Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-12-28
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 28 décembre 1852 28 décembre 1852
Description : 1852/12/28 (Numéro 363). 1852/12/28 (Numéro 363).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
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Identifiant : ark:/12148/bpt6k669875x
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMÉRO 363.
ÊlJIUEAïrXL :, rue «le Walots (Palais-Royal), n. 1©,
B I852>MARDÎ 28 DECEMBRE*
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DEP&RTJSDÎEfflSj
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tableau publié dans le journal, les 10 et
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JOFltNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
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' àM.DBNAiN, directeurl ,
Les annonces sont reçues chez M. PÀMS, régisseur, 10, placé de-la Bourse ; '
et'àu'bureau du journal.
PAIUS, 27 DÉCEMBRE;
Le 23,de ce mois, .ainsi que nous l'ayons
- dit, M. Troplongi premier président de la
cour'de cassation, et M. le général comte
Baraguey-d'Hilliers, vice-président du Sénat;
M. le général comte d'Hatilpoul', grand réfé- ;
rendaire; M. -.le baron Lacrosse, secrétaire
du Sénat \ M. le duc Cambacérès et M. le
général comte Regtiaud de Saint-Jean-d'An-
gély, secrétaires élus, se sont rendus au pa
lais de Compiègne, et ont eu l'honneur de
présenter à l'Empereur le sénatus-consulte
portant interprétation et modification de la
Constitution du. 14 janvier 1852, voté dans
la séance du 23 décembre.
MM. Baroche, vice-président, du conseil
d'Etat; Rouher, président de section, etDe-
langle, conseiller d'Etat, procureur général
à la cour .'de cassation, commissaires qui as
sistaient à cette présentation, ont été enga
gés ainsi que SIM. les membres du bureau
du Sénat, à passer la journée du dimanche
au palais de Compiègne. M. Mesnard,.premier
vice-président du Sénat, retenu à Paris par
une indisposition,-n'avait pu accompagner
ses collègues.
Voici le texte officiel de ce document, pro-
niulgué à là date du 25, décembre :
. - sénatus-çonsiate
Portant interprétation et modification de la
Constitution du 14 janvier 1852.
Art. l M .'L'Ëmpereùr a le droit de faire,
grâce et d'accorder des amnisties.
■ Art. 2. L'Empereur préside, quand il le
juge convenable, le Sénat et le consëil d'É
tat. •
Art. 3. Les traités de commerce faits en
•vertu de, l'art. <3 de la Constitution ont force
de loi pour les modifications de tarif qui y
sont stipulées.
Art. 4. Tous les travaux d'utilité publique,
notamment ceux désignés par l'art. 10 de la
loi du 2.1 avril 1832 et l'art. 3 de la loi du 3
mai 1841, toutes les entreprises d'intérêt gé
néral, sont ordonnés ou autorisés par dé
crets de l'Empereur.
Ces décrets sont rendus dans les formes
prescrites pour les, régie mens d'administra
tion publique.
Néanmoins, si ces travaux et entreprises
ofit pour condition ,des engagëmens ou des
subsides du trésor, le crédit -devra être ac
cordé ou l'engagement ratifié par une loi.
avant la mise à exécution. . •
Lorsqu'il s'agit de travaux exécutés pour '
le compte de l'Etat, et qui ne sont pas de na
ture à devenir l'objet' de concessions,.. les
crédits pegvent être ouverts, en" cas d'ur
gence, suivant les formes -prescrites pour
les crédits extraordinaires : ces crédits se
ront soumis au Corps Législatif dans sa plus
prochaine session. » *
Art. 5. Les dispositions du décret organi
que du 22 mars 1852, peuvent être modifiées
par des décrets de l'Empereur.
Art. 6.: Les membres de la famille impé
riale appelés éventuellement à l'hérédité et
leurs descendais portent "le titre de Princes
français.
; Le fils aine : de l'Empereur porte le titre
de Prince impérial.
Art. .7. Les princes français sont membres
du Sénat et du conseil d'Etat quand ils Ont
atteint l'âge dé dix-huit ans accomplis.
Ils nepeuventy siéger qu'avec l'agrément
de l'Empereur.
. Art. 8. Les actes, de l'état civil de la.Fa-
rbille impériale s'ont reçus par le ministre
d'Etat/et transmis, sur uii ordre del'Émpfc-;
reur, au Sénat, qui en ordonne la transcrip- >.
tion sur ses registres et le dépôt dans ses-
arehives. ' ■'
• Art. 9. La dotation dé la couronne et *|a
liste civile de l'Empereur sont réglées, jrojir'
la durée de chaque règne, par un sénatus-
consultë spécial. ' -
. Art. 10. Lé nombre de sénateurs nommés
directement par l'Empereur ne peut excé
der cent cinquante. *
Art. 11; Une dotation annuelle et viagère
de trente mille francs est affectée à la dignité
de sénateur.
Art. 12. Le budget des dépenses est pré
senté au Corps, Législatif avec ses subdivi
sions administratives, par chapitres et par ,
articles.
Il est voté par ministère.
La répartition par chapitres du crédit ac
cordé pour chaque ministère est réglée par
décret de l'Empereur, rendu en conseil d'E
tat.
Des décrets spéciaux, rendus dans la mê
me forme,., peuvent autoriser des viremens
d'un djapiive ^rtn mitre; Cette disposition
est applicable au budget de l'année 1853.
"Art. 13, Le compte-rendu prescrit par
-l'art. 42 dé la Constitution est soumis,avant
sâ publication, à une commission composée
du président du Corps Législatif et des pré-
sidens de chaque bureau. En cas de partage
d'opinions, la voix du président du Corps
Législatif est prépondérante.
Le procès-verbal de séance, lu à l'Assem
blée, constate, seulement les opérations et
les votes du Corps Législatif.
Art. 14. Les députés au Corps Législatif
reçoivent une indemnité qui est fixée à deux
mille cinq cents francs par mois, pendant la
durée de chaque session ordinaire ou extra
ordinaire.
Art. 15. Les officiers générauxplacés dans
le cadre de réserve peuvent être membres
_d,u Corps Législatif. Ils sont réputés démis
sionnaires s'ils sont employés, activement,
conformément à l'art. 5 du décret du 1 er dé
cembre 1852, et à l'art. 3 de la loi du 4 août
1839. , -
, Art. 16. Le serment prescrit par l'art. 14
de la Constitution est ainsi conçu : « Je jure
obéissance à la Constitution et-fidélité" à
l'Empereur. »
Art. 17. Les art. 2, 9, 11,15, 16,17,18,
19, 22 et 37. de la- Constitution du 14 janvier
18^2. sont abrogés.
; : Fait au palais du Sénat, le 23 décembre
1832. ... - .. i
. Nous empruntons à l'ouvrage de M. de
la Guéronnière un chapitre complet, dont
le titre suffit à faire apprécier l'importance
' et l'opportunité.
L'Empire p«ut-il amener la guerre?
L'Empire est proclamé. Nous avons dit ce
qu'il sera vis-à-vis de la France, de la civili
sation, de la religion et de la société. Exa
minons maintenant ce qu'il doit être vis-à-
vis de l'Europe..
