Titre : La Dépêche algérienne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Alger)
Date d'édition : 1885-07-28
Contributeur : Robe, Eugène (1890-1970). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32755912k
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 28 juillet 1885 28 juillet 1885
Description : 1885/07/28 (A1,N12). 1885/07/28 (A1,N12).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t544794v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-10449
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/04/2021
flRBFEGTUKE D’Al.GEfc
DEPOT LEGAL
Première année. — N° 12. Le numéro 5 centimes. 2.^y M£rdi$ 28 juillet 1885.
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
Algérie
France.
ABONNEMENTS :
Trois mois Six mois
4.50 9
6 12
Un an
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
18
24
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Tontes les communications relatives anx annnonces et réclames doivent, 8®
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Alger.
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseille, chez M. Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chez MM. AUDBOURG et O, place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
Alger, le 27 juillet 1885.
Politique du Jour
Daas un de nos derniers bulletins, nous
annoncions la rupture à bref délai des re
lations diplomatiques entre la Russie et
l’Angleterre. D’aucuns nous ont traité de
pessimiste. Nousne croyons pas avoir mérité
cette épithète en avançant que la guerre
éclaterait bientôt entre les deux grandes
puissances continentales. Nous n’avons dit
qu’une chose tonte naturelle.
Le télégraphe nous a apporté hier une
preuve qui nous semble irréfutable.
On vient de découvrir à Saint-Péters
bourg une imprimerie clandestine et on a
procédé à plusieurs arrestations. Ces faits
qui nous arrivent de loin, dénués de toute
exagération, sont plus importants qu’on ne
le pense et prouvent péremptoirement que
le nihilisme continue plus que jamais son
œuvre de terrorisation et de renversement.
On le sent si bien en Russie que la date de
l’entrevue qui doit avoir lieu entre les trois
empereurs est soigneusement tenue secrète.
On se méfie, à juste titre, d’une explosion
de voie ferrée.
Donc, c’est un fait acquis, l’agitation nihi
liste prend de jour en jour de l’extension
et gagne par conséquent des partisans à sa
cause. Chacun s’en occupe. Les audacieux
se rangent sous ses doctrines, les timides se
contentent de les commenter. Tous ont les
yeux fixés sur ce grand événement inté
rieur.
Le Czar, il n’en faut pas douter, c’est le
fait de tous les empires chancelants, cher
che à détourner les yeux de ses sujets de
ce spectacle. Une glorieuse campagne serait
une puissante diversion en ce moment. Le
Gouvernement russe le comprend, l’empe
reur sent que chaque jour de retard peut
faire naître quelque terrible catastrophe.
L’occasion se présente d’entrer en lutte avec
l’Angleterre, il est certain qu’Alexandre III
ne la laissera pas échapper. D’autant, que
la Russie a tous les atouts en maiu ; son or
ganisation militaire et maritime est superbe
et elle peut répondre du succès. D’autre
part, le peuple russe est, nous l’avons bien
vu sous Napoléon et en Crimée, d’un patrio
tisme à toute épreuve et, du jour où la
guerre éclatera avec l’Angleterre, le nihi
lisme s’arrêtera pour envisager les évène
ments, aidera à l’occasion le Gouvernement
à sortir victorieux de la lutte.
Cela est fort clair et explique parfaitement
l’attitude belliqueuse du Czar et de son en
tourage.
L’affaire qui amenait M. Chapelle-Napias,
rédacteur en chef de l’ Indépendant, devant
le Jury de Oonstantiue s’est aussi heureuse
ment terminée pour cet accusé qu’il pouvait
l’espérer.
La vie d’un homme payée huit mois de
prison et 200 francs d’amende, ce n’est pas
cher, car nous ne faisons pas entrer en li
gne de compte les 10,000 francs de. doma-
ges-intérêts, alloués à la veuve de la victi
me. Ces 10,000 francs ne constituent pas une
peine ; ils sont la réparation légitime d’un
préjudice causé.
Nous sommes heureux pour notre confrè
re que les choses aient aussi bien tourné,
et nous ce serions pas revenu sur cette affai
re, si elle ne contenait des enseignements
qui ne doivent pas être perdus.
Il est, en effet, établi par la lecture de
l’audition des témoins que l’excuse de pro
vocation admise par le Jury ne réside pas
dans les faits qui ont immédiatement précé
dé le coup mortel du rêvolver.
