Titre : La Dépêche algérienne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Alger)
Date d'édition : 1885-09-01
Contributeur : Robe, Eugène (1890-1970). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32755912k
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 septembre 1885 01 septembre 1885
Description : 1885/09/01 (A1,N47). 1885/09/01 (A1,N47).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t544829p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-10449
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/04/2021
Première année.
N° 47
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIENS
ABONNEMENTS :
Trois mois Six mois Un an
Algérie.. 4.50 O 18
France 6 *54
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Tontes les communications relatives aux annnonces et réclames doivent* tnt-
Algérie, être adressées à 1 AGENCE} HAVAS, boulevard de la République, Algtr.
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseille, chez M. Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chez MM. AUDBOURG et O, place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
La DÉPÊCHE ALGÉRIENNE est désignée pour*l’insertion des annonces légales, judiciaires et autres exigées pour la validité deç procédures et contrats.
Alger, le 31 Août 1885.
LES HOMMES DU JOUR
M.
CONSEILLER
XVII
X. RUEL
MUNICIPAL DE PARIS
Une candidature qu’on pourrait qualifier
d’humanitaire. Il n'eu saurait être d’autre
plus populaire que celle-là. Les comités po
litiques ne sauraient le méconnaître. Le
comité des malheureux fils sont trop nom
breux, hèias !) l’a depuis longtemps désigné
et demande aux heureux de se joindre à lui
pour l’aider à payer une dette de reconnais
sance envers cet homme de bien, ce répu
blicain honnête, ce socialiste pratique.
Aussi ne craignons-nous pas de dire que
cette candidature sera bien accueillie. A
quelque nuance du parti républicain qu’on
apparti nue, on ne doit voir en M. X. Ruel
que l’homme de bien, le démocrate intègre,
dont la situation de fortune le met à môme
de faire des largesses en faveur des miséra
bles.
Acquise par un labeur incessant, une
persévérance à toute épreuve, elle ennoblit
l’homme qui en fait un tel usage.
Habile administrateur, il se place bien
au-dessus des théories banales et des phra
ses creuses, recrutant ses nombreux parti
sans par l’exemple et l’action !
Arrivé à Paris en 1854, il s’installa dans
une baraque en planches, rue de Rivoli.
Très perspicace, il sut adapter son genre de
commerce aux goûts et aux besoins du grand
public parisien.
Sa bonne administration et son intelli-
gjepce le conduisirent bientôt à la fortune.
Qui ne connaît en effet aujourd’hui, en
France, l’immense bazar de l’Hôtel de Ville,
où tous les ménages, des plus riches aux
plus pauvres, trouvent à acquérir, à si bon
compte, les ustensiles nécessaires à la vie
de famille ?
Sorti du peuple, il ne s’est pas laissé
griser par la richesse. Ayant souffert lui-
même et ayant vu souffrir autour de lui, sa
première ambition a été de soulager les
-malheureux, faisant ainsi participer à ses
bénéfices la partie déshéritée de ses conci
toyens.
C’est pendant ie siège de Paris que ce be
soin de faire le bien a envahi son esprit
démocratique. Il fit alors d’abondantes dis
tributions de vivres, de couvertures, d’ha
billements, de literie, etc Pendant la Com
mune, il continua ses libéralités.
Ici se place un épisode : arrêté par un
groupe de gardes nationaux qui ne le con
naissaient pas, il fut conduit à l’Hôtel de
Ville et traduit devant une cour martiale.
Mais, quand, traîné à la barre, il eut décliné
son nom, ce ne fut pas un verdict de mort
qu’il entendit.
En effet, le conseil de guerre décida que
le citoyen Ruel serait reconduit à sondomi-
le. avec une escorte d’honneur.
Depuis, tous les hivers, il fait distribuer
plus de cent mille kilos de pains, de pom
mes de terre charbon, vêtements, etc., et
sauve ainsi de la faim et de la noire misère
toute une population.
Ses adversaires disent que c’est par am
bition. Et puis après ? Que tous les ambi
tieux en fassent autant, au prorata de leurs
moyens et comme il.y a beaucoup d’ambi
tieux, il n’y aura bientôt plus de malheu
reux.
