Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1927-05-10
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32779904b
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 94503 Nombre total de vues : 94503
Description : 10 mai 1927 10 mai 1927
Description : 1927/05/10 (Numéro 18114). 1927/05/10 (Numéro 18114).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5408806
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 31/03/2008
62é année. 3e sérié. N°
C5 h. du matîn) paris et départements 25 CENTIMES <5 hu du matin)
EDMOND TARBE ET HENRY DE PÊNE
Fondateurs
ARTHUR .MEYER
Directeur
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Où sont=ils?
ANGOISSE
Pendant toute, la journée d'hier, on a
fsenti battre le coeur unanime de la
,!France. Un peuple entier, uni dans une
Niseule pensée, dans une seule angoisse,
;a suivi heure par heure, minute par mi-
nute, le sublime effort des deux héros
Idont aucune nouvelle précise n'an-
;nonce le destin. Où étaient-ils entre deux
immensités? Avaient-ils réussi à tra-
iverser orages et tempêtes ? Quels chan-
gements imprévus avaient-ils dû appor-
er à leur, itinéraire ? Sur tous les par-
cours probables ou possibles, les guet-
teurs de T. S. F. attendaient avec quelle
anxiété les frémissements d'ondes an-
nonçant la migration de l'Diseau Blanc.
\Partout, on l'avait vu; et nulle part on
¡ne confirmait son passage. Les démentis
succédaient aux affirmations. Terxe-
¡Neuve l'avait entrevu dans les tourbil-
eons de la neige Halifax avait cru lie
»reobnn.aître dans les déchirements de la
prrume Boston signalait une apparition
:qui pouvait être la sienne, et tous les
regardes de New-York interrogeaient
'l'hOrizon. La fièvre de la France avait
gagné l'Amérique les deux continents
icommuniaient dans les mêmes espoirs
et dans les mêmes craintes.
Ces espoirs et ces craintes, Paris les
ia éprouvés avec des réactions d'autant
(plus vives que les semeurs de fausses
[nouvelles n'avaient point ménagé la ner-
ivosité populaire. Sur la foi de rensei-
gnements incomplets, des feuilles vo-
tantes répandues à profusion n'annon-
jçaient-elles pas l'arrivée des aviateurs
New-York, alors qu'ils n'avaient pas
lencore atteint les côtes américaines ?
[Les autorités officielles elles-mêmes, cé-
•jdant à la contagion de l'illusion publi-
que, n'adressaient-élles pas aux vain-
queurs des félicitations avant que l'on
leûb la certitude qu'elles leur parvien-
draient?.
A mesure que s'avançait la nuit, en
jeffet, les nouvelles devenaient plus va-
lues, les démentis se multipliaient, l'on
(n'escomptait,'plus l'arrivée de-Niinges-
per et de 6oli avant minuit.
C'est à cette Heure tardive qu'il nous
ifaut écrire ces alignes. Et, devant le mys-
itère obstiné, devant l'absence persis-
tante de toute information authentique,
devant ce communiqué troublant des
Services de l'aéronautique, une pro-
fonde inquiétude nous étreint. Où sont-
es ces hommes prodigieux qui, non seu-
Tement ont donné toute la mesure de
t'énergie française, mais ont aussi ré-
veillé l'âme vibrante de la France ?
René Lara
COMMUNIQUÉ OFFICIEL (1 h. du matin)
j A la direction de l'aéronautique, on dé-
clarait à 0 h. 40
i Nous n'avons sur "Nimgesscr aucun ren-
seignement officiel Il sied d'être très ré-
Iservé sur tes informations assurant que
g'Oiseau Blanc a été vu, le longs de.s côtes
Américaines. Ou ne peut fa-ire due des sup-
positions sur- la présence,de Nuugesser
jetas ces parages on n'en peut douner au-
Çune confirmation.
toutefois, ajoute-t-on, il ne faut pas dé-
isespérer de recevoir une bonne nouvelle
'encore que normalement Nungesser'aurait
/dû, arriver ci New-York vers 23 heures,
heure françaises.
Les journaux n'ont pas eu, hier matin,
tine bonne presse, si l'on peut ainsi par-
îer. La nouvelle, répandue avant-hier,
du départ de Nungesser avait provoqué
un grand mouvement de curiosité.
'Aussi hier matin la foule fut-elle pro-
jfondément déçue les dernières nouvel-
les remontaient à la veille, à l'heure où
l'Oiseau, Blanc avait quitté la côte (fran-
çaise. dimanche 6 h. 48. Du sud de
3' Angleterre, aucune nouvelle du sud
de l'Irlande, aucun renseignement. Nun-
gesser avait-il quitté les eaux européen-
nes ? Avait-il amerri dans la Manche
entre la Bretagne française et la. pres-
qu'île de Cornouailles ? Avait-il, comme
s'empressait de l'annoncer une agence
[américaine, amerri en plein Atlantique ?
;Vingt heures après son départ, Nunges-
eer n'était signalé nulle part.
Connaissant la valeur de l'équipage,
la. qualité du matériel, nous n'avions
point d'angoisse mais ce silence pro-
longé nous pesait tout de même. Hier
matin, à dix heures, soit plus de trente
heures après l'envol, nous n'.avions en-
core rien de précis. De source améri-
caine on relatait que l'avion n'avait été
,vu ni par un navire ni par les sémapho-
res côtiers de .Terre-Neuve. A peine si
'l'on annonçait qu'on avait1 cru voir un
avion, qui pouvait être celui de Nunges-
ser, passant au large de la côte sud de
Terre-Neuve..
Pluie de nouvelles
Paris, que ce silence maintenant op-
pressait, se sentait pris de doute.
Midi.
Soudain bonnes ou mauvaises les
nouvelles vont vite New-York se mit
nous renseigner. Dès lors, ce fut un
beau match, une avalanche de rensei-
gnements contradictoires. D'abordt una-
nimité touchant l'état de l'atmosphère,
nuages et brouillard épais, visibilité
très mauvaise puis la nouvelle que
Nungesser est passé au large d'Halifax
(800 kilomètres de New-York) à 14 heu-
res (heure française), puis au large de
Boston (600 kilomètres de New-York).
L'avion, nous dit-on, amerrira à 19 heu-
res, heure française, à New-York.
Les journaux de New-York tirent à.
pleine presse des éditions spéciales. L'en-
thousiasme en Amérique est considéra-
ble. On prépare une réception triom-
phale. Cinq avions vont partir au de-
vant de notre oiseau blanc. Bertaud et
Chamberlain, l'ingénieur Ballanca, qui
a construit le Miss Columbia, rival de
l'Oiseau Blanc, déclarent que mainte-
nant ils croient que Nungesser réus-
14 heures.
Ces informations parviennent à Pa-
ris. Paris, qu'un rien émeut et pas-
sionne Paris, toujours prêt à s'enthou-
siasmer, s'arrache les éditions spécia-
les qui se. succèdent de quart d'heurè en
quart d'heure. Les camelots font des af-
faires d'or. On achète vingt sous une
feuille sur laquelle s'écrasent de gros
titres .dithyrambiques. Paris, préoccupé
le matin, donne dès midi libre cours à
son allégresse.' Des gens qui ne se sont
jamais vus s'accostent, échangent leurs
impressions, discutent, gesticulent,
crient. C'est la fièvre. Vers quatre heu-
res, on imprime des détails précis.
Ils » sont passés là à telle heure, ici,
à telle heure. La fièvre monte.
17 heures.
Certes. pour ceux qui réfléchissent, il
est invraisemblable que, volant dans le
« coton », Nungesser file à plus de 200
à l'heure. Mais la foule maintenant a
devant les yeux les transparents lumi-
neux, elle a les éditions spéciales. Elle a
lu les journaux électriques. Elle a vu les
avions du Bourget lançant des (fusées
rouges signal convenu pour .annoncer
l'arrivée à New-York la foule est trop
emballée pour douter. Sa joie l'emporte,
la grise. C'est uni fait certain. Nungesser
est à New-York. A l'heure où les terras-
ses des cafés sont bondées d'oisifs, la
nouvelle est l'objet de toutes les conver-
sations. Une fanfare précédée de gens
qui portent un immense écriteau
« Vive Nungesser 1 Vive Coli I Honneür
à ces deux Français débouche sur
le boulevard, entraînant une foule
bruyante derrière elle. On se presse, se
bouscule. L'enthousiasme est à son
comble. Paris a eu mal aux neuf. Il se
détend, comme un enfant rit de tout son
être après une grosse crise de larmes.