Comme le Jury l’a déclaré, M. Chapelle-
Napias n’a pu croire sa vie sérieusement
menacée par l’infortuné Dèmoulin ; quant
aux paroles prononcées parce dernier quel
ques instants avant que sou interlocuteur
ait appuyé le doigt sur la gâchette, elles
n’avaient pas un caractère vraiment provo
cateur. Elles constituaient simplement des
injures.
C’est donc dans les faits antérieurs qu’il
faut chercher l’excuse de la provacation re
connue par le jury.
Sur ce terrain, on est plus à l’aise, car
l’instruction n’a pas eu de peine à établir
que Dèmoulins et quelques autres ont, à
plusieurs reprises, cherché à M. Chapelle-
Napias des querelles très justement quali
fiées de querelles d’allemand.
Plus an courant de la vie algérienne, le
rédacteur de Y Indépendant ne s’en serait
probablement pas autant ému. Que serait
l’existence d’un journaliste de ce côté de la
méditerranée, s’il ne mèprissait pas les trois
quarts des injures, auxquelles-il est quoti
diennement eu bute ; alors surtout qu’elles
s’adressent moins à sapersonne qu’au grou
pe auquel il appartient? Nous ne disons
pas parti, car à Constantine ce sont des
haines et des ambitions personnelles, qui
divisent en deux camps ennemis la popu-
lafion si intelligente et jadis si sensée de la
vieille Cirta. Chaque journal, Y Indépendant
comme le Républicain, sert de drapeau à un
de ces camps. Qui n’est pas avec l’un est l’au
tre. L’intérêt vrai de la contrée, pas plus que
celui de la République, n’ont rien à voir
dans les discussions intestines. Chaque
groupe ne songe qu’à une chose : couler
l’autre.
Plus accentué à Constantine que partout
ailleurs, cette division eu deux parties de
populations foncièrement républicaines se
retrouve d’ailleurs dans toutes les localités,
depuis la petite ville jusqu’au moindre vil
lage.
C’est une des grandes plaies de l’Algérie,
un obstacle incessant à ses progrès, et il
était bien inspiré Je gouverneur qui conseil
lait à nos colons de faire moins de politi
que, c’est en effet ce qui sert de manteau à
toutes les intrigues les plus misérables, à
l’assouvissement des passions les plus per
sonnelles.
La mort d’un homme, la condamnation
d’un autre, fera-t-elle rentrer un peu de
calme dans les esprits ? Nous le souhaitons
plus que nous ne l’espérons.
Un décret du 13 février 1883 a établi une
prime de 300 fr. en faveur des indigènes qui
justifient de la connaissance de la langue
française, et un arrêté ministériel a réglé
ensuite les formes de i’examen que devaient
passer les candidats à cette prime.
Cet examen vient d’avoir lieu pour la pre
mière fois, le20 juillet, dans les trois dé
partements algériens.
Les candidats qui se sont trouvés dans
les conditions pour obtenir cette prime de
300 francs sont : Mohammed ould sidi el
Hadj Hamxa ben Rahal et son frère, El
AhsseD, tous deux de Nedroma, et Ahmed
ben Nacef, d’Oran.
X
M. Etienne a demandé, d’accord avec le
gouvernement, le renvoi à la commission
chargée de l’examen du projet de loi sur la
colonisation en Algérie le projet de loi re
latif à l'aménagement et au rachat des
droits d'usage dans les forêts de l’Algérie.
X
On annonce le rétablissement complet du
câble télégraphique posé en 1881 entre Bôn©
et Bizerte et interrompu 1’anoée suivante*'
Le service des dépêches se trouve donc dou
blement assuré entre l’Algérie et la Tuni
sie.
X
Jeudi prochain, dernier jeudi du mois,
doit avoir lien la réunion mensuelle du
comité d’initial vn pour la statue à élever à
Blandan, à Bouta, ik.
X
Le comité de. h Ligue du Reboisement
d’Oran a publié cette année deux bulletins
faisant connaître les travaux de la Société*
et contenant des conseils sur les semis et les
plantations.
Les adhérents à la Ligue qui n’auraient
pas reçu ces bulletins, sont pr.és de vouloir
bien en informer sans retard M. le Prési
dent de la Ligue du reboisement d’Oran.
Le prochain bulletin con iendra la liste
des graines et des plantes à distribuer à la
fin de l’année 1835.
