Titre : Les Droits de l'homme / fondateur Henri Deloncle
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1898-06-12
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32759074m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 12 juin 1898 12 juin 1898
Description : 1898/06/12 (A1,N156). 1898/06/12 (A1,N156).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6817343c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, GR FOL-LC2-5700
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 02/05/2016
6 mois
j mois
PREMIÉRE ANNEE.
PARS
Te Numero S GIIC centimes
DIMANCHE 12 JUIN
ES DROITS DE L’HOMME
Ordre et progrès per le Révolution Frençaiee
ABONNEMENTS
FRANCE ET ALGRIE
ÉTRANGER et union postale
10 •
S 50
• mois
> mots.
1 an ...
6 mois.
S mois.
RÉDACTION ET ADMINISTRATION
8 — Boulevard Montmartre — 8
Les annonces sont reçues chez II. Lagrange, Cerf et C
LES MANUSCRITS MON INSÉRÉS ME SONT PAS REN DUS
TÉLÉPHONE N* 106.87
irant rue des Ecluses .. .
ro A est morte subitement
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une affection cardiaque d ’
été transporte au domicile de
FINANCE
plète d’affaires. D’Espaone
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> la plus grande incertitude et
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te, dit-on, beaucoup de va-
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se est restée spéciale aux va-
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entrevoit ou espère, à tra-
ments qui se précipitent, une
que plus rapide. Ce n'est pas
uns ou la victoire des autres
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ancaises sont en progrès sur
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Ville de Paris 1886 se tien-
Elles n’ont pas fléchi,
e ait eu lieu le 6 courant,
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• Paris en vue de parti-
ge a fixé à 5 fr. l'indemnité
doit payer à l'acheteur. W
nt un écart de 5 fr. entre
urs cours élevés bien qu’elles
-tirage du G juin 1898. C’est
révoit le succès de la pro-
don dont nous avons fait
Paris cote 9.2
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(OMNENT ON JUGE
1 MADAGASCAR
J’ai dit, dans un premier article, sur
quels misérables conseils le général Gal-
jæui avait, dès avant son départ pour la
Grande II e » inscrit parmi les suspects
k nom de Rainandriamampandry ; j’ai
dit, dans un second article, la révolution
de palais qu’il fit pour assurer la perte
de cet honnête homme, et j'ai précisé
dans quelles conditions il informa lé
directeur du Journal officiel de la con
damnation prononcée, sans même at
tendre que le Conseil de guerre fût
réuni. Dans ce troisième article, c’est
donc cette séance du Conseil de guerre
qu’il me reste à conter.
Auparavant, toutefois, une observation
s’impose. Contre l’ex-ministre de l’inté
rieur Rainandriamampandry, que le
résident Ranchot et le général Duchesne
avaient investi de toute leur confiance,
qui jouissait àTananarive d’une répu
tation presque unique de loyauté, de
bravoure et de probité, un seul témoi
gnage fut apporté : celui de Rasanjy. Or,
j’ai dit déjà ce qu’était Rasanjy, traître
apportant ses odieux services d’un parti
à l’autre par cupidité, ambition ou
cruauté, suivant que l’occasion lui ap-
paraissait propice de s’enrichir, de s’éle
ver ou de venger ses querelles person
nelles au cri, tantôt de : « Vive l’Angle
terre.’ » tantôt de : « Vive la France! »
Mais, si vile que cette canaille soit,
il est juste de tenir compte qu’elle ne
prit aucune initiative dans Je crime
judiciaire, ne fut qu’un docile instru
ment aux mains des vainqueurs, et,
en somme, pour cet attentat tout au
moins, mérite des circonstances atténuan
tes auxquelles il est triste de dire que le
général Galliéni n’a point droit.
Que l’on se reporte, en effet, aux dates
que j'ai données soigneusement dans mon
précédent article, on y constatera que la
runion, à la résidence générale, du con-
vil où fut décidée l'arrestation du prince
Ratsimamangue et du ministre Rainan-
driamampandry est du samedi 10 octo
bre et que les décrets investissant
Rasanjy des fonctions intérimaires de
premier ministre et de ministre de l'in-
teneur sont du dimanche 11 octobre.
Dans ce rapprochement la sentence
inique est déjà virtuellement contenue.
Je n’hésite pas, en effet, à affirmer — et
du reste cette opinion est celle de tous
les gens informés de Tananarive—que
l'élévation de Rasanjy fut le prix dont
on reconnut son engagement de perdre
Rainandriamampandry par de faux
témoignages. — Lui ou toi, avait dit le
général Galliéni. Donne-moi un prétexte
à le fusiller, car je veux faire un exem
ple. C’est mon idée ; et j’ai besoin d’un
prétexte contre cet honnête homme.
Sinon, contre toi, je ne manquerai pas
de prétexte, parce que tues une canaille.—
Rasanjy comprit et, sa tête étant en jeu,
n’hésita guère. Il promit son plus dé
voué, son plus ingénieux, son plus cy-
nique concours. En échange de quoi le
général, précautionneux, l’éleva intéri-
rviirement aux plus hautes fonctions de
l’Etat. S’il marchait mal, sa puissance
serait d’un jour, les termes même du
décret l’en avertissaient; s’il marchait
bien, il pouvait tout espérer. Il marcha
de telle façon qu’aujourd’hui, pour s’être
fait le complice d’un crime qui déshonore
notre conquête, il porte le titre éclatant
de gouverneur général de l’Imérina.
Le conseil de guerre devant lequel com-
parurent le prince Ratsamamangue, oncle
de la reine Ranavalo, et l’ex-ministre de
"intérieur Rainandriamampandry, était
composé de cinq officiers et présidé par
le lieutenant-colonel Hurstel, du 1 er régi-
ment de tirailleurs algériens, homme de
mœurs douces dans le privé, de bonne
compagnie, d’aimable fréquentation,
mais, dans le service, implacable sur la
consigne. Il avait reçu des ordres, soldat,
il tes exécuta. Sa conscience, à coup sûr,
ne lui reproche rien.
Les deux accusés n’avaient qu’un défen-
seur, le lieutenant Peltier, qui leur avait
été désigné d'office. Je note encore que
assistance était nombreuse lorsque le
conseil de guerre entra eu séance et la
curiosité grande car, si tout le monde
connaissait d’avance la condamnation qui
serait prononcée, on en attendait les mo-
"s avec d’autant plus d’intérêt qu’on la
Savait plus inique.
accusation contre le prince Ratsima-
mangue se peut résumer en quelques
ots : — il y avait sur les terres dont il
sait propriétaire et seigneur un grand
ombre de révoltés. 5
Ala vérité, rien de plus exact. Mais ce
3 “ fallait démontrer c’est que le prince
était de complicité avec eux. Or, à cet
égard, on n’apporta ni preuves, ni indi
cations d’aucune sorte. Au surplus,—outre
que l’accusation était ridicule contre ce
vieillard épuisé, vacillant, à demi gâteux,
sans force, courage ou influence, contre
ce macrobite ridicule, tourné en dérision
par les indigènes eux-mêmes,—lorsque le
malheureux comprit, il eut une lueur
d’intelligence et, gesticulant avec force,
tendant ses deux bras vers le tribunal
dans une mimique effarée, il protesta en
de verbeuses paroles et proposa, si l’on
voulait, de partir tout de suite, avec une
escorte qui le garderait, pour désarmer
les émeutiers. Certainement on se trom
pait. Il n’était pour rien dans les soulè
vements qu’on lui reprochait, mais, avec
un tremblement de joie, il se crampon
nait à ce moyen de salut : aller dans ses
terres, parler aux rebelles, obtenir peut-
être la capitulation de quelques-uns,
démontrer son impuissance sur les au
tres, prouver enfin son innocence abso
lue.
Des éclats de rire cyniques accueilli
rent, dans l’auditoire, cette proposition
naïve. Quant aux juges ils restèrent gra
ves, et leur visage se détendit seulement
lorsque le lieutenant Peltier, pour toute
défense, dit en montrant du doigt le vieux
prince dont l’émotion profonde faisait
grimacer l'affreux visage : Ayez pitié de
ce singe !
