Titre : La Dépêche algérienne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Alger)
Date d'édition : 1885-09-16
Contributeur : Robe, Eugène (1890-1970). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32755912k
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 16 septembre 1885 16 septembre 1885
Description : 1885/09/16 (A1,N62). 1885/09/16 (A1,N62).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t544844k
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-10449
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/04/2021
PftËFECTUMï fr.U.GÇB
ÜEl'OT LE(iA).
Xgt
Première année. — N° 62. Le numéro S centimes. Mercredi. 16 septembre 1885.
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
ABONNEMENTS t
Trois mois Six mois Un an
Algérie 4.50 9 18
France O 12 24
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Tontes les communications relatives anx annnonces et réclames doivent, m
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Al§«r »
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseiclk, cher M. Gustave ALLARD, me dn Bausset, A ;
A Paris, ehei MM. AUDBOURG et O, place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
La DÉPÊCHE ALGÉRIENNE est désignée pour l’insertion des annonces légales, judiciaires et autres exigées pour la validité des procédures et contrats.
Alger, le 15 Septembre 1885.
QUI TROMPE-T-ON ICI ?
Deux souvenirs :
Le premier remonte à l’hiver 83-84. Une
des sociétés de Secours mutuels d’Alger cé
lébrait l’anniversaire de sa fondation par un
banquet donné, chez un restaurateur de la
rue Ledru-Rollin et, par un bal au Théâtre.
Le sénateur et les députés d’Alger avaient
assisté au banquet, en qualité d’invités. La
nuance politique de chacun de ces person
nages était largement représentée parmi les
convives. Pendant le repas, une averse était
tombée qui rendait le sol glissant. Lors
qu’on quitta la table pour se rendre au
café, les groupes se formèrent suivant les
affinités personnelles. M. Lelièvre fut si
bien oublié par ses amis, qu’il eût été obligé
de marcher seul et complètement isolé, si
un convive, n’appartenant pas au parti radi
cal, ne lui eût, touché de pitié par cet aban
don, offert l’appui de son bras et la protec
tion de son parapluie.
Quatre ou cinq mois plus tard, pendant le
concours agricole de Blidah, les radicaux
d’Alger estimèrent qu’il serait bon de faire
en faveur du sénateur, une manifestation au
cœur même de la ville administrée par
M. Maugnin. En conséquence, toute la tête
du parti se rendit à Blidah emmenant, avec
elle, M. Lelièvre, à qui l’on se proposait de
faire offrir spontanément un puacb par la
démocratie blidèenna.
Malheureusement, les souscripteurs ne
mordirent pas à l’hameçon; le punch ne put
avoir lieu et, pendant que les radicaux venus
d’Alger se consolaient de cet échec en fes
toyant avec leurs amis particuliers de la Cité
des Roses, on put, le soir, voir le vénéré
sénateur dîner tristement en société de sa
compagne dans un modeste restaurant, puis
errer avec elle jusqu’à 1 heure du matin
par les rues solitaires de Blida.
Dès lors, ma conviction était faite sur la
valeur morale des témoignages de tendresse
et de dévouement prodigués par certains
journaux au sénateur sortant. Elles ne s’a
dressaient pas à l’homme lui-même, mais à
la place qu’U occupait sur l’échiquier de
leur politique.!
Cette place, il faut le reconnaître, était de
la plus haute importance. Le désappoin
tement éprouvé par les radicaux, le jour où
elle fut enlevée hautïla main par M. Mau-
guin, explique la haine qu’ils vouèrent à ce
dernier, mais aucun d’eux ne se fit illusion
sur le Vénérable ; tous comprirent que son
rôle était absolument fini, aussi bien les
hommes du Radical que ceux du Petit
Colon.
A ce moment, la promesse faite à M.
Lelièvre de lui rendre l’équivalent de la
position politique qu’il venait de perdre,
beaucoup par la faute de ses imprudents
amis, en le faisant eommer député lors du
renouvellement de la Chambre, ne fut autre
chose qu’un expédient inventé par le Radi
cal, pour arrêter des revendications qui
eussent singulièrement gêné son directeur
politique ; par le Petit Colon, pour permet
tre à son rédacteur en chef de préparer,dans
l’ombre, sa candidature et de ne démasquer
ses batteries qu’au moment psychologique.