Les habitants de son quartier l’ont par re
connaissance élu conseiller municipal de la
ville de Paris, le préférant à 1 économiste
Yves Guyot.
Le comité socialiste ne pardonnera pas à
ce dernier d’avoir combattu M Ruel. Libre
à ce comité de donner ainsi une preuve de
son sens pratique et de son socialisme bien
compris.
Nous ne parlerons que pour mémoire de
la pension alimentaire fondée par M. Ruel,
rue de la Verrerie, où six mille personnes
sont nourries tous les jours à prix coûtant.
Joignant l’utile à L’agréable, il a fondé
également le Casino populaire où les en
fants et leur famille trouvent des distrac
tions aussi saines qu’agréabies : faisant
ainsi une concurrence démocratique aux
cercles catholiques.
Quant à l’homme politique il est facile à
percevoir, son programme se résumant en
ces quelques mots : Bonne administration ,
secours et protection aux faibles, aux
malheureux et aux déshérités.
Le groupe dans lequel on pourrait classer
M. Ruel et qu’il compte fonder, c’est le
groupe républicain philantropique .
Les quelques lignes que nous avons con
sacrées au conseiller municipal du 5 e arron
dissement était nécessaires pour faire jus
tice des attaques que la malignité et l’envie
ont dirigées contre un homme qui a le tort
grave aux yeux de quelques-uns de se faire
de la popularité par des bienfaits.
NOS INTRANSIGEANTS
Une chose me frappe. Les intransigeants,
quand ils ne se donnent pas des airs de ma
tamores, se posent volontiers en martyrs.
Ainsi, à les entendre, la période électo
rale a depuis longtemps commencé pour
leurs adversaires, avec le concours, bien
entendu, du gouverneur, des préfets, des
sous-préfets, des maires et des agents de
tous ordres, tandis qu’eux, traqués, surveil
lés, espionnés même, se trouvent dans l’im
possibilité d’agir.
Or, jusqu’à présent, on n’a guère entendu
parler des candidatures devant être propo
sées aux républicains sans, épithète, tandis
qu’il n’est bruit que des réunions, des pro
grammes, des manifestes de messieurs les
intransigeants. On l’a vu à Médéa, où l’an
cien officier de la garde impériale, corps
où l’on- entrait, qu’a près avoir donné des
preuves de fidélité où cet officier s’est mis
à la têtsydu mouvement ultra-radical, sans
cesser jjturtaüt d’aller à la messe, on l’a vu
à Bouff^ick, avec M. Gros, un brave
homm#v%ui croit que c’est arrivé et se
figure, fluiaussi, être « la tête du parti radi-
oal » et qui n’a qu’un mérite, c’est de n’en
être pas tout à fait la queue.
Ou Ta vu enfin l’autre jour, à Alger, où
contrairement à la loi et aux recommanda
tions des ministres républicains, nous avons
pu lire, dans les journaux de l’intransi
geance, qu’une réunion électorale radicale
avait eu lieu à la Mairie, sous la prési
dence de M. Güillemin, maire, que dans
cette réunion à laquelle assistait la fine
fleur de l’intransigeance algérienne moins,
pourtant, M. Basset, praticien ; on a, dit-on,
fait choix de deux candidats et qu’ensuite
ou a nommé une commission chargée d’éla
borer un programme aussi radical que pos
sible.
Il me semb'e, cependant, que nos intran
sigeants ne sont pas bien à plaindre.
On n’en ferait, certainement, pas autant
pour ceux qui se contentent d’aimer la Ré
publique, de la défendre contre les ennemis
de droite et de gauche. M. Güillemin ne
leur ouvrirait pas les portes de la maison
commune et surtout ne présiderait pas une
réunion qu’il aurait le droit de qualifier
d’illégale.
C’est ce qui prouve que tout doit être per
mis aux intransigeants. Aussi ne conseiilé-
je pas à M. Mauguin, maire de Blida, qui
n'a pas l’bonneur d’appartenir au parti dont
M. le praticien Basset est le chef, de réunir
ses amis politiques dans Tune des salles de
la Mairie de Blida. Il fera mieux d’agir
comme par le passé, de laisser les électeurs
de Blida, se réunir dans des locaux particu
liers, il n’en manque pas à Blida. Il n’est
pas intransigeant et par suite ne doit pas
imiter son collègue d’Alger.