L'accusation contre l’ex-ministre de
‘intérieur Rainandriamampandry était
plus précise, contrairement à ce qu’in
dique la Proclamation au peuple Mal
gache que j’ai citée dans mon précédent
article. Comme au prince Ratsimamangue,
on lui reprochait d’être complice des re
belles; mais, considérant que son cou
rage, sa haute intelligence, sa réputation
de loyauté en faisaient un prévenu moins
commode à perdre, on prit la peine de
spécifier qu’il avait reçu des lettres du
chef rebelle Rabezavano. — Je note
ici que, dans les trois documents emprun
tés au Journal officiel que j’ai reproduits
avant-hier, cette spécification n'existe pas,
et que Rabezavano n'est nulle part nommé,
ce qui ne laisse point que d’être surpre
nant.
Mais ces lettres, est-il besoin que je
dise qu’elles ne furent pas versées
aux débats, que l’on n’en trouve nulle
part trace, qu’elles n'avaient été lues, ni
vues par aucun témoin, sauf par Ra
sanjy. Premier ministre intérimaire de
puis la veille, il paya ce jour-là sa dette
et donna au général les garanties que
l’on attendait de lui. Sur une protesta
tion de Rainandriamampandry qu’il
n’avait rien écrit à Rabezavano et que
Rabezavano ne lui avait rien écrit, Ra
sanjy se leva et, dans un long discours,
envoyés au Journal officiel la veille DU
JOUR OU SE RÉUNIT LE CONSEIL DE GUERRE.
Ceci n’est point exact. L’arrestation fut
décidée le samedi, 10 octobre, elle eut
lieu le lendemain, 11, et c’est le lundi
matin t 1S, que le directeur du Journal
officiel reçut les textes dont parle M. Cle
menceau, alors que le conseil de guerre
DEVAIT SIÉGER ET SIÉGEA, EN EFFET, DANS
l’après-midi.
Les DROITS DE L'HOMME publie-
ront demain un article de
PAUL BRULAT
nets par leur incorporation dans une
presse ou là sainteté s'empare impérieu
sement des âmes les plus malfaisantes.
5° Suppression du budget des prisons
par la possibilité donnée aux malfaiteurs
de gagner leur vie dans l’antisémitisme.
3° Salutaire exemple que produira sur
les populations, le spectacle de ces justi
ciers qui, après avoir crevé de misère
dans le vice et le crime, s'enrichissent
tout à coup par la prédication de l'hon
nêteté.
Ce dernier chapitre de morale en ac
tion prouvera suffisamment que la vertu
seule conduit à la fortune.
LE PIC,
affirma que
décesseur et
taines, qu’il
lui, l’intègre
les relations entre son prè
le chef rebelle étaient cer-
les avait toujours connues,
Rasanjy, qu’il y avait des
lettres longues, qu’il y en avait de courtes,
qu’il pouvait le jurer, et qu’il parlait
sans haine, dans l’intérêt de la France,
tandis que Rainandriamampandry était
l’homme des Anglais.
Toutefois, je le répète, de ces lettres,
de ces tas de lettres, pas une ne fut mon
trée, et le lieutenant Peltier, avocat d’of
fice, omit de les réclamer. Il fit même
mieux, ou pire. Sans insister sur l’ab
sence de preuves, devant ces juges dont
il savait la rigueur, il reconnut que Rai
nandriamampandry était coupable, il
expliqua que sa trahison était certaine
et considéra qu’il suffisait à l’accomplis
sement de son devoir de faire appel à la
pitié pour ce vaincu, à l'indulgence pour
ce patriote.
Très méprisant et très désintéressé,
Rainandriamampandry écoutait cette
étrange plaidoirie. Un instant aupara
vant il avait dit d’une voix ferme, — et
les complices de cet assassinat n’ont pu
sitôt l'oublier : — « Il est inutile de me
défendre. Je sais que je suis condamné.
Je l’étais avant d’entrer dans cette salle. »
La sentence impitoyable ne le troubla pas
davantage. Il était manifestement prêt et
résigné. Mais n’est-il pas vrai que l’on
éprouve une étrange gêne et que l’on se
sent peu fier quand on songe à l’immense
mépris dont ce « sauvage » nous couvrit
ce jour-là ?
Toutefois, comme si ce n’était pas en
core assez que nous ayons commis ce
double crime, le général Galliéni et son
Etat-Major voulurent en retirer des béné
fices personnels. Ces bénéfices, je les di
rai. Il faut que toute la lumière soit
faite.
PIERRE BERTRAND.
P, S. — Dans le très bel article que M.
Clemenceau publie, ce matin, dans l'Au
rore, — article que recueilleront les an
thologies futures, car jamais indéfectible
confiance en la vérité ne s’exprima avec
plus de verve, de force et de grandeur, —
je relève une erreur légère. Mon éminent
confrère écrit, à propos du procès des
ministres malgaches, que « le texte du
jugement et le récit de l’exécution furent
D E L A
RÉHABILITATION INSTANTANÉE
DES MALFAITEURS
L’antisémitisme est la
fontaine de Jouvence
d’où les filous sor
tent apôtres et les
escrocs justiciers.
L'absence dun système de réhabilita
tion des malfaiteurs se fait chaque jour
plus cruellement sentir. Tout criminel
que ne prend pas le bagne reste pour la
société un danger éternel, car les châti
ments du Code,loin de les réfréner,aiguil
lonnent au paroxysme les instincts de
rapine et de meurtre qui fermentent au
cœur de la moitié des hommes.
Les moralistes qui ont cherché à atté
nuer les dangers de cette inéluctable fa
talité, ont tous reconnu qu'on n'aura
rien fait tant qu'on n'aura pas trouvé
le moyen de familiariser les criminels
avec la notion du devoir.
Nous osons, en conséquence, proposer
une méthode qui a déjà donné des résul
tats indiscutables. Nous ne l'avons pas
inventée : nous l'avons simplement vue et
admirée quand nul n'y faisact atten
tion.
L'unique instrument de la réhabilita
tion des malfaiteurs est l'antisémitisme.
L'antisémitisme est la fontaine de Jou
vence d'où les filous sortent apôtres et les
escrocs justiciers.
Dans nos trop rares journaux antisé
mites, nombre de personnages que nous
avons connus comme de redoutables for
bans, se sont subitement transformés en
austères prédicateurs et en moralistes
sévères. Des gens pour qui s'ouvrait déjà
Mazas étaient attachés, depuis vingt-
quatre heures à peine, à ces pieuses ré
dactions, qu'ils ne trouvaient plus de
joie qu'à célébrer Dieu, l'honneur et la
patrie.
D'authentiques repris de justice s'y
sont voués, des leur entrée, à la régéna-
rationde l'humanité, et bien des individus
qu'on jugeait, sur leur passé, ne devoir
subsister que d'escroqueries et de chan
tages ne sont plus occupés qu'à tonner,
du haut de ces Sinaïs de la presse, contre
la dissolution des mœurs et l'effritement
des consciences.
On a vu, au souffle sacré de l'antisémi
tisme, dincorrigibles voleurs se faire les
dénonciateurs du vol, la fleur des maîtres-
chanteurs s'ériger en vengeurs de la mo
rale publique, des vétérans de la banque
route fulminer contre l'immoralité des
spéculations et de vieux déserteurs chan
ter la douceur de servir sa patrie.
* *
Il serait souhaitable que l'heureuse
expérience faite en petit se multipliât
et se généralisât. Puisqu'il a suffi à
quelques malfaiteurs (l'être embriga
dés dans la presse antisémite pour de
venir l'édification de leurs contempo
rains, il est du devoir des pouvoirs pu
blics de poursuivre partout cette œuvre
de relèvement. On y parviendra par la
création d'un grand nombre de ces jour
naux où seront incorporés tous les
n'em-
malandrins du pays. Rien
pécherait, par exemple, de fonder
un organe antisémite au siège de chaque
tribunal correctionnel. Les récidivistes y
célébreraient l'honneur et la vertu sous la
surveillance de la haute police.
On objectera que tous les voleurs ne
sont pas écrivains. Mais il leur suffira,
pour briller dans cette presse, de possé
der un genre de langage auquel la fré
quentation des prisons et aura heureusement familiarisés. Tout
au plus devra-t-on leur enseigner Ves
crime et quelques bottes secrètes, pour
réparer leur honneur quand un bourgeois
s'oubliera à leur rappeler le passé.