La diversion qui paraît s’être opérée entre
le Radical et le Petit Colon , pourrait donc
bien n’être qu’une comédie adroitement
machinée pour amuser la galerie et trom
per l’opinion. Un moment viendra, nous le
parierions, où les deux compères s’embras
seront par dessus les épaules du patriarche
de la démocratie, aux cris de ; Vivent les
jeunes !... et dès à présent, on est, comme
Figaro, tenté de s’écrier : « Ah ça, mais
QUI TROMI>E-T ON ICI ? »
“ NOS candidats a bquira
On nous écrit de Bouïra, le 13 septembre
1885 :
J’ai l’honneur de vous adressser un
compte rendu aussi fidèle que possible, da
la réunion à laquelle ont pris part MM. Le-
tellier et Bourlier. Arrivés hier soir à Bouïra,
ils ont convoqué immédiatement les élec
teurs de toute nuance pour leur exposer et
soumettre leurs programmes.
M. Letellier a pris le premier la parole:
il a chaleureusement expliqué que, s’il avait
suivi et soutenu la politique qu’on est con
venu d’appeler' * ferryste », c’est qu’il avait
considéré que les intérêts généraux de la
France, son honneur môme nécessitaient
l’adoption de cette ligne de conduite.
En effet, continue-t-il, le gouvernement
existant commettrait-il certaines fautes dans
le détail de sa politique, que si l’ensemble
général de sa conduite des affaires du pays
paraît satisfaisante, les représentants de ce
pays ne lui doivent pas moins leur concours
tout entier.
M. Letellier explique ensuite sa conduite
pandant la dernière législature ; il énumère
les diverses commissions dont il a fait par
tie et de plusieurs desquelles il a été nom
mé rapporteur ; il finit, enfin, en déclarant
qu’il est et a toujours été républicain, qu’il
n’admet pas les divisions qu’on tend à intro
duire dans ce parti, le Seul national, divi
sions qui pourraient amener non la défaite,
mais peut-être une infériorité relative que
les républicains de la première heure, ceux
qui ont combattu sans crainte, alors qu’il y
avait des dangers à le faire, le despotisme
criminel du pouvoir issu du sang du 2 décem
bre, le peuvent envisager et qu’amèneraient
cependant infailliblement ceux qui s’intitu
lent les purs, les radicaux, les intransigeants,
surtout ceux Algériens qui s’étonnent ou plu
tôt, paraissent s’étonner que leurs manda-
dataires ne puissent obtenir tout d’un
coup, du gouvernement de la métropole,l’en
semble des améliorations qu’ils désirent. Il
fait remarquer enfin, que malheureusement
noire belle colonie algérienne est encore
presque inconnue en France, où on la con
sidère encore comme une sorte de boulet
financier.
Il en résulte pour le député algérien
une obligation de garder une certaine me
sure dans ses demandes qui, s’il les produi
sait trop fréqueentes, seraient sûrement
rejetées. Le mieux est quelquefois l'ennemi
du bien, a dit un poète ; dans l’espèce, il le
serait toujours.
M. Bourlier. — Dans son ensemble, la
population de Bouïra ne connaissait pas
particulièrement M. Bourlier ; ce candidat
commence tout d’abord par. affirmer
qu’à l’encontre de certaines accusations qui
lui ont été faites, il est absolument, en
tièrement républicain, mais qu’il considère
que ce républicanisme doit se faire connaî
tre par des faits et non pas seulement par
des mots, comme le font généralement ceux
qui s’appellent radicaux, intransigants, etc.
Il déclare qu’il voterait contre la suppres
sion du Sénat, en raison des entraînements
irréfléchis qui se sout produits (on l’a vu
par la chute du ministère Ferry), et qui se
produiraient certainement encore dans une
assemblée issue du seul suffrage universel
direct. Le Sénat, d’ailleurs, étant donné
l’esprit démocratique actuel de la société,
dans ce qu’on est convenu d’appeler des
classes dirigeantes, ne saurait être modifié
en sens réactionnaire.
L’assemblée législative, au contraire, dont
l’élection est incontestablement subordonnée
à certains entraînements, à certaines in
fluences, pourrait se voir modifier tout con
trairement à nos espérances.
L’institution du Sénat doit être conservée.