Mais j’y pense, puisque M. Güillemin est
si intransigeant qu’il le dit, comment se
fait-il qu’il recherche tant la décoration ?
J’avais toujours cru que les distinctions
honorifiques n'étaient pas du goût des purs»
Je crois même que la suppression complète
de Tordre de la Légion d’honneur sera indi
quée sur le programme radical que M. dé
Gineste est chargé de rédiger ; il devra la
faire, d'ailleurs, s’il ne veut pas se laisser
dépasser en radicalisme par le célèbre colo
nel de Médéa, jadis officier de la garde im
périale, devenu le disciple de ceux qui pré
tendent qu’on a eu tort d’aller punir les
tonkinois qui ont massacré le commandant
Rivière, mais qu’aujourd’hui il faut venger
la mort d Olivier Pain, sur la vieille peau,
de l'ambassadeur d'Angleterre à Paris ,
Considéré comme otage, et Ton sait ce que
e mot veut dire dans la bouche des glori-
ficateurs de la commune.
Informations algériennes
Par décision ministérielle du 27 août 1885»,
M. Nugues, lieutenant au 50 régiment d’in
fanterie, a été désigné pour servir en qua
lité d’officier d’ordonnance auprès de M.
Le général Garder, commandant la subdi
vision de Deilys (division d’Alger, 19 e corps
d’armée).
X
Dans sa séance d’hier au soir, la Conseil
municipal a ratifié définitivement la con
vention conclu avec M Rèmès, pour le dé
rasement duCoudiat.
L’accord est aujourd’hui complet.
Dimanche matin, par le train de 8 heures
40, les j unes gens du contingent de 1884,
qui vont so t. à Alger, soit à Constantine»
accomplir leur aunée de service, sont par
tis.
Par le même train, est arrivé le contin
gent Algérien d’Oran qui vient de terminer
son année de service,
Les abords de la gare présentaient une
grande animation ; car toutes les familles
et les amis de nos jeunes soldats étaient
allés au-devant des heureux libérés.
X
M. Sebin, récemment nommé huissier â
La Calle, aprê ! ô sermentmardi, 18 courant»
et a pris immédiatement possession de son
poste.
Feuilleton de LA DÉPÊCHE ALGERIENNE
N° 47.
LA
iÀRHlÊRE
PAR
Georges OHNET
Alors, dans l’obscurité grandissante de la
chambre, s’approchant du lit sur lequel re
posait Rose, il s’inclina pieusement, et, à
genoux sur le carreau, il fit une courte priè
re. S’étant relevé, il s’approcha de la fenê
tre, détacha du rosier blanc, rougi par les
rayons du soleil couchant, la plus belle de
ses fleurs, et, i’ayant trempée dans l’eau bé
nite, la posa parfumée sur le front pâle de
la morte.
— Adieu donc, pauvre fille ' murmu
ra-t-il avec un accent de tristesee profonde.
Puis, se tournant vers le juge :
— Monsieur, je suis à vos ordres.
Chacun se taisait, pris par la touchante
simplicité de cette scène. Seule, la voix de
Carvajan se fit enteudre :
— Ou a toujours été un peu théâtral dans
la famille... Mais qui veut trop prouver ne
prouve rien.
Robert haussa dédaigneusement les épau
les, et, sans faire même à sou ennemi
l’honneur de le regarder, il suivit ie com
missaire hors de la maison.
Le soir même, il était conduit à Rouen et
écrouè à la prison de Bonn-Nouvelle.
VIII
Ainsi que l’avait fait pressentir la tante
Isabelle, il lui aurait été impossible de ue
pas suivre son Benjamiu. Après une soirée
passée à se roDger les poings dans des
accès de fureur contenue et une nuit pen
dant laquelle elle parut près de devenir
folle, la vieille fille avait sauté en chemin de
fer. Antoinette, restée seule avec son père,
dut, pour expliquer l’absence de son frère
et de sa tante, forger de toutes pièces une
histoire.
