Titre : Journal des débats politiques et littéraires
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1878-06-18
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Description : 18 juin 1878 18 juin 1878
Description : 1878/06/18. 1878/06/18.
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Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : IIIe République (1870-1914)
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
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• ON S'ABONNE
me des > Prôtre8-Saint-Gennain-rA,uierrol2, lia
PRIX »B X'ABOlW«EiWBl«F
1 Un an. Six mois». Trois mou.
Département. 80 fr. 40 fr. ao fr.,
Paris 72 fr. 36 fr. fi. 18 fr*
Les abonnemens partent des l« et 16 da ̃; .:•
« chaque mois.
Paria, ni numéro >• cent»
Bépturtemen», nn numéro. SS.^eent.,
In I^oiiflon, apply to Coi* le and C», fordga
newspapers office, .17, Gresham street, G. P. 0.;
HH. DeQzy. liavle» et G», 1, Finch. laneCornhill,
B. G.. London; BHM. W.-M. fltatUh et Son,
W' C.- Lolidon. et, P. t
• t86i' Strsind, W. C, Lpndon.
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A Valparsiso1 (Chili), chezM.'rOrestes.li. Tornero.
̃̃•̃̃̃.̃.̃̃ ;̃• v", ÉDITION DE PARIS. ̃-̃̃̃̃̃>••̃ •_ ̃̃̃
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ON S'ABONNE
en Belgique, en Italie,
dans le Luxembourg, en Turquie,
•m Suisse, en Syrie, en Roumanie et dans IM
régences du Maroc et de la Tunisie,
en Chine et au Japon,
la. moyen d'une valeur payable à Paris ou d«
«Udats-poste, soit internationaux, soit français:
en Allemagne, en Autriche, en Russie,
et dans tous les pays du Nord
chez tous les directeurs de postes;
et dans tous les autres pays,
»w l'envoi d'une valeur payable à Part*.
L«s annonces sont ttput»
«ku BXSB. VMchey, Lafllte «t O«»
f 8, place de la Bourse, °,
tt nu bureau du 3&VKNAM*t
•&«( doivent toujours être agréées par la rédaction.
PARIS
LUNDI 17* JUIN
Le patriotisme des journaux de la droite
• e3t soumis depuis .quelques ;j ouirs à une
duçe épreuve. Non seulement la France
est calme et prospère au dedans, mais son
gouvernement est entouré au dehors de
l'estime et du respect de tous. Au moment
même où le succès de l'Exposition univer-
selle dépasse. les espérances les plus opti-*
mistes, l'accueil que reçoit M. Waddington
à,Bierlin inpntre de plus en plus combien
l'Europe a hesoin,rde nous et combien
elle se félicite de voir. notre pays repren-
dre peu à peu la. place qui lui appartient
légitimement dans le concert des puis-
sances. Ainsi toutes, les prédictions des
partis réactionnaires tombent à la fois
la république n'amène:, ni le désordre a
l'intérieur, ni l'isolement et la faiblesse à
l'extérieur; les promesses que -ses défen-
seurs avaient faites en son nom se réali-
sent., et; la France peut désormais envisa-
ger avec confiance, l'avenir qui .s'ouvrç
devant elle. i
Nous comprenons l'irritation que de pa-
reils éyénemens inspirent aux journaux
de la droite mais nous ne comprenons
̃pas qu'ils aient l'imprudence et le mau-,
vais goût de laisser éclater leur dépit.
Le Français en. particulier ne peut se
consoler de voir les représentans. de.
son. pays traités avec une prévenance
particulière par-, tous les autres memr,
bres du Congrès. Dans l'aveuglement
de ses tristes rancunes, il va presque
jusqu'à trouver mauvais queM.Waddington
entretienne avec le prinoe de Bismarck
des relations pleines de courtoisie. Veut-il
donc nous rappeler X tout prix à quels
dangers nous avons été exposés .chaque
fois que ses amis personnels sont arrivés.au
pouvoir? Il serait plus sage de sa part de
Iajs>er oublier au pays, combien nos Re-
lations avec l'Allemagne ont été tendues
tant qu'un ministre réactionnaire a- dirigé
nos ^affaires extérieures. Mais le Fran-i
çais sejrompé; s'il crôitque M. de.Bismarck
seuLaît fait à ,M.Waddington uii; accueil
flatteur. Toutes les correspondances' de,
journaux français et étrangers constatent
"que notre représentant^ au Congrès a ;.été;
partout l'objet de nombreuses attentions.
A c'aup sûr, la personne même' de M. Wad-
diugton a été pour quelque chose dans! cet
empressement général. lie Français a beau-
coup de mépris pour M. Waddiogtori il
lui reproche tous les jours" « d'être très,
«inexpérimenté des choses diplomati-j
» ques {sic): » Singulière critique venant;
d'un journal qui a été l'un des plus cha-
leureux défenseurs de M. le duc Decazes '̃!̃̃
lit Français voudrait-il nous dire où
M. Decazes avait contracté l'expérience,
diplomatique -qui manque, paraît-il, à
son successeur? A la vérité, M. Decazes;
avait été secrétaire à l'ambassade espa-
gnole en 1848; mais les affaires dont il
sjétait occupé depuis n'avaient aucun rap-
port avec; les affaires extérieures, et nous
ne pensons pas que ses travaux eussent
été constamment tournés, comme ceux
de< M. Waddington, du côté de l'histoire,
cette grande-école de la politique et de la
diplomatie.
"Mais à quoi bon insister sur la question
personnelle? Elle n'a qu'une importance
secondaire. Si lé Français veut savoir
pourquoi la France est restée pour ainsi
dire À l'écart pendant deux années et
pourquoi elle reprend au contraire
aujourd'hui l'importance à laquelle
elle a droit, il est facile de le satis-
faire. Pendant deux ans, sous le couvert
d'upe prétendue neutralité qui n'a jamais
été sincère, la France s'est faite la ser-
vante docile de la Russie. <* Si M. Wad-
w'dington, dit le Français, a concerté
» une action commune avec l'Angle-
» teçre sur l'une des questions les
» plus aiguës où celle-ci puisse se trou-
» ver en lutte avec la Russie,, notre
». neutralité diplomatique est entamée,
» notre liberté d'action est engagée, nous
» sommes sortis de la réserve .que tout
» nous conseillait et où l'on avait fait
». croire au pays et aux. Chambres
» qu'on se maintenait. » Comment le
Français ne yoit-il pas qu'en parlant
ainsi' il pronoace la plus écrasante des
candamnations contre la politique suivie
par ses propres amis? Ce n'est pas. sur
une. des, questions soulevées par le conflit
orientai, c'est sur toutes celles qui s'y
rattachaient que la France a combiné.pen-
âaul deux ans son action avec celle de la
Russie. De la l'isolement dans lequel tout
le inonde nous laissait. Qui donc au^
rait, ,r pu avoir l'idée de s'adresser à
nous pour nous demander un conseil
0% un appui, puisqu'on savait que
lipus étions d'avance inféodés à la
lussïe? La Russie décidait, la France
salirait aveuglément. L'honneur de
M. "Waddington a été- de rompre résolû-
xnent avec des habitudes aussi compro-
mettantes, pour rentrer dans la véritable
Neutralité dont le fondement et la condi-
tion nécessaires sont l'indépendance de la
France. Les deux discours par lesquels il
a inauguré cette nouvelle politique
ont produit en: Europe une immense
Iinpression. On a compris tout de suite
|tie nous reprenions notre liberté de
jugement et d'action que nous al-
lions être des appréciateurs impartiaux,
foules' complices subalternes des pro-
jets des autres puissances. Et voilà pour-
quoi, sans zèle maladroit sans vanité
puérile, sans empressement malheureux
de notre part, nous avons vu tout le monde
venir à nous et nous traiter avec une con-
sidération qui est bien faite pour scanda-
liser les réactionnaires, car l'Europe ne
les y avait pas habitués.
Le Français, nous l'en avertissons cha-
ritablement, s!engage dans ..une, mauvaise
campagne. Il ferait mieux de se con-
tenter d'attaquer la politique intérieure
des républicains le terrain de la politi-
que extérieure est trop dangereux pour lui..
On serait surpris,, si l'on ne savait où peut
conduire l'esprit de parti, d'entendre un
journal sérieuxreprocher à nos diplomates
d'avoir, une opinion personnelle sur les
questions soumises auxdébats du Congrès.
Pour être réellement neutres, il. faudrait,,
d'après le Français, que MM. Waddington
et Saint-Vallier n'eussent aucun avis ou
du moins prissent bien garde de n'en ex-
primer aucun. L'immobilité complète et
le silence sont les seules conditions de
la neutralité; car un regard, un geste,
un mot peuvent engager notre liberté
et nous obliger à sortir de notre ré^
serve. Il est fâcheux que les amis de
M. de Chaudordy n'aient pas inventé cette
étrange théorie avant la Conférence
de Constantinople, ils se seraient épar-
gné bien des fautes Quant à nous, nous
ne saurions accepter des dootrines que le
bon sens condamne. Nous avons répété
cent fois que la notion de neutralité se rap-
portait à l'état de guerre, et non à
l'état de paix. Il est ridicule de dire
qu'on doit être neutre dans un Con-
grès. On doit y être impartial, ce qui est
bien différent. Si l'on ne veut pas émettre
d'opinions dans une assemblée délibé-
rante et votante, rien de plus simple,
il n'y a qu'à n'y pas aller. Mais, pour jouer
le rôle muet et passif auquel le Français
veut réduire nos diplomates, des automa-
tes recouverts d'habits brodés et de déco-
rations vaudraient mieux, sans comparai-]
son, .qu'un .ininistre des affaires étrangè-
res et qu'un ambassadeur.;
La plupart dés journaux anglais con-
tinuent à considérer comme authentiques
les documèus publiés par le Globe. Comme
il fallait s'y attendre, les journaux con-
servateurs combattent" avec énergie « les
» basés de l'entente établie entre l'Angle-
» terre et la Russie. » Eu revanche, le Ti-
mes, fidèle à ses habitudes de tergiver-
sation, après" les" avoir presque blâmées
hier, s'en montre aujourd'hui très satis-
fait. Une dépêche de Berlin adressée au
journal de la Cité déclare cependant que
les Mémorandums dû Globe, sans être
tout à fait apocryphes, n'ont pas le carac-
tère qu'on leur a prêté. Ce ne sont pas
des conventions signées par les deux puis-
sances, ce sont tout simplement les pro-
positions qui ont été soumises à l'Angle-
terre par le comte Schouvalbff et qui n'ont
pas été acceptées par le cabinet anglais.
