Titre : La Dépêche algérienne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Alger)
Date d'édition : 1885-08-25
Contributeur : Robe, Eugène (1890-1970). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32755912k
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 25 août 1885 25 août 1885
Description : 1885/08/25 (A1,N40). 1885/08/25 (A1,N40).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t5448228
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-10449
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/04/2021
Première année. — N° 40
Mardi, 25 août 1885
Le numéro"5 centimes.
PREFECTUlîli D
DEPOT LEGAL
10 /
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
Ar.nûmu .
ABONNEMENTS :
Trois mois Six mois
. 4.50 »
Un an
18
ADMINISTRATION ET REDACTION :
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Tontes les communications relatives aux annnonces et réclames doivent,
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Alger,
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseille, chez M. Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chez MM. AUDBOURG et C‘«, place de la Bourse, 10,
"Î?R A TCnTC
... O 12
24
La DÉPÊCHE! ALGÉRIENNE! est
Alger, le 24- Août 1885.
LES HOfJK DD JOÜR
xx
M. PASCAL DUPRAT
Nous ne voulons pas laisser passer la
mort de M. Pascal Duprat sans faire con
naître à nos lecteurs cette belle et sympa
thique personnalité, dont le souvenir restera
longtemps encore vivace chez ses amis et
connaissances tant ses relations étaient sû
res, tant ses manières étaient polies et affa
bles. On peut dire de M. Pascal Duprat
qu’avec lui, disparaît un des derniers fran
çais. Ce professeur légiste, deveuu diplomate,
avait, au plus haut point, conservé les élé
gantes manières de la cour de Charles X et
on était presque malgré soi, amené devant
ce vieillard aux cheveux blancs à lui décer
ner un titre nobiliaire ; on aurait juré un de
ces vieux gentilshommes de l’ancienne cour.
D’autre part, si M. Pascal Duprat a mar
qué sa place en France au milieu d. s hom
mes célèbres de notre époque, il a laissé en
Algérie le souvenir d’un érudit, d’un galant
homme et d’un charmant causeur.
Quelques vieux Algériens, et je crois que
M. Trech est du nombre, se rappeleut enco
re, non sans émotion, ce jeune professeur
d’histoire qui expliquait la dynastie méro
vingienne ou les amours de Frédègonde,
dans le vieux collège arabe-français, là bas
de l’autre côté de la rue Mogador.
IL quitta l’Algérie en 1846, après avoir
attiré l’attention du monde littéraire en pu
bliant un essai historique 6ur les rues an
ciennes et modernes de l’Afrique septen
trionale.
A la révolution de février, étant déjà entré
dans le journalisme, il acclama la Républi
que, concourut avec Lamennais à la fonda
tion du Peuple Constituant et joua un rôle
très actif jusqu’au coup d’fîtat. Au 2 dé-
cemore il fut arrêté et détenu d’abord au
Mont-Valérien puis à Sainte-Pélagie. Banni
de France, il se retira à Bruxelles.
Il échoua aux élections de 1869, comme
candidat au corps législatif.
Le gouvernement du 4 septembre le nom
ma ministre plénipotentiaire à Athènes. Il
refusa ce poste pour se porter comme can
didat aux' élections législatives, dans les
Landes.
Il fut élu et prit place à l’extrême-gauche.
Non réélu aux élections générales de 1876,
M. P. Duprat fut nommé à Paris dans le
17 e arrondissement.
Aux élections du 21 août 1881, il sa porta
dans l’arrondissament de Senlis et fut battu
par M. Chauveau; il n’eut pas plus de chance
dans le 17 e arrondissement de Paris, où il
n’obtint que 1803 voix sur 11000 votants.
Pour réparer ces injustices du scrutin, le
gouvernement de la République le nomma
ministre plénipotentiaire de France au Chili.
C'est dans ce climat brûlant et malsain
que M. Pascal Duprat a contracté le germe
de la terrible maladie qui devait l’emporter.
Il est mort il y a trois jours en revenant
sur un transatlantique daos son pays qu’il
n’avait pas revu depuis trois ans.