X
_ On écrit de Paris qu’une nouvelle émis
sion d'obligations des chemins de fer algé
riens avec la garantie de l’Etat va être faite.
Cette fois c’est de la compagnie de l'Ouest-
Algérien qu’il s’agit. L’affaire est sans nul
doute, excellente pour les actionnaires com
me pour les nouveaux obligataires de cette
compagnie.
X
D’après la Kabylie , les travaux de cons
truction du chemin de fer de Bougie à Benf-
Mansour subissent eu ce moment un léger
temps d’arrêt ; les travaux de terrassement
du premier lot, c'est-à-dire de Bougie à la
Réunion sont-à peu près terminés ; on tra
vaille activement à achever les travaux d’art.
Bientôt la construction de la gare de La
Réunion sera entreprise.
X
Voici la nomenclature des ligQes ferrées
algériennes actuellement en exploitation :
Kiîom.
Alger à Oran 426
Phiiippeville à Constantine 87
Bône a Guelma gg
Guelma au Kroubs 115
Duvivier à Souk A bras. 32
Souk- Ahras à Si-el-Hemessi 53
Constantine à Sétif 155
Alger à Ménereiile 54
Sétif à Ei-Achir g2
Ei-Gherrah à Batna 80
Ste-Barbe-du-Tiélat à Sidi-bel-Ab-
bès. 25
Sidi-bel-Abbès à Raz-el Ma 100
Senia à Aïn-Témoucbeut 69
Arzew à Aïn-Mokra 32
Total 1.959
Feuilleton de LA DÉPÊCHE ALGÉRIENNE
n° 12.
LA
PAR
Georges OHNET
Carvajan écouta ce que sa femme lui di
sait, en proie à une rage violente qui lui
coupait la respiration. Il lui sembla que,
dans sa télé devenue dure comme de la
pierre, son cerveau était comprimé. Il sentit
ses idées tourbillonner avec une vertigineu
se rapidité. Il resta un moment à regarder
machinalement ses mains qui tremblaient.
Puis, poussant une terrible exclamation, il
éclata •
_ Est-ce que vous croyez que vous allez
vous moquer de moi plus longtemps ? Toi
et ton fils vous m’obéirez, ou vous sortirez
d’ici Je suis le seul maître : personne ne
m’a jamais résisté, et ce morveux me tien
drait tête! Je le mettrai au pas... En-
tends-tu, madame Carvajan?.Je lui cou
perai la crête, à ton coq. Et nous verrons
s’il chantera aussi haut... Ah! tonnerre!
Un bambin, du nez duquel il sortirait du
lait si on le pressait. Et qui veut jouer avec
papa! Malheur à lui !. . Je le chasserai de
la maison... et tout le pays saura qu’il m’a
manqué !
Il parla ainsi pendant longtemps, répan
dant sa colère en paroles violentes, Il terri
fia sa malheureuse femme qui, prise de fiè
vre, dut se mettre au lit. Le lendemain son
état parut grave, et, au bout de la semaine,
elle était à toute extrémité.
Son fils ne.quittait pas la chambre et la
soignait avec un dévouement passionné,
écoutant, plein d’horreur, les divagations
du délire pendant lequel sa mère répétait
toutes les menaces de Carvajan, Un soir,
elle reprit connaissance, et posant une main
glacée sur le front de Pascal qui s’était age
nouillé près de son lit :
— Nous allions nous séparer, mou cher
petit, murmura-1-elle. Ah ! c’est une grande
douleur pour moi... Je t’aime tant !...
Nous avons eu des chagrins, dans ce der
nier temps... Il faut ne point t’en souve
nir. .. Ne fais jamais de peine à ceux qui
sont autour de toi. . La pius grande sa
tisfaction sur la terre, vois-tu, c’est d’être
boa...
Elle eut une faiblesse, et pâlit, comme
pour mourir. Elle revint cependant à elle,
et fit demander son mari. Elle lui parla,
sans que son fils retiré auprès de la fenêtre,
où fleurissaient toujours les plantes préfé
rées, pût entendre ce qu’elle disait. Carva
jan, le visage sombre, écoutait, muet. Enfin
elle fit un signe impérieux auquel il répon
dit en faisant oui. de la tête. Les traits de
la mourante s’illuminèrent!! de joie. Elle se
laissa aller en arrière avec soulagement,
comme si elle avait été débarrassée d’un
poids écrasant. Elle,appela Pascal, et lui
dit :
— Embrasse ton père devant moi...
