Titre : La Dépêche algérienne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Alger)
Date d'édition : 1885-09-11
Contributeur : Robe, Eugène (1890-1970). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32755912k
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 11 septembre 1885 11 septembre 1885
Description : 1885/09/11 (A1,N57). 1885/09/11 (A1,N57).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t5448390
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-10449
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/04/2021
PHEKBrrrriN'K D‘ALGEH
DEPOT LEGAL
L© numéro S5 centimes
. I 0 j Vendredi, 11
Première année. —- N° 57.
septembre
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
ABONNEMENTS :
Trois moi* Six mois Un ai
ÀXGÉRIE 4.50 O 1 18
France 6 £4
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Hue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Tontes les communications relatives aux annnonces et réclame* doivent, ei
Algérie, être adressées à l’ AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Algor,
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseille, chez M, Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chex MM. AUDBOURG et G'®, place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
La DÉPÊCHE ALGÉRIENNE est désignée pour l’insertion des annonces légales
judiciaires et autres exigées pour la validité des procédures et contrats
Alger, le 10 Septembre 1885.
un PEU DE COURAGE
Messieurs du B A DICÂ L
Vraiment, c’est à n’y plus rien compren
dre. La mélancolie du Radical algérien
continue, et de plus, il est à peu près rédigé
d’une façon convenable. Son numéro d’hier
ne contenait aucune injure. Il n’y était ques
tion ni de M. Tirman, ni de M. Mauguin, ni
de candidature officielle, ni de fonds secrets
®t c’est à peine si le nom de Letellier s’y
trouvait, et encore aucune épithète malson
nante n’y était accolée.
On pourrait presque croire que la Sainte-
Trinité radicalesqué est malade, ou que le
père éternel Basset s’est brouillé avec son
fils d’Arraès et même avec le Saint-Esprit
Lapeyre. Les trois uob es écrivains se con
duisent comme de petits Saint-Jean.
Mais pourquoi se décourager ainsi ? Eh
quoi ! parcs que ces Messieurs devinent que
les électeurs algériens ne votèront pas pour
les grands réformateurs de la Société fran
çaise et les vengeurs d Olivier Pain, ils se
désespèrent ! Mais depuis dix ans, n’ont-ils
pas eu le temps de contracter l’habitude des
vestes électorales ?
Est-ce que vraiment M. Basset espère
encore obtenir un succès quelconque.
Ce serait par trop de naïveté, et M. Basset
n’est pas un naïf, il s’en faut.
Je puis le rassurer sur un point, cepen
dant.
Il semble craindre que les amis de M. Le
tellier le dispensent de rendre compte de son
mandat, ce qui, en effet, ne l’empêcherait pas
d’être élu, ses votes à la Chambre étant
connus et irréprochables. Mais il n’en est
rien, M. Letellier a commencé sa tournée,
il s’explique en ce moment avec les élec
teurs de l’intérieur, il s’expliquera aussi
avec ceux d’Alger dans une réunion publi
que.
Mais cela ne changera rien au résultat, ou
du moins le changement, s’il y eu a un,
sera tout à son profit et nos trois hommes
d’Etat du Radical l’ont compris.
On est moins pessimiste au Petit Colon
■et plus hardi.
Pendant qu’on sa lamente chez l’agent
d’affaires, M. Charles Marchai, le simple
soldat de la démocratie, s’arrange et se dé
range pour passer chef de bataillon. Il est
bien entendu qu’il ne veut rien être, le
mandat de député serait bien lourd pour
ses jeunes épaules, mais, si cependant on
l’oblige à le prendre, il le prendra.
Mais, comme il avait grand’peur qu’on
l’oubliât à Alger et que, malgré le dévoue
ment de son mentor de G ineste, on ne lai
jetât dans ies jambes Lelièvre ou Boute-
maille, il s’est empressé de s’entendre avec
les membres du Comice agricole de Médéa,
pour se faire offrir la candidature au nom
de M. Fallet qui, décidément, devient amu
sant et de quelques autres amis, y compris
l’intransigeant Figarol, mais non compris
Karoaby, dont on n’a pas osé, cette fois,
imiter la signature.