Il y à un mot. auquel on a long-temps
pensé ' malgré soi quand on parlait de l'Em
pire ; un mot qui heureusement ne se dit
plus depuis le mémorable discours de Bor
deaux, mais qui s'est ~murmuré pendant
^quelques jours comme une confidence et,
une inquiétude, et comme une rumeur de
quelque grande crise (jpropéenne prêle à
faire trembler l'Europe.
Ce mot, c'est : la guerre ! '
Aurons-nous la guerre? Un nouveau trai
té de Pilnitz- va-t-il se signer contre la
.France 1 L'Europe est-eile à la veille d'une
.conflagration générale"? Sommes-nous en
il804 ? Ne craignons pas de poser ces ques
tions. Nous pouvons les résoudre, -non par
■des argumens, mais-par des faits.
Il faut c^ux choies pour faire la guerre :
une cause et un but. .
' Quelle est la cause, quel serait le but ?
S'agit-il de remanier la carte du monde?
Y a-t-il une. succession d'empire à dispu
ter entre deux trônes? Y a t-il une in
fluence à. sauvegarder sur un continent
ou sur un océan? L'Angleterre veut-elle
dominer l'Egypte? La Russie veut-elle ab
sorber la Turquie? La Prusse s'avance-t-eJle
déjà vers Neuchâtel ? L'Autriche entend-elle
nous expulser "de Rome? Non. Rien de sem
blable, n'apparaît à l'horizon. Tout est calme
et stable. Aucune ambition ne s'impose. Les
gouvernemens européens, plus ou moins
troublés par l'orage qui a passé sur les peu
ples, ne demandent qu'à vivre tranquilles
; dans l'inviolabilité de leur droit et dans la
sécurité de leur forcé. - . ' -
Pourquoi donc l'Europe songerait-elle à
faire la guerre? 7
Nous ne savons pas l'avenir que Dien
réservè'à notre patrie. Mais, quel que = soit
cet avenir, nous croyons qu'il faut le déga
ger de certaines craintes et de certaines pré
cisions. Non, il n'est pas possible que la
; France ait jamais à prévoir ou à craindre une
agression de l'Europe, à propos de l'exerci
ce légitime de sâ souveraineté. Quoi que dé
cide cette souveraineté, elle est inviolable
à l'étranger : qu'elle consacre la république'
ou qu'elle la répudié; qu'elle écussonne son
gouvernement'd'ùùe aigle où d'une fleur de
lis, elle' n'a de compte à rendre à personne,
et personne n'aurait l'audace de lui en de
mander. Il n'y à pas, de traité qui 'puisse
prévaloir contre ces maximes, qui sont les
traités imprescriptibles de l'indépendance et
de la dignité d'un peuple.
" Est-ce d'ailleurs bien sérieusement que
l'Europe pourrait invoquer les traités de
1815 contre la France, à propos de l'usage
qu'il lili plairait de faire un jour ou Tau- ,
tre, pour telle ou telle cause, de son droit
de souveraineté^? Quelle est donc.Ja
leur politique'-de ces-"fameux traites? Pour
l'apprécier sérieusement-, il faut se ren»
porter aux circonstances qui les ont ame-'
nés, et à l'époque dont ils marquent lef
caractère. Alors l'Europe sortait 'd'un long
ébranlement ; toute son organisation an
cienne avait'été bouleversée par la révo
lution française et par l'Empire. Napoléon
avait changé les frontières, détrôné les dy-
nastiès, institué des rois, distribué des na
tionalités, et arrangé les territoires et les
Etats sous sa: main, comme. les pièces d'un
échiquier qu'il plaçait et déplaçait à son!
gré. Le vieujc droit avait disparu ;"il ne res- ;
tait plus que le droit de la souveraineté et •
que la gloire française incarnée dans un j
homme.
Quand le géant toirfba sous l'effort de lous
ses ennemis coalisés-et dans la lassitude de !
la France elle-même fatiguée de gloire, il y
eut contre lui.une réaction immeuse de tou- <
tes les,forces, de toutes les prétentions, de i
toutes les traditions qi.nl avait humiliées,
renversées et déracinées. A la guerre- univer- i
selle dont il fut le héros, succéda la monar-..?
chie universelle dont les traités de 1815 fu- '
rent le litre. Lès rois, qui avaient été entraînés -
par la solidarité de leurs principes, s'unirent ;
par la solidarité de leur intérêt. 11 fut en- s
tendu qu'ils se prêteraient mutuel appui, et '
qu'aucun d'eux ne serait menacé dans son
droit sans être aussitôt protégé par tous.
1 La Restauration allant, pour son propre
compte et pour celui dé l'Europe, rétablir ?
Ferdinand VII ,à l'Escurial, ne faisait que
se conformer strictement aux traités de
1815. La guerre d'Espagne ne fut pas seu
lement une guerre française et bourbon-
n.ienne, elle fut avant tout une guerre mo
narchique. '
Il est évident que si, à cette époque, là
veuve de Napoléon, rejetant avec mépris sa
couronne ducale, avait eu assez d'audace
pour venir chercher en France la couronne
impériale de'son fils, et assez.de prestige et
de bonheur pour réussir, une troisième coa
lition et une troisième invasion devenaient
inévitables. L'Europe,reconstituée dans son
intégrité monarchique, ne pouvait pas lais
ser se relever ce nom de Bonaparte qui était
pour elle une terreur et une menace. Il y
avait un Waterloo inévitable au bout de
chaque retour de l'île d'Elbe.
Mais cette, intégrité monarchique, que
'l'Europe avait ^reconstituée par les traités
de 1815, existe-t-elle aujourd'hui? L'hé
ritier de Louis XVIII est-il aux TuilenesY
La Belgique est-elle restée sous le sceptre
des Nassau? La loi salique a-t-elle été res
pectée en Espagne ? De quel droit voudriéz-
vous donc imposer à la France' le respect
des traités de 1815, dans une disposition
tout accidentelle, quand vous les avez aban
donnés dans leur principe et dans leur es
prit? - - . ^
. CommentMa monarchie française est tom
bée, tombée deux fois, en 1830 et en ! 848, la
première fois dans son droit traditionnel ét
la seconde fois dans son droit cpnstitution-
nel, et vous n'avez rien dit ! Comment ! la
Belgique s'est révoltée contre son souverain;
elle a rompu le lien qui l'unissait à la Hol
lande ; elle s'est donne un roi et des institu
tions qui lui convenaient, et vous n'avez
rien dit !
Comment ! l'Espagne a changé la forme,
de son gouvernement; elle a fait en 1833 ce
-qu'on ne lui'avait pas laissé faire en 1823;
jelle a jeté à l'exil un droit et une dynastie^
elle a recueilli une couronne de la iriafn
défaillante d'un roi mourant, pour là placer,
par la main d'une mère etpar l'audace d'une
révolution, &r le front d'un enfant, et vous
n'avez rien dit !
• Vousavezlaissédécbirer ces traités, et vous
voudriez aujourd'hui en recoudre les lam
beaux pour mettre la France en interdit et
sa souveraineté en servitude? Vous ne le
voulez pas. Vous ne.le pouvez pas !
