Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1889-11-16
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 16 novembre 1889 16 novembre 1889
Description : 1889/11/16 (Numéro 10420). 1889/11/16 (Numéro 10420).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
un s-anonne aux Bureaux au journal, 5, BOULEVARD DES ITALIENS, A PARIS, et ûans tous les Bureaux ae Poste
SAMEDI 16 NOVEMBRE 1889
VINGT-NEUVIEME ANNÉE. N6 10420
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PARIS..77777" Trois mois, 14 fr. Six mois, 28 tr. Un an, SfcJ riv
DÊP* 4 ALSACE-LORRAINE 17fr.; 34fr.; 68 fr.
UNION POSTALE. 18fr.; 36 fr. 72tr.
LES ABONNEMENTS DATENT DES ler ET 16 DE CHAQUE MOIS
SJn numéro (départements) SO centimes.
ANNONCES MM. Lagrange, CERF ET Ga, 8, place de la Bourse
(Droit d'insertion réservé à la rédaction.)
BUREAUX 5, boulevard des -Italiens. PARIS
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PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS..7.7. • ïrois mois» l4fr-« Siï mois' ss fr' • Un tt| ^6 fr#
DBPttiïÛÀCE-ioBRMÏ lVfr.; 34 fr.; 68 fr.
UNION POSTALE lSfr.; 36 fr.; 72 fr.
LES AUONNESIENTS DATENT DES lor ET 16 DE CHAQUE M!>1*
XJtt numéro centimes.
Directeur politique: Adrien Hébrard
La rédaction ne répond pas des articles communiqués
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
Adresse télégraphique TEMPS PARIS
PARIS, 15 NOVEMBRE
BULLETIN DU JOUR
La Chambre a abordé hier la vérification
des pouvoirs et a validé 363 membres. Elle
continuera aujourd'hui ce travail. Elle a fixé
à Àiinain l'élection du bureau définitif.
L'empereur Guillaume a complété le cycle
de Ses entrevues princières en recevant, dans
son wagon-salon, à Innsbrùck et en emme-
nant avec lui jusqu'à la frontière l'empereur
François-Joseph. On semble croire à Vienne
que l'entretien des deux alliés aura moins
porté sur les souvenirs de voyage que
le souverain allemand rapporte d'Orient et
auxquels il a déjà donné une expression d'un
enthousiasme juvénile dans ses télégrammes
à l'ermite de Friedrichsruh que sur les con-
séquences diplomatiques de la rapide visite
du tsar Alexandre à Berlin.
Sans doute, le chancelier austro-hongrois,
le comte Kaluoky, a déjà eu l'occasion d'al-
ler prendre langue auprès de son collègue,
le prince de Bismarck, et de s'éclairer sur
la portée de l'évolution qu'a apparemment
accomplie la politique, du cabinet de Berlin
en ce qui concerne la péninsule des Balkans
et tout spécialement la Bulgarie. L'affaire
n'en a pas moins assez d'importance pour
justifier un échange personnel de vues entre
les deux souverains.
Il s'agit, en effet, si l'on en croit les rumeurs
qui circulent déjà depuis quelques jours à
Vienne et qu'est venue confirmer une lettre
berlinoise de l'officieux Correspondant de Ham-
bourg, d'un retour marqué de l'Allemagne à
l'attitude que le prince de Bismarck avait ex-
posée dans son discours fameux du 6 février
1887, mais qu'il avait été amené peu à peu à
abandonner presque totalement.
On se souvient peut-être que, dans ce ma-
nifeste politique, le chancelier allemand avait
hautement déclaré qu'il envisageait comme
le devoir et l'intérêt de son gouvernement de
soutenir toutes les demandes que la Russie
pourrait émettre pour la restauration en Bul-
garie de l'influence morale qui lui avait été
expressément conférée par le congrès de Ber-
lin. Il avait même ajouté qu'il croirait peut-
être opportun de conseiller à l'Autriche un
Eeu plus de réserve relativement aux affaires
bulgares.
Ce programme ne reçut, à vrai dire, aucun
commencement d'exécution. Tout au con-
traire, il parut que l'Autriche se sentait se-
crètement encouragée ou que, du moins, elle
croyait avoir carte blanche sur le terrain bal-
kanique.
On a vu l'empereur François-Joseph en-
voyer officiellement, dans un discours du
trône à l'ouverture des Délégations, à la Bul-
garie, à son prince et à son gouvernement
une nouvelle édition du fameux « Courage,
saint-père » que M. Thiers adressait en
1847 de la tribune de la Chambre des députés,
française à Pie IX, alors dans le premier feu
de son libéralisme. Un agent bulgare investi
'-̃ d'un caractère semi-officiel a été accueilli à
Vienne. Le consul général austro-hongrois
à Sofia, M. de Burian, a affiché l'intimité de
ses relations avec le prince et M. Stambou-
lof, tandis que son collègue allemand, M. de
Wangenheim, se tenait, d'ordre supérieur,
dans une réserve absolue. C'est avec une
grande institution financière de Vienne, la
Lœnderbank, que le gouvernement de Sofia a
contracté finalement l'emprunt qu'il avait
vainement cherché à placer sur tant de mar-
chés de l'Europe. Enfin, c'est le Frcmdenblatt,
l'organe officieux par excellence de la chan-
cellerie austro-hongroise, qui a lancé il y a
quelques semaines le mouvement en fa-
veur de la reconnaissance du prince Ferdi-
nand.
On affirme aujourd'hui que le prince de
Bismarck aurait promis verbalement au
tsar de sortir de l'espèce d'effacement où
l'Allemagne s'était renfermée pendant que
l'Autriche-Hongrie exécutait ces pointes
aventureuses en faveur de ses nouveaux
clients de Sofia. Le chancelier allemand
aurait pris l'engagement de reparaitre dans
son rôle favori de « courtier honnête » pour
amener un rapprochement entre l'Autriche
et la Russie sur la base d'une reconnais-
sance expresse des intérêts légitimes de
l'empire des tsars en Bulgarie.
Il serait question, à l'heure actuelle, de
rechercher d'un commun accord la formule
de l'arrangement à intervenir. On croit sa-
voir qu'il s'agirait de demander au cabinet
austro-hongrois une sorte de promesse im-
plicite de ne pas reconnaître personnelle-
ment et de ne pas travailler à faire reconnaî-
tre le statu quo bulgare et la légitimité des ti-
tres du prince Ferdinand.
Personne ne saurait s'imaginer assuré-
FEUILLETON OU <&Éntp5
DU 16 NOVEMBRE 1889 [4SI
L'ABÏIE SANS FOND
ix -(Suite.) -•
On atteignit ainsi l'habitation et on s'arran-
gea pour l'investir rapidement; mais ce fut en
vain que l'on tracassa le timbre extérieur, que
l'on frappa à la porte, que l'on appela d'un
ton menaçant, personne ne répondit et l'on
pouvait croire la maison absolument déserte.
Ce n'était pas le compte des frères Strubb qui
se répandirent en imprécations. Comme on ne
répondait toujours pas, le robuste William,
s'apercevant que la porte était en sapin léger,
car le chalet, envoyé de Chicago, était tout en-
tier en bois, s'élança contre elle et d'un coup
d'épaule la fendit du haut en bas.
Aussitôt le chalet fut envahi; mais on n'y
découvrit pour tout habitant que la petite ser-
vante irlandaise, qui reçut les nouveaux venus
en riant, peut-être pour dissimuler sa frayeur.
On lui demanda où étaient ses maîtres.
Partis répliqua-t-elle partispour ne plus
revenir, car on m'a payé mes gages et je me
disposais moi-même à quitter la maison.
Où sont-ils allés?
Je n'en sais rien. Ils ne sont plus ici.
Cherchez si vous voulez.
Petite pécore, s'écria William, tu mens.
Je suis sûr que tu pourrais dire.
La paix! monsieur, s'écria-t-on de toutes
parts; on ne parle pas ainsi à une femme.
Peut-être les Strubb, malgré le respect tra-
ditionnel des Américains pour les femmes,
fussent-elles de simples laveuses de vaisselle,
n'auraient pas reculé devant un acte de vio-
lence à rencontre de l'Irlandaise, si une cir-
constance nouvelle n'eût détourné leur atten-
tion. Les gens du meeting, qui formaient cer-
cle autour de la propriété, venaient d'arrêter
une vieille mendiante connue dans les envi-
Reproduction autorisée pour les journaux qui ont
nu traité avec la Société des gens de lettres. Tra-
miction réservée.
ment que l'Allemagne prétende imposer à
l'Autriche un désaveu formel de son action
récente, un meû culpâ public et une sorte
d'amende honorable. Tout ce dont il peut
être question, c'est d'un coup de barre dans
une t:nouvelle direction donné silencieuse-
ment dans les bureaux du Ballplatz.
Même réduit" à ces termes, le sacrifice de-
mandé au cabinet austro-hongrois est consi-
dérable. Les événements de Serbie ont dé-
truit peut-être pour toujours la fiction d'une
délimitation des sphères d'influence et d'un
partage d'hégémonie dans la péninsule des
Balkans. Si le comte Kalnoky se résigne à
abandonner sa politique bulgare, il renonce-
ra à la compensation dont il s'était garni les
mains pour remédier à la disparition de
Milan.
Il est à peine besoin d'insister sur la gra-
vité éventuelle des conséquences qu'un tel
revirement pourrait avoir sur les destinées
du prince Ferdinand, à un moment où, à l'in-
térieur, la rupture entre M. Stamboulof et les
éléments conservateurs (MM. Natchevitch,
Stoïlof, etc.) est un fait accompli.
L'Autriche-Hongrie ne pourra pas ne pas
se demander, dans ces conditions nouvelles,
où sont les avantages d'une alliance dont on
vante si haut l'indissolubilité et les bienfaits,
mais qui n'exclut pas l'intervention décisive
de l'Allemagne en faveur des droits d'une puis-
sance rivale et au détriment des intérêts soi-di-
sant vitaux de la monarchie des Habsbourg.
L'opinion publique a vu avec quelque irrita-
tion se renouveler, à l'égard du comte Taaffe,
de la part du comte de Bismarck, un manque
d'égards qui semble indiquer que l'Alle-
-magne s'arroge jusqu'au droit de dicter la
politique intérieure de la Cisleithanie, et cela
à l'heure même où elle exige de si cruels
sacrifices sur le terrain de la politique exté-
rieure. • • ̃̃ ;̃
.13»
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Berlin, 15 novembre, 9 h. 10.
L'entrevue des deux empereurs a eu lieu à Inns-
bruck dans le train môme. L'empereur François-
Joseph, accompagné de son aide de camp général,
le comte de Paar, et de l'ambassadeur d'Allemagne
à Vienne, le prince de Reuss, attendait à la gare
d'Innsbruck le train impérial. A dix heures trente-
cinq, celui-ci arriva. Guillaume II, en uniforme de
hussards, se tenait à la portière du wagon. Les
deux souverains se sont embrassés, et l'empereur
François-Joseph a baisé la main de l'impératrice
d'Allemagne, qui s'est aussitôt retirée dans le wa-
gon-salon, pendant que les deux empereurs confé-
raient dans le coupé. La conversation a duré plus
d'une heure.
A midi, le déjeuner a été servi dans le salon-
restaurant du train. Les deux empereurs, l'impéra-
trice et le comte de Paar y ont seuls pris part. A
midi et demi, le train est reparti avec l'empereur
François-Joseph, qui a accompagné ses hôtes jus-
qu'à la station de Rosenheim.
A cinq heures, ft train impérial est'arrivé à Mu-
nich, où le prince-régent de Bavière est venu, sans
avoir été annoncé, faire une visite aux souverains
allemands.
L'empereur et l'impératrice sont rentrés ce ma-
tin, à huit heures, à Potsdam.
Berlin, 15 novembre, 10 h. 15.
Un syndicat de banques berlinoises émettra des
lots pour quarante millions de marcs pour la dé-
molition de la rue Sclllossfreiheit, qui masque le
Vieux-Château, résidence de l'empereur.
Munich, 15 novembre, 9 heures.