Nous ne tarderons pas à savoir la vérité.
Il est impossible que de nouvelles expli-
cations, lie soient pas demandées dans le
Parlement aux membres du cabinet, et que
nous n'ayons pas bientôt à ce sujet une
réponse plus catégorique que celle de sir
Stafford Northcote.
BOURSE DE PARIS
Cldlure le 15 le 17. Hnussc. Baisse.
3 «/O
Coupon détaché.
Comptant. 76 65 75 85 v 8
Fin cour. 76 70 75 93 •• •• •/•
4J/8O/O-
Comptant VU 80 105 25 ./• 43
5 O/O
Comptant 112 70* 112 65 t 5
Fp cour. 112 81 112 90 S
PKTITE BOtJRSB DU 3OIB.
Emprunt 8 0/0. 112 fp. 75, 77 1/2, 65, 66 1/4.
3,0/0 75 fr. 85, 72 1/2.
5 0/0 turc. 15 fr. 90, 57 1/2, 73.
Ester" espagnole.. 14 u/16..
Egyptiennes 6 0/0.. 277 fr. 30, 275 fr. 62 1/2,
276 fr. 25.
Banque ottomane.. 145 fr 441 fr. 871/2, 443 fr.
Florins (or) 64 1/8, 3/8.
Hongrois 6 0/0 801/16,79 7/8,80.
Nous avons obtenu de l'administration des té-
légraphes la disposition libre d'un 111 direct
entre Berlin et Paris pendant une demi-heure
de la nuit. Grâce ù cet arrangement, nous
pourrons donner chaque matin les dernières
nouvelles de Berlin jusqu'à onze heures du
soir. Nos lecteurs savent déjà qu'en dehors de
notre correspondant ordinaire, nous avons dans
la capitale de l'empire allemand deux correspon-
dans spéciaux pour la durée du Congrès.
.uni
Nous recevons de nos correspondons pai ti-
euîiers les dépêches suivantes *•
« Berlin, le 17 juin, 8 h. 3o m. soir.
» La séance du Congrès a duré environ trois
heures. On s'y est occupé principalement de
la Bulgarie, mais rien de définitif n'a été ar-
rêté. Les pourparlers confidentiels à ce sujet
vont continuer. La troisième séance aura lieu
mercredi. L'ensemble des négociations pré-
sente, un aspect favorable. » N.
-̃'̃̃ a Berlin, le 17 juin, 9 h. soir,
» A quatre heures trois quarts, la séance du
Congrès était terminée. Le prince Gortchakoff
remis d'une indisposition- qui l'avait retenu
au lit, y assistait. Le caractère de la seconde
séance aura été plus sérieux que celui de la
première. S'y sera-t-on occupé des. Grecs,
comroe M veulent certaines personnes, ou des
questions bulgares?
» Malgré les nouvelles venues d'Athènes,
où l'on, paraît compter sur l'admission au
Congrès, il semble douteux que les Grecs ob-
tiennent cette faveur. Les prétentions hellé-
niques sont fort grandes; elles s'étendent
jusqu'à vouloir une part des.dépouilles de la
Turquie, alors que les grandes puissances re-
noncent à procéder au partage.
» Le Mémorandum publié par le Globe, et
dont la presse allemàntle admet l'authenti-
cité, jette une vive lumière sur la marche
des négociations antérieures et sur la po-
litique suivie par le cabinet anglais. On voit
que, se servant du vocabulaire des intérêts
généraux comme d'un voile, il n'a pas un seul
instant abandonné le terrain pratique et per-
sonnel. Ce qui vaut surtout la peine d'être re-
marqué, c'est le passage relatif à la Turquie
d'Aeie. Si on le rapproche d'indications an-
ciennes fournies par la presse de Londres, on
y découvre le projet d'établir au profit de
l'influence anglaise un protextorat déguisé
garantissant la Turquie contre les em-
piétemens futurs de la Russie. Ea se char-
geant toute seule de ce protectorat, l'Angle-
terre opposera une barrière plus difficile à
renverser que celle qui a été élevée par le
traité à trois de 1856. C'est par quelque
plan semblable que le cabinet de la
reine a cru raffermir en Orient sa supré-
matie ébranlée par les succès militaires de
la Russie et se poser de la sorte en héritier
présomptif de la domination ottomane en
Asie, s'assurant les ports sur la Méditerranée
d'nn À\ r»An t. snrvpillpr In rrm tp H a« TnH a« T.'in-
discrétion du Globe, si elle porte sur des faits
exacts, a dû désagréablement surprendre les
ministres anglais. Mais elle est de nature à
rassurer l'opinion sur l'issue finale des né-
gociations. Le bruit relatif à l'acquisition
des îles des Princes par l'Angleterre ne ma
semble reposer sur aucun fondement. On
n'attache pas grande importance à l'incident
monténégrin. Les Monténégrins auraient fait
soixante prisonniers. On saura bientôt si c'é-
taient des bachi-bozouks albanais ou des régu-
liers ce sont probablement des bachi-bo-
zduks.
» Ce soir, grande réception chez lord Odo
Russell. » Z.
Télégraphie privée.
(Service télégraphique de l'agence Havas.)
Berlin, 4e 17 juin, 8 h. 26m. soir.
Tous les membres du Congrès dînent ce soir
chez M. de Bismarck.
Lé secret est gardé sur la délibération de la
séance d'aujourd'hui.
On assure que le Congrès a décidé que la Grèce
serait admise à titre consultatif sur les questions
qui la concernent, et a arrêté l'ordre de ses tra-
vaux mais ce sont là des bruits répondant peut-
être à un résultat attendu, et qui méritent confir-
mation. ̃̃̃̃•̃ ̃!
La question de l'évacuation des "forteresses
semble actuellement être l'objet des préoccupa-
tions. Quoi qu'il en soit, les Turcs ne veulent
évacuer Varna et Choumla que lorsque les
Russes auront exécuté les points énumérés dans
le. traité de San-Stefano. Ils contestent le carac-
tère obligatoire de ce traité. Ils paraissent appuyés
dans cette résistance, qui devient plus énergi-
que, par l'Angleterre et par l'Autriche.
On assure que l'Autriche soulève, parallèlement
à la demande d'évacuation par les Turcs de
Varna et de Choumla, l'évacuation par les Rus-
ses de Widdin et de Roustchouk pour assurer
la liberté du Danube.
Contrairement aux bruits qui circulent relative-
ment à l'occupation de la Bosnie et de l'Herzé-
govine par l'Autriche, nous croyons que cette
question n'a pas encore été définitivement ar-
rôtôe dans la pensée du gouvernement autri-
chien. On se montre, dans les cercles autri-
chiens, décidé à empêcher qu'un Etat serbe
constitué aux portes de l'Autriche ne de-
vienne un centre d'attraction pour les popu-
lations voisines, et que, sous une sorte de
protectorat, la Russiene contre-balance l'influence
légitime que l'Autriche doit avoir et tient h con-
server dans ces pays. L'attitude que l'Autriche
prendra paraît devoir être définitivement inspi-
rée en grande partie par les résolutions mêmes
du Congrès.
Quant à la Serbie, si le Congrès consentait à
l'extension de cette principauté dans une mesure
qui pourrait être considérée comme menaçante
pour son influence, l'Autriche prendrait des ga-
ranties et des gages, avec l'assentiment probable
des nuissances.
Au contraire, si les choses n'étaient pas sen-
siblement modifiées, il est possible que l'Au-
triche ne se chargerait pas d'une occupation
dont on paraît peu se soucier dans les milieux
autrichiens, des agràndissemens de territoire
étant tenus par beaucoup pour plus onéreux que
profitables.
Les demandes d'admission au Congrès sp
multiplient. La Perse demande à être entendue.
On assure que la Grèce n'accepterait que dilfl-
cilemént d'être entendue simplement à titre con-
sultatif. Etant une puissance indépendante et
constituée, elle aunait de la peine à admettre une
situation inférieure.
Berlin, le 17 juin, 4 h. 23 m. soir.
Le Congrès a tenu sa seconde séance quia
duré jusqu'à cinq heures.
Tous les délégués des petits Etats et le délé-
gué persan semblent croire que la question de
leur admission devant le Congrès sera réglée
aujourd'hui. e
La nouvelle d'un conflit turco-monténégrin a
produit généralement l'impression que la situa-
tion était encore à la merci des incidens. et a
augmenté l'idée que les difficultés viendront sur-
tout du côté des petits Etats.
On considère comme probable que l'Autriche
interviendra dans la question du Montenegro
pour écarter tout danger.
Quoique l'impression générale reste bonne, sur-
tout en présence des efforts efficaces du comte
Schouvaloff vis-à-vis de l'Angleterre et de l'Au-
triche, et des efforts du prince de Bismarck pour
hâter les travaux du Congrès, le monde ofliciel
semble croire que le Congrès durera plus long-
temps qu'on ne le pensait au début. On dit qu'il U
se prolongerait jusqu'au milieu de juillet.
Il est exact que M. de Bismarck a eu l'inten-
tion, au début, d'activer l'oeuvre du Congrès; mais,
outre que les secrétaires ont demandé des inter-
valles entre les séances pour préparer les proto-
coles. les soumettre au Congrès et les faire im-
primer, In comte Andrassy, craignant que les
intérêts de l'Autriche ne fussent lésés par une
marche trop rapide, a demandé aussi des inter-
valles entre les séances.
Le secret continue d'être strictement gardé.
De nombreux journalistes venus à Berlin trou-
vent seulement des nouvelles extérieures. Pki'-
sieurs sont déjà repartis.
Les plénipotentiaires aujourd'hui portaient
l'habit noir.
Le prince Gortchakoff assistait a la séance.
Berlin, le 17 juin.
