Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1889-01-18
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 18 janvier 1889 18 janvier 1889
Description : 1889/01/18 (Numéro 10120). 1889/01/18 (Numéro 10120).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
Dn s'anonne aux Bureaux du journal, 5, BOULEVARD DES ITALIENS, A PARIS, et dans tous les Bureaux ae Posté
VENDREDI 18 JANVIER 188&
^TINGT-NEUVIEME ANNÉE. N° 10120
PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS.. 7777 Trois mois, 14 fr. Six mois, 28 fr. Un an, 66 frf
DËPk&ALSACE-LORRAINB 171t.; 34fr.; 68 fr.
CïilON POSTALE. ISfr.; 36 fr.; 72fr.
LES ABONIVEMENTS DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (départements) 2O centimes^
ANNONCES MM. LAGRANGE, CERF ET Ce, 8, place de la Bourse
(Droit d'insei-lion réservé à la rédaction.)
l BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
Adresse télégraphique TEMPS PARIS
;~a~
PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS ..7 Trois mois, 1 4 fr. Six mois, 2 8 fr. Un an, 56 fr.
DÉpts £ ALSACE-LORRAINB lVfr.; 34 fr.; 68 tr.
TOION EÛSÏALE ISfr.; i 36 fr.; 72 fr.
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQUE MOIS
XJn numéro <» Paris) 1£» centimes.
Directeur politique Adrien Hébrard
La rédaction ne répond pas des articles communiqués
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
Adresse télégraphique TEMPS PARIS
PARIS, 17 JANVIER
BULLETIN DU JOUR
Le prince de Bismarck avait ses raisons
pour étonner le Reichstag et le public par
'insignifiance comparative de sa rentrée en
scène à la tribune du Parlement. Il ména-
geait à l'Allemagne et au monde une de ces
surprises qui sont décidément passées dans
les habitudes du cabinet de Berlin.
Le Moniteur de l'Empire a, d'ordre exprès
du souverain, publié l'acte d'accusation qui
avait été dressé contre M. Geffcken et les
pièces à l'appui. Cette publication, dont on
trouvera plus loin le texte, cause en Allema-
gne une sensation considérable.
Il semble tout d'abord que l'on porte de-
vant le public le procès qui n'a pu se dérou-
ler devant la haute cour de Leipzig. Le gou-
vernement impérial, qui est assez fort pour
ne pas s'asservir à la routine, use une fois
de plus du procédé démocratique qui con-
siste à faire appel à la nation tout entière des
arrêts d'un tribunal régulier. Il n'est que les
vieilles monarchies, d'ordinaire si respec-
tueuses de l'étiquette et si jalouses du secret
d'Etat, pour oser à l'occasion ouvrir à deux
battants soit les archives des ministères, soit
les greffes des tribunaux.
Comme bien l'on pense, il s'agit d'atténuer
l'effet de l'arrêt de non-lieu et de démontrer
que le chancelier n'était pas aux prises avec
des fantômes sortis de son imagination, lors-
qu'il adressait à l'empereur son fameux rap-
port immédiat du 23 septembre dernier sur
la publication dans la Rundschau des mémoi-
res de Frédéric III.
La révélation peut-être la plus surprenante,
c'est que la proclamation « A mon peuple »
et le rescrit au chancelier par lesquels Frédé-
ric inaugura son règne de quatre-vingt-dix-
neuf jours avaient été rédigés dès 1885 par
M. Geffcken pour le Kronprinz.
A cette date, au mois de juin, un évanouis-
sement de l'empereur Guillaume à Ems avait
donné à penser que la fin du règne n'était
plus éloignée. Le docteur Geffcken a raconté
lui-même, pour appuyer sa prétention d'avoir
toujours eu le plus grand respect pour le
chancelier et d'avoir vu en lui le conseiller
indispensable de la couronne, que le Kron-
prinz lui avait exprimé le désir d'être prêt à
tout événement et, en particulier, d'être en
mesure de lancer éventuellement sans retard
les proclamations qui devaient suivre son
avènement. Ce serait chez le général de
Stosch, ex-chef de l'amirauté, dont les dé-
mêlés avec le chancelier ont eu jadis un grand
retentissement, dans sa terre d'Oestrich sur
le Rhin, que ces manifestes auraient été pré-
parés.
La teneur en aurait été décidée en pre-
nant pour point de départ l'intention ex-
presse du Kronprinz que justice fût ren-
;due aux services du chancelier. Dès le
1er août 1885, les deux projets (manifeste au
peuple, rescrit au chancelier) auraient été en-
voyés au Kronprinz, et après que quelques
corrections eurent été faites, le docteur Geff-
cken aurait eu une entrevue avec Frédéric à
Mainau dans le courant du même mois
d'août.
Ce récit a été confirmé de tout point par
les dépositions du baron de Roggenbach et
du général de Stosch. La rencontre de ces
trois noms ne peut manquer de paraître si-
gnificative à qui se souvient des espérances
jadis fondées par le parti libéral sur le géné-
ral de Stosch, qui, à un certain moment, fut
mis en ligne comme le successeur éventuel
du prince de Bismarck à la chancellerie.
Ceux qui sont au courant de l'histoire se-
crète de l'Allemagne contemporaine savent
quelle âpre lutte se livra entre le chancelier
et le chef de l'amirauté qui ne fut brisé et ne
donna sa démission que le 20 mars 1883.
Il ressort de l'aveu même de M. Geffcken
et des témoignages de MM. de Roggenbach
et de Stosch, qu'il existait auprès du Kron-
prinz une sorte de gouvernement en disponi-
bilité, qui n'avait assurément pas l'outrecui-
dance de prétendre renverser un homme
d'Etat de 1 envergure de M. de Bismarck,
mais qui n'en avait pas moins l'oreille de
Frédéric et la réalité de l'influence auprès du
futur souverain. II en résulte encore que le
fameux manifeste au peuple allemand, dont
l'accent si profondément libéral avait si vive-
ment ému tes sujets auxquels il s'adressait
en première ligne et l'Europe entière, pou-
vait bien exprimer la pensée du nouvel em-
pereur, mais qu'il n'était pas son œuvre pro-
pre et personnelle, comme on l'avait pensé.
Une phrase finale, jetée en quelque sorte
iFEdIJLJLEXO]*! EMU « TEKflﻩ »,
/|}. DU.18 JANVIER 1889 [23]
JUSTICE
IDETJXIiÈJVLB PARTIE
.• VII
Le temps n'était plus où à la taverne du Sport
on traitait Florentin en intrus; maintenant c'é-
tait un pensionnaire pour qui on avait, sinon
des égards, au moins une bienveillance d'habi-
tude il était de la maison.
Seul le maître jardinier était logé dans les
communs du château avec le premier cocher;
les aides se logeaient où ils pouvaient, dans le
village, et Florentin avait choisi la taverne du
Sport, qui lui semblait placée à souhait pour
ses recherches une mansarde dans le grenier
à côté de cinq ou six ouvriers qui couchaient là,
une place à table dans la salle commune, c'é-
tait précisément ce qu'il fallait à ses desseins.
Le logement lui donnait une sorte de passe-
port auprès des gendarmes, qui avaient de la
considération pour les Collier senior et junior,
toujours prompts à mettre la main au goulot
d'une bouteille. Et la place dans la salle com-
mune lui permettait d'entendre ce qui s'y disait,
en lui laissant la liberté toute naturelle de dire
un mot à propos, soit pour pousser la conversa-
tion plus loin qu'elle n'allait, soit pour lui impri-
mer une impulsion vers des conclusions qu'il
voulait faire accepter. Jamais il n'interrogeait
personne, mais d'un air indifférent ou niais il
écoutait tout le monde, et au besoin il savait
provoquer les bavardages de ceux qui sans lui
n'auraient rien dit.
Pendant les heures des repas, personne ne
pouvait s'étonner de le voir dans la salle com-
mune, où sa place était celle d'un pensionnaire
de la maison; mais, comme en dehors de ces
heures on aurait pu trouver étrange que le soir
il fût toujours là, il avait imaginé un prétexte
pour expliquer et légitimer sa présence il tra-
Traduction et reproduction interdites.
en post-scriptum et dont on ne voit pas très
bien le rapport avec le corps de l'accusation,
note que le Morier dont le nom revient sou-
vent dans la correspondance échangée entre
le docteur Geffcken et le baron de Roggen-
bach est l'ancien secrétaire à l'ambassade
d'Angleterre à Berlin, actuellement ambas-
sadèur de Sa Majesté britannique à Saint-
Pétersbourg. On ne voit pas bien clairement
quelle conclusion il faut tirer de ce fait. Tout
le monde sait, et sir Robert Morier lui-même
n'en a jamais fait mystère, qu'il était dans
l'intimité du Kronprinz Frédéric. Puisque
MM. Geffcken et de Roggenbach étaient,
comme le démontre surabondamment le récit
ci-dessus, les confidents politiques du prin-
ce, il n'est point surprenant que des rela-
tions étroites se fussent nouées entre ces
trois hommes.
Tels sont les deux points saillants de ce long
document. Quant au texte même de l'acte
d'accusation, il a pour objet d'établir, pour
nous servir de la phraséologie pédantesque
mais commode de la jurisprudence alle-
mande, la réalité objective et la réalité subjec-
tive du crime de haute trahison imputé à M.
Geffcken.
Le rédacteur a groupé sous six chefs prin-
cipaux les éléments constitutifs du crime
défini par l'article 92 du Code pénal. Il énu-
mère successivement les passages du Journal
de Frédéric dont la publication aurait violé la
nécessité du secret d'Etat 1° relativement à
la fondation de l'empire, et cela a, en com-
promettant les relations de la Prusse avec
d'autres gouvernements confédérés, b, en
compromettant les relations de l'empire avec
certains Etats étrangers en donnant à penser r
à ceux-ci que l'unité allemande n'est pas in-
destructible 2° relativement aux rapports de
l'empire avec la curie romaine, 3° à ses rap-
ports avec la Russie, 4° à ses rapports avec
l'Angleterre, 5° ses rapports avec le grand-
duché de Luxembourg et les puissances ga-
rantes, 6° à ses rapports avec la Belgique et
la France.
L'objectivité du délit une fois établie, l'acte
s'attache à en démontrer la subjectivité, c'est-
à-dire la conscience que M. Geffcken de-
vait posséder et possédait du caractère de sa
publication. Les preuves en sont cherchées
dans un récit détaillé de la vie du prévenu,
dans la réfutation, par l'examen de ses tra-
vaux, de la théorie d'une hypocondrie ou au-
tre affection mentale, enfin dans la corres-
pondance préliminaire échangée avec le di-
recteur de la Rundschau, le docteur Roden-
berg.
Après avoir ainsi éliminé les excuses et les
explications qui pourraient être mises en
avant, l'acte recherche directement les motifs
de la publication et ne croit pouvoir les trou-
ver que dans l'animosité invétérée du docteur
Geffcken contre le chancelier. C'est ici que
se place le récit de la préparation en 1885 du
manifeste et du rescrit, ainsi que la citation
des noms de MM. de Stosch, de Roggenbach
et Morier.
On sait, par les confidences de l'avocat de
M. Geffcken, M. Wolffson, que la haute
cour, composée, comme on le rappelle non
sans intention d'un certain côté, de sept Alle-
mands du Sud, sans un seul Prussien, a re-
connu l'objectivité de la haute trahison, mais
n'a pas cru pouvoir se prononcer affirma-
tivement sur le côté subjectif, c'est-à-dire sur
la conscience qu'aurait eue le prévenu du
caractère de son acte. #
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES •
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU T6Bip9
Berlin, 17 janvier, 8 heures.
La Chambre des députés du Landtag prussien a
constitué son bureau. L'ancien bureau a été réélu:
M. de Kœller, président; M. de Heeremann, premier
vice-président; M. de Benda, deuxième vice-pré-
sident.
Le ministre des finances a déposé le projet de
budget et a fait un exposé de la situation financière.
Un excédent de 36 millions de marcs de l'exercice
précédent sera affecté à un amortissement extraor-
dinaire de la dette de l'Etat.