M. Bourlier se défend ensuite de l’accusa
tion de cléricalisme qui lui a été faite ; cette
accusation a été amenée sans doute par
l’opinion qu’il a toujours hautement affir
mée que, comme algérien, il n’admettrait
jamais le principe de la sèpvro.tion des
Eglises et de l’Etat.
Cette séparation, si le principe en était
admis, devrait, en effet, s’appliquer à tous
les cultes. Or, notre supériorité en Algérie
a déjà fort à faire pour s’imposer aux divers
fanatismes des populations qui habitent
l’Algérie. Que serait-ce, si l’Etat abandon
nait toute ingérance dans les affaires de ses
cultes, ingèrance qui lui appartient tant,
que, comme dans l’état actuel, les ministres
de ces religions sont en môme temps ses
fonctionnaires.
C’est ce que se demande M. Bourlier qui
craint que, dans cette nouvelle situation,
notre influence ne tarde pas à ressentir les
effets désastreux d’une organisation reli
gieuse occulte, et d’autant plus dangereuses
de la part des sectes nombreuses qui ses
partagent les diverses populations de l’Al
gérie.
L’assemblée, devant laquelle MM. Letel
lier et Bourlier ont exposé la ligne de con
duite qu’ils entendent suivre, était fo f t nom
breuse. Ces candidats ont été acclamés, A
plusieurs reprises, par la grande majorité,
des électeurs présents, qui paraît être aussi
la véritable ; la saine majorité de la popu
lation lui réserve tous ses votes.
Quelques rares interruptions se sont fait
entendre; mais leur importance, leur sé
rieux étaient tels, qu’on n’a pu admettre de
la part de leurs auteurs d’autre intention
que celle de donner la note gaie, sans la
quelle toute longue séance publique devient
un peu fatigante pour les assistants. II
faisait, du reste, du siroco et ce diable dn
vent, chacun le sait, a la faculté bien recon*
nue de troubler certains cerveoux d’ailleurs
mal équilibrés,
Informations algériennes
Le nommé Santiago Antonio y Santiago*
sujet espagnol, expulsé de l’Algérie en 1883*
a été arrêté à Mascara et mis à la disposition
du Parquet.
X
M. Hickel, élève sortant de l’école fores
tière, vient d’être nommé garde général sta
giaire à Mascara.
X
La Compagnie de Bône-Guelma possède
le long des 195 kilomètres de son résean
tunisien (frontière algérienne à Tunis), unn
bande de terrain de 30 mètres environ, re
présentant une superficie moyenne de 57$
hectares, dont 500 utilisables.
La Compagnie a résolu de les utiliser
pour la culture forestière.
Depuis 1880, elle a planté les espèces?
Feuilleton de LA DÉPÊCHE ALGÉRIENNE
n° 62.
LA
GMNDE lÂMIÊRE
PAR
Georges 0HNET
Mais comment, par quelle entremise ?
Absorbé dans la recherche de ce problème,
il allongeait ses enjambées, allant de la fe
nêtre au bureau, lorsque, sur la console en
vieil acajou empire, qui garnissait le tru
meau du côté de la rue, un morceau de tissu
noir attira son attention. Il s’approcha ma
chinalement, le regarda, reconnut nne voi
lette de femme, et, avec une exclamation,
s’en emparant.
— Qui est-ce qui a laissé ça ici ? cria-t-il.
Qui donc est venu en mon absence ? Sacré-
dié ! J’avais bien reniflé, en entrant, une
odeur qui n’était pas catholique !...
Il mit la voilette sous le nez de Pascal.
— Tu dois être informé, toi, monsieur le
casanier, qui n’est pas sorti de la journée ?
Cet objet de toilette n’appartîent pas à une
des dames de La Neuville... Dieu merci,
elles ne se cachent pas le visage !... Est-ce
que?...
La supposition qu’il fit était si énorme
qu’il n’osa pas la formuler. Il resta en sus
pens, les mains tendues, froissant la gaze
noire imprégnée d’une délicate senteur
d’iris, la bouche tordue par la colère.
Pascal ferma les paupières pour ne pas
voir son père qui, ainsi,* lui fit horreur, et,
affermissant sa résolution :
— Ne cherchez pas, répondit-il, la per
sonne qui est venue est Mlle de Clairefont.
— Ah ! ah ! fit railleusement Carvajan...