La nouvelle d'après laquelle les plénipoten-
tiaires anglais et autrichiens auraient exercé hier
une pression sur les plénipotentiaires russes afin
que les troupes du czar reçussent L'ordre- de se
̃retirer de San-Stefano à Andrinople n'est pas
exacte; les plénipotentiaires en question n'ont
pas même eu d'entrevue hier.
Les invitations pour la séance d'aujourd'hui
"sont datées d'hier dimanche.
L'Italie n'a; encore fait aucune déclaration qui
sôit opposée à l'occupation d'Antivari par les
Monténégrins.
Quant à l'Autriche, elle ne fera, connaître son
opinion sur ce point que lors de la discussion de
la question au sein du Congrès, qui n'aura pas
içu tout de "suite,
Berlin, le 17 juin.
Le marquis de Salisbury a eu aujourd'hui, dans
la matinée, une entrevue avec M. Waddington.
Le ministre de Perse à Londres est arrivé à
Berlin; il est chargé de faire valoir les intérêts
persans auprès du Congrès.
La situation ne s'est pas sensiblement modi-
fiée. L'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui
reste fixé comme on l'a précédemment indiqué.
On ne sait pas encore si la question du retrait
des forces russes et anglaises de Constantinople
viendra aujourd'hui c'est peu probable.
M. de Saint- Vallier a recu de la cour de Saxe
un accueil particulièrement empressé. Une voi-
ture de gala a été envoyée à la gare pour recevoir
l'ambassadeur français qui venait pour la pre-
mière fois à la cour de Saxe. M. de Saint-Val-
lier a remis une lettre de félicitations de la part
du maréchal de Mac-Mahon, Président de la ré-
publique. Le roi et la reine se sont entretenus
longuement avec lui dans des termes très sym-
pathiques pour la France.' ̃̃
Le roi a exprimé combien il était heureux du
grand succès de l'Exposition universelle de Pa-
ris qui a secondé puissamment la politique de
paix et les efforts des gouvernemens vers la pa-
cification générale. Il a ajouté que l'idée de l'Ex-
position atteste la nécessité de là paix vers laquelle
tendent tous les désirs des peuples. A ce titre, elle
est enquelque sorte un gage de succès du Congrès.
Plusieurs princes se trouvaient à la cour de
Saxe notamment le duc de Gênes et le grand-
duc de Toscane. Celui-ci allant au-devant de
l'ambassadeur français, s'exprima en termes par-
ticulièrement chaleureux sur la France et lui dit
combien il avait été touché de la déférence et du
respect que, durant son exil il avait trouvé
dans l'hospitalité française, il a enfin exprimé
tousdes vœux qu'il forme' sans aucune préoccu-
pation de parti pour le bonheur de la France.
Berlin, le 17 juin.
Le gouvernement provisoire crétois a adressé
au prince de Bismarck un Mémoire adopté dans
l'Assemblée générale tenue à Zirife le 14 juin.
M. Delyannis, envoyé grec, sera reçu aujour-
d'hui par le prince impérial. Jusqu'à présent,
M. Delyannis ne sait absolument rien au sujet de
l'admission de la Grèce au Congrès. Il est proba-
ble que cette question viendra devant le Congrès
aujourd'hui, mais il n'y a rien de certain à cet
égard.
On dément de source autorisée que le gouverne-
ment grec ou M. Delyannis ait présenté un Mé-
moire au Congrès, comme les journaux allemands
l'ont annoncé.
Il n'est pas plus exact qu'un Mémoire ait été
présenté par les Grecs de Thessalie, d'Epire ou
d'ailleurs.
C'est du Congrès lui-même que la Grèce attend
avec calme et dignité une décision, et on peut
dire qu'elle l'attend avec da grandes chances en
sa faveur.
Londres, le 17 juin.
Une dépêche de Vienne du 15 juin, publiée par
le Daily News, dit que l'Angleterre proposera
l'autonomie de la Crète sous la suprématie de la
Turquie.
Le Times, dans une dépêche de Berlin, annonce
que, dans une conversation particulière, le comte
Â-ndrassy a émis l'avis qu'il serait nécessaire de
mobiliser inn,000 hommes pour exécuter les dé-
cisions du Congrès.
Le même journal dit que l'empereur d'Autriche
a adressé à l'empereur d'Allemagne une lettre
dans laquelle il manifeste l'espérance de le voir
à Gastein l'automne prochain. Il ajoute que la
seule question' qui puisse menacer le succès du
Congrès, c'est l'organisation de la Roumélie.
L'Angleterre, d'accord avec la France, l'Autri-
che, la Turquie, et peut-être aussi l'Italie, deman-
dera que la Roumélie devienne le rempart de
Constantinople avec prépondérance de l'élément
grec.
Les journaux conservateurs combattent éner-
giquement les bases de l'entente établie entre
1 Angleterre et la Russie.
Le Standard blâme tout particulièrement les
concessions faites par l'Angleterre relativement
aux conquêtes des Russes en Arménie. Il trouve
ces concessions en contradiction complète avec
la circulaire du marquis de Salisbury.
Le DaVy Telegraph et le Times expriment au
contraire une complète satisfaction et approuvent
spécialement les plans du gouvernement concer-
nant l'avenir de la Turquie.
Constantinople, le 17 juin.
Le soulèvement des musulmans s'étendrait au
nord des Ralkans, dans les districts de Gabrova
et de Lovatz.
Des renforts sont arrivés dans les environs de
Boulair.
La flotte anglaise mouillera à Prinkipo mer-
credi.
Angleterre.
ciiambue des i.ouDs. Séance du 17 juin.
Le duc de Richmond et Gordon, répondant h
lord Granville, dit que le Mémorandum publié
par le Globe a été communiqué à ce journal par
une personne qui a eu connaissance des docu-
mens confidentiels.
Le gouvernement n'avait pas autorisé la publi-
cation de ce document.
Le Mémorandum comme explication de la po-
litique du gouvernement, est incomplet; donc il
est inexact.
ciiauiîhe des communes. Séance du 17 juin.
Sir Stafford Northcote, répondant au marquis de
Hartinglon, fait, au sujet du Mémorandum pu-
blié par le Globe, une réponse analogue à celle du
duc de Richmond. Il demande que la Chambre
n'insiste pas pour avoir uno réponse plus dé-
taillée.
Lord Montaçru annonce qu'il proposera une
Résolution condamnant la politique exprimée
dans le Mémorandum.
M. Ilanbury annonce qu'il retire sa Résolution
blâmant M. Gladstone. Il ne voit pas la possibi-
lité d'un pareil débat, s'il n'est pas soutenu par
les conservateurs.
M. Gladstone critique sévèrement la conduite
de M. Haubury.
La Résolution est retirée.
La Correspondance politique, revenant sur
le Memorandum turc au sujet des négocia-
tions du traité de San-Stefano, Mémorandum
que nous avons.publié et dont l'authenticité
avait été officiellement contredite par le gou-
vernement ottoman, dit a Les nouvelles in-
formations que nous avons reçues nous met-
tent en mesure de maintenir la parfaite au-
thenticité du Mémorandum turc que la Porte
a fait déclarer apocryphe, et d'affirmer que
cette authenticité est au-dessus de toute
coutestation. » n
La dissolution du Parlement allemand,
que nous avions prévue, ne s'est pas fait
attendre longtemps. C'est l'horrible atten-
tat de Nobiling contre l'empereur qui en
a fourni le prétexte mais à défaut de ce
motif il s'en serait trouvé d'autres. On
pouvait deviner que le Parlemeâtétait con-
damné depuis plusieurs mois par le prince
de Bismarck qui a besoin d'une majorité
plus politique, plus docile et moins atta-
chée à ses principes. S'il ne s'était agi
que de combattre la propagande socialiste,
le Reichstag qu'on vient de dissoudre était
aussi bon pour cette tâche que celui qui
pourra sortir de nouvelles élections; les
journaux de la majorité libérale ont déclaré
en effet que leur parti était prêt à voter
toutes les mesures propres à réprimer
les écarts du socialisme sans atteindre la
liberté. Cette réserve en faveur d'un prin-
cipe est malheureusement toujours ce
qui met les libéraux en désaccord avec
le prince de Bismarck. Le chancelier al-
lemand,; comme nous, l'avons -dit déjà,
n'est pas un réactionnaire mais il
n'est pas davantage un libéral; pour lui,
conservateurs et libéraux représentent
des forces dont il se sert ou qu'il écarte:
suivant qu'elles paraissent tournées dans
le sens de ses projets. S'il incline au-
jourd'hui du côté des conservateurs, c'est
qu'il espère, en échange de quelques con-
cessions dans la politique courante, obtenir
d'eux la liberté de faire ce qu'il désire en
matière d'impôts. Unis et tenaces sur cer-
taines idées de gouvernement, les conser-
vateurs allemands sont divisés et incer-
tains en face ^des réalités de la grande
politique. Un compromis avec eux est
facile, et le gouvernement y, peut trou-
ver son profit; c'est le contraire avec
les libéraux qui ont des idées suffisam-
ment arrêtées aussi bien en politique
que dans le domaine économique, de
sorte que tout leur svstème se tient
̃– w«ww n^«A.V<> VVUV 1VU* U J WVVUAV UVrf" WAL-J-&V
comme unes philosophie, et que pour
eux la réforme économique de l'Alle-
magne ou la création d'un système de
finances et d'impôts doit entraîner un
développement parallèle dans les institu-
tions libérales et parlementaires. Le prince
de Bismarck n'est pas de tempérament
à admettre cette réciprocité il demande
qu'on le suive sur le terrain économique,
mais il refuse, en retour, des concessions
qui engageraient ou qui précipiteraient
l'organisation de l'Allemagne. Les con-
servateurs lui. semblent les alliés les plus
commodes, car à ses yeux ce n'est pas
faire tort à l'empire que d'y laisser souf-
fler quelque temps un vent de réaction.