Cette petite manifestation agricole et élec
torale a permis à M. Marchai d’écrire une
longue lettre au secrétaire du Comice, pour
lui répéter qu’il ne désire pas être député,
mais que, cependant, les amis de Médéa
feront bien de le proposer à je ne sais quel
congrès départemental dont la composition
est inconnue, mais qui doit, paraît-il, se
réunir à la Mairie d’Alger, sous la prési
dence de M. Guillemin.
Le jeune homme est rusé et c’est là ce
qui inquiète les vieux barbons du radica
lisme classique, les Lelièvre, les Boutemaille
et les Basset.
C’est du Sud aujourd hui que nous vient la lumière.
O bienheureux Médéens, ô fortuné Comice
agricole, c’est à vous que le radicalisme al
gérien tout entier devra de sortir du bour
bier où patauge M. de Gineste à la recher
che de ses candidats.
Ce sont vos yeux perspicaces qui auront
découvert dans toute cette fange électorale
les deux perles sans taches, la perle Mar
chai et la perle Samary, que le Congrès
radical devra choisir, sous peine de rompre
l’accord qui existe si peu dans son sein.
Sans vous, ils seraient restés dans leur
retraite. M. Marchai ne l’a-t il pas déclaré?
Ce n’est qu’à cause de vous et sur votre
prière qu’il veut bien consentir « à aller
» partout où l’appellera la démocratie al-
» gôrienue librement consultée ! »
C’est vous qui avez embouché cette trom
pette de la renommée qui, dans quelques
jours, chantera aux quatre coins du dépar
tement la gloire du Jeune Maître. « Mar
chai est Dieu, et Fallet est son prophète. x>
Gloire à vous!
Que nous étions injustes i
Nous qui pensions que la tournée de M.
Marchai à Médéa et dans le sud sous l’égide
protectrice du brave colonel, que le rastel
de Lodi, que la création même de voire co
mité électoral de Médéa, que tout cela n’était
qu’un prélude de la grande lutte électorale
qui doit consacrer à jamais, la popularité
du directeur du Petit Colon et être le cou
ronnement de l’édifice auquel il travaille
avec tant de persévérance !
Nous qui avions tant de motifs pour voir
en lui le directeur occulte de vos travaux,
nous qui l’admirions d’avoir pu choisir,
hors d’Alger où il habite, hors de sa cir
conscription où il est tant aimé, une ville
importante d’où sa jeune gloire rayonnerait
sur l’Algérie et sur le monde !
Comme vous venez de prouver victorieu
sement le contraire !
Comme l’on sent bien à la lecture de vo
tre manifeste et à celle de la réponse de
M. Marchai combien' peu vous êtes d’ac
cord, vous pour le convaincre qu’il est le
meilleur df*s candidats et lui pour le croire !
CVst aujourd’hui, dit-on, que se réunit le
congrès radical dont MM. Fallet et de Gi
neste sont le plus bel ornement.
Al ez-y hardiment, braves et nrïfs Mê-
déens. C est à vous que revient l’honneur de
proclamer le talent, l’expérience, la probité
politique et commerciale, de celui que vous
avez librement choisi. C'est à vous de l’ap
prendre aux gens d’Alger qui l’ignorent : il
est si mo leste !
Prouvez que Lelièvre est trop vieux, Bou-
tematlle trop brouillon, Hérail trop préten-
tiex, Jean-Bernard pas sérieux; votre rôle
sera facile.
Prouvez surtout, ce qui sera plus facile
encore, qu’il faut extirper d’Algérie ce phyl
loxéra opportuniste qui le ronge.
Re ivoyez Mauguin à ses papiers, Bour-
lier à ses études et Letellier à ses clients.
Ecrasez 1 infâme, mais qu’il ne reste per
sonne sur la brèche.
Car, s’il n’«n resta qu'un, il sera celui là !
Et alors, vive Marchai !
fofoFiaiiûiîs algériennes
Depuis quelques jours, de nombreux pèle
rinages ont lieu dans les environs de Blida;
des caravanes arabes silonneut la région, et
ne voulant pas entrer dans la ville, campent
sur les promenades extérieures, et, sans
façon, s’emparent des contre-ailées.