Il faut qu’ils soient bien à quia, là-haut,
pour que la fière Antoinette se soit décidée
à descendre jusqu’ici... Et tu l’as reçue ?
— Oui, mon père...
— Qu’est-ce qu’elle voulait?
— Intercéder pour les siens auprès de
vous...
— Intercéder ? Vraiment ! La voilà sou
dainement devenue bien humble !...
Il changea de ton, et, regardant son fils
avec sévérité :
— Et pourquoi, dès mon arrivée, ne m’as-
tu pas raconté la chose ?...
— Parce que j'espérais, en gagnant un
peu de temps, arriver à vous disposer favo
rablement.
Les deux hommes se dévisagèrent il y eut
un instant de silence.
— Ah! tu espérais?... Vraiment! Me
prends-tu pour un tonton qui va comme on
le pousse ? Suis-je homme à changer au gré
d’un caprice, et à renoncer à mes projets
pour des pleurnicheries ?... La belle a sans
doute tâché de t’émouvoir avec des regards
mouillés et de t’entortiller avec des phrases
câlines !... Ah ! elle connaît son métier de
femme, et c’est une sucrée de la première
espèce !... Elle nous en a donné un échan
tillon, le soir de la fête, quand sou nicodè-
me de fiancé a refusé de danser en face de
toi !... Il faut se méfier de ces gens-là
En paroles, ils vous promettent le bon Dieu;
mais, en actions, ils vous donnent le diable!
Je les connais, moi, et bien, depuis le temps
que je les pratique ! Ce qu’ils savent le
mieux, c’est mentir ! La demoiselle t’a en
jôlé, et elle n’était pas au bout de la rue
qu’elle riait de toi... Tu peux m’en croire !
Pascal ne répondit pas. Il s’était promis
de subir impassible les sarcasmes et les
violences. Pouvait-il acheter trop cher la
réalisation des promesses faites à la jeune
fille ? Carvajan avait repris sa marche de
long en large dans son cabinet. Il réfléchis
sait, et sa physionomie était devenue très
grave. Brusquement il s’arrêta, et, jetant un
coup d’œil à son fils :
— Ma ; s enfin elle n’a pas fait que soupi
rer, n’est-il pas vrai ? Elle a dû parler aussi
un peu... Qu’a-t-elle dit? Qu’a-t-e!le v pro-
posé ? Quand ou demande la paix... c’est à
de certaines conditions... Laissons le côté
sentimental de la question, et voyons le côté
pratique... Que veut-elle, d’abord ?
— Que vous sauviez son frère, et que
vous épargniez son père...
— Autrement dit, que je prouve clair
comme le jour que le jeune Clairefont est
aussi blanc que l’hermine, et que, tenant le
vieux dans le creux de la main que voici, je
le laisse aller franc et quitte ?... Mazette !
Et que m’offre-t-elle en échange ? Sans
doute une reconnaissance éternelle ?...
— Mlle de Clairefont n’a point fixé d$
conditions...
— Et qui donc les fixera, sacredié ? s’é
cria Carvajan, dont le visage basané devint
d’un rouge sombre,
— Vous, mon père, répondit froidement
Pascal... N’êtes-vous pas le maître ?
Carvajan alla s’adosser à la cheminée.
— Je suis le maître, c’est vrai ! dit-il avec?
une cauteleuse bonhomie... Mais la situa
tion est embarrassante... Et deux avis va
lent mieux qu’un... Toi, à ma place, qu’est-
ce que tu ferais ?
— Je ne vous l’ai jamais laissé ignorer»
mon père, et, dès le commencement de mou
séjour, je vous ai exhorté à la conciliation,
La situation de la famille de Clairefont était
alors beaucup moins grave qu’elle ne l’est
aujourd’hui, et c’était uniquement dans vo
tre intérêt que je parlais. Je souhaitais vous;
voir renoncer à une hostilité qui pouvait
vous rabaisser dans l’opinion de beaucoup
de gens, Je voulais vous voir des idées qui
fussent à la hauteur de la position à laquelle
vous avez su atteindre. Vous étiez le plus
fort : il convenait de vous montrer géné
reux. C’était là le langage que je vous te
nais... Et ceux que vous considériez comme
vos ennemis résistaient encore ! Que dois-
je vous dire, aujourd’hui qu’ils sont vain
cus, désespérés, et qu’ils demandent grâce ?