M. Pascal Duprat laisse un nom unani
mement respecté, môme par ses pires en
nemis, car il joignait à une inébranlable fer
meté de convietioos, uue loyauté et une
courtoisie hors de pairs.
Ténès, 20 août 1885.
Mon cher Directeur,
Ténès se meurt ! Ténès est mort ! Tel est
le cri que poussent les rares habitants de
cette charmante petite ville, et qui ne peut
manquer de vous émouvoir, vous qui l’avez
connue à l’époque de sa prospérité.
Adieu les fines parties au cabanon, adieu
les fêtes, tout cela a disparu pour faire pla
ce à la solitude et 4 la tristesse. Dans toutes
les rues, des ruines veuves, dont s’écartent
les passants, sont les tristes témoins de ce
que fut Ténès et de ce qu’il est. Dans la
rade, autrefois remplie de bricks et de ba-
lancelles, qui, comme de grands oiseaux
aux ailes blanches, venaient s’aligner l’un
après l’autre, le long du débarcadère et
recevait les blés du Chèliff, on voit à peine
quelques rares bateaux de pêche qui font
vivre les quelques familles d’origine napo
litaine qui peuplent encore le petit village
de la marine.
Pourquoi Ténès est-il tombé ? Comment
peut-il revivre ? Ces deux questions n’en
font qu’une. C’est le chemin de 1er d’Oran à
Alger qui en drainant les produits de la
place du Cnéüff', a détruit le commerce et
l’activité industrielle qui avait fait naître et
faisait vivre Ténès. C’est le chemin de fer
d’Orléansvillo à Ténès qui, en ramenant
vers leur port naturel tous les produits de
la région du Chèliff, aujourd’hui doublés
par les irrigations et les progrès de la colo
nisation, rendra à notre charmante cité une
prospérité quelle n’a pas encore connue.
C’est avec cette promesse que, depuis
quinze ans, l’on nous fait vivre. C’est à
cause d’elle que la ville n’a pas été aban
donnée par les quelques familles qui per
sistent à y lutter dans le vide, et qui empê
chent Ténès de mourir définitivement d’ina-
nitioa. Mais ce chemin de fer est comme
un mirage qui semble s’éloigner de plus en
plus, quand nous nous approchons de l’é
poque où l’ou avait le droit de croire qu’il
serait exécuté.
L’administration supérieure a-t-elle le
droit de condamner ainsi à périr un pays
qui ne demande qu’à vivre, et qui peut, en
se réveillant de sa longue torpeur, fournir
en même temps à toute une immense région,
un débouché qui facilitera la culture en
diminuant les frais de transport ?
Pour justifier l’oubli volontaire où on nous
laisse, un ministre a-t-il le droit de déclarer
qu’un port n’existe pas quand il est, au con
traire, terminé, et terminé par ses propres
louis ? La verte répliqua que le ministre
s’est attirée, il y a quelques jours, de nos
représentants, ne restera pas isolée. La
municipalité de Ténès s’occupe de faire
photographier le port. Ce sera ià un témoi
gnage irrécusable devant lequel ii ne sera
plus possible de fermer les yeux.
Car, il faut bien qu’on le sache, notre
port est achevé La sécurité y est si com
plète, que l’entrepreneur, qui est en train
da l’achever, n’a pas renouvelé l’assurance
de son matériel de mer, qui représente
pourtant une valeur de plusieurs centaines
de mille francs.
Ainsi, voilà un capital de 5 millions qui
va rester improductif tant que le chemin de
fer ne sera pas concédé. Car ce n’est cer-
iainement pas le commerce propre||de Té
nès que l’on a pu avoir en vue quand on a
fait cette dépense.
Et quand on pense que depuis 4 ans, Je
projet établi pour ce chemin de fer est ap
prouvé ; que ce chemia de fer ne coûtera
rien à l’état, car la garantie d’intérêt ne
sera jamais nécessaire ; que des mines de
toute beauté qui rivaliseront avec le Mokta,
n’attendent que cette création pour être
exploitées, on se demande sous quelles in
fluences on peut commettre de pareilles
injustices, et à quoi le gouvernement sacri
fie cette partie si importante de l’Algérie.