Leurs campemonts sont très pittoresques,
mais gênent beaucoup la circulation, ôtant
donné surtout le èans-façon des Indigènes.
X
Dimanche, un immense incendie a éclaté
vers huit heures du matin, à deux cents
mètres environ sur la droite du village de
Mefessour.
Le feu occupait une espace d’environ cinq,
cents mètres.
X
Le détachement du 3 e chasseurs d’Afrique
qui a ôté mis à la disposition de M. le sous-
préfet de l’arrondissement de Bône, pour la
surveillance des forêts, a r- çu l’ordre de-
faire ses préparatifs de départ C'est aujour
d’hui, 5 septembre, qu’il s’est mis en route
pour se dé ompo^ersur les différends points
ci-après • Bou-Hadjar, Roum-ei Souk, El-
Guïtoun Rohfa.
Les hommes détachés reçoivent quoti
diennement une ration supplémentaire da
sucre et café et une indemnité fixée par des
des règlements ministériels. Q iant aux
officiers, ils perçoivent, en sus de leur sol
de, une somme de 5 f anes par jour.
X :
Nous apprenons que M. Dieudonné, ad
ministrât ur da la commune mixte de La
C^lle, s'est alité à la su ie des fatigues
excessives qu’il aurait supportées lors des
récents incendies qui ont éclaté dans sa.
région.
X
D’après de récentes nouvelles, l’épidémie
de fièvre typhoïde qui décimait depuis quel
que temps le quartier du Mansourah, à
Constantine, décroît de jour en jour.
X
M. Manin, membre de la Société d’agri
culture de Constantine, est en tournée dans
l’arrondissement de Batna.
Il a été délégué par l’administration pour
visiter ces vignobles. Il a pu constater que
les cent hectares des environs de Batna et
de Lambèse sont absolument indemnes.
X
M. Haranger, délégué à titre provisoire
dans les fonctions de maître adjoint à l’éco
le normale de Bourges, est délégué au mè
ne titre dans les fonctions de maître ad
joint, ordre des sciences, à l’école normale
de Constantine, eu remplacement de M.
Brun^admis à l’Ecole normale supérieure d©
Saint-Cloud.
X
M. Amar ben Mohamed serait, dit-on,
proposé au poste d’interprète judiciaire à la
justice de paix de Sâtif. Nous avons appris
c tte riouv lie avec la plus vive satisfaction.
Nos plus sincères félicitations à M. Amar
qui, du reste, par de nombreux examens
subis avec succès et de brillantes capacités,
est digne du choix de M. le Procureur gé
néral.
Feuilleton de Li DÉPÊCHE ALGÉRIENNE
N* 57.
LA
GRANDE IARRIÈRE
PAR
Georges OHNET
Il courut à sa table, prit ses dessins, les
déchira et les foula aux pieds, puis, saisis
sant un lourd marteau, il se précipita vers
le fourneau, et, à grands coups, avec d’hor
ribles rires, il s’efforça de le briser. Carva-
jan,exaspéré, s’avança pour l’arrêter. Alors
1© vieillard, se retournant, les cheveux
hérissés, la bouche grimaçante :
— N’approche pas, ou je t'assomme !
— Saerediè. Vous ne me faites pas peur !
©ria le banquier.
Et il allait s’élancer pour arracher le brû
leur à la rage de destruction de l’inventeur,
lorsque la porte s’ouvrit, et Mlle de Ciaire-
font parut. D’en bas elle avait entendu les
vociférations du marquis...
— Mon père ! cria-t-elle
D’un élan, elle fat près de lui, s’empara
du marteau et, enlaçant le vieillard dans
ses bras, épouvantée :.
— Mon père, qu’y a-t-il ?...
Honoré passa la main sur so» front, et
gémit :
— Chasse cet homme... Il me fait du
mal... Il me tue !...
La jeune fille se tourna vers Carvajan et,
doucement ;
— Mon père vous prie de vous relier,
Monsieur...
Comme, incertain, il restait immobile,
deux éclairs jaillirent des yeux de Mlle de
Clairefont, et, d’un geste montrant la porte,
elle dit ce seul mot :
— Sortez !