On se récriera, peut-être, sur les frais
de cette réhabilitation. Mais qu'on veuille
comparer cette dépense utile à ce que
coûte aujourd'hui l'entretien, inutile, des
malfaiteurs qu'on n'amende pas. Il ne
s'agit d'ailleurs que dune première mise
de fonds. La vertu comme la guerre doit
nourrir son homme et l'on peut être ras
suré sur l'avenir des justiciers dont le
métier est de faire contre les mauvais ri
ches des révélations désagréables.
Nous croyons inutile d'insister sur l'ex
cellence de ce système. Chacun en saisira
promptement les multiples avantages ;
1° Régénération instantanée des crimi-
AUJOURD'HUI
LES COMBINAISONS DE M. MÉLINE
Au cas même où M. Méline aurait
donné jusqu’à ce jour des preuves de
hauteur d’esprit,de fierté d’attitude,d’in
telligence gouvernementale, il n’en paraî
trait pas moins si piteux à l’heure pré
sente, si effroyablement désemparé, si
honteusement plat que son immédiate
retraite s’imposerait pour l’honneur de
la Chambre et du pays. Mais, alors qu’il
n’en est pas ainsi, et que ce politicien n’a
révélé que son inaptitude profonde à de
venir un homme d’Etat, sa posture ac
tuelle est véritablement scandaleuse, et la
patience du Parlement, si elle se prolon
geait, dépasserait l’inimaginable.
Jamais ministre, en effet, ne se cram
ponna au pouvoir avec une telle rage et
un tel manque de dignité.
C’est ainsi que, mercredi, donnant
suite à son machiavélique projet de for
mer un cabinet de concentration sous sa
présidence, il faisait publier par un de
ses organes officieux la note suivante :
Aux renseignements que nous avons donnés
hier sur les intentions de M. le président du
conseil, nous pouvons ajouter que, dans ses
déclarations à la Chambre, à l’occasion de
l’interpellation de M. Millerand, M. Méline
fera connaître qu’au cas où sa politique se
rait approuvée, il reconstituerait son cabinet
sur les bases les plus larges, d’après les indi
cations qui lui seront fournies, tant par les
votes des 8 et 22 mai que par la discussion
elle-même et le ou les scrutins destinés à la
clore.
M. Méline n’aura pas besoin de recevoir une
nouvelle investiture du président de la Répu
blique, car tous ses collègues ont déjà mis
LEURS démissions a sa disposition.
Ces quelques lignes sont très claires.
Soit que, pour avoir les mains libres et
disposer, en faveur des progressistes et
radicaux qui consentiraient à entrer
dans son ministère d’un nombre suffi
sant de portefeuilles, M. Méline ait
obtenu de ses collègues qu’ils lui remis
sent leur démission; soit, au contraire,
qu’ils aient spontanément résolu de se
retirer pour ne pas associer leur nom
plus longtemps à une politique nette
ment réactionnaire, le ministère a, dès
maintenant, cessé d'être.
Ainsi que le fit observer M. Brisson,
dans un cas semblable, moins grave,
puisque trois ministres seulement s'étaient
retirés : MM. Peytral, Viette et Terrier, «la
Constitution veut qu’il y ait un cabinet
existant, solidarie », et l’interpellation
commencée prit brusquement fin. Or,
d’après M. Méline lui-même, ce sont au
jourd’hui tous les ministres qui sont
démissionnaires !
La conclusion qui s’impose est donc
que, si M. Méline n’a pas menti, le cabi
net qu’il préside n’a plus d’existence
légale et que M. Méline viole la Consti
tution en se présentant devant la Cham
bré avec des ministres qui ont rompu
avec lui tout lien de solidarité.
PIERRE BERTRAND.
tateur. En Europe, à Paris, sur le boule
vard, à une table de café, ce sont de char
mants garçons. On les sait braves. On
profite à les écouter, car ils ont vu du pays.
Parfois, quand ils sont intelligents, la soli
tude prolongée dans des postes éloignés du
Soudan ou du Tonkin leur mûrit le caractère.
Mais, encore une fois, ce sont des hommes
comme les autres. Et l’esprit de corps, le
mépris des peuples qu’ils ont à combattre, la
défiance dans laquelle ilsvivent tout le temps
à l’égard de ces vaincus, l'infatuation qui
leur vient aisément des marques de respect
que leurs galons exigent, le relâchement
moral ordinaire à certaines troupes colonia
les composées de têtes brûlées, le dédain du
commerçant aventuré dans ces régions
où ils sont, eux, les maîtres, le désir de se
faire mousser par des actions d’éclat, autant
de circonstances qui tentent un officier, tout
aussi bien que l’argent qu’on lui a confié
tente un notaire. Et si celui-ci fait parfois
banqueroute, il advient que celui-là se change
en bête féroce.
Dieu me garde des malédictions en bloc !
L’exemple de Faidherbe est là pour attester
qu’un militaire peut se doubler d’un adminis
trateur bonhomme et d’un diplomate. Mais
la prise récente de la ville de Sikasso, dans
le Soudan, par nos troupes, le récit que nous
en apporte le Journal Officiel du Sénégal,
nous fait présumer que nos officiers, dans
cette affaire, se sont conduits en brigands et
qu’ils méritent l’article que M. Edmond
Guillaumet, l’explorateur, fils du célèbre
peintre, vient de publier, sur ce nouvel ex
ploit, dans la Politique coloniale.
M. Guillaumet est allé là-bas. Et quand
il nous affirme que le Soudan est pour nos
officiers un champ à croix et à galons, je le
crois. Il est toujours dangereux de placer
un homme — officier ou non — entre deux
intérêts opposés : celui de son pays et le
sien. Notre intérêt est de nous concilier
les nègres du Soudan afin de commercer
avec eux et de n’être pas obligés, pour les
assujettir, de dépenser des hommes et de
l’argent. L’intérêt des officiers coloniaux est
d avancer en grade et d’obtenir des décora
tions. Que font-ils pour cela ? Provoquer les
peuplades qui enclinent à la soumission, les
humilier si insolemment qu’elles prennent
les armes. Vite, on organise une colonne et
je vous réponds qu’elle coûte cher. On part.
On arrive devant la ville fortifiée. On la ca-
nonne. On l’emporte d'assaut. Résultat :
La ville dépeuplée. Plus de produits. Plus
de commerce, les survivants s’étant enfuis
ailleurs où ils portent la terreur des Fran
çais ’
Nous enregistrons ce fait comme une vic
toire. Nous marquons sur nos cartes un
coin de plus à nos couleurs. Mais cette ac
quisition n’est que d’apparence. Car si
nous avons un bataillon caserné à cet en
droit et si notre drapeau y flotte, le marché
qui s’y tenait nous échappe, et nous ne ré
gnons plus que sur une population de
mendiants.
Cependant, à travers les régions où nos
officiers n’ont pas encore porté le fer et le
feu, des explorateurs modestes et diplo
mates, Binger entre autres, se promènent
et reviennent sains et saufs. Mais ces
explorations pacifiques parlent moins à
notre imagination que les coups de trom
pette. Et il faut bien approvisionner les
images d’Epinal.
ÉDOUARD CONTE.
dissement de leur succès personnel, —
hélas ! c’est un phénomène assez fréquent
chez les hommes ; mais il est clair à tous
les yeux, excepté aux leurs, que M. Henri
Brisson a été renversé du fauteuil par
l’effort combiné du ministère et des clé-
ricaux, nationalistes et antijuifs, et cette
ligue s’est formée ainsi contre l’ancien
président, parce qu’il avait personnifié, en
des circonstances récentes, le droit parle
mentaire.
M. Brisson portait haut le souci et le
caractère de sa fonction. On lui reproche
la sévérité de ses attitude» et, dans un
temps de « rigolade » générale, de notre
pas « rigolo ». Il est vrai que M. Brisson
ne témoigne pas d’une inclination parti
culière pour le « snobisme » à la mode. Il
parle la langue politique, parlementaire
et juridique de France, telle qu’aux meil
leurs jours. Le Parlement est très bas au
jourd’hui, chez nous; nos parlementaires
les plus distingués se font une vanité de
ne pas le croire, et ils peuvent trouver
ces observations désobligeantes. Mais il
est certain que l’idée parlementaire a
souffert des atteintes qui ne s’effacent pas
ainsi d’elles-mêmes, si on n’y apporte
'y apporte
. Et le mal
pas des réparations formelles. Et
ne va faire que croître et embellir, comme
vous ne tarderez pas à le voir.