Informations algériennes
M. Vincent-André Colozzi, ancien interne
de l’hôpital civil de Mustapha, vient d’être
reçu, à l’âge de 22 ans, pnarmacien de pre
mière classe à la Faculté de Médecine da
Montpellier.
X
Une douzaine de feux ont été aperçus da
8 h. du soir jusqu’à 11 h. dans la direction
de Valmy, la Sénia et Misserghin. Rensei
gnements pris, c’étaient des cultivateurs
qui brûlaient les herbes sèches pour net
toyer leurs terrains,
X
On nous signale un autre incendie sur le
territoire de Ben-Ferréah. Quelques récol
tes de fourrage et de paille seraient cam-~
plètement détruites.
X
Hier, par le bateau de Port-Vendres, est
débarqué à Oran, un viticulteur distin
gué, M. Findère.
Ce sympathique travailleur, qui a créé le
plus beau vignoble de la province, arrive
avec la décision bien arrêtée de continuer
ses plantations sur, au moins, vingt hectares,
cette année.
X
Le Conseil municipal d’Aïn-Témouchent
a émis le vœu suivant :
Art. 1 er . — Est abrogé le décret du 11 juin
1858 réglant les expropriations en Algérie.
Art. 2. — Les expropriations en Algérie
se feront à l’avenir en vertu de la loi du 3t
mai 1841.
Décide que eopie de la présents déiibêij-
tion sera adressée aux députés, pour qu’ils
lui donne la suite qu’elle comporte.
X
Par décision du 31 juillet dernier, M la
Gouverneur général a autorisé la Société
Gérard, Lévy et consorts à disposer des
produits provenant des recherches de bitu
me, pétrole et soufre que cette Société
exécute sur des terrains domaniaux compris
dans un périmètre d’une superficie de 1(1
kilomètres carrés (80 hectares environ) situé
à Aïn-Zeft, territoire des Ouied-Madab»
commune mixte de Cassaigne et des Ouled-
Sidi-Abdallah, commune mixte de Renault,
arrondissement de Mostaganem.
X
Le Conseil municipal de Batna a voté
50 francs pour le monument du général
Marguerite, qui sera élevé à Kouba.
X
On sait que les ambassadeurs marocain®
avaient pour mission spèciale de s’entendre
avec le gouvernement français au sujet delà
Feuilleton de LA DÉPÊCHE ALGÉRIENNE
N° 40.
PAR
Georges OHNET
Il avait eu la maiu plus lourde qu’il
ne pensait... Ah ! il iui avait vu déraciner
des baliveaux, comme ou cueillerait une
violette ! En batifolant, la petite avait fait
des giries... Le père, qui cherchait sa fille,
ôtait arrivé avec Pourtois... Pour ne pas
être surpris, le jeune homme avait empêché
la belle d’appeler... Ali! c’était un vrai
malheur... Mais pour un crime.,, oh!
non !
Et les ergoteurs, trouvant que le marchand
de bois se montrait trop commode, de ré
pliquer, avec un commencement de parti
pris : Comment ! pas un crime ? quoi donc,
alors ? La fille ètait-eUe morte ? Oui ou
non ? Tondeur, avec confusion, se voyait
forcé d’en convenir... Cependant il repre
nait sa défense, accumulant à plaisir les
mauvais arguments : Après tout, on accu
sait M. Robert... Mais avait-on la preuve
absolue qu’il était l’auteur de l’accident ? Il
s’entêtait à ne pas dire : crime
Si on avait ia preuve ? reprenaient ses
contradicteurs, s’échauffant au feu de la
discussion. Eh bien ! et le fouloir de soie
marqué aux initiales R. C. que la fille avait
au cou, et qu’on ne lui avait pas vu à la
danse. Et les affirmations des Tubœuf ?...
Et tout enfin ? Car la culpabilité crevait
les yeux ! Il fallait être décidé à ne rien
voir pour oser le nier. C’est-à-dire qu’on
se demandait comment M. de Clairefont
n’était pas encore arrêté.. Ah ! s’il avait été
un homme du commun, on l’aurait déjà vu
traverser la ville entre deux gendarmes.