Le maire, dominé, s’inclina en silence et,
suivi de Tondeur, qui S8 faisait petit, il s’é
loigna.
Alors Antoinette, asseyant son père sur
le grand fauteuil, se mit à genoux près de
lui, réchauffa ses mains glacées, essuya son
front mouillé de sueur et, le voyant inerte,
sans regard :
— Mon père... c’est moi... revenez à
vous .. Mon père, vous me faites peur...
Honoré poussa un soupir douloureux, s’a
gita et ouvrit les paupières. Il reconnut
Antoinette. Ses yeux s’emplirent de larmes
et, avec effort, croisant ses doigts eomme
pour une prière :
— Oh ! ma fille... mon ange. Je t’ai ac
cusée, calomniée... pardon 1 pardon !
Il se renversa en arrière et perdit connais
sance. Au même moment un pas rapide se
fit entendre dans l’escalier, et M. de Croix-
Mesnil entra.
— Antoinette ! cria-t-il, s’avançant les
mains tendues.
— Je tous attendais... dit-elle grave
ment.
— Mon Dieu ! est-ce que j’arrive trop
tari ?...
— Non ! car, hélas, nous avons encore
beaucoup à souffrir.
Et lui montrant le marquis inanimé ;
— Aidez-moi à emporter mon père dans
sa chambre...
Tous deux, pieusement, ils soulevèrent
entre leurs bras la vieillard qui se plaignait
.comme un enfant, et, lugubre cortège, des
cendirent l’escalier de pierre.
IX
Les heures qui suivirent furent affreuses.
Croix-Mesnil se multipliait, mais ne pouvait
rassurer Antoinette sur l’état de son père.
Le docteur Margueron, parti, dès le matin,
pour une tournée dans les environs, ne vint
qu’à sept heures du soir. Il trouva le mar
quis très agité avec un côté de la face con
vulsé. Il prescrivit des sinapismes appliqués
aux jambes, et des sangsues à la base du
crâne, si la congestion augmentait. Il ne
dissimula pas la gravité de la situation, et
promit de revenir le lendemain matin.
Installée au chevet de son père avec le
baron, la jeune fille passa les instants les
plus douloureux de sa vie. Dans l’obscurité
de la chambre, elle écoutait la respiration
saccadée du malade, entrecoupée par des
paroles sans suite. Assise près de la table,
éclairée par une lampe, elie regardait l’ami
dévoué qui, à la première nouvelle du
malheur, n’avait pas hésité à accourir. Us
se taisaient tous deux. Navrée jusqu’au fond
de l’âme, le corps anéanti,. Antoinette était
obsédée par des idées désolantes. Elle ne
pouvait même pas concentrer uniquement
sa préoccupation sur ce pauvre homme qui
gémissait sourdement, en proie à un violent
délire. La moitié d’elle-même s’ea allait
vers son frère dont le danger moins immé
diat était cependant plus grand encore. Quel
calvaire elle avait à gravir, la pauvre fille*
et combien pesante était sa croix ! Tous ses
nerfs ôtaieut détendus, elle se sentait sans
force. Sa tête lui paraissait lourde et brû
lante : elie eût donné beaucoup pour pleu
rer. Il lui semblait que. si la source de ses
larmes s’était ouverte, elle s’y serait rafraî
chie et calmée. Mais ses yeux restaient secs,
enfoncés sous ses sourcils, comme tirés à
l’intérieur par l’effort de la pensée.
A dix heures, le vieux Bernard entra sur
la pointe du pied, et demanda si on ne vou
drait pas souper. Antoinette secoua néga
tivement la tête. Alors Croix-Mésnil la sup
plia de descendre avec lui. Elle n’avait pas
mangé depuis le matin, il fallait qu’elle
conservât des forces pour soigner son père.
Elle se laissa arracher la promesse de pren
dre un potage, mais elle demeura dans lît
chambre de son malade.