Les élections pour le renouvellement
du Reichstag vont ainsi avoir lieu dans
des conditions exceptionnellement favo-
rables pour la politique du chancelier. La
douleur des populations consternées par
le double attentat commis sur la personne
vénérable de l'empereur, la gloire d'avoir
assuré la paix européenne au sein d'un
Congrès tenu dans la capitale du nouvel
empire, le rapprochement avec le. Vatican
qui est désiré de part et d'autre sinon-
déjà négocié, l'horreur qu'inspirent;
les socialistes et aussi la confusion qui'
volontairement ou involontairement sera
établie entre eux et les partis de gau-
che, tout en un mot semble devoir
concourir à donner au prince de Bismarck
une majorité comme il la désire
une majorité avec laquelle il pourra
poursuivre l'exécution de ses plans écono-
miques sans passer par les conditions des
libéraux. Ces élections seront intéressantes
à un autre point de vue; on verra si les
socialistes, contre lesquels tous les par-
tis semblent devoir se coaliser se-
ront complètement battus, comme cela
est désirable dans l'intérêt même de la li-
berté et pour la sauvegarde des droits
qu'une réaction exagéréepourrait compro-
mettre. L'Allemagne traverse des temps
difficiles; elle a besoin de se recueillir
pour reconnaître une vérité dont d'autres
peuples ont fait l'expérience c'est que
le socialisme est comme ces maladies
humaines dont tout le "monde porte en
soi les germes plus ou moins latens et qui
n'éclatent avec des symptômes menaçans
que chez les individus affaiblis à la suite
d'excès de travail ou de plaisir. Les efforts
prolongés de la guerre de 1870, le goût du
bien-être que le soldat allemand a rap-
porté chez lui au retour de l'invasion,
les spéculations financières effrénées de la
bourgeoisie et de la noblesse donnant aux
ouvriers l'exemple de fortunes acquises
sans travail, l'équilibre rompu entre
les vertus morales et la puissance in-
tellectuelle du peuple par une trop ra-
pide diffusion de la science le ra-
lentissement de l'émigration en Amé-
rique et le reflux vers les grandes villes de
tous les élémens aventureux depuis le
jour où les Allemands peuvent être fiefs de
leur patrie et s'y rattacher,– ce sont là
les principales causes du malaise dont
souffre l'Allemagne.. Des assassins comme
le ferblantier Hœdel et le docteur Nobi-
ling n'appartiennent à aucune1 classe so-
ciale ils ne sont en réalité d'aucun parti
ni même d'aucune secte politique, ils re-
présentent une écume dangereuse à la
surface d'une jeune société en fermenta-
tion.
AUGUSTE JACQUOT.
La première séance publique du Congrès
de la propriété littéraire a eu lieu aujourd'hui
au théâtre du Châtelet. Un public nombreux^
composé en majorité dé dames en toilettes
élégantes, remplissait les loges et l'amphi-
théâtre les fauteuils d'orchestre étaient occu-
pés par les membres du Congrès. La scène
avait été réservée au bureau et aux délégués
des nations 'étrangères. A deux heures
une triple salve d'applaudissemens annonce
l'entrée de M. Victor Hugo, président dû Con-
grès. A ses côtés, nous remarquons MM. Jules
Simon, Henri Martin, Iwan Tourgueneff,
Blanchard Jerrold, etc., etc.
La séance est ouverte par M.t Edmond
About qui résume avec sa manière spiri-
tuelle le Dut assigné aux travaux de ras-
semblée. Il s'agit non seulement démettre
hors de question le principe de là propriété
littéraire, mais de lui procurer dés garanties
substantielles contre la contrefaçon* au moyen
de; conventions internationales. M. Edmond
About dqnne un aperçu rapide des pro-
grès de la condition de l'homine de lettres,
réduit d'abord à se mettre aux gages d'un
grand seigneur ou à vivre de la mai-
gre pensionne lui accordait la muniflcencei
économe d'un souverain protecteur des arts.
Les droits d'auteur d'une soirée d'Hernani ou
des Fourchambault dépassent, dit-il, la moitié
de la pension qui était faite à Corneille. Au-
jourd'hui, l'homme de lettres peut vivre de sa
"plume ennedemandant des subventions qu'au
public. Si incomplète, si restreinte que soit
la propriété qui lui est garantie, elle lui per-
met d'être indépendant et libre. M. About
montre, en terminant; l'homme de lettress'é-
levant aux plus hautes fonctions de l'État
(est-ce toujours un bien pour l'homme de let-
tres et pour. l'État?), et il cède, au bruit des
acclamations, la parole à M. Victor Hugo.
Nous n'essaierons pas d'analyser son discours,
à chaque instant; interrompu par des applau-
dissemens enthousiastes. Par l'élévation- de
la pensée, l'éclatdes -images, l'ampleur et la
majesté sereine de la parole, il a été digne dé
l'illustre orateur et du grand poëte que- le
monde pourrait à bon droit envier à la France,
si; le. génien'é tait ppas uuiversel: M. vic tor Hugo
a salué le Congrès du titre flatteur d'Assem-
blée Constituante de la littérature, et il a fait
ressortir, comme lui seul pouvait: le faire, la
:vy.yrmu,vvaatlüV 14L' QV41 tlVüY0.I4~iG iNllV, A0.
supériorité des oeuvres au génie sur belles de
la force. Une armée de deux millions d'hom-
mes passe, s'est-il écrié, l'Iliade reste. Il a
ensuite examiné le principe même de
la propriété, littéraire et indiqué la solu-
tion que comporte ce principe dans l'ap-
plication, solution qu'il avait signalée-,
dit-il, dès 1836. Puis, dans une magnifique
péroraison, il a fait appel à la conciliation
entre les peuples; il les a conjurés -de se
guérir de cette cruelle maladie: -la haine^et
de faire «la guerre à la guerre .» conciliation
et réconciliation, voilà quelle doit être la de-
vise de notre grand dix-neuvième siècle un
orateur romain voulait détruire Carthage-
détruisons la haine la haine entre le» peu-
ples par le rapprochement des intérêts* des
idées et des sentimensî; la haine entre les
citoyens d'une môme patrie par la clémence
et le, pardon. (Tonnerre d'applaudissemens.
Les délégués étrangers se pressent autour de
l'orateur pour lui .serrer la main. La séance
est un moment suspendue.) ̃ <
Lorsque l'émotion de l'auditoire est un peu
apaisée, les délégués étrangers,- MM. Mauro-r
Machi pour l'Italie, Iwan Tourgueneff pour
la Russie, Blancftard Jerrold pour l'Angle-
terre, et Lœwenthal pour l'Allemagne, pren-
nent successivement la parole. M-. Mauro-
Machi a vivement exprimé les sentimens de
son pays pour la France M. •̃ Tourgueneff a
rappelé ingénieusement, en>rapprochant trois
époques 1678i 1.778,. et 1878,rque la Russie a
dû à la France quelques uns des premiers ru-
dimens de sa civilisation; en 1678, on jouait à
Moscou une traduction du Médecin malgré Iwi;
enl778,la Russieappelait chez elle' les philoso-
phes français. Nous étions alors vos disciples,
a dit M. Tourgueneff; aujourd'hui, nous som-
mes vo3: émules. M. Blanchard Jerrold, en
s'excusant spirituellement d'être Anglais
et enrhumé, a donné lecture d'une lettre
de M. Gladstone -accordant toute son ad-
hésion à l'œuvre du Congrès, et il a ex-
primé le vœu qu'à cette première session qui
s'est tenue, comme cela devait être, dans la
patrie de Montaigne, de Molière et de Victor
Hugo, on en fasse succéder une seconde dans
la patrie de Shakespeare et de Milton.
M. Lœwenthal, délégué de l'Allemagne, a
succédé à-M. Blanchard Jerrold. Le discours de
M. Lœwenthal était rempli de bonnes inten-
tions auxquelles- sa. parole martelée ne ré-
pondait malheureusement pas toujours. Nous
ne savons pas si ce discours aurait été écouté
avec autant de bienveillance r>ati«ntft nar un
avec autant de bienveillance patiente par un
public berlinois qu'il l'a été par le public aux
trois quarts parisien cependant I qui rem-
plissait la salle du, Châtelet. Ce public; aurait-
il été aussi accueillant et patient il y a deux
ans à peine? Il est permis d'en douter, et on
doit so féliciter de l'apaisement qui s'est
opéré dans les esprits, tout en faisant la
part de la politesse et du tact si naturels à
un public français. A la fin de son discours,
̃M. Lœwenthal a tendu, au nom de ses com-
patriotes, la main à la France, représentée
au fauteuil, par le plus illustre de ses en-
fans.. M. Victor Hugo a répondu à cette
avance en serrant la main de l'orateur, aux
vifs applaudissemens de l'assemblée. Puis
M. Jules -Simon, cédant aux sollicitations du
bureau et du public, a clos avec sa merveil-
leuse virtuosité oratoire cette belle séance.
M. Jules Simon a notamment émis le vœu que
les peuples civilisés- renoncent à se faire la
guerre à coups de canon et de tarifs, et
ce vœu d'un ami de. la paix et de la
liberté commerciale a été accueilli par
une véritable tempête d'applaudissemens.
M. Jules Simon n'a pas été moins applaudi en
affirmant que l'Académie remplacerait un
jour dans son Dictionnaire le mot étranger
par celui d'M« ou d'ami, et en ajoutant que
le rapprochement des peuples et leur ré-
conciliation pouvaient s'accomplir sans al-
térer leur originalité propre et sans af-
faiblir chez eux l'amour delà patrie. Enfin,
un délégué brésilien a convié ses collègues
étrangers à crier avec lui « Vive la France » u
et l'assemblée s'est séparée à ce cri mille fois
répété.
Ce soir aura lieu à l'hôtel Continental le
banquet du Congrès, mais il ne s'agit point
ici d'un banquet de clôture. Le Congrès
est loin encore d'avoir épuisé son programme,
et il tiendra -certainement à honneur démé-
riter le titre d'Assemblée Constituante de ià
littérature qui lui a été si généreusement
décerné aujourd'hui, en ne se séparant pas
sans avoir préparé quelques solutions prati-
ques aux questions nombreuses et complexes
que soulève l'application du principe de la
propriété littéraire..
Noas recevons d'un de nos correspon-
dans de Berlin la lettre suivante
« Berlin, le 18 juin.