Berlin, 17 janvier, 8 h. 25
Le projet de colonisation sera examiné aujourd'hui
en séance plénière par le Conseil fédéral, qui le ren-
verra à la commission. On croit que l'examen en
sera terminé très rapidement et que dès la semaine
prochaine le Reichstag pourra le discuter en pre-
mière lecture.
Vienne, 17 janvier, 8 heures.
Hier soir a eu lieu une réunion populaire en fa-
veur de l'oeuvre du cardinal Lavigerie. Deux mille
personnes, dont beaucoup de dames de l'aristocra-
tie, avaient répondu à l'appel du prince Frédéric de
Wrede, délégué du cardinal Lavigerie en Autriche.
Le jeune orateur, qui n'a que vingt-deux ans, a
fait une grande impression sur l'auditoire.
vaillait et, comme son travail devait être com-
pris par tous, il avait emprunté au maître jar-
dinier quelques numéros de la Revue horticole,
qu'il étalait sur sa table bien ostensiblement,
et dans lesquels il paraissait prendre des notes,
penché sur son papier, écrivant, écrivant sans
lever la tête, ce qui était tout naturel de la
part d'un garçon jardinier qui veut s'instruire
et qui, dans sa mansarde, n'a ni table ni lu-
mière pour écrire.
Le jour, c'était le bar qui avait des clients;
mais, comme les lads et les hommes d'écurie
doivent se lever avant le soleil pour la première
sortie en forêt, le soir c'était le cabaret à la
française qui recevait des ouvriers et quelques
paysans. Les Anglais n'avaient rien à appren-
dre à Florentin, comme ils n'avaient pas de
mot d'ordre à recevoir de lui, tandis qu'avec
les gens du pays il en pouvait être tout autre-
ment.
En temps ordinaire, il est probable qu'on ne
se serait guère occupé de Mme Ranson; mais,
alors qu'elle se mariait, son nom, celui de ses
enfants, celui de Saniel, revenaient à chaque
instant dans les conversations.
Quel serait ce mari qui allait devenir le maî-
tre au château? La question n'était indifférente
pour personne, puisque tout le monde dans le
pays se trouvait en relations plus ou moins
directes avec le propriétaire de ce château ou-
vriers, fournisseurs, braconniers, voisins de
terre: Ferait-il garder sa chasse plus sévère-
ment que Mme Ranson? Serait-il plus dur
qu'elle pour le règlement des dégàts causés par
le gibier? Donnerait-il à travailler? Recevrait-
on ? Dépenserait-on ? 2
Et chacun apportait son mot que Florentin
recueillait et casait dans sa mémoire lorsqu'il
avait un intérêt ou semblait pouvoir en avoir
un plus tard, avec le nom de celui qui l'avait
dit, de façon à invoquer ce témoignage le mo-
ment venu.
Sur Saniel, on ne pouvait rien lui apprendre
qu'il ne sût mieux que ceux qui parlaient; mais
il n'en était pas de même pour Mme Ranson,
pour ses enfants, et pour leurs parents établis
dans les villages environnants: de ce côté, cha-
que mot avait son importance.
Quand Mme Ranson était venue habiter Ve-
nette avec ses enfants, tous les Ranson des en-
virons, de Senlis, de Courteuil, d'Aumont, qui,
par un lien quelconque, de près ou de loin, te-
naient à la famille de son mari avaient été sa-
tisfaits de son arrivée ceux qui étaient pau-
vres, parce qu'on en pourrait certainement tirer
quelque c.hnsc en cas de besoin: ceux aui
Plusieurs autres discours ont été tenus, entre au-
tres par le père Angelis, commissaire pontifical dos
Lieux-Saints, et le pasteur Zimmermann, de la com-
munauté évangélique.
Une discussion s'est engagée sur les statuts de la
société en formation. Un des assistants a demandé,
si les déclarations de M. de Bismarck au Reichstag
sur les dangers d'une abolition actuelle de l'escla-
vage n'entraveraient pas l'oeuvre de l'Association.
Répondant a un autre interpellant, le prince de
Wrede déclare que l'association qu'il s'agit de créer
n'aura aucun caractère confessionnel. Quant aux
moyens de propagande, on peut s'en remettre au
cardinal Lavigerie. Le président de la réunion an-
nonce que tous les dons et cotisations seront mis à
la disposition du cardinal. Finalement, un comité a
été désigné pour rédiger les statuts définitifs.
Vienne, 17 janvier, 8 h. 30.
On mande de Varsovie à la Correspondance poli-
tique que des reconnaissances de cavalerie et des
relevés topographiques ont eu lieu fréquemment
dans ces derniers temps sur une partie de la fron-
tière galicienne.
Budapest, 17 janvier, 8 h. 50.
Le parti libéral, dans une réunion, a décidé qu'il
approuverait la loi militaire, et même l'article 14 re-
latif à l'examen sur la langue allemande des officiers
de la réserve. Seul du parti, M. Horwat, vice-pré-
sident de la Chambre, maintient son refus de voter
la loi.
On dit que le ministre des honweds, le baron Fe-
jervary, est parti pour Vienne pour soumettre à
l'empereur les modifications qu'on pourrait intro-
duire dans le règlement militaire, et qui donneront
en partie satisfaction à l'opposition.
Rome, 17 janvier, 10 heures.
On dit qu'à la suite de pourparlers de Mgr Lavi-
gerie, pendant son séjour ici, le pape aurait modifié
ses intentions à propos du prochain consistoire qui
serait retardé et aurait lieu seulement en mars. Les
cardinaux français y seraient créés.
Madrid, 17 janvier, 10 heures.
Le conseil des ministres va proposer à la reine
une amnistie générale pour les délits de presse.
On a arrêté quatre personnes auteurs présumés
des pétards èL Madrid.
(Service Havas)
Vienne, 17 janvier.
Le Fremdenblatt, en se basant sur des informations
qu'il dit tenir de bonne source, dément la nouvelle
envoyée à la ftovoïé Vrêtnia par son correspondant de
Vienne, et d'après laquelle l'Autriche-Hongrie se pré-
parait à occuper tout le sandjak de Novi-Hazar. Cette
nouvelle, ainsi que tous les renseignements qui s'y
rattachent, serait une pure invention.
Madrid, 17 janvier.
Le syndicat des exportateurs et commerçants en
vin de Valence a décidé de soumettre les opérations
faites sur les vins italiens destinés à l'Amérique à
l'inspection du consulat français, afin de donner à ce
dernier l'assurance que les vins italiens ayant subi
un mélange de vins espagnols ne seront pas exportés
en France. On espère obtenir ainsi que le consul de
France continue à délivrer des certificats d'origine.
On mande de Tanger
Plusieurs ministres étrangers, imitant le ministre
d'Espagne, ont obtenu du sultan l'autorisation de réu-
nir une certaine quantité de blé pour leurs nationaux,
afin de parer à la disette causée par l'interdiction du
cabotage des grains.
Nimes, 16 janvier.
Le conseil général se réunira en session extraordi-
naire le 21 janvier, pour délibérer sur les mesures que
peuvent nécessiter les dommages causés par les inon-
dations dans le Gard.
L'Association nationale républicaine adres-
se un pressant appel à ses adhérents du dé-
partement de la Seine. Le caractère de l'élec-
tion du 27 janvier, y est-il dit, ne saurait plus
faire de doute pour personne. Voter pour M.
Jacques, c'est voter pour la République con-
tre la dictature. Dès lors, comment pourrait-
on hésiter et prêter l'oreille à ceux qui con-
seillent l'abstention. « Quand la lutte est en-
gagée comme elle l'est, entre la liberté et le
césarisme, s'abstenir, c'est déserter. » Cha-
que jour nous apporte la preuve que le parti
républicain tout entier comprend les exhor-
tations que lui donnent, de tant de côtés dif-
férents, les vétérans de la démocratie. Par-
tout on s'organise, on se sent les coudes, on
s'apprête à marcher contre l'homme qui ose
menacer, avec la complicité ou l'indulgence
bienveillante de toutes les réactions, nos
libertés si chèrement acquises. Il y a dans
cette unanimité d'efforts, dans cette harmonie
vaillante des consciences républicaines quel-
que chose de réconfortant. Il fait bon de
constater combien ce peuple de Paris qui se
laisse aller à caresser parfois d'étranges et
dangereuses fantaisies, qui a ses caprices et
ses engouements difficilement explicables,
garde vigoureuse et tenace dans son cœur
la haine du césarisme. On verra plus loin le
compte rendu des réunions d'hier. Dans tous
les quartiers de Paris la candidature répu-
blicaine de M. Jacques a été acclamée, par-
tout on a dénoncé et flétri les détestables
espérances de son adversaire. D'un autre
côté, les hommes les plus universellement
respectés du parti républicain conservateur,
ceux dont l'esprit de sagesse et de modération
s'est affirmé dans toute une carrière de dé-
vouement au pays, donnent publiquement
leur adhésion à la candidature républicaine
étaient à leur aise, parce que leur parenté avec
la riche propriétaire du château de Venette
donnait des satisfactions à leur vanité tous
enfin par ce sentiment de vague espérance qui
fait que les héritiers au degré successible d'un
parent riche admettent toujours comme possi-
ble la réalisation de leur droit d'héritage, sans
se préoccuper de leur degré de parenté et des
obstacles qu'ils pourront rencontrer avant que
la succession ne s'ouvre. Ils sont parents, cela
suffit. Qui sait ce qui peut arriver qui vivra,
qui mourra? On a aux mains un billet de lote-
rie on y tient, si faibles que soient les chances.
Et l'on ne parlait de la veuve du cousin Ranson
qu'avec un intérêt bienveillant « Une bonne
femme, la cousine Et les petits cousins, de
bien jolis enfants 1 Un peu faiblots tout de
même. C'est pâle. Ça n'a pas d'os. Vi-
vront-ils ? »- Il est vrai que, s'ils ne vivaient
point, c'était leur mère qui héritait d'eux; mais
quand, entre soi et un héritage de plusieurs
millions, on ne trouve qu'une seule personne,
on se dit facilement que cette personne n'est pas
immortelle. Rien n'était plus légitime que d'ad-
mettre que Mme Ranson pût mourir avant ses
fils; alors qui hériterait d'eux, s'ils disparais-
saient à leur tour, les petits cousins un peu fai-
blots, et n'atteignaient point l'âge de se marier?
Et même, en poussant les choses au pire et en
acceptant que la mère survécût à ses fils, n'é-
tait-il pas légitime aussi de penser qu'une hon-
nête femme comme elle, qui n'avait que des
parents éloignés qu'elle ne voyait point, voulût,
par un testament qui serait un acte de justice,
rendre aux Ranson la fortune qui avait été ga-
gnée par un Ranson? C'était ainsi qu'on avait
raisonné depuis son arrivée à Venette mais,
quand on avait appris que l'honnête femme se
mariait, elle n'avait plus été qu'une gueuse.
Pourquoi se permettait-elle d'abandonner le
nom des Ranson qu'on était fier de lui voir
porter ? Remariée, elle n'était plus seule elle
aurait de nouveaux enfants,frères ou sœurs
des deux petits cousins faiblots etquieux, n'au-
raient aucun lien de parenté avec les Ranson;
elle avait son mari, et si elle héritait de ses
deux aînés, c'était à ses jeunes enfants qu'elle
laissait légalement la fortune ou, si c'était par
testament, à son mari et non à la tribu des
Ranson. Un vol, quoi I
Et quand quelques-uns de ces Ranson ve-
naient le soir ou le dimanche à la taverne :'du
Sport, ils ne se gênaient point pour dire tout
haut le mépris que ce mariage leur inspirait.