Revenu auprès d’elle, le baron essaya de
la soustraire à sa sombre méditation. Ils
causèrent tout bas, précaution inutile, car le
marquis était hors d’état de rien compren
dre, et les mots qui frappaient son oreillfr
u’ôveillaient plus aucun écho daus son es
prit. Le calme de Mile de Clairefont effraya
le jeune homme. Il eût préféré la trouvée;
\
DEPOT LEGAL
L© numéro S5 centimes
. I 0 j Vendredi, 11
Première année. —- N° 57.
septembre
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
ABONNEMENTS :
Trois moi* Six mois Un ai
ÀXGÉRIE 4.50 O 1 18
France 6 £4
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Hue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Tontes les communications relatives aux annnonces et réclame* doivent, ei
Algérie, être adressées à l’ AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Algor,
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseille, chez M, Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chex MM. AUDBOURG et G'®, place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
La DÉPÊCHE ALGÉRIENNE est désignée pour l’insertion des annonces légales
judiciaires et autres exigées pour la validité des procédures et contrats
Alger, le 10 Septembre 1885.
un PEU DE COURAGE
Messieurs du B A DICÂ L
Vraiment, c’est à n’y plus rien compren
dre. La mélancolie du Radical algérien
continue, et de plus, il est à peu près rédigé
d’une façon convenable. Son numéro d’hier
ne contenait aucune injure. Il n’y était ques
tion ni de M. Tirman, ni de M. Mauguin, ni
de candidature officielle, ni de fonds secrets
®t c’est à peine si le nom de Letellier s’y
trouvait, et encore aucune épithète malson
nante n’y était accolée.
On pourrait presque croire que la Sainte-
Trinité radicalesqué est malade, ou que le
père éternel Basset s’est brouillé avec son
fils d’Arraès et même avec le Saint-Esprit
Lapeyre. Les trois uob es écrivains se con
duisent comme de petits Saint-Jean.
Mais pourquoi se décourager ainsi ? Eh
quoi ! parcs que ces Messieurs devinent que
les électeurs algériens ne votèront pas pour
les grands réformateurs de la Société fran
çaise et les vengeurs d Olivier Pain, ils se
désespèrent ! Mais depuis dix ans, n’ont-ils
pas eu le temps de contracter l’habitude des
vestes électorales ?
Est-ce que vraiment M. Basset espère
encore obtenir un succès quelconque.
Ce serait par trop de naïveté, et M. Basset
n’est pas un naïf, il s’en faut.
Je puis le rassurer sur un point, cepen
dant.
Il semble craindre que les amis de M. Le
tellier le dispensent de rendre compte de son
mandat, ce qui, en effet, ne l’empêcherait pas
d’être élu, ses votes à la Chambre étant
connus et irréprochables. Mais il n’en est
rien, M. Letellier a commencé sa tournée,
il s’explique en ce moment avec les élec
teurs de l’intérieur, il s’expliquera aussi
avec ceux d’Alger dans une réunion publi
que.
Mais cela ne changera rien au résultat, ou
du moins le changement, s’il y eu a un,
sera tout à son profit et nos trois hommes
d’Etat du Radical l’ont compris.
On est moins pessimiste au Petit Colon
■et plus hardi.
Pendant qu’on sa lamente chez l’agent
d’affaires, M. Charles Marchai, le simple
soldat de la démocratie, s’arrange et se dé
range pour passer chef de bataillon. Il est
bien entendu qu’il ne veut rien être, le
mandat de député serait bien lourd pour
ses jeunes épaules, mais, si cependant on
l’oblige à le prendre, il le prendra.
Mais, comme il avait grand’peur qu’on
l’oubliât à Alger et que, malgré le dévoue
ment de son mentor de G ineste, on ne lai
jetât dans ies jambes Lelièvre ou Boute-
maille, il s’est empressé de s’entendre avec
les membres du Comice agricole de Médéa,
pour se faire offrir la candidature au nom
de M. Fallet qui, décidément, devient amu
sant et de quelques autres amis, y compris
l’intransigeant Figarol, mais non compris
Karoaby, dont on n’a pas osé, cette fois,
imiter la signature.