-L'Europe ne veut pas faire la guerre. Sa
sagesse le lui défend.
L'Europè ne peut pas faire la guerre. Soii
intérêt le lui commande.
Elle ne le veut pas; elle ne le' peut pas :
voilà la double garantie de la paix.
Et en effet, si l'Europe avait voulu et avait
pu faire la guerre, elle n'aurait pas attendu
.jusqu'à ce jour pour réclamer le respect des
traités de 1815. •/ s
Elle l'aurait faite en 1830j quand la vieille
monarchie s'écroulait, quand la Belgique se
soulevait, quand la Pologne se relevait,
quand l'Italie renaissait. ■ ■
Elle l'aurait faite en 1848, quand les mo
narchies constitutionnelles elles -mêmes dis-
-paraissaient, quand rémeùtc.brûlait le trône
sur la place de la Bastille; et quand la répu-
li'iquP établie, à l'I-Iôtel-de-Villo apparaissait
î.rcv.îÇdu liaut-dcson balcon, comme nae
1 menacé',' - et aux peuples comme une espé-
■ rance. ! .
L'Europe n'a pas fait la guerre à ces deux
: dates mémorables de l'ébranlement monar-,
chiquo, qui fut aussi l'ébranlement, social.
! Elle est restée dans l'attitude de l'expectative
et de la prudence ; elle n'a pas voulu mettre
le feu au monde et j'oûer une partie de dé
sespoir dans une lutte suprême. Elle a té
moigné ainsi de sa haute sagesse. L'histoire
le dira et l'honorera pour celte conduite, qui,
a sauvé la société, et la civilisation.
Certes, si l'Europe avait voulu ..'ou pu
. faire la guerre, l'occasion était belle à
ces deux époques, surtout en 1848. Jamais
prétexte plus légitime ne fut donné à ses
défiances. Avons-nous besoin de rappeler
3ue M. Ledru-Itollin gouvernait àl'llôtel-
e-Ville; que M. Louis Blanc prêchait au
Luxembourg;, que les clubs débordaient de
haines et de vengeances; que les Polonais,
les Italiens, les Allemands organisaient pu
bliquement la propagande; que Paris tout
entier ressemblait à un camp d'où la ré
volution allait s'élancer sur le monde pour
le soulever? Avons-nous besoin de rap
peler cette aventure ,de Risquons- Tout,,
qui : montrait la main d'une fraction du
gouvernement dans la complicité d'une at
taque odieuse contre un peuple allié? L'Eu-,
ropa resta immobile, l'arme au bras, de
vant cette situation; elle attendit que la
■ France réagît par son seul bon .sens et son
-s^-àftérèt, contre ces exr&^et ces folies.
Qùdiit aux traités de 1815, 'il n'en fut pas
question. Il s'agissait bien alors de la lettre
. d'un traité! il s'agissait de la vie et du salut
des peuples !
La >guerre, c'est la révolution ! Voilà ce
qui là rend impossible pour l'Europe. Cha
que gouvernement européen a en lui-mê
me -une .cause de perte qui doit être une
raison de prudence. L'Autriche est placée
entre l'Italie et la Hongrie. La Prusse touche
aux provinces rhénanes. La Russie a une
Pologne attachée à son: flanc, selon la
belle expression de M. Berryer, et l'Angle
terre porte l'Irlande comme un fardeau et
comme un r'emords. Ce n'est que par la paix
que tous ces peuples peuvent être contenus
dans leur essor île nationalité et dans leur
clan de liberté: Au prunier coup de canon
tiré sur le Rhin, ils se relèveraient de leur
•servitude, et nous verrions inévitablement
se former la coalition de l'esprit français
contre l'esprit européen.
Nous ne voulons pas jouer cette partie
désespérée. Dieu nous garde d'éprouver à
ce prix la force invincible du droit nou-
■ veau- djont la Frauce porte le drapeau. La
propagande violente a fait son temps. Ce
n'est plus par des victoires que la France
doit éblouir les peuples. C'est par ses'institu-
; tipnsetparleprogresdontelleestl'initiat -riCG,
t- qa'elle^-doitles rallier et les attirer. Noussom-
: mes convaincu que le prince qui la gouverne
n'a pas d'autre ambition. Après unNapoléon
de la Conquête, il-n'y a plus de place que pour
un Napoléon delà paix.L'Eurapele comprend
déjà, nous en avons la certitude, et elle sait
que, dans ce grand nom qu'elle retrouve au
sommet de son pouvoir après une longue
éclipse, il n'y a que la manifestation der la
souveraineté d'un grand peuple, qui, vou
lant être respecté de tous, ne veut opprimer
personne.
L'Empereur est attendu aux Tuileries ce
soir vers minuit.
Une grande chasse a dû avoir lieu aujour
d'hui à Compiègne, si le temps l'a permis.
- Le prince Jérôme, parti de Paris à trois
heures, était arrivé à Compiègne hier vers
. six heures.
Le prince Jérôme, M. Fould, ministre
d'état et de la maison de l'Empereur, et
M. Baroche, partis de Compiègné à une
. heure, sont de,retour à Paris.
M. Jervis d'Atouguia, ministre des affaires
étrangères de S. M. la reine de Portugal,
dans sa réponse à la- notification,de l'avène
ment d.e l'Empereur des Français, a exprimé
la yiye satisfaction que S. M. T. F. en avait
éprouvée, et il a annoncé l'envoi immédiat
de nouvelles lettres de créance au ministre
de Portugal à Paris. . >
Lorsqu'après 1848, il fut résolu que la rue
de Rivoli serait prolongée jusqu'à l'Hôtel-de-
-Ville, on s'était arrêté à un plan d'après le
quel celte rue ne serait continuée en arcades
que jusqu'à la rue de Rohan, et les proprié
taires des terrains bordant la rue avaient,
été autorisés à construire sans être astreints
à un plan de façade uniforme ; c'est ainsi
■que l'es maisons fas^ki" l'angle.da.la.place
ctu Palais-Royal et dtfid rue de Valois-Bata-
ve ont été bâties de manière à former la plus
étrange disparate.
Pendant-cetémpSi là résolutioïi dejoindre
le Louvre aux Tuileries était arrêtée et en
trait en exécution. On reconnut bientôt la
faute qui avait été faite, et. l'administration
municipale décida que les-arcades seraient '
continuées depuis le point où elles s'arrêtent,-
près le passage Delorme, jusqu'à la rue des
Poulies. . :
, L'affaire aétésoumis'e au conseil d'Etat, et '
l'Empereur asigué, le 23 de ce mois, àCom-.
piègne, le décret suivant': '
Art. 1 er . Est déclaré d'utilité publique l'achè-
vement de la rue de Rivoli, en face du Louvre, à
partir de la rue* de la Riwfothèque jusqu'à la riie
darrêtés conformément aux Jignes rouges; du plan
ci-annexé.
