Jeux de société

La Partie de Wisch

Dès le Moyen-Âge, les jeux de table concurrencent les dés jusque-là très répandus. Le jeu d’échecs, venu d’Orient, est perçu aussi bien comme une allégorie de la guerre que comme une métaphore de la démarche amoureuse. Les jeux de cartes se développent ensuite sous différents formats, puis les jeux d’argent. Ces évolutions instaurent de nouvelles règles sociales qui touchent toutes les catégories de la population. Au XVIIe siècle, le jeu devient sujet d’étude, de calculs mathématiques et même outil d’apprentissage dans l’éducation des Princes.
L’intérêt devient passion au siècle suivant et la notion de jeu est primordiale dans le Paris du XVIIIe siècle : jeux de salon et début de la loterie – la loterie royale de France est créée en 1776 – mais aussi jeu social de la conversation, création d’espaces publics par l’aménagement du Palais Royal ou des Tuileries. Les jeux d’argent, licites ou illicites, envahissent l’espace urbain et gagnent toutes les couches de la société, à la Cour comme dans les tripots, loisirs pour certains, amélioration du quotidien pour d’autres, jusqu’au statut de joueur quasi professionnel – Casanova en est un exemple. Les formes en sont variées : cabarets et billards, académies tolérées et maisons de jeux clandestines, bureaux de loterie…
Dans une perspective élargie, cet espace de liberté favorise les réflexions sur la religion, le pouvoir, le savoir ou la loi, dans l’esprit des philosophes des Lumières. Ce Paris diffère radicalement de la ville présentée un siècle plus tard par Hugo ou Zola : l’insistance sera portée cette fois sur les quartiers populaires, parfois misérables, où les hommes et les femmes construisent péniblement un espace de vie, jusqu’au « trou pour dormir » évoqué par Gervaise dans l’Assommoir.

Pour aller plus loin, consultez le dossier « Jeux de princes, jeux de vilains ».

Dame de qualité jouant à l'hombre

Découverte : Jeux de scène

Le jeu de l’hombre, jeu de cartes d’origine espagnole très en faveur en France à la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle, est considéré comme l’ancêtre du whist et du bridge. Ces deux représentations le mettent en scène, il s’agit des Joueurs de cartes de Pierre Bergaigne (1699) et de la Compagnie jouant au jeu de l’ombre (1783).
Comment s’organise chacune des scènes, en particulier le premier plan, l’arrière-plan ? Quels lieux se trouvent représentés (décor, mobilier…) ? Quels personnages les composent (coiffure, vêtements, posture…) ? Comment interpréter le jeu des regards ? Que peut signifier, quant à l’usage du jeu, l’évolution des personnages et des lieux dans les deux tableaux ? La légende du second peut être un indice.

 

L'estampe La Loterie de Saint Roch, tirée à Paris le 10 novembre 1705 et cet extrait de l’almanach, Les loteries tirées par permission du roi, datent de 1705.
Quelles scènes se distinguent dans ces représentations ? Le rôle de certains personnages est-il identifiable dans les deux cas ? Quels sont les indices qui permettent d’évoquer un spectacle ?

 
Loterie de Saint Roch, tirée à Paris le 10 novembre 1705
Almanach consacré aux loteries
 

La satire est parfois vive, comme le montre cette caricature de la fin du XVIIIe siècle intitulée Le Biribi ou la belle (1780). Quel jeu est ici représenté ? Comment sont figurés les personnages ? Dans quel but ?
 
Le jeu peut donner lieu à des calculs plus savants sur les probabilités, c’est le cas dans cet Essai d’analyse sur les jeux de hasard de Pierre-Rémond de Montmort en 1708. En quoi cette démarche se rapproche de l’esprit des Lumières ? La vignette laisse-t-elle deviner ce travail d’analyse ?
 
Le jeu peut aussi rompre avec les mondanités et les gains financiers pour laisser place au plaisir de jouer. Dans cette représentation du Jeu de l’oye de 1745, comment l’espace privé est-il traduit dans le tableau ? Que regardent les personnages ? À quoi leur esprit semble-t-il occupé ? En quoi diffèrent-ils radicalement des deux premières images mentionnées ?