Je vous demande un peu qu'est-ce qu'elle
a besoin de se marier, c'te femme i
et engagent avec une .véhémence persua-
sive tous leurs amis à combattre pour la
liberté. Aussi avons-nous pleinement con-
fiance, en dépit des rodomontades boulan-
gistes. Le candidat de MM. Rochefort et La-'
guerre peut appeler chez lui les électeurs
qu'il, suppose influents, leur saisir les deux
mains, leur adresser un de ces engageants
sourires auxquels, paraît-il, on ne résiste
pas, leur parler de l'Europe qui nous con-
temple, vanter devant eux la majorité écra-
sante qu'il attend, il n'y a plus de naïfs pour
se laisser prendre à ce charlatanisme. C'est
lorsque les registres de location restent vides
que la direction fait mettre sur les affiches,
en caractères gigantesques Immense succès!
«**
Nous avons reçu la lettre suivante
On oppose à la candidature de M. Jacques
qu'elle met les républicains constitutionnels
dans une alternative qu'ils ne sauraient accep-
ter voter pour un prétendant à la dictature
ou pour un représentant de l'autonomie com-
munale et du radicalisme. On ajoute que,
dans une question ainsi posée, les hommes
d'ordre n'ont d'autre parti à suivre que l'abs-
tention.
C'est là, selon moi, méconnaître la ques-
tion, la déplacer, je dirais presque la dé-
guiser.
La vérité est que, dans la situation où la
candidature de M. Jacques s'est produite, la
personne de M. Jacques disparaît complète-
ment.
Je n'insiste pas sur le fait que ce candidat,
nommé à la fin d'une session et d'une légis-
lature, ne fera que se montrer à la Chambre
des députés et ne saurait y devenir un per-
sonnage.
v Ce qui importe, et ce que les adversaires
de la candidature ne veulent pas considérer,
c'est que M. Jacques n'est bon gré mal gré
en ce moment que le premier venu, un nom,
un chiffre, un jeton. Il n'a point été choisi et
surtout les partisans de sa candidature ne s'y
sont point ralliés à cause de ses opinions;
on en a plus ou moins fait abstraction. Le
conseiller général, l'autonomiste, le radical
ont disparu pour ne plus laisser subsister
que l'adversaire de l'autre candidat.
M. Jacques, à l'heure qu'il est, ne repré-
sente qu'une chose, la nécessité de faire échec
à l'élection du général Boulanger.
Et j'ajoute que ce n'est pas là une subtilité,
c'est ce qui crève les yeux. L'équivoque n'est
point possible; le radicalisme ne tirera, il ne
peut tirer aucun profit d'une élection dans
laquelle il sera notoire que ses adversaires
les plus résolus ont cru pouvoir voter avec
lui.
Comment l'élection de M. Jacques serait-
elle un péril pour les opinions modérées?
Quel dommage risque-t-elle de leur appor-
ter ? Les partisans de l'abstention n'essayent
pas même de le dire. Ils parlent au nom des
principes; ils s'obstinent à n'envisager la
question que dans l'abstrait. Je ne me rap-
pelle pas avoir vu un exemple plus frappant,
plus classique de la différence entre 1 esprit
politique et l'esprit doctrinaire.
M. de Freycinet en rétablissant, par son ar-
rêté du 14 janvier, les soldats de première
classe, récemment supprimés, a pris une me-
sure dont nous ne pouvons que le féliciter.
Les considérants de cet arrêté sont brefs
mais catégoriques « Il y a intérêt à entretenir
l'émulation parmi les soldats de toutes armes. »
C'est ce que nous n'avons cessé de répéter à
propos de la suppression absolue des soldats
première classe. L'émulation doit être un sti-
mulant pour tous dans l'armée, pour les plus
humbles comme pour les plus élevés. Mais M.
de Freycinet, ayant les mains liés par un vote
du Parlement, a dû chercher le moyen d'entre-
tenir cette émulation parmi les simples soldats
sans imposer au budget aucune charge spé-
ciale en conséquence, les soldats de première
classe n'auront droit à aucun avantage spécial
de solde. Nous le regrettons; nous persistons à
penser que le léger supplément de solde accordé
autrefois à la lre classe était un encouragement
pour de braves serviteurs à qui le défaut d'ins-
truction barrait le chemin de l'avancement. II
y avait donc lieu, suivant nous, de diminuer,
dans une forte proportion, le nombre des sol-
dats de lre classe, mais de conserver l'institu-
tion telle qu'elle existait. Nous ne prétendons
pas dire par là qu'il faille employer vis-à-vis
du soldat le mobile de l'intérêt pécuniaire. Le
supplément de solde était si léger qu'il ne sau-
rait avoir ce caractère, mais il rendait aux
yeux de la troupe la différence entre la pre-
mière et la deuxième classe beaucoup plus tan-
gible que ne pourra le faire un galon de laine.
Le plus grand avantage que nous voyions au
rétablissement du galon de première classe,
c'est de donner aux meilleurs soldats un
insigne qui leur assurera, en l'absence
des sous-officiers et des caporaux le com-
Avec sa fortune 1
C'est donc une coureuse ?
Et ce médecin de Paris, pourquoi l'épouse-
t-il ?
Si c'est un grand médecin, comme on dit,
il gagne bien assez d'argent on sait ce qu'ils
se font payer, les médecins 1
C'est donc une canaille?
Parmi ces Ranson, il y en avait un plus as-
sidu que les autres à la taverne du Sport, où
très souvent le soir il venait prendre un quatre-
sous, et surtout causer avec les deux Collier.
C'était un vieux paysan, qui affectait la simpli-
cité et la bonhomie pour cacher un esprit ma-
dré et retors que la nature lui avait donné,
et que la vie avait singulièrement aiguisé. S'il
n'était pas riche, au moins possédait-il une
bonne aisance, gagnée à cultiver son bien et
surtout à faire le commerce de vieux chevaux
de courses avariés ou claqués, qu'il achetait
pour presque rien sur les indications des deux
Collier père et fils, et qu'il revendait avec de
jolis bénéfices après les avoir reboutés et remis
en état dans ses prairies de la Nonette.
Celui-là- Sophronyme Ranson criait de
beaucoup le plus fort contre ce mariage qui
dérangeait ses espérances et ses plans, car il
était l'homme des calculs à longue échéance,
et plus qu'aucun autre Ranson il avait cru
que la fortune « des petits cousins » lui revien-
drait un jour en partie, non pour lui il avait
déjà assez de son bien à faire valoir, mais pour
son fils, vétérinaire à Paris, qui était un gar-
çon que la richesse n'embarrasserait pas.
C'était lui qui, le premier, avait déclaré que
Saniel ne pouvait être qu'une canaille, et ce
mot, auquel il tenait, il le répétait à chaque in-
stant, comme si cette répétition était un soula-
gement pour sa déception et sa colère.
Canaille Saniel cela n'apprenait rien à Flo-
rentin, et à entendre répéter tous les jours cette
injure, qui la première fois l'avait rendu si at-
tentif, il se dépitait. Evidemment, il était bon
que contre Saniel il se formât dans le pays une
opinion hostile, dont un jour on pourrait tirer
parti; mais ce qui eût été mieux, c'eût été que
cette opinion, au lieu de reposer sur des propos
de cabaret, eût une base plus solide, formée de
faits précis. Quand il vit que ces propos se ré-
pétaient toujours les mêmes, il se décida à in-
tervenir pour leur donner cette base qui leur
manquait.
Mais cette intervention était pour lui d'une
telle gravité, qu'il devait manœuvrer de fa-
çon qu'on ne pût pas voir sa main. Il avait sa
place à garder au château, qu'il ne pouvait pas
mandement sur leurs camarades. C'est là,
sans doute, un avantage précieux avec nos ef-
fectifs de guerre si nombreux, mais qui acquer-
rait un prix plus considérable encore si ces sol-
dats de première classe étaient d'anciens sol-
dats ayant servi plus de trois ans et maintenus
sous les drapeaux en vertu de dispositions qu'il
serait facile d'insérer dans la loi du recrute-
ment.
.+
LE COMMERCE DE LA FRANCE
EN DÉCEMBRE 1888
Voici quels ont été les mouvements de notre com-
merce extérieur dans le mois de décembre des an-
nées 1887 et 1888
DÉCEMBRE
Importations 1888 18S7
Objets d'alimentation. 149.236.000 159.315.000
Matières nécessaires à l'in-
dustrie. 177.882.000 191.954.000
Objets fabriqués 51.465.000 58.918.000
Autres marchandises 10.734.000 16.157.000
Totaux. 389.317.000 426.344.000
Exportations
Objets d'alimentation. 74.593.000 69.462.000
Matières nécessaires à l'in-
dustrie. 61.190.000 78,181.000
Objets fabriqués 153.753.000 160.829.000
Autres marchandises. 21.204.000 21.861.000
Totaux. 310.740.000 330.333.000
Le mois de décembre, comme le mois de novem-
bre d'ailleurs, s'est ressenti du mouvement impor-
tant des échanges qui s'était produit dans le courant
du mois d'octobre. Nos exportations de produits fa-
briqués et nos importations de matières premières
nécessaires à l'industrie sont en diminution.
Par contre, il y a un fait rassurant, c'est la ré-
duction de nos achats d'objets d'alimentation. Il
semble, comme on l'avait craint, qu'il n'y ait pas eu
un déficit ti*>p accentué de notre récolte de céréales,
car nos importations de blé sont à peine la moitié
de ce qu'elles avaient atteint en 1879 et 1880.
Le tableau suivant donne, d'autre part, l'ensem-
ble de nos échanges pour les années 1887 et 1888.
On ne pourra se rendre compte exactement des
mouvements qui se sont produits que le jour où
l'administration aura publié sa statistique mensuelle
de la douane.
Importations 1888 1887
Objets d'alimentation. 1.485.186.000 1.405.019.000
Matières nécessaires à. l'in-
dustrie. 1.906.752.000 1.951.388.000
Objets fabriqués 545.053.000 546.762.000
Autres marchandises. 115.914.000 122.797.000
Totaux. 4.052.905.000 4.025.966.000
Exportations
Objets d'alimentation. 669.270.000 6S6.645.000
Matières nécessaires à l'in-
dustrie. 690.478.000 695.175.000
Objets fabriqués. 1.656.317.000 1.677.814.000
Autres marchandises. 194.6S5.000 186.865.000
Totaux. 3.210.730.000 3.246.499.000
L'AFFAIRE GEFFCKEN
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 17 janvier, 8 heures.
(Voici les documents que publie le Reichsanzeiger, et
dont nous parlons plus haut.)
Le Reichsanzeiger publie une lettre de l'empereur
au chancelier de l'empire ainsi conçue
« Sur votre rapport du 13 courant, je vous charge
de faire aux gouvernements confédérés et au
Reichsanzeiger les communications officielles né-
cessaires pour permettre aux gouvernements et aux
sujets de l'empire de se faire une opinion person-
nelle sur l'action de la justice impériale dans l'in-
struction contre le professeur docteur Geffcken.
A cet effet, j'arrête que l'acte d'accusation contre le
docteur Geficken sera publié dans le Reichsanzeiger
et communiqué avec les pièces justificatives au
Conseil fédéral pour, qu'il en soit fait usage dans le
sens qu'indique votre rapport.
» GUILLAUME II.
•> Berlin, 13 janvier 1889. »
Cette autorisation avait été sollicitée par un rap-
port que M. de Bismarck avait adressé à l'empereur
et dont voici le texte
» Berlin, 13 janvier 1889.
» En me référant très respectueusement à mon
rapport du 23 septembre dernier, je me permets de
présenter très humblement à Votre Majesté la dé-
cision du tribunal de l'empire du 4 janvier, concer-
nant le procès intenté au docteur Geffcken, conseil-
ler intime. En vertu de cette décision, le tribunal a
reconnu que le résultat de l'instruction préliminaire
fournissait des motifs suffisants de croire que l'in-
culpé, par sa publication dans la Deutsche Rund-
schau, avait divulgué des nouvelles dont le secret
vis-à-vis de gouvernements étrangers eût été dési-
rable pour l'intérêt de l'empire allemand. Cependant
l'accusé a été relaxé des poursuites, parce que le
tribunal n'a pas été d'avis qu'il y eût des motifs
suffisants d'admettre qu'il eût conscience de la cul-
pabilité de son acte.