La Diète bavaroise a discuté hier la proposition
de la majorité catholique tendant à demander au
ministère d'-obtenir du Conseil fédéral le rappel
des rédemptoristes, qui sont proscrits d'Allemagne,
ainsi que les jésuites. C'est le baron de Soden qui a
défendu la proposition. Le ministre, M. de Lutz,
tout en ne s'opposant pas au vote de la proposi-
tion, a déclaré qu'il était convaincu d'avance que le
Conseil fédéral rejetterait cette demande.
La proposition n'en a pas moins été votée par 81
voix contre 74.
Rome, 15 novembre, 8 h. 30.
Le comte Tornielli, ministre d'Italie à Madrid,
est nommé ambassadeur à Londres. Le comte Maf-
fei, qui a été de 1881 à 1887 ministre d'Italie à
Bruxelles, est appelé au poste de Madrid.
RoméÇ 15 novembre, 10 h. 25.
M. Crispi ira probablement à Monza pour sou-
mettre le discours du trône au roi.
Les millions prêtés par l'Italie à Ménélik doivent
servir à l'achat d'armes en Belgique. Les paye-
ments seront faits par la Banque nationale.
n m »
Le ministère a pris hier la décision offi-
cielle de rester à son poste et de lire une
déclaration gouvernementale à la Chambre,
dès qu'elle serait constituée, c'est-à-dire vrai-
semblablement lundi prochain. Nous ne di-
rons pas seulement qu'il fait bien nous
osons dire qu'il ne pouvait faire autrement.
Aucune raison admissible n'aurait pu justi-
fier une retraite anticipée. La logique du
régime parlementaire n'exige un changement
de cabinet après des élections générales que
rons. Cette femme avait rencontré, peu d'in-
stants auparavant, un « beau gentleman » et
une ravissante « jeune lady » se dirigeant vers
les grottes. Elle avait voulu les aborder
pour leur demander l'aumône, mais ils al-
laient si vite qu'elle n'avait pu les joindre. Les
détails qu'elle donnait sur ce couple élégant et
la direction qu'il suivait ne laissaient aucun
doute sur l'identité de Georges et de Nelly.
Oui, oui, s'écria Smith, ils ont dû, en ef-
fet, se r6fugicr dans les « caves » car, pour le
moment, ils n'avaient pas d'autre retraite pos-
sible. Nous allons les y poursuivre. Ce sera
bien plus amusant, une chasse souterraine
Dès que la pauvre miss aura été rendue a ses
frères, nous emplumerons l'octavon et nous le
ferons courir dans les galeries. Great attraction!
on va bien rire 1 r..
Partons donc! s'écria un des frères Strubb
avec impatience; les grottes sont si vastes 1 Il
ne sera peut-être pas aisé de retrouver ce
drôle!
Si, si, nous le retrouverons, affirma
Smith; à présent il ne peut nous échapper.
En avant donc, gentlemen
Toute la troupe évacua le chalet en tumulte
et on se dirigea vers l'entrée des grottes, qui,
comme nous le savons, était voisine. La grosse
dame de Philadelphie canotait en arrière, pour
ne perdre aucun détail du spectacle désiré.
X
̃ MAMMOUTH-CAVES
Les grottes renommées du Mammouth sont,
comme nous l'avons dit, les plus vastes du
monde. Bien qu'on n'ait pu les parcourir d'une
manière complète, à cause du danger de cer-
tains passages, elles présentent plus de qua-
rante kilomètres de développement. Elles ren-
ferment deux cent vingt-six avenues, cin-
quante-sept dômes, onze lacs dont un est nom-
mé la mer Morte, sept rivières parmi lesquelles
se trouve le Styx, huit cataractes, et, enfin,
trente-deux abîmes, dont plusieurs sont répu-
tés sans fond. Dans ce dédale de galeries, de
rochers, d'eaux mugissantes ou paisibles, on
rencontre à chaque pas des curiosités gran-
dioses. Des stalactites, concrétions d'albâtre,
sous forme de colonnes, d'obélisques, d'autels,
de palmiers, ou bien des rideaux gigantesques
lorsque ce cabinet et sa politique ont été con-
damnés par elles.
Or, peut-on dire que MM. Tirard et Cons-
tans aient été vaincus dans le dernier scru-
tin ? Si le pays, au contraire, a approuvé
ieurs actes d'énergie républicaine, s'il leur a
donné raison contre tous les autres partis
quels qu'ils soient, cette marque de contiance
ne leur impose-t-elle pas de nouveaux de-
voirs ? Quels autres ministres, avant toute
manifestation politique de la Chambre, le
chef de l'Etat pourrait-il choisir que l'on
pourrait croire mieux investis de la confiance
du pays?
Nous ne parlons plus de la nécessité, pour
les membres du cabinet actuel qui ont pré-
sidé aux élections, d'être là pendant la durée
de la validation des pouvoirs, afin de répon-
dre avec autorité à toutes les attaques. Il y
a quelque chose de pins haut et de plus
grave encore. C'est la volonté du pays. Entre
tous les vœux exprimés par le suffrage uni-
versel, le plus vif et le plus génoral, celui
qu'on a retrouvé dans presque toutes les
professions de foi et que l'honorable M.
Pierre Blanc exprimait encore en tête de son
discours, c'est celui de la stabilité gouver-
nementale. On ne veut plus de crises minis-
térielles fréquentes. Serait-ce répondre à ce
désir des électeurs, à cette soif de repos qui
éclate partout encore à l'heure présente que
d'inaugurer par une crise ministérielle sans
raison pratique la nouvelle législature ? Ne
s'exposerait-on pas à faire croire qu'il n'y a
rien de changé et que la Chambre va recom-
mencer les errements de sa devancière ?
Ce n'est pas tout, pour un ministère, que
de rester, il faut qu'il agisse. Du moment
que le cabinet Tirard assume la direction des
affaires, il se reconnaît le chef parlementaire
de la majorité républicaine. Il a toute raison
d'avoir cette confiance, mais il faut du même
coup qu'il fasse œuvre de guide, d'inspira-
teur et de directeur. Il faut qu'il convie cette
majorité à se grouper autour de lui, et, pour
que celle-ci le suive et obéisse à sa voix, il
est nécessaire de lui apporterun programme
répondant à ses vœux et à ceux du pays.
Mais cette majorité existe-t-elle? Sans aucun
doute; elle manifeste même d'excellentes
dispositions; il faut seulement qu'elle se
défie de son zèle. Si elle veut se mettre à
discuter un programme, à présenter des
lois, à tenter des réformes, directement, en
dehors de ses ministres, elle ne tardera
pas à tomber dans la confusion et l'impuis-
sance. Les ministres qui sont au timon des
affaires savent ce qui est urgent et ce qui est
nécessaire à la bonne marche de l'Etat; ils
ont donc une autorité particulière pour dres-
ser en quelque sorte l'ordre du jour d'une
session législative. Leur en opposer un au-
tre, c'est une entreprise bien grave et une té-
mérité bien dangereuse. Le ministère ne reste
à son poste que parce qu'il croit avoir la con-
fiance de la majorité; il convient donc que
cette confiance soit effective. Il ne s'agit pas
pour les députés républicains de le tolérer et
de le négliger, il s'agit de le suivre. II vau-
drait bien mieux le remplacer tout de suite
que de lui marchander son appui ou de l'af-
faiblir chaque jour par des manifestations
inopportunes. Ce sont des devoirs récipro-
ques qui vont donc se contracter entre cette
majorité et ce ministère, et1 il importe essen-
tiellement que des deux parts on y reste fi-
dèle.
Cette union, que tout favorise et fait espé-
rer sera du reste facile. Il n'y a et ne peut y
avoir sur le tapis aucune question de prin-
cipe. Tout le monde est d'accord sur le genre
de politique qu'on peut et doit pratiquer.
C'est une politique d'affaires. La déclaration
que le ministère a résolu d'apporter à la tri.
bune de la Chambre aura ce caractère parce
qu'elle n'en peut avoir d'autre. Or, il y a as-
sez de questions urgentes à discuter pour
occuper la Chambre pendant quelque temps.
En les réglant, le ministère et la majorité
achèveront de prendre confiance l'un dans
l'autre et puiseront dans cette confiance
même la force et les moyens de faire ensuite
une œuvre plus longue..
Après avoir interrogé M. Piou, le Soleil a dé-
siré connaître l'opinion de M. Cazenove de
Pradine et il publie ce matin le compte rendu
de la conversation d'un de ses rédacteurs avec
l'honorable député de la Loire-Inférieure. C'est,
on s'en souvient, l'un des rares membres de
l'ancienne droite qui ait toujours hautement
protesté contre la politique équivoque du co-
mité des Douze; il a su garder sa foi royaliste
pure de toute compromission boulangiste et la
netteté de son attitude lui a concilié la sym-
pathie et l'estime de ses adversaires eux-me-
mes. Ses espérances monarchistes, M. Caze-
nove de Pradine ne veut pas plus les abandon-
ner aujourd'hui qu'il ne les dissimulait hier,
et nous n'avons certes pas à juger les scrupu-
les de cette constance chevaleresque. Mais ce
qui prête à la critique, ce sont les raisons qu'il
invoque en sa faveur « La monarchie, atlir-
me-t-il d'abord, n'a pas été battue aux dernières
en étoffes blanches, des fleurs de pierre, des
dentelles opalines, ornent avec une variété in-
finie les immenses salles qui se succèdent sans
fin. Les nrincipales de ces salles sont la Ro-
tonde, l'Eglise et la Chapelle gothiques, la
Chambre étoilée, la Tonnelle magique, tou-
tes choses nouvelles, inconnues, qui confon-
dent d'admiration les touristes les plus blasés
sur les merveilles de la nature.
C'était dans ces souterrains que Mayoral et
Nelly comptaient trouver un asile pour quel-
ques heures, en attendant que la voiture qui
devait les conduire hors du pays fût prête. On
y pénétrait par l'ouverture située près de l'hô-
tel mais ils avaient deux sorties, l'une, celle
de Port-Serena, à trois lieues de l'entrée, l'au-
tre, celle du Dôme-d'Ammeth, éloignée d'une
lieue seulement, et c'était devant cette dernière
que la voiture devait stationner.
Du reste, l'entrée de ce lieu célèbre était
assez peu imposante, et, quand les deux jeunes
gens, tout haletants de leur longue course, se
précipitèrent dans la grotte d'où s'échappait
un souffle glacial, c'était à peine s'ils pouvaient
marcher de front. Au bout de quelques pas, ils
rencontrèrent un grand et robuste noir, qui,
une lampe de mineur ti la main, semblait épier
leur arrivée.
Elevant sa lampe, de manière a examiner les
traits du mari et de la femme, il demanda d'un
ton mystérieux
Vous êtes mossa et mistress que moi at-
tendre ?
Et vous, dit Georges de même, vous êtes
le guide Osiris, dont nous a parlé Mathatias,
et qui doit nous piloter dans les grottes?
Oui, massa; moi bon guide, et puis, ajou-
la-t-il en baissant encore la voix, oncle Ma-
thatias avoir tout conté à moi; moi conduire
vous sans accident au Dôme-d'Ammcth pour
trois heures.
Faites cela, mon garçon, et vos services
seront généreusement récompensés.
Georges glissa dans la main du noir plu-
sieurs pièces d'or. Osiris jeta un coup d'oeil ra-
pide sur l'offrande qu'il recevait et ne put rete-
nir un joyeux éclat de rire. Il s'empressa de
cacher son or dans le grossier caleçon qui
composait tout son costume:
Ca, dit-il, pour nourrir petits à moi et
élections, car, dans la plupart des circonscrip-
tions, le drapeau monarchiste n'avait pas été
arboré.» » Médiocre argument, on en convien-
dra. Pourquoi donc beaucoup de royalistes ont-
ils en effet, soigneusement caché leur véritable
drapeau sous l'étendard menteur de la revi-
sion ? C'est qu'ils se sentaient perdus d'avance,
s'ils se montraient tels qu'ils étaient réelle-
ment c'est que, pour conserver quelques chan-
ces, il leur fallait l'appoint des voix boulan-
gistes. Ainsi les élections se sont faites et con-
tre les monarchistes déclarés et contre les mo-
narchistes honteux qui confessaient l'impopu-
larité de leur cause en usurpant une étiquette
hypocrite; comment contester, après cela, le
triomphe éclatant de la République et l'atta-
chement de la nation à cette forme de gouver-
nement ?
