le
chaos, non pas de la création mais des
créatures.
Longue page, Mesdames et Mes-
sieurs, belle et suggestive, à plus d'un
titre à laquelle la boutade de Phèdre
n'apporte qu'unp évasive conclusion :
Je les tiens très heureux, dit-il, que
lu sois un architecte mort !
Car Socrate, — tous les Socrate
inemployés, développés, accumulés en
lui; tous leurs trésors d'énergie en-
fouis et décuplés, toutes leurs puis-
sances contenues mais expansives :
toutes leurs forces vierges et infécon-
des. — Socrate. l'arlispn et l'héritier
de tant de richesses, ferait comme il
le dit ...» J'eusse bâti, chanté... O per-
te pensive de mes jours '..., et ses mil-
le virtualités le rendraient immortel
autant que sa sagesse. L'étonnant
n'est pas là. Mais Socrate abandon-
.nant la connaissance pour la cons-
truction. la méditation pour l'action,
la pensée pour la vie, l'esprit pour
l'homme, voilà qui surprendrait, s'il
y avait autre chose qu'une apparence
de renonciation et de mutilation
En fait Valéry ne peut renier l'es-
prit socratique, — la méthode, l'ob-
jet, le résultat de ses recherches, —-
source et principe de tout progrès: si
Socrate change, c'est parce qu'il est
Socrate...
...Ne poursuit-il pas cet idéal d'hu-
inanité supérieure et intégrale que
d'autres temps et d'autres moeurs
0|îit fait lever de la pâte grecque el
que représente magnifiquement, en
pleine Renaissance humaniste, un Lé-
onard de Vinci ? Léonard, devenu lui
aussi ailleurs, un symbole, celui du
jeune Valéry, de ses embarras et de
ses désirs intellectuels...
...Peinture, sculpture, architecture,
musique, littérature, physique, méca-
nique, rien de ce qui est art, science,
vie, rien ne fut étranger au Vinci, tout
lui fut familier par génie el par la-
heur...
Nous rejoignons Socrate ; Léonard
le prolonge et le complète et, dans ces
deux figures, l'antique et le moderne.
Valéry peut à bon droit se contem-
pler : elles sont filles de sa substance
spirituelle- En quoi la création est
elle poétique ? Elle l'est par l'origina-
lité du symbole qui suit harmonieu-
sement deux mondes ; elle l'est par
la beauté savante d'une forme somp-
tueuse ou simple, jamais banale, ton-
jours adéquate à l'idéè et dont l'or-
dre et le mouvement font le style, les
images et les rythmes la poésie; elle
l'est par l'ampleur grandiose de la
vision qui embrasse tout le domaine
de l'esprit; elle l'est par la densité
Le Numéro tn centimes
SAMEDI 25 JUILLET 1936.
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à l'École Antique
Sur le point de subir, comme cha-
que année à pareille époque, un repos
estival (le deux mois, la Chronique ju-
ge inutile de .redonner, après tous ses
confrères de la presse quotidienne, un
compte rendu détaillé de toutes les
journées de la première semaine de la
■XVII" session de l'Ecole Antique. Elle
préfère reproduire quelques extraits
de la très, belle côpférence inaugurale
l'aile dimanche dernir, à la Galerie Ju-
les Salles, par- M. Paganelli, Inspec-
leur d'Académie.
Ce fut un beau début, accueilli par
Ue chaleureux applaudissements, prou-
va,nt au très sympathique conféren-
cier, au savant helléniste, le plaisir
hien vif et bien sincère que tous ses
auditeurs avaient eu à écouter sa si
remarquable leçon de littérature et de
philosophie, il avait pris un sujet très
-délicat, i'Eupalinos de Paul Valéry.
Le célèbre Académicien a énornié-
ment de talent, mais avouons-le, un
talent, pour beaucoup, uin peu henné-
tique: il a fallu toute l'aisance, toute
l'érudition, toute la subtilité d'esprit
de M. Paganelli pour dégager, avec
une clarté très prenante le charme et
l'esprit de l'oeuvré philosophique de
Paul Valéry.
Cette conférence, d'une si haute te-
nue littéraire mériterait les honneurs
d'une reproduction complète, car elle
a formé un tout fort harmonieux.
Mais dans notre modeste journal nous
devons nous borjaer et reproduira
seulement quelques extraits qui ne
pourront que donner grande envie à
nos lecteurs d'aller Entendre la con-
férence complète, si comme nous l'es-
pérons M. Paganelli veut bien la re-
faire dans le courant de l'hiver, pour
les très nombreux fervents nimois de
notre Ecole Antique qui n'ont pu l'en-
tendre cet été.
P. V.
l'S
« Comme Phèdre, je voudrais me
lai.re; ou me borner à la lecture de
ces pages; vous me permettrez, Mes-
dames et Messieurs, d'y faire de lar-
ges emprunts. Ce que je dirai ne se-
ra que l'écho affaibli, peut-être défor-
mé, de ce dialogue socratique, aux en-
lers, sur la rive du fleuve Temps,
d'où, immobiles, les âmes assistent à
l'écoulement vrai des êtres, dans la
posture éternelle de la Sagesse.