» Mon très respectueux rapport du 23 septembre
dernier avait été provoqué par cette circonstance
que la publication du Journal de feu l'empereur Fré-
déric publication dont l'auteur était alors inconnu
avait donné lieu, dans la presse allemande et
étrangère, à des travestissements qui avaient en-
core aggravé le caractère nuisible de cette publica-
tion pour l'empire et la maison royale. Un traves-
tissement analogue des faits et de la procédure ju-
diciaire, ainsi que des motifs de son ouverture et de
sa clôture, a lieu également en ce moment dans la
s'exposer à perdre par une imprudence. Et,
d'autre part, il importait que jamais on ne pût
remonter au point de départ de la direction
qu'il voulait imprimer aux idées de ces enne-
mis de Saniel.
Un soir que Sophronyme Ranson, en buvant
un quatre-sous avec le blacksmith, déblatérait à
une table éloignée contre cette canaille de méde-
cin, Florentin, qui semblait absorbé par son tra-
vail dans un coin opposé, leva la tête et dit à mi-
voix, mais en s'adressant à son voisin de façon
à être entendu et compris
C'est ça qui serait malheureux tout de
même.
Qu'est-ce qui serait malheureux? demanda
le voisin.
Ce que dit ce vieux là-bas que les deux
petits messieurs soient tourmentés par le mé-
decin.
Et il se remit à copier ses notes.
Son mot comme, il l'espérait, ne fut pas per-
du au bout de quelques minutes, il l'entendit
répété et précisé par Sophronyme Ranson, qui
criait
Ce qui me fait le plus de chagrin dans tout
ça, c'est de voir ces deux pauvres garçons, les en-
fants de mon propre cousin, à moi, devenir les
martyrs de cette canaille de médecin.
C'est donc vrai qu'il les fait travailler dur?
dit une voix.
Des enfants qui seront riches un jour à
acheter tout le pays, criait Sophronyme Ran-
son, les faire travailler comme des ouvriers! l
Mais qu'est-ce qu'il leur fait donc faire?
Il faut demander ça au Normand, dit Col-
lier.
Puis, appelant Florentin:
Eh Normand, venez donc un peu ici.
J'ai à travailler.
Venez prendre un quatre-sous, vous re-
tournerez travailler tout à l'heure à vos livres.
Florentin se leva avec une répugnance bien
marquée, en laissant ouvert son cahier de notes
comme un homme pressé d'y revenir.
Sur un signe de Collier, le quatre-sous avaif
été servi sur la table où il était assis vis-à-vis
du vieux paysan.
A votre santé dit celui-ci.
A la vôtre répondit Florentin.
Ils sont donc bien malheureux, mes petits
cousins? dit Sophronyme.
Malheureux I
-On les tourmente donc ?
On les tourmente I
Oui.
•i- Quhest-ce qui les tourmenterait? 1 Ji
presse allemande et étrangère hostile à l'empire, et
on l'exploite pour soupçonner l'impartialité et le
crédit des organes de la justice impériale. Ces ma..
nœuvres ont pour but de présenter l'action du pro-
cureur de l'empire et du tribunal impérial sous un
jour de partialité et de persécution tendancieuse.
» En conséquence, c'est une nécessité pour les or-
ganes judiciaires de Votre Majesté dans l'empire de
présenter d'abord aux gouvernements confédérés,
puis à l'opinion publique des sujets de l'Empire^
leur propre jugement sur l'affaire, débarrassé dos
falsifications de la presse hostile à l'empire. Ce ré-
sultat ne peut être atteint que si l'ensemble des do-
cuments qui ont amené la décision du procureur
impérial et du tribunal de l'empire est porté à la
connaissance de tous ceux qui y ont un intérêt légi-
time, afin que la conduite des fonctionnaires de la
justice impériale soit tenue partout pour équitable et
conforme à la vérité des faits.
«Ce but serait atteint, à mon respectueux avis, si
Votre Majesté daignait ordonner la publication de
l'acte d'accusation par le Reichsanzeiger et sa com-
munication aux gouvernements confédérés par l'or-
gane du Conseil fédéral, en y ajoutant ce très res-
pectueux rapport et l'ensemble du matériel d'ac-
cusation contre le professeur Geffcken, pour qu'il en
soit fait usage dans l'esprit que je viens d'indiquer.
En cas de souveraine adhésion à cette manière de
voir, je me permets très respectueusement de pro-
poser la très gracieuse sanction du projet d'ordon-
nance ci-joint.
» DE BISMARCK. »
Le Reichsanzeiger publie ensuite l'acte d'accusa-
tion. En voici le réumé
Tout d'abord on a cru que le Tagebuch était l'œu-
vre d'un faussaire. Cette accusation n'a pas été con-
firmée. L'éditeur de la Rundschau, M. Paetel, avait
d'abord refusé toute explication; mais, en apprenant
qu'il s'agissait de.haute trahison, il a nommé M.
Geffcken comme ayant envoyé le manuscrit. Arrêté
aussitôt, Geffcken en ce qui concerne la provenance
du Tagebuch., déclare que, ayant connu l'empereur
Frédéric lorsque celui-ci étudiait à Bonn, il a toujours
été honoré de sa bienveillance particulière. En 1873,
Geffcken étant professeur à Strasbourg, le kron-
prinz lelfit venir à Wiesbaden, où il écrivait un Ta-
gebuch sur la guerre de 1870. Il a permis à Geffcken
de l'emporter à Carlsbad. Après trois semaines, Gef-
fcken a renvoyé le Tagebuch, mais après avoir co-
pié et gardé un extrait de vingt pages contenant
surtout des renseignements politiques, M. Geffcken
avoue qu'il n'avait pas demandé la permission do
faire et de garder cet extrait; mais il s'y est cru ta-
citement autorisé il n'aurait jamais publié cet ex-
trait du vivant de l'auteur, et il ne pensait pas
alors à l'éventualité que le kronprinz pourrait mou-
rir avant lui.
Après la catastrophe de juin 1888, Geffcken s'est
décidé à envoyer le manuscrit, revu et diminué de
cinq pages, à la Rundschau; mais la publication de-
vait avoir pour lui un caractère non pas politique,
mais historique. Il a voulu réfuter l'opinion trop ac-
créditée que l'empereur Frédéric était un idéologue,
et montrer que c'était un homme d'Etat positif qui
avait le plus contribué à mettre en mouvement la
création de l'empire allemand. Il n'a pas été autorisé
à cette publication, et il ne croit pas que l'impéra-
trice Frédéric eût accédé à sa prière s'il lui avait
d'abord demandé l'autorisation.
Le ministère de la maison impériale déclare qu'il
y a trois exemplaires du Tagebuch déposés aux ar-
chives de famille; deux sont autographiés et
identiques. Le troisième exemplaire, qui contient
beaucoup de changements, semble avoir été écrit
par un secrétaire, mais contient des correc-
tions et additions de la main du kronprinz. Il est
probable que c'est le majordome du kronprinz, M.
Krug, qui a écrit cet exemplaire, lequel n'est pas
celui confié à Geffcken, puisque d'après sa déclara-
tion il s'agissait d'un manuscrit olographe de sept
cents pages. Cet exemplaire doit avoir été détruit.
C'est d'ailleurs ce qu'a déclaré Krug. Il ne semble
pas probable que Krug ait reçu du kronprinz
comme cadeau une copie du Tagebuch de 1870. La
veuve Krug déclare que son mari n'a reçu qu'une
copie autographiée du Tagebuch sur 1866 et sur le
voyage en Orient, mais rien sur la guerre de France
au contraire, elle a toujours entendu dire que ce
dernier Tagebuch ne devait pas être publié.
L'affirmation de Geffcken que le kronprinz ne te-
nait pas beaucoup au secret du Tagebuch est contre-
dite par le général de Stosch, à qui le kronprinz a
refusé d'en faire communication parce qu'il y avait
trop de choses personnelles. Une déclaration ana-
logue a été faite à M. Gustave Freitag, qui a été au
quartier général du kronprinz en 1870 et l'a vu sou-
vent de 1873 à 1876, à Potsdam. Le kronprinz lui a
bien communiqué le Tagebuch, mais l'a prié de ne
pas le faire lire à des tiers, à cause des passage»
sur la fondation de l'empire allemand.
La publication était de nature à troubler les rela-
tions de l'Allemagne avec la Russie, la France, la
Luxembourg, l'Angleterre, la Belgique et différents
Etats fédérés de l'empire.
De nombreux extraits du Tagebuch se rapportant
à cette imputation sont cités par l'acte d'accusa-
tion.
Les souverains faisant partie de l'empire ont dû
éprouver de la méfiance, même pour les futurs rois
de Prusse, en apprenant que l'héritier de la cou-
ronne de Prusse voulait faire renoncer les Etats du
Sud à leurs droits, au bénéfice de l'empereur d'Alle-
magne. Les rapports de Munich, Dresde et Stutt-
gart confirment tous l'impression désastreuse cau-
sée dans ces capitales par la publication. La crainte
de voir se renouveler le projet de soumission des
Etats du sud à la couronne de Prusse a pu faire
hermer chez ces Etats l'idée de s'assurer de l'ave-
nir en prenant des arrangements avec d'autres puis-
sances. Le représentant de la Prusse à Stuttgart
mande que la publication du l'agebuch a causé de
nouveaux mécontentements et a mis les partis aux
prises.
Les passages relatifs à l'infaillibilité dn pape ont
été exploités par les intransigeants dans l'entou-
rage de Léon XIII. Un rapport de M. de Schlœzer
en fait foi, et le Vaterlana de Vienne se réjouit en
songeant que les relations entre Berlin et le Vati-
can seront troublées, et que le centre aura de nou-
velles armes contre le gouvernement.
Les relatione avec l'Angleterre auraient pu être
compromises, parce qu'il fallait tenir secrètes les
énonciations du kronprinz se plaignant de la pré-
Leur beau-père.
Si c'est des choses sur le compte des pa-
trons, ça ne me convient pas de parler; vous
savez, j'ai besoin de gagner ma vie, je ne veux
pas être renvoyé.
On ne vous demande rien sur le compte
des patrons, dit Collier, mais si on fait travail-
ler les jeunes messieurs.
Oh pour ça, oui, et dur encore le matin,
scier du bois pendant deux heures à midi,
jardiner pendant deux heures encore, ça n'est
pas doux pour des jeunes gens qui n'ont pas de
cals aux mains. Pas plus tard que ce matin, je
passais devant la remise où ils sciaient leur
bois, et j'entendais des han 1 des han 1 je regar-
de et je vois les deux garçons qui sciaient tant
qu'ils pouvaient. C'était à faire pitié, époumo-
nés qu'ils étaient; mais ils tenaient bon quand
même, les cheveux plein la figure, la sueur leur
tombait sur les mains. Alors je leur ai pris leur
scie et, dame je leur en ai scié un bon tas co-
riace que c'était du charme plein de nœuds la
scie n'entre pas.
Vous êtes un bon garçon, vous, dit Sophro-
hyme d'un air attendri. Une autre tournée,
hein?
Merci bien de la politesse 1 r
Après avoir vidé sa seconde tournée, Floren-'
tin continua.
C'est comme le travail du jardin pour
nous autres, deux heures ce n'est rien, n'est-ce
pas eh bien, eux, il y a des jours où l'on dirait
qu'il vont en mouri, c'est surtout quand ils
arrosent. Pour nous, une bonne partie de l'arro-
sage se fait à la lance mais, pour eux, ils doi.
vent arroser tout leur jardin à l'arrosoir.
C'est trop fort s'écria Sophronyme.
C'est comme je vous le dis et ils en ont
quelquefois pour leurs deux heures. Ce qu'ils
sont mouillés, il faut voir ça. Pour un métier
sain, il est sûr que ce n'est pas un métier sain; 9
les pieds et les bras dans l'eau froide, et elle
est froide, notre eau de source le soleil sur la
tête j'ai vu des garçons maraîchers qui ont
gagné à ça des fluxions de poitrine.
Et qui sont morts, dit .Sophronyme.
Dame, oui.