19 heures.
Vers 7 heures du soir, ceux qui étaient
renseignés pensaient, sans optimisme
exagéré, pouvoir dire que Nungesser
touchait au but.
Inquiétude
20 heures.
Mais le radio annonçant l'arrivée
triomphale aux pieds de la statue de la
Liberté tardait à nous parvenir. Plus
d'éditions spéciales. C'était l'heure du
dîner.
Alors, se succédèrent des télégrammes
de nature à provoquer une grande in-
quiétude par leur réserve et leurs con-
tradictions.
New-York, 9 mai,
(15 h. 57, heure américaine).
Le steamer Modoc, qui appartient à ja
flottille américaine patrouillant dans le
grand banc de Terre-Neuve, a envoyé un
sans-fil à l' « United Press » déclarant
« Nous recherchons Nungesser, mais ne
l'avons toujours pas aperçu. »
New-York, 9 mai, 16 h. 10
(heure américaine).
Trois aéroplanes ont quitté Staten-Island
pour procéder à des recherches au large.
On annonce, d'autre part, de Boston, que
les neuf aéroplanes qui avaient pris l'air
pour effectuer des recherches viennent de
rentrer et déclarent que les conditions ac-
tuelles rendent absolument impossible
tout vol au-dessus de l'Atlantique.
New-York, 9 mai (16 h. 17).
On mande de New-Bury-Port (Massa-
chussets) que le capitaine., Charles Rand;
de la maréchaussée, a signalé le passage
à 16 heures d'un avion paraissant ressem-
bler à celui de Nungesser. et de Coli, mais
qu'il lui avait toutefois été impossible
d'identifier les insignes de l'appareil.
Le. Bourget, 9 mai.
Au moment jde'iTarrivée à New-York .de
Nungesser et de Coli, des avions lanceront
au-dessus, de Paris des fusées avec la let-
tre N: ̃
'Lé. Bourget, 9 mai.
Les avions qui se tenaient prêts au Bour-
get à prendre l'air pour annoncer l'arrivée
de l'aviateur Nungesser à New-York ont
reçu l'ordre, à 19 heures, de prendre leur
vol, da nouvellé de l'arrivée de l'aviateur
étant parvenue à Paris.
Mais presque au même moment on décla-
rait au Bourget que la nouvelle de l'arrivée
'de Nungesser à New-York était démentie
par des câbles qu'on venait de recevoir.
New-York, 9 mai.
Nungesser est passé à 16.h. 25, heure
locale, au-dessus de New-Bury.-Port.
On estime qu'il arrivera à New-York vers
18 heures. (Havas.)
Washington, 9 mai, 17 h. 53
(heure locale).
Après la réception d'un rapport officiel
annonçant que l'avion de Nungesser avait
été vu du côté de la Nouvelle-Angleterré,
l'arsenal de Boston a avisé le département }
de la marine que ces informations n"a-
vaient pas été confirmées et que l'avion
signalé pourrait être un garde-côte allant
à Gloucester.
Il paraît maintenant probable que
l'avion qui avait été signalé était un garde-
côte, mais on n'a aucune certitude à ce
sujet. {Havas.)
Paris, 9 mai.
Le ministère du nnmmetvo et fin
nautique vient de recevoir le radio-télé-
gramme officiel suivant
New-York, 19 h. 20 (heure française).
« Nungesser pas encore arrivé. Temps
très mauvais.
New-York, 9 mai,
Le sort de Nungesser reste inconnu.
Déclarations rassurantes
New-York, 9 mai.
M. Henry Woodhouse, président de la
Ligue aéronautique, américaine, a fait la
déclaration'suivante
Nous ne sommes pas très inquiets sur le
sort de Nungesser et de Coli. Ce sont des
aviateurs consommés, habitués à naviguer
à la boussole.
» Sauf en cas de difficultés avec leur
moteur, ils doivent arriver jusqu'au con-
tinent américain.
» Mais comme ils ne connaissent pas la'
côte et que de plus un brocard terrible
règne en ce moment, il est très possible
qu'ils se trompent de lieu et amerrissent
en un endroit perdu d'où il leur serait im-
possible de donner de leurs nouvelles.
» Ils ne courraient là aucun danger, mais
il ne faudrait pas s'étonner de ne pas en-
tendre parle° d'eux avant deux ou trois
jours. »
Nouvelles inquiétudes
New-York, 9 mai,
On mande de Portland que l'avion
aperçu cet après-midi au-dessus" de cette
ville et qu'on avait cru un moment être
celui de Nungesser était de couleur foncée
et ne répondait nullement à la description
do VOis eau-Blanc.
Halofax, 9 mai.
A 14 heures, heure américaine, on était
toujours sans nouvelles de Nungesser.
La station de T. S. F. de Capa-Race
(Nouvelle-Ecosse) signale qu'il fait main-
tenant un très beau temps, après qu'un:
fort vent d'est eût balayé le brouillard qui
se trouvtit. au-dessus de Saint-Jean de
Terre-Neuve.
New-York, 9 mai.
Aucune des stations de T. S. F. du gou-
vernement, le long de la côte américaine,
n'a reçu de nouvelles de Nungesser.
Les paquebots Compte et Laconia, qui
ont envoyé plusieurs messages, ne font au-
cune mention d'avoir aperçu l'avion fran-
çais, bien qu'ils suivent la route au-dessus
de laquelle les. deux aviateurs auraient dû
passer.
Boston, 9 mai.
A 4 heures de l'après-midi, une escadrille
de neuf avions a pris le départ pour effec-
tuer de nouvelles recherches en vue de
retrouver Nungesser et Coli.
New-York, 9 mai (15 h. 41,
heure américaine).
On mande de Washington que le dépar-
tement de la marine vient de recevoir la
nouvelle que l'avion des aviateurs français
aurait passé, à 3 heures cet après-midi, au-
dessus de Portsmouth, dans le New-Amps-
hire.
EN RÉSUMÉ
Du flot de nouvelles contradictoires
reçues depuis dimanche matin, il ap-
pert que nous ne savons rien sur le
raid de Nungesser qui soit certain. Si-
gnalé à Saint-Jean-de-Terre-Neuve,
hier matin, à 8 h. 30, puis à Halifax,
puis à Portland, puis à Boston, l'Oiseau
Blanc, 45 heures après son départ de
Paris, n'avait pas amerri à New-York.
C'est à peu près la seule chose dont
nous sayons sûrs.
Or, après 45 heures de vol, la provi-,
sion d'essence de Nungesser devait être
épuisée. Où a-t-il pu amerrir ? Comment
s'est effectué l'amerrissage ? Autant de
questions auxquelles nous ne pourrons
répondre qu'aujourd'hui espérons-le
du moins.
Souhaitons surtout que Nungesser ait
pu amerrir en un lieu où il pourra être:,
recueilli avant que la vague ne soit par-
venue à briser sa coque étanche.
Espérons.
2 heures 15,
A la direction de l'aéronautique, on
n'a, aucune nouvelle de Nungesser.
A cette heure, la nuit est venue sur
la côte américaine.
A moins d'un miracle, Nungesser
n'atteindra pas New-York et nous n'au-
rons pas de nouvelles de l'Oiseau Blanc
avant midi.
Georges Bruni
L'Attente de la Mère.
Pendant que Paris, tout autour, accentuait
hier soir, de minute en minute les rumeurs
multipliées de son attente fiévreuse, je me
suis rendu boulevard du Temple où, au sixième
étage d'une maison centenaire qui porte le
numéro 33, Mme Nungesser mère m'a fait
l'honneur de me recevoir.