Est également déclarée d'utilité publique, la
construction de maisons uniformes avec arcades-
sur la partie de ladite rue de Rivoli comprise en
tre le 'passage Delorme et la rue des Poulies,.'
ainsi que sur les deux côtés delà place du. Palais-
Royal. '
Art. 2. Le préfet de la Seine, agissant au nom '
de la ville de Paris, est, en conséquence, autorisé '
à acquérir, soit à l'aniiable, soit par voie d'expro
priation, conformément àla loi du 3 mai 1841 :
.1° Les maisons dont l'occupation est nécessaire ;
pour l'achèvement 4e la rue; conformément au ;
plan arrùté ;
2° Les 'immeubles désignés au plan par une
teinte jaune, et sur lesquels les propriétaires se
refuseraient à élever dos constructions suivant le
mode déterminé par l'art, i".
Art. 3. La dépense d'exécution de ce projet sera
supportée, par moitié, entre l'Etat et la ville de
Paris, pour la partie comprise entre la rue de la
Bibliothèque et la rue des Poulies. Pour le surplus,
l'Etat prendra à sa charge les deux tiers, et^la ville
un tiers, conformément aux bases posées par la
loi du 4 octobre 1849. Les terrains appartenant, '
soit à la ville, soit à l'Etat, seront, do part et d'au-'
tre, livrés san3 indemnité et n'entreront point en
compte.
Il avait été question de continuer jusqu'au
quai le système de constructions avec arcades
enrétour de la place du Louvre, faisant face à
la colonnade; mais rien n'est encore arrêté-à
ce sujet. .Divers alignemens • ont été. pro
posés. Plusieurs plans de façade sont mis en
avant. On parle de propositions faites à la
ville pour l'exécution de cet alignement,,
moyennant la concession,de certains établis-
t semens publics, et entr'autres d'un théâtre.
"Cequi est certain, c'est qué l'état de choses
actuel ne peut être maintenu. On sait que
plusieurs maisons vers le quaise trouvent en
quelque sorte*enterrées,et la commission de
la ville de Paris sera appelée très prochaine
ment'à se prononcer sur cette question im
portante d'édilité publique. L.- Boîsiface.
DU COMMERCE DE L 'EGYPTE.
L'Egypte a le droit d'exciter-notre atten
tion et nos sympathies. Nos armes y ont
laissé, soit aux temps des Croisades, soit à
l'époque contemporaine, de glorieux souve
nirs, et la civilisation qui s'y est développée
récemment est fille de la nôtre. La conquête
française, si brillante et si rapide,n'y a été que
passagère; mais Jelle a,semé sur cette terre
antique les germes d'une régénération so
ciale et politique. Un homme d'élite, Me-
hemet-Ali, a eu le mérite de prendre l'ini
tiative d'une réforme inspirée par nos exem
ples et par nos aqtes. Nous n'avons pas
besoin de rappeler quel rôle important
l'élément français a joué dans ce travail
rénovatjjjyr. C'est un de nos compatriotes,
un vétéran des armées impériales, qui a
organisé les troupes égyptiennes. La jeu
nesse studieuse de l'Egypte est venue
s'instruire dans nos écoles, pour rem
plir dignement des fonctions dans l'admi
nistration, dans la judicature, dans l'armée.
Au .point de vue politique et commercial en
fin, nos relations amicales avec l'Egypte ont
la plut haute gravité. -
. Nous voulons nous occuper aujourd'hui
de n os rapports'commerciaux avec l'Egypte.
Pour parvenir à des résultats exacts, nous
avons cçnsulté des documens dont l'authen
ticité n'est pas douteuse, et qui nous permet
tent de-retracer le tableau du commerce;
d'exportation gt d'importation-dans la vice-
ijjoyauté égyptienne. Notre négoce y pour
ra puiser, nous le croyons, ées indicatioosr
utiles. Selon nous, : le commerce français;
a hesom d'être conseille^ et: guidé, ûîi l'à,
vu trop souvent tantôt timide et tantôt- té->
méraire dans ses spéculations 1 . Il n'a'pas,
cette sage audace, cette ardeur réglée, cette t
patience opiniâtre qui distinguent • le com-..
merce anglais ou américain.. Pour lui,'
: le ! découragement suit .de près l'engoû-
ment, et il ne- connaît pas assez le pou- ;
voir .de la. persévérance pour dompter les.
résistances ef .pour surmonter les obsta
cles. Le meilleur moyen de le- stimulery
c'çst de lui fournir des renseignemens pré
cis sur les tentatives des puissaiiçes rivales, j.
de lui apprendre, par çe que font les autres,'-
ce qu'il peut faire lui-même. La .publicité ne >
saurait remplir une plus noble tâche que,
celle de faciliter par. ses recherches:les en^i
treprises du commerce national, ' /
Parlons d'abofd du commerce extérieur
de l'Egypte. Voici ^queL a été, depuis dix.--
ans/de 1841 à 1851, lë mouvement général '
des exportations ; ■
1841 Export, (en piastres d 'Egypte). .198.270.150,
■1842 —- 180.446.600
1843 y — • — — 191.538.400
1844 — , — t? '- 167.868.4S0
11845 • Î- — 185.782.200
ÏÎ846. — _ 187.311.080'
1847 — — — 301.343.500
1848 — — 157.256.546
1849 — —r — 203:056.232
1850: —. — — 315.357.860
1851 — g- . — 325.804.695
On voit que le commerce extérieur, de l'E
gypte, à peu près stationnaire -de 1841 à
1848, a pris un développement considérable
de 1849 à 1851,sfrus l'administration du vice-
roi actuel. Il ne faut pas se préoccuper de
•l'année 1847, année exceptionnelle, où la
pénurie des subsistances en Europe a donné*
un prix très élevé aux grains provenant.de -
l'Egypte. Ce prix a presque doublé: en effet
pour les blés,et a monté dans une proportion 1
extraordinaire pour les fèves ët p'oar les or- ;
ges. Encore, le chiffre des exportations pour •
cette année n'atteint-il pas le chiffre normal '
des deux dernières, 1850 et 1851. >
Ce progrès de l'Egypte dans son commer- ,
ce extérieur est dû principalement au systè
me de gouvernement qui a prévalu depuis
-la mort de Mehemet-Ali, et qui n'a eu son 1
complet, développement que sous l'adminis-'
tration ixctuelle. A Dieu ne plaise que nous '
parlions autrement qu'avec respect de Mehe
met-Ali, le restaurateur de l'autorité et le *
fondàteur dé l'ordre en Egypte ! Mais, pour
donner une impulsion plus vive au travail,
dans ce pays depuis si long-temps en déca
dence, et qui ne pouvait être régénéré que '
par ; une main de fer, Mehemet-Ali avait
"dû avoir recours au monopole. C'était lui '
qui achetait des fellahs-les productions dtx '
sol, et qui • les c édait à un petit nombre de
courtiers étrangers placés autour du souve
rain, et à qui .l'on donnait le nom de favoris;
Des abus assez graves avaient été la consé
quence de ce régime. Parfois, des affaires 1
importantes avaient été annulées par suite
des réclamations énergiques des consuls. 1
Toutefois, Mehemet-Ali restait profondément
attaché au système|du monopole. Dans sa pen
sée, si l'on eut adopté un système contraire, '
le fellah, qui ne serait plus sous la pression '
du pouvoir, retournerait à son inso'uciancë *
d'autrefois, se contenterait d'amasser des
provisions proportionnées à ses besoins et
ne produirait rien ou presque rien aû-
delà. L'esprit absolu du maître ne pou
vait consentir à la renonciation d'un
privilège qui semblait augmenter sa for
ce d'action sur ses peuples. D'ailleurs,
des raisons politiques venaient fortifier les
répugnances de Mehemet-Ali pour l'affran- '
chissement du commerce. L'Angleterre, qui '
tendait évidemment à' affaiblir l'Egypte,,
s'était prononcée contre le monopole, et 1
avait tout fait pour en amenèr l'abolition. 1
C'était une raison pour frlehemet-Ali d'y: :
tenir d'autant plus. Aussi,bien que le principe '
tmssm
msm
FEUILLETON DO CONSTITUTIONNEL, 28 DÉCEMBRE.
ilEVUK MUSICALE.