Le jeune homme, bouleversé par la dou
leur, se jeta avec effusion dans les bras de
sou père, et lui donna deux chauds baisers
que celui-ci rendit d’une lèvre glacée. Sa
sécheresse de cœur lui faisait la bouche plus
froide que celle de la mourante. Puis, Mme
Carvajan ordonna à son fils de se retirer et
resta seule avec le notaire. Le soir, sa fin
parut tout à fait proche. Elle rompit le si
lence qu’elle avait gardé jusque-là, et mur
mura à l’oreille de Pascal :
— J’ai laissé à ton père tout ce dont la loi
me permettait de disposer... Je sais que tu
es en état de faire ta fortune tei-même,..
Et puis c’était le seul moyen de t’assurer la
paix... Carvajan est un homme terrible...
Ne te heurte jamais à lui... L’abandon de
ton héritage sera le prix de ta liberté...
Pardonne-moi de t’avoir dépouillé... Sois
bon dans la vie... Il faut être bon...
Ce fut en prononçant ces douces paroles
quelle mourut. Pascal lui ferma les yeux,
se pencha pour l’embrasser, et, grave :
.
— Sois tranquille, mère, ma part d’héri
tage, ce sera ta bonté...
Et comme si. au seuil de l’éternité où
elle entrait, la morte eût entendu cette pro
messe suprême, sou front pâli, rayonna,
et ses traits resplendirent d’une céleste
beauté.
Le lendemain des obsèques, Jean Car
vajan appela son fils dans le cabinet témoin
de leur premier désaccord, et, la voix sè
che :
— Mon garçon, le malheur qui vient de
nous atteindre, dit-il, va modifier certaine
ment notre existence. Je désirerais, avant
de prendre une résolution, connaître tes
projets.
— Mes projets sont fort simples, mon
père : si vous n’y voyez pas d’inconvénient,
je quittera: La Neuville...
— Tu es libre, répondit Carvajan, dont le
front se plissa au souvenir cuisant de ses
espérances déçues.
— C’est bien... Alors je partirai demain.
— Quand tu voudras revenir... ma mai
son te sera ouverte.
— Je vous remercie.
Pas une parole de plus ne fut échangée
entre eux.
Le lendemain, Pascal s’éloigna, laissant
dans la petite maison de la rue du Marché
Carvajan seul avec sa haine.
En quittant Pasçal sur le plateau qui du
DEPOT LEGAL
Première année. — N° 12. Le numéro 5 centimes. 2.^y M£rdi$ 28 juillet 1885.
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
Algérie
France.
ABONNEMENTS :
Trois mois Six mois
4.50 9
6 12
Un an
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
18
24
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Tontes les communications relatives anx annnonces et réclames doivent, 8®
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Alger.
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseille, chez M. Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chez MM. AUDBOURG et O, place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
Alger, le 27 juillet 1885.
Politique du Jour
Daas un de nos derniers bulletins, nous
annoncions la rupture à bref délai des re
lations diplomatiques entre la Russie et
l’Angleterre. D’aucuns nous ont traité de
pessimiste. Nousne croyons pas avoir mérité
cette épithète en avançant que la guerre
éclaterait bientôt entre les deux grandes
puissances continentales. Nous n’avons dit
qu’une chose tonte naturelle.
Le télégraphe nous a apporté hier une
preuve qui nous semble irréfutable.
On vient de découvrir à Saint-Péters
bourg une imprimerie clandestine et on a
procédé à plusieurs arrestations. Ces faits
qui nous arrivent de loin, dénués de toute
exagération, sont plus importants qu’on ne
le pense et prouvent péremptoirement que
le nihilisme continue plus que jamais son
œuvre de terrorisation et de renversement.
On le sent si bien en Russie que la date de
l’entrevue qui doit avoir lieu entre les trois
empereurs est soigneusement tenue secrète.
On se méfie, à juste titre, d’une explosion
de voie ferrée.
Donc, c’est un fait acquis, l’agitation nihi
liste prend de jour en jour de l’extension
et gagne par conséquent des partisans à sa
cause. Chacun s’en occupe. Les audacieux
se rangent sous ses doctrines, les timides se
contentent de les commenter. Tous ont les
yeux fixés sur ce grand événement inté
rieur.