Mlle de Saint-Maurice avait eu des diffi
cultés avec son fermier et elle était partie
pour quelques jours avec Robert. Pour
quelques jours 1 Le marquis n’avait point
remarqué le sourire navrant dont Antoi
nette avait accompagné ce mensonge. Il
n’était point exigeant, le bon Honoré, et
pourvu qu’on ne le tourmentât pas au sujet
de ses inventions, il passait vol mtiers con
damnation sur le reste II se suffisait, d’ail
leurs, admirablement à lui-même.
Il s’était replongé plus passionnément
dans l’étude de son procédé de chauffage.
Le perfectionnement était le vice du mar
quis. Une invention n’était intéressante
pour lui qu’à l’état d’énigme. Une fois trou
vée, elle cessait de lui plaire. Son esprit
inquiet S8 mettait en quête d’un autre ré
sultat. Et rarement il s’en tenait à ce qu’il
avait réalisé. Il lui fallait toujours le mieux,
le destructeur du bien.
C’était ainsi qu’il avait pu rendre impro
ductives les affaires les meilleures et stérili
ser la Grande Marnière, cette mine d’or
qu’un commis intelligent et honnête eût
suffi à administrer de façon à enrichir son
maître et tout le pays. Depuis trois jours, il
ne parlait plus môme à table. On le voyait
absorbé, l’œil fixe, la pensée visiblement
absente. Robert, quand il était encore là,
avait dit plaisamment :
—- Ah ! mon père est remonté dans son
laboratoire !
Le marquis n’avait môme pas entendu ; il
poursuivait son rêve et s’efforçait d’enchaî
ner sa chimère. Que de millions de lieues il
avait fait ainsi clans le vague, chevauchant
son dada fantastique pour n’atteindre que
l’impossible ! Cependant il avait par ins-
t ants de soudaines explosions de joie. Il se
frottait les mains avec force, et la figure ra
dieuse, il s’écriait :
— Ah ! ah ! cette fois, je crois que je le
tiens bien !
Et, sans explications préalables, pour sa
satisfaction personnelle, il entamait une
courie dissertation sur le procédé qu’il vou
lait appliquer Ses auditeurs, régulièrement,
opinaient du bonnet lorsqu’il les, provoquait
à l’approbation par des : hein ? n’est-ce
pas ? qu’en dites-vous ? ah ! ah ! qu’ils ne
pouvaient pas laisser tomber dans le si
lence sans risquer de faire subir au vieillard
le cruel serrement de cœur du doute.
Antoinette bénit la fatale manie qui, en
cette circonstance, absorbait si heuseuse-
ment son père. Il ne parut pas s’apercevoir
de l’absence de la tante de Saint-Maurice»
qui, pour la première fois depuis trente ans,*
ne dînait pas à la table commune. Quant à
Robert, il faisait des déplacements de chasse
fréquents et prolongés.
Après le repas, qui fut court et silen
cieux, le marquis et sa fille se trouvèrent en
tête à tête dans l’immense salon qui, éclairé
par deux lampes, leur parut tout noir. Les
rafales d’un vent violent ébranlaient les fu
taies séculaires du parc, et pleuraient lugu
bres, dans Us hautes cheminées du .châ
teau. Et la jeune fide écoutait ces plaintes*
se demandant si ce n’étaient pas les âmes
des morts de C laire font qui, tournoyant
dans la nuit, gémissaient sur le malheur de
la famille.
Puis sa pensée s’en allait à la suite de son
frère, et elle se le figurait dans une cellule
sombre et n”e, attendant qu’on décidât de
son sort. Où était la tante Isabelle?
Qu’avait-elle pu faire? On n’entrait sans
doute pas facilement dans une prison. Peut-
être ne verrait-elle même pas Robert. Alors*
camme un vieux chien fidèle, que son maî
tre a laissé à la porte, elle resterait, regar
dant les murailles, heureuse encore de se
dire : Il est là, l’enfant que j’aime, je* suis
dans l’air qu’il respire, ces pierres seules le,
séparent de moi... Oh ! la triste soirée ! Et
comme tes heures sonnaient lentes et lu
gubres ! Seule, sans amis, sans conseils,
avec ce vieillard qui dodelinait de la tête aa
fond de son fauteuil, tout à sa folie s quaad
N° 47
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIENS
ABONNEMENTS :
Trois mois Six mois Un an
Algérie.. 4.50 O 18
France 6 *54
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Tontes les communications relatives aux annnonces et réclames doivent* tnt-
Algérie, être adressées à 1 AGENCE} HAVAS, boulevard de la République, Algtr.