Elle est modeste et paisible dans l'heure
si grande qui passe, La chevelure blanche,
l'aeil infiniment doux, une bouche qui porte la
marque de la bonté. La pièce où elle m'accueillie
est petite et elle le paraît plus encore par l'abon-
dance des photographies, objets de toute sorte,
écrins, boîtes bourrées de lettres, témoignages
de souvenir et d'admiration, cadeaux faits à
T « as » célèbre.
Quelle journée pous vous! dis-je à la mère
du héros.
Certes, l'attente a été dure et les heures
''furent lourdes. Mais l'espoir, à aucun moment,
ne m'a quittée. J'ai toujours eu confiance en
Charles, en sa vaillance raisonnée, en son au-
dace réfléchie. Ah! tout jeune, il m'en a donné
du tracas! Souvent, en revenant de classe, il
arrivait en s'écriant: « Maman, je suis encore
entier aujourd'hui! » Eh! bien, à tous les visi-
teurs que j'ai reçus depuis hier, depuis ce matin
surtout, j'ai répété la même chose: « Mon grand
réussira, mon grand touchera le but. » Et il le
faut bien, n'est-ce pas, monsieur, parce que ce
sera une récompense bien méritée par lui, une
grande fierté pour la France qui le mérite tant
elle aussi. Et puis, moi, sa maman, qui ne
suis rien dans tout cela, j'ai senti qu'il y avait
une grande sécurité de tendresse dans mon
cœur. Ces choses-là, ça ne trompe pas. Les
pressentiments d'une mère, ça ne peut pas
.faillir. Ah! j'en ai entendu des pronostics,
des félicitations, des encouragements! Des
baisers, même de gens, de voisins, que je
connaissais à peine, que je n'avais jamais vus,
en ai-je reçu aujourd'hui! Je savais bien qu'il
y avait un peu de crainte, voyez-vous, au fond
de tout cela. Mais moi je n'y voulais pas son-
ger, ma pensée est auprès de lui, elle le pro-
tège un peu, sans doute, et je me disais seule-
ment que, des enthousiasmes pareils on n'en
rencontre pas bien souvent dans une vie de
femme toute simple comme moi. Alors je re-
portais toutes ces bonnes paroles, toutes ces
effusions sans nombre sur celui qui les ignorait,
à..travers les lieues et les lieues, sur mon
garçon.
Le Livre, d'or » de Nungesser est sur la
table. Il est relié, contenu dans un emboîtage
rouge: Sa couverture, en effet, est faite avec
un fragment de son pantalon d'officier.
J'entr'ouvre le volume, qui forme un in-folio
plus épais qu'un lutrin du moyen âge. Sur
la page de garde se détache le fameux fétiche
noir de l'aviateur: Tête de mort, bière et cierges.
Et voici des portraits de lui, en foule, quand il
était petit, au milieu de ses camarades de l'école
primaire, à Valenciennes, puis à la pension
Notre-Dame, puis au collège d'Armentières.
Une boucle de cheveux blonds. Le diplôme de
son certificat d'études. Le prix de beauté qui
lui échut, à onze mois, à un concours de bébés.
Un autre prix, plus tard, pour la natation. Un
autre encore, deux, trois autres, obtenus lors
de concours de gymnastique.
« Voulez-vous voir des lettres de lui, quand
état enfant? »
Les papiers jaunis, l'écriture inexperte encore,
mais aux caractères affirmés, portent à la fin,
sur l'un des feuillets répandus sous mes ^eux
Au revoir, maman chérie, je finis ma lettre
pour m'amuser avec les petits compagnons.
Reçois tout un wagon (.sic) de baisers de ton
petite Charles qui prie tous les matins pour
toi. » La fragilité de ces éveils de l'âme prend
en cet instant quelque chose de solennel.
Voici une peinture fort habile un paysage
exécuté par Nungesser, à treize ans, alors
qu'une angine le retenait à la maison. Voici des
cartes postales de l'Amérique du Sud, de cette
Argentine pour laquelle il partit à l'âge de
seize ans afin d'y mener une existence libre,
une vie d'expérience personnelle et d'aventure
qui le vit tour à tour mécanicien, électricien,
gaucho. Je l'ai toujours laissé guider ses
jours à sa guise », me dit sa mère. Voici sa
carte de membre actif (1) du club d'aviation et
d'aérostation de Valenciennes, en 1911, car il
était revenu en France à dix-neuf ans. Et ses
photographies, prises au 1er hussards, quand il
tenait garnison à Verdun, qui nous mènent au
seuil de la guerre.
« J'ai placé là le dossier de ses citations n,
dit Mme Nungesser, en montrant, entre deux
pages du « Livre d'or » une énorme liasse de
textes manuscrits ou dactylographiés, revêtus de
cachets officiels.
» Et voilà enfin les clichés, les vues qui mar-
quent chaque étape de sa vie au front. J'ai été
prisonnière longtemps alors, moi, avec d'autres
malheureuses gens du Nord. Un calvaire.
Mais c'est vieux. Charles était, pendant ce
temps, criblé de quarante-deux blessures.
La rançon les degrés de la gloire.
Et, à côté de ces textes, des « Cartes postales
en franchise des armées de la République » sur
lesquelles le pilote écrit invariablement à sa
mère, au crayon: Tout va bien.
Mme Nungesser regarde la pendule. Quand
s'y fixera-l'heure inscrite?
« Si vous saviez, reprend-elle, comme mon''
fils a toujours été bon, prévenant pour moi.
Quand il reviendra, il faut que je sois la pre-
mière pour le recevoir et pour l'embrasser.
Dites-le, n'est-ce pas, dites-le bien? »
Souriante, mon interlocutrice ajoute:
« C'est tout.. Je suis un peu fatiguée, les
visites, je ne suis pas habituée à les recevoir
si copieuses, vous comprendrez donc que je
désire un peu de repos. Savez-vous que je
n'ai pas eu le temps de prendre un repas depuis
ce matin? Au revoir, monsieur, c'est un peu
haut, chez moi. Vous avez bien des marches à
descendre: Mais une mère' d'aviateur, elle n:
peut habiter que près du ciel. »
Gaëtan Sanvoisin
A la Prifecture de Police
LE DÉPART DE M. MORAIN
L'INSTALLATION DE M. CHIAPPE
M. Morain, qui remettra aujourd'hui à
M. Chiappe, le nouveau préfet de police, ses
attributions, a reçu, hier matin, les princi-
paux chefs des services actifs de son admi-
nistration, qui comprenaient des gradés,
des gardiens de la paix, des inspecteurs,
dont plusieurs avaient été récemment l'ob-
jet de citations.
M. Morain, dans son allocution, a rap-
pelé les mérites de chacun d'eux et a tenu
à leur remettre lui-même 'les distinctions
qui venaient de leur être attribuées. Il leur
a déclaré qu'il continuerait à s'intéresser
aux œuvres de secours mutuels, et de bien-
faisance de la préfecture de police et qu'il
comptait par ce moyen conserver de bons
rapports avec ses anciens collaborateurs.
M. Morain a reçu l'après-midi des délé-
gations des services sédentaires, ainsi que
les membres de la presse accrédités à la
préfecture.
Installation de M. Chiappe
Prenant ses nouvelles fonctions de pré-
fet de police, M. Chiappe, directeur de la
Sûreté générale, a remis, à 17 heures, à M.
Renard, la direction de ses services et a
présenté à son successeur les différents
chefs de service sous ses ordres.
Les Échos
L'Allemagne pacïfiste,
Voici un fait qui serait resté ignoré
du public si un brave journal, l'Avenir
alsacicn, qui joue courageusement le
rôle de chien de garde, ne venait de le
révéler.
Une croisière allemande va se diri-
ger vers l'Amérique, conduite par un
cuirassé de 10,000 tonnes qui a.'nom
"Elsass.
Il ne s'agit certainement pas d'un cui-
rassé alsacien, l'Alsace, malgré .les aspi-
rations du docteur Ricklin, n'ayant pas
encore sa (flotte de guerre. Non, l'Elsass
est tout simplement un bâtiment de
guerre allemand.
Il y là tout urf programme en même
temps qu'un défi. Si nous baptisions un
de nos cuirassés Palatinat, ou Rhénanie,
ou Carlsnihe, nous nous attirerions de
justes représentations de la part de nos
voisins de l'Est.