» Là question sociale ne sera certes pas
traitée au Congrès mais on peut dire avec
E ~g~g:
• ON S'ABONNE
me des > Prôtre8-Saint-Gennain-rA,uierrol2, lia
PRIX »B X'ABOlW«EiWBl«F
1 Un an. Six mois». Trois mou.
Département. 80 fr. 40 fr. ao fr.,
Paris 72 fr. 36 fr. fi. 18 fr*
Les abonnemens partent des l« et 16 da ̃; .:•
« chaque mois.
Paria, ni numéro >• cent»
Bépturtemen», nn numéro. SS.^eent.,
In I^oiiflon, apply to Coi* le and C», fordga
newspapers office, .17, Gresham street, G. P. 0.;
HH. DeQzy. liavle» et G», 1, Finch. laneCornhill,
B. G.. London; BHM. W.-M. fltatUh et Son,
W' C.- Lolidon. et, P. t
• t86i' Strsind, W. C, Lpndon.
A. Bruxelles,' à l'Offeé'dt p»Mieiil, 46, ru* de la
Madeleine, dans les kiosques et dans les bi-
bliothèques dés gares de chemins de fer belges.
A Valparsiso1 (Chili), chezM.'rOrestes.li. Tornero.
̃̃•̃̃̃.̃.̃̃ ;̃• v", ÉDITION DE PARIS. ̃-̃̃̃̃̃>••̃ •_ ̃̃̃
*x a. r" 'T
pyTlQEE^JT LITTÉRAIRES
,-$' 'f`. '>
W»I 18 JIM
.̃ l>|
ON S'ABONNE
en Belgique, en Italie,
dans le Luxembourg, en Turquie,
•m Suisse, en Syrie, en Roumanie et dans IM
régences du Maroc et de la Tunisie,
en Chine et au Japon,
la. moyen d'une valeur payable à Paris ou d«
«Udats-poste, soit internationaux, soit français:
en Allemagne, en Autriche, en Russie,
et dans tous les pays du Nord
chez tous les directeurs de postes;
et dans tous les autres pays,
»w l'envoi d'une valeur payable à Part*.
L«s annonces sont ttput»
«ku BXSB. VMchey, Lafllte «t O«»
f 8, place de la Bourse, °,
tt nu bureau du 3&VKNAM*t
•&«( doivent toujours être agréées par la rédaction.
PARIS
LUNDI 17* JUIN
Le patriotisme des journaux de la droite
• e3t soumis depuis .quelques ;j ouirs à une
duçe épreuve. Non seulement la France
est calme et prospère au dedans, mais son
gouvernement est entouré au dehors de
l'estime et du respect de tous. Au moment
même où le succès de l'Exposition univer-
selle dépasse. les espérances les plus opti-*
mistes, l'accueil que reçoit M. Waddington
à,Bierlin inpntre de plus en plus combien
l'Europe a hesoin,rde nous et combien
elle se félicite de voir. notre pays repren-
dre peu à peu la. place qui lui appartient
légitimement dans le concert des puis-
sances. Ainsi toutes, les prédictions des
partis réactionnaires tombent à la fois
la république n'amène:, ni le désordre a
l'intérieur, ni l'isolement et la faiblesse à
l'extérieur; les promesses que -ses défen-
seurs avaient faites en son nom se réali-
sent., et; la France peut désormais envisa-
ger avec confiance, l'avenir qui .s'ouvrç
devant elle. i
Nous comprenons l'irritation que de pa-
reils éyénemens inspirent aux journaux
de la droite mais nous ne comprenons
̃pas qu'ils aient l'imprudence et le mau-,
vais goût de laisser éclater leur dépit.
Le Français en. particulier ne peut se
consoler de voir les représentans. de.
son. pays traités avec une prévenance
particulière par-, tous les autres memr,
bres du Congrès. Dans l'aveuglement
de ses tristes rancunes, il va presque
jusqu'à trouver mauvais queM.Waddington
entretienne avec le prinoe de Bismarck
des relations pleines de courtoisie. Veut-il
donc nous rappeler X tout prix à quels
dangers nous avons été exposés .chaque
fois que ses amis personnels sont arrivés.au
pouvoir? Il serait plus sage de sa part de
Iajs>er oublier au pays, combien nos Re-
lations avec l'Allemagne ont été tendues
tant qu'un ministre réactionnaire a- dirigé
nos ^affaires extérieures. Mais le Fran-i
çais sejrompé; s'il crôitque M. de.Bismarck
seuLaît fait à ,M.Waddington uii; accueil
flatteur. Toutes les correspondances' de,
journaux français et étrangers constatent
"que notre représentant^ au Congrès a ;.été;
partout l'objet de nombreuses attentions.
A c'aup sûr, la personne même' de M. Wad-
diugton a été pour quelque chose dans! cet
empressement général. lie Français a beau-
coup de mépris pour M. Waddiogtori il
lui reproche tous les jours" « d'être très,
«inexpérimenté des choses diplomati-j
» ques {sic): » Singulière critique venant;
d'un journal qui a été l'un des plus cha-
leureux défenseurs de M. le duc Decazes '̃!̃̃
lit Français voudrait-il nous dire où
M. Decazes avait contracté l'expérience,
diplomatique -qui manque, paraît-il, à
son successeur? A la vérité, M. Decazes;
avait été secrétaire à l'ambassade espa-
gnole en 1848; mais les affaires dont il
sjétait occupé depuis n'avaient aucun rap-
port avec; les affaires extérieures, et nous
ne pensons pas que ses travaux eussent
été constamment tournés, comme ceux
de< M. Waddington, du côté de l'histoire,
cette grande-école de la politique et de la
diplomatie.
"Mais à quoi bon insister sur la question
personnelle? Elle n'a qu'une importance
secondaire. Si lé Français veut savoir
pourquoi la France est restée pour ainsi
dire À l'écart pendant deux années et
pourquoi elle reprend au contraire
aujourd'hui l'importance à laquelle
elle a droit, il est facile de le satis-
faire. Pendant deux ans, sous le couvert
d'upe prétendue neutralité qui n'a jamais
été sincère, la France s'est faite la ser-
vante docile de la Russie. <* Si M. Wad-
w'dington, dit le Français, a concerté
» une action commune avec l'Angle-
» teçre sur l'une des questions les
» plus aiguës où celle-ci puisse se trou-
» ver en lutte avec la Russie,, notre
». neutralité diplomatique est entamée,
» notre liberté d'action est engagée, nous
» sommes sortis de la réserve .que tout
» nous conseillait et où l'on avait fait
». croire au pays et aux. Chambres
» qu'on se maintenait. » Comment le
Français ne yoit-il pas qu'en parlant
ainsi' il pronoace la plus écrasante des
candamnations contre la politique suivie
par ses propres amis? Ce n'est pas. sur
une. des, questions soulevées par le conflit
orientai, c'est sur toutes celles qui s'y
rattachaient que la France a combiné.pen-
âaul deux ans son action avec celle de la
Russie. De la l'isolement dans lequel tout
le inonde nous laissait. Qui donc au^
rait, ,r pu avoir l'idée de s'adresser à
nous pour nous demander un conseil
0% un appui, puisqu'on savait que
lipus étions d'avance inféodés à la
lussïe? La Russie décidait, la France
salirait aveuglément. L'honneur de
M. "Waddington a été- de rompre résolû-
xnent avec des habitudes aussi compro-
mettantes, pour rentrer dans la véritable
Neutralité dont le fondement et la condi-
tion nécessaires sont l'indépendance de la
France. Les deux discours par lesquels il
a inauguré cette nouvelle politique
ont produit en: Europe une immense
Iinpression. On a compris tout de suite
|tie nous reprenions notre liberté de
jugement et d'action que nous al-
lions être des appréciateurs impartiaux,
foules' complices subalternes des pro-
jets des autres puissances. Et voilà pour-
quoi, sans zèle maladroit sans vanité
puérile, sans empressement malheureux
de notre part, nous avons vu tout le monde
venir à nous et nous traiter avec une con-
sidération qui est bien faite pour scanda-
liser les réactionnaires, car l'Europe ne
les y avait pas habitués.
Le Français, nous l'en avertissons cha-
ritablement, s!engage dans ..une, mauvaise
campagne. Il ferait mieux de se con-
tenter d'attaquer la politique intérieure
des républicains le terrain de la politi-
que extérieure est trop dangereux pour lui..
On serait surpris,, si l'on ne savait où peut
conduire l'esprit de parti, d'entendre un
journal sérieuxreprocher à nos diplomates
d'avoir, une opinion personnelle sur les
questions soumises auxdébats du Congrès.
Pour être réellement neutres, il. faudrait,,
d'après le Français, que MM. Waddington
et Saint-Vallier n'eussent aucun avis ou
du moins prissent bien garde de n'en ex-
primer aucun. L'immobilité complète et
le silence sont les seules conditions de
la neutralité; car un regard, un geste,
un mot peuvent engager notre liberté
et nous obliger à sortir de notre ré^
serve. Il est fâcheux que les amis de
M. de Chaudordy n'aient pas inventé cette
étrange théorie avant la Conférence
de Constantinople, ils se seraient épar-
gné bien des fautes Quant à nous, nous
ne saurions accepter des dootrines que le
bon sens condamne. Nous avons répété
cent fois que la notion de neutralité se rap-
portait à l'état de guerre, et non à
l'état de paix. Il est ridicule de dire
qu'on doit être neutre dans un Con-
grès. On doit y être impartial, ce qui est
bien différent. Si l'on ne veut pas émettre
d'opinions dans une assemblée délibé-
rante et votante, rien de plus simple,
il n'y a qu'à n'y pas aller. Mais, pour jouer
le rôle muet et passif auquel le Français
veut réduire nos diplomates, des automa-
tes recouverts d'habits brodés et de déco-
rations vaudraient mieux, sans comparai-]
son, .qu'un .ininistre des affaires étrangè-
res et qu'un ambassadeur.;
La plupart dés journaux anglais con-
tinuent à considérer comme authentiques
les documèus publiés par le Globe. Comme
il fallait s'y attendre, les journaux con-
servateurs combattent" avec énergie « les
» basés de l'entente établie entre l'Angle-
» terre et la Russie. » Eu revanche, le Ti-
mes, fidèle à ses habitudes de tergiver-
sation, après" les" avoir presque blâmées
hier, s'en montre aujourd'hui très satis-
fait. Une dépêche de Berlin adressée au
journal de la Cité déclare cependant que
les Mémorandums dû Globe, sans être
tout à fait apocryphes, n'ont pas le carac-
tère qu'on leur a prêté. Ce ne sont pas
des conventions signées par les deux puis-
sances, ce sont tout simplement les pro-
positions qui ont été soumises à l'Angle-
terre par le comte Schouvalbff et qui n'ont
pas été acceptées par le cabinet anglais.