Ce n’est pas un avis que je vous donne»
c’est une prière que je vous adresse. Soyez
humain : ne frappez pas des gens à terre.
1 (A suivre)i '*
ÜEl'OT LE(iA).
Xgt
Première année. — N° 62. Le numéro S centimes. Mercredi. 16 septembre 1885.
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
ABONNEMENTS t
Trois mois Six mois Un an
Algérie 4.50 9 18
France O 12 24
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Tontes les communications relatives anx annnonces et réclames doivent, m
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Al§«r »
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseiclk, cher M. Gustave ALLARD, me dn Bausset, A ;
A Paris, ehei MM. AUDBOURG et O, place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
La DÉPÊCHE ALGÉRIENNE est désignée pour l’insertion des annonces légales, judiciaires et autres exigées pour la validité des procédures et contrats.
Alger, le 15 Septembre 1885.
QUI TROMPE-T-ON ICI ?
Deux souvenirs :
Le premier remonte à l’hiver 83-84. Une
des sociétés de Secours mutuels d’Alger cé
lébrait l’anniversaire de sa fondation par un
banquet donné, chez un restaurateur de la
rue Ledru-Rollin et, par un bal au Théâtre.
Le sénateur et les députés d’Alger avaient
assisté au banquet, en qualité d’invités. La
nuance politique de chacun de ces person
nages était largement représentée parmi les
convives. Pendant le repas, une averse était
tombée qui rendait le sol glissant. Lors
qu’on quitta la table pour se rendre au
café, les groupes se formèrent suivant les
affinités personnelles. M. Lelièvre fut si
bien oublié par ses amis, qu’il eût été obligé
de marcher seul et complètement isolé, si
un convive, n’appartenant pas au parti radi
cal, ne lui eût, touché de pitié par cet aban
don, offert l’appui de son bras et la protec
tion de son parapluie.
Quatre ou cinq mois plus tard, pendant le
concours agricole de Blidah, les radicaux
d’Alger estimèrent qu’il serait bon de faire
en faveur du sénateur, une manifestation au
cœur même de la ville administrée par
M. Maugnin. En conséquence, toute la tête
du parti se rendit à Blidah emmenant, avec
elle, M. Lelièvre, à qui l’on se proposait de
faire offrir spontanément un puacb par la
démocratie blidèenna.
Malheureusement, les souscripteurs ne
mordirent pas à l’hameçon; le punch ne put
avoir lieu et, pendant que les radicaux venus
d’Alger se consolaient de cet échec en fes
toyant avec leurs amis particuliers de la Cité
des Roses, on put, le soir, voir le vénéré
sénateur dîner tristement en société de sa
compagne dans un modeste restaurant, puis
errer avec elle jusqu’à 1 heure du matin
par les rues solitaires de Blida.
Dès lors, ma conviction était faite sur la
valeur morale des témoignages de tendresse
et de dévouement prodigués par certains
journaux au sénateur sortant. Elles ne s’a
dressaient pas à l’homme lui-même, mais à
la place qu’U occupait sur l’échiquier de
leur politique.!
Cette place, il faut le reconnaître, était de
la plus haute importance. Le désappoin
tement éprouvé par les radicaux, le jour où
elle fut enlevée hautïla main par M. Mau-
guin, explique la haine qu’ils vouèrent à ce
dernier, mais aucun d’eux ne se fit illusion
sur le Vénérable ; tous comprirent que son
rôle était absolument fini, aussi bien les
hommes du Radical que ceux du Petit
Colon.
A ce moment, la promesse faite à M.
Lelièvre de lui rendre l’équivalent de la
position politique qu’il venait de perdre,
beaucoup par la faute de ses imprudents
amis, en le faisant eommer député lors du
renouvellement de la Chambre, ne fut autre
chose qu’un expédient inventé par le Radi
cal, pour arrêter des revendications qui
eussent singulièrement gêné son directeur
politique ; par le Petit Colon, pour permet
tre à son rédacteur en chef de préparer,dans
l’ombre, sa candidature et de ne démasquer
ses batteries qu’au moment psychologique.