Le Czar, il n’en faut pas douter, c’est le
fait de tous les empires chancelants, cher
che à détourner les yeux de ses sujets de
ce spectacle. Une glorieuse campagne serait
une puissante diversion en ce moment. Le
Gouvernement russe le comprend, l’empe
reur sent que chaque jour de retard peut
faire naître quelque terrible catastrophe.
L’occasion se présente d’entrer en lutte avec
l’Angleterre, il est certain qu’Alexandre III
ne la laissera pas échapper. D’autant, que
la Russie a tous les atouts en maiu ; son or
ganisation militaire et maritime est superbe
et elle peut répondre du succès. D’autre
part, le peuple russe est, nous l’avons bien
vu sous Napoléon et en Crimée, d’un patrio
tisme à toute épreuve et, du jour où la
guerre éclatera avec l’Angleterre, le nihi
lisme s’arrêtera pour envisager les évène
ments, aidera à l’occasion le Gouvernement
à sortir victorieux de la lutte.
Cela est fort clair et explique parfaitement
l’attitude belliqueuse du Czar et de son en
tourage.
L’affaire qui amenait M. Chapelle-Napias,
rédacteur en chef de l’ Indépendant, devant
le Jury de Oonstantiue s’est aussi heureuse
ment terminée pour cet accusé qu’il pouvait
l’espérer.
La vie d’un homme payée huit mois de
prison et 200 francs d’amende, ce n’est pas
cher, car nous ne faisons pas entrer en li
gne de compte les 10,000 francs de. doma-
ges-intérêts, alloués à la veuve de la victi
me. Ces 10,000 francs ne constituent pas une
peine ; ils sont la réparation légitime d’un
préjudice causé.
Nous sommes heureux pour notre confrè
re que les choses aient aussi bien tourné,
et nous ce serions pas revenu sur cette affai
re, si elle ne contenait des enseignements
qui ne doivent pas être perdus.
Il est, en effet, établi par la lecture de
l’audition des témoins que l’excuse de pro
vocation admise par le Jury ne réside pas
dans les faits qui ont immédiatement précé
dé le coup mortel du rêvolver.
Comme le Jury l’a déclaré, M. Chapelle-
Napias n’a pu croire sa vie sérieusement
menacée par l’infortuné Dèmoulin ; quant
aux paroles prononcées parce dernier quel
ques instants avant que sou interlocuteur
ait appuyé le doigt sur la gâchette, elles
n’avaient pas un caractère vraiment provo
cateur. Elles constituaient simplement des
injures.
C’est donc dans les faits antérieurs qu’il
faut chercher l’excuse de la provacation re
connue par le jury.
Sur ce terrain, on est plus à l’aise, car
l’instruction n’a pas eu de peine à établir
que Dèmoulins et quelques autres ont, à
plusieurs reprises, cherché à M. Chapelle-
Napias des querelles très justement quali
fiées de querelles d’allemand.
Plus an courant de la vie algérienne, le
rédacteur de Y Indépendant ne s’en serait
probablement pas autant ému. Que serait
l’existence d’un journaliste de ce côté de la
méditerranée, s’il ne mèprissait pas les trois
quarts des injures, auxquelles-il est quoti
diennement eu bute ; alors surtout qu’elles
s’adressent moins à sapersonne qu’au grou
pe auquel il appartient? Nous ne disons
pas parti, car à Constantine ce sont des
haines et des ambitions personnelles, qui
divisent en deux camps ennemis la popu-
lafion si intelligente et jadis si sensée de la
vieille Cirta. Chaque journal, Y Indépendant
comme le Républicain, sert de drapeau à un
de ces camps. Qui n’est pas avec l’un est l’au
tre. L’intérêt vrai de la contrée, pas plus que
celui de la République, n’ont rien à voir
dans les discussions intestines. Chaque
groupe ne songe qu’à une chose : couler
l’autre.
Plus accentué à Constantine que partout
ailleurs, cette division eu deux parties de
populations foncièrement républicaines se
retrouve d’ailleurs dans toutes les localités,
depuis la petite ville jusqu’au moindre vil
lage.
C’est une des grandes plaies de l’Algérie,
un obstacle incessant à ses progrès, et il
était bien inspiré Je gouverneur qui conseil
lait à nos colons de faire moins de politi
que, c’est en effet ce qui sert de manteau à
toutes les intrigues les plus misérables, à
l’assouvissement des passions les plus per
sonnelles.
La mort d’un homme, la condamnation
d’un autre, fera-t-elle rentrer un peu de
calme dans les esprits ? Nous le souhaitons
plus que nous ne l’espérons.