LIBRES PROPOS
OFFICIERS ET OFFICIERS
11 ne faut pas que les officiers nous la fas
sent aux grandes vertus. Ce sont des hom
mes comme les autres. Et j’enrage de voir
que « l’honneur de l’armée » devient pour la
plupart des journaux une idolâtrie nouvelle.
« L’honneur de l’armée », c’est quelque
chose d’aussi incompréhensible pour moi
que l'honneur des perruquiers ou que l’hon
neur des marchands de peaux de lapins.
J’ai eu des camarades de collège qui se
sont poussés officiers dans l’espoir d’em-
paumer une héritière, de faire, comme on dit,
m beau mariage. Leur idéal était d'être
mangeurs de blanc. Voulez-vous aussi que
je les honore? J’en connais qui, en province,
s’en vont de par la ville, montrant aux pas
sants leurs fesses bien saillantes sous un
dolman pet-en-l’air. Dans quelle intention
mettent-ils en évidence la partie la moins
noble de leur individu? C’est ce que le pas
sant pudique se demande.
Dans son Histoire de France, Michelet
nous rapporte le rire du peuple et des bour
geois quand, pour la première fois, au mi
lieu du XIV° siècle, les nobles s’affublèrent
d’un pourpoint court et collant analogue aux
dolmans de nos officiers. Les chroniqueurs
de l’époque s’écrient que le règne de l’im
pudicité est venu. Et ils remarquent que ce
vêtement est plus commode pour fuir... « ce
qui, ajoute Michelet, ne tarda pas à se véri
fier ».
D’autres de mes camarades sont entrés
dans l’armée par goût des aventures. Ils se
sont fait incorporer dans l’infanterie, dans
l'artillerie de marine. Et les guerres colo
niales ont donné carrière à leur sang dévas-
L’IMMENSE FAUTE
Les républicains de la
Chambre ont
s’ils ne savent
perdu la première partie :
pas se ressaisir la semaine prochaine,
nous leur annonçons que leur sort sera
bientôt plus humilié que dans l’ancienne
Chambre, et ils verront la République
continuer de dégringoler avec une vitesse
étonnante.
On avait confectionné au collège, de
mon temps, un vers latin célèbre que
tous nos députés comprendront, et M.
Jules Lemaître lui-même acceptera ce
latin-là, en faveur de son pittoresque :
Degringolavit de brancha in brancha»
Atquc (ecit pouf!
C’est la République qui fera pouf et,
quand elle sera par terre, ce n’est ni M.
Ri bot, ni M. Poincaré, ni même M. Char
les Dupuy qui la ramasseront.
Pour le moment, Messieurs, la dégrin
golade continue, et, tant que vous serez
en l’air, vous ne serez pas aplatis, mais
il faut bien comprendre que vous êtes en
l’air, que vous n’avez plus de base ni
d’assiette à votre politique; il est très
important pour vous d’avoir le sentiment
de cette dégringolade, car, si vous ne
l’avez pas, vous serez singulièrement
surpris en rencontrant les pavés.
L’élection du président de la Chambre
a dégringolé, en trois scrutins, de une
voix à h et de h à 10, des réactionnaires
aux nationalistes et des nationalistes aux
antijuifs. M. Motte (de Roubaix), M. de
Cassagnac et M. Drumont se félicitent
d’avoir, par leurs votes, renversé M. Bris
son du fauteuil et bombardé M. Paul
Deschanel en sa place. C’est une nouvelle
cascade dans la dégringolade qui se con
tinue depuis deux ans, — non pas que
M. Deschanel ne soit un très galant
homme et un républicain comme M. Mé-
line, mais ce sont les circonstances de ce
vote qui caractérisent une nouvelle étape
de la dégringolade parlementaire et ré
publicaine.
Si M. Deschanel et ses amis n’ont pas
la sensation de cette chute, dans l’étour-
La politique se fait maintenant à côté
et au-dessus du Parlement; il y a des
puissances dominantes qui planent sur
nos Chambres énervées et qui, de bien
haut au-dessus des députés d’arrondisse-
ment et de canton, poussent la Républi
que parlementaire à bout, vers quelqu’une
de ces extrémités qe nous avons déjà
connues, et où l’on tombe dans le sang et
dans la fange, mais qui changent sans
cesse, pour nous mieux tromper, de pers
pective et de figure.
Fous ou bien ignorants ceux qui ne le
voient pas et qui sont dans la main de ces
puissances, sans même le savoir et le
sentir, et qui servent à la réalisation de
cette politique supérieure, instruments
passifs et infatués, serviteurs inconscients
et vaniteux, qui se disent les représen
tants du peuple souverain !
Où et comment s’exprimerait-il le peu
ple souverain dans le système électoral
que nous nous sommes forgé nous-mêmes
et que nous subissons par notre volonté ?
L’immense majorité du prolétariat
français, partie assez notable, je pense,
du suffrage universel, est réduite à la
mendicité par les abus du régime écono
mique. L’ouvrier adulte mendie à la fila
ture une place précaire et, comme le sa
laire est insuffisant, il mendie par sur
croit une aumône de charbon, un habit
neuf pour ses enfants, au jour de la pre
mière communion ; la femme mendie une
portion de couture à faire pour quinze
sous par jour; le vieillard mendie un gra
bat à l’hôpital. Dans cet état de servage,
des républicains éminents se félicitent et
tiennent pour une victoire s’ils ont pu
enlever à une population ouvrière leur
représentant Jules Guesde.
Le droit électoral : pure fiction et pi-
perie, lorsque toute la partie la plus
laborieuse, la plus dévouée et la plus
sincère du suffrage universel est dépen
dante pour son pain quotidien; lorsque
la démocratie prolétarienne n’a pas de
garanties, point de syndicats libres, point
de chambres de travail. On l’a bien vu
dans ce grand arrondissement de travail
et d’industrie, à Lille, à Roubaix, à Tour-
coing, à Armentières, où le salariat, tel
qu’il est aujourd’hui compris et pratiqué,
ne parvient plus à avoir un seul repré
sentant, malgré tous ses efforts si méri
toires et son ardente passion d’en avoir
au moins un ou deux qui lui appartien
nent bien en propre et qui puissent tra
duire fidèlement sa pensée!
En Serbie, où l’opinion est unanime-
ment « radicale », au sens que l’on donne
à ce mot dans le pays, l’ex-roi Milan a
bien su combiner ses élections de telle
sorte qu’un seul et unique radical est
sorti des urnes, par surprise et par une
fissure du système!
Dans notre Chambre telle quelle, — et
que l’on prendra soin de rectifier, à ce
qu’il paraît, par quelques invalidations
choisies, — il y «avait quelqu’un au fau
teuil, quand M. Brisson y était ; c’était
plus que quelqu’un, c’était comme
une doctrine, une affirmation du droit
français. Qui sait? Elle pouvait être gê-
nante à certain jour. Elle l'a été déjà, et
on l’a dit. M. Brisson avait déplu. Il avait
affirmé, dans un de ces moments dou
teux et que l’on reverra pires, l’égalité
de la loi et du droit pour tous, l’esprit
civil et parlementaire et la tradition de
la Révolution française. C’était trop, et,
vraiment, cela détonnait et criait, la dis
crétion même n’était qu’affectation au
milieu des ruines morales de la troisième
République !
Plutôt que de faire lui-même, depuis
six mois, ce qui était juste et nécessaire,
ou de le laisser faire par d’autres, M. Mé-
line a préféré tout abîmer dans la Répu
blique. Il s’apprête à continuer. Depuis
le 22 mai au soir, il s’est joliment repris.
Il était démissionnaire, il ne l’est plus.
Le discours de Saint-Etienne s’est porté
garant de l’excellence de sa conduite de
vant le suffrage universel.