M. Cazenove de Pradine ajoute que la foi
royaliste impose aux députés « des devoirs et
des charges »; et ces devoirs consistent à s'oc-
cuper sérieusement des affaires du pays en
s'associant à toutes les mesures utiles, fussent-
elles proposées par d'autres partis. Avouons
que cette conclusion nous étonne. Comment
l'intérêt dynastique pourrait-il engager à faire
les affaires de la République en la rendant
aussi modérée et conservatrice que possible?
Il y a là une contradiction que nous avons
souvent relevée et qui n'a pas échappé à la
clairvoyance de M. Piou. 11 semble qu'en ce
moment une grave scission soit à la veille de
se produire dans les rangs de la droite; des di-
vergences profondes viennent de se manifester
à la réunion plénière et plus d'un paraît dis-
posé à suivre le programme tracé par M.
Hély d'Oissel ce matin même, le Figaro nous
annonce pour une date prochaine la formation
d'un nouveau groupe, celui de la « droite consti-
tutionnelle » dont feraient partie, avec MM. Piou
et Hély d'Oissel, un grand nombre de conserva-
teurs décidés à défendre leurs doctrines dans
une République désormais incontestée. Il y
aurait ainsi à droite 1p« hlancs et lfis.f'"1'- °%
M. Cazenove de Pradine prendra-t-il place?
D'une part il entend rester fermement roya-
liste, d'autre part il se propose de soutenir
énergiquement, à la Chambre, les idées con-
servatrices, dût-il se trouver d'accord avec des
républicains et rendre service à la Républi-
que. Il prétend donc être à la fois blanc et bleu,
ambition fort honorable, sans contredit, mais
aussi ambition peu pratique.
̃ «
LE COMMERCE DE LA FRANCE
EN OCTOBRE 1889
L'administration des douanes vient de publier les
résultats de notre commerce extérieur pendant les
dix premiers mois des années 1888 et 1889. En rap-
prochant ces résultats de ceux qui avaient été con-
statés pour les neuf premiers mois, on obtient les
chiffres suivants, qui résument le mouvement de
nos importations et de nos exportations en oc-
tobre -.>•(: .< y, .1,
OCTOBRE
Importation ^Ts89 ^888~
Imp
Objets d'alimentation. 115.761.003 129.734.000
Matières nécessaires à l'in- m ^n.m
M~ noires ~~n. 158.052.000 162.575.000
Objets fabriqués.ï:ï. g.JJ.jjg 40.991.000
Autres marchandises. ll.803.WU 9.936.000
Totaux. 324.923.000 343.286.000
Exportations '̃̃ ̃ ̃ ,r -•
Objets d'alimentation. 80.485.000 75.115.000
Matières nécessaires à l'in-
dustrie. 66.592.000 .64.210.000
Objets fabriqués. 152.515.000 151.472.000
Autres marchandises. 17.571.000 19.177.000
Totaux. 317.163.000 309.974.000
Les variations que ce tableau met en évidence
sont des plus intéressantes.
On remarquera, en premier lieu, 'que nos achats
d'objets d'alimentation se sont réduits, tandis que
nos ventes correspondantes ont augmenté. La di-
minution des importations atteint 13,973,000 fr., soit
10.77 0/0; quant à l'augmentation de nos ventes,
elle est de 5,370,000 fr., ou de 7.14 0/0. L'améliora-
tion de la situation agricole en France est rendue
.ainsi manifeste.
Le mouvement des objets fabriqués n'a pas été
moins satisfaisant en octobre. A l'importation, ces
objets ont diminué de 1,684,000 fr. ou de 4.13 0/0;
au contraire, à l'exportation, ils ont progressé do
1,Oi3,000 fr., ou de 0.68 0/0. Dans de telles condi-
tions, comment peut-on songer, en France, à res-
treindre, par de nouvelles restrictions douanières,
les débouchés de nos industries nationales ? Notre
intérêt indéniable, c'est de maintenir la stabilité de
nos relations commerciales.
Les changements que présentent les entrées et
les sorties de matières premières laisseraient peut-
être à désirer, en ce sens que nos importations ont
fléchi de 4,523,000 francs, tandis que nos exporta-
tions se sont élevées de 2,382,000 francs. Nos ap-
provisionnements n'ont donc pas été entretenus, et,
bien que leur réduction n'ait rien d'inquiétant, il y
aurait, sans nul doute, à s'en préoccuper si elle de-
vait se continuer quelque temps déjà, en septem-
bre, on avait eu à la signaler. Toutefois, ce change-
ment coïncide avec une hausse importante dans les
prix de diverses matières premières, et l'on peut se
demander si les détenteurs n'ont pas voulu la met-
tre à profit en écoulant avantageusement au dehors
une partie de leurs stocks. En fait, comme la hausse
se prolonge, ils auraient pu faire là un assez mau-
vais calcul.
Enfin, sur les « autres marchandises », nous avons
à noter un mouvement analogue à celui qui s'est
produit pour des objets fabriqués. Nos exportations
se sont améliorées de 1,817,800 fr. ou de 18.190/0,
donner beau madras à Chloé. Mais mar-
chons. Gentlemen de l'hôtel poursuivre vous
peut-être et se hasarder dans caves.
C'est fort possible, en effet.
-Vous pas avoir peur. et la belle mistress
non plus, dit Osiris en souriant à Nelly; nous
tout à l'heure rencontrer beaucoup de monde.
Pas vous laisser voir et dire comme moi. Moi
savoir comment mener choses. vous avoir
confiance! 1
Georges lui promit de suivre ses conseils, et
on se mit en route.
Bientôt on atteignit l'extrémité de l'espèce
de corridor où l'on s'était engagé, et on dut
descendre un long escalier dont les marches
étaient taillées dans le roc. Puis, on trouva une
galerie plus large et plus commode, et enfin
on déboucha dans la salle appelée la Rotonde,
véritable vestibule des grottes.
Peut-être aujourd'hui la Rotonde est-elle
éclairée au gaz ou à la lumière électrique, qui
permet, d'en reconnaître les colossales dimen-
sions. Mais, à l'époque où se sont passés les
événements de cette histoire, on ne pouvait
juger de l'étendue de cette salle souterraine que
par quelques lumières, les unes fixes, les autres
mobiles, qui brillaient comme des points rouges
au milieu des ténèbres. Les lumières errantes
étaient des torches de résine ou des lampes
portées par les nègres nombreux chargés de
piloter les curieux et par les curieux eux-mê-
mes. Autant les galeries que l'on venait de
parcourir étaient silencieuses, autant la sRo-
tonde était bruyante. De là partaient plusieurs
routes, s'enfonçant dans des directions oppo-
sées et conduisant aux principales merveilles
de la caverne. Là aussi se tenaient les guides,
souvent avec leur famille, et se réunissaient
les touristes, avant de se mettre en marche pour
la région désignée. Il y régnait une agita-
tion tumultueuse; des appels, des chants, des
rires s'élevaient çàet là, mêlés au grondement
lointain des cataractes, et ces bruits, répétés
par les mille échos de la grotte, prenaient un
caractère étrange, tant soit peu lugubre.
Tous les habitants de l'hôtel n'avaient pas,
sans doute, assisté au déjeuner de la table
d'hôte et au meeting qui en avait été la suite,
car les visiteurs étaient nombreux quoique
beaucoup fussent déjà partis. D'autres ne tar-
pendant que nos importations sont descendues de
1,606,000 fr. ou de 8.37 0/0, Ce sont là encore des
variations excellentes. Si, maintenant, l'on veut.
envisager l'ensemble de notre commerce extérieur
pendant les dix premiers mois des années 1888 et
1889, on constate les résultats généraux que voici
DIX PP.F.MIEHS MOIS'1-
'f~<
Importations V; 1889 1883
Objets d'alimentation. '1.151.369.000 1.203.803.000
Matières nécessaires à l'in-
dustrie. 1.676.148.000 1.642.368.000
Objets fabriqués '-474.039,000 4i4.862.000
Autres marchandises. 105.706 000 93.782.000
Totaux. 3.407.262.000 3.384.815.000
Exportations
Objets d'alimentation. 626. 34?.. 000 553.701.000
Matières nécessaires à l'in-
dustrie. 626.309.000 570.454.000
Objets fabriqués. 1.463.755.000 1.354. 254.000
Autres marchandises. 173.695.000 158.969.000
Totaux. 2.890.101.000 2.637.378.000
Comme on le voit, l'ensemble de notre commerce
extérieur a passé, pendant la période que nous étu-
lions, de 6,022,193,000 fr. à 6,297,363,000 fr., en
lugmentation de 275,170,000 fr.
Dans cette augmentation, les importations ne fi-
'̃urent que pour 22,447,000 fr., alors que les expor-
ations comptent, au contraire, pour 252,723,000 fr.
«
AFFAIRES COLONIALES
Tonkin
Le courrier de l'Indo-Chine arrivé hier à Marseille
Dar le Calédonien des Messageries maritimes a été
iistribué aujourd'hui à midi. En voici le résumé
Dans sa séance du 30 septembre, nous écrit,
le 4 octobre, notre correspondant de Hanoï, le con-
seil de guerre siégeant à Hanoï a condamné à la
no db.6' r-~ti.– a. a~wa. y..n, "f"
avoir déserté à Dapeau, s'était laissé incorporer
dans la bande du doc Tich. Ce verdict n'a surpris
personne, pas même l'accusé, dont l'attitude au
cours du procès et les aveux spontanés indiquaient
qu'il avait fait le sacrifice de sa vie. Mais la dépo-
sition du doc Tich, cité comme témoin, a donné heu
à des révélations piquantes.
En 1884, un nommé Oberg, se donnant comme
capitaine au long cours de nationalité suédoise, vint
s'établir à Haïphong. Il sut gagner, au bout de peu
de temps, la confiance de l'administration civile et
militaire, et beaucoup de colons partagèrent l'es-
time professée en haut lieu pour cet individu qui,
l'événement l'a prouvé, était un simple forban.
Oberg construisit sur la rive gauche du Cua-Cam,
en face de la ville d'Haïphong, une grande maison
où il s'installa en famille.
Il installa dans cette habitation isolée un atelier
de réparations pour les chaloupes mais ce n'était
que l'étiquette d'une autre industrie à l'abri des
regards indiscrets, il emmagasinait dans le sous-
sol de son immeuble des armes et des munitions
destinées aux pirates.
Ce commerce durait depuis fort longtemps, et
tandis qu'Oberg était souvent l'hôte de nos fonc-
tionnaires ou officiers, les bandes de pillards ve-
naient s'approvisionner chez lui. Un beau jour (il y
a de cela trois mois) Oberg disparut; plusieurs per-
sonnes sceptiques devinèrent qu'il avait pris la
fuite, mais nombre d'habitants d'Haïphong crurent
à un assassinat, à un guet-apens.
Or la déposition du doc Tich a levé les doutes
Oberg était le fournisseur attitré des pirates. Au
moment de l'expédition des deux Songs, voyant
qu'un de ses bons clients allait être pris, il a jugé
prudent de ne pas attendre les enquêtes et a pris
la clef des champs. Deux maisons chinoises dont
on a dit les noms à l'audience, et un Annamite sont
compromis dans cette affaire.
De Clausade a été passé par les armes le 5 octo-
bre devant les troupes de la garnison de Hanoï.
Ajoutons aussi que le Courrier d'llaïphong affirme
qu'à la fin de juin 1888 le directeur des douanes
d'Haïphong avait été avisé parunde nos indicateurs
qu'Oberg introduisait des armes en contrebande et
les vendait aux pirates et que l'administration ci-
vile à Haïphong et à Hanoï n'en voulut rien croire.
On ne signale aucun fait de piraterie grave dans
la quinzaine. Une bande de 60 Chinois, qui avait
passé la frontière près de Laokaï, a été dispersée
sans difficultés. La rumeur publique la signalait
comme forte de plusieurs centaines de fusils.