Un décret du 13 février 1883 a établi une
prime de 300 fr. en faveur des indigènes qui
justifient de la connaissance de la langue
française, et un arrêté ministériel a réglé
ensuite les formes de i’examen que devaient
passer les candidats à cette prime.
Cet examen vient d’avoir lieu pour la pre
mière fois, le20 juillet, dans les trois dé
partements algériens.
Les candidats qui se sont trouvés dans
les conditions pour obtenir cette prime de
300 francs sont : Mohammed ould sidi el
Hadj Hamxa ben Rahal et son frère, El
AhsseD, tous deux de Nedroma, et Ahmed
ben Nacef, d’Oran.
X
M. Etienne a demandé, d’accord avec le
gouvernement, le renvoi à la commission
chargée de l’examen du projet de loi sur la
colonisation en Algérie le projet de loi re
latif à l'aménagement et au rachat des
droits d'usage dans les forêts de l’Algérie.
X
On annonce le rétablissement complet du
câble télégraphique posé en 1881 entre Bôn©
et Bizerte et interrompu 1’anoée suivante*'
Le service des dépêches se trouve donc dou
blement assuré entre l’Algérie et la Tuni
sie.
X
Jeudi prochain, dernier jeudi du mois,
doit avoir lien la réunion mensuelle du
comité d’initial vn pour la statue à élever à
Blandan, à Bouta, ik.
X
Le comité de. h Ligue du Reboisement
d’Oran a publié cette année deux bulletins
faisant connaître les travaux de la Société*
et contenant des conseils sur les semis et les
plantations.
Les adhérents à la Ligue qui n’auraient
pas reçu ces bulletins, sont pr.és de vouloir
bien en informer sans retard M. le Prési
dent de la Ligue du reboisement d’Oran.
Le prochain bulletin con iendra la liste
des graines et des plantes à distribuer à la
fin de l’année 1835.
X
_ On écrit de Paris qu’une nouvelle émis
sion d'obligations des chemins de fer algé
riens avec la garantie de l’Etat va être faite.
Cette fois c’est de la compagnie de l'Ouest-
Algérien qu’il s’agit. L’affaire est sans nul
doute, excellente pour les actionnaires com
me pour les nouveaux obligataires de cette
compagnie.
X
D’après la Kabylie , les travaux de cons
truction du chemin de fer de Bougie à Benf-
Mansour subissent eu ce moment un léger
temps d’arrêt ; les travaux de terrassement
du premier lot, c'est-à-dire de Bougie à la
Réunion sont-à peu près terminés ; on tra
vaille activement à achever les travaux d’art.
Bientôt la construction de la gare de La
Réunion sera entreprise.
X
Voici la nomenclature des ligQes ferrées
algériennes actuellement en exploitation :
Kiîom.
Alger à Oran 426
Phiiippeville à Constantine 87
Bône a Guelma gg
Guelma au Kroubs 115
Duvivier à Souk A bras. 32
Souk- Ahras à Si-el-Hemessi 53
Constantine à Sétif 155
Alger à Ménereiile 54
Sétif à Ei-Achir g2
Ei-Gherrah à Batna 80
Ste-Barbe-du-Tiélat à Sidi-bel-Ab-
bès. 25
Sidi-bel-Abbès à Raz-el Ma 100
Senia à Aïn-Témoucbeut 69
Arzew à Aïn-Mokra 32
Total 1.959
Feuilleton de LA DÉPÊCHE ALGÉRIENNE
n° 12.
LA
PAR
Georges OHNET
Carvajan écouta ce que sa femme lui di
sait, en proie à une rage violente qui lui
coupait la respiration. Il lui sembla que,
dans sa télé devenue dure comme de la
pierre, son cerveau était comprimé. Il sentit
ses idées tourbillonner avec une vertigineu
se rapidité. Il resta un moment à regarder
machinalement ses mains qui tremblaient.
Puis, poussant une terrible exclamation, il
éclata •
_ Est-ce que vous croyez que vous allez
vous moquer de moi plus longtemps ? Toi
et ton fils vous m’obéirez, ou vous sortirez
d’ici Je suis le seul maître : personne ne
m’a jamais résisté, et ce morveux me tien
drait tête! Je le mettrai au pas... En-
tends-tu, madame Carvajan?.Je lui cou
perai la crête, à ton coq. Et nous verrons
s’il chantera aussi haut... Ah! tonnerre!