T hêatee lybique : Tnbnrin, opéra-comique en deux
actes, paroiesde.MM.Albûise et Androl, musique de
M. Georges Bousquet. — théâtres ctbangebs. —
société s\intb-cécile : Concert en-dehors de l'a
bonnement, cotLsacré à l'exécution d'aiuvres nou
velles des compositeurs contemporains.
Nous disons donc, Tabarin, mon ami, que
nous sommes bien malheureux! Nous avons
de l'esprit, de la verve, idé la saîté, du gé
nie; nous faisons là pluie et 1-e beau temps,
Ie'nre et les larmes.; nous ameutons, par
l'irrésistible puissance, de nos facéties su
blimés, de nos lazzis merveilleux, upe foule
enthousiaste èt bigarrée; nous trônons sur
lé Pont-Neuf avec le grand Béarnais, et à nous
deux nous partageons l'admiration, la recon*
naissance et l'es très humbles réçpects-du bon
peuple de Paris, nous, sur nos tréteaux^ Hen
ri ivsur son clievaï. Nos saillies; font rire aux
éclats,nos mots pénètrent comme "une làme
barbclee, qu'on ne peut plus arracher de la
blessure. A nous liji gloire, à nous les hon
neurs, à nous les. applâudïssemensJ Les'cent
trompettes de la Renommée cornent déjà le
nom du grarid Tabarin, père de la farçe, roi
de la parade^ précurseur de la comédie, de
Tabirin qui aplanit la route- à Molière, et
qui aura rhOiUK-ar insigne d'être cité par
Di>ii-jau.
Et pourtant nous ne sommes pas heureux,
mon pauvre TaÇaïin ! Que nous. maiiqu,e-t-il
donc'? "Peu de cliôse/ une bagà'teïle,"presque
rien : il nous manque le capital, l'infâme ca
pital ! Ah ! si ces quatre planches, ces tré
teaux, ces lambeaux de serge verte et
cette souquenille usée et trouée étaientseu-
lement à nous; si nous étions, rien que pour-
quelques mois, rien que pour quelques
jours, un saltimbanque établi, un paillasse
indépendant ! Comme, nous ferions vite for
tune et comme nous irions vivre de nos re
vends dans quelque jolie maisonnette sur
les bords de la Seine', "avec la jeune Fran-'
■cesquine, qui serait alars Mme Tabarin!
Mais, ô misère, ô désespoir ., ô exécrable
exploitation de l'homme par. l'homme!
N'ayant pas un sou vaillant pour avancer la
première mise de fonds, il a bien fallu nous
associer avec un Mondor (joli nojn, n'est-ce
pas? nom prédestiné pour un capitaliste), et
nous voilà l'esclave, l'instrument,, la chose
du sieur Mondor, un empirique, un arra
cheur de dents, un coupeur de bras et de
jambes, qui vend ses détestables drogues
vingt fois plus qu'elles ne valent, taudis
que Tabarin fait la parade et amuse les ba
dauds,;
Mais 11 me semble, n'en déplaise aux deux
auteurs de l'estimable pièce que je vais avoir
l'honneur de vous raconter, il me . semble
que ce Mondor,. puisque Mondor il y a, ne
mérite pas . tous les sarcasmes, loûs les mé-
Eris, toutes les malédictions dont on l'accà-
le. Car enfin, sans son appui, sans l'argent
qu'il a loyalement mis en jeu^-sans tous les
soins qu'il prend de l'entreprise, sans toutes
les peines qu'il se dos me pour f-iire aller le
spectacle, que serait devenu Tabarin ? C'est
un charlatan, dites-vous, que ce Mondor,-
une sorte de vétérinaire gonilé d'orgueif et
pétri de sottise, un coupeur de bras et .de
jambesJ Ah ! qu'il aurait bien fait de couper,
par ci par là, quelque, scène parasite et quel
que détail inutile. Votre parade, Messieurs,
ne s'en serait que mieux portée. • :
En fin de compte, il est vrai que Tabarin
travaille, qu'il compose et qu'il joue, mais
l'autre a tous les risques, tous les frais, tous
les déboires. Il a le loyer de la place, et la
•troupe à payer, qu'il pleuve ou qu'il fasse
clair de lune, et les vieux tapis à repriser,
et les chiffons, les feutres, les pourpoints,
les vieilles chausses, les vieilles plumes, les
vieilles épées à remplacer, à repasser ou à
mettre à neuf, et le blanc d'Espagne, el le
rouge, et la baraque, et les chandelles .10
Tabarins ! que vous êtes souvent injustes à
l'égard de vos Mon dors! ï
Je soutiens qu'il n'y a pas deux hommes
de cette nature et de cette profession qui
.aient un meilleur cœur, et des procédés plus
honnêtes que ce chirurgien tant calomnié.
Qutexige-t-il de Tabarin '! qu'il ne se grise que
trois fois par jour, qu'il flâne dix ou douze
heures, qu'il en dorme-, autant, mais qu'il
soit exact au moment de la parade; qu'il
ne fasse pas manquer le spectacle par sa
faute, et qu'il n'oblige pas le pauvre entre
preneur à coller sur les tréteaux une bande
de sinistre augure avec ces mots désobli-
geans : « Relâche par indisposition de Taba
rin. » Est-ce trop demander à un artiste? No
tez qu'il lui a prêté cent écus, ce qui n'est
point dans l'habitude, de Mondor ., sans le
moindre intérêt ; notez encore qu'il ne le
tourmente pas, ne le menaco pas de le jeter
en prison, et lui ofLo, au contraire, un
moyen simple et commode de s'acquitter.
La fête du roi va avoir lieu dans quelques
jours. Tabarin n'a qu'à écrire une de ces
farces qu'il écrit si bien, et il ne sera plus
question de la dette.
Mais Tabarin est paresseux, il est ivro
gne, il passe la moitié de sa vie au cabaret,
et l'autre partie à courir après sa fran-
cesquine. Pour comble de folie, il s'es't en
tité de cette fille, et il veut l'épouser. Voilà
un beau mariage de la faim et de la soif,
et que le Mondor a raison de s'y opposer
de' tout son pouvoir J Tabarin daigne enfin
se'metlre au travail. Il n'écrit pas, il dicte,
comme César, Comme Richelieu, comme Vol
taire, et ici nous assistons à la plus jolie
scène du monde. Ah! que je connais bien
cette méthode et que c'est une réjouissan
te chose à contempler qu'une feuille de pa
pier blanc quand on est pressé, qu'on a la
migraine et que les idées ne viennent pas !