Ne les inviterons-nous pas, poliment
mais fermement, à s'abstenir de mani-
festations absolument inadmissibles ?
Font-Romeu toute l'année.
Les hôtes de Font-Romeu, venus en
touristes ou pour un long séjour pen-
dant les vacances de Pâques, ont eu la
révélation de ce qu'était, en Cerdagne,
le début du printemps. Ils ont constaté
que, en toute saison, le Grand Hôtel
ménage à ses hôtos, avec tout le bien-
être et tout le confort possibles à des
prix modérés, le plus agréable séjour.
Lès lecteurs du Gaulois. qui ont pu
suivre jour, par jour les efforts des ex-
perts joailliers Sirop et Pauliet pour
augmenter sans cesse le nombre de
leurs clients, peuvent être assurés qu'ils
consentiront toujours les sacrifices né-
cessaires pour donner satisfaction com-
plète à tous, soit pour l'achat ou la
vente d'un bijou.
86, avenue Malakoff, et, rue
SainWvIartin.
Les plus grandes distances franchis-
sables en avion sa,ns escale.
Une communication d'actualité M.
Râteau présentait hier à l'Académie des
sciences une note de M. Louis Bréguet
sur les plus grandes distances franchis-
sables en avion sans escale et la capacité
de transport dès avions de l'avenir sur
ces longs parcours.
M. L. Bréguet ne croit guère qu'on
puisse dépasser dans l'avenir 20,000 ki-
lomètres. Mais, d'ailleurs, une perfor-
mance consistant à faire plus de la moi-
tié du tour du monde à l'équateur sans
escale ne présenterait pas d'intérêt pra-
tique. Les parcours sans escale intéres-
sants sont ceux qui correspondent à un
rayon d'action pratique, par exemple
France-New-York, France-Indochine,
etc.
COUP DE CRAYON
FRANCIS JAMMES
LAVIGERIE
Lavigerie! Francis Jammes a choisi, peut-on
dire, son héros parmi ses proches. Lui aussi
vit près de Bayonne, où naquit le grand car-
dinal. Le poète de tant de livres adorables pou-
vait seul nous restituer l'enfance parfumëe,
l'adolescence traversée du souffle de l'Esprit
du héros d'ëpopée à la suite duquel il nous
entraîne en terre d'Af tique.
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Probabilités pour la journée du. 10 mai
Région parisienne: très nuageux, brumeux;
quelques ondées.
Température stationnaire:
AUJOURD'HUI
14 heures. Courses à Enghien.
20 h. 45. Théâtre de l'Œuvre: Répétition
générale de Les Deux Amis.
Lire en 3e page
LES ESPIONS COMMUNISTES
Les charges se prècisent
Le Coq
LES ELECTIONS DE DIMANCHE
Des trois élections sénatoriales de di-
manche, celles de Sèine-et-Oise et de
la Loire comportent un enseignement
intéressant, l'élection de la Vendée conà
firmant, par la nomination de M. de
Baudry d'Asson, député, le succès des'
En Seine-et-Oise, M. Cornudet est
élu par une coalition des électeurs mo-.
dérés'et libéraux et des radicaux natio-
naux, tandis que dans la Loire, M.
Pierre Robert, radical-socialiste, ne
triomphe que par l'appui des socialistes
et des communiâtes.
Les deux Cartels sont en présence
l'un qui peut assurer la victoire des
idées d'ordre et de liberté sur le large
terrain de l'union nationale, et l'autre,
où les radicaux-socialistes se mettent
sous le joug des communistes, devenus
arbitres de leur sort.
Aux prochaines élections,^ il faudra
choisir, car c'est entre ces deux pôles,
entre ces deux concentrations, que se
livrera la bataille. G. B.
LES ÉVÉNEMENTS DE CHINE
Les difficultés de Char.g Kaï Shek
Le sort des bolchevistes arrêtés'
Chang Kaï Shek et son nouveau gouver-
nement se débattent parmi des difficultés
de plusieurs sortes. Et tout d'abord, domi-
nés encore par les méthodes inspirées par
les tendances démagogiques de leurs an-
ciens conseillers bolchevistes, ils ater.
moient et ne savent quelles mesures pren-
dre pour rétablir leur autorité sur l'armée
et la discipline dans ses rangs. De même
n'arrivent-ils pas à créer une organisation
adéquate à la situation, et leur impu;s.
sance a causé dans la bourgeoisie chinoise'
et chez les étrangers de graves déceptions.
De plus, ils sont en proie à d'importants
besoins d'argent. Lé produit des douanes
de Shanghaï est loin d'y pourvoir, surtout
dans la période de crise actuelle. Chang
Kaï Shek s'est adressé aux chambres de
commerce. Celles-ci ont d'abord financé
largement. Actuellement, elles se récusent
et exigent du dictateur de* Nankin qu'il
fasse ses preuves en rétablissant l'ordre'.
Or, celui-ci semble incapable d'empêcher,
les 'incidents incessants qui se produisent
dans la cité chinoise entre les militaires
et les missionnaires. Les relations entre
étr.angers et Chinois s'en ressentent. Il faut
noter, cependant, que, par extraordinaire,
un soldat qui avait maltraité une reli-
gieuse a Ét& exécuté dans les douze
troublé que l'opinion publique inquiète se
demande si les décisions du gouvernement
de Nankin sont sérieuses ou si elles n'ont
pas seulement pour but de tromper les
puissances. On attend cependant une at-
ténuation des mesures de police, par suite
de la détente qui s'est produite depuis la
disparition de la menace d'une intervention
anglaise. Toutefois, certains éléments chi-
nois restent dangereux et devront être sur-
veillés. Néanmoins on a supprimé les barri-
cades de fils de fer barbelés qui gênaient
le plus le commerce.
Une question qui reste régler est celle
du retour dans l'arrière-pays des réfugiés,
qui encombrent Shanghaï. On ne sait en-
core comment on parviendra à assurer
leur rapatriement.
Enfin, on mande de Pékin que les Rus-
ses arrêtés, y compris Mme Borodine, ont
été remis par Tchang Tso Lin aux autori-
tés judiciaires locales. On dit qu'ils serons
jugés publiquement dans quelques mois.
Denys Meulhan
Rentrée parlementaire
La séance d'aujourd'hui
PAR M. GEORGES FOUCHER
La Chambre reprend aujourd'hui,
après un mois de vacances, èe qu'on a
coutume d'appeler « ses travaux ».
Et, tout de suite, une question se pose,
qui paraît, dans les préoccupations des
esprits, tenir la première place
« Sera-ce le gouvernement de M. Poin-
caré qui, dans quelques semaines,, aura
à soumettre à la signature du président
de la République le décret df clôture de
la session ? »
A cette question, je me garderai bien
de répondre par une affirmative catégo-
rique. Une longue expérience des intri-
gues parlementaires m'interdit de ris-
quer un pronostic aussi formel.
Disons donc, simplement, que, con-
trairement aux prévisions pessimistes de
quelques-uns de nos .amis, il y a de nom-
breuses chances pour que le cabinet
sorte, victorieux, des nombreuses embû-
ches déjà semées sous ses pas.
C'est que la bataille-, pour lui, la plus
dangereuse sera celle qui se livrera sur
le budget, le dernier budget de cette
législature, que les députés,, déjà mués
en candidats, seront naturellement.ame-
nés à n'examiner que du point de vue
de leur réélection.
Or, il n'est pas possible d'envisager,
sérieusement, l'ouverture ;du débat fi-'
nancier en cette fin de session. '̃'
Qu'on, prenne la peine de, en.
face la besogne qui va dès demain, s'im-'
poser aux Chambres lois militaires,
revision des tarifs douaniers, réforme
électorale. il y a là de _quoi remplir-
et au delà le peu de temps dont il
leur reste à disposer. Encore faut-il
compter avec d'autres .débats, imprévus
hier, inévitables aujourd'hui. Ne con-
vient-il pas, en effet, d'interpréter cer-
tains passages du retentissant discours
de Bar-le-Duc comme l'annonce du dé-
pôt, imminent, d'un projet de loi ten-
dant à prévenir et à réprimer, au be-
soin toutes velléités de rébellion chez
MM. les Ronds-de-Cuir ?