M. Méline a tout découvert, la magis
trature, l’armée et notre organisme mi
litaire, de fond en comble. Il a exposé
aux yeux de l’étranger, sous le prétexte
de conserver les mystères sacrés, tout ce
que l’on voulait cacher au monde. Le
mal, tout ce que vous avez dit être le
mal, est fait ; le désarroi que vous vou-
, liez éviter, vous l’avez suscité et déchaîné.
!
j mois
PREMIÉRE ANNEE.
PARS
Te Numero S GIIC centimes
DIMANCHE 12 JUIN
ES DROITS DE L’HOMME
Ordre et progrès per le Révolution Frençaiee
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la Rente italienne 93 6), le
* est a 52 90. Les fonds ofto-
ssent : le Turc D fait 29 *5
te, dit-on, beaucoup de va-
agnole a baissé d’une ma-
nte.a I? suite des nouvelles
hilippines et en prévision de
tisemblablement, arriveront
se est restée spéciale aux va-
les, et les mêmes raisons qui
ont servi de propulseur aux
entrevoit ou espère, à tra-
ments qui se précipitent, une
que plus rapide. Ce n'est pas
uns ou la victoire des autres
ze, mais la fin tic la guerre
ancaises sont en progrès sur
ag6
Ville de Paris 1886 se tien-
Elles n’ont pas fléchi,
e ait eu lieu le 6 courant,
de non livraison d’une
• Paris en vue de parti-
ge a fixé à 5 fr. l'indemnité
doit payer à l'acheteur. W
nt un écart de 5 fr. entre
urs cours élevés bien qu’elles
-tirage du G juin 1898. C’est
révoit le succès de la pro-
don dont nous avons fait
Paris cote 9.2
35 fr., le Comp-
i rédit Foncier,
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e à 176 fr.
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(OMNENT ON JUGE
1 MADAGASCAR
J’ai dit, dans un premier article, sur
quels misérables conseils le général Gal-
jæui avait, dès avant son départ pour la
Grande II e » inscrit parmi les suspects
k nom de Rainandriamampandry ; j’ai
dit, dans un second article, la révolution
de palais qu’il fit pour assurer la perte
de cet honnête homme, et j'ai précisé
dans quelles conditions il informa lé
directeur du Journal officiel de la con
damnation prononcée, sans même at
tendre que le Conseil de guerre fût
réuni. Dans ce troisième article, c’est
donc cette séance du Conseil de guerre
qu’il me reste à conter.
Auparavant, toutefois, une observation
s’impose. Contre l’ex-ministre de l’inté
rieur Rainandriamampandry, que le
résident Ranchot et le général Duchesne
avaient investi de toute leur confiance,
qui jouissait àTananarive d’une répu
tation presque unique de loyauté, de
bravoure et de probité, un seul témoi
gnage fut apporté : celui de Rasanjy. Or,
j’ai dit déjà ce qu’était Rasanjy, traître
apportant ses odieux services d’un parti
à l’autre par cupidité, ambition ou
cruauté, suivant que l’occasion lui ap-
paraissait propice de s’enrichir, de s’éle
ver ou de venger ses querelles person
nelles au cri, tantôt de : « Vive l’Angle
terre.’ » tantôt de : « Vive la France! »
Mais, si vile que cette canaille soit,
il est juste de tenir compte qu’elle ne
prit aucune initiative dans Je crime
judiciaire, ne fut qu’un docile instru
ment aux mains des vainqueurs, et,
en somme, pour cet attentat tout au
moins, mérite des circonstances atténuan
tes auxquelles il est triste de dire que le
général Galliéni n’a point droit.
Que l’on se reporte, en effet, aux dates
que j'ai données soigneusement dans mon
précédent article, on y constatera que la
runion, à la résidence générale, du con-
vil où fut décidée l'arrestation du prince
Ratsimamangue et du ministre Rainan-
driamampandry est du samedi 10 octo
bre et que les décrets investissant
Rasanjy des fonctions intérimaires de
premier ministre et de ministre de l'in-
teneur sont du dimanche 11 octobre.
Dans ce rapprochement la sentence
inique est déjà virtuellement contenue.
Je n’hésite pas, en effet, à affirmer — et
du reste cette opinion est celle de tous
les gens informés de Tananarive—que
l'élévation de Rasanjy fut le prix dont
on reconnut son engagement de perdre
Rainandriamampandry par de faux
témoignages. — Lui ou toi, avait dit le
général Galliéni. Donne-moi un prétexte
à le fusiller, car je veux faire un exem
ple. C’est mon idée ; et j’ai besoin d’un
prétexte contre cet honnête homme.
Sinon, contre toi, je ne manquerai pas
de prétexte, parce que tues une canaille.—
Rasanjy comprit et, sa tête étant en jeu,
n’hésita guère. Il promit son plus dé
voué, son plus ingénieux, son plus cy-
nique concours. En échange de quoi le
général, précautionneux, l’éleva intéri-
rviirement aux plus hautes fonctions de
l’Etat. S’il marchait mal, sa puissance
serait d’un jour, les termes même du
décret l’en avertissaient; s’il marchait
bien, il pouvait tout espérer. Il marcha
de telle façon qu’aujourd’hui, pour s’être
fait le complice d’un crime qui déshonore
notre conquête, il porte le titre éclatant
de gouverneur général de l’Imérina.
Le conseil de guerre devant lequel com-
parurent le prince Ratsamamangue, oncle
de la reine Ranavalo, et l’ex-ministre de
"intérieur Rainandriamampandry, était
composé de cinq officiers et présidé par
le lieutenant-colonel Hurstel, du 1 er régi-
ment de tirailleurs algériens, homme de
mœurs douces dans le privé, de bonne
compagnie, d’aimable fréquentation,
mais, dans le service, implacable sur la
consigne. Il avait reçu des ordres, soldat,
il tes exécuta. Sa conscience, à coup sûr,
ne lui reproche rien.
Les deux accusés n’avaient qu’un défen-
seur, le lieutenant Peltier, qui leur avait
été désigné d'office. Je note encore que
assistance était nombreuse lorsque le
conseil de guerre entra eu séance et la
curiosité grande car, si tout le monde
connaissait d’avance la condamnation qui
serait prononcée, on en attendait les mo-
"s avec d’autant plus d’intérêt qu’on la
Savait plus inique.
accusation contre le prince Ratsima-
mangue se peut résumer en quelques
ots : — il y avait sur les terres dont il
sait propriétaire et seigneur un grand
ombre de révoltés. 5
Ala vérité, rien de plus exact. Mais ce
3 “ fallait démontrer c’est que le prince
était de complicité avec eux. Or, à cet
égard, on n’apporta ni preuves, ni indi
cations d’aucune sorte. Au surplus,—outre
que l’accusation était ridicule contre ce
vieillard épuisé, vacillant, à demi gâteux,
sans force, courage ou influence, contre
ce macrobite ridicule, tourné en dérision
par les indigènes eux-mêmes,—lorsque le
malheureux comprit, il eut une lueur
d’intelligence et, gesticulant avec force,
tendant ses deux bras vers le tribunal
dans une mimique effarée, il protesta en
de verbeuses paroles et proposa, si l’on
voulait, de partir tout de suite, avec une
escorte qui le garderait, pour désarmer
les émeutiers. Certainement on se trom
pait. Il n’était pour rien dans les soulè
vements qu’on lui reprochait, mais, avec
un tremblement de joie, il se crampon
nait à ce moyen de salut : aller dans ses
terres, parler aux rebelles, obtenir peut-
être la capitulation de quelques-uns,
démontrer son impuissance sur les au
tres, prouver enfin son innocence abso
lue.
Des éclats de rire cyniques accueilli
rent, dans l’auditoire, cette proposition
naïve. Quant aux juges ils restèrent gra
ves, et leur visage se détendit seulement
lorsque le lieutenant Peltier, pour toute
défense, dit en montrant du doigt le vieux
prince dont l’émotion profonde faisait
grimacer l'affreux visage : Ayez pitié de
ce singe !