Au môme instant une rumeur sourde cou
rut sur la place, attirant aux fenêtres tous
les consommateurs du café. Dans son til
bury, Robert, assis à côté de M. de Croix-
Mesnil, qu’il conduisait à la gare, venait de
déboucher de la rue du Marché. Devant
l'encombrement il avait dû ralentir l’allure
de son cheval, et, au milieu de la foule tu
multueuse, il passait calme et souriant, cau
sant librement avec le baron. Derrière lui,
houle vivante, la masse des badauds et des
paysans roulait, et des cris de haine par
taient, comme, au début d’une émeute, les
coups de feu isolés des impatients.
Robert étonné se retourna, regardant tous
ces geDS qui le suivaient. Il entendit :
— Il part, vous voyez bien ! Il s’ea va !
Il ne comprit, pas. Rien de ce qui s’était
passé pendant la nuit n'avait transpiré à
Clairefont. Le château était une forteresse
bloquée, dont la garnison ne reçoit plus de
nouvelles. Les rares domestiques ne sor
taient pas dans le village ; les fermes étaient
loin ; seule, Rose venait du dehors. Et la
pauvre petite ne devait plus égayer de sa
chanson les murs froids et silencieux de la
vieille demeure. Antoinette, qui, la veille,
lui avait si bien recommandé d’être exacte,
ne l'avait pas vue arriver, et s’était dit en
souriant :
— Allons, malgré ses belles promesses,
elle aura dansé tard, et elle fait la grasse
matinée.
A la gare, Robert, sans remarquer l’at
tention dont il était l’objet de la part des
gendarmes qui se promenaient devant la
porte d’entrée, sauta à bas de son cheval,
descendit la valise de M. de Croix-Mesnil,
et, donnant son cheval à garder à un em
ployé, entra dans la salle d’attente. Les
gendarmes alors se promenèrent sur le
quai, et parurent se tenir prêts à retenir le
jeune comte, s’il avait formé le dessein de
s’éloigner.
Mais il était bien loin de se douter de ce
qui se passait. Il parlait avec animation et
ne s'apercevait point de la surveillance ac
tive qui s’exerçait autour de lui. Lorsque le
train fut arrivé, il donna une dernière poi
gnée de main au baron, et, fermant lui-
même la portière du compartiment, il tra
versa la gare et remonta en voiture. Il se
sentit le cœur serré, comme il ne l’avait
jamais eu en voyant partir son ami. Il s’ar
rêta au bas du pont, et -attendit là le pas
sage du wagon. Par la fenêtre, il distingua
une main qui s’agitait, une figure qui sou
riait, puis, à un détour de la voie, dans un
tourbillon de vapeur blanche, tout disparut.
Et, au pas, il se remit en route, se deman
dant pourquoi il était si triste.
Mais les impressions que ressentait Ro
bert étaient fugitives. Sa rude nature réa
gissait promptement. Il mit son cheval au
trot, et se proposa de ne point passer pat
les quartiers du centre, pour éviter les en
combrements qui l’avaient arrêté à l'arrivée.
Il suivit la promenade, plantée de superbes
platanes, qui entoure La Neuville. Il allait
sortir du faubourg, quand, en arrivant au
bas de la montée de Clairefont, il tomba
dans un groupe d’ouvriers des fabriques
qui, à la porte d’un cabaret, écoutaient
Chassevent, ivre à rouler maintenant, et
qui, pour la centième fois, d’une voix pâ
teuse et avec des additions mélodramatiques,
racontait la mort de sa fille.
A la vue de Robert, un murmure d’hor
reur partit du groupe qui se massa dans
une attitude hostile. Encouragé par les
menaçantes dispositions de son entourage,
le vagabond s’avança en titubant, et,
essayant de prendre le cheval au mors :
— Le voilà, l’assassin ! Le voilà ! Ven
geance !
D’une main incertaine il avait réussi â
saisir la bride, mais un maître cinglon qu’iî
reçut sur les doigts la lui fit lâcher. Il re
cula en hurlant, et, heurté par le brancard,
il aurait infailliblement passé sous ia roue
de la voiture, si, d’une main vigoureuse, le
comte du haut de son siège, ne l’avaifc
cueilli et lancé jusqu’à la porte du cabaret.