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Où sont=ils?
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Pendant toute, la journée d'hier, on a
fsenti battre le coeur unanime de la
,!France. Un peuple entier, uni dans une
Niseule pensée, dans une seule angoisse,
;a suivi heure par heure, minute par mi-
nute, le sublime effort des deux héros
Idont aucune nouvelle précise n'an-
;nonce le destin. Où étaient-ils entre deux
immensités? Avaient-ils réussi à tra-
iverser orages et tempêtes ? Quels chan-
gements imprévus avaient-ils dû appor-
er à leur, itinéraire ? Sur tous les par-
cours probables ou possibles, les guet-
teurs de T. S. F. attendaient avec quelle
anxiété les frémissements d'ondes an-
nonçant la migration de l'Diseau Blanc.
\Partout, on l'avait vu; et nulle part on
¡ne confirmait son passage. Les démentis
succédaient aux affirmations. Terxe-
¡Neuve l'avait entrevu dans les tourbil-
eons de la neige Halifax avait cru lie
»reobnn.aître dans les déchirements de la
prrume Boston signalait une apparition
:qui pouvait être la sienne, et tous les
regardes de New-York interrogeaient
'l'hOrizon. La fièvre de la France avait
gagné l'Amérique les deux continents
icommuniaient dans les mêmes espoirs
et dans les mêmes craintes.
Ces espoirs et ces craintes, Paris les
ia éprouvés avec des réactions d'autant
(plus vives que les semeurs de fausses
[nouvelles n'avaient point ménagé la ner-
ivosité populaire. Sur la foi de rensei-
gnements incomplets, des feuilles vo-
tantes répandues à profusion n'annon-
jçaient-elles pas l'arrivée des aviateurs
New-York, alors qu'ils n'avaient pas
lencore atteint les côtes américaines ?
[Les autorités officielles elles-mêmes, cé-
•jdant à la contagion de l'illusion publi-
que, n'adressaient-élles pas aux vain-
queurs des félicitations avant que l'on
leûb la certitude qu'elles leur parvien-
draient?.
A mesure que s'avançait la nuit, en
jeffet, les nouvelles devenaient plus va-
lues, les démentis se multipliaient, l'on
(n'escomptait,'plus l'arrivée de-Niinges-
per et de 6oli avant minuit.
C'est à cette Heure tardive qu'il nous
ifaut écrire ces alignes. Et, devant le mys-
itère obstiné, devant l'absence persis-
tante de toute information authentique,
devant ce communiqué troublant des
Services de l'aéronautique, une pro-
fonde inquiétude nous étreint. Où sont-
es ces hommes prodigieux qui, non seu-
Tement ont donné toute la mesure de
t'énergie française, mais ont aussi ré-
veillé l'âme vibrante de la France ?
René Lara
COMMUNIQUÉ OFFICIEL (1 h. du matin)
j A la direction de l'aéronautique, on dé-
clarait à 0 h. 40
i Nous n'avons sur "Nimgesscr aucun ren-
seignement officiel Il sied d'être très ré-
Iservé sur tes informations assurant que
g'Oiseau Blanc a été vu, le longs de.s côtes
Américaines. Ou ne peut fa-ire due des sup-
positions sur- la présence,de Nuugesser
jetas ces parages on n'en peut douner au-
Çune confirmation.
toutefois, ajoute-t-on, il ne faut pas dé-
isespérer de recevoir une bonne nouvelle
'encore que normalement Nungesser'aurait
/dû, arriver ci New-York vers 23 heures,
heure françaises.
Les journaux n'ont pas eu, hier matin,
tine bonne presse, si l'on peut ainsi par-
îer. La nouvelle, répandue avant-hier,
du départ de Nungesser avait provoqué
un grand mouvement de curiosité.
'Aussi hier matin la foule fut-elle pro-
jfondément déçue les dernières nouvel-
les remontaient à la veille, à l'heure où
l'Oiseau, Blanc avait quitté la côte (fran-
çaise. dimanche 6 h. 48. Du sud de
3' Angleterre, aucune nouvelle du sud
de l'Irlande, aucun renseignement. Nun-
gesser avait-il quitté les eaux européen-
nes ? Avait-il amerri dans la Manche
entre la Bretagne française et la. pres-
qu'île de Cornouailles ? Avait-il, comme
s'empressait de l'annoncer une agence
[américaine, amerri en plein Atlantique ?
;Vingt heures après son départ, Nunges-
eer n'était signalé nulle part.
Connaissant la valeur de l'équipage,
la. qualité du matériel, nous n'avions
point d'angoisse mais ce silence pro-
longé nous pesait tout de même. Hier
matin, à dix heures, soit plus de trente
heures après l'envol, nous n'.avions en-
core rien de précis. De source améri-
caine on relatait que l'avion n'avait été
,vu ni par un navire ni par les sémapho-
res côtiers de .Terre-Neuve. A peine si
'l'on annonçait qu'on avait1 cru voir un
avion, qui pouvait être celui de Nunges-
ser, passant au large de la côte sud de
Terre-Neuve..
Pluie de nouvelles
Paris, que ce silence maintenant op-
pressait, se sentait pris de doute.
Midi.
Soudain bonnes ou mauvaises les
nouvelles vont vite New-York se mit
nous renseigner. Dès lors, ce fut un
beau match, une avalanche de rensei-
gnements contradictoires. D'abordt una-
nimité touchant l'état de l'atmosphère,
nuages et brouillard épais, visibilité
très mauvaise puis la nouvelle que
Nungesser est passé au large d'Halifax
(800 kilomètres de New-York) à 14 heu-
res (heure française), puis au large de
Boston (600 kilomètres de New-York).
L'avion, nous dit-on, amerrira à 19 heu-
res, heure française, à New-York.
Les journaux de New-York tirent à.
pleine presse des éditions spéciales. L'en-
thousiasme en Amérique est considéra-
ble. On prépare une réception triom-
phale. Cinq avions vont partir au de-
vant de notre oiseau blanc. Bertaud et
Chamberlain, l'ingénieur Ballanca, qui
a construit le Miss Columbia, rival de
l'Oiseau Blanc, déclarent que mainte-
nant ils croient que Nungesser réus-
14 heures.
Ces informations parviennent à Pa-
ris. Paris, qu'un rien émeut et pas-
sionne Paris, toujours prêt à s'enthou-
siasmer, s'arrache les éditions spécia-
les qui se. succèdent de quart d'heurè en
quart d'heure. Les camelots font des af-
faires d'or. On achète vingt sous une
feuille sur laquelle s'écrasent de gros
titres .dithyrambiques. Paris, préoccupé
le matin, donne dès midi libre cours à
son allégresse.' Des gens qui ne se sont
jamais vus s'accostent, échangent leurs
impressions, discutent, gesticulent,
crient. C'est la fièvre. Vers quatre heu-
res, on imprime des détails précis.
Ils » sont passés là à telle heure, ici,
à telle heure. La fièvre monte.
17 heures.
Certes. pour ceux qui réfléchissent, il
est invraisemblable que, volant dans le
« coton », Nungesser file à plus de 200
à l'heure. Mais la foule maintenant a
devant les yeux les transparents lumi-
neux, elle a les éditions spéciales. Elle a
lu les journaux électriques. Elle a vu les
avions du Bourget lançant des (fusées
rouges signal convenu pour .annoncer
l'arrivée à New-York la foule est trop
emballée pour douter. Sa joie l'emporte,
la grise. C'est uni fait certain. Nungesser
est à New-York. A l'heure où les terras-
ses des cafés sont bondées d'oisifs, la
nouvelle est l'objet de toutes les conver-
sations. Une fanfare précédée de gens
qui portent un immense écriteau
« Vive Nungesser 1 Vive Coli I Honneür
à ces deux Français débouche sur
le boulevard, entraînant une foule
bruyante derrière elle. On se presse, se
bouscule. L'enthousiasme est à son
comble. Paris a eu mal aux neuf. Il se
détend, comme un enfant rit de tout son
être après une grosse crise de larmes.