Cette petite manifestation agricole et élec
torale a permis à M. Marchai d’écrire une
longue lettre au secrétaire du Comice, pour
lui répéter qu’il ne désire pas être député,
mais que, cependant, les amis de Médéa
feront bien de le proposer à je ne sais quel
congrès départemental dont la composition
est inconnue, mais qui doit, paraît-il, se
réunir à la Mairie d’Alger, sous la prési
dence de M. Guillemin.
Le jeune homme est rusé et c’est là ce
qui inquiète les vieux barbons du radica
lisme classique, les Lelièvre, les Boutemaille
et les Basset.
C’est du Sud aujourd hui que nous vient la lumière.
O bienheureux Médéens, ô fortuné Comice
agricole, c’est à vous que le radicalisme al
gérien tout entier devra de sortir du bour
bier où patauge M. de Gineste à la recher
che de ses candidats.
Ce sont vos yeux perspicaces qui auront
découvert dans toute cette fange électorale
les deux perles sans taches, la perle Mar
chai et la perle Samary, que le Congrès
radical devra choisir, sous peine de rompre
l’accord qui existe si peu dans son sein.
Sans vous, ils seraient restés dans leur
retraite. M. Marchai ne l’a-t il pas déclaré?
Ce n’est qu’à cause de vous et sur votre
prière qu’il veut bien consentir « à aller
» partout où l’appellera la démocratie al-
» gôrienue librement consultée ! »
C’est vous qui avez embouché cette trom
pette de la renommée qui, dans quelques
jours, chantera aux quatre coins du dépar
tement la gloire du Jeune Maître. « Mar
chai est Dieu, et Fallet est son prophète. x>
Gloire à vous!
Que nous étions injustes i
Nous qui pensions que la tournée de M.
Marchai à Médéa et dans le sud sous l’égide
protectrice du brave colonel, que le rastel
de Lodi, que la création même de voire co
mité électoral de Médéa, que tout cela n’était
qu’un prélude de la grande lutte électorale
qui doit consacrer à jamais, la popularité
du directeur du Petit Colon et être le cou
ronnement de l’édifice auquel il travaille
avec tant de persévérance !
Nous qui avions tant de motifs pour voir
en lui le directeur occulte de vos travaux,
nous qui l’admirions d’avoir pu choisir,
hors d’Alger où il habite, hors de sa cir
conscription où il est tant aimé, une ville
importante d’où sa jeune gloire rayonnerait
sur l’Algérie et sur le monde !
Comme vous venez de prouver victorieu
sement le contraire !
Comme l’on sent bien à la lecture de vo
tre manifeste et à celle de la réponse de
M. Marchai combien' peu vous êtes d’ac
cord, vous pour le convaincre qu’il est le
meilleur df*s candidats et lui pour le croire !
CVst aujourd’hui, dit-on, que se réunit le
congrès radical dont MM. Fallet et de Gi
neste sont le plus bel ornement.
Al ez-y hardiment, braves et nrïfs Mê-
déens. C est à vous que revient l’honneur de
proclamer le talent, l’expérience, la probité
politique et commerciale, de celui que vous
avez librement choisi. C'est à vous de l’ap
prendre aux gens d’Alger qui l’ignorent : il
est si mo leste !
Prouvez que Lelièvre est trop vieux, Bou-
tematlle trop brouillon, Hérail trop préten-
tiex, Jean-Bernard pas sérieux; votre rôle
sera facile.
Prouvez surtout, ce qui sera plus facile
encore, qu’il faut extirper d’Algérie ce phyl
loxéra opportuniste qui le ronge.
Re ivoyez Mauguin à ses papiers, Bour-
lier à ses études et Letellier à ses clients.
Ecrasez 1 infâme, mais qu’il ne reste per
sonne sur la brèche.
Car, s’il n’«n resta qu'un, il sera celui là !
Et alors, vive Marchai !
fofoFiaiiûiîs algériennes
Depuis quelques jours, de nombreux pèle
rinages ont lieu dans les environs de Blida;
des caravanes arabes silonneut la région, et
ne voulant pas entrer dans la ville, campent
sur les promenades extérieures, et, sans
façon, s’emparent des contre-ailées.
Leurs campemonts sont très pittoresques,
mais gênent beaucoup la circulation, ôtant
donné surtout le èans-façon des Indigènes.