Nous ne tarderons pas à savoir la vérité.
Il est impossible que de nouvelles expli-
cations, lie soient pas demandées dans le
Parlement aux membres du cabinet, et que
nous n'ayons pas bientôt à ce sujet une
réponse plus catégorique que celle de sir
Stafford Northcote.
BOURSE DE PARIS
Cldlure le 15 le 17. Hnussc. Baisse.
3 «/O
Coupon détaché.
Comptant. 76 65 75 85 v 8
Fin cour. 76 70 75 93 •• •• •/•
4J/8O/O-
Comptant VU 80 105 25 ./• 43
5 O/O
Comptant 112 70* 112 65 t 5
Fp cour. 112 81 112 90 S
PKTITE BOtJRSB DU 3OIB.
Emprunt 8 0/0. 112 fp. 75, 77 1/2, 65, 66 1/4.
3,0/0 75 fr. 85, 72 1/2.
5 0/0 turc. 15 fr. 90, 57 1/2, 73.
Ester" espagnole.. 14 u/16..
Egyptiennes 6 0/0.. 277 fr. 30, 275 fr. 62 1/2,
276 fr. 25.
Banque ottomane.. 145 fr 441 fr. 871/2, 443 fr.
Florins (or) 64 1/8, 3/8.
Hongrois 6 0/0 801/16,79 7/8,80.
Nous avons obtenu de l'administration des té-
légraphes la disposition libre d'un 111 direct
entre Berlin et Paris pendant une demi-heure
de la nuit. Grâce ù cet arrangement, nous
pourrons donner chaque matin les dernières
nouvelles de Berlin jusqu'à onze heures du
soir. Nos lecteurs savent déjà qu'en dehors de
notre correspondant ordinaire, nous avons dans
la capitale de l'empire allemand deux correspon-
dans spéciaux pour la durée du Congrès.
.uni
Nous recevons de nos correspondons pai ti-
euîiers les dépêches suivantes *•
« Berlin, le 17 juin, 8 h. 3o m. soir.
» La séance du Congrès a duré environ trois
heures. On s'y est occupé principalement de
la Bulgarie, mais rien de définitif n'a été ar-
rêté. Les pourparlers confidentiels à ce sujet
vont continuer. La troisième séance aura lieu
mercredi. L'ensemble des négociations pré-
sente, un aspect favorable. » N.
-̃'̃̃ a Berlin, le 17 juin, 9 h. soir,
» A quatre heures trois quarts, la séance du
Congrès était terminée. Le prince Gortchakoff
remis d'une indisposition- qui l'avait retenu
au lit, y assistait. Le caractère de la seconde
séance aura été plus sérieux que celui de la
première. S'y sera-t-on occupé des. Grecs,
comroe M veulent certaines personnes, ou des
questions bulgares?
» Malgré les nouvelles venues d'Athènes,
où l'on, paraît compter sur l'admission au
Congrès, il semble douteux que les Grecs ob-
tiennent cette faveur. Les prétentions hellé-
niques sont fort grandes; elles s'étendent
jusqu'à vouloir une part des.dépouilles de la
Turquie, alors que les grandes puissances re-
noncent à procéder au partage.
» Le Mémorandum publié par le Globe, et
dont la presse allemàntle admet l'authenti-
cité, jette une vive lumière sur la marche
des négociations antérieures et sur la po-
litique suivie par le cabinet anglais. On voit
que, se servant du vocabulaire des intérêts
généraux comme d'un voile, il n'a pas un seul
instant abandonné le terrain pratique et per-
sonnel. Ce qui vaut surtout la peine d'être re-
marqué, c'est le passage relatif à la Turquie
d'Aeie. Si on le rapproche d'indications an-
ciennes fournies par la presse de Londres, on
y découvre le projet d'établir au profit de
l'influence anglaise un protextorat déguisé
garantissant la Turquie contre les em-
piétemens futurs de la Russie. Ea se char-
geant toute seule de ce protectorat, l'Angle-
terre opposera une barrière plus difficile à
renverser que celle qui a été élevée par le
traité à trois de 1856. C'est par quelque
plan semblable que le cabinet de la
reine a cru raffermir en Orient sa supré-
matie ébranlée par les succès militaires de
la Russie et se poser de la sorte en héritier
présomptif de la domination ottomane en
Asie, s'assurant les ports sur la Méditerranée
d'nn À\ r»An t. snrvpillpr In rrm tp H a« TnH a« T.'in-
discrétion du Globe, si elle porte sur des faits
exacts, a dû désagréablement surprendre les
ministres anglais. Mais elle est de nature à
rassurer l'opinion sur l'issue finale des né-
gociations. Le bruit relatif à l'acquisition
des îles des Princes par l'Angleterre ne ma
semble reposer sur aucun fondement. On
n'attache pas grande importance à l'incident
monténégrin. Les Monténégrins auraient fait
soixante prisonniers. On saura bientôt si c'é-
taient des bachi-bozouks albanais ou des régu-
liers ce sont probablement des bachi-bo-
zduks.
» Ce soir, grande réception chez lord Odo
Russell. » Z.
Télégraphie privée.
(Service télégraphique de l'agence Havas.)
Berlin, 4e 17 juin, 8 h. 26m. soir.
Tous les membres du Congrès dînent ce soir
chez M. de Bismarck.
Lé secret est gardé sur la délibération de la
séance d'aujourd'hui.
On assure que le Congrès a décidé que la Grèce
serait admise à titre consultatif sur les questions
qui la concernent, et a arrêté l'ordre de ses tra-
vaux mais ce sont là des bruits répondant peut-
être à un résultat attendu, et qui méritent confir-
mation. ̃̃̃̃•̃ ̃!
La question de l'évacuation des "forteresses
semble actuellement être l'objet des préoccupa-
tions. Quoi qu'il en soit, les Turcs ne veulent
évacuer Varna et Choumla que lorsque les
Russes auront exécuté les points énumérés dans
le. traité de San-Stefano. Ils contestent le carac-
tère obligatoire de ce traité. Ils paraissent appuyés
dans cette résistance, qui devient plus énergi-
que, par l'Angleterre et par l'Autriche.
On assure que l'Autriche soulève, parallèlement
à la demande d'évacuation par les Turcs de
Varna et de Choumla, l'évacuation par les Rus-
ses de Widdin et de Roustchouk pour assurer
la liberté du Danube.
Contrairement aux bruits qui circulent relative-
ment à l'occupation de la Bosnie et de l'Herzé-
govine par l'Autriche, nous croyons que cette
question n'a pas encore été définitivement ar-
rôtôe dans la pensée du gouvernement autri-
chien. On se montre, dans les cercles autri-
chiens, décidé à empêcher qu'un Etat serbe
constitué aux portes de l'Autriche ne de-
vienne un centre d'attraction pour les popu-
lations voisines, et que, sous une sorte de
protectorat, la Russiene contre-balance l'influence
légitime que l'Autriche doit avoir et tient h con-
server dans ces pays. L'attitude que l'Autriche
prendra paraît devoir être définitivement inspi-
rée en grande partie par les résolutions mêmes
du Congrès.
Quant à la Serbie, si le Congrès consentait à
l'extension de cette principauté dans une mesure
qui pourrait être considérée comme menaçante
pour son influence, l'Autriche prendrait des ga-
ranties et des gages, avec l'assentiment probable
des nuissances.
Au contraire, si les choses n'étaient pas sen-
siblement modifiées, il est possible que l'Au-
triche ne se chargerait pas d'une occupation
dont on paraît peu se soucier dans les milieux
autrichiens, des agràndissemens de territoire
étant tenus par beaucoup pour plus onéreux que
profitables.
Les demandes d'admission au Congrès sp
multiplient. La Perse demande à être entendue.
On assure que la Grèce n'accepterait que dilfl-
cilemént d'être entendue simplement à titre con-
sultatif. Etant une puissance indépendante et
constituée, elle aunait de la peine à admettre une
situation inférieure.
Berlin, le 17 juin, 4 h. 23 m. soir.
Le Congrès a tenu sa seconde séance quia
duré jusqu'à cinq heures.
Tous les délégués des petits Etats et le délé-
gué persan semblent croire que la question de
leur admission devant le Congrès sera réglée
aujourd'hui. e
La nouvelle d'un conflit turco-monténégrin a
produit généralement l'impression que la situa-
tion était encore à la merci des incidens. et a
augmenté l'idée que les difficultés viendront sur-
tout du côté des petits Etats.
On considère comme probable que l'Autriche
interviendra dans la question du Montenegro
pour écarter tout danger.
Quoique l'impression générale reste bonne, sur-
tout en présence des efforts efficaces du comte
Schouvaloff vis-à-vis de l'Angleterre et de l'Au-
triche, et des efforts du prince de Bismarck pour
hâter les travaux du Congrès, le monde ofliciel
semble croire que le Congrès durera plus long-
temps qu'on ne le pensait au début. On dit qu'il U
se prolongerait jusqu'au milieu de juillet.
Il est exact que M. de Bismarck a eu l'inten-
tion, au début, d'activer l'oeuvre du Congrès; mais,
outre que les secrétaires ont demandé des inter-
valles entre les séances pour préparer les proto-
coles. les soumettre au Congrès et les faire im-
primer, In comte Andrassy, craignant que les
intérêts de l'Autriche ne fussent lésés par une
marche trop rapide, a demandé aussi des inter-
valles entre les séances.
Le secret continue d'être strictement gardé.
De nombreux journalistes venus à Berlin trou-
vent seulement des nouvelles extérieures. Pki'-
sieurs sont déjà repartis.
Les plénipotentiaires aujourd'hui portaient
l'habit noir.
Le prince Gortchakoff assistait a la séance.
Berlin, le 17 juin.