19 heures.
Vers 7 heures du soir, ceux qui étaient
renseignés pensaient, sans optimisme
exagéré, pouvoir dire que Nungesser
touchait au but.
Inquiétude
20 heures.
Mais le radio annonçant l'arrivée
triomphale aux pieds de la statue de la
Liberté tardait à nous parvenir. Plus
d'éditions spéciales. C'était l'heure du
dîner.
Alors, se succédèrent des télégrammes
de nature à provoquer une grande in-
quiétude par leur réserve et leurs con-
tradictions.
New-York, 9 mai,
(15 h. 57, heure américaine).
Le steamer Modoc, qui appartient à ja
flottille américaine patrouillant dans le
grand banc de Terre-Neuve, a envoyé un
sans-fil à l' « United Press » déclarant
« Nous recherchons Nungesser, mais ne
l'avons toujours pas aperçu. »
New-York, 9 mai, 16 h. 10
(heure américaine).
Trois aéroplanes ont quitté Staten-Island
pour procéder à des recherches au large.
On annonce, d'autre part, de Boston, que
les neuf aéroplanes qui avaient pris l'air
pour effectuer des recherches viennent de
rentrer et déclarent que les conditions ac-
tuelles rendent absolument impossible
tout vol au-dessus de l'Atlantique.
New-York, 9 mai (16 h. 17).
On mande de New-Bury-Port (Massa-
chussets) que le capitaine., Charles Rand;
de la maréchaussée, a signalé le passage
à 16 heures d'un avion paraissant ressem-
bler à celui de Nungesser. et de Coli, mais
qu'il lui avait toutefois été impossible
d'identifier les insignes de l'appareil.
Le. Bourget, 9 mai.
Au moment jde'iTarrivée à New-York .de
Nungesser et de Coli, des avions lanceront
au-dessus, de Paris des fusées avec la let-
tre N: ̃
'Lé. Bourget, 9 mai.
Les avions qui se tenaient prêts au Bour-
get à prendre l'air pour annoncer l'arrivée
de l'aviateur Nungesser à New-York ont
reçu l'ordre, à 19 heures, de prendre leur
vol, da nouvellé de l'arrivée de l'aviateur
étant parvenue à Paris.
Mais presque au même moment on décla-
rait au Bourget que la nouvelle de l'arrivée
'de Nungesser à New-York était démentie
par des câbles qu'on venait de recevoir.
New-York, 9 mai.
Nungesser est passé à 16.h. 25, heure
locale, au-dessus de New-Bury.-Port.
On estime qu'il arrivera à New-York vers
18 heures. (Havas.)
Washington, 9 mai, 17 h. 53
(heure locale).
Après la réception d'un rapport officiel
annonçant que l'avion de Nungesser avait
été vu du côté de la Nouvelle-Angleterré,
l'arsenal de Boston a avisé le département }
de la marine que ces informations n"a-
vaient pas été confirmées et que l'avion
signalé pourrait être un garde-côte allant
à Gloucester.
Il paraît maintenant probable que
l'avion qui avait été signalé était un garde-
côte, mais on n'a aucune certitude à ce
sujet. {Havas.)
Paris, 9 mai.
Le ministère du nnmmetvo et fin
nautique vient de recevoir le radio-télé-
gramme officiel suivant
New-York, 19 h. 20 (heure française).
« Nungesser pas encore arrivé. Temps
très mauvais.
New-York, 9 mai,
Le sort de Nungesser reste inconnu.
Déclarations rassurantes
New-York, 9 mai.
M. Henry Woodhouse, président de la
Ligue aéronautique, américaine, a fait la
déclaration'suivante
Nous ne sommes pas très inquiets sur le
sort de Nungesser et de Coli. Ce sont des
aviateurs consommés, habitués à naviguer
à la boussole.
» Sauf en cas de difficultés avec leur
moteur, ils doivent arriver jusqu'au con-
tinent américain.
» Mais comme ils ne connaissent pas la'
côte et que de plus un brocard terrible
règne en ce moment, il est très possible
qu'ils se trompent de lieu et amerrissent
en un endroit perdu d'où il leur serait im-
possible de donner de leurs nouvelles.
» Ils ne courraient là aucun danger, mais
il ne faudrait pas s'étonner de ne pas en-
tendre parle° d'eux avant deux ou trois
jours. »
Nouvelles inquiétudes
New-York, 9 mai,
On mande de Portland que l'avion
aperçu cet après-midi au-dessus" de cette
ville et qu'on avait cru un moment être
celui de Nungesser était de couleur foncée
et ne répondait nullement à la description
do VOis eau-Blanc.
Halofax, 9 mai.
A 14 heures, heure américaine, on était
toujours sans nouvelles de Nungesser.
La station de T. S. F. de Capa-Race
(Nouvelle-Ecosse) signale qu'il fait main-
tenant un très beau temps, après qu'un:
fort vent d'est eût balayé le brouillard qui
se trouvtit. au-dessus de Saint-Jean de
Terre-Neuve.
New-York, 9 mai.
Aucune des stations de T. S. F. du gou-
vernement, le long de la côte américaine,
n'a reçu de nouvelles de Nungesser.
Les paquebots Compte et Laconia, qui
ont envoyé plusieurs messages, ne font au-
cune mention d'avoir aperçu l'avion fran-
çais, bien qu'ils suivent la route au-dessus
de laquelle les. deux aviateurs auraient dû
passer.
Boston, 9 mai.
A 4 heures de l'après-midi, une escadrille
de neuf avions a pris le départ pour effec-
tuer de nouvelles recherches en vue de
retrouver Nungesser et Coli.
New-York, 9 mai (15 h. 41,
heure américaine).
On mande de Washington que le dépar-
tement de la marine vient de recevoir la
nouvelle que l'avion des aviateurs français
aurait passé, à 3 heures cet après-midi, au-
dessus de Portsmouth, dans le New-Amps-
hire.
EN RÉSUMÉ
Du flot de nouvelles contradictoires
reçues depuis dimanche matin, il ap-
pert que nous ne savons rien sur le
raid de Nungesser qui soit certain. Si-
gnalé à Saint-Jean-de-Terre-Neuve,
hier matin, à 8 h. 30, puis à Halifax,
puis à Portland, puis à Boston, l'Oiseau
Blanc, 45 heures après son départ de
Paris, n'avait pas amerri à New-York.
C'est à peu près la seule chose dont
nous sayons sûrs.
Or, après 45 heures de vol, la provi-,
sion d'essence de Nungesser devait être
épuisée. Où a-t-il pu amerrir ? Comment
s'est effectué l'amerrissage ? Autant de
questions auxquelles nous ne pourrons
répondre qu'aujourd'hui espérons-le
du moins.
Souhaitons surtout que Nungesser ait
pu amerrir en un lieu où il pourra être:,
recueilli avant que la vague ne soit par-
venue à briser sa coque étanche.
Espérons.
2 heures 15,
A la direction de l'aéronautique, on
n'a, aucune nouvelle de Nungesser.
A cette heure, la nuit est venue sur
la côte américaine.
A moins d'un miracle, Nungesser
n'atteindra pas New-York et nous n'au-
rons pas de nouvelles de l'Oiseau Blanc
avant midi.
Georges Bruni
L'Attente de la Mère.
Pendant que Paris, tout autour, accentuait
hier soir, de minute en minute les rumeurs
multipliées de son attente fiévreuse, je me
suis rendu boulevard du Temple où, au sixième
étage d'une maison centenaire qui porte le
numéro 33, Mme Nungesser mère m'a fait
l'honneur de me recevoir.
Elle est modeste et paisible dans l'heure
si grande qui passe, La chevelure blanche,
l'aeil infiniment doux, une bouche qui porte la
marque de la bonté. La pièce où elle m'accueillie
est petite et elle le paraît plus encore par l'abon-
dance des photographies, objets de toute sorte,
écrins, boîtes bourrées de lettres, témoignages
de souvenir et d'admiration, cadeaux faits à
T « as » célèbre.
Quelle journée pous vous! dis-je à la mère
du héros.