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseille, chez M. Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chez MM. AUDBOURG et O, place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
La DÉPÊCHE ALGÉRIENNE est désignée pour*l’insertion des annonces légales, judiciaires et autres exigées pour la validité deç procédures et contrats.
Alger, le 31 Août 1885.
LES HOMMES DU JOUR
M.
CONSEILLER
XVII
X. RUEL
MUNICIPAL DE PARIS
Une candidature qu’on pourrait qualifier
d’humanitaire. Il n'eu saurait être d’autre
plus populaire que celle-là. Les comités po
litiques ne sauraient le méconnaître. Le
comité des malheureux fils sont trop nom
breux, hèias !) l’a depuis longtemps désigné
et demande aux heureux de se joindre à lui
pour l’aider à payer une dette de reconnais
sance envers cet homme de bien, ce répu
blicain honnête, ce socialiste pratique.
Aussi ne craignons-nous pas de dire que
cette candidature sera bien accueillie. A
quelque nuance du parti républicain qu’on
apparti nue, on ne doit voir en M. X. Ruel
que l’homme de bien, le démocrate intègre,
dont la situation de fortune le met à môme
de faire des largesses en faveur des miséra
bles.
Acquise par un labeur incessant, une
persévérance à toute épreuve, elle ennoblit
l’homme qui en fait un tel usage.
Habile administrateur, il se place bien
au-dessus des théories banales et des phra
ses creuses, recrutant ses nombreux parti
sans par l’exemple et l’action !
Arrivé à Paris en 1854, il s’installa dans
une baraque en planches, rue de Rivoli.
Très perspicace, il sut adapter son genre de
commerce aux goûts et aux besoins du grand
public parisien.
Sa bonne administration et son intelli-
gjepce le conduisirent bientôt à la fortune.
Qui ne connaît en effet aujourd’hui, en
France, l’immense bazar de l’Hôtel de Ville,
où tous les ménages, des plus riches aux
plus pauvres, trouvent à acquérir, à si bon
compte, les ustensiles nécessaires à la vie
de famille ?
Sorti du peuple, il ne s’est pas laissé
griser par la richesse. Ayant souffert lui-
même et ayant vu souffrir autour de lui, sa
première ambition a été de soulager les
-malheureux, faisant ainsi participer à ses
bénéfices la partie déshéritée de ses conci
toyens.
C’est pendant ie siège de Paris que ce be
soin de faire le bien a envahi son esprit
démocratique. Il fit alors d’abondantes dis
tributions de vivres, de couvertures, d’ha
billements, de literie, etc Pendant la Com
mune, il continua ses libéralités.
Ici se place un épisode : arrêté par un
groupe de gardes nationaux qui ne le con
naissaient pas, il fut conduit à l’Hôtel de
Ville et traduit devant une cour martiale.
Mais, quand, traîné à la barre, il eut décliné
son nom, ce ne fut pas un verdict de mort
qu’il entendit.
En effet, le conseil de guerre décida que
le citoyen Ruel serait reconduit à sondomi-
le. avec une escorte d’honneur.
Depuis, tous les hivers, il fait distribuer
plus de cent mille kilos de pains, de pom
mes de terre charbon, vêtements, etc., et
sauve ainsi de la faim et de la noire misère
toute une population.
Ses adversaires disent que c’est par am
bition. Et puis après ? Que tous les ambi
tieux en fassent autant, au prorata de leurs
moyens et comme il.y a beaucoup d’ambi
tieux, il n’y aura bientôt plus de malheu
reux.
Les habitants de son quartier l’ont par re
connaissance élu conseiller municipal de la
ville de Paris, le préférant à 1 économiste
Yves Guyot.