.... — Ecris, dit Tabarin, -se grattant le
■ front" comme un poète dans le feu de la com
position, -
— Je suis prêt, dit le secrétaire; '
— Nous allons nous occuper d'abord du
scénario. —
— Fort bien, dit Petit-Pierre (c'est le nom
du secrétaire de Tabarin).
— Ecris... Tifagne est amoureux.
—\Tifagne est amoureux... c'est écrit.
Mais Francesquine regarde son amant
d'âne façon si tendre et si agaçante,'que le
pauvre diable n'y tient plus. Il plante là son
scénario et son secrétaire,, s'avance à pas'
de loup vers sa maîtresse, lui parle une
heure ou deux de' son amour , et quand
Francesquine elle-même lui fait remarquer
avec douce'ur qu'il- oublie son travail : Ah !
c'est vrai, dit-il- - Où en sommes-nous, Petit-
Pierre?
Tifagne est amoureux, dit le copiste.
Si bien que, lorsque le moment arrive de
livrer la farce, il n'y a que trois mots d'écrits*
Le Mondor furieux refuse, comme de raison,
de consentir au mariage. Voilà Tabarin me
nacé de rester garçon comme ses ancêtres,
lorsqu'un jeune et beau gentilhomme lui
frappe amicalement sur l'épaule, et lui don
ne une bourse contenant les cent écus dont
il a besoin. Méfiez-vous de l'argent gagné.trop
facilement. Ne valait-il pas mieux travailler
pour cet honnête Mondor ? Le gentilhomme
av parié de se payer sur la femme des avan
ces qu'il vient de faire au mari. Voilà Je su
jet de la farce, tout trouvé. Tabarin fait
comme beaucoup d'auteurs et dë romanciers
de notre temps, il raconte sa propre histoire,
il met à nu son cœur et ses plus intimes souf
frances, et il obtient (c'est une justice à ren
dre au public) un immense -succès'd'hilarité..
Cependant Francesquine n'a point failli, c'est
la perle des honnêtes femmes, et son mala
droit séducteur en sera pour ses écus. -
-'M. Alboize avait déjà publié je ne sais
plus dans quel recueil une nouvelle intéres
sante sur Tabarin. De. cette nouvelle il vient
de faire une pièce qui, à. défaut de nou
veauté, a le mérite d'offrir non nombre de
situations dramatiques et musicales dont le
•compositeur a profité. On pourrait conseil
ler aux auteurs de semer de quelques traits
d'esprit leur premier acte, mais ils n'ont fait
que copier textuellement deux ou trois ^des
facéties les plus connues de Tabarin. Ils ont
pensé que la fidélité historique devait passer
avant tout. - ■ -
M. Georges Bousquet, musicien très sa
vant, et qui juge savamment ses confrères
en sa qualité de critique,, a'atpas fait de là
musiqde savante, c'esVa-dire ènnuyeuse. Il a
évité, a\ec soin,l'obscurité, l'affectation, là re
cherche. Sa mélodie est facile et coulante, son
harmonie est correcte et distinguée , sans :
exagération et sans bruit. Quelques morceaux
^ont trop développés; c'est ce qui arrive
quand on écrit la prëmière fois pour la scê- '
ne. On n'a pas encore le coup-d'œil et la jus
te mesure. Mais il est facile d'y remédier,
et, dès la seconde réprésentation , l'aùtëur
s'est èxécuté avec toute la bonne grâce pos
sible. Encore une qualité dont il faut tenir
compte à un critique, ~
L'ouverture n'est composée que de mo
tifs tirés de l'ouvrage même. Il n'est donc 1
Sas nécessaire que je m'y arrête. L'intro-
uctioii est une sorte de chanson à boire
qui ne m'#pas paru bien saillante; mais'
en revanche, le rondo de Tabarin est- bien
joli, et Laurent l'a'fort bien dit. Le qua
tuor : Démon de la magie est doublement re
marquable par la disposition des voix et par
la distinction des accompagnemèns. L'air die
Francesquine : Des fleurs, je vends des fleuré,.
a été très applaudi. Mais le meilleur morceau
de ce premier acte est, à mon gré, le trio co
mique où Tabarin essaie de composér, sapa-
rade. C'est charmant de mélodie, de naturel "
et d'esprit. .
Le duo qui ouvre le second acte a le tort
de rappeler celui du Maître de Chapelle. La
^situation est absolument la même,'et il faut
autant que possible éviter de pareâlés reù-*
contres. L'âriette de Panturot : ces écus, ce
tintin puigique est d'un rhy thme très franc,
ét d'utte harmonie irhitative très bien sai
sie et très amusante. Oh a bûsé.cé m : or-
ceau.Les couplets de Petit-Pierre sont aussi
bien écrits, mais n'ont pas été aussi bien
interprétés. La 'ScèTiê de tréfêsaux est d'un
ÊlJIUEAïrXL :, rue «le Walots (Palais-Royal), n. 1©,
B I852>MARDÎ 28 DECEMBRE*
Prix de l'abonnement.
DEP&RTJSDÎEfflSj
16 fb. pour trois mois. •
1 ' pabjs: . ,
13 ffi. pour trois mois.
UK numéro î 2® centimes.-
jpoch les pats étrangees , se reporter au
tableau publié dans le journal, les 10 et
.25 de chaque mois.
Toute lettre non affranchie sera rigoureusement
. Les articles déposés ne sont pas rendus.
JOFltNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
Cn t'àbohwj demi les departemens, aux Messageries et aux Directions déposée",—A Londres, c /sez -MM. C owie et fits. -
. — A Strasbourg, chez M. ALEXAKDTiE> pouf l'Allemagne.
•S'adresser, iranw,pour l'administration}'*
' àM.DBNAiN, directeurl ,
Les annonces sont reçues chez M. PÀMS, régisseur, 10, placé de-la Bourse ; '
et'àu'bureau du journal.
PAIUS, 27 DÉCEMBRE;
Le 23,de ce mois, .ainsi que nous l'ayons
- dit, M. Troplongi premier président de la
cour'de cassation, et M. le général comte
Baraguey-d'Hilliers, vice-président du Sénat;
M. le général comte d'Hatilpoul', grand réfé- ;
rendaire; M. -.le baron Lacrosse, secrétaire
du Sénat \ M. le duc Cambacérès et M. le
général comte Regtiaud de Saint-Jean-d'An-
gély, secrétaires élus, se sont rendus au pa
lais de Compiègne, et ont eu l'honneur de
présenter à l'Empereur le sénatus-consulte
portant interprétation et modification de la
Constitution du. 14 janvier 1852, voté dans
la séance du 23 décembre.