Certes, l'attente a été dure et les heures
''furent lourdes. Mais l'espoir, à aucun moment,
ne m'a quittée. J'ai toujours eu confiance en
Charles, en sa vaillance raisonnée, en son au-
dace réfléchie. Ah! tout jeune, il m'en a donné
du tracas! Souvent, en revenant de classe, il
arrivait en s'écriant: « Maman, je suis encore
entier aujourd'hui! » Eh! bien, à tous les visi-
teurs que j'ai reçus depuis hier, depuis ce matin
surtout, j'ai répété la même chose: « Mon grand
réussira, mon grand touchera le but. » Et il le
faut bien, n'est-ce pas, monsieur, parce que ce
sera une récompense bien méritée par lui, une
grande fierté pour la France qui le mérite tant
elle aussi. Et puis, moi, sa maman, qui ne
suis rien dans tout cela, j'ai senti qu'il y avait
une grande sécurité de tendresse dans mon
cœur. Ces choses-là, ça ne trompe pas. Les
pressentiments d'une mère, ça ne peut pas
.faillir. Ah! j'en ai entendu des pronostics,
des félicitations, des encouragements! Des
baisers, même de gens, de voisins, que je
connaissais à peine, que je n'avais jamais vus,
en ai-je reçu aujourd'hui! Je savais bien qu'il
y avait un peu de crainte, voyez-vous, au fond
de tout cela. Mais moi je n'y voulais pas son-
ger, ma pensée est auprès de lui, elle le pro-
tège un peu, sans doute, et je me disais seule-
ment que, des enthousiasmes pareils on n'en
rencontre pas bien souvent dans une vie de
femme toute simple comme moi. Alors je re-
portais toutes ces bonnes paroles, toutes ces
effusions sans nombre sur celui qui les ignorait,
à..travers les lieues et les lieues, sur mon
garçon.
Le Livre, d'or » de Nungesser est sur la
table. Il est relié, contenu dans un emboîtage
rouge: Sa couverture, en effet, est faite avec
un fragment de son pantalon d'officier.
J'entr'ouvre le volume, qui forme un in-folio
plus épais qu'un lutrin du moyen âge. Sur
la page de garde se détache le fameux fétiche
noir de l'aviateur: Tête de mort, bière et cierges.
Et voici des portraits de lui, en foule, quand il
était petit, au milieu de ses camarades de l'école
primaire, à Valenciennes, puis à la pension
Notre-Dame, puis au collège d'Armentières.
Une boucle de cheveux blonds. Le diplôme de
son certificat d'études. Le prix de beauté qui
lui échut, à onze mois, à un concours de bébés.
Un autre prix, plus tard, pour la natation. Un
autre encore, deux, trois autres, obtenus lors
de concours de gymnastique.
« Voulez-vous voir des lettres de lui, quand
état enfant? »
Les papiers jaunis, l'écriture inexperte encore,
mais aux caractères affirmés, portent à la fin,
sur l'un des feuillets répandus sous mes ^eux
Au revoir, maman chérie, je finis ma lettre
pour m'amuser avec les petits compagnons.
Reçois tout un wagon (.sic) de baisers de ton
petite Charles qui prie tous les matins pour
toi. » La fragilité de ces éveils de l'âme prend
en cet instant quelque chose de solennel.
Voici une peinture fort habile un paysage
exécuté par Nungesser, à treize ans, alors
qu'une angine le retenait à la maison. Voici des
cartes postales de l'Amérique du Sud, de cette
Argentine pour laquelle il partit à l'âge de
seize ans afin d'y mener une existence libre,
une vie d'expérience personnelle et d'aventure
qui le vit tour à tour mécanicien, électricien,
gaucho. Je l'ai toujours laissé guider ses
jours à sa guise », me dit sa mère. Voici sa
carte de membre actif (1) du club d'aviation et
d'aérostation de Valenciennes, en 1911, car il
était revenu en France à dix-neuf ans. Et ses
photographies, prises au 1er hussards, quand il
tenait garnison à Verdun, qui nous mènent au
seuil de la guerre.
« J'ai placé là le dossier de ses citations n,
dit Mme Nungesser, en montrant, entre deux
pages du « Livre d'or » une énorme liasse de
textes manuscrits ou dactylographiés, revêtus de
cachets officiels.
» Et voilà enfin les clichés, les vues qui mar-
quent chaque étape de sa vie au front. J'ai été
prisonnière longtemps alors, moi, avec d'autres
malheureuses gens du Nord. Un calvaire.
Mais c'est vieux. Charles était, pendant ce
temps, criblé de quarante-deux blessures.
La rançon les degrés de la gloire.
Et, à côté de ces textes, des « Cartes postales
en franchise des armées de la République » sur
lesquelles le pilote écrit invariablement à sa
mère, au crayon: Tout va bien.
Mme Nungesser regarde la pendule. Quand
s'y fixera-l'heure inscrite?
« Si vous saviez, reprend-elle, comme mon''
fils a toujours été bon, prévenant pour moi.
Quand il reviendra, il faut que je sois la pre-
mière pour le recevoir et pour l'embrasser.
Dites-le, n'est-ce pas, dites-le bien? »
Souriante, mon interlocutrice ajoute:
« C'est tout.. Je suis un peu fatiguée, les
visites, je ne suis pas habituée à les recevoir
si copieuses, vous comprendrez donc que je
désire un peu de repos. Savez-vous que je
n'ai pas eu le temps de prendre un repas depuis
ce matin? Au revoir, monsieur, c'est un peu
haut, chez moi. Vous avez bien des marches à
descendre: Mais une mère' d'aviateur, elle n:
peut habiter que près du ciel. »
Gaëtan Sanvoisin
A la Prifecture de Police
LE DÉPART DE M. MORAIN
L'INSTALLATION DE M. CHIAPPE
M. Morain, qui remettra aujourd'hui à
M. Chiappe, le nouveau préfet de police, ses
attributions, a reçu, hier matin, les princi-
paux chefs des services actifs de son admi-
nistration, qui comprenaient des gradés,
des gardiens de la paix, des inspecteurs,
dont plusieurs avaient été récemment l'ob-
jet de citations.
M. Morain, dans son allocution, a rap-
pelé les mérites de chacun d'eux et a tenu
à leur remettre lui-même 'les distinctions
qui venaient de leur être attribuées. Il leur
a déclaré qu'il continuerait à s'intéresser
aux œuvres de secours mutuels, et de bien-
faisance de la préfecture de police et qu'il
comptait par ce moyen conserver de bons
rapports avec ses anciens collaborateurs.
M. Morain a reçu l'après-midi des délé-
gations des services sédentaires, ainsi que
les membres de la presse accrédités à la
préfecture.
Installation de M. Chiappe
Prenant ses nouvelles fonctions de pré-
fet de police, M. Chiappe, directeur de la
Sûreté générale, a remis, à 17 heures, à M.
Renard, la direction de ses services et a
présenté à son successeur les différents
chefs de service sous ses ordres.
Les Échos
L'Allemagne pacïfiste,
Voici un fait qui serait resté ignoré
du public si un brave journal, l'Avenir
alsacicn, qui joue courageusement le
rôle de chien de garde, ne venait de le
révéler.
Une croisière allemande va se diri-
ger vers l'Amérique, conduite par un
cuirassé de 10,000 tonnes qui a.'nom
"Elsass.
Il ne s'agit certainement pas d'un cui-
rassé alsacien, l'Alsace, malgré .les aspi-
rations du docteur Ricklin, n'ayant pas
encore sa (flotte de guerre. Non, l'Elsass
est tout simplement un bâtiment de
guerre allemand.
Il y là tout urf programme en même
temps qu'un défi. Si nous baptisions un
de nos cuirassés Palatinat, ou Rhénanie,
ou Carlsnihe, nous nous attirerions de
justes représentations de la part de nos
voisins de l'Est.
Ne les inviterons-nous pas, poliment
mais fermement, à s'abstenir de mani-
festations absolument inadmissibles ?
Font-Romeu toute l'année.