Nouvelle-Calédonie
On nous écrit de Nouméa le 23 septembre
Le conseil général de la Nouvelle-Calédonie a clos
sa session. Il s'attendait à enregistrer la constitu-
tion d'un domaine colonial, mais cette bonne nou-
velle ne lui est pas parvenue et, à dire vrai, ne
pouvait guère lui parvenir, car la question, mise à
l'étude à Paris, est des plus délicates. Toutefois, il en
a reçu d'autres avec satisfaction. L'administration
supérieure a rapporté la décision qui interdisait
toute exploitation comme toute recherche miniè-
res sur les terrains détenus par l'administration
pénitentiaire et qui ne représentent pas moins de
cent dix mille hectares. Elle a autorisé, pour la cul-
ture à couvert du caféier, culture qui donne les
meilleurs résultats, la location des forêts qui, quelle
que soit la solution du problème domanial, ne sau-
raient être affranchies de tout régime conservatoire
dans un pays aussi accidenté que la Nouvelle-Ca-
lédonie. Elle a fait connaître son intention de re-
noncer aux exploitations directes que pratique la
transportation et qui coûtent plus qu'elles ne rap-
portent. Elle a -idmis le rétablissement de l'immi-
gration néo-hébridaise qui donnera des bras aux
colons.
Elle a promis de rendre aux grands travaux pu-
blics douze cents ouvriers de la transportation.
Elle a décidé, en outre, la formation, sur l'effectif
de la relégation, des détachements qui seront mis au
service de la colonie et même des particuliers. Cet
ensemble de réformes devait être et a été bien
accueilli.
Le conseil général, d'autre part, a pris une série
de mesures qui seront approuvées sans doute. Il a
soumis les indigènes à un impôt de capitation de
dix francs. Il aàdopté, pour relier Nouméa à Bou-
rail et les autres centres de la côte Ouest, privés
dèrent pas à s'éloigner à leur tour et la Ro-
tonde commença à devenir plus tranquille.
Osiris, qui, bien plus intelligent que son
oncle Mathatias, semblait avoir le sentiment
juste de la situation, s'était arrangé pour que
ni les guides ni les voyageurs n'eussent l'occa-
sion d'envisager Georges et Nelly. Il se plaçait
toujours devant eux, en abaissant sa lampe, de
manière à les laisser dans l'ombre. Ce fut seu-
lement quand la Rotonde fut presque vide, qu'il 1
leur fit signe d'avancer, et il marcha vers l'une
des petites lumières fixes, qui brillaient comme
des vers luisants au milieu des ténèbres. Là
était une sorte d'excavation naturelle dans le
rocher, servant à la fois de bureau et de maga-
sin à Osiris, en sa qualité de guide officiel. 0
Ce « bureau » contenait seulement quelques
ustensiles professionnels, et avait pour gardien
un négrillon d'une douzaine d'années qui,
après s'être régalé de pommes de terre à demi
crues, dormait, étendu sur le sol. Osiris le
toucha légèrement du pied et aussitôt le né-
grillon fut debout. C'était le fils aîné, l'aide de
camp du guide. Osiris lui dit quelques mots,
et l'enfant se hâta de préparer des lampes et
des torches, dont il y avait provision dans le
trou de rocher.
En un instant tout futprêt; mais Osiris, fidèle
à son principe, ne permit pas à ses clients d'al-
lumer leurs lampes immédiatement, de peur
qu'ils ne fussent aperçus par quelques person-
nes qui erraient encore dans la Rotonde. Enfin,
il donna tout bas à son fils des instructions
minutieuses, qu'il répéta plusieurs fois, et, le
négrillon ayant promis de s'y conformer, on se
mit en route. Osiris marchait le premier, une
lumière à la main Nelly et Georges, se tenant
par le bras, ne venaient qu'à deux pas derrière
lui, afin de déconcerter les espions.
On parvint sans accident à une galerie large
et élevée où la marche était facile, bien qu'on
descendit une pente assez raide on l'appelle
la galerie Audvbon. Alors la vigilance in-
quiète d'Usiris parut US relâcher un peu. Il
alluma les lampes de ses voyeurs lui-même
enflamma une des torches de résine dont il
s'était muni, et on sembla respirer plus libre-
ment.
Toutefois, comme les deux jeunes gens vou>
laient doubler le pas, Osiris les. retint ̃̃
de débouchés, l'essai d'un système de chemin de fei
économique, le Mouvrail, qui paraît approprié aux
conditions topographiques de la colonie. Il a frappd
les mines d'une taxe différant selon qu'elles seront
exploitées ou non exploitées.
Il s'est refusé, par contre, à taxer le minerai à
l'exportation et, ceci soit dit en passant, cette ques-
tion de taxe pourrait bien être la plate-forme sur-la-
quelle va se passer la lutte électorale pour le re-
nouvellement de la moitié du conseil.
A L'ACADÉMIE ET A LA COUR D'ASSISES
L'éternelle question des domestiques est ramenée
à l'ordre du jour de deux côtés à la fois, mais sous
des aspects sensiblement différents. L'Académie
française vient de décerner vingt-sept prix de vertu
à des serviteurs dévoués et exemplaires, dans le
temps même où la curiosité est tenue en haleine
par le procès de Justin Durand à la cour d'assises
d'Albi. On n'a plus bien longtemps à attendre le
verdict mais, qu'il y ait ou non un complice mys-
térieux, qu'on fasse ou non état des traces de sou-
liers ferrés, les inventions variées et contradictoires
de l'accusé, ses dénonciations produites et retirées
à tort et à travers, ses prétentions sournoises de
don Juan d'antichambre, sa grossière exploitation
des dissentiments de famille dont il a été le témoin
et des faiblesses féminines dont il a surpris le se-
cret, font de lui un être plus répugnant encore que
sinistre.
Il est bien difficile de n'être pas, d'autre part,
frappé de la sobriété dont M. l'évoque d'Autun a
fait preuve quand il s'est agi d'exposer les mérites
des domestiques lauréats. Ils sont sans aucun
doute réels et même au-dessus du commun, car on
sait que les commissions académiques, à qui beau-
coup de bons citoyens se plaisent à signaler les
beaux traits, mettent toute leur étude à faire de
leurs prix autre chose que de simples certificats de
bonnes vie et mœurs mais il faut penser qu'ils ne
présentaient guère de ces particularités héroïques ou
t.L_n__ z. .1.' <
sur le récit des faits, sans aucune connaissance des
personnes. Le seul des sujets récompensés qui ait
suggéré quelques développements au rapporteur,
qui lui ait paru faire, comme on dit, anecdote, est
une vieille négresse de la Réunion, qui n'a jamais
voulu se séparer de la famille dont elle était l'es-
clave avant l'émancipation et qui s'est dévouée sans
réserve à cette famille, après même qu'elle a été
ruinée. La conduite de Man Fine est digne, en
eftet, de tous les éloges, et il a été surtout délicat
de no les point ménager à une héroïne rencontrée,
non seulement dans une condition humble, mais
dans une race longtemps tyrannisée et trop sou-
vent dédaignée. Mais son histoire n'est pas de cel-
les qui peuvent beaucoup pour réconforter l'opinion.
Celasepasse un peu loin delamère-patrie. La femme
René appartient à une génération déjà ancienne; ce
ne serait pas un argument décisif, car on ne peut
donner des preuves de long attachement qu'à la
condition de vieillir, s'il n'y avait au début de cette
vie le pli de l'esclavage. Les maîtres ont dû être
humains et bienveillants, puisqu'ils ont récolté, non
la révolte, mais une reconnaissance durable; mais
on sait bien qu'il y avait chez les noirs bien traités
des habitudes d'esprit qui, après leur affranchisse-
ment même, ne leur laissaientpas concevoir l'idée de
se séparer des maîtres au service desquels ils étaient
nés.
Si nous ramenons nos regards autour de nous,
nous sommes obligés de reconnaître que, si l'on ne
s'est jamais occupé autant de récompenser la fidé-
lité domestique, si le nombre des prix va en aug-
mentant, non seulement à l'Académie, qui se féli-
cite d'avoir pu décerner en cette année du Cente-
naire quatre-vingt-six prix de vertu, au lieu.d'un
seul qu'avait primitivement institué M. de Mon-
tyon,mais dans une foule d'associations philanthro-
piques, industrielles, agricoles, on est souvent obli-
gé de s'attacher plus à la durée des services qu'à à
leur valeur et que, pour cette durée même, on est
obligé de se contenter de chiffres de moins en moins
extraordinaires. Il reste à savoir maintenant s'il
n'y a pas là une part de la faute des maîtres. De
part et d'autre, on s'habitue au provisoire perpé-
tuel, au changement pour les motifs les plus fu-
tiles. On ne voit plus guère de gens vivre et
mourir au service d'une même famille mais
il faut dire que souvent, s'ils étaient disposés à y
rester, on ne voudrait pas les garder. Il est bien
rare que les enfants consentent à conserver les do-
mestiques de leurs parents, si sûrs, si éprouvés
qu'ils soient. On veut se faire un autre genre de
vie, d'autres habitudes on craint que les anciens
ne s'y plient pas assez aisément, qu'ils soient vieux
jeu » et puis aussi qu'ils tiennent trop de place dans
la maison. On aime mieux entreprendre d'en façon-
ner d'autres à sa guise, et l'on passe son temps en
expériences successives, ne façonnant rien près-
toujours et introduisant ?chez soi fort légère-
ment la plupart du temps, des gens que l'on ne
connaît point, qu'on ne se donne guère la peine
d'étudier et qui vous tiennent à leur merci, qui sont
tout introduits chez vous pour vous perdre de ré-
putation, vous dévaliser ou même vous assassi-
ner si leur perversité va jusque-là.
L'affaire d'Albi n'est que le procès d'un domesti-
que et n'est pas celui de la domesticité, puisque,
si elle a amené Justin Durand sur le banc des ac-
cusés, il y a parmi les victimes la malheureuse
Philippine Sicard, qu'on est trop disposé à oublier.
Mais on voit au moins que les domestiques dange-
reux ne sont pas un fléau particulier à Paris. Si le
recrutement qu'on fait au hasard dans les bureaux
de placement est aléatoire, on ne prend souvent
pas beaucoup mieux ses renseignements et ses sû-
retés dans les provinces.
On vit moins qu'autrefois de la vie de famille ou
peut-être avec moins de continuité. Il est plus rare
que les enfants suivent la carrière de leurs pères,
qu'ils continuent leurs établissements; il est tout à
fait exceptionnel qu'ils se résignent à vivre leur
Pas trop vite, dit-il; monde en avant.
Allons trouver encore monde beaucoup dans
E alise gothique. Ensuite, elle si grande!
'On ne tarda pas, en effet, à pénétrer dans
une nouvelle salle, où le spectacle devint fée-
rique. l-L
Jusqu'ici, on n avait rencontré qu'un petit
nombre de ces beaux blocs d'albâtre ou sta-
lactites qui sont formées par le suintement
des eaux. Dans cette salle, au contraire, appe-
lée l'Eglise gothique, les concrétions blanches
étaient d'une abondance, d'une ampleur, d'un
éclat extraordinaires. Sa voûte s'élève à plus
de cent pieds au-dessus du sol; et la salle, qui
peut, dit-on, contenir cinq mille spectateurs,
était pleine de ces stalactites, dont plusieurs
avaient des dimensions considérables. Les unes
formaient des colonnes qui montaient à perte
de vue, ou des culs-de-lampe sveltes qui des-
cendaient de la coupole d'autres avaient l'as-
pect de majestueuses végétations de marbre.
Pour justifier le nom d'Eglise, il y avait un autel
avec ses ornements de vases, de lustres et de
candélabres; il y avait des orgues, puis une
chaire à prêcher, puis des statues colossales
qui semblent être l'oeuvre d'un habile sculp-
teur, bien que la nature seule en soit l'ouvrier.
Mais ce qui inspirait surtout l'admiration, c'é-
tait l'effet de la lumière des torches sur cette
décoration prestigieuse. On eût dit d'un palais
de cristal où resplendissaient toutes les cou-
leurs du prisme. L'or du soleil couchant, l'azur
d'un beau ciel, le vert del'émeraude, l'étincelle
blanche du diamant, mêlaient leurs feux dans
un ensemble éblouissant.
Cet effet des lumières était particulièrement
remarquable en ce moment, car, ainsi que l'a-
vait annoncé Osiris, ses voyageurs et lui ne se
trouvaient pas seuls dans cette nef magnifi.
que. Deux troupes assez nombreuses, avec
plusieurs guides, erraient de côté et d'autre en
secouant leurs flambeaux pour créer des as.
pects magiques, pour produire des formes et
des couleurs d'un caractère nouveau. Néan-
moins, la salle avait une étendue telle que les
diverses bandes pouvaient jouir des mêmes
splendeurs sans se rapprocher les unes deà
autres.