Florentin se hâta de regagner sa place, où il
se plongea dans son travail ce qu'il avait dit
suffisait pour ce soir-là, surtout avec un vieux
madré comme ce paysan il eût procédé par
accusations formelles contre Saniel qu'il n'eût
pas produit plus d'effet que par ce récit de fait*
vrais.
vra.is. lA suivre,} HECTOR MALOX
(A suivre,} ̃; ̃• ,•:̃• :R; <; ̃
VENDREDI 18 JANVIER 188&
^TINGT-NEUVIEME ANNÉE. N° 10120
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PARIS.. 7777 Trois mois, 14 fr. Six mois, 28 fr. Un an, 66 frf
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(Droit d'insei-lion réservé à la rédaction.)
l BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
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PARIS ..7 Trois mois, 1 4 fr. Six mois, 2 8 fr. Un an, 56 fr.
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TOION EÛSÏALE ISfr.; i 36 fr.; 72 fr.
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQUE MOIS
XJn numéro <» Paris) 1£» centimes.
Directeur politique Adrien Hébrard
La rédaction ne répond pas des articles communiqués
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
Adresse télégraphique TEMPS PARIS
PARIS, 17 JANVIER
BULLETIN DU JOUR
Le prince de Bismarck avait ses raisons
pour étonner le Reichstag et le public par
'insignifiance comparative de sa rentrée en
scène à la tribune du Parlement. Il ména-
geait à l'Allemagne et au monde une de ces
surprises qui sont décidément passées dans
les habitudes du cabinet de Berlin.
Le Moniteur de l'Empire a, d'ordre exprès
du souverain, publié l'acte d'accusation qui
avait été dressé contre M. Geffcken et les
pièces à l'appui. Cette publication, dont on
trouvera plus loin le texte, cause en Allema-
gne une sensation considérable.
Il semble tout d'abord que l'on porte de-
vant le public le procès qui n'a pu se dérou-
ler devant la haute cour de Leipzig. Le gou-
vernement impérial, qui est assez fort pour
ne pas s'asservir à la routine, use une fois
de plus du procédé démocratique qui con-
siste à faire appel à la nation tout entière des
arrêts d'un tribunal régulier. Il n'est que les
vieilles monarchies, d'ordinaire si respec-
tueuses de l'étiquette et si jalouses du secret
d'Etat, pour oser à l'occasion ouvrir à deux
battants soit les archives des ministères, soit
les greffes des tribunaux.
Comme bien l'on pense, il s'agit d'atténuer
l'effet de l'arrêt de non-lieu et de démontrer
que le chancelier n'était pas aux prises avec
des fantômes sortis de son imagination, lors-
qu'il adressait à l'empereur son fameux rap-
port immédiat du 23 septembre dernier sur
la publication dans la Rundschau des mémoi-
res de Frédéric III.
La révélation peut-être la plus surprenante,
c'est que la proclamation « A mon peuple »
et le rescrit au chancelier par lesquels Frédé-
ric inaugura son règne de quatre-vingt-dix-
neuf jours avaient été rédigés dès 1885 par
M. Geffcken pour le Kronprinz.
A cette date, au mois de juin, un évanouis-
sement de l'empereur Guillaume à Ems avait
donné à penser que la fin du règne n'était
plus éloignée. Le docteur Geffcken a raconté
lui-même, pour appuyer sa prétention d'avoir
toujours eu le plus grand respect pour le
chancelier et d'avoir vu en lui le conseiller
indispensable de la couronne, que le Kron-
prinz lui avait exprimé le désir d'être prêt à
tout événement et, en particulier, d'être en
mesure de lancer éventuellement sans retard
les proclamations qui devaient suivre son
avènement. Ce serait chez le général de
Stosch, ex-chef de l'amirauté, dont les dé-
mêlés avec le chancelier ont eu jadis un grand
retentissement, dans sa terre d'Oestrich sur
le Rhin, que ces manifestes auraient été pré-
parés.
La teneur en aurait été décidée en pre-
nant pour point de départ l'intention ex-
presse du Kronprinz que justice fût ren-
;due aux services du chancelier. Dès le
1er août 1885, les deux projets (manifeste au
peuple, rescrit au chancelier) auraient été en-
voyés au Kronprinz, et après que quelques
corrections eurent été faites, le docteur Geff-
cken aurait eu une entrevue avec Frédéric à
Mainau dans le courant du même mois
d'août.
Ce récit a été confirmé de tout point par
les dépositions du baron de Roggenbach et
du général de Stosch. La rencontre de ces
trois noms ne peut manquer de paraître si-
gnificative à qui se souvient des espérances
jadis fondées par le parti libéral sur le géné-
ral de Stosch, qui, à un certain moment, fut
mis en ligne comme le successeur éventuel
du prince de Bismarck à la chancellerie.
Ceux qui sont au courant de l'histoire se-
crète de l'Allemagne contemporaine savent
quelle âpre lutte se livra entre le chancelier
et le chef de l'amirauté qui ne fut brisé et ne
donna sa démission que le 20 mars 1883.
Il ressort de l'aveu même de M. Geffcken
et des témoignages de MM. de Roggenbach
et de Stosch, qu'il existait auprès du Kron-
prinz une sorte de gouvernement en disponi-
bilité, qui n'avait assurément pas l'outrecui-
dance de prétendre renverser un homme
d'Etat de 1 envergure de M. de Bismarck,
mais qui n'en avait pas moins l'oreille de
Frédéric et la réalité de l'influence auprès du
futur souverain. II en résulte encore que le
fameux manifeste au peuple allemand, dont
l'accent si profondément libéral avait si vive-
ment ému tes sujets auxquels il s'adressait
en première ligne et l'Europe entière, pou-
vait bien exprimer la pensée du nouvel em-
pereur, mais qu'il n'était pas son œuvre pro-
pre et personnelle, comme on l'avait pensé.
Une phrase finale, jetée en quelque sorte
iFEdIJLJLEXO]*! EMU « TEKflﻩ »,
/|}. DU.18 JANVIER 1889 [23]
JUSTICE
IDETJXIiÈJVLB PARTIE
.• VII
Le temps n'était plus où à la taverne du Sport
on traitait Florentin en intrus; maintenant c'é-
tait un pensionnaire pour qui on avait, sinon
des égards, au moins une bienveillance d'habi-
tude il était de la maison.
Seul le maître jardinier était logé dans les
communs du château avec le premier cocher;
les aides se logeaient où ils pouvaient, dans le
village, et Florentin avait choisi la taverne du
Sport, qui lui semblait placée à souhait pour
ses recherches une mansarde dans le grenier
à côté de cinq ou six ouvriers qui couchaient là,
une place à table dans la salle commune, c'é-
tait précisément ce qu'il fallait à ses desseins.
Le logement lui donnait une sorte de passe-
port auprès des gendarmes, qui avaient de la
considération pour les Collier senior et junior,
toujours prompts à mettre la main au goulot
d'une bouteille. Et la place dans la salle com-
mune lui permettait d'entendre ce qui s'y disait,
en lui laissant la liberté toute naturelle de dire
un mot à propos, soit pour pousser la conversa-
tion plus loin qu'elle n'allait, soit pour lui impri-
mer une impulsion vers des conclusions qu'il
voulait faire accepter. Jamais il n'interrogeait
personne, mais d'un air indifférent ou niais il
écoutait tout le monde, et au besoin il savait
provoquer les bavardages de ceux qui sans lui
n'auraient rien dit.
Pendant les heures des repas, personne ne
pouvait s'étonner de le voir dans la salle com-
mune, où sa place était celle d'un pensionnaire
de la maison; mais, comme en dehors de ces
heures on aurait pu trouver étrange que le soir
il fût toujours là, il avait imaginé un prétexte
pour expliquer et légitimer sa présence il tra-
Traduction et reproduction interdites.
en post-scriptum et dont on ne voit pas très
bien le rapport avec le corps de l'accusation,
note que le Morier dont le nom revient sou-
vent dans la correspondance échangée entre
le docteur Geffcken et le baron de Roggen-
bach est l'ancien secrétaire à l'ambassade
d'Angleterre à Berlin, actuellement ambas-
sadèur de Sa Majesté britannique à Saint-
Pétersbourg. On ne voit pas bien clairement
quelle conclusion il faut tirer de ce fait. Tout
le monde sait, et sir Robert Morier lui-même
n'en a jamais fait mystère, qu'il était dans
l'intimité du Kronprinz Frédéric. Puisque
MM. Geffcken et de Roggenbach étaient,
comme le démontre surabondamment le récit
ci-dessus, les confidents politiques du prin-
ce, il n'est point surprenant que des rela-
tions étroites se fussent nouées entre ces
trois hommes.
Tels sont les deux points saillants de ce long
document. Quant au texte même de l'acte
d'accusation, il a pour objet d'établir, pour
nous servir de la phraséologie pédantesque
mais commode de la jurisprudence alle-
mande, la réalité objective et la réalité subjec-
tive du crime de haute trahison imputé à M.
Geffcken.
Le rédacteur a groupé sous six chefs prin-
cipaux les éléments constitutifs du crime
défini par l'article 92 du Code pénal. Il énu-
mère successivement les passages du Journal
de Frédéric dont la publication aurait violé la
nécessité du secret d'Etat 1° relativement à
la fondation de l'empire, et cela a, en com-
promettant les relations de la Prusse avec
d'autres gouvernements confédérés, b, en
compromettant les relations de l'empire avec
certains Etats étrangers en donnant à penser r
à ceux-ci que l'unité allemande n'est pas in-
destructible 2° relativement aux rapports de
l'empire avec la curie romaine, 3° à ses rap-
ports avec la Russie, 4° à ses rapports avec
l'Angleterre, 5° ses rapports avec le grand-
duché de Luxembourg et les puissances ga-
rantes, 6° à ses rapports avec la Belgique et
la France.
L'objectivité du délit une fois établie, l'acte
s'attache à en démontrer la subjectivité, c'est-
à-dire la conscience que M. Geffcken de-
vait posséder et possédait du caractère de sa
publication. Les preuves en sont cherchées
dans un récit détaillé de la vie du prévenu,
dans la réfutation, par l'examen de ses tra-
vaux, de la théorie d'une hypocondrie ou au-
tre affection mentale, enfin dans la corres-
pondance préliminaire échangée avec le di-
recteur de la Rundschau, le docteur Roden-
berg.
Après avoir ainsi éliminé les excuses et les
explications qui pourraient être mises en
avant, l'acte recherche directement les motifs
de la publication et ne croit pouvoir les trou-
ver que dans l'animosité invétérée du docteur
Geffcken contre le chancelier. C'est ici que
se place le récit de la préparation en 1885 du
manifeste et du rescrit, ainsi que la citation
des noms de MM. de Stosch, de Roggenbach
et Morier.
On sait, par les confidences de l'avocat de
M. Geffcken, M. Wolffson, que la haute
cour, composée, comme on le rappelle non
sans intention d'un certain côté, de sept Alle-
mands du Sud, sans un seul Prussien, a re-
connu l'objectivité de la haute trahison, mais
n'a pas cru pouvoir se prononcer affirma-
tivement sur le côté subjectif, c'est-à-dire sur
la conscience qu'aurait eue le prévenu du
caractère de son acte. #
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES •
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU T6Bip9
Berlin, 17 janvier, 8 heures.
La Chambre des députés du Landtag prussien a
constitué son bureau. L'ancien bureau a été réélu:
M. de Kœller, président; M. de Heeremann, premier
vice-président; M. de Benda, deuxième vice-pré-
sident.
Le ministre des finances a déposé le projet de
budget et a fait un exposé de la situation financière.
Un excédent de 36 millions de marcs de l'exercice
précédent sera affecté à un amortissement extraor-
dinaire de la dette de l'Etat.
Berlin, 17 janvier, 8 h. 25
Le projet de colonisation sera examiné aujourd'hui
en séance plénière par le Conseil fédéral, qui le ren-
verra à la commission. On croit que l'examen en
sera terminé très rapidement et que dès la semaine
prochaine le Reichstag pourra le discuter en pre-
mière lecture.