L'accusation contre l’ex-ministre de
‘intérieur Rainandriamampandry était
plus précise, contrairement à ce qu’in
dique la Proclamation au peuple Mal
gache que j’ai citée dans mon précédent
article. Comme au prince Ratsimamangue,
on lui reprochait d’être complice des re
belles; mais, considérant que son cou
rage, sa haute intelligence, sa réputation
de loyauté en faisaient un prévenu moins
commode à perdre, on prit la peine de
spécifier qu’il avait reçu des lettres du
chef rebelle Rabezavano. — Je note
ici que, dans les trois documents emprun
tés au Journal officiel que j’ai reproduits
avant-hier, cette spécification n'existe pas,
et que Rabezavano n'est nulle part nommé,
ce qui ne laisse point que d’être surpre
nant.
Mais ces lettres, est-il besoin que je
dise qu’elles ne furent pas versées
aux débats, que l’on n’en trouve nulle
part trace, qu’elles n'avaient été lues, ni
vues par aucun témoin, sauf par Ra
sanjy. Premier ministre intérimaire de
puis la veille, il paya ce jour-là sa dette
et donna au général les garanties que
l’on attendait de lui. Sur une protesta
tion de Rainandriamampandry qu’il
n’avait rien écrit à Rabezavano et que
Rabezavano ne lui avait rien écrit, Ra
sanjy se leva et, dans un long discours,
envoyés au Journal officiel la veille DU
JOUR OU SE RÉUNIT LE CONSEIL DE GUERRE.
Ceci n’est point exact. L’arrestation fut
décidée le samedi, 10 octobre, elle eut
lieu le lendemain, 11, et c’est le lundi
matin t 1S, que le directeur du Journal
officiel reçut les textes dont parle M. Cle
menceau, alors que le conseil de guerre
DEVAIT SIÉGER ET SIÉGEA, EN EFFET, DANS
l’après-midi.
Les DROITS DE L'HOMME publie-
ront demain un article de
PAUL BRULAT
nets par leur incorporation dans une
presse ou là sainteté s'empare impérieu
sement des âmes les plus malfaisantes.
5° Suppression du budget des prisons
par la possibilité donnée aux malfaiteurs
de gagner leur vie dans l’antisémitisme.
3° Salutaire exemple que produira sur
les populations, le spectacle de ces justi
ciers qui, après avoir crevé de misère
dans le vice et le crime, s'enrichissent
tout à coup par la prédication de l'hon
nêteté.
Ce dernier chapitre de morale en ac
tion prouvera suffisamment que la vertu
seule conduit à la fortune.
LE PIC,
affirma que
décesseur et
taines, qu’il
lui, l’intègre
les relations entre son prè
le chef rebelle étaient cer-
les avait toujours connues,
Rasanjy, qu’il y avait des
lettres longues, qu’il y en avait de courtes,
qu’il pouvait le jurer, et qu’il parlait
sans haine, dans l’intérêt de la France,
tandis que Rainandriamampandry était
l’homme des Anglais.
Toutefois, je le répète, de ces lettres,
de ces tas de lettres, pas une ne fut mon
trée, et le lieutenant Peltier, avocat d’of
fice, omit de les réclamer. Il fit même
mieux, ou pire. Sans insister sur l’ab
sence de preuves, devant ces juges dont
il savait la rigueur, il reconnut que Rai
nandriamampandry était coupable, il
expliqua que sa trahison était certaine
et considéra qu’il suffisait à l’accomplis
sement de son devoir de faire appel à la
pitié pour ce vaincu, à l'indulgence pour
ce patriote.
Très méprisant et très désintéressé,
Rainandriamampandry écoutait cette
étrange plaidoirie. Un instant aupara
vant il avait dit d’une voix ferme, — et
les complices de cet assassinat n’ont pu
sitôt l'oublier : — « Il est inutile de me
défendre. Je sais que je suis condamné.
Je l’étais avant d’entrer dans cette salle. »
La sentence impitoyable ne le troubla pas
davantage. Il était manifestement prêt et
résigné. Mais n’est-il pas vrai que l’on
éprouve une étrange gêne et que l’on se
sent peu fier quand on songe à l’immense
mépris dont ce « sauvage » nous couvrit
ce jour-là ?
Toutefois, comme si ce n’était pas en
core assez que nous ayons commis ce
double crime, le général Galliéni et son
Etat-Major voulurent en retirer des béné
fices personnels. Ces bénéfices, je les di
rai. Il faut que toute la lumière soit
faite.
PIERRE BERTRAND.
P, S. — Dans le très bel article que M.
Clemenceau publie, ce matin, dans l'Au
rore, — article que recueilleront les an
thologies futures, car jamais indéfectible
confiance en la vérité ne s’exprima avec
plus de verve, de force et de grandeur, —
je relève une erreur légère. Mon éminent
confrère écrit, à propos du procès des
ministres malgaches, que « le texte du
jugement et le récit de l’exécution furent
D E L A
RÉHABILITATION INSTANTANÉE
DES MALFAITEURS
L’antisémitisme est la
fontaine de Jouvence
d’où les filous sor
tent apôtres et les
escrocs justiciers.
L'absence dun système de réhabilita
tion des malfaiteurs se fait chaque jour
plus cruellement sentir. Tout criminel
que ne prend pas le bagne reste pour la
société un danger éternel, car les châti
ments du Code,loin de les réfréner,aiguil
lonnent au paroxysme les instincts de
rapine et de meurtre qui fermentent au
cœur de la moitié des hommes.
Les moralistes qui ont cherché à atté
nuer les dangers de cette inéluctable fa
talité, ont tous reconnu qu'on n'aura
rien fait tant qu'on n'aura pas trouvé
le moyen de familiariser les criminels
avec la notion du devoir.
Nous osons, en conséquence, proposer
une méthode qui a déjà donné des résul
tats indiscutables. Nous ne l'avons pas
inventée : nous l'avons simplement vue et
admirée quand nul n'y faisact atten
tion.
L'unique instrument de la réhabilita
tion des malfaiteurs est l'antisémitisme.
L'antisémitisme est la fontaine de Jou
vence d'où les filous sortent apôtres et les
escrocs justiciers.
Dans nos trop rares journaux antisé
mites, nombre de personnages que nous
avons connus comme de redoutables for
bans, se sont subitement transformés en
austères prédicateurs et en moralistes
sévères. Des gens pour qui s'ouvrait déjà
Mazas étaient attachés, depuis vingt-
quatre heures à peine, à ces pieuses ré
dactions, qu'ils ne trouvaient plus de
joie qu'à célébrer Dieu, l'honneur et la
patrie.
D'authentiques repris de justice s'y
sont voués, des leur entrée, à la régéna-
rationde l'humanité, et bien des individus
qu'on jugeait, sur leur passé, ne devoir
subsister que d'escroqueries et de chan
tages ne sont plus occupés qu'à tonner,
du haut de ces Sinaïs de la presse, contre
la dissolution des mœurs et l'effritement
des consciences.
On a vu, au souffle sacré de l'antisémi
tisme, dincorrigibles voleurs se faire les
dénonciateurs du vol, la fleur des maîtres-
chanteurs s'ériger en vengeurs de la mo
rale publique, des vétérans de la banque
route fulminer contre l'immoralité des
spéculations et de vieux déserteurs chan
ter la douceur de servir sa patrie.
* *
Il serait souhaitable que l'heureuse
expérience faite en petit se multipliât
et se généralisât. Puisqu'il a suffi à
quelques malfaiteurs (l'être embriga
dés dans la presse antisémite pour de
venir l'édification de leurs contempo
rains, il est du devoir des pouvoirs pu
blics de poursuivre partout cette œuvre
de relèvement. On y parviendra par la
création d'un grand nombre de ces jour
naux où seront incorporés tous les
n'em-
malandrins du pays. Rien
pécherait, par exemple, de fonder
un organe antisémite au siège de chaque
tribunal correctionnel. Les récidivistes y
célébreraient l'honneur et la vertu sous la
surveillance de la haute police.
On objectera que tous les voleurs ne
sont pas écrivains. Mais il leur suffira,
pour briller dans cette presse, de possé
der un genre de langage auquel la fré
quentation des prisons et
au plus devra-t-on leur enseigner Ves
crime et quelques bottes secrètes, pour
réparer leur honneur quand un bourgeois
s'oubliera à leur rappeler le passé.