Je ne saurais me faire l'introduc-
teur de Paul Valéry à l'Ecole aptique
ni vous le présenter; mais j'ai choisi
Eupalinos, pour vous en donner une
image... ,
Valéry vient-il jouer ou se jouer ?
qu'importe ! le jeu en vaut la peine;
suivons-le. El si c'est la faptaisie de
quelque rhéteur de l'autre monde qui
les a pris pour marionnettes, lui et
Socrate, concluons, de bonne grâce,
avec Phèdre : C'est en quoi rigoureu-
sement consiste l'immortalité.
Tout au long du dialogue le prota-
IiE CHEtfflli CAMARGUAIS
Au taureau camarguais s'apparente ta race.
Tu vis à ses côtés, vos groupes noirs et blancs
Errenty l'hiver, sous l'œil des gardians indolents
Qu'engourdit le repos et que l'ennui terrasse.
JÔ'JfcT&zvtë' •■" ;
Mais aux premiers bourgeons délaçant leur cuirasse,
Tu pars ! la haute si elle aux clous étincelants
A suspendu les lourds étriers à tes flancs.
Ton pied, vierge du fer, laisse à peine sa trace.
Et c'est la chevauchée ardente aux sentiers verts
Pour conduire la course à ces cirques ouverts
Où ta tradition garde encor ses racines.
-
Et là, tout frémissant aux portes du toril,
Tu révèles l'orgueil des juments sarrasines,
Dans le relief dressé de ton hardi profil !
u,_ ...
Jehanne RAVIER
!llll(tfl!l!lllll!l;l!lilllllll!lllll!|i|||||!ll|||||||il!l!lll!ll|||!|||!|||||||||!l||||[|!li|||||l|||ll!l!lil!lllllîlllll
palinos, diL Phèdre. La ijgure.qlEu-
palinos, encore qu'elle n'épuise pas
l'invention et les désirs associés du
maître et du disciple, — est une figu-
re riche, nuancée, infiniment sédui-
safite. Je ne puis que l'esquisser. Eu-
palinos est d'abord architecte, l Ar-
chitecte; il l'est dans la conception et
l'exécution, pour le détail et pour
l'ensemble; il l'est avec calcul et avec
amour, par l'intelligence, par son
corps et par sou âme; il est un hom-
me qui se donne dans son art...
Illlllll!lll!l!l!|i|!lll!lllllllllllllllllll!lll!lllilll!lil'lill
goniste c'est Phèdre: sa personnalité,
dépouillée, s'est accrue; plus que con-
tradicteur, il se fera animateur. Et
Socrate ? Socrate demeure le Maître,
mais quel changement ! Il reste l'in-
venteur d'idées et le dialecticien iné-
galable, il paraît croire encore au Sou-
verain bien, mais il ne croît plus à
l'absolutisme du Connais-toi toi-mê-
me; il a perdu foi en cette connais-
sance de l'homme, suprême science
et suprême sagesse, qui faisaient sa
vertu; il doute, — et de quelle pointe
aiguë, — et de son œuvre et de sa vie
et de sa mort.
Socrate « Hélas ! hélas ! j ai usé
d'une vérité et d'une sincérité bien
plus menteuses que les mythes, et
que les paroles inspirées. J'enseignais
ce que j'inventais- Je faisais des en-
fants aux âmes séduites, et je les ac-
couchais habilement.
... Qu'ai-je donc fait que de donner
à croire au reste des humains que
j'en savais bien plus qu'eux-mêmes
sur les choses les plus douteuses ?
Et le secret de le faire croire consis-
te dans une mort si bien conduite, pa
rée d'une telle injustice, et de telles
amitiés environnée, qu'elle obscurcis-
se le soleil, et déconcerte la nature.
Qu'est-ce qu'il y a de plus redou-
table (pie d'en faire une sorte, de chef-
d'oeuvre ?... La vie ne peut pas se dé-
fendre contre ces immortelles ago-
nies »...
Quelle critique, qui porte loin et
haut ! On n'est pas plus révolution-
naire, et, pour tout dire, pas plus So-
crate.... quant à l'esprit, du moins;
car, pour ce qui est de la lettre, nous
en sommes à l'Anti-Socrate et je m'ex-
plique. Phèdre, soutenu et poussé par
Socrate, va nous conduire, de degrés
en degrés, jusqu'à un type d'humani-
té supérieure, bien différent, semble-
t-il, du type socratique et équivalent.
Socrate, le Socrate désabusé que
son démon a trahi, participe à la non-
velle création avec un enthousiasme
vengeur; il crée, admire, envie rétros-
pectivement et il serait tout prêt aux
réalisations; mais ici, aux enfers, les
projets sont souvenirs et il n'est lui-
même qu'une ombre courant après un
fantôme.