Vienne, 17 janvier, 8 heures.
Hier soir a eu lieu une réunion populaire en fa-
veur de l'oeuvre du cardinal Lavigerie. Deux mille
personnes, dont beaucoup de dames de l'aristocra-
tie, avaient répondu à l'appel du prince Frédéric de
Wrede, délégué du cardinal Lavigerie en Autriche.
Le jeune orateur, qui n'a que vingt-deux ans, a
fait une grande impression sur l'auditoire.
vaillait et, comme son travail devait être com-
pris par tous, il avait emprunté au maître jar-
dinier quelques numéros de la Revue horticole,
qu'il étalait sur sa table bien ostensiblement,
et dans lesquels il paraissait prendre des notes,
penché sur son papier, écrivant, écrivant sans
lever la tête, ce qui était tout naturel de la
part d'un garçon jardinier qui veut s'instruire
et qui, dans sa mansarde, n'a ni table ni lu-
mière pour écrire.
Le jour, c'était le bar qui avait des clients;
mais, comme les lads et les hommes d'écurie
doivent se lever avant le soleil pour la première
sortie en forêt, le soir c'était le cabaret à la
française qui recevait des ouvriers et quelques
paysans. Les Anglais n'avaient rien à appren-
dre à Florentin, comme ils n'avaient pas de
mot d'ordre à recevoir de lui, tandis qu'avec
les gens du pays il en pouvait être tout autre-
ment.
En temps ordinaire, il est probable qu'on ne
se serait guère occupé de Mme Ranson; mais,
alors qu'elle se mariait, son nom, celui de ses
enfants, celui de Saniel, revenaient à chaque
instant dans les conversations.
Quel serait ce mari qui allait devenir le maî-
tre au château? La question n'était indifférente
pour personne, puisque tout le monde dans le
pays se trouvait en relations plus ou moins
directes avec le propriétaire de ce château ou-
vriers, fournisseurs, braconniers, voisins de
terre: Ferait-il garder sa chasse plus sévère-
ment que Mme Ranson? Serait-il plus dur
qu'elle pour le règlement des dégàts causés par
le gibier? Donnerait-il à travailler? Recevrait-
on ? Dépenserait-on ? 2
Et chacun apportait son mot que Florentin
recueillait et casait dans sa mémoire lorsqu'il
avait un intérêt ou semblait pouvoir en avoir
un plus tard, avec le nom de celui qui l'avait
dit, de façon à invoquer ce témoignage le mo-
ment venu.
Sur Saniel, on ne pouvait rien lui apprendre
qu'il ne sût mieux que ceux qui parlaient; mais
il n'en était pas de même pour Mme Ranson,
pour ses enfants, et pour leurs parents établis
dans les villages environnants: de ce côté, cha-
que mot avait son importance.
Quand Mme Ranson était venue habiter Ve-
nette avec ses enfants, tous les Ranson des en-
virons, de Senlis, de Courteuil, d'Aumont, qui,
par un lien quelconque, de près ou de loin, te-
naient à la famille de son mari avaient été sa-
tisfaits de son arrivée ceux qui étaient pau-
vres, parce qu'on en pourrait certainement tirer
quelque c.hnsc en cas de besoin: ceux aui
Plusieurs autres discours ont été tenus, entre au-
tres par le père Angelis, commissaire pontifical dos
Lieux-Saints, et le pasteur Zimmermann, de la com-
munauté évangélique.
Une discussion s'est engagée sur les statuts de la
société en formation. Un des assistants a demandé,
si les déclarations de M. de Bismarck au Reichstag
sur les dangers d'une abolition actuelle de l'escla-
vage n'entraveraient pas l'oeuvre de l'Association.
Répondant a un autre interpellant, le prince de
Wrede déclare que l'association qu'il s'agit de créer
n'aura aucun caractère confessionnel. Quant aux
moyens de propagande, on peut s'en remettre au
cardinal Lavigerie. Le président de la réunion an-
nonce que tous les dons et cotisations seront mis à
la disposition du cardinal. Finalement, un comité a
été désigné pour rédiger les statuts définitifs.
Vienne, 17 janvier, 8 h. 30.
On mande de Varsovie à la Correspondance poli-
tique que des reconnaissances de cavalerie et des
relevés topographiques ont eu lieu fréquemment
dans ces derniers temps sur une partie de la fron-
tière galicienne.
Budapest, 17 janvier, 8 h. 50.
Le parti libéral, dans une réunion, a décidé qu'il
approuverait la loi militaire, et même l'article 14 re-
latif à l'examen sur la langue allemande des officiers
de la réserve. Seul du parti, M. Horwat, vice-pré-
sident de la Chambre, maintient son refus de voter
la loi.
On dit que le ministre des honweds, le baron Fe-
jervary, est parti pour Vienne pour soumettre à
l'empereur les modifications qu'on pourrait intro-
duire dans le règlement militaire, et qui donneront
en partie satisfaction à l'opposition.
Rome, 17 janvier, 10 heures.
On dit qu'à la suite de pourparlers de Mgr Lavi-
gerie, pendant son séjour ici, le pape aurait modifié
ses intentions à propos du prochain consistoire qui
serait retardé et aurait lieu seulement en mars. Les
cardinaux français y seraient créés.
Madrid, 17 janvier, 10 heures.
Le conseil des ministres va proposer à la reine
une amnistie générale pour les délits de presse.
On a arrêté quatre personnes auteurs présumés
des pétards èL Madrid.
(Service Havas)
Vienne, 17 janvier.
Le Fremdenblatt, en se basant sur des informations
qu'il dit tenir de bonne source, dément la nouvelle
envoyée à la ftovoïé Vrêtnia par son correspondant de
Vienne, et d'après laquelle l'Autriche-Hongrie se pré-
parait à occuper tout le sandjak de Novi-Hazar. Cette
nouvelle, ainsi que tous les renseignements qui s'y
rattachent, serait une pure invention.
Madrid, 17 janvier.
Le syndicat des exportateurs et commerçants en
vin de Valence a décidé de soumettre les opérations
faites sur les vins italiens destinés à l'Amérique à
l'inspection du consulat français, afin de donner à ce
dernier l'assurance que les vins italiens ayant subi
un mélange de vins espagnols ne seront pas exportés
en France. On espère obtenir ainsi que le consul de
France continue à délivrer des certificats d'origine.
On mande de Tanger
Plusieurs ministres étrangers, imitant le ministre
d'Espagne, ont obtenu du sultan l'autorisation de réu-
nir une certaine quantité de blé pour leurs nationaux,
afin de parer à la disette causée par l'interdiction du
cabotage des grains.
Nimes, 16 janvier.
Le conseil général se réunira en session extraordi-
naire le 21 janvier, pour délibérer sur les mesures que
peuvent nécessiter les dommages causés par les inon-
dations dans le Gard.
L'Association nationale républicaine adres-
se un pressant appel à ses adhérents du dé-
partement de la Seine. Le caractère de l'élec-
tion du 27 janvier, y est-il dit, ne saurait plus
faire de doute pour personne. Voter pour M.
Jacques, c'est voter pour la République con-
tre la dictature. Dès lors, comment pourrait-
on hésiter et prêter l'oreille à ceux qui con-
seillent l'abstention. « Quand la lutte est en-
gagée comme elle l'est, entre la liberté et le
césarisme, s'abstenir, c'est déserter. » Cha-
que jour nous apporte la preuve que le parti
républicain tout entier comprend les exhor-
tations que lui donnent, de tant de côtés dif-
férents, les vétérans de la démocratie. Par-
tout on s'organise, on se sent les coudes, on
s'apprête à marcher contre l'homme qui ose
menacer, avec la complicité ou l'indulgence
bienveillante de toutes les réactions, nos
libertés si chèrement acquises. Il y a dans
cette unanimité d'efforts, dans cette harmonie
vaillante des consciences républicaines quel-
que chose de réconfortant. Il fait bon de
constater combien ce peuple de Paris qui se
laisse aller à caresser parfois d'étranges et
dangereuses fantaisies, qui a ses caprices et
ses engouements difficilement explicables,
garde vigoureuse et tenace dans son cœur
la haine du césarisme. On verra plus loin le
compte rendu des réunions d'hier. Dans tous
les quartiers de Paris la candidature répu-
blicaine de M. Jacques a été acclamée, par-
tout on a dénoncé et flétri les détestables
espérances de son adversaire. D'un autre
côté, les hommes les plus universellement
respectés du parti républicain conservateur,
ceux dont l'esprit de sagesse et de modération
s'est affirmé dans toute une carrière de dé-
vouement au pays, donnent publiquement
leur adhésion à la candidature républicaine
étaient à leur aise, parce que leur parenté avec
la riche propriétaire du château de Venette
donnait des satisfactions à leur vanité tous
enfin par ce sentiment de vague espérance qui
fait que les héritiers au degré successible d'un
parent riche admettent toujours comme possi-
ble la réalisation de leur droit d'héritage, sans
se préoccuper de leur degré de parenté et des
obstacles qu'ils pourront rencontrer avant que
la succession ne s'ouvre. Ils sont parents, cela
suffit. Qui sait ce qui peut arriver qui vivra,
qui mourra? On a aux mains un billet de lote-
rie on y tient, si faibles que soient les chances.
Et l'on ne parlait de la veuve du cousin Ranson
qu'avec un intérêt bienveillant « Une bonne
femme, la cousine Et les petits cousins, de
bien jolis enfants 1 Un peu faiblots tout de
même. C'est pâle. Ça n'a pas d'os. Vi-
vront-ils ? »- Il est vrai que, s'ils ne vivaient
point, c'était leur mère qui héritait d'eux; mais
quand, entre soi et un héritage de plusieurs
millions, on ne trouve qu'une seule personne,
on se dit facilement que cette personne n'est pas
immortelle. Rien n'était plus légitime que d'ad-
mettre que Mme Ranson pût mourir avant ses
fils; alors qui hériterait d'eux, s'ils disparais-
saient à leur tour, les petits cousins un peu fai-
blots, et n'atteignaient point l'âge de se marier?
Et même, en poussant les choses au pire et en
acceptant que la mère survécût à ses fils, n'é-
tait-il pas légitime aussi de penser qu'une hon-
nête femme comme elle, qui n'avait que des
parents éloignés qu'elle ne voyait point, voulût,
par un testament qui serait un acte de justice,
rendre aux Ranson la fortune qui avait été ga-
gnée par un Ranson? C'était ainsi qu'on avait
raisonné depuis son arrivée à Venette mais,
quand on avait appris que l'honnête femme se
mariait, elle n'avait plus été qu'une gueuse.
Pourquoi se permettait-elle d'abandonner le
nom des Ranson qu'on était fier de lui voir
porter ? Remariée, elle n'était plus seule elle
aurait de nouveaux enfants,frères ou sœurs
des deux petits cousins faiblots etquieux, n'au-
raient aucun lien de parenté avec les Ranson;
elle avait son mari, et si elle héritait de ses
deux aînés, c'était à ses jeunes enfants qu'elle
laissait légalement la fortune ou, si c'était par
testament, à son mari et non à la tribu des
Ranson. Un vol, quoi I
Et quand quelques-uns de ces Ranson ve-
naient le soir ou le dimanche à la taverne :'du
Sport, ils ne se gênaient point pour dire tout
haut le mépris que ce mariage leur inspirait.
Je vous demande un peu qu'est-ce qu'elle
a besoin de se marier, c'te femme i
et engagent avec une .véhémence persua-
sive tous leurs amis à combattre pour la
liberté. Aussi avons-nous pleinement con-
fiance, en dépit des rodomontades boulan-
gistes. Le candidat de MM. Rochefort et La-'
guerre peut appeler chez lui les électeurs
qu'il, suppose influents, leur saisir les deux
mains, leur adresser un de ces engageants
sourires auxquels, paraît-il, on ne résiste
pas, leur parler de l'Europe qui nous con-
temple, vanter devant eux la majorité écra-
sante qu'il attend, il n'y a plus de naïfs pour
se laisser prendre à ce charlatanisme. C'est
lorsque les registres de location restent vides
que la direction fait mettre sur les affiches,
en caractères gigantesques Immense succès!