MM. Baroche, vice-président, du conseil
d'Etat; Rouher, président de section, etDe-
langle, conseiller d'Etat, procureur général
à la cour .'de cassation, commissaires qui as
sistaient à cette présentation, ont été enga
gés ainsi que SIM. les membres du bureau
du Sénat, à passer la journée du dimanche
au palais de Compiègne. M. Mesnard,.premier
vice-président du Sénat, retenu à Paris par
une indisposition,-n'avait pu accompagner
ses collègues.
Voici le texte officiel de ce document, pro-
niulgué à là date du 25, décembre :
. - sénatus-çonsiate
Portant interprétation et modification de la
Constitution du 14 janvier 1852.
Art. l M .'L'Ëmpereùr a le droit de faire,
grâce et d'accorder des amnisties.
■ Art. 2. L'Empereur préside, quand il le
juge convenable, le Sénat et le consëil d'É
tat. •
Art. 3. Les traités de commerce faits en
•vertu de, l'art. <3 de la Constitution ont force
de loi pour les modifications de tarif qui y
sont stipulées.
Art. 4. Tous les travaux d'utilité publique,
notamment ceux désignés par l'art. 10 de la
loi du 2.1 avril 1832 et l'art. 3 de la loi du 3
mai 1841, toutes les entreprises d'intérêt gé
néral, sont ordonnés ou autorisés par dé
crets de l'Empereur.
Ces décrets sont rendus dans les formes
prescrites pour les, régie mens d'administra
tion publique.
Néanmoins, si ces travaux et entreprises
ofit pour condition ,des engagëmens ou des
subsides du trésor, le crédit -devra être ac
cordé ou l'engagement ratifié par une loi.
avant la mise à exécution. . •
Lorsqu'il s'agit de travaux exécutés pour '
le compte de l'Etat, et qui ne sont pas de na
ture à devenir l'objet' de concessions,.. les
crédits pegvent être ouverts, en" cas d'ur
gence, suivant les formes -prescrites pour
les crédits extraordinaires : ces crédits se
ront soumis au Corps Législatif dans sa plus
prochaine session. » *
Art. 5. Les dispositions du décret organi
que du 22 mars 1852, peuvent être modifiées
par des décrets de l'Empereur.
Art. 6.: Les membres de la famille impé
riale appelés éventuellement à l'hérédité et
leurs descendais portent "le titre de Princes
français.
; Le fils aine : de l'Empereur porte le titre
de Prince impérial.
Art. .7. Les princes français sont membres
du Sénat et du conseil d'Etat quand ils Ont
atteint l'âge dé dix-huit ans accomplis.
Ils nepeuventy siéger qu'avec l'agrément
de l'Empereur.
. Art. 8. Les actes, de l'état civil de la.Fa-
rbille impériale s'ont reçus par le ministre
d'Etat/et transmis, sur uii ordre del'Émpfc-;
reur, au Sénat, qui en ordonne la transcrip- >.
tion sur ses registres et le dépôt dans ses-
arehives. ' ■'
• Art. 9. La dotation dé la couronne et *|a
liste civile de l'Empereur sont réglées, jrojir'
la durée de chaque règne, par un sénatus-
consultë spécial. ' -
. Art. 10. Lé nombre de sénateurs nommés
directement par l'Empereur ne peut excé
der cent cinquante. *
Art. 11; Une dotation annuelle et viagère
de trente mille francs est affectée à la dignité
de sénateur.
Art. 12. Le budget des dépenses est pré
senté au Corps, Législatif avec ses subdivi
sions administratives, par chapitres et par ,
articles.
Il est voté par ministère.
La répartition par chapitres du crédit ac
cordé pour chaque ministère est réglée par
décret de l'Empereur, rendu en conseil d'E
tat.
Des décrets spéciaux, rendus dans la mê
me forme,., peuvent autoriser des viremens
d'un djapiive ^rtn mitre; Cette disposition
est applicable au budget de l'année 1853.
"Art. 13, Le compte-rendu prescrit par
-l'art. 42 dé la Constitution est soumis,avant
sâ publication, à une commission composée
du président du Corps Législatif et des pré-
sidens de chaque bureau. En cas de partage
d'opinions, la voix du président du Corps
Législatif est prépondérante.
Le procès-verbal de séance, lu à l'Assem
blée, constate, seulement les opérations et
les votes du Corps Législatif.
Art. 14. Les députés au Corps Législatif
reçoivent une indemnité qui est fixée à deux
mille cinq cents francs par mois, pendant la
durée de chaque session ordinaire ou extra
ordinaire.
Art. 15. Les officiers générauxplacés dans
le cadre de réserve peuvent être membres
_d,u Corps Législatif. Ils sont réputés démis
sionnaires s'ils sont employés, activement,
conformément à l'art. 5 du décret du 1 er dé
cembre 1852, et à l'art. 3 de la loi du 4 août
1839. , -
, Art. 16. Le serment prescrit par l'art. 14
de la Constitution est ainsi conçu : « Je jure
obéissance à la Constitution et-fidélité" à
l'Empereur. »
Art. 17. Les art. 2, 9, 11,15, 16,17,18,
19, 22 et 37. de la- Constitution du 14 janvier
18^2. sont abrogés.
; : Fait au palais du Sénat, le 23 décembre
1832. ... - .. i
. Nous empruntons à l'ouvrage de M. de
la Guéronnière un chapitre complet, dont
le titre suffit à faire apprécier l'importance
' et l'opportunité.
L'Empire p«ut-il amener la guerre?
L'Empire est proclamé. Nous avons dit ce
qu'il sera vis-à-vis de la France, de la civili
sation, de la religion et de la société. Exa
minons maintenant ce qu'il doit être vis-à-
vis de l'Europe..
Il y à un mot. auquel on a long-temps
pensé ' malgré soi quand on parlait de l'Em
pire ; un mot qui heureusement ne se dit
plus depuis le mémorable discours de Bor
deaux, mais qui s'est ~murmuré pendant
^quelques jours comme une confidence et,
une inquiétude, et comme une rumeur de
quelque grande crise (jpropéenne prêle à
faire trembler l'Europe.
Ce mot, c'est : la guerre ! '
Aurons-nous la guerre? Un nouveau trai
té de Pilnitz- va-t-il se signer contre la
.France 1 L'Europe est-eile à la veille d'une
.conflagration générale"? Sommes-nous en
il804 ? Ne craignons pas de poser ces ques
tions. Nous pouvons les résoudre, -non par
■des argumens, mais-par des faits.
Il faut c^ux choies pour faire la guerre :
une cause et un but. .
' Quelle est la cause, quel serait le but ?
S'agit-il de remanier la carte du monde?