X
Dimanche, un immense incendie a éclaté
vers huit heures du matin, à deux cents
mètres environ sur la droite du village de
Mefessour.
Le feu occupait une espace d’environ cinq,
cents mètres.
X
Le détachement du 3 e chasseurs d’Afrique
qui a ôté mis à la disposition de M. le sous-
préfet de l’arrondissement de Bône, pour la
surveillance des forêts, a r- çu l’ordre de-
faire ses préparatifs de départ C'est aujour
d’hui, 5 septembre, qu’il s’est mis en route
pour se dé ompo^ersur les différends points
ci-après • Bou-Hadjar, Roum-ei Souk, El-
Guïtoun Rohfa.
Les hommes détachés reçoivent quoti
diennement une ration supplémentaire da
sucre et café et une indemnité fixée par des
des règlements ministériels. Q iant aux
officiers, ils perçoivent, en sus de leur sol
de, une somme de 5 f anes par jour.
X :
Nous apprenons que M. Dieudonné, ad
ministrât ur da la commune mixte de La
C^lle, s'est alité à la su ie des fatigues
excessives qu’il aurait supportées lors des
récents incendies qui ont éclaté dans sa.
région.
X
D’après de récentes nouvelles, l’épidémie
de fièvre typhoïde qui décimait depuis quel
que temps le quartier du Mansourah, à
Constantine, décroît de jour en jour.
X
M. Manin, membre de la Société d’agri
culture de Constantine, est en tournée dans
l’arrondissement de Batna.
Il a été délégué par l’administration pour
visiter ces vignobles. Il a pu constater que
les cent hectares des environs de Batna et
de Lambèse sont absolument indemnes.
X
M. Haranger, délégué à titre provisoire
dans les fonctions de maître adjoint à l’éco
le normale de Bourges, est délégué au mè
ne titre dans les fonctions de maître ad
joint, ordre des sciences, à l’école normale
de Constantine, eu remplacement de M.
Brun^admis à l’Ecole normale supérieure d©
Saint-Cloud.
X
M. Amar ben Mohamed serait, dit-on,
proposé au poste d’interprète judiciaire à la
justice de paix de Sâtif. Nous avons appris
c tte riouv lie avec la plus vive satisfaction.
Nos plus sincères félicitations à M. Amar
qui, du reste, par de nombreux examens
subis avec succès et de brillantes capacités,
est digne du choix de M. le Procureur gé
néral.
Feuilleton de Li DÉPÊCHE ALGÉRIENNE
N* 57.
LA
GRANDE IARRIÈRE
PAR
Georges OHNET
Il courut à sa table, prit ses dessins, les
déchira et les foula aux pieds, puis, saisis
sant un lourd marteau, il se précipita vers
le fourneau, et, à grands coups, avec d’hor
ribles rires, il s’efforça de le briser. Carva-
jan,exaspéré, s’avança pour l’arrêter. Alors
1© vieillard, se retournant, les cheveux
hérissés, la bouche grimaçante :
— N’approche pas, ou je t'assomme !
— Saerediè. Vous ne me faites pas peur !
©ria le banquier.
Et il allait s’élancer pour arracher le brû
leur à la rage de destruction de l’inventeur,
lorsque la porte s’ouvrit, et Mlle de Ciaire-
font parut. D’en bas elle avait entendu les
vociférations du marquis...
— Mon père ! cria-t-elle
D’un élan, elle fat près de lui, s’empara
du marteau et, enlaçant le vieillard dans
ses bras, épouvantée :.
— Mon père, qu’y a-t-il ?...
Honoré passa la main sur so» front, et
gémit :
— Chasse cet homme... Il me fait du
mal... Il me tue !...
La jeune fille se tourna vers Carvajan et,
doucement ;
— Mon père vous prie de vous relier,
Monsieur...
Comme, incertain, il restait immobile,
deux éclairs jaillirent des yeux de Mlle de
Clairefont, et, d’un geste montrant la porte,
elle dit ce seul mot :
— Sortez !
Le maire, dominé, s’inclina en silence et,
suivi de Tondeur, qui S8 faisait petit, il s’é
loigna.