11 était de Mégare et s'appelait Eu-
...Et comme Phèdre, à cette révéla-
Mon, marque sa junévile approbation:
« Sais-tu bien que si je m'abandofnne
à ma pensée je vais le comparer a
quelque chant nuptial mêlé de flûtes,
que je sens naître de moi-même ».
Eupalinos poursuit : « Dis-moi
dit, n'as-tu pas observé, en te
promanant dans cette ville, que,
d'entre les édifices dont elle est
peuplée, les uns sont muets, les
autres parlent et d'autres enfin, qui
sont les plus rares, chantent ? «Voi-
ci donc le pont jeté entre l'Architec--
ture et la Musique, leur communau-
té d'arts majeurs et, pour ainsi par-
1er, transcendants, établie. Car la Mu-
sique et l'Architecture, tout au con-
traire de la peinture et de la poésie,
« nous font penser à tout autre chose
qu'à elles-mêmes; elles sont, au mi-
lieu de ce monde, comme les monu-
monts d'un autre monde; ou bien
comme les exemples çà et là disse-
minés, d'une structure ' et d'une du-
rée qui ne sont pas celles des êtres,
mais celles des formes et des lois ».
Car Socrate résiste : lui qui a ton-
jours tout tiré de lui-même ne peut
guère comprendre que des hommes
aussi purs, quant à l'intelligence,
aient eu besoin « des formes .sensi-
bles et des grâces corporelles pour at-
teindre leur état le plus élevé ». D'au-
tre part, il estime que se construire et
se connaître soi-mèmes sont deux ac-
tes distincts; vivre et penser n'ont pas
les mêmes exigences : te l'homme, dé-
clare-t-il, n'a |>as besoin de toute la
nature mais seulement d'une partie
d'elle. Philosophe est celui qui se fait
une idée plus étendue et veut avoir be-
soi,n de tout. Mais l'homme qui ne
veut que vivre, n'a besoin ni du fer,
ni de l'airain en eux-mêmes, mais seu-
leinent de telle dureté ou de telle duc-
tilité»... Bref, il tant choisir d'être u,n
homme, ou bien, un esprit. L'homme
ne peut choisir que parce qu'il peut
ignorer »... Secrate, qui avait choisi
d être un esprit, opterait à présent
pour le rôle d'homme ; Architecte,
Constructeur, il prendrait la suite du
démiurge primitif, pour débrouiller le
chaos, non pas de la création mais des
créatures.
Longue page, Mesdames et Mes-
sieurs, belle et suggestive, à plus d'un
titre à laquelle la boutade de Phèdre
n'apporte qu'unp évasive conclusion :
Je les tiens très heureux, dit-il, que
lu sois un architecte mort !
Car Socrate, — tous les Socrate
inemployés, développés, accumulés en
lui; tous leurs trésors d'énergie en-
fouis et décuplés, toutes leurs puis-
sances contenues mais expansives :
toutes leurs forces vierges et infécon-
des. — Socrate. l'arlispn et l'héritier
de tant de richesses, ferait comme il
le dit ...» J'eusse bâti, chanté... O per-
te pensive de mes jours '..., et ses mil-
le virtualités le rendraient immortel
autant que sa sagesse. L'étonnant
n'est pas là. Mais Socrate abandon-
.nant la connaissance pour la cons-
truction. la méditation pour l'action,
la pensée pour la vie, l'esprit pour
l'homme, voilà qui surprendrait, s'il
y avait autre chose qu'une apparence
de renonciation et de mutilation
En fait Valéry ne peut renier l'es-
prit socratique, — la méthode, l'ob-
jet, le résultat de ses recherches, —-
source et principe de tout progrès: si
Socrate change, c'est parce qu'il est
Socrate...
...Ne poursuit-il pas cet idéal d'hu-
inanité supérieure et intégrale que
d'autres temps et d'autres moeurs
0|îit fait lever de la pâte grecque el
que représente magnifiquement, en
pleine Renaissance humaniste, un Lé-
onard de Vinci ? Léonard, devenu lui
aussi ailleurs, un symbole, celui du
jeune Valéry, de ses embarras et de
ses désirs intellectuels...
...Peinture, sculpture, architecture,
musique, littérature, physique, méca-
nique, rien de ce qui est art, science,
vie, rien ne fut étranger au Vinci, tout
lui fut familier par génie el par la-
heur...
Nous rejoignons Socrate ; Léonard
le prolonge et le complète et, dans ces
deux figures, l'antique et le moderne.
Valéry peut à bon droit se contem-
pler : elles sont filles de sa substance
spirituelle- En quoi la création est
elle poétique ? Elle l'est par l'origina-
lité du symbole qui suit harmonieu-
sement deux mondes ; elle l'est par
la beauté savante d'une forme somp-
tueuse ou simple, jamais banale, ton-
jours adéquate à l'idéè et dont l'or-
dre et le mouvement font le style, les
images et les rythmes la poésie; elle
l'est par l'ampleur grandiose de la
vision qui embrasse tout le domaine
de l'esprit; elle l'est par la densité
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