«**
Nous avons reçu la lettre suivante
On oppose à la candidature de M. Jacques
qu'elle met les républicains constitutionnels
dans une alternative qu'ils ne sauraient accep-
ter voter pour un prétendant à la dictature
ou pour un représentant de l'autonomie com-
munale et du radicalisme. On ajoute que,
dans une question ainsi posée, les hommes
d'ordre n'ont d'autre parti à suivre que l'abs-
tention.
C'est là, selon moi, méconnaître la ques-
tion, la déplacer, je dirais presque la dé-
guiser.
La vérité est que, dans la situation où la
candidature de M. Jacques s'est produite, la
personne de M. Jacques disparaît complète-
ment.
Je n'insiste pas sur le fait que ce candidat,
nommé à la fin d'une session et d'une légis-
lature, ne fera que se montrer à la Chambre
des députés et ne saurait y devenir un per-
sonnage.
v Ce qui importe, et ce que les adversaires
de la candidature ne veulent pas considérer,
c'est que M. Jacques n'est bon gré mal gré
en ce moment que le premier venu, un nom,
un chiffre, un jeton. Il n'a point été choisi et
surtout les partisans de sa candidature ne s'y
sont point ralliés à cause de ses opinions;
on en a plus ou moins fait abstraction. Le
conseiller général, l'autonomiste, le radical
ont disparu pour ne plus laisser subsister
que l'adversaire de l'autre candidat.
M. Jacques, à l'heure qu'il est, ne repré-
sente qu'une chose, la nécessité de faire échec
à l'élection du général Boulanger.
Et j'ajoute que ce n'est pas là une subtilité,
c'est ce qui crève les yeux. L'équivoque n'est
point possible; le radicalisme ne tirera, il ne
peut tirer aucun profit d'une élection dans
laquelle il sera notoire que ses adversaires
les plus résolus ont cru pouvoir voter avec
lui.
Comment l'élection de M. Jacques serait-
elle un péril pour les opinions modérées?
Quel dommage risque-t-elle de leur appor-
ter ? Les partisans de l'abstention n'essayent
pas même de le dire. Ils parlent au nom des
principes; ils s'obstinent à n'envisager la
question que dans l'abstrait. Je ne me rap-
pelle pas avoir vu un exemple plus frappant,
plus classique de la différence entre 1 esprit
politique et l'esprit doctrinaire.
M. de Freycinet en rétablissant, par son ar-
rêté du 14 janvier, les soldats de première
classe, récemment supprimés, a pris une me-
sure dont nous ne pouvons que le féliciter.
Les considérants de cet arrêté sont brefs
mais catégoriques « Il y a intérêt à entretenir
l'émulation parmi les soldats de toutes armes. »
C'est ce que nous n'avons cessé de répéter à
propos de la suppression absolue des soldats
première classe. L'émulation doit être un sti-
mulant pour tous dans l'armée, pour les plus
humbles comme pour les plus élevés. Mais M.
de Freycinet, ayant les mains liés par un vote
du Parlement, a dû chercher le moyen d'entre-
tenir cette émulation parmi les simples soldats
sans imposer au budget aucune charge spé-
ciale en conséquence, les soldats de première
classe n'auront droit à aucun avantage spécial
de solde. Nous le regrettons; nous persistons à
penser que le léger supplément de solde accordé
autrefois à la lre classe était un encouragement
pour de braves serviteurs à qui le défaut d'ins-
truction barrait le chemin de l'avancement. II
y avait donc lieu, suivant nous, de diminuer,
dans une forte proportion, le nombre des sol-
dats de lre classe, mais de conserver l'institu-
tion telle qu'elle existait. Nous ne prétendons
pas dire par là qu'il faille employer vis-à-vis
du soldat le mobile de l'intérêt pécuniaire. Le
supplément de solde était si léger qu'il ne sau-
rait avoir ce caractère, mais il rendait aux
yeux de la troupe la différence entre la pre-
mière et la deuxième classe beaucoup plus tan-
gible que ne pourra le faire un galon de laine.
Le plus grand avantage que nous voyions au
rétablissement du galon de première classe,
c'est de donner aux meilleurs soldats un
insigne qui leur assurera, en l'absence
des sous-officiers et des caporaux le com-
Avec sa fortune 1
C'est donc une coureuse ?
Et ce médecin de Paris, pourquoi l'épouse-
t-il ?
Si c'est un grand médecin, comme on dit,
il gagne bien assez d'argent on sait ce qu'ils
se font payer, les médecins 1
C'est donc une canaille?
Parmi ces Ranson, il y en avait un plus as-
sidu que les autres à la taverne du Sport, où
très souvent le soir il venait prendre un quatre-
sous, et surtout causer avec les deux Collier.
C'était un vieux paysan, qui affectait la simpli-
cité et la bonhomie pour cacher un esprit ma-
dré et retors que la nature lui avait donné,
et que la vie avait singulièrement aiguisé. S'il
n'était pas riche, au moins possédait-il une
bonne aisance, gagnée à cultiver son bien et
surtout à faire le commerce de vieux chevaux
de courses avariés ou claqués, qu'il achetait
pour presque rien sur les indications des deux
Collier père et fils, et qu'il revendait avec de
jolis bénéfices après les avoir reboutés et remis
en état dans ses prairies de la Nonette.
Celui-là- Sophronyme Ranson criait de
beaucoup le plus fort contre ce mariage qui
dérangeait ses espérances et ses plans, car il
était l'homme des calculs à longue échéance,
et plus qu'aucun autre Ranson il avait cru
que la fortune « des petits cousins » lui revien-
drait un jour en partie, non pour lui il avait
déjà assez de son bien à faire valoir, mais pour
son fils, vétérinaire à Paris, qui était un gar-
çon que la richesse n'embarrasserait pas.
C'était lui qui, le premier, avait déclaré que
Saniel ne pouvait être qu'une canaille, et ce
mot, auquel il tenait, il le répétait à chaque in-
stant, comme si cette répétition était un soula-
gement pour sa déception et sa colère.
Canaille Saniel cela n'apprenait rien à Flo-
rentin, et à entendre répéter tous les jours cette
injure, qui la première fois l'avait rendu si at-
tentif, il se dépitait. Evidemment, il était bon
que contre Saniel il se formât dans le pays une
opinion hostile, dont un jour on pourrait tirer
parti; mais ce qui eût été mieux, c'eût été que
cette opinion, au lieu de reposer sur des propos
de cabaret, eût une base plus solide, formée de
faits précis. Quand il vit que ces propos se ré-
pétaient toujours les mêmes, il se décida à in-
tervenir pour leur donner cette base qui leur
manquait.
Mais cette intervention était pour lui d'une
telle gravité, qu'il devait manœuvrer de fa-
çon qu'on ne pût pas voir sa main. Il avait sa
place à garder au château, qu'il ne pouvait pas
mandement sur leurs camarades. C'est là,
sans doute, un avantage précieux avec nos ef-
fectifs de guerre si nombreux, mais qui acquer-
rait un prix plus considérable encore si ces sol-
dats de première classe étaient d'anciens sol-
dats ayant servi plus de trois ans et maintenus
sous les drapeaux en vertu de dispositions qu'il
serait facile d'insérer dans la loi du recrute-
ment.
.+
LE COMMERCE DE LA FRANCE
EN DÉCEMBRE 1888
Voici quels ont été les mouvements de notre com-
merce extérieur dans le mois de décembre des an-
nées 1887 et 1888
DÉCEMBRE
Importations 1888 18S7
Objets d'alimentation. 149.236.000 159.315.000
Matières nécessaires à l'in-
dustrie. 177.882.000 191.954.000
Objets fabriqués 51.465.000 58.918.000
Autres marchandises 10.734.000 16.157.000
Totaux. 389.317.000 426.344.000
Exportations
Objets d'alimentation. 74.593.000 69.462.000
Matières nécessaires à l'in-
dustrie. 61.190.000 78,181.000
Objets fabriqués 153.753.000 160.829.000
Autres marchandises. 21.204.000 21.861.000
Totaux. 310.740.000 330.333.000
Le mois de décembre, comme le mois de novem-
bre d'ailleurs, s'est ressenti du mouvement impor-
tant des échanges qui s'était produit dans le courant
du mois d'octobre. Nos exportations de produits fa-
briqués et nos importations de matières premières
nécessaires à l'industrie sont en diminution.
Par contre, il y a un fait rassurant, c'est la ré-
duction de nos achats d'objets d'alimentation. Il
semble, comme on l'avait craint, qu'il n'y ait pas eu
un déficit ti*>p accentué de notre récolte de céréales,
car nos importations de blé sont à peine la moitié
de ce qu'elles avaient atteint en 1879 et 1880.
Le tableau suivant donne, d'autre part, l'ensem-
ble de nos échanges pour les années 1887 et 1888.
On ne pourra se rendre compte exactement des
mouvements qui se sont produits que le jour où
l'administration aura publié sa statistique mensuelle
de la douane.
Importations 1888 1887
Objets d'alimentation. 1.485.186.000 1.405.019.000
Matières nécessaires à. l'in-
dustrie. 1.906.752.000 1.951.388.000
Objets fabriqués 545.053.000 546.762.000
Autres marchandises. 115.914.000 122.797.000
Totaux. 4.052.905.000 4.025.966.000
Exportations
Objets d'alimentation. 669.270.000 6S6.645.000
Matières nécessaires à l'in-
dustrie. 690.478.000 695.175.000
Objets fabriqués. 1.656.317.000 1.677.814.000
Autres marchandises. 194.6S5.000 186.865.000
Totaux. 3.210.730.000 3.246.499.000
L'AFFAIRE GEFFCKEN
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 17 janvier, 8 heures.
(Voici les documents que publie le Reichsanzeiger, et
dont nous parlons plus haut.)
Le Reichsanzeiger publie une lettre de l'empereur
au chancelier de l'empire ainsi conçue
« Sur votre rapport du 13 courant, je vous charge
de faire aux gouvernements confédérés et au
Reichsanzeiger les communications officielles né-
cessaires pour permettre aux gouvernements et aux
sujets de l'empire de se faire une opinion person-
nelle sur l'action de la justice impériale dans l'in-
struction contre le professeur docteur Geffcken.
A cet effet, j'arrête que l'acte d'accusation contre le
docteur Geficken sera publié dans le Reichsanzeiger
et communiqué avec les pièces justificatives au
Conseil fédéral pour, qu'il en soit fait usage dans le
sens qu'indique votre rapport.
» GUILLAUME II.
•> Berlin, 13 janvier 1889. »
Cette autorisation avait été sollicitée par un rap-
port que M. de Bismarck avait adressé à l'empereur
et dont voici le texte
» Berlin, 13 janvier 1889.
» En me référant très respectueusement à mon
rapport du 23 septembre dernier, je me permets de
présenter très humblement à Votre Majesté la dé-
cision du tribunal de l'empire du 4 janvier, concer-
nant le procès intenté au docteur Geffcken, conseil-
ler intime. En vertu de cette décision, le tribunal a
reconnu que le résultat de l'instruction préliminaire
fournissait des motifs suffisants de croire que l'in-
culpé, par sa publication dans la Deutsche Rund-
schau, avait divulgué des nouvelles dont le secret
vis-à-vis de gouvernements étrangers eût été dési-
rable pour l'intérêt de l'empire allemand. Cependant
l'accusé a été relaxé des poursuites, parce que le
tribunal n'a pas été d'avis qu'il y eût des motifs
suffisants d'admettre qu'il eût conscience de la cul-
pabilité de son acte.
» Mon très respectueux rapport du 23 septembre
dernier avait été provoqué par cette circonstance
que la publication du Journal de feu l'empereur Fré-
déric publication dont l'auteur était alors inconnu
avait donné lieu, dans la presse allemande et
étrangère, à des travestissements qui avaient en-
core aggravé le caractère nuisible de cette publica-
tion pour l'empire et la maison royale. Un traves-
tissement analogue des faits et de la procédure ju-
diciaire, ainsi que des motifs de son ouverture et de
sa clôture, a lieu également en ce moment dans la
s'exposer à perdre par une imprudence. Et,
d'autre part, il importait que jamais on ne pût
remonter au point de départ de la direction
qu'il voulait imprimer aux idées de ces enne-
mis de Saniel.