— Ah ! après ia fille, le père ! brailla le
braconnier. A moi, mes amis ! Emparonà-
nous de lui. livrons-le à la justice !...
(A suivre.)
Mardi, 25 août 1885
Le numéro"5 centimes.
PREFECTUlîli D
DEPOT LEGAL
10 /
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
Ar.nûmu .
ABONNEMENTS :
Trois mois Six mois
. 4.50 »
Un an
18
ADMINISTRATION ET REDACTION :
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Tontes les communications relatives aux annnonces et réclames doivent,
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Alger,
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseille, chez M. Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chez MM. AUDBOURG et C‘«, place de la Bourse, 10,
"Î?R A TCnTC
... O 12
24
La DÉPÊCHE! ALGÉRIENNE! est
Alger, le 24- Août 1885.
LES HOfJK DD JOÜR
xx
M. PASCAL DUPRAT
Nous ne voulons pas laisser passer la
mort de M. Pascal Duprat sans faire con
naître à nos lecteurs cette belle et sympa
thique personnalité, dont le souvenir restera
longtemps encore vivace chez ses amis et
connaissances tant ses relations étaient sû
res, tant ses manières étaient polies et affa
bles. On peut dire de M. Pascal Duprat
qu’avec lui, disparaît un des derniers fran
çais. Ce professeur légiste, deveuu diplomate,
avait, au plus haut point, conservé les élé
gantes manières de la cour de Charles X et
on était presque malgré soi, amené devant
ce vieillard aux cheveux blancs à lui décer
ner un titre nobiliaire ; on aurait juré un de
ces vieux gentilshommes de l’ancienne cour.
D’autre part, si M. Pascal Duprat a mar
qué sa place en France au milieu d. s hom
mes célèbres de notre époque, il a laissé en
Algérie le souvenir d’un érudit, d’un galant
homme et d’un charmant causeur.
Quelques vieux Algériens, et je crois que
M. Trech est du nombre, se rappeleut enco
re, non sans émotion, ce jeune professeur
d’histoire qui expliquait la dynastie méro
vingienne ou les amours de Frédègonde,
dans le vieux collège arabe-français, là bas
de l’autre côté de la rue Mogador.
IL quitta l’Algérie en 1846, après avoir
attiré l’attention du monde littéraire en pu
bliant un essai historique 6ur les rues an
ciennes et modernes de l’Afrique septen
trionale.
A la révolution de février, étant déjà entré
dans le journalisme, il acclama la Républi
que, concourut avec Lamennais à la fonda
tion du Peuple Constituant et joua un rôle
très actif jusqu’au coup d’fîtat. Au 2 dé-
cemore il fut arrêté et détenu d’abord au
Mont-Valérien puis à Sainte-Pélagie. Banni
de France, il se retira à Bruxelles.
Il échoua aux élections de 1869, comme
candidat au corps législatif.
Le gouvernement du 4 septembre le nom
ma ministre plénipotentiaire à Athènes. Il
refusa ce poste pour se porter comme can
didat aux' élections législatives, dans les
Landes.
Il fut élu et prit place à l’extrême-gauche.
Non réélu aux élections générales de 1876,
M. P. Duprat fut nommé à Paris dans le
17 e arrondissement.
Aux élections du 21 août 1881, il sa porta
dans l’arrondissament de Senlis et fut battu
par M. Chauveau; il n’eut pas plus de chance
dans le 17 e arrondissement de Paris, où il
n’obtint que 1803 voix sur 11000 votants.
Pour réparer ces injustices du scrutin, le
gouvernement de la République le nomma
ministre plénipotentiaire de France au Chili.
C'est dans ce climat brûlant et malsain
que M. Pascal Duprat a contracté le germe
de la terrible maladie qui devait l’emporter.
Il est mort il y a trois jours en revenant
sur un transatlantique daos son pays qu’il
n’avait pas revu depuis trois ans.
M. Pascal Duprat laisse un nom unani
mement respecté, môme par ses pires en
nemis, car il joignait à une inébranlable fer
meté de convietioos, uue loyauté et une
courtoisie hors de pairs.
Ténès, 20 août 1885.