La diversion qui paraît s’être opérée entre
le Radical et le Petit Colon , pourrait donc
bien n’être qu’une comédie adroitement
machinée pour amuser la galerie et trom
per l’opinion. Un moment viendra, nous le
parierions, où les deux compères s’embras
seront par dessus les épaules du patriarche
de la démocratie, aux cris de ; Vivent les
jeunes !... et dès à présent, on est, comme
Figaro, tenté de s’écrier : « Ah ça, mais
QUI TROMI>E-T ON ICI ? »
“ NOS candidats a bquira
On nous écrit de Bouïra, le 13 septembre
1885 :
J’ai l’honneur de vous adressser un
compte rendu aussi fidèle que possible, da
la réunion à laquelle ont pris part MM. Le-
tellier et Bourlier. Arrivés hier soir à Bouïra,
ils ont convoqué immédiatement les élec
teurs de toute nuance pour leur exposer et
soumettre leurs programmes.
M. Letellier a pris le premier la parole:
il a chaleureusement expliqué que, s’il avait
suivi et soutenu la politique qu’on est con
venu d’appeler' * ferryste », c’est qu’il avait
considéré que les intérêts généraux de la
France, son honneur môme nécessitaient
l’adoption de cette ligne de conduite.
En effet, continue-t-il, le gouvernement
existant commettrait-il certaines fautes dans
le détail de sa politique, que si l’ensemble
général de sa conduite des affaires du pays
paraît satisfaisante, les représentants de ce
pays ne lui doivent pas moins leur concours
tout entier.
M. Letellier explique ensuite sa conduite
pandant la dernière législature ; il énumère
les diverses commissions dont il a fait par
tie et de plusieurs desquelles il a été nom
mé rapporteur ; il finit, enfin, en déclarant
qu’il est et a toujours été républicain, qu’il
n’admet pas les divisions qu’on tend à intro
duire dans ce parti, le Seul national, divi
sions qui pourraient amener non la défaite,
mais peut-être une infériorité relative que
les républicains de la première heure, ceux
qui ont combattu sans crainte, alors qu’il y
avait des dangers à le faire, le despotisme
criminel du pouvoir issu du sang du 2 décem
bre, le peuvent envisager et qu’amèneraient
cependant infailliblement ceux qui s’intitu
lent les purs, les radicaux, les intransigeants,
surtout ceux Algériens qui s’étonnent ou plu
tôt, paraissent s’étonner que leurs manda-
dataires ne puissent obtenir tout d’un
coup, du gouvernement de la métropole,l’en
semble des améliorations qu’ils désirent. Il
fait remarquer enfin, que malheureusement
noire belle colonie algérienne est encore
presque inconnue en France, où on la con
sidère encore comme une sorte de boulet
financier.
Il en résulte pour le député algérien
une obligation de garder une certaine me
sure dans ses demandes qui, s’il les produi
sait trop fréqueentes, seraient sûrement
rejetées. Le mieux est quelquefois l'ennemi
du bien, a dit un poète ; dans l’espèce, il le
serait toujours.
M. Bourlier. — Dans son ensemble, la
population de Bouïra ne connaissait pas
particulièrement M. Bourlier ; ce candidat
commence tout d’abord par. affirmer
qu’à l’encontre de certaines accusations qui
lui ont été faites, il est absolument, en
tièrement républicain, mais qu’il considère
que ce républicanisme doit se faire connaî
tre par des faits et non pas seulement par
des mots, comme le font généralement ceux
qui s’appellent radicaux, intransigants, etc.
Il déclare qu’il voterait contre la suppres
sion du Sénat, en raison des entraînements
irréfléchis qui se sout produits (on l’a vu
par la chute du ministère Ferry), et qui se
produiraient certainement encore dans une
assemblée issue du seul suffrage universel
direct. Le Sénat, d’ailleurs, étant donné
l’esprit démocratique actuel de la société,
dans ce qu’on est convenu d’appeler des
classes dirigeantes, ne saurait être modifié
en sens réactionnaire.
L’assemblée législative, au contraire, dont
l’élection est incontestablement subordonnée
à certains entraînements, à certaines in
fluences, pourrait se voir modifier tout con
trairement à nos espérances.
L’institution du Sénat doit être conservée.
M. Bourlier se défend ensuite de l’accusa
tion de cléricalisme qui lui a été faite ; cette
accusation a été amenée sans doute par
l’opinion qu’il a toujours hautement affir
mée que, comme algérien, il n’admettrait
jamais le principe de la sèpvro.tion des
Eglises et de l’Etat.