EUE BERTHET.
(A suivre.)
SAMEDI 16 NOVEMBRE 1889
VINGT-NEUVIEME ANNÉE. N6 10420
PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS..77777" Trois mois, 14 fr. Six mois, 28 tr. Un an, SfcJ riv
DÊP* 4 ALSACE-LORRAINE 17fr.; 34fr.; 68 fr.
UNION POSTALE. 18fr.; 36 fr. 72tr.
LES ABONNEMENTS DATENT DES ler ET 16 DE CHAQUE MOIS
SJn numéro (départements) SO centimes.
ANNONCES MM. Lagrange, CERF ET Ga, 8, place de la Bourse
(Droit d'insertion réservé à la rédaction.)
BUREAUX 5, boulevard des -Italiens. PARIS
Adresse télégraphique TEMPS JPARIS
PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS..7.7. • ïrois mois» l4fr-« Siï mois' ss fr' • Un tt| ^6 fr#
DBPttiïÛÀCE-ioBRMÏ lVfr.; 34 fr.; 68 fr.
UNION POSTALE lSfr.; 36 fr.; 72 fr.
LES AUONNESIENTS DATENT DES lor ET 16 DE CHAQUE M!>1*
XJtt numéro
Directeur politique: Adrien Hébrard
La rédaction ne répond pas des articles communiqués
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
Adresse télégraphique TEMPS PARIS
PARIS, 15 NOVEMBRE
BULLETIN DU JOUR
La Chambre a abordé hier la vérification
des pouvoirs et a validé 363 membres. Elle
continuera aujourd'hui ce travail. Elle a fixé
à Àiinain l'élection du bureau définitif.
L'empereur Guillaume a complété le cycle
de Ses entrevues princières en recevant, dans
son wagon-salon, à Innsbrùck et en emme-
nant avec lui jusqu'à la frontière l'empereur
François-Joseph. On semble croire à Vienne
que l'entretien des deux alliés aura moins
porté sur les souvenirs de voyage que
le souverain allemand rapporte d'Orient et
auxquels il a déjà donné une expression d'un
enthousiasme juvénile dans ses télégrammes
à l'ermite de Friedrichsruh que sur les con-
séquences diplomatiques de la rapide visite
du tsar Alexandre à Berlin.
Sans doute, le chancelier austro-hongrois,
le comte Kaluoky, a déjà eu l'occasion d'al-
ler prendre langue auprès de son collègue,
le prince de Bismarck, et de s'éclairer sur
la portée de l'évolution qu'a apparemment
accomplie la politique, du cabinet de Berlin
en ce qui concerne la péninsule des Balkans
et tout spécialement la Bulgarie. L'affaire
n'en a pas moins assez d'importance pour
justifier un échange personnel de vues entre
les deux souverains.
Il s'agit, en effet, si l'on en croit les rumeurs
qui circulent déjà depuis quelques jours à
Vienne et qu'est venue confirmer une lettre
berlinoise de l'officieux Correspondant de Ham-
bourg, d'un retour marqué de l'Allemagne à
l'attitude que le prince de Bismarck avait ex-
posée dans son discours fameux du 6 février
1887, mais qu'il avait été amené peu à peu à
abandonner presque totalement.
On se souvient peut-être que, dans ce ma-
nifeste politique, le chancelier allemand avait
hautement déclaré qu'il envisageait comme
le devoir et l'intérêt de son gouvernement de
soutenir toutes les demandes que la Russie
pourrait émettre pour la restauration en Bul-
garie de l'influence morale qui lui avait été
expressément conférée par le congrès de Ber-
lin. Il avait même ajouté qu'il croirait peut-
être opportun de conseiller à l'Autriche un
Eeu plus de réserve relativement aux affaires
bulgares.
Ce programme ne reçut, à vrai dire, aucun
commencement d'exécution. Tout au con-
traire, il parut que l'Autriche se sentait se-
crètement encouragée ou que, du moins, elle
croyait avoir carte blanche sur le terrain bal-
kanique.
On a vu l'empereur François-Joseph en-
voyer officiellement, dans un discours du
trône à l'ouverture des Délégations, à la Bul-
garie, à son prince et à son gouvernement
une nouvelle édition du fameux « Courage,
saint-père » que M. Thiers adressait en
1847 de la tribune de la Chambre des députés,
française à Pie IX, alors dans le premier feu
de son libéralisme. Un agent bulgare investi
'-̃ d'un caractère semi-officiel a été accueilli à
Vienne. Le consul général austro-hongrois
à Sofia, M. de Burian, a affiché l'intimité de
ses relations avec le prince et M. Stambou-
lof, tandis que son collègue allemand, M. de
Wangenheim, se tenait, d'ordre supérieur,
dans une réserve absolue. C'est avec une
grande institution financière de Vienne, la
Lœnderbank, que le gouvernement de Sofia a
contracté finalement l'emprunt qu'il avait
vainement cherché à placer sur tant de mar-
chés de l'Europe. Enfin, c'est le Frcmdenblatt,
l'organe officieux par excellence de la chan-
cellerie austro-hongroise, qui a lancé il y a
quelques semaines le mouvement en fa-
veur de la reconnaissance du prince Ferdi-
nand.
On affirme aujourd'hui que le prince de
Bismarck aurait promis verbalement au
tsar de sortir de l'espèce d'effacement où
l'Allemagne s'était renfermée pendant que
l'Autriche-Hongrie exécutait ces pointes
aventureuses en faveur de ses nouveaux
clients de Sofia. Le chancelier allemand
aurait pris l'engagement de reparaitre dans
son rôle favori de « courtier honnête » pour
amener un rapprochement entre l'Autriche
et la Russie sur la base d'une reconnais-
sance expresse des intérêts légitimes de
l'empire des tsars en Bulgarie.
Il serait question, à l'heure actuelle, de
rechercher d'un commun accord la formule
de l'arrangement à intervenir. On croit sa-
voir qu'il s'agirait de demander au cabinet
austro-hongrois une sorte de promesse im-
plicite de ne pas reconnaître personnelle-
ment et de ne pas travailler à faire reconnaî-
tre le statu quo bulgare et la légitimité des ti-
tres du prince Ferdinand.
Personne ne saurait s'imaginer assuré-
FEUILLETON OU <&Éntp5
DU 16 NOVEMBRE 1889 [4SI
L'ABÏIE SANS FOND
ix -(Suite.) -•
On atteignit ainsi l'habitation et on s'arran-
gea pour l'investir rapidement; mais ce fut en
vain que l'on tracassa le timbre extérieur, que
l'on frappa à la porte, que l'on appela d'un
ton menaçant, personne ne répondit et l'on
pouvait croire la maison absolument déserte.
Ce n'était pas le compte des frères Strubb qui
se répandirent en imprécations. Comme on ne
répondait toujours pas, le robuste William,
s'apercevant que la porte était en sapin léger,
car le chalet, envoyé de Chicago, était tout en-
tier en bois, s'élança contre elle et d'un coup
d'épaule la fendit du haut en bas.
Aussitôt le chalet fut envahi; mais on n'y
découvrit pour tout habitant que la petite ser-
vante irlandaise, qui reçut les nouveaux venus
en riant, peut-être pour dissimuler sa frayeur.
On lui demanda où étaient ses maîtres.
Partis répliqua-t-elle partispour ne plus
revenir, car on m'a payé mes gages et je me
disposais moi-même à quitter la maison.
Où sont-ils allés?
Je n'en sais rien. Ils ne sont plus ici.
Cherchez si vous voulez.
Petite pécore, s'écria William, tu mens.
Je suis sûr que tu pourrais dire.
La paix! monsieur, s'écria-t-on de toutes
parts; on ne parle pas ainsi à une femme.
Peut-être les Strubb, malgré le respect tra-
ditionnel des Américains pour les femmes,
fussent-elles de simples laveuses de vaisselle,
n'auraient pas reculé devant un acte de vio-
lence à rencontre de l'Irlandaise, si une cir-
constance nouvelle n'eût détourné leur atten-
tion. Les gens du meeting, qui formaient cer-
cle autour de la propriété, venaient d'arrêter
une vieille mendiante connue dans les envi-
Reproduction autorisée pour les journaux qui ont
nu traité avec la Société des gens de lettres. Tra-
miction réservée.
ment que l'Allemagne prétende imposer à
l'Autriche un désaveu formel de son action
récente, un meû culpâ public et une sorte
d'amende honorable. Tout ce dont il peut
être question, c'est d'un coup de barre dans
une t:nouvelle direction donné silencieuse-
ment dans les bureaux du Ballplatz.
Même réduit" à ces termes, le sacrifice de-
mandé au cabinet austro-hongrois est consi-
dérable. Les événements de Serbie ont dé-
truit peut-être pour toujours la fiction d'une
délimitation des sphères d'influence et d'un
partage d'hégémonie dans la péninsule des
Balkans. Si le comte Kalnoky se résigne à
abandonner sa politique bulgare, il renonce-
ra à la compensation dont il s'était garni les
mains pour remédier à la disparition de
Milan.
Il est à peine besoin d'insister sur la gra-
vité éventuelle des conséquences qu'un tel
revirement pourrait avoir sur les destinées
du prince Ferdinand, à un moment où, à l'in-
térieur, la rupture entre M. Stamboulof et les
éléments conservateurs (MM. Natchevitch,
Stoïlof, etc.) est un fait accompli.
L'Autriche-Hongrie ne pourra pas ne pas
se demander, dans ces conditions nouvelles,
où sont les avantages d'une alliance dont on
vante si haut l'indissolubilité et les bienfaits,
mais qui n'exclut pas l'intervention décisive
de l'Allemagne en faveur des droits d'une puis-
sance rivale et au détriment des intérêts soi-di-
sant vitaux de la monarchie des Habsbourg.
L'opinion publique a vu avec quelque irrita-
tion se renouveler, à l'égard du comte Taaffe,
de la part du comte de Bismarck, un manque
d'égards qui semble indiquer que l'Alle-
-magne s'arroge jusqu'au droit de dicter la
politique intérieure de la Cisleithanie, et cela
à l'heure même où elle exige de si cruels
sacrifices sur le terrain de la politique exté-
rieure. • • ̃̃ ;̃
.13»
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Berlin, 15 novembre, 9 h. 10.
L'entrevue des deux empereurs a eu lieu à Inns-
bruck dans le train môme. L'empereur François-
Joseph, accompagné de son aide de camp général,
le comte de Paar, et de l'ambassadeur d'Allemagne
à Vienne, le prince de Reuss, attendait à la gare
d'Innsbruck le train impérial. A dix heures trente-
cinq, celui-ci arriva. Guillaume II, en uniforme de
hussards, se tenait à la portière du wagon. Les
deux souverains se sont embrassés, et l'empereur
François-Joseph a baisé la main de l'impératrice
d'Allemagne, qui s'est aussitôt retirée dans le wa-
gon-salon, pendant que les deux empereurs confé-
raient dans le coupé. La conversation a duré plus
d'une heure.
A midi, le déjeuner a été servi dans le salon-
restaurant du train. Les deux empereurs, l'impéra-
trice et le comte de Paar y ont seuls pris part. A
midi et demi, le train est reparti avec l'empereur
François-Joseph, qui a accompagné ses hôtes jus-
qu'à la station de Rosenheim.
A cinq heures, ft train impérial est'arrivé à Mu-
nich, où le prince-régent de Bavière est venu, sans
avoir été annoncé, faire une visite aux souverains
allemands.
L'empereur et l'impératrice sont rentrés ce ma-
tin, à huit heures, à Potsdam.
Berlin, 15 novembre, 10 h. 15.
Un syndicat de banques berlinoises émettra des
lots pour quarante millions de marcs pour la dé-
molition de la rue Sclllossfreiheit, qui masque le
Vieux-Château, résidence de l'empereur.
Munich, 15 novembre, 9 heures.
La Diète bavaroise a discuté hier la proposition
de la majorité catholique tendant à demander au
ministère d'-obtenir du Conseil fédéral le rappel
des rédemptoristes, qui sont proscrits d'Allemagne,
ainsi que les jésuites. C'est le baron de Soden qui a
défendu la proposition. Le ministre, M. de Lutz,
tout en ne s'opposant pas au vote de la proposi-
tion, a déclaré qu'il était convaincu d'avance que le
Conseil fédéral rejetterait cette demande.