On se récriera, peut-être, sur les frais
de cette réhabilitation. Mais qu'on veuille
comparer cette dépense utile à ce que
coûte aujourd'hui l'entretien, inutile, des
malfaiteurs qu'on n'amende pas. Il ne
s'agit d'ailleurs que dune première mise
de fonds. La vertu comme la guerre doit
nourrir son homme et l'on peut être ras
suré sur l'avenir des justiciers dont le
métier est de faire contre les mauvais ri
ches des révélations désagréables.
Nous croyons inutile d'insister sur l'ex
cellence de ce système. Chacun en saisira
promptement les multiples avantages ;
1° Régénération instantanée des crimi-
AUJOURD'HUI
LES COMBINAISONS DE M. MÉLINE
Au cas même où M. Méline aurait
donné jusqu’à ce jour des preuves de
hauteur d’esprit,de fierté d’attitude,d’in
telligence gouvernementale, il n’en paraî
trait pas moins si piteux à l’heure pré
sente, si effroyablement désemparé, si
honteusement plat que son immédiate
retraite s’imposerait pour l’honneur de
la Chambre et du pays. Mais, alors qu’il
n’en est pas ainsi, et que ce politicien n’a
révélé que son inaptitude profonde à de
venir un homme d’Etat, sa posture ac
tuelle est véritablement scandaleuse, et la
patience du Parlement, si elle se prolon
geait, dépasserait l’inimaginable.
Jamais ministre, en effet, ne se cram
ponna au pouvoir avec une telle rage et
un tel manque de dignité.
C’est ainsi que, mercredi, donnant
suite à son machiavélique projet de for
mer un cabinet de concentration sous sa
présidence, il faisait publier par un de
ses organes officieux la note suivante :
Aux renseignements que nous avons donnés
hier sur les intentions de M. le président du
conseil, nous pouvons ajouter que, dans ses
déclarations à la Chambre, à l’occasion de
l’interpellation de M. Millerand, M. Méline
fera connaître qu’au cas où sa politique se
rait approuvée, il reconstituerait son cabinet
sur les bases les plus larges, d’après les indi
cations qui lui seront fournies, tant par les
votes des 8 et 22 mai que par la discussion
elle-même et le ou les scrutins destinés à la
clore.
M. Méline n’aura pas besoin de recevoir une
nouvelle investiture du président de la Répu
blique, car tous ses collègues ont déjà mis
LEURS démissions a sa disposition.
Ces quelques lignes sont très claires.
Soit que, pour avoir les mains libres et
disposer, en faveur des progressistes et
radicaux qui consentiraient à entrer
dans son ministère d’un nombre suffi
sant de portefeuilles, M. Méline ait
obtenu de ses collègues qu’ils lui remis
sent leur démission; soit, au contraire,
qu’ils aient spontanément résolu de se
retirer pour ne pas associer leur nom
plus longtemps à une politique nette
ment réactionnaire, le ministère a, dès
maintenant, cessé d'être.
Ainsi que le fit observer M. Brisson,
dans un cas semblable, moins grave,
puisque trois ministres seulement s'étaient
retirés : MM. Peytral, Viette et Terrier, «la
Constitution veut qu’il y ait un cabinet
existant, solidarie », et l’interpellation
commencée prit brusquement fin. Or,
d’après M. Méline lui-même, ce sont au
jourd’hui tous les ministres qui sont
démissionnaires !
La conclusion qui s’impose est donc
que, si M. Méline n’a pas menti, le cabi
net qu’il préside n’a plus d’existence
légale et que M. Méline viole la Consti
tution en se présentant devant la Cham
bré avec des ministres qui ont rompu
avec lui tout lien de solidarité.
PIERRE BERTRAND.
tateur. En Europe, à Paris, sur le boule
vard, à une table de café, ce sont de char
mants garçons. On les sait braves. On
profite à les écouter, car ils ont vu du pays.
Parfois, quand ils sont intelligents, la soli
tude prolongée dans des postes éloignés du
Soudan ou du Tonkin leur mûrit le caractère.
Mais, encore une fois, ce sont des hommes
comme les autres. Et l’esprit de corps, le
mépris des peuples qu’ils ont à combattre, la
défiance dans laquelle ilsvivent tout le temps
à l’égard de ces vaincus, l'infatuation qui
leur vient aisément des marques de respect
que leurs galons exigent, le relâchement
moral ordinaire à certaines troupes colonia
les composées de têtes brûlées, le dédain du
commerçant aventuré dans ces régions
où ils sont, eux, les maîtres, le désir de se
faire mousser par des actions d’éclat, autant
de circonstances qui tentent un officier, tout
aussi bien que l’argent qu’on lui a confié
tente un notaire. Et si celui-ci fait parfois
banqueroute, il advient que celui-là se change
en bête féroce.
Dieu me garde des malédictions en bloc !
L’exemple de Faidherbe est là pour attester
qu’un militaire peut se doubler d’un adminis
trateur bonhomme et d’un diplomate. Mais
la prise récente de la ville de Sikasso, dans
le Soudan, par nos troupes, le récit que nous
en apporte le Journal Officiel du Sénégal,
nous fait présumer que nos officiers, dans
cette affaire, se sont conduits en brigands et
qu’ils méritent l’article que M. Edmond
Guillaumet, l’explorateur, fils du célèbre
peintre, vient de publier, sur ce nouvel ex
ploit, dans la Politique coloniale.
M. Guillaumet est allé là-bas. Et quand
il nous affirme que le Soudan est pour nos
officiers un champ à croix et à galons, je le
crois. Il est toujours dangereux de placer
un homme — officier ou non — entre deux
intérêts opposés : celui de son pays et le
sien. Notre intérêt est de nous concilier
les nègres du Soudan afin de commercer
avec eux et de n’être pas obligés, pour les
assujettir, de dépenser des hommes et de
l’argent. L’intérêt des officiers coloniaux est
d avancer en grade et d’obtenir des décora
tions. Que font-ils pour cela ? Provoquer les
peuplades qui enclinent à la soumission, les
humilier si insolemment qu’elles prennent
les armes. Vite, on organise une colonne et
je vous réponds qu’elle coûte cher. On part.
On arrive devant la ville fortifiée. On la ca-
nonne. On l’emporte d'assaut. Résultat :
La ville dépeuplée. Plus de produits. Plus
de commerce, les survivants s’étant enfuis
ailleurs où ils portent la terreur des Fran
çais ’
Nous enregistrons ce fait comme une vic
toire. Nous marquons sur nos cartes un
coin de plus à nos couleurs. Mais cette ac
quisition n’est que d’apparence. Car si
nous avons un bataillon caserné à cet en
droit et si notre drapeau y flotte, le marché
qui s’y tenait nous échappe, et nous ne ré
gnons plus que sur une population de
mendiants.
Cependant, à travers les régions où nos
officiers n’ont pas encore porté le fer et le
feu, des explorateurs modestes et diplo
mates, Binger entre autres, se promènent
et reviennent sains et saufs. Mais ces
explorations pacifiques parlent moins à
notre imagination que les coups de trom
pette. Et il faut bien approvisionner les
images d’Epinal.
ÉDOUARD CONTE.
dissement de leur succès personnel, —
hélas ! c’est un phénomène assez fréquent
chez les hommes ; mais il est clair à tous
les yeux, excepté aux leurs, que M. Henri
Brisson a été renversé du fauteuil par
l’effort combiné du ministère et des clé-
ricaux, nationalistes et antijuifs, et cette
ligue s’est formée ainsi contre l’ancien
président, parce qu’il avait personnifié, en
des circonstances récentes, le droit parle
mentaire.
M. Brisson portait haut le souci et le
caractère de sa fonction. On lui reproche
la sévérité de ses attitude» et, dans un
temps de « rigolade » générale, de notre
pas « rigolo ». Il est vrai que M. Brisson
ne témoigne pas d’une inclination parti
culière pour le « snobisme » à la mode. Il
parle la langue politique, parlementaire
et juridique de France, telle qu’aux meil
leurs jours. Le Parlement est très bas au
jourd’hui, chez nous; nos parlementaires
les plus distingués se font une vanité de
ne pas le croire, et ils peuvent trouver
ces observations désobligeantes. Mais il
est certain que l’idée parlementaire a
souffert des atteintes qui ne s’effacent pas
ainsi d’elles-mêmes, si on n’y apporte
'y apporte
. Et le mal
pas des réparations formelles. Et
ne va faire que croître et embellir, comme
vous ne tarderez pas à le voir.