Cette séparation, si le principe en était
admis, devrait, en effet, s’appliquer à tous
les cultes. Or, notre supériorité en Algérie
a déjà fort à faire pour s’imposer aux divers
fanatismes des populations qui habitent
l’Algérie. Que serait-ce, si l’Etat abandon
nait toute ingérance dans les affaires de ses
cultes, ingèrance qui lui appartient tant,
que, comme dans l’état actuel, les ministres
de ces religions sont en môme temps ses
fonctionnaires.
C’est ce que se demande M. Bourlier qui
craint que, dans cette nouvelle situation,
notre influence ne tarde pas à ressentir les
effets désastreux d’une organisation reli
gieuse occulte, et d’autant plus dangereuses
de la part des sectes nombreuses qui ses
partagent les diverses populations de l’Al
gérie.
L’assemblée, devant laquelle MM. Letel
lier et Bourlier ont exposé la ligne de con
duite qu’ils entendent suivre, était fo f t nom
breuse. Ces candidats ont été acclamés, A
plusieurs reprises, par la grande majorité,
des électeurs présents, qui paraît être aussi
la véritable ; la saine majorité de la popu
lation lui réserve tous ses votes.
Quelques rares interruptions se sont fait
entendre; mais leur importance, leur sé
rieux étaient tels, qu’on n’a pu admettre de
la part de leurs auteurs d’autre intention
que celle de donner la note gaie, sans la
quelle toute longue séance publique devient
un peu fatigante pour les assistants. II
faisait, du reste, du siroco et ce diable dn
vent, chacun le sait, a la faculté bien recon*
nue de troubler certains cerveoux d’ailleurs
mal équilibrés,
Informations algériennes
Le nommé Santiago Antonio y Santiago*
sujet espagnol, expulsé de l’Algérie en 1883*
a été arrêté à Mascara et mis à la disposition
du Parquet.
X
M. Hickel, élève sortant de l’école fores
tière, vient d’être nommé garde général sta
giaire à Mascara.
X
La Compagnie de Bône-Guelma possède
le long des 195 kilomètres de son résean
tunisien (frontière algérienne à Tunis), unn
bande de terrain de 30 mètres environ, re
présentant une superficie moyenne de 57$
hectares, dont 500 utilisables.
La Compagnie a résolu de les utiliser
pour la culture forestière.
Depuis 1880, elle a planté les espèces?
Feuilleton de LA DÉPÊCHE ALGÉRIENNE
n° 62.
LA
GMNDE lÂMIÊRE
PAR
Georges 0HNET
Mais comment, par quelle entremise ?
Absorbé dans la recherche de ce problème,
il allongeait ses enjambées, allant de la fe
nêtre au bureau, lorsque, sur la console en
vieil acajou empire, qui garnissait le tru
meau du côté de la rue, un morceau de tissu
noir attira son attention. Il s’approcha ma
chinalement, le regarda, reconnut nne voi
lette de femme, et, avec une exclamation,
s’en emparant.
— Qui est-ce qui a laissé ça ici ? cria-t-il.
Qui donc est venu en mon absence ? Sacré-
dié ! J’avais bien reniflé, en entrant, une
odeur qui n’était pas catholique !...
Il mit la voilette sous le nez de Pascal.
— Tu dois être informé, toi, monsieur le
casanier, qui n’est pas sorti de la journée ?
Cet objet de toilette n’appartîent pas à une
des dames de La Neuville... Dieu merci,
elles ne se cachent pas le visage !... Est-ce
que?...
La supposition qu’il fit était si énorme
qu’il n’osa pas la formuler. Il resta en sus
pens, les mains tendues, froissant la gaze
noire imprégnée d’une délicate senteur
d’iris, la bouche tordue par la colère.
Pascal ferma les paupières pour ne pas
voir son père qui, ainsi,* lui fit horreur, et,
affermissant sa résolution :
— Ne cherchez pas, répondit-il, la per
sonne qui est venue est Mlle de Clairefont.
— Ah ! ah ! fit railleusement Carvajan...
Il faut qu’ils soient bien à quia, là-haut,
pour que la fière Antoinette se soit décidée
à descendre jusqu’ici... Et tu l’as reçue ?
— Oui, mon père...
— Qu’est-ce qu’elle voulait?