Le comité socialiste ne pardonnera pas à
ce dernier d’avoir combattu M Ruel. Libre
à ce comité de donner ainsi une preuve de
son sens pratique et de son socialisme bien
compris.
Nous ne parlerons que pour mémoire de
la pension alimentaire fondée par M. Ruel,
rue de la Verrerie, où six mille personnes
sont nourries tous les jours à prix coûtant.
Joignant l’utile à L’agréable, il a fondé
également le Casino populaire où les en
fants et leur famille trouvent des distrac
tions aussi saines qu’agréabies : faisant
ainsi une concurrence démocratique aux
cercles catholiques.
Quant à l’homme politique il est facile à
percevoir, son programme se résumant en
ces quelques mots : Bonne administration ,
secours et protection aux faibles, aux
malheureux et aux déshérités.
Le groupe dans lequel on pourrait classer
M. Ruel et qu’il compte fonder, c’est le
groupe républicain philantropique .
Les quelques lignes que nous avons con
sacrées au conseiller municipal du 5 e arron
dissement était nécessaires pour faire jus
tice des attaques que la malignité et l’envie
ont dirigées contre un homme qui a le tort
grave aux yeux de quelques-uns de se faire
de la popularité par des bienfaits.
NOS INTRANSIGEANTS
Une chose me frappe. Les intransigeants,
quand ils ne se donnent pas des airs de ma
tamores, se posent volontiers en martyrs.
Ainsi, à les entendre, la période électo
rale a depuis longtemps commencé pour
leurs adversaires, avec le concours, bien
entendu, du gouverneur, des préfets, des
sous-préfets, des maires et des agents de
tous ordres, tandis qu’eux, traqués, surveil
lés, espionnés même, se trouvent dans l’im
possibilité d’agir.
Or, jusqu’à présent, on n’a guère entendu
parler des candidatures devant être propo
sées aux républicains sans, épithète, tandis
qu’il n’est bruit que des réunions, des pro
grammes, des manifestes de messieurs les
intransigeants. On l’a vu à Médéa, où l’an
cien officier de la garde impériale, corps
où l’on- entrait, qu’a près avoir donné des
preuves de fidélité où cet officier s’est mis
à la têtsydu mouvement ultra-radical, sans
cesser jjturtaüt d’aller à la messe, on l’a vu
à Bouff^ick, avec M. Gros, un brave
homm#v%ui croit que c’est arrivé et se
figure, fluiaussi, être « la tête du parti radi-
oal » et qui n’a qu’un mérite, c’est de n’en
être pas tout à fait la queue.
Ou Ta vu enfin l’autre jour, à Alger, où
contrairement à la loi et aux recommanda
tions des ministres républicains, nous avons
pu lire, dans les journaux de l’intransi
geance, qu’une réunion électorale radicale
avait eu lieu à la Mairie, sous la prési
dence de M. Güillemin, maire, que dans
cette réunion à laquelle assistait la fine
fleur de l’intransigeance algérienne moins,
pourtant, M. Basset, praticien ; on a, dit-on,
fait choix de deux candidats et qu’ensuite
ou a nommé une commission chargée d’éla
borer un programme aussi radical que pos
sible.
Il me semb'e, cependant, que nos intran
sigeants ne sont pas bien à plaindre.
On n’en ferait, certainement, pas autant
pour ceux qui se contentent d’aimer la Ré
publique, de la défendre contre les ennemis
de droite et de gauche. M. Güillemin ne
leur ouvrirait pas les portes de la maison
commune et surtout ne présiderait pas une
réunion qu’il aurait le droit de qualifier
d’illégale.
C’est ce qui prouve que tout doit être per
mis aux intransigeants. Aussi ne conseiilé-
je pas à M. Mauguin, maire de Blida, qui
n'a pas l’bonneur d’appartenir au parti dont
M. le praticien Basset est le chef, de réunir
ses amis politiques dans Tune des salles de
la Mairie de Blida. Il fera mieux d’agir
comme par le passé, de laisser les électeurs
de Blida, se réunir dans des locaux particu
liers, il n’en manque pas à Blida. Il n’est
pas intransigeant et par suite ne doit pas
imiter son collègue d’Alger.