 
Le Biribi ou la Belle
Analyse mathématique du hasard dans les jeux
Le Jeu de l'oye
Dames en conversation aux Tuileries

Exploration : Jeux d’esprit

Dans ces deux extraits, l’un issu de De la conversation de Madeleine de Scudéry et l’autre des Égarements du cœur et de l’esprit de Crébillon, des conseils sont donnés sur les usages de la conversation en société. D’un siècle à l’autre, quels changements majeurs se sont opérés dans cette représentation mondaine ? Le « parler raisonnablement » défendu par Madeleine de Scudéry pour favoriser les échanges trouve-t-il une suite dans le texte de Crébillon ? Quel est alors le rôle principal de la conversation ?
Comment cette attitude mondaine est-elle devenue posture dans la cour imaginaire présentée dans Les Bijoux indiscrets de Diderot ? La description y est très imagée : quelle tonalité s’en dégage lorsque le lecteur essaie d’imaginer la scène ? Dans quel but ?
Ces trois textes sont présentés sous forme de dialogue, pourquoi ?
Louis-Sébastien Mercier déplore cette mode du persiflage et en retrace le principe dans cet extrait de Tableau de Paris : quelle est la technique du persiflage ? Qui sont les victimes ? Pourquoi cet usage est-il éminemment condamnable selon lui ?
De la fin du XVIIe siècle aux dernières années du XVIIIe siècle, comment l’idée de conversation a-t-elle progressivement changé de perspective ? Le persiflage est-il toujours présent au XXIe siècle, sous quelles formes, dans quels lieux ?
 
> De la conversation, Madeleine de Scudéry, 1653-1680
> Les Égarements du cœur et de l’esprit, Crébillon, 1736
> Les Bijoux indiscrets, Diderot, 1748
> Tableau de Paris, Louis-Sébastien Mercier, 1781

 

Réflexion

Au XVIIIe siècle, le jeu est un élément de sociabilité : joueurs de dés et de « trois-cartes » dans la rue, petites loteries ambulantes, paris lors des foires et des marchés, jeux illégaux dans les cabarets et les boutiques, mais aussi jeux de cartes dans les salons, création d’une loterie royale, pronostics mathématiques pour favoriser les gains, réflexion pédagogique pour intégrer le jeu à l’apprentissage.
Quels sont les jeux du XXIe siècle ? Quels sont leurs lieux ? Comment sont-ils connus ? Quelles sont les motivations des joueurs ? Quelles tolérances ou limites sont posées par la loi ? Les jeux au XVIIIe siècle sont perçus comme le reflet de la société, quel miroir proposent les jeux du XXIe siècle ?
Des pistes à explorer : les offres de la Française des jeux, les tirages du loto, les jeux télévisés, les casinos, les jeux en ligne (poker…), les jeux en réseau…

 

Invention

Ces images montrent la création au XVIIIe siècle d’espaces d’agrément à Paris : le Palais Royal, les Tuileries, les fêtes publiques.

 
Paris : Vue perspective du Palais-Royal, du côté du jardin
Paris : Vue du grand bassin au bas des Tuilleries
Paris. Salle de bal construite dans la cour de l'Hotel-de-ville
 

Un siècle plus tard, les préoccupations sont plus concrètes : le Paris populaire retient l’attention d’écrivains comme Balzac, Hugo, Zola et la vie est difficile dans un univers rendu hostile par la pauvreté qui sévit.
Choisissez des images de Paris dans l’exposition Zola.
Lisez des textes à propos du Paris populaire du XIXe siècle :

> Le Père Goriot, Honoré de Balzac, 1835
> Les Misérables, Victor Hugo, 1862
> L’Assommoir, Émile Zola, 1876

Quelles images gardez-vous de Paris au XXe siècle ? Comment imaginez-vous Paris au milieu du XXIe siècle ? Vous pouvez choisir librement des images et des textes, inventer un urbanisme futur en vous aidant de visions issues de la bande-dessinée, de la littérature, de la peinture…