La proposition n'en a pas moins été votée par 81
voix contre 74.
Rome, 15 novembre, 8 h. 30.
Le comte Tornielli, ministre d'Italie à Madrid,
est nommé ambassadeur à Londres. Le comte Maf-
fei, qui a été de 1881 à 1887 ministre d'Italie à
Bruxelles, est appelé au poste de Madrid.
RoméÇ 15 novembre, 10 h. 25.
M. Crispi ira probablement à Monza pour sou-
mettre le discours du trône au roi.
Les millions prêtés par l'Italie à Ménélik doivent
servir à l'achat d'armes en Belgique. Les paye-
ments seront faits par la Banque nationale.
n m »
Le ministère a pris hier la décision offi-
cielle de rester à son poste et de lire une
déclaration gouvernementale à la Chambre,
dès qu'elle serait constituée, c'est-à-dire vrai-
semblablement lundi prochain. Nous ne di-
rons pas seulement qu'il fait bien nous
osons dire qu'il ne pouvait faire autrement.
Aucune raison admissible n'aurait pu justi-
fier une retraite anticipée. La logique du
régime parlementaire n'exige un changement
de cabinet après des élections générales que
rons. Cette femme avait rencontré, peu d'in-
stants auparavant, un « beau gentleman » et
une ravissante « jeune lady » se dirigeant vers
les grottes. Elle avait voulu les aborder
pour leur demander l'aumône, mais ils al-
laient si vite qu'elle n'avait pu les joindre. Les
détails qu'elle donnait sur ce couple élégant et
la direction qu'il suivait ne laissaient aucun
doute sur l'identité de Georges et de Nelly.
Oui, oui, s'écria Smith, ils ont dû, en ef-
fet, se r6fugicr dans les « caves » car, pour le
moment, ils n'avaient pas d'autre retraite pos-
sible. Nous allons les y poursuivre. Ce sera
bien plus amusant, une chasse souterraine
Dès que la pauvre miss aura été rendue a ses
frères, nous emplumerons l'octavon et nous le
ferons courir dans les galeries. Great attraction!
on va bien rire 1 r..
Partons donc! s'écria un des frères Strubb
avec impatience; les grottes sont si vastes 1 Il
ne sera peut-être pas aisé de retrouver ce
drôle!
Si, si, nous le retrouverons, affirma
Smith; à présent il ne peut nous échapper.
En avant donc, gentlemen
Toute la troupe évacua le chalet en tumulte
et on se dirigea vers l'entrée des grottes, qui,
comme nous le savons, était voisine. La grosse
dame de Philadelphie canotait en arrière, pour
ne perdre aucun détail du spectacle désiré.
X
̃ MAMMOUTH-CAVES
Les grottes renommées du Mammouth sont,
comme nous l'avons dit, les plus vastes du
monde. Bien qu'on n'ait pu les parcourir d'une
manière complète, à cause du danger de cer-
tains passages, elles présentent plus de qua-
rante kilomètres de développement. Elles ren-
ferment deux cent vingt-six avenues, cin-
quante-sept dômes, onze lacs dont un est nom-
mé la mer Morte, sept rivières parmi lesquelles
se trouve le Styx, huit cataractes, et, enfin,
trente-deux abîmes, dont plusieurs sont répu-
tés sans fond. Dans ce dédale de galeries, de
rochers, d'eaux mugissantes ou paisibles, on
rencontre à chaque pas des curiosités gran-
dioses. Des stalactites, concrétions d'albâtre,
sous forme de colonnes, d'obélisques, d'autels,
de palmiers, ou bien des rideaux gigantesques
lorsque ce cabinet et sa politique ont été con-
damnés par elles.
Or, peut-on dire que MM. Tirard et Cons-
tans aient été vaincus dans le dernier scru-
tin ? Si le pays, au contraire, a approuvé
ieurs actes d'énergie républicaine, s'il leur a
donné raison contre tous les autres partis
quels qu'ils soient, cette marque de contiance
ne leur impose-t-elle pas de nouveaux de-
voirs ? Quels autres ministres, avant toute
manifestation politique de la Chambre, le
chef de l'Etat pourrait-il choisir que l'on
pourrait croire mieux investis de la confiance
du pays?
Nous ne parlons plus de la nécessité, pour
les membres du cabinet actuel qui ont pré-
sidé aux élections, d'être là pendant la durée
de la validation des pouvoirs, afin de répon-
dre avec autorité à toutes les attaques. Il y
a quelque chose de pins haut et de plus
grave encore. C'est la volonté du pays. Entre
tous les vœux exprimés par le suffrage uni-
versel, le plus vif et le plus génoral, celui
qu'on a retrouvé dans presque toutes les
professions de foi et que l'honorable M.
Pierre Blanc exprimait encore en tête de son
discours, c'est celui de la stabilité gouver-
nementale. On ne veut plus de crises minis-
térielles fréquentes. Serait-ce répondre à ce
désir des électeurs, à cette soif de repos qui
éclate partout encore à l'heure présente que
d'inaugurer par une crise ministérielle sans
raison pratique la nouvelle législature ? Ne
s'exposerait-on pas à faire croire qu'il n'y a
rien de changé et que la Chambre va recom-
mencer les errements de sa devancière ?
Ce n'est pas tout, pour un ministère, que
de rester, il faut qu'il agisse. Du moment
que le cabinet Tirard assume la direction des
affaires, il se reconnaît le chef parlementaire
de la majorité républicaine. Il a toute raison
d'avoir cette confiance, mais il faut du même
coup qu'il fasse œuvre de guide, d'inspira-
teur et de directeur. Il faut qu'il convie cette
majorité à se grouper autour de lui, et, pour
que celle-ci le suive et obéisse à sa voix, il
est nécessaire de lui apporterun programme
répondant à ses vœux et à ceux du pays.
Mais cette majorité existe-t-elle? Sans aucun
doute; elle manifeste même d'excellentes
dispositions; il faut seulement qu'elle se
défie de son zèle. Si elle veut se mettre à
discuter un programme, à présenter des
lois, à tenter des réformes, directement, en
dehors de ses ministres, elle ne tardera
pas à tomber dans la confusion et l'impuis-
sance. Les ministres qui sont au timon des
affaires savent ce qui est urgent et ce qui est
nécessaire à la bonne marche de l'Etat; ils
ont donc une autorité particulière pour dres-
ser en quelque sorte l'ordre du jour d'une
session législative. Leur en opposer un au-
tre, c'est une entreprise bien grave et une té-
mérité bien dangereuse. Le ministère ne reste
à son poste que parce qu'il croit avoir la con-
fiance de la majorité; il convient donc que
cette confiance soit effective. Il ne s'agit pas
pour les députés républicains de le tolérer et
de le négliger, il s'agit de le suivre. II vau-
drait bien mieux le remplacer tout de suite
que de lui marchander son appui ou de l'af-
faiblir chaque jour par des manifestations
inopportunes. Ce sont des devoirs récipro-
ques qui vont donc se contracter entre cette
majorité et ce ministère, et1 il importe essen-
tiellement que des deux parts on y reste fi-
dèle.
Cette union, que tout favorise et fait espé-
rer sera du reste facile. Il n'y a et ne peut y
avoir sur le tapis aucune question de prin-
cipe. Tout le monde est d'accord sur le genre
de politique qu'on peut et doit pratiquer.
C'est une politique d'affaires. La déclaration
que le ministère a résolu d'apporter à la tri.
bune de la Chambre aura ce caractère parce
qu'elle n'en peut avoir d'autre. Or, il y a as-
sez de questions urgentes à discuter pour
occuper la Chambre pendant quelque temps.
En les réglant, le ministère et la majorité
achèveront de prendre confiance l'un dans
l'autre et puiseront dans cette confiance
même la force et les moyens de faire ensuite
une œuvre plus longue..
Après avoir interrogé M. Piou, le Soleil a dé-
siré connaître l'opinion de M. Cazenove de
Pradine et il publie ce matin le compte rendu
de la conversation d'un de ses rédacteurs avec
l'honorable député de la Loire-Inférieure. C'est,
on s'en souvient, l'un des rares membres de
l'ancienne droite qui ait toujours hautement
protesté contre la politique équivoque du co-
mité des Douze; il a su garder sa foi royaliste
pure de toute compromission boulangiste et la
netteté de son attitude lui a concilié la sym-
pathie et l'estime de ses adversaires eux-me-
mes. Ses espérances monarchistes, M. Caze-
nove de Pradine ne veut pas plus les abandon-
ner aujourd'hui qu'il ne les dissimulait hier,
et nous n'avons certes pas à juger les scrupu-
les de cette constance chevaleresque. Mais ce
qui prête à la critique, ce sont les raisons qu'il
invoque en sa faveur « La monarchie, atlir-
me-t-il d'abord, n'a pas été battue aux dernières
en étoffes blanches, des fleurs de pierre, des
dentelles opalines, ornent avec une variété in-
finie les immenses salles qui se succèdent sans
fin. Les nrincipales de ces salles sont la Ro-
tonde, l'Eglise et la Chapelle gothiques, la
Chambre étoilée, la Tonnelle magique, tou-
tes choses nouvelles, inconnues, qui confon-
dent d'admiration les touristes les plus blasés
sur les merveilles de la nature.
C'était dans ces souterrains que Mayoral et
Nelly comptaient trouver un asile pour quel-
ques heures, en attendant que la voiture qui
devait les conduire hors du pays fût prête. On
y pénétrait par l'ouverture située près de l'hô-
tel mais ils avaient deux sorties, l'une, celle
de Port-Serena, à trois lieues de l'entrée, l'au-
tre, celle du Dôme-d'Ammeth, éloignée d'une
lieue seulement, et c'était devant cette dernière
que la voiture devait stationner.
Du reste, l'entrée de ce lieu célèbre était
assez peu imposante, et, quand les deux jeunes
gens, tout haletants de leur longue course, se
précipitèrent dans la grotte d'où s'échappait
un souffle glacial, c'était à peine s'ils pouvaient
marcher de front. Au bout de quelques pas, ils
rencontrèrent un grand et robuste noir, qui,
une lampe de mineur ti la main, semblait épier
leur arrivée.
Elevant sa lampe, de manière a examiner les
traits du mari et de la femme, il demanda d'un
ton mystérieux
Vous êtes mossa et mistress que moi at-
tendre ?
Et vous, dit Georges de même, vous êtes
le guide Osiris, dont nous a parlé Mathatias,
et qui doit nous piloter dans les grottes?
Oui, massa; moi bon guide, et puis, ajou-
la-t-il en baissant encore la voix, oncle Ma-
thatias avoir tout conté à moi; moi conduire
vous sans accident au Dôme-d'Ammcth pour
trois heures.
Faites cela, mon garçon, et vos services
seront généreusement récompensés.
Georges glissa dans la main du noir plu-
sieurs pièces d'or. Osiris jeta un coup d'oeil ra-
pide sur l'offrande qu'il recevait et ne put rete-
nir un joyeux éclat de rire. Il s'empressa de
cacher son or dans le grossier caleçon qui
composait tout son costume:
Ca, dit-il, pour nourrir petits à moi et
élections, car, dans la plupart des circonscrip-
tions, le drapeau monarchiste n'avait pas été
arboré.» » Médiocre argument, on en convien-
dra. Pourquoi donc beaucoup de royalistes ont-
ils en effet, soigneusement caché leur véritable
drapeau sous l'étendard menteur de la revi-
sion ? C'est qu'ils se sentaient perdus d'avance,
s'ils se montraient tels qu'ils étaient réelle-
ment c'est que, pour conserver quelques chan-
ces, il leur fallait l'appoint des voix boulan-
gistes. Ainsi les élections se sont faites et con-
tre les monarchistes déclarés et contre les mo-
narchistes honteux qui confessaient l'impopu-
larité de leur cause en usurpant une étiquette
hypocrite; comment contester, après cela, le
triomphe éclatant de la République et l'atta-
chement de la nation à cette forme de gouver-
nement ?