Mais j’y pense, puisque M. Güillemin est
si intransigeant qu’il le dit, comment se
fait-il qu’il recherche tant la décoration ?
J’avais toujours cru que les distinctions
honorifiques n'étaient pas du goût des purs»
Je crois même que la suppression complète
de Tordre de la Légion d’honneur sera indi
quée sur le programme radical que M. dé
Gineste est chargé de rédiger ; il devra la
faire, d'ailleurs, s’il ne veut pas se laisser
dépasser en radicalisme par le célèbre colo
nel de Médéa, jadis officier de la garde im
périale, devenu le disciple de ceux qui pré
tendent qu’on a eu tort d’aller punir les
tonkinois qui ont massacré le commandant
Rivière, mais qu’aujourd’hui il faut venger
la mort d Olivier Pain, sur la vieille peau,
de l'ambassadeur d'Angleterre à Paris ,
Considéré comme otage, et Ton sait ce que
e mot veut dire dans la bouche des glori-
ficateurs de la commune.
Informations algériennes
Par décision ministérielle du 27 août 1885»,
M. Nugues, lieutenant au 50 régiment d’in
fanterie, a été désigné pour servir en qua
lité d’officier d’ordonnance auprès de M.
Le général Garder, commandant la subdi
vision de Deilys (division d’Alger, 19 e corps
d’armée).
X
Dans sa séance d’hier au soir, la Conseil
municipal a ratifié définitivement la con
vention conclu avec M Rèmès, pour le dé
rasement duCoudiat.
L’accord est aujourd’hui complet.
Dimanche matin, par le train de 8 heures
40, les j unes gens du contingent de 1884,
qui vont so t. à Alger, soit à Constantine»
accomplir leur aunée de service, sont par
tis.
Par le même train, est arrivé le contin
gent Algérien d’Oran qui vient de terminer
son année de service,
Les abords de la gare présentaient une
grande animation ; car toutes les familles
et les amis de nos jeunes soldats étaient
allés au-devant des heureux libérés.
X
M. Sebin, récemment nommé huissier â
La Calle, aprê ! ô sermentmardi, 18 courant»
et a pris immédiatement possession de son
poste.
Feuilleton de LA DÉPÊCHE ALGERIENNE
N° 47.
LA
iÀRHlÊRE
PAR
Georges OHNET
Alors, dans l’obscurité grandissante de la
chambre, s’approchant du lit sur lequel re
posait Rose, il s’inclina pieusement, et, à
genoux sur le carreau, il fit une courte priè
re. S’étant relevé, il s’approcha de la fenê
tre, détacha du rosier blanc, rougi par les
rayons du soleil couchant, la plus belle de
ses fleurs, et, i’ayant trempée dans l’eau bé
nite, la posa parfumée sur le front pâle de
la morte.
— Adieu donc, pauvre fille ' murmu
ra-t-il avec un accent de tristesee profonde.
Puis, se tournant vers le juge :
— Monsieur, je suis à vos ordres.
Chacun se taisait, pris par la touchante
simplicité de cette scène. Seule, la voix de
Carvajan se fit enteudre :
— Ou a toujours été un peu théâtral dans
la famille... Mais qui veut trop prouver ne
prouve rien.
Robert haussa dédaigneusement les épau
les, et, sans faire même à sou ennemi
l’honneur de le regarder, il suivit ie com
missaire hors de la maison.
Le soir même, il était conduit à Rouen et
écrouè à la prison de Bonn-Nouvelle.
VIII
Ainsi que l’avait fait pressentir la tante
Isabelle, il lui aurait été impossible de ue
pas suivre son Benjamiu. Après une soirée
passée à se roDger les poings dans des
accès de fureur contenue et une nuit pen
dant laquelle elle parut près de devenir
folle, la vieille fille avait sauté en chemin de
fer. Antoinette, restée seule avec son père,
dut, pour expliquer l’absence de son frère
et de sa tante, forger de toutes pièces une
histoire.