Un bambin, du nez duquel il sortirait du
lait si on le pressait. Et qui veut jouer avec
papa! Malheur à lui !. . Je le chasserai de
la maison... et tout le pays saura qu’il m’a
manqué !
Il parla ainsi pendant longtemps, répan
dant sa colère en paroles violentes, Il terri
fia sa malheureuse femme qui, prise de fiè
vre, dut se mettre au lit. Le lendemain son
état parut grave, et, au bout de la semaine,
elle était à toute extrémité.
Son fils ne.quittait pas la chambre et la
soignait avec un dévouement passionné,
écoutant, plein d’horreur, les divagations
du délire pendant lequel sa mère répétait
toutes les menaces de Carvajan, Un soir,
elle reprit connaissance, et posant une main
glacée sur le front de Pascal qui s’était age
nouillé près de son lit :
— Nous allions nous séparer, mou cher
petit, murmura-1-elle. Ah ! c’est une grande
douleur pour moi... Je t’aime tant !...
Nous avons eu des chagrins, dans ce der
nier temps... Il faut ne point t’en souve
nir. .. Ne fais jamais de peine à ceux qui
sont autour de toi. . La pius grande sa
tisfaction sur la terre, vois-tu, c’est d’être
boa...
Elle eut une faiblesse, et pâlit, comme
pour mourir. Elle revint cependant à elle,
et fit demander son mari. Elle lui parla,
sans que son fils retiré auprès de la fenêtre,
où fleurissaient toujours les plantes préfé
rées, pût entendre ce qu’elle disait. Carva
jan, le visage sombre, écoutait, muet. Enfin
elle fit un signe impérieux auquel il répon
dit en faisant oui. de la tête. Les traits de
la mourante s’illuminèrent!! de joie. Elle se
laissa aller en arrière avec soulagement,
comme si elle avait été débarrassée d’un
poids écrasant. Elle,appela Pascal, et lui
dit :
— Embrasse ton père devant moi...
Le jeune homme, bouleversé par la dou
leur, se jeta avec effusion dans les bras de
sou père, et lui donna deux chauds baisers
que celui-ci rendit d’une lèvre glacée. Sa
sécheresse de cœur lui faisait la bouche plus
froide que celle de la mourante. Puis, Mme
Carvajan ordonna à son fils de se retirer et
resta seule avec le notaire. Le soir, sa fin
parut tout à fait proche. Elle rompit le si
lence qu’elle avait gardé jusque-là, et mur
mura à l’oreille de Pascal :
— J’ai laissé à ton père tout ce dont la loi
me permettait de disposer... Je sais que tu
es en état de faire ta fortune tei-même,..
Et puis c’était le seul moyen de t’assurer la
paix... Carvajan est un homme terrible...
Ne te heurte jamais à lui... L’abandon de
ton héritage sera le prix de ta liberté...
Pardonne-moi de t’avoir dépouillé... Sois
bon dans la vie... Il faut être bon...
Ce fut en prononçant ces douces paroles
quelle mourut. Pascal lui ferma les yeux,
se pencha pour l’embrasser, et, grave :
.
— Sois tranquille, mère, ma part d’héri
tage, ce sera ta bonté...
Et comme si. au seuil de l’éternité où
elle entrait, la morte eût entendu cette pro
messe suprême, sou front pâli, rayonna,
et ses traits resplendirent d’une céleste
beauté.
Le lendemain des obsèques, Jean Car
vajan appela son fils dans le cabinet témoin
de leur premier désaccord, et, la voix sè
che :
— Mon garçon, le malheur qui vient de
nous atteindre, dit-il, va modifier certaine
ment notre existence. Je désirerais, avant
de prendre une résolution, connaître tes
projets.
— Mes projets sont fort simples, mon
père : si vous n’y voyez pas d’inconvénient,
je quittera: La Neuville...
— Tu es libre, répondit Carvajan, dont le
front se plissa au souvenir cuisant de ses
espérances déçues.
— C’est bien... Alors je partirai demain.
— Quand tu voudras revenir... ma mai
son te sera ouverte.
— Je vous remercie.
Pas une parole de plus ne fut échangée
entre eux.
Le lendemain, Pascal s’éloigna, laissant
dans la petite maison de la rue du Marché
Carvajan seul avec sa haine.
En quittant Pasçal sur le plateau qui du
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