M. Cazenove de Pradine ajoute que la foi
royaliste impose aux députés « des devoirs et
des charges »; et ces devoirs consistent à s'oc-
cuper sérieusement des affaires du pays en
s'associant à toutes les mesures utiles, fussent-
elles proposées par d'autres partis. Avouons
que cette conclusion nous étonne. Comment
l'intérêt dynastique pourrait-il engager à faire
les affaires de la République en la rendant
aussi modérée et conservatrice que possible?
Il y a là une contradiction que nous avons
souvent relevée et qui n'a pas échappé à la
clairvoyance de M. Piou. 11 semble qu'en ce
moment une grave scission soit à la veille de
se produire dans les rangs de la droite; des di-
vergences profondes viennent de se manifester
à la réunion plénière et plus d'un paraît dis-
posé à suivre le programme tracé par M.
Hély d'Oissel ce matin même, le Figaro nous
annonce pour une date prochaine la formation
d'un nouveau groupe, celui de la « droite consti-
tutionnelle » dont feraient partie, avec MM. Piou
et Hély d'Oissel, un grand nombre de conserva-
teurs décidés à défendre leurs doctrines dans
une République désormais incontestée. Il y
aurait ainsi à droite 1p« hlancs et lfis.f'"1'- °%
M. Cazenove de Pradine prendra-t-il place?
D'une part il entend rester fermement roya-
liste, d'autre part il se propose de soutenir
énergiquement, à la Chambre, les idées con-
servatrices, dût-il se trouver d'accord avec des
républicains et rendre service à la Républi-
que. Il prétend donc être à la fois blanc et bleu,
ambition fort honorable, sans contredit, mais
aussi ambition peu pratique.
̃ «
LE COMMERCE DE LA FRANCE
EN OCTOBRE 1889
L'administration des douanes vient de publier les
résultats de notre commerce extérieur pendant les
dix premiers mois des années 1888 et 1889. En rap-
prochant ces résultats de ceux qui avaient été con-
statés pour les neuf premiers mois, on obtient les
chiffres suivants, qui résument le mouvement de
nos importations et de nos exportations en oc-
tobre -.>•(: .< y, .1,
OCTOBRE
Importation ^Ts89 ^888~
Imp
Objets d'alimentation. 115.761.003 129.734.000
Matières nécessaires à l'in- m ^n.m
M~ noires ~~n. 158.052.000 162.575.000
Objets fabriqués.ï:ï. g.JJ.jjg 40.991.000
Autres marchandises. ll.803.WU 9.936.000
Totaux. 324.923.000 343.286.000
Exportations '̃̃ ̃ ̃ ,r -•
Objets d'alimentation. 80.485.000 75.115.000
Matières nécessaires à l'in-
dustrie. 66.592.000 .64.210.000
Objets fabriqués. 152.515.000 151.472.000
Autres marchandises. 17.571.000 19.177.000
Totaux. 317.163.000 309.974.000
Les variations que ce tableau met en évidence
sont des plus intéressantes.
On remarquera, en premier lieu, 'que nos achats
d'objets d'alimentation se sont réduits, tandis que
nos ventes correspondantes ont augmenté. La di-
minution des importations atteint 13,973,000 fr., soit
10.77 0/0; quant à l'augmentation de nos ventes,
elle est de 5,370,000 fr., ou de 7.14 0/0. L'améliora-
tion de la situation agricole en France est rendue
.ainsi manifeste.
Le mouvement des objets fabriqués n'a pas été
moins satisfaisant en octobre. A l'importation, ces
objets ont diminué de 1,684,000 fr. ou de 4.13 0/0;
au contraire, à l'exportation, ils ont progressé do
1,Oi3,000 fr., ou de 0.68 0/0. Dans de telles condi-
tions, comment peut-on songer, en France, à res-
treindre, par de nouvelles restrictions douanières,
les débouchés de nos industries nationales ? Notre
intérêt indéniable, c'est de maintenir la stabilité de
nos relations commerciales.
Les changements que présentent les entrées et
les sorties de matières premières laisseraient peut-
être à désirer, en ce sens que nos importations ont
fléchi de 4,523,000 francs, tandis que nos exporta-
tions se sont élevées de 2,382,000 francs. Nos ap-
provisionnements n'ont donc pas été entretenus, et,
bien que leur réduction n'ait rien d'inquiétant, il y
aurait, sans nul doute, à s'en préoccuper si elle de-
vait se continuer quelque temps déjà, en septem-
bre, on avait eu à la signaler. Toutefois, ce change-
ment coïncide avec une hausse importante dans les
prix de diverses matières premières, et l'on peut se
demander si les détenteurs n'ont pas voulu la met-
tre à profit en écoulant avantageusement au dehors
une partie de leurs stocks. En fait, comme la hausse
se prolonge, ils auraient pu faire là un assez mau-
vais calcul.
Enfin, sur les « autres marchandises », nous avons
à noter un mouvement analogue à celui qui s'est
produit pour des objets fabriqués. Nos exportations
se sont améliorées de 1,817,800 fr. ou de 18.190/0,
donner beau madras à Chloé. Mais mar-
chons. Gentlemen de l'hôtel poursuivre vous
peut-être et se hasarder dans caves.
C'est fort possible, en effet.
-Vous pas avoir peur. et la belle mistress
non plus, dit Osiris en souriant à Nelly; nous
tout à l'heure rencontrer beaucoup de monde.
Pas vous laisser voir et dire comme moi. Moi
savoir comment mener choses. vous avoir
confiance! 1
Georges lui promit de suivre ses conseils, et
on se mit en route.
Bientôt on atteignit l'extrémité de l'espèce
de corridor où l'on s'était engagé, et on dut
descendre un long escalier dont les marches
étaient taillées dans le roc. Puis, on trouva une
galerie plus large et plus commode, et enfin
on déboucha dans la salle appelée la Rotonde,
véritable vestibule des grottes.
Peut-être aujourd'hui la Rotonde est-elle
éclairée au gaz ou à la lumière électrique, qui
permet, d'en reconnaître les colossales dimen-
sions. Mais, à l'époque où se sont passés les
événements de cette histoire, on ne pouvait
juger de l'étendue de cette salle souterraine que
par quelques lumières, les unes fixes, les autres
mobiles, qui brillaient comme des points rouges
au milieu des ténèbres. Les lumières errantes
étaient des torches de résine ou des lampes
portées par les nègres nombreux chargés de
piloter les curieux et par les curieux eux-mê-
mes. Autant les galeries que l'on venait de
parcourir étaient silencieuses, autant la sRo-
tonde était bruyante. De là partaient plusieurs
routes, s'enfonçant dans des directions oppo-
sées et conduisant aux principales merveilles
de la caverne. Là aussi se tenaient les guides,
souvent avec leur famille, et se réunissaient
les touristes, avant de se mettre en marche pour
la région désignée. Il y régnait une agita-
tion tumultueuse; des appels, des chants, des
rires s'élevaient çàet là, mêlés au grondement
lointain des cataractes, et ces bruits, répétés
par les mille échos de la grotte, prenaient un
caractère étrange, tant soit peu lugubre.
Tous les habitants de l'hôtel n'avaient pas,
sans doute, assisté au déjeuner de la table
d'hôte et au meeting qui en avait été la suite,
car les visiteurs étaient nombreux quoique
beaucoup fussent déjà partis. D'autres ne tar-
pendant que nos importations sont descendues de
1,606,000 fr. ou de 8.37 0/0, Ce sont là encore des
variations excellentes. Si, maintenant, l'on veut.
envisager l'ensemble de notre commerce extérieur
pendant les dix premiers mois des années 1888 et
1889, on constate les résultats généraux que voici
DIX PP.F.MIEHS MOIS'1-
'f~<
Importations V; 1889 1883
Objets d'alimentation. '1.151.369.000 1.203.803.000
Matières nécessaires à l'in-
dustrie. 1.676.148.000 1.642.368.000
Objets fabriqués '-474.039,000 4i4.862.000
Autres marchandises. 105.706 000 93.782.000
Totaux. 3.407.262.000 3.384.815.000
Exportations
Objets d'alimentation. 626. 34?.. 000 553.701.000
Matières nécessaires à l'in-
dustrie. 626.309.000 570.454.000
Objets fabriqués. 1.463.755.000 1.354. 254.000
Autres marchandises. 173.695.000 158.969.000
Totaux. 2.890.101.000 2.637.378.000
Comme on le voit, l'ensemble de notre commerce
extérieur a passé, pendant la période que nous étu-
lions, de 6,022,193,000 fr. à 6,297,363,000 fr., en
lugmentation de 275,170,000 fr.
Dans cette augmentation, les importations ne fi-
'̃urent que pour 22,447,000 fr., alors que les expor-
ations comptent, au contraire, pour 252,723,000 fr.
«
AFFAIRES COLONIALES
Tonkin
Le courrier de l'Indo-Chine arrivé hier à Marseille
Dar le Calédonien des Messageries maritimes a été
iistribué aujourd'hui à midi. En voici le résumé
Dans sa séance du 30 septembre, nous écrit,
le 4 octobre, notre correspondant de Hanoï, le con-
seil de guerre siégeant à Hanoï a condamné à la
no db.6' r-~ti.– a. a~wa. y..n, "f"
avoir déserté à Dapeau, s'était laissé incorporer
dans la bande du doc Tich. Ce verdict n'a surpris
personne, pas même l'accusé, dont l'attitude au
cours du procès et les aveux spontanés indiquaient
qu'il avait fait le sacrifice de sa vie. Mais la dépo-
sition du doc Tich, cité comme témoin, a donné heu
à des révélations piquantes.
En 1884, un nommé Oberg, se donnant comme
capitaine au long cours de nationalité suédoise, vint
s'établir à Haïphong. Il sut gagner, au bout de peu
de temps, la confiance de l'administration civile et
militaire, et beaucoup de colons partagèrent l'es-
time professée en haut lieu pour cet individu qui,
l'événement l'a prouvé, était un simple forban.
Oberg construisit sur la rive gauche du Cua-Cam,
en face de la ville d'Haïphong, une grande maison
où il s'installa en famille.
Il installa dans cette habitation isolée un atelier
de réparations pour les chaloupes mais ce n'était
que l'étiquette d'une autre industrie à l'abri des
regards indiscrets, il emmagasinait dans le sous-
sol de son immeuble des armes et des munitions
destinées aux pirates.
Ce commerce durait depuis fort longtemps, et
tandis qu'Oberg était souvent l'hôte de nos fonc-
tionnaires ou officiers, les bandes de pillards ve-
naient s'approvisionner chez lui. Un beau jour (il y
a de cela trois mois) Oberg disparut; plusieurs per-
sonnes sceptiques devinèrent qu'il avait pris la
fuite, mais nombre d'habitants d'Haïphong crurent
à un assassinat, à un guet-apens.
Or la déposition du doc Tich a levé les doutes
Oberg était le fournisseur attitré des pirates. Au
moment de l'expédition des deux Songs, voyant
qu'un de ses bons clients allait être pris, il a jugé
prudent de ne pas attendre les enquêtes et a pris
la clef des champs. Deux maisons chinoises dont
on a dit les noms à l'audience, et un Annamite sont
compromis dans cette affaire.
De Clausade a été passé par les armes le 5 octo-
bre devant les troupes de la garnison de Hanoï.
Ajoutons aussi que le Courrier d'llaïphong affirme
qu'à la fin de juin 1888 le directeur des douanes
d'Haïphong avait été avisé parunde nos indicateurs
qu'Oberg introduisait des armes en contrebande et
les vendait aux pirates et que l'administration ci-
vile à Haïphong et à Hanoï n'en voulut rien croire.
On ne signale aucun fait de piraterie grave dans
la quinzaine. Une bande de 60 Chinois, qui avait
passé la frontière près de Laokaï, a été dispersée
sans difficultés. La rumeur publique la signalait
comme forte de plusieurs centaines de fusils.