— Intercéder pour les siens auprès de
vous...
— Intercéder ? Vraiment ! La voilà sou
dainement devenue bien humble !...
Il changea de ton, et, regardant son fils
avec sévérité :
— Et pourquoi, dès mon arrivée, ne m’as-
tu pas raconté la chose ?...
— Parce que j'espérais, en gagnant un
peu de temps, arriver à vous disposer favo
rablement.
Les deux hommes se dévisagèrent il y eut
un instant de silence.
— Ah! tu espérais?... Vraiment! Me
prends-tu pour un tonton qui va comme on
le pousse ? Suis-je homme à changer au gré
d’un caprice, et à renoncer à mes projets
pour des pleurnicheries ?... La belle a sans
doute tâché de t’émouvoir avec des regards
mouillés et de t’entortiller avec des phrases
câlines !... Ah ! elle connaît son métier de
femme, et c’est une sucrée de la première
espèce !... Elle nous en a donné un échan
tillon, le soir de la fête, quand sou nicodè-
me de fiancé a refusé de danser en face de
toi !... Il faut se méfier de ces gens-là
En paroles, ils vous promettent le bon Dieu;
mais, en actions, ils vous donnent le diable!
Je les connais, moi, et bien, depuis le temps
que je les pratique ! Ce qu’ils savent le
mieux, c’est mentir ! La demoiselle t’a en
jôlé, et elle n’était pas au bout de la rue
qu’elle riait de toi... Tu peux m’en croire !
Pascal ne répondit pas. Il s’était promis
de subir impassible les sarcasmes et les
violences. Pouvait-il acheter trop cher la
réalisation des promesses faites à la jeune
fille ? Carvajan avait repris sa marche de
long en large dans son cabinet. Il réfléchis
sait, et sa physionomie était devenue très
grave. Brusquement il s’arrêta, et, jetant un
coup d’œil à son fils :
— Ma ; s enfin elle n’a pas fait que soupi
rer, n’est-il pas vrai ? Elle a dû parler aussi
un peu... Qu’a-t-elle dit? Qu’a-t-e!le v pro-
posé ? Quand ou demande la paix... c’est à
de certaines conditions... Laissons le côté
sentimental de la question, et voyons le côté
pratique... Que veut-elle, d’abord ?
— Que vous sauviez son frère, et que
vous épargniez son père...
— Autrement dit, que je prouve clair
comme le jour que le jeune Clairefont est
aussi blanc que l’hermine, et que, tenant le
vieux dans le creux de la main que voici, je
le laisse aller franc et quitte ?... Mazette !
Et que m’offre-t-elle en échange ? Sans
doute une reconnaissance éternelle ?...
— Mlle de Clairefont n’a point fixé d$
conditions...
— Et qui donc les fixera, sacredié ? s’é
cria Carvajan, dont le visage basané devint
d’un rouge sombre,
— Vous, mon père, répondit froidement
Pascal... N’êtes-vous pas le maître ?
Carvajan alla s’adosser à la cheminée.
— Je suis le maître, c’est vrai ! dit-il avec?
une cauteleuse bonhomie... Mais la situa
tion est embarrassante... Et deux avis va
lent mieux qu’un... Toi, à ma place, qu’est-
ce que tu ferais ?
— Je ne vous l’ai jamais laissé ignorer»
mon père, et, dès le commencement de mou
séjour, je vous ai exhorté à la conciliation,
La situation de la famille de Clairefont était
alors beaucup moins grave qu’elle ne l’est
aujourd’hui, et c’était uniquement dans vo
tre intérêt que je parlais. Je souhaitais vous;
voir renoncer à une hostilité qui pouvait
vous rabaisser dans l’opinion de beaucoup
de gens, Je voulais vous voir des idées qui
fussent à la hauteur de la position à laquelle
vous avez su atteindre. Vous étiez le plus
fort : il convenait de vous montrer géné
reux. C’était là le langage que je vous te
nais... Et ceux que vous considériez comme
vos ennemis résistaient encore ! Que dois-
je vous dire, aujourd’hui qu’ils sont vain
cus, désespérés, et qu’ils demandent grâce ?
Ce n’est pas un avis que je vous donne»
c’est une prière que je vous adresse. Soyez
humain : ne frappez pas des gens à terre.
1 (A suivre)i '*
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