Alors Antoinette, asseyant son père sur
le grand fauteuil, se mit à genoux près de
lui, réchauffa ses mains glacées, essuya son
front mouillé de sueur et, le voyant inerte,
sans regard :
— Mon père... c’est moi... revenez à
vous .. Mon père, vous me faites peur...
Honoré poussa un soupir douloureux, s’a
gita et ouvrit les paupières. Il reconnut
Antoinette. Ses yeux s’emplirent de larmes
et, avec effort, croisant ses doigts eomme
pour une prière :
— Oh ! ma fille... mon ange. Je t’ai ac
cusée, calomniée... pardon 1 pardon !
Il se renversa en arrière et perdit connais
sance. Au même moment un pas rapide se
fit entendre dans l’escalier, et M. de Croix-
Mesnil entra.
— Antoinette ! cria-t-il, s’avançant les
mains tendues.
— Je tous attendais... dit-elle grave
ment.
— Mon Dieu ! est-ce que j’arrive trop
tari ?...
— Non ! car, hélas, nous avons encore
beaucoup à souffrir.
Et lui montrant le marquis inanimé ;
— Aidez-moi à emporter mon père dans
sa chambre...
Tous deux, pieusement, ils soulevèrent
entre leurs bras la vieillard qui se plaignait
.comme un enfant, et, lugubre cortège, des
cendirent l’escalier de pierre.
IX
Les heures qui suivirent furent affreuses.
Croix-Mesnil se multipliait, mais ne pouvait
rassurer Antoinette sur l’état de son père.
Le docteur Margueron, parti, dès le matin,
pour une tournée dans les environs, ne vint
qu’à sept heures du soir. Il trouva le mar
quis très agité avec un côté de la face con
vulsé. Il prescrivit des sinapismes appliqués
aux jambes, et des sangsues à la base du
crâne, si la congestion augmentait. Il ne
dissimula pas la gravité de la situation, et
promit de revenir le lendemain matin.
Installée au chevet de son père avec le
baron, la jeune fille passa les instants les
plus douloureux de sa vie. Dans l’obscurité
de la chambre, elle écoutait la respiration
saccadée du malade, entrecoupée par des
paroles sans suite. Assise près de la table,
éclairée par une lampe, elie regardait l’ami
dévoué qui, à la première nouvelle du
malheur, n’avait pas hésité à accourir. Us
se taisaient tous deux. Navrée jusqu’au fond
de l’âme, le corps anéanti,. Antoinette était
obsédée par des idées désolantes. Elle ne
pouvait même pas concentrer uniquement
sa préoccupation sur ce pauvre homme qui
gémissait sourdement, en proie à un violent
délire. La moitié d’elle-même s’ea allait
vers son frère dont le danger moins immé
diat était cependant plus grand encore. Quel
calvaire elle avait à gravir, la pauvre fille*
et combien pesante était sa croix ! Tous ses
nerfs ôtaieut détendus, elle se sentait sans
force. Sa tête lui paraissait lourde et brû
lante : elie eût donné beaucoup pour pleu
rer. Il lui semblait que. si la source de ses
larmes s’était ouverte, elle s’y serait rafraî
chie et calmée. Mais ses yeux restaient secs,
enfoncés sous ses sourcils, comme tirés à
l’intérieur par l’effort de la pensée.
A dix heures, le vieux Bernard entra sur
la pointe du pied, et demanda si on ne vou
drait pas souper. Antoinette secoua néga
tivement la tête. Alors Croix-Mésnil la sup
plia de descendre avec lui. Elle n’avait pas
mangé depuis le matin, il fallait qu’elle
conservât des forces pour soigner son père.
Elle se laissa arracher la promesse de pren
dre un potage, mais elle demeura dans lît
chambre de son malade.
Revenu auprès d’elle, le baron essaya de
la soustraire à sa sombre méditation. Ils
causèrent tout bas, précaution inutile, car le
marquis était hors d’état de rien compren
dre, et les mots qui frappaient son oreillfr
u’ôveillaient plus aucun écho daus son es
prit. Le calme de Mile de Clairefont effraya
le jeune homme. Il eût préféré la trouvée;
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