Mon cher Directeur,
Ténès se meurt ! Ténès est mort ! Tel est
le cri que poussent les rares habitants de
cette charmante petite ville, et qui ne peut
manquer de vous émouvoir, vous qui l’avez
connue à l’époque de sa prospérité.
Adieu les fines parties au cabanon, adieu
les fêtes, tout cela a disparu pour faire pla
ce à la solitude et 4 la tristesse. Dans toutes
les rues, des ruines veuves, dont s’écartent
les passants, sont les tristes témoins de ce
que fut Ténès et de ce qu’il est. Dans la
rade, autrefois remplie de bricks et de ba-
lancelles, qui, comme de grands oiseaux
aux ailes blanches, venaient s’aligner l’un
après l’autre, le long du débarcadère et
recevait les blés du Chèliff, on voit à peine
quelques rares bateaux de pêche qui font
vivre les quelques familles d’origine napo
litaine qui peuplent encore le petit village
de la marine.
Pourquoi Ténès est-il tombé ? Comment
peut-il revivre ? Ces deux questions n’en
font qu’une. C’est le chemin de 1er d’Oran à
Alger qui en drainant les produits de la
place du Cnéüff', a détruit le commerce et
l’activité industrielle qui avait fait naître et
faisait vivre Ténès. C’est le chemin de fer
d’Orléansvillo à Ténès qui, en ramenant
vers leur port naturel tous les produits de
la région du Chèliff, aujourd’hui doublés
par les irrigations et les progrès de la colo
nisation, rendra à notre charmante cité une
prospérité quelle n’a pas encore connue.
C’est avec cette promesse que, depuis
quinze ans, l’on nous fait vivre. C’est à
cause d’elle que la ville n’a pas été aban
donnée par les quelques familles qui per
sistent à y lutter dans le vide, et qui empê
chent Ténès de mourir définitivement d’ina-
nitioa. Mais ce chemin de fer est comme
un mirage qui semble s’éloigner de plus en
plus, quand nous nous approchons de l’é
poque où l’ou avait le droit de croire qu’il
serait exécuté.
L’administration supérieure a-t-elle le
droit de condamner ainsi à périr un pays
qui ne demande qu’à vivre, et qui peut, en
se réveillant de sa longue torpeur, fournir
en même temps à toute une immense région,
un débouché qui facilitera la culture en
diminuant les frais de transport ?
Pour justifier l’oubli volontaire où on nous
laisse, un ministre a-t-il le droit de déclarer
qu’un port n’existe pas quand il est, au con
traire, terminé, et terminé par ses propres
louis ? La verte répliqua que le ministre
s’est attirée, il y a quelques jours, de nos
représentants, ne restera pas isolée. La
municipalité de Ténès s’occupe de faire
photographier le port. Ce sera ià un témoi
gnage irrécusable devant lequel ii ne sera
plus possible de fermer les yeux.
Car, il faut bien qu’on le sache, notre
port est achevé La sécurité y est si com
plète, que l’entrepreneur, qui est en train
da l’achever, n’a pas renouvelé l’assurance
de son matériel de mer, qui représente
pourtant une valeur de plusieurs centaines
de mille francs.
Ainsi, voilà un capital de 5 millions qui
va rester improductif tant que le chemin de
fer ne sera pas concédé. Car ce n’est cer-
iainement pas le commerce propre||de Té
nès que l’on a pu avoir en vue quand on a
fait cette dépense.
Et quand on pense que depuis 4 ans, Je
projet établi pour ce chemin de fer est ap
prouvé ; que ce chemia de fer ne coûtera
rien à l’état, car la garantie d’intérêt ne
sera jamais nécessaire ; que des mines de
toute beauté qui rivaliseront avec le Mokta,
n’attendent que cette création pour être
exploitées, on se demande sous quelles in
fluences on peut commettre de pareilles
injustices, et à quoi le gouvernement sacri
fie cette partie si importante de l’Algérie.
Informations algériennes
M. Vincent-André Colozzi, ancien interne
de l’hôpital civil de Mustapha, vient d’être
reçu, à l’âge de 22 ans, pnarmacien de pre
mière classe à la Faculté de Médecine da
Montpellier.