Mlle de Saint-Maurice avait eu des diffi
cultés avec son fermier et elle était partie
pour quelques jours avec Robert. Pour
quelques jours 1 Le marquis n’avait point
remarqué le sourire navrant dont Antoi
nette avait accompagné ce mensonge. Il
n’était point exigeant, le bon Honoré, et
pourvu qu’on ne le tourmentât pas au sujet
de ses inventions, il passait vol mtiers con
damnation sur le reste II se suffisait, d’ail
leurs, admirablement à lui-même.
Il s’était replongé plus passionnément
dans l’étude de son procédé de chauffage.
Le perfectionnement était le vice du mar
quis. Une invention n’était intéressante
pour lui qu’à l’état d’énigme. Une fois trou
vée, elle cessait de lui plaire. Son esprit
inquiet S8 mettait en quête d’un autre ré
sultat. Et rarement il s’en tenait à ce qu’il
avait réalisé. Il lui fallait toujours le mieux,
le destructeur du bien.
C’était ainsi qu’il avait pu rendre impro
ductives les affaires les meilleures et stérili
ser la Grande Marnière, cette mine d’or
qu’un commis intelligent et honnête eût
suffi à administrer de façon à enrichir son
maître et tout le pays. Depuis trois jours, il
ne parlait plus môme à table. On le voyait
absorbé, l’œil fixe, la pensée visiblement
absente. Robert, quand il était encore là,
avait dit plaisamment :
—- Ah ! mon père est remonté dans son
laboratoire !
Le marquis n’avait môme pas entendu ; il
poursuivait son rêve et s’efforçait d’enchaî
ner sa chimère. Que de millions de lieues il
avait fait ainsi clans le vague, chevauchant
son dada fantastique pour n’atteindre que
l’impossible ! Cependant il avait par ins-
t ants de soudaines explosions de joie. Il se
frottait les mains avec force, et la figure ra
dieuse, il s’écriait :
— Ah ! ah ! cette fois, je crois que je le
tiens bien !
Et, sans explications préalables, pour sa
satisfaction personnelle, il entamait une
courie dissertation sur le procédé qu’il vou
lait appliquer Ses auditeurs, régulièrement,
opinaient du bonnet lorsqu’il les, provoquait
à l’approbation par des : hein ? n’est-ce
pas ? qu’en dites-vous ? ah ! ah ! qu’ils ne
pouvaient pas laisser tomber dans le si
lence sans risquer de faire subir au vieillard
le cruel serrement de cœur du doute.
Antoinette bénit la fatale manie qui, en
cette circonstance, absorbait si heuseuse-
ment son père. Il ne parut pas s’apercevoir
de l’absence de la tante de Saint-Maurice»
qui, pour la première fois depuis trente ans,*
ne dînait pas à la table commune. Quant à
Robert, il faisait des déplacements de chasse
fréquents et prolongés.
Après le repas, qui fut court et silen
cieux, le marquis et sa fille se trouvèrent en
tête à tête dans l’immense salon qui, éclairé
par deux lampes, leur parut tout noir. Les
rafales d’un vent violent ébranlaient les fu
taies séculaires du parc, et pleuraient lugu
bres, dans Us hautes cheminées du .châ
teau. Et la jeune fide écoutait ces plaintes*
se demandant si ce n’étaient pas les âmes
des morts de C laire font qui, tournoyant
dans la nuit, gémissaient sur le malheur de
la famille.
Puis sa pensée s’en allait à la suite de son
frère, et elle se le figurait dans une cellule
sombre et n”e, attendant qu’on décidât de
son sort. Où était la tante Isabelle?
Qu’avait-elle pu faire? On n’entrait sans
doute pas facilement dans une prison. Peut-
être ne verrait-elle même pas Robert. Alors*
camme un vieux chien fidèle, que son maî
tre a laissé à la porte, elle resterait, regar
dant les murailles, heureuse encore de se
dire : Il est là, l’enfant que j’aime, je* suis
dans l’air qu’il respire, ces pierres seules le,
séparent de moi... Oh ! la triste soirée ! Et
comme tes heures sonnaient lentes et lu
gubres ! Seule, sans amis, sans conseils,
avec ce vieillard qui dodelinait de la tête aa
fond de son fauteuil, tout à sa folie s quaad
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