La nouvelle d'après laquelle les plénipoten-
tiaires anglais et autrichiens auraient exercé hier
une pression sur les plénipotentiaires russes afin
que les troupes du czar reçussent L'ordre- de se
̃retirer de San-Stefano à Andrinople n'est pas
exacte; les plénipotentiaires en question n'ont
pas même eu d'entrevue hier.
Les invitations pour la séance d'aujourd'hui
"sont datées d'hier dimanche.
L'Italie n'a; encore fait aucune déclaration qui
sôit opposée à l'occupation d'Antivari par les
Monténégrins.
Quant à l'Autriche, elle ne fera, connaître son
opinion sur ce point que lors de la discussion de
la question au sein du Congrès, qui n'aura pas
içu tout de "suite,
Berlin, le 17 juin.
Le marquis de Salisbury a eu aujourd'hui, dans
la matinée, une entrevue avec M. Waddington.
Le ministre de Perse à Londres est arrivé à
Berlin; il est chargé de faire valoir les intérêts
persans auprès du Congrès.
La situation ne s'est pas sensiblement modi-
fiée. L'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui
reste fixé comme on l'a précédemment indiqué.
On ne sait pas encore si la question du retrait
des forces russes et anglaises de Constantinople
viendra aujourd'hui c'est peu probable.
M. de Saint- Vallier a recu de la cour de Saxe
un accueil particulièrement empressé. Une voi-
ture de gala a été envoyée à la gare pour recevoir
l'ambassadeur français qui venait pour la pre-
mière fois à la cour de Saxe. M. de Saint-Val-
lier a remis une lettre de félicitations de la part
du maréchal de Mac-Mahon, Président de la ré-
publique. Le roi et la reine se sont entretenus
longuement avec lui dans des termes très sym-
pathiques pour la France.' ̃̃
Le roi a exprimé combien il était heureux du
grand succès de l'Exposition universelle de Pa-
ris qui a secondé puissamment la politique de
paix et les efforts des gouvernemens vers la pa-
cification générale. Il a ajouté que l'idée de l'Ex-
position atteste la nécessité de là paix vers laquelle
tendent tous les désirs des peuples. A ce titre, elle
est enquelque sorte un gage de succès du Congrès.
Plusieurs princes se trouvaient à la cour de
Saxe notamment le duc de Gênes et le grand-
duc de Toscane. Celui-ci allant au-devant de
l'ambassadeur français, s'exprima en termes par-
ticulièrement chaleureux sur la France et lui dit
combien il avait été touché de la déférence et du
respect que, durant son exil il avait trouvé
dans l'hospitalité française, il a enfin exprimé
tousdes vœux qu'il forme' sans aucune préoccu-
pation de parti pour le bonheur de la France.
Berlin, le 17 juin.
Le gouvernement provisoire crétois a adressé
au prince de Bismarck un Mémoire adopté dans
l'Assemblée générale tenue à Zirife le 14 juin.
M. Delyannis, envoyé grec, sera reçu aujour-
d'hui par le prince impérial. Jusqu'à présent,
M. Delyannis ne sait absolument rien au sujet de
l'admission de la Grèce au Congrès. Il est proba-
ble que cette question viendra devant le Congrès
aujourd'hui, mais il n'y a rien de certain à cet
égard.
On dément de source autorisée que le gouverne-
ment grec ou M. Delyannis ait présenté un Mé-
moire au Congrès, comme les journaux allemands
l'ont annoncé.
Il n'est pas plus exact qu'un Mémoire ait été
présenté par les Grecs de Thessalie, d'Epire ou
d'ailleurs.
C'est du Congrès lui-même que la Grèce attend
avec calme et dignité une décision, et on peut
dire qu'elle l'attend avec da grandes chances en
sa faveur.
Londres, le 17 juin.
Une dépêche de Vienne du 15 juin, publiée par
le Daily News, dit que l'Angleterre proposera
l'autonomie de la Crète sous la suprématie de la
Turquie.
Le Times, dans une dépêche de Berlin, annonce
que, dans une conversation particulière, le comte
Â-ndrassy a émis l'avis qu'il serait nécessaire de
mobiliser inn,000 hommes pour exécuter les dé-
cisions du Congrès.
Le même journal dit que l'empereur d'Autriche
a adressé à l'empereur d'Allemagne une lettre
dans laquelle il manifeste l'espérance de le voir
à Gastein l'automne prochain. Il ajoute que la
seule question' qui puisse menacer le succès du
Congrès, c'est l'organisation de la Roumélie.
L'Angleterre, d'accord avec la France, l'Autri-
che, la Turquie, et peut-être aussi l'Italie, deman-
dera que la Roumélie devienne le rempart de
Constantinople avec prépondérance de l'élément
grec.
Les journaux conservateurs combattent éner-
giquement les bases de l'entente établie entre
1 Angleterre et la Russie.
Le Standard blâme tout particulièrement les
concessions faites par l'Angleterre relativement
aux conquêtes des Russes en Arménie. Il trouve
ces concessions en contradiction complète avec
la circulaire du marquis de Salisbury.
Le DaVy Telegraph et le Times expriment au
contraire une complète satisfaction et approuvent
spécialement les plans du gouvernement concer-
nant l'avenir de la Turquie.
Constantinople, le 17 juin.
Le soulèvement des musulmans s'étendrait au
nord des Ralkans, dans les districts de Gabrova
et de Lovatz.
Des renforts sont arrivés dans les environs de
Boulair.
La flotte anglaise mouillera à Prinkipo mer-
credi.
Angleterre.
ciiambue des i.ouDs. Séance du 17 juin.
Le duc de Richmond et Gordon, répondant h
lord Granville, dit que le Mémorandum publié
par le Globe a été communiqué à ce journal par
une personne qui a eu connaissance des docu-
mens confidentiels.
Le gouvernement n'avait pas autorisé la publi-
cation de ce document.
Le Mémorandum comme explication de la po-
litique du gouvernement, est incomplet; donc il
est inexact.
ciiauiîhe des communes. Séance du 17 juin.
Sir Stafford Northcote, répondant au marquis de
Hartinglon, fait, au sujet du Mémorandum pu-
blié par le Globe, une réponse analogue à celle du
duc de Richmond. Il demande que la Chambre
n'insiste pas pour avoir uno réponse plus dé-
taillée.
Lord Montaçru annonce qu'il proposera une
Résolution condamnant la politique exprimée
dans le Mémorandum.
M. Ilanbury annonce qu'il retire sa Résolution
blâmant M. Gladstone. Il ne voit pas la possibi-
lité d'un pareil débat, s'il n'est pas soutenu par
les conservateurs.
M. Gladstone critique sévèrement la conduite
de M. Haubury.
La Résolution est retirée.
La Correspondance politique, revenant sur
le Memorandum turc au sujet des négocia-
tions du traité de San-Stefano, Mémorandum
que nous avons.publié et dont l'authenticité
avait été officiellement contredite par le gou-
vernement ottoman, dit a Les nouvelles in-
formations que nous avons reçues nous met-
tent en mesure de maintenir la parfaite au-
thenticité du Mémorandum turc que la Porte
a fait déclarer apocryphe, et d'affirmer que
cette authenticité est au-dessus de toute
coutestation. » n
La dissolution du Parlement allemand,
que nous avions prévue, ne s'est pas fait
attendre longtemps. C'est l'horrible atten-
tat de Nobiling contre l'empereur qui en
a fourni le prétexte mais à défaut de ce
motif il s'en serait trouvé d'autres. On
pouvait deviner que le Parlemeâtétait con-
damné depuis plusieurs mois par le prince
de Bismarck qui a besoin d'une majorité
plus politique, plus docile et moins atta-
chée à ses principes. S'il ne s'était agi
que de combattre la propagande socialiste,
le Reichstag qu'on vient de dissoudre était
aussi bon pour cette tâche que celui qui
pourra sortir de nouvelles élections; les
journaux de la majorité libérale ont déclaré
en effet que leur parti était prêt à voter
toutes les mesures propres à réprimer
les écarts du socialisme sans atteindre la
liberté. Cette réserve en faveur d'un prin-
cipe est malheureusement toujours ce
qui met les libéraux en désaccord avec
le prince de Bismarck. Le chancelier al-
lemand,; comme nous, l'avons -dit déjà,
n'est pas un réactionnaire mais il
n'est pas davantage un libéral; pour lui,
conservateurs et libéraux représentent
des forces dont il se sert ou qu'il écarte:
suivant qu'elles paraissent tournées dans
le sens de ses projets. S'il incline au-
jourd'hui du côté des conservateurs, c'est
qu'il espère, en échange de quelques con-
cessions dans la politique courante, obtenir
d'eux la liberté de faire ce qu'il désire en
matière d'impôts. Unis et tenaces sur cer-
taines idées de gouvernement, les conser-
vateurs allemands sont divisés et incer-
tains en face ^des réalités de la grande
politique. Un compromis avec eux est
facile, et le gouvernement y, peut trou-
ver son profit; c'est le contraire avec
les libéraux qui ont des idées suffisam-
ment arrêtées aussi bien en politique
que dans le domaine économique, de
sorte que tout leur svstème se tient
̃– w«ww n^«A.V<> VVUV 1VU* U J WVVUAV UVrf" WAL-J-&V
comme unes philosophie, et que pour
eux la réforme économique de l'Alle-
magne ou la création d'un système de
finances et d'impôts doit entraîner un
développement parallèle dans les institu-
tions libérales et parlementaires. Le prince
de Bismarck n'est pas de tempérament
à admettre cette réciprocité il demande
qu'on le suive sur le terrain économique,
mais il refuse, en retour, des concessions
qui engageraient ou qui précipiteraient
l'organisation de l'Allemagne. Les con-
servateurs lui. semblent les alliés les plus
commodes, car à ses yeux ce n'est pas
faire tort à l'empire que d'y laisser souf-
fler quelque temps un vent de réaction.