X
Une douzaine de feux ont été aperçus da
8 h. du soir jusqu’à 11 h. dans la direction
de Valmy, la Sénia et Misserghin. Rensei
gnements pris, c’étaient des cultivateurs
qui brûlaient les herbes sèches pour net
toyer leurs terrains,
X
On nous signale un autre incendie sur le
territoire de Ben-Ferréah. Quelques récol
tes de fourrage et de paille seraient cam-~
plètement détruites.
X
Hier, par le bateau de Port-Vendres, est
débarqué à Oran, un viticulteur distin
gué, M. Findère.
Ce sympathique travailleur, qui a créé le
plus beau vignoble de la province, arrive
avec la décision bien arrêtée de continuer
ses plantations sur, au moins, vingt hectares,
cette année.
X
Le Conseil municipal d’Aïn-Témouchent
a émis le vœu suivant :
Art. 1 er . — Est abrogé le décret du 11 juin
1858 réglant les expropriations en Algérie.
Art. 2. — Les expropriations en Algérie
se feront à l’avenir en vertu de la loi du 3t
mai 1841.
Décide que eopie de la présents déiibêij-
tion sera adressée aux députés, pour qu’ils
lui donne la suite qu’elle comporte.
X
Par décision du 31 juillet dernier, M la
Gouverneur général a autorisé la Société
Gérard, Lévy et consorts à disposer des
produits provenant des recherches de bitu
me, pétrole et soufre que cette Société
exécute sur des terrains domaniaux compris
dans un périmètre d’une superficie de 1(1
kilomètres carrés (80 hectares environ) situé
à Aïn-Zeft, territoire des Ouied-Madab»
commune mixte de Cassaigne et des Ouled-
Sidi-Abdallah, commune mixte de Renault,
arrondissement de Mostaganem.
X
Le Conseil municipal de Batna a voté
50 francs pour le monument du général
Marguerite, qui sera élevé à Kouba.
X
On sait que les ambassadeurs marocain®
avaient pour mission spèciale de s’entendre
avec le gouvernement français au sujet delà
Feuilleton de LA DÉPÊCHE ALGÉRIENNE
N° 40.
PAR
Georges OHNET
Il avait eu la maiu plus lourde qu’il
ne pensait... Ah ! il iui avait vu déraciner
des baliveaux, comme ou cueillerait une
violette ! En batifolant, la petite avait fait
des giries... Le père, qui cherchait sa fille,
ôtait arrivé avec Pourtois... Pour ne pas
être surpris, le jeune homme avait empêché
la belle d’appeler... Ali! c’était un vrai
malheur... Mais pour un crime.,, oh!
non !
Et les ergoteurs, trouvant que le marchand
de bois se montrait trop commode, de ré
pliquer, avec un commencement de parti
pris : Comment ! pas un crime ? quoi donc,
alors ? La fille ètait-eUe morte ? Oui ou
non ? Tondeur, avec confusion, se voyait
forcé d’en convenir... Cependant il repre
nait sa défense, accumulant à plaisir les
mauvais arguments : Après tout, on accu
sait M. Robert... Mais avait-on la preuve
absolue qu’il était l’auteur de l’accident ? Il
s’entêtait à ne pas dire : crime
Si on avait ia preuve ? reprenaient ses
contradicteurs, s’échauffant au feu de la
discussion. Eh bien ! et le fouloir de soie
marqué aux initiales R. C. que la fille avait
au cou, et qu’on ne lui avait pas vu à la
danse. Et les affirmations des Tubœuf ?...
Et tout enfin ? Car la culpabilité crevait
les yeux ! Il fallait être décidé à ne rien
voir pour oser le nier. C’est-à-dire qu’on
se demandait comment M. de Clairefont
n’était pas encore arrêté.. Ah ! s’il avait été
un homme du commun, on l’aurait déjà vu
traverser la ville entre deux gendarmes.