Un soir que Sophronyme Ranson, en buvant
un quatre-sous avec le blacksmith, déblatérait à
une table éloignée contre cette canaille de méde-
cin, Florentin, qui semblait absorbé par son tra-
vail dans un coin opposé, leva la tête et dit à mi-
voix, mais en s'adressant à son voisin de façon
à être entendu et compris
C'est ça qui serait malheureux tout de
même.
Qu'est-ce qui serait malheureux? demanda
le voisin.
Ce que dit ce vieux là-bas que les deux
petits messieurs soient tourmentés par le mé-
decin.
Et il se remit à copier ses notes.
Son mot comme, il l'espérait, ne fut pas per-
du au bout de quelques minutes, il l'entendit
répété et précisé par Sophronyme Ranson, qui
criait
Ce qui me fait le plus de chagrin dans tout
ça, c'est de voir ces deux pauvres garçons, les en-
fants de mon propre cousin, à moi, devenir les
martyrs de cette canaille de médecin.
C'est donc vrai qu'il les fait travailler dur?
dit une voix.
Des enfants qui seront riches un jour à
acheter tout le pays, criait Sophronyme Ran-
son, les faire travailler comme des ouvriers! l
Mais qu'est-ce qu'il leur fait donc faire?
Il faut demander ça au Normand, dit Col-
lier.
Puis, appelant Florentin:
Eh Normand, venez donc un peu ici.
J'ai à travailler.
Venez prendre un quatre-sous, vous re-
tournerez travailler tout à l'heure à vos livres.
Florentin se leva avec une répugnance bien
marquée, en laissant ouvert son cahier de notes
comme un homme pressé d'y revenir.
Sur un signe de Collier, le quatre-sous avaif
été servi sur la table où il était assis vis-à-vis
du vieux paysan.
A votre santé dit celui-ci.
A la vôtre répondit Florentin.
Ils sont donc bien malheureux, mes petits
cousins? dit Sophronyme.
Malheureux I
-On les tourmente donc ?
On les tourmente I
Oui.
•i- Quhest-ce qui les tourmenterait? 1 Ji
presse allemande et étrangère hostile à l'empire, et
on l'exploite pour soupçonner l'impartialité et le
crédit des organes de la justice impériale. Ces ma..
nœuvres ont pour but de présenter l'action du pro-
cureur de l'empire et du tribunal impérial sous un
jour de partialité et de persécution tendancieuse.
» En conséquence, c'est une nécessité pour les or-
ganes judiciaires de Votre Majesté dans l'empire de
présenter d'abord aux gouvernements confédérés,
puis à l'opinion publique des sujets de l'Empire^
leur propre jugement sur l'affaire, débarrassé dos
falsifications de la presse hostile à l'empire. Ce ré-
sultat ne peut être atteint que si l'ensemble des do-
cuments qui ont amené la décision du procureur
impérial et du tribunal de l'empire est porté à la
connaissance de tous ceux qui y ont un intérêt légi-
time, afin que la conduite des fonctionnaires de la
justice impériale soit tenue partout pour équitable et
conforme à la vérité des faits.
«Ce but serait atteint, à mon respectueux avis, si
Votre Majesté daignait ordonner la publication de
l'acte d'accusation par le Reichsanzeiger et sa com-
munication aux gouvernements confédérés par l'or-
gane du Conseil fédéral, en y ajoutant ce très res-
pectueux rapport et l'ensemble du matériel d'ac-
cusation contre le professeur Geffcken, pour qu'il en
soit fait usage dans l'esprit que je viens d'indiquer.
En cas de souveraine adhésion à cette manière de
voir, je me permets très respectueusement de pro-
poser la très gracieuse sanction du projet d'ordon-
nance ci-joint.
» DE BISMARCK. »
Le Reichsanzeiger publie ensuite l'acte d'accusa-
tion. En voici le réumé
Tout d'abord on a cru que le Tagebuch était l'œu-
vre d'un faussaire. Cette accusation n'a pas été con-
firmée. L'éditeur de la Rundschau, M. Paetel, avait
d'abord refusé toute explication; mais, en apprenant
qu'il s'agissait de.haute trahison, il a nommé M.
Geffcken comme ayant envoyé le manuscrit. Arrêté
aussitôt, Geffcken en ce qui concerne la provenance
du Tagebuch., déclare que, ayant connu l'empereur
Frédéric lorsque celui-ci étudiait à Bonn, il a toujours
été honoré de sa bienveillance particulière. En 1873,
Geffcken étant professeur à Strasbourg, le kron-
prinz lelfit venir à Wiesbaden, où il écrivait un Ta-
gebuch sur la guerre de 1870. Il a permis à Geffcken
de l'emporter à Carlsbad. Après trois semaines, Gef-
fcken a renvoyé le Tagebuch, mais après avoir co-
pié et gardé un extrait de vingt pages contenant
surtout des renseignements politiques, M. Geffcken
avoue qu'il n'avait pas demandé la permission do
faire et de garder cet extrait; mais il s'y est cru ta-
citement autorisé il n'aurait jamais publié cet ex-
trait du vivant de l'auteur, et il ne pensait pas
alors à l'éventualité que le kronprinz pourrait mou-
rir avant lui.
Après la catastrophe de juin 1888, Geffcken s'est
décidé à envoyer le manuscrit, revu et diminué de
cinq pages, à la Rundschau; mais la publication de-
vait avoir pour lui un caractère non pas politique,
mais historique. Il a voulu réfuter l'opinion trop ac-
créditée que l'empereur Frédéric était un idéologue,
et montrer que c'était un homme d'Etat positif qui
avait le plus contribué à mettre en mouvement la
création de l'empire allemand. Il n'a pas été autorisé
à cette publication, et il ne croit pas que l'impéra-
trice Frédéric eût accédé à sa prière s'il lui avait
d'abord demandé l'autorisation.
Le ministère de la maison impériale déclare qu'il
y a trois exemplaires du Tagebuch déposés aux ar-
chives de famille; deux sont autographiés et
identiques. Le troisième exemplaire, qui contient
beaucoup de changements, semble avoir été écrit
par un secrétaire, mais contient des correc-
tions et additions de la main du kronprinz. Il est
probable que c'est le majordome du kronprinz, M.
Krug, qui a écrit cet exemplaire, lequel n'est pas
celui confié à Geffcken, puisque d'après sa déclara-
tion il s'agissait d'un manuscrit olographe de sept
cents pages. Cet exemplaire doit avoir été détruit.
C'est d'ailleurs ce qu'a déclaré Krug. Il ne semble
pas probable que Krug ait reçu du kronprinz
comme cadeau une copie du Tagebuch de 1870. La
veuve Krug déclare que son mari n'a reçu qu'une
copie autographiée du Tagebuch sur 1866 et sur le
voyage en Orient, mais rien sur la guerre de France
au contraire, elle a toujours entendu dire que ce
dernier Tagebuch ne devait pas être publié.
L'affirmation de Geffcken que le kronprinz ne te-
nait pas beaucoup au secret du Tagebuch est contre-
dite par le général de Stosch, à qui le kronprinz a
refusé d'en faire communication parce qu'il y avait
trop de choses personnelles. Une déclaration ana-
logue a été faite à M. Gustave Freitag, qui a été au
quartier général du kronprinz en 1870 et l'a vu sou-
vent de 1873 à 1876, à Potsdam. Le kronprinz lui a
bien communiqué le Tagebuch, mais l'a prié de ne
pas le faire lire à des tiers, à cause des passage»
sur la fondation de l'empire allemand.
La publication était de nature à troubler les rela-
tions de l'Allemagne avec la Russie, la France, la
Luxembourg, l'Angleterre, la Belgique et différents
Etats fédérés de l'empire.
De nombreux extraits du Tagebuch se rapportant
à cette imputation sont cités par l'acte d'accusa-
tion.
Les souverains faisant partie de l'empire ont dû
éprouver de la méfiance, même pour les futurs rois
de Prusse, en apprenant que l'héritier de la cou-
ronne de Prusse voulait faire renoncer les Etats du
Sud à leurs droits, au bénéfice de l'empereur d'Alle-
magne. Les rapports de Munich, Dresde et Stutt-
gart confirment tous l'impression désastreuse cau-
sée dans ces capitales par la publication. La crainte
de voir se renouveler le projet de soumission des
Etats du sud à la couronne de Prusse a pu faire
hermer chez ces Etats l'idée de s'assurer de l'ave-
nir en prenant des arrangements avec d'autres puis-
sances. Le représentant de la Prusse à Stuttgart
mande que la publication du l'agebuch a causé de
nouveaux mécontentements et a mis les partis aux
prises.
Les passages relatifs à l'infaillibilité dn pape ont
été exploités par les intransigeants dans l'entou-
rage de Léon XIII. Un rapport de M. de Schlœzer
en fait foi, et le Vaterlana de Vienne se réjouit en
songeant que les relations entre Berlin et le Vati-
can seront troublées, et que le centre aura de nou-
velles armes contre le gouvernement.
Les relatione avec l'Angleterre auraient pu être
compromises, parce qu'il fallait tenir secrètes les
énonciations du kronprinz se plaignant de la pré-
Leur beau-père.
Si c'est des choses sur le compte des pa-
trons, ça ne me convient pas de parler; vous
savez, j'ai besoin de gagner ma vie, je ne veux
pas être renvoyé.
On ne vous demande rien sur le compte
des patrons, dit Collier, mais si on fait travail-
ler les jeunes messieurs.
Oh pour ça, oui, et dur encore le matin,
scier du bois pendant deux heures à midi,
jardiner pendant deux heures encore, ça n'est
pas doux pour des jeunes gens qui n'ont pas de
cals aux mains. Pas plus tard que ce matin, je
passais devant la remise où ils sciaient leur
bois, et j'entendais des han 1 des han 1 je regar-
de et je vois les deux garçons qui sciaient tant
qu'ils pouvaient. C'était à faire pitié, époumo-
nés qu'ils étaient; mais ils tenaient bon quand
même, les cheveux plein la figure, la sueur leur
tombait sur les mains. Alors je leur ai pris leur
scie et, dame je leur en ai scié un bon tas co-
riace que c'était du charme plein de nœuds la
scie n'entre pas.
Vous êtes un bon garçon, vous, dit Sophro-
hyme d'un air attendri. Une autre tournée,
hein?
Merci bien de la politesse 1 r
Après avoir vidé sa seconde tournée, Floren-'
tin continua.
C'est comme le travail du jardin pour
nous autres, deux heures ce n'est rien, n'est-ce
pas eh bien, eux, il y a des jours où l'on dirait
qu'il vont en mouri, c'est surtout quand ils
arrosent. Pour nous, une bonne partie de l'arro-
sage se fait à la lance mais, pour eux, ils doi.
vent arroser tout leur jardin à l'arrosoir.
C'est trop fort s'écria Sophronyme.
C'est comme je vous le dis et ils en ont
quelquefois pour leurs deux heures. Ce qu'ils
sont mouillés, il faut voir ça. Pour un métier
sain, il est sûr que ce n'est pas un métier sain; 9
les pieds et les bras dans l'eau froide, et elle
est froide, notre eau de source le soleil sur la
tête j'ai vu des garçons maraîchers qui ont
gagné à ça des fluxions de poitrine.
Et qui sont morts, dit .Sophronyme.
Dame, oui.
Florentin se hâta de regagner sa place, où il
se plongea dans son travail ce qu'il avait dit
suffisait pour ce soir-là, surtout avec un vieux
madré comme ce paysan il eût procédé par
accusations formelles contre Saniel qu'il n'eût
pas produit plus d'effet que par ce récit de fait*
vrais.
vra.is. lA suivre,} HECTOR MALOX
(A suivre,} ̃; ̃• ,•:̃• :R; <; ̃
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