Les élections pour le renouvellement
du Reichstag vont ainsi avoir lieu dans
des conditions exceptionnellement favo-
rables pour la politique du chancelier. La
douleur des populations consternées par
le double attentat commis sur la personne
vénérable de l'empereur, la gloire d'avoir
assuré la paix européenne au sein d'un
Congrès tenu dans la capitale du nouvel
empire, le rapprochement avec le. Vatican
qui est désiré de part et d'autre sinon-
déjà négocié, l'horreur qu'inspirent;
les socialistes et aussi la confusion qui'
volontairement ou involontairement sera
établie entre eux et les partis de gau-
che, tout en un mot semble devoir
concourir à donner au prince de Bismarck
une majorité comme il la désire
une majorité avec laquelle il pourra
poursuivre l'exécution de ses plans écono-
miques sans passer par les conditions des
libéraux. Ces élections seront intéressantes
à un autre point de vue; on verra si les
socialistes, contre lesquels tous les par-
tis semblent devoir se coaliser se-
ront complètement battus, comme cela
est désirable dans l'intérêt même de la li-
berté et pour la sauvegarde des droits
qu'une réaction exagéréepourrait compro-
mettre. L'Allemagne traverse des temps
difficiles; elle a besoin de se recueillir
pour reconnaître une vérité dont d'autres
peuples ont fait l'expérience c'est que
le socialisme est comme ces maladies
humaines dont tout le "monde porte en
soi les germes plus ou moins latens et qui
n'éclatent avec des symptômes menaçans
que chez les individus affaiblis à la suite
d'excès de travail ou de plaisir. Les efforts
prolongés de la guerre de 1870, le goût du
bien-être que le soldat allemand a rap-
porté chez lui au retour de l'invasion,
les spéculations financières effrénées de la
bourgeoisie et de la noblesse donnant aux
ouvriers l'exemple de fortunes acquises
sans travail, l'équilibre rompu entre
les vertus morales et la puissance in-
tellectuelle du peuple par une trop ra-
pide diffusion de la science le ra-
lentissement de l'émigration en Amé-
rique et le reflux vers les grandes villes de
tous les élémens aventureux depuis le
jour où les Allemands peuvent être fiefs de
leur patrie et s'y rattacher,– ce sont là
les principales causes du malaise dont
souffre l'Allemagne.. Des assassins comme
le ferblantier Hœdel et le docteur Nobi-
ling n'appartiennent à aucune1 classe so-
ciale ils ne sont en réalité d'aucun parti
ni même d'aucune secte politique, ils re-
présentent une écume dangereuse à la
surface d'une jeune société en fermenta-
tion.
AUGUSTE JACQUOT.
La première séance publique du Congrès
de la propriété littéraire a eu lieu aujourd'hui
au théâtre du Châtelet. Un public nombreux^
composé en majorité dé dames en toilettes
élégantes, remplissait les loges et l'amphi-
théâtre les fauteuils d'orchestre étaient occu-
pés par les membres du Congrès. La scène
avait été réservée au bureau et aux délégués
des nations 'étrangères. A deux heures
une triple salve d'applaudissemens annonce
l'entrée de M. Victor Hugo, président dû Con-
grès. A ses côtés, nous remarquons MM. Jules
Simon, Henri Martin, Iwan Tourgueneff,
Blanchard Jerrold, etc., etc.
La séance est ouverte par M.t Edmond
About qui résume avec sa manière spiri-
tuelle le Dut assigné aux travaux de ras-
semblée. Il s'agit non seulement démettre
hors de question le principe de là propriété
littéraire, mais de lui procurer dés garanties
substantielles contre la contrefaçon* au moyen
de; conventions internationales. M. Edmond
About dqnne un aperçu rapide des pro-
grès de la condition de l'homine de lettres,
réduit d'abord à se mettre aux gages d'un
grand seigneur ou à vivre de la mai-
gre pensionne lui accordait la muniflcencei
économe d'un souverain protecteur des arts.
Les droits d'auteur d'une soirée d'Hernani ou
des Fourchambault dépassent, dit-il, la moitié
de la pension qui était faite à Corneille. Au-
jourd'hui, l'homme de lettres peut vivre de sa
"plume ennedemandant des subventions qu'au
public. Si incomplète, si restreinte que soit
la propriété qui lui est garantie, elle lui per-
met d'être indépendant et libre. M. About
montre, en terminant; l'homme de lettress'é-
levant aux plus hautes fonctions de l'État
(est-ce toujours un bien pour l'homme de let-
tres et pour. l'État?), et il cède, au bruit des
acclamations, la parole à M. Victor Hugo.
Nous n'essaierons pas d'analyser son discours,
à chaque instant; interrompu par des applau-
dissemens enthousiastes. Par l'élévation- de
la pensée, l'éclatdes -images, l'ampleur et la
majesté sereine de la parole, il a été digne dé
l'illustre orateur et du grand poëte que- le
monde pourrait à bon droit envier à la France,
si; le. génien'é tait ppas uuiversel: M. vic tor Hugo
a salué le Congrès du titre flatteur d'Assem-
blée Constituante de la littérature, et il a fait
ressortir, comme lui seul pouvait: le faire, la
:vy.yrmu,vvaatlüV 14L' QV41 tlVüY0.I4~iG iNllV, A0.
supériorité des oeuvres au génie sur belles de
la force. Une armée de deux millions d'hom-
mes passe, s'est-il écrié, l'Iliade reste. Il a
ensuite examiné le principe même de
la propriété, littéraire et indiqué la solu-
tion que comporte ce principe dans l'ap-
plication, solution qu'il avait signalée-,
dit-il, dès 1836. Puis, dans une magnifique
péroraison, il a fait appel à la conciliation
entre les peuples; il les a conjurés -de se
guérir de cette cruelle maladie: -la haine^et
de faire «la guerre à la guerre .» conciliation
et réconciliation, voilà quelle doit être la de-
vise de notre grand dix-neuvième siècle un
orateur romain voulait détruire Carthage-
détruisons la haine la haine entre le» peu-
ples par le rapprochement des intérêts* des
idées et des sentimensî; la haine entre les
citoyens d'une môme patrie par la clémence
et le, pardon. (Tonnerre d'applaudissemens.
Les délégués étrangers se pressent autour de
l'orateur pour lui .serrer la main. La séance
est un moment suspendue.) ̃ <
Lorsque l'émotion de l'auditoire est un peu
apaisée, les délégués étrangers,- MM. Mauro-r
Machi pour l'Italie, Iwan Tourgueneff pour
la Russie, Blancftard Jerrold pour l'Angle-
terre, et Lœwenthal pour l'Allemagne, pren-
nent successivement la parole. M-. Mauro-
Machi a vivement exprimé les sentimens de
son pays pour la France M. •̃ Tourgueneff a
rappelé ingénieusement, en>rapprochant trois
époques 1678i 1.778,. et 1878,rque la Russie a
dû à la France quelques uns des premiers ru-
dimens de sa civilisation; en 1678, on jouait à
Moscou une traduction du Médecin malgré Iwi;
enl778,la Russieappelait chez elle' les philoso-
phes français. Nous étions alors vos disciples,
a dit M. Tourgueneff; aujourd'hui, nous som-
mes vo3: émules. M. Blanchard Jerrold, en
s'excusant spirituellement d'être Anglais
et enrhumé, a donné lecture d'une lettre
de M. Gladstone -accordant toute son ad-
hésion à l'œuvre du Congrès, et il a ex-
primé le vœu qu'à cette première session qui
s'est tenue, comme cela devait être, dans la
patrie de Montaigne, de Molière et de Victor
Hugo, on en fasse succéder une seconde dans
la patrie de Shakespeare et de Milton.
M. Lœwenthal, délégué de l'Allemagne, a
succédé à-M. Blanchard Jerrold. Le discours de
M. Lœwenthal était rempli de bonnes inten-
tions auxquelles- sa. parole martelée ne ré-
pondait malheureusement pas toujours. Nous
ne savons pas si ce discours aurait été écouté
avec autant de bienveillance r>ati«ntft nar un
avec autant de bienveillance patiente par un
public berlinois qu'il l'a été par le public aux
trois quarts parisien cependant I qui rem-
plissait la salle du, Châtelet. Ce public; aurait-
il été aussi accueillant et patient il y a deux
ans à peine? Il est permis d'en douter, et on
doit so féliciter de l'apaisement qui s'est
opéré dans les esprits, tout en faisant la
part de la politesse et du tact si naturels à
un public français. A la fin de son discours,
̃M. Lœwenthal a tendu, au nom de ses com-
patriotes, la main à la France, représentée
au fauteuil, par le plus illustre de ses en-
fans.. M. Victor Hugo a répondu à cette
avance en serrant la main de l'orateur, aux
vifs applaudissemens de l'assemblée. Puis
M. Jules -Simon, cédant aux sollicitations du
bureau et du public, a clos avec sa merveil-
leuse virtuosité oratoire cette belle séance.
M. Jules Simon a notamment émis le vœu que
les peuples civilisés- renoncent à se faire la
guerre à coups de canon et de tarifs, et
ce vœu d'un ami de. la paix et de la
liberté commerciale a été accueilli par
une véritable tempête d'applaudissemens.
M. Jules Simon n'a pas été moins applaudi en
affirmant que l'Académie remplacerait un
jour dans son Dictionnaire le mot étranger
par celui d'M« ou d'ami, et en ajoutant que
le rapprochement des peuples et leur ré-
conciliation pouvaient s'accomplir sans al-
térer leur originalité propre et sans af-
faiblir chez eux l'amour delà patrie. Enfin,
un délégué brésilien a convié ses collègues
étrangers à crier avec lui « Vive la France » u
et l'assemblée s'est séparée à ce cri mille fois
répété.
Ce soir aura lieu à l'hôtel Continental le
banquet du Congrès, mais il ne s'agit point
ici d'un banquet de clôture. Le Congrès
est loin encore d'avoir épuisé son programme,
et il tiendra -certainement à honneur démé-
riter le titre d'Assemblée Constituante de ià
littérature qui lui a été si généreusement
décerné aujourd'hui, en ne se séparant pas
sans avoir préparé quelques solutions prati-
ques aux questions nombreuses et complexes
que soulève l'application du principe de la
propriété littéraire..
Noas recevons d'un de nos correspon-
dans de Berlin la lettre suivante
« Berlin, le 18 juin.
» Là question sociale ne sera certes pas
traitée au Congrès mais on peut dire avec
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