Au môme instant une rumeur sourde cou
rut sur la place, attirant aux fenêtres tous
les consommateurs du café. Dans son til
bury, Robert, assis à côté de M. de Croix-
Mesnil, qu’il conduisait à la gare, venait de
déboucher de la rue du Marché. Devant
l'encombrement il avait dû ralentir l’allure
de son cheval, et, au milieu de la foule tu
multueuse, il passait calme et souriant, cau
sant librement avec le baron. Derrière lui,
houle vivante, la masse des badauds et des
paysans roulait, et des cris de haine par
taient, comme, au début d’une émeute, les
coups de feu isolés des impatients.
Robert étonné se retourna, regardant tous
ces geDS qui le suivaient. Il entendit :
— Il part, vous voyez bien ! Il s’ea va !
Il ne comprit, pas. Rien de ce qui s’était
passé pendant la nuit n'avait transpiré à
Clairefont. Le château était une forteresse
bloquée, dont la garnison ne reçoit plus de
nouvelles. Les rares domestiques ne sor
taient pas dans le village ; les fermes étaient
loin ; seule, Rose venait du dehors. Et la
pauvre petite ne devait plus égayer de sa
chanson les murs froids et silencieux de la
vieille demeure. Antoinette, qui, la veille,
lui avait si bien recommandé d’être exacte,
ne l'avait pas vue arriver, et s’était dit en
souriant :
— Allons, malgré ses belles promesses,
elle aura dansé tard, et elle fait la grasse
matinée.
A la gare, Robert, sans remarquer l’at
tention dont il était l’objet de la part des
gendarmes qui se promenaient devant la
porte d’entrée, sauta à bas de son cheval,
descendit la valise de M. de Croix-Mesnil,
et, donnant son cheval à garder à un em
ployé, entra dans la salle d’attente. Les
gendarmes alors se promenèrent sur le
quai, et parurent se tenir prêts à retenir le
jeune comte, s’il avait formé le dessein de
s’éloigner.
Mais il était bien loin de se douter de ce
qui se passait. Il parlait avec animation et
ne s'apercevait point de la surveillance ac
tive qui s’exerçait autour de lui. Lorsque le
train fut arrivé, il donna une dernière poi
gnée de main au baron, et, fermant lui-
même la portière du compartiment, il tra
versa la gare et remonta en voiture. Il se
sentit le cœur serré, comme il ne l’avait
jamais eu en voyant partir son ami. Il s’ar
rêta au bas du pont, et -attendit là le pas
sage du wagon. Par la fenêtre, il distingua
une main qui s’agitait, une figure qui sou
riait, puis, à un détour de la voie, dans un
tourbillon de vapeur blanche, tout disparut.
Et, au pas, il se remit en route, se deman
dant pourquoi il était si triste.
Mais les impressions que ressentait Ro
bert étaient fugitives. Sa rude nature réa
gissait promptement. Il mit son cheval au
trot, et se proposa de ne point passer pat
les quartiers du centre, pour éviter les en
combrements qui l’avaient arrêté à l'arrivée.
Il suivit la promenade, plantée de superbes
platanes, qui entoure La Neuville. Il allait
sortir du faubourg, quand, en arrivant au
bas de la montée de Clairefont, il tomba
dans un groupe d’ouvriers des fabriques
qui, à la porte d’un cabaret, écoutaient
Chassevent, ivre à rouler maintenant, et
qui, pour la centième fois, d’une voix pâ
teuse et avec des additions mélodramatiques,
racontait la mort de sa fille.
A la vue de Robert, un murmure d’hor
reur partit du groupe qui se massa dans
une attitude hostile. Encouragé par les
menaçantes dispositions de son entourage,
le vagabond s’avança en titubant, et,
essayant de prendre le cheval au mors :
— Le voilà, l’assassin ! Le voilà ! Ven
geance !
D’une main incertaine il avait réussi â
saisir la bride, mais un maître cinglon qu’iî
reçut sur les doigts la lui fit lâcher. Il re
cula en hurlant, et, heurté par le brancard,
il aurait infailliblement passé sous ia roue
de la voiture, si, d’une main vigoureuse, le
comte du haut de son siège, ne l’avaifc
cueilli et lancé jusqu’à la porte du cabaret.
— Ah ! après ia fille, le père ! brailla le
braconnier. A moi, mes amis ! Emparonà-
nous de lui. livrons-le à la justice !...
(A suivre.)
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