LIBRES PROPOS
OFFICIERS ET OFFICIERS
11 ne faut pas que les officiers nous la fas
sent aux grandes vertus. Ce sont des hom
mes comme les autres. Et j’enrage de voir
que « l’honneur de l’armée » devient pour la
plupart des journaux une idolâtrie nouvelle.
« L’honneur de l’armée », c’est quelque
chose d’aussi incompréhensible pour moi
que l'honneur des perruquiers ou que l’hon
neur des marchands de peaux de lapins.
J’ai eu des camarades de collège qui se
sont poussés officiers dans l’espoir d’em-
paumer une héritière, de faire, comme on dit,
m beau mariage. Leur idéal était d'être
mangeurs de blanc. Voulez-vous aussi que
je les honore? J’en connais qui, en province,
s’en vont de par la ville, montrant aux pas
sants leurs fesses bien saillantes sous un
dolman pet-en-l’air. Dans quelle intention
mettent-ils en évidence la partie la moins
noble de leur individu? C’est ce que le pas
sant pudique se demande.
Dans son Histoire de France, Michelet
nous rapporte le rire du peuple et des bour
geois quand, pour la première fois, au mi
lieu du XIV° siècle, les nobles s’affublèrent
d’un pourpoint court et collant analogue aux
dolmans de nos officiers. Les chroniqueurs
de l’époque s’écrient que le règne de l’im
pudicité est venu. Et ils remarquent que ce
vêtement est plus commode pour fuir... « ce
qui, ajoute Michelet, ne tarda pas à se véri
fier ».
D’autres de mes camarades sont entrés
dans l’armée par goût des aventures. Ils se
sont fait incorporer dans l’infanterie, dans
l'artillerie de marine. Et les guerres colo
niales ont donné carrière à leur sang dévas-
L’IMMENSE FAUTE
Les républicains de la
Chambre ont
s’ils ne savent
perdu la première partie :
pas se ressaisir la semaine prochaine,
nous leur annonçons que leur sort sera
bientôt plus humilié que dans l’ancienne
Chambre, et ils verront la République
continuer de dégringoler avec une vitesse
étonnante.
On avait confectionné au collège, de
mon temps, un vers latin célèbre que
tous nos députés comprendront, et M.
Jules Lemaître lui-même acceptera ce
latin-là, en faveur de son pittoresque :
Degringolavit de brancha in brancha»
Atquc (ecit pouf!
C’est la République qui fera pouf et,
quand elle sera par terre, ce n’est ni M.
Ri bot, ni M. Poincaré, ni même M. Char
les Dupuy qui la ramasseront.
Pour le moment, Messieurs, la dégrin
golade continue, et, tant que vous serez
en l’air, vous ne serez pas aplatis, mais
il faut bien comprendre que vous êtes en
l’air, que vous n’avez plus de base ni
d’assiette à votre politique; il est très
important pour vous d’avoir le sentiment
de cette dégringolade, car, si vous ne
l’avez pas, vous serez singulièrement
surpris en rencontrant les pavés.
L’élection du président de la Chambre
a dégringolé, en trois scrutins, de une
voix à h et de h à 10, des réactionnaires
aux nationalistes et des nationalistes aux
antijuifs. M. Motte (de Roubaix), M. de
Cassagnac et M. Drumont se félicitent
d’avoir, par leurs votes, renversé M. Bris
son du fauteuil et bombardé M. Paul
Deschanel en sa place. C’est une nouvelle
cascade dans la dégringolade qui se con
tinue depuis deux ans, — non pas que
M. Deschanel ne soit un très galant
homme et un républicain comme M. Mé-
line, mais ce sont les circonstances de ce
vote qui caractérisent une nouvelle étape
de la dégringolade parlementaire et ré
publicaine.
Si M. Deschanel et ses amis n’ont pas
la sensation de cette chute, dans l’étour-
La politique se fait maintenant à côté
et au-dessus du Parlement; il y a des
puissances dominantes qui planent sur
nos Chambres énervées et qui, de bien
haut au-dessus des députés d’arrondisse-
ment et de canton, poussent la Républi
que parlementaire à bout, vers quelqu’une
de ces extrémités qe nous avons déjà
connues, et où l’on tombe dans le sang et
dans la fange, mais qui changent sans
cesse, pour nous mieux tromper, de pers
pective et de figure.
Fous ou bien ignorants ceux qui ne le
voient pas et qui sont dans la main de ces
puissances, sans même le savoir et le
sentir, et qui servent à la réalisation de
cette politique supérieure, instruments
passifs et infatués, serviteurs inconscients
et vaniteux, qui se disent les représen
tants du peuple souverain !
Où et comment s’exprimerait-il le peu
ple souverain dans le système électoral
que nous nous sommes forgé nous-mêmes
et que nous subissons par notre volonté ?
L’immense majorité du prolétariat
français, partie assez notable, je pense,
du suffrage universel, est réduite à la
mendicité par les abus du régime écono
mique. L’ouvrier adulte mendie à la fila
ture une place précaire et, comme le sa
laire est insuffisant, il mendie par sur
croit une aumône de charbon, un habit
neuf pour ses enfants, au jour de la pre
mière communion ; la femme mendie une
portion de couture à faire pour quinze
sous par jour; le vieillard mendie un gra
bat à l’hôpital. Dans cet état de servage,
des républicains éminents se félicitent et
tiennent pour une victoire s’ils ont pu
enlever à une population ouvrière leur
représentant Jules Guesde.
Le droit électoral : pure fiction et pi-
perie, lorsque toute la partie la plus
laborieuse, la plus dévouée et la plus
sincère du suffrage universel est dépen
dante pour son pain quotidien; lorsque
la démocratie prolétarienne n’a pas de
garanties, point de syndicats libres, point
de chambres de travail. On l’a bien vu
dans ce grand arrondissement de travail
et d’industrie, à Lille, à Roubaix, à Tour-
coing, à Armentières, où le salariat, tel
qu’il est aujourd’hui compris et pratiqué,
ne parvient plus à avoir un seul repré
sentant, malgré tous ses efforts si méri
toires et son ardente passion d’en avoir
au moins un ou deux qui lui appartien
nent bien en propre et qui puissent tra
duire fidèlement sa pensée!
En Serbie, où l’opinion est unanime-
ment « radicale », au sens que l’on donne
à ce mot dans le pays, l’ex-roi Milan a
bien su combiner ses élections de telle
sorte qu’un seul et unique radical est
sorti des urnes, par surprise et par une
fissure du système!
Dans notre Chambre telle quelle, — et
que l’on prendra soin de rectifier, à ce
qu’il paraît, par quelques invalidations
choisies, — il y «avait quelqu’un au fau
teuil, quand M. Brisson y était ; c’était
plus que quelqu’un, c’était comme
une doctrine, une affirmation du droit
français. Qui sait? Elle pouvait être gê-
nante à certain jour. Elle l'a été déjà, et
on l’a dit. M. Brisson avait déplu. Il avait
affirmé, dans un de ces moments dou
teux et que l’on reverra pires, l’égalité
de la loi et du droit pour tous, l’esprit
civil et parlementaire et la tradition de
la Révolution française. C’était trop, et,
vraiment, cela détonnait et criait, la dis
crétion même n’était qu’affectation au
milieu des ruines morales de la troisième
République !
Plutôt que de faire lui-même, depuis
six mois, ce qui était juste et nécessaire,
ou de le laisser faire par d’autres, M. Mé-
line a préféré tout abîmer dans la Répu
blique. Il s’apprête à continuer. Depuis
le 22 mai au soir, il s’est joliment repris.
Il était démissionnaire, il ne l’est plus.
Le discours de Saint-Etienne s’est porté
garant de l’excellence de sa conduite de
vant le suffrage universel.
M. Méline a tout découvert, la magis
trature, l’armée et notre organisme mi
litaire, de fond en comble. Il a exposé
aux yeux de l’étranger, sous le prétexte
de conserver les mystères sacrés, tout ce
que l’on voulait cacher au monde. Le
mal, tout ce que vous avez dit être le
mal, est fait ; le désarroi que vous vou-
, liez éviter, vous l’avez suscité et déchaîné.
!
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