Nouvelle-Calédonie
On nous écrit de Nouméa le 23 septembre
Le conseil général de la Nouvelle-Calédonie a clos
sa session. Il s'attendait à enregistrer la constitu-
tion d'un domaine colonial, mais cette bonne nou-
velle ne lui est pas parvenue et, à dire vrai, ne
pouvait guère lui parvenir, car la question, mise à
l'étude à Paris, est des plus délicates. Toutefois, il en
a reçu d'autres avec satisfaction. L'administration
supérieure a rapporté la décision qui interdisait
toute exploitation comme toute recherche miniè-
res sur les terrains détenus par l'administration
pénitentiaire et qui ne représentent pas moins de
cent dix mille hectares. Elle a autorisé, pour la cul-
ture à couvert du caféier, culture qui donne les
meilleurs résultats, la location des forêts qui, quelle
que soit la solution du problème domanial, ne sau-
raient être affranchies de tout régime conservatoire
dans un pays aussi accidenté que la Nouvelle-Ca-
lédonie. Elle a fait connaître son intention de re-
noncer aux exploitations directes que pratique la
transportation et qui coûtent plus qu'elles ne rap-
portent. Elle a -idmis le rétablissement de l'immi-
gration néo-hébridaise qui donnera des bras aux
colons.
Elle a promis de rendre aux grands travaux pu-
blics douze cents ouvriers de la transportation.
Elle a décidé, en outre, la formation, sur l'effectif
de la relégation, des détachements qui seront mis au
service de la colonie et même des particuliers. Cet
ensemble de réformes devait être et a été bien
accueilli.
Le conseil général, d'autre part, a pris une série
de mesures qui seront approuvées sans doute. Il a
soumis les indigènes à un impôt de capitation de
dix francs. Il aàdopté, pour relier Nouméa à Bou-
rail et les autres centres de la côte Ouest, privés
dèrent pas à s'éloigner à leur tour et la Ro-
tonde commença à devenir plus tranquille.
Osiris, qui, bien plus intelligent que son
oncle Mathatias, semblait avoir le sentiment
juste de la situation, s'était arrangé pour que
ni les guides ni les voyageurs n'eussent l'occa-
sion d'envisager Georges et Nelly. Il se plaçait
toujours devant eux, en abaissant sa lampe, de
manière à les laisser dans l'ombre. Ce fut seu-
lement quand la Rotonde fut presque vide, qu'il 1
leur fit signe d'avancer, et il marcha vers l'une
des petites lumières fixes, qui brillaient comme
des vers luisants au milieu des ténèbres. Là
était une sorte d'excavation naturelle dans le
rocher, servant à la fois de bureau et de maga-
sin à Osiris, en sa qualité de guide officiel. 0
Ce « bureau » contenait seulement quelques
ustensiles professionnels, et avait pour gardien
un négrillon d'une douzaine d'années qui,
après s'être régalé de pommes de terre à demi
crues, dormait, étendu sur le sol. Osiris le
toucha légèrement du pied et aussitôt le né-
grillon fut debout. C'était le fils aîné, l'aide de
camp du guide. Osiris lui dit quelques mots,
et l'enfant se hâta de préparer des lampes et
des torches, dont il y avait provision dans le
trou de rocher.
En un instant tout futprêt; mais Osiris, fidèle
à son principe, ne permit pas à ses clients d'al-
lumer leurs lampes immédiatement, de peur
qu'ils ne fussent aperçus par quelques person-
nes qui erraient encore dans la Rotonde. Enfin,
il donna tout bas à son fils des instructions
minutieuses, qu'il répéta plusieurs fois, et, le
négrillon ayant promis de s'y conformer, on se
mit en route. Osiris marchait le premier, une
lumière à la main Nelly et Georges, se tenant
par le bras, ne venaient qu'à deux pas derrière
lui, afin de déconcerter les espions.
On parvint sans accident à une galerie large
et élevée où la marche était facile, bien qu'on
descendit une pente assez raide on l'appelle
la galerie Audvbon. Alors la vigilance in-
quiète d'Usiris parut US relâcher un peu. Il
alluma les lampes de ses voyeurs lui-même
enflamma une des torches de résine dont il
s'était muni, et on sembla respirer plus libre-
ment.
Toutefois, comme les deux jeunes gens vou>
laient doubler le pas, Osiris les. retint ̃̃
de débouchés, l'essai d'un système de chemin de fei
économique, le Mouvrail, qui paraît approprié aux
conditions topographiques de la colonie. Il a frappd
les mines d'une taxe différant selon qu'elles seront
exploitées ou non exploitées.
Il s'est refusé, par contre, à taxer le minerai à
l'exportation et, ceci soit dit en passant, cette ques-
tion de taxe pourrait bien être la plate-forme sur-la-
quelle va se passer la lutte électorale pour le re-
nouvellement de la moitié du conseil.
A L'ACADÉMIE ET A LA COUR D'ASSISES
L'éternelle question des domestiques est ramenée
à l'ordre du jour de deux côtés à la fois, mais sous
des aspects sensiblement différents. L'Académie
française vient de décerner vingt-sept prix de vertu
à des serviteurs dévoués et exemplaires, dans le
temps même où la curiosité est tenue en haleine
par le procès de Justin Durand à la cour d'assises
d'Albi. On n'a plus bien longtemps à attendre le
verdict mais, qu'il y ait ou non un complice mys-
térieux, qu'on fasse ou non état des traces de sou-
liers ferrés, les inventions variées et contradictoires
de l'accusé, ses dénonciations produites et retirées
à tort et à travers, ses prétentions sournoises de
don Juan d'antichambre, sa grossière exploitation
des dissentiments de famille dont il a été le témoin
et des faiblesses féminines dont il a surpris le se-
cret, font de lui un être plus répugnant encore que
sinistre.
Il est bien difficile de n'être pas, d'autre part,
frappé de la sobriété dont M. l'évoque d'Autun a
fait preuve quand il s'est agi d'exposer les mérites
des domestiques lauréats. Ils sont sans aucun
doute réels et même au-dessus du commun, car on
sait que les commissions académiques, à qui beau-
coup de bons citoyens se plaisent à signaler les
beaux traits, mettent toute leur étude à faire de
leurs prix autre chose que de simples certificats de
bonnes vie et mœurs mais il faut penser qu'ils ne
présentaient guère de ces particularités héroïques ou
t.L_n__ z. .1.' <
sur le récit des faits, sans aucune connaissance des
personnes. Le seul des sujets récompensés qui ait
suggéré quelques développements au rapporteur,
qui lui ait paru faire, comme on dit, anecdote, est
une vieille négresse de la Réunion, qui n'a jamais
voulu se séparer de la famille dont elle était l'es-
clave avant l'émancipation et qui s'est dévouée sans
réserve à cette famille, après même qu'elle a été
ruinée. La conduite de Man Fine est digne, en
eftet, de tous les éloges, et il a été surtout délicat
de no les point ménager à une héroïne rencontrée,
non seulement dans une condition humble, mais
dans une race longtemps tyrannisée et trop sou-
vent dédaignée. Mais son histoire n'est pas de cel-
les qui peuvent beaucoup pour réconforter l'opinion.
Celasepasse un peu loin delamère-patrie. La femme
René appartient à une génération déjà ancienne; ce
ne serait pas un argument décisif, car on ne peut
donner des preuves de long attachement qu'à la
condition de vieillir, s'il n'y avait au début de cette
vie le pli de l'esclavage. Les maîtres ont dû être
humains et bienveillants, puisqu'ils ont récolté, non
la révolte, mais une reconnaissance durable; mais
on sait bien qu'il y avait chez les noirs bien traités
des habitudes d'esprit qui, après leur affranchisse-
ment même, ne leur laissaientpas concevoir l'idée de
se séparer des maîtres au service desquels ils étaient
nés.
Si nous ramenons nos regards autour de nous,
nous sommes obligés de reconnaître que, si l'on ne
s'est jamais occupé autant de récompenser la fidé-
lité domestique, si le nombre des prix va en aug-
mentant, non seulement à l'Académie, qui se féli-
cite d'avoir pu décerner en cette année du Cente-
naire quatre-vingt-six prix de vertu, au lieu.d'un
seul qu'avait primitivement institué M. de Mon-
tyon,mais dans une foule d'associations philanthro-
piques, industrielles, agricoles, on est souvent obli-
gé de s'attacher plus à la durée des services qu'à à
leur valeur et que, pour cette durée même, on est
obligé de se contenter de chiffres de moins en moins
extraordinaires. Il reste à savoir maintenant s'il
n'y a pas là une part de la faute des maîtres. De
part et d'autre, on s'habitue au provisoire perpé-
tuel, au changement pour les motifs les plus fu-
tiles. On ne voit plus guère de gens vivre et
mourir au service d'une même famille mais
il faut dire que souvent, s'ils étaient disposés à y
rester, on ne voudrait pas les garder. Il est bien
rare que les enfants consentent à conserver les do-
mestiques de leurs parents, si sûrs, si éprouvés
qu'ils soient. On veut se faire un autre genre de
vie, d'autres habitudes on craint que les anciens
ne s'y plient pas assez aisément, qu'ils soient vieux
jeu » et puis aussi qu'ils tiennent trop de place dans
la maison. On aime mieux entreprendre d'en façon-
ner d'autres à sa guise, et l'on passe son temps en
expériences successives, ne façonnant rien près-
toujours et introduisant ?chez soi fort légère-
ment la plupart du temps, des gens que l'on ne
connaît point, qu'on ne se donne guère la peine
d'étudier et qui vous tiennent à leur merci, qui sont
tout introduits chez vous pour vous perdre de ré-
putation, vous dévaliser ou même vous assassi-
ner si leur perversité va jusque-là.
L'affaire d'Albi n'est que le procès d'un domesti-
que et n'est pas celui de la domesticité, puisque,
si elle a amené Justin Durand sur le banc des ac-
cusés, il y a parmi les victimes la malheureuse
Philippine Sicard, qu'on est trop disposé à oublier.
Mais on voit au moins que les domestiques dange-
reux ne sont pas un fléau particulier à Paris. Si le
recrutement qu'on fait au hasard dans les bureaux
de placement est aléatoire, on ne prend souvent
pas beaucoup mieux ses renseignements et ses sû-
retés dans les provinces.
On vit moins qu'autrefois de la vie de famille ou
peut-être avec moins de continuité. Il est plus rare
que les enfants suivent la carrière de leurs pères,
qu'ils continuent leurs établissements; il est tout à
fait exceptionnel qu'ils se résignent à vivre leur
Pas trop vite, dit-il; monde en avant.
Allons trouver encore monde beaucoup dans
E alise gothique. Ensuite, elle si grande!
'On ne tarda pas, en effet, à pénétrer dans
une nouvelle salle, où le spectacle devint fée-
rique. l-L
Jusqu'ici, on n avait rencontré qu'un petit
nombre de ces beaux blocs d'albâtre ou sta-
lactites qui sont formées par le suintement
des eaux. Dans cette salle, au contraire, appe-
lée l'Eglise gothique, les concrétions blanches
étaient d'une abondance, d'une ampleur, d'un
éclat extraordinaires. Sa voûte s'élève à plus
de cent pieds au-dessus du sol; et la salle, qui
peut, dit-on, contenir cinq mille spectateurs,
était pleine de ces stalactites, dont plusieurs
avaient des dimensions considérables. Les unes
formaient des colonnes qui montaient à perte
de vue, ou des culs-de-lampe sveltes qui des-
cendaient de la coupole d'autres avaient l'as-
pect de majestueuses végétations de marbre.
Pour justifier le nom d'Eglise, il y avait un autel
avec ses ornements de vases, de lustres et de
candélabres; il y avait des orgues, puis une
chaire à prêcher, puis des statues colossales
qui semblent être l'oeuvre d'un habile sculp-
teur, bien que la nature seule en soit l'ouvrier.
Mais ce qui inspirait surtout l'admiration, c'é-
tait l'effet de la lumière des torches sur cette
décoration prestigieuse. On eût dit d'un palais
de cristal où resplendissaient toutes les cou-
leurs du prisme. L'or du soleil couchant, l'azur
d'un beau ciel, le vert del'émeraude, l'étincelle
blanche du diamant, mêlaient leurs feux dans
un ensemble éblouissant.
Cet effet des lumières était particulièrement
remarquable en ce moment, car, ainsi que l'a-
vait annoncé Osiris, ses voyageurs et lui ne se
trouvaient pas seuls dans cette nef magnifi.
que. Deux troupes assez nombreuses, avec
plusieurs guides, erraient de côté et d'autre en
secouant leurs flambeaux pour créer des as.
pects magiques, pour produire des formes et
des couleurs d'un caractère nouveau. Néan-
moins, la salle avait une étendue telle que les
diverses bandes pouvaient jouir des mêmes
splendeurs sans se rapprocher les unes deà
autres.
EUE BERTHET.
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