Les hôtes de Font-Romeu, venus en
touristes ou pour un long séjour pen-
dant les vacances de Pâques, ont eu la
révélation de ce qu'était, en Cerdagne,
le début du printemps. Ils ont constaté
que, en toute saison, le Grand Hôtel
ménage à ses hôtos, avec tout le bien-
être et tout le confort possibles à des
prix modérés, le plus agréable séjour.
Lès lecteurs du Gaulois. qui ont pu
suivre jour, par jour les efforts des ex-
perts joailliers Sirop et Pauliet pour
augmenter sans cesse le nombre de
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consentiront toujours les sacrifices né-
cessaires pour donner satisfaction com-
plète à tous, soit pour l'achat ou la
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86, avenue Malakoff, et, rue
SainWvIartin.
Les plus grandes distances franchis-
sables en avion sa,ns escale.
Une communication d'actualité M.
Râteau présentait hier à l'Académie des
sciences une note de M. Louis Bréguet
sur les plus grandes distances franchis-
sables en avion sans escale et la capacité
de transport dès avions de l'avenir sur
ces longs parcours.
M. L. Bréguet ne croit guère qu'on
puisse dépasser dans l'avenir 20,000 ki-
lomètres. Mais, d'ailleurs, une perfor-
mance consistant à faire plus de la moi-
tié du tour du monde à l'équateur sans
escale ne présenterait pas d'intérêt pra-
tique. Les parcours sans escale intéres-
sants sont ceux qui correspondent à un
rayon d'action pratique, par exemple
France-New-York, France-Indochine,
etc.
COUP DE CRAYON
FRANCIS JAMMES
LAVIGERIE
Lavigerie! Francis Jammes a choisi, peut-on
dire, son héros parmi ses proches. Lui aussi
vit près de Bayonne, où naquit le grand car-
dinal. Le poète de tant de livres adorables pou-
vait seul nous restituer l'enfance parfumëe,
l'adolescence traversée du souffle de l'Esprit
du héros d'ëpopée à la suite duquel il nous
entraîne en terre d'Af tique.
Charme et grandeur, sensibilité nuancée, coup
d'oeil, d'aigle sur l'avenir de la civilisation et du
christianisme, rien ne manque à ce livre
superbe, à ce Lavigerie qui est plus attrayant
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DERNIERS COURS DES CHANGES
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TEMPÉRATURE
Probabilités pour la journée du. 10 mai
Région parisienne: très nuageux, brumeux;
quelques ondées.
Température stationnaire:
AUJOURD'HUI
14 heures. Courses à Enghien.
20 h. 45. Théâtre de l'Œuvre: Répétition
générale de Les Deux Amis.
Lire en 3e page
LES ESPIONS COMMUNISTES
Les charges se prècisent
Le Coq
LES ELECTIONS DE DIMANCHE
Des trois élections sénatoriales de di-
manche, celles de Sèine-et-Oise et de
la Loire comportent un enseignement
intéressant, l'élection de la Vendée conà
firmant, par la nomination de M. de
Baudry d'Asson, député, le succès des'
En Seine-et-Oise, M. Cornudet est
élu par une coalition des électeurs mo-.
dérés'et libéraux et des radicaux natio-
naux, tandis que dans la Loire, M.
Pierre Robert, radical-socialiste, ne
triomphe que par l'appui des socialistes
et des communiâtes.
Les deux Cartels sont en présence
l'un qui peut assurer la victoire des
idées d'ordre et de liberté sur le large
terrain de l'union nationale, et l'autre,
où les radicaux-socialistes se mettent
sous le joug des communistes, devenus
arbitres de leur sort.
Aux prochaines élections,^ il faudra
choisir, car c'est entre ces deux pôles,
entre ces deux concentrations, que se
livrera la bataille. G. B.
LES ÉVÉNEMENTS DE CHINE
Les difficultés de Char.g Kaï Shek
Le sort des bolchevistes arrêtés'
Chang Kaï Shek et son nouveau gouver-
nement se débattent parmi des difficultés
de plusieurs sortes. Et tout d'abord, domi-
nés encore par les méthodes inspirées par
les tendances démagogiques de leurs an-
ciens conseillers bolchevistes, ils ater.
moient et ne savent quelles mesures pren-
dre pour rétablir leur autorité sur l'armée
et la discipline dans ses rangs. De même
n'arrivent-ils pas à créer une organisation
adéquate à la situation, et leur impu;s.
sance a causé dans la bourgeoisie chinoise'
et chez les étrangers de graves déceptions.
De plus, ils sont en proie à d'importants
besoins d'argent. Lé produit des douanes
de Shanghaï est loin d'y pourvoir, surtout
dans la période de crise actuelle. Chang
Kaï Shek s'est adressé aux chambres de
commerce. Celles-ci ont d'abord financé
largement. Actuellement, elles se récusent
et exigent du dictateur de* Nankin qu'il
fasse ses preuves en rétablissant l'ordre'.
Or, celui-ci semble incapable d'empêcher,
les 'incidents incessants qui se produisent
dans la cité chinoise entre les militaires
et les missionnaires. Les relations entre
étr.angers et Chinois s'en ressentent. Il faut
noter, cependant, que, par extraordinaire,
un soldat qui avait maltraité une reli-
gieuse a Ét& exécuté dans les douze
troublé que l'opinion publique inquiète se
demande si les décisions du gouvernement
de Nankin sont sérieuses ou si elles n'ont
pas seulement pour but de tromper les
puissances. On attend cependant une at-
ténuation des mesures de police, par suite
de la détente qui s'est produite depuis la
disparition de la menace d'une intervention
anglaise. Toutefois, certains éléments chi-
nois restent dangereux et devront être sur-
veillés. Néanmoins on a supprimé les barri-
cades de fils de fer barbelés qui gênaient
le plus le commerce.
Une question qui reste régler est celle
du retour dans l'arrière-pays des réfugiés,
qui encombrent Shanghaï. On ne sait en-
core comment on parviendra à assurer
leur rapatriement.
Enfin, on mande de Pékin que les Rus-
ses arrêtés, y compris Mme Borodine, ont
été remis par Tchang Tso Lin aux autori-
tés judiciaires locales. On dit qu'ils serons
jugés publiquement dans quelques mois.
Denys Meulhan
Rentrée parlementaire
La séance d'aujourd'hui
PAR M. GEORGES FOUCHER
La Chambre reprend aujourd'hui,
après un mois de vacances, èe qu'on a
coutume d'appeler « ses travaux ».
Et, tout de suite, une question se pose,
qui paraît, dans les préoccupations des
esprits, tenir la première place
« Sera-ce le gouvernement de M. Poin-
caré qui, dans quelques semaines,, aura
à soumettre à la signature du président
de la République le décret df clôture de
la session ? »
A cette question, je me garderai bien
de répondre par une affirmative catégo-
rique. Une longue expérience des intri-
gues parlementaires m'interdit de ris-
quer un pronostic aussi formel.
Disons donc, simplement, que, con-
trairement aux prévisions pessimistes de
quelques-uns de nos .amis, il y a de nom-
breuses chances pour que le cabinet
sorte, victorieux, des nombreuses embû-
ches déjà semées sous ses pas.
C'est que la bataille-, pour lui, la plus
dangereuse sera celle qui se livrera sur
le budget, le dernier budget de cette
législature, que les députés,, déjà mués
en candidats, seront naturellement.ame-
nés à n'examiner que du point de vue
de leur réélection.
Or, il n'est pas possible d'envisager,
sérieusement, l'ouverture ;du débat fi-'
nancier en cette fin de session. '̃'
Qu'on, prenne la peine de, en.
face la besogne qui va dès demain, s'im-'
poser aux Chambres lois militaires,
revision des tarifs douaniers, réforme
électorale. il y a là de _quoi remplir-
et au delà le peu de temps dont il
leur reste à disposer. Encore faut-il
compter avec d'autres .débats, imprévus
hier, inévitables aujourd'hui. Ne con-
vient-il pas, en effet, d'interpréter cer-
tains passages du retentissant discours
de Bar-le-Duc comme l'annonce du dé-
pôt, imminent, d'un projet de loi ten-
dant à prévenir et à réprimer, au be-
soin toutes velléités de rébellion chez
MM. les Ronds-de-Cuir ?
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