Y a-t-il une. succession d'empire à dispu
ter entre deux trônes? Y a t-il une in
fluence à. sauvegarder sur un continent
ou sur un océan? L'Angleterre veut-elle
dominer l'Egypte? La Russie veut-elle ab
sorber la Turquie? La Prusse s'avance-t-eJle
déjà vers Neuchâtel ? L'Autriche entend-elle
nous expulser "de Rome? Non. Rien de sem
blable, n'apparaît à l'horizon. Tout est calme
et stable. Aucune ambition ne s'impose. Les
gouvernemens européens, plus ou moins
troublés par l'orage qui a passé sur les peu
ples, ne demandent qu'à vivre tranquilles
; dans l'inviolabilité de leur droit et dans la
sécurité de leur forcé. - . ' -
Pourquoi donc l'Europe songerait-elle à
faire la guerre? 7
Nous ne savons pas l'avenir que Dien
réservè'à notre patrie. Mais, quel que = soit
cet avenir, nous croyons qu'il faut le déga
ger de certaines craintes et de certaines pré
cisions. Non, il n'est pas possible que la
; France ait jamais à prévoir ou à craindre une
agression de l'Europe, à propos de l'exerci
ce légitime de sâ souveraineté. Quoi que dé
cide cette souveraineté, elle est inviolable
à l'étranger : qu'elle consacre la république'
ou qu'elle la répudié; qu'elle écussonne son
gouvernement'd'ùùe aigle où d'une fleur de
lis, elle' n'a de compte à rendre à personne,
et personne n'aurait l'audace de lui en de
mander. Il n'y à pas, de traité qui 'puisse
prévaloir contre ces maximes, qui sont les
traités imprescriptibles de l'indépendance et
de la dignité d'un peuple.
" Est-ce d'ailleurs bien sérieusement que
l'Europe pourrait invoquer les traités de
1815 contre la France, à propos de l'usage
qu'il lili plairait de faire un jour ou Tau- ,
tre, pour telle ou telle cause, de son droit
de souveraineté^? Quelle est donc.Ja
leur politique'-de ces-"fameux traites? Pour
l'apprécier sérieusement-, il faut se ren»
porter aux circonstances qui les ont ame-'
nés, et à l'époque dont ils marquent lef
caractère. Alors l'Europe sortait 'd'un long
ébranlement ; toute son organisation an
cienne avait'été bouleversée par la révo
lution française et par l'Empire. Napoléon
avait changé les frontières, détrôné les dy-
nastiès, institué des rois, distribué des na
tionalités, et arrangé les territoires et les
Etats sous sa: main, comme. les pièces d'un
échiquier qu'il plaçait et déplaçait à son!
gré. Le vieujc droit avait disparu ;"il ne res- ;
tait plus que le droit de la souveraineté et •
que la gloire française incarnée dans un j
homme.
Quand le géant toirfba sous l'effort de lous
ses ennemis coalisés-et dans la lassitude de !
la France elle-même fatiguée de gloire, il y
eut contre lui.une réaction immeuse de tou- <
tes les,forces, de toutes les prétentions, de i
toutes les traditions qi.nl avait humiliées,
renversées et déracinées. A la guerre- univer- i
selle dont il fut le héros, succéda la monar-..?
chie universelle dont les traités de 1815 fu- '
rent le litre. Lès rois, qui avaient été entraînés -
par la solidarité de leurs principes, s'unirent ;
par la solidarité de leur intérêt. 11 fut en- s
tendu qu'ils se prêteraient mutuel appui, et '
qu'aucun d'eux ne serait menacé dans son
droit sans être aussitôt protégé par tous.
1 La Restauration allant, pour son propre
compte et pour celui dé l'Europe, rétablir ?
Ferdinand VII ,à l'Escurial, ne faisait que
se conformer strictement aux traités de
1815. La guerre d'Espagne ne fut pas seu
lement une guerre française et bourbon-
n.ienne, elle fut avant tout une guerre mo
narchique. '
Il est évident que si, à cette époque, là
veuve de Napoléon, rejetant avec mépris sa
couronne ducale, avait eu assez d'audace
pour venir chercher en France la couronne
impériale de'son fils, et assez.de prestige et
de bonheur pour réussir, une troisième coa
lition et une troisième invasion devenaient
inévitables. L'Europe,reconstituée dans son
intégrité monarchique, ne pouvait pas lais
ser se relever ce nom de Bonaparte qui était
pour elle une terreur et une menace. Il y
avait un Waterloo inévitable au bout de
chaque retour de l'île d'Elbe.
Mais cette, intégrité monarchique, que
'l'Europe avait ^reconstituée par les traités
de 1815, existe-t-elle aujourd'hui? L'hé
ritier de Louis XVIII est-il aux TuilenesY
La Belgique est-elle restée sous le sceptre
des Nassau? La loi salique a-t-elle été res
pectée en Espagne ? De quel droit voudriéz-
vous donc imposer à la France' le respect
des traités de 1815, dans une disposition
tout accidentelle, quand vous les avez aban
donnés dans leur principe et dans leur es
prit? - - . ^
. CommentMa monarchie française est tom
bée, tombée deux fois, en 1830 et en ! 848, la
première fois dans son droit traditionnel ét
la seconde fois dans son droit cpnstitution-
nel, et vous n'avez rien dit ! Comment ! la
Belgique s'est révoltée contre son souverain;
elle a rompu le lien qui l'unissait à la Hol
lande ; elle s'est donne un roi et des institu
tions qui lui convenaient, et vous n'avez
rien dit !
Comment ! l'Espagne a changé la forme,
de son gouvernement; elle a fait en 1833 ce
-qu'on ne lui'avait pas laissé faire en 1823;
jelle a jeté à l'exil un droit et une dynastie^
elle a recueilli une couronne de la iriafn
défaillante d'un roi mourant, pour là placer,
par la main d'une mère etpar l'audace d'une
révolution, &r le front d'un enfant, et vous
n'avez rien dit !
• Vousavezlaissédécbirer ces traités, et vous
voudriez aujourd'hui en recoudre les lam
beaux pour mettre la France en interdit et
sa souveraineté en servitude? Vous ne le
voulez pas. Vous ne.le pouvez pas !
-L'Europe ne veut pas faire la guerre. Sa
sagesse le lui défend.
L'Europè ne peut pas faire la guerre. Soii
intérêt le lui commande.
Elle ne le veut pas; elle ne le' peut pas :
voilà la double garantie de la paix.
Et en effet, si l'Europe avait voulu et avait
pu faire la guerre, elle n'aurait pas attendu
.jusqu'à ce jour pour réclamer le respect des
traités de 1815. •/ s
Elle l'aurait faite en 1830j quand la vieille
monarchie s'écroulait, quand la Belgique se
soulevait, quand la Pologne se relevait,
quand l'Italie renaissait. ■ ■
Elle l'aurait faite en 1848, quand les mo
narchies constitutionnelles elles -mêmes dis-
-paraissaient, quand rémeùtc.brûlait le trône
sur la place de la Bastille; et quand la répu-
li'iquP établie, à l'I-Iôtel-de-Villo apparaissait
î.rcv.îÇdu liaut-dcson balcon, comme nae
1 menacé',' - et aux peuples comme une espé-
■ rance. ! .
L'Europe n'a pas fait la guerre à ces deux
: dates mémorables de l'ébranlement monar-,
chiquo, qui fut aussi l'ébranlement, social.
! Elle est restée dans l'attitude de l'expectative
et de la prudence ; elle n'a pas voulu mettre
le feu au monde et j'oûer une partie de dé
sespoir dans une lutte suprême. Elle a té
moigné ainsi de sa haute sagesse. L'histoire
le dira et l'honorera pour celte conduite, qui,
a sauvé la société, et la civilisation.
Certes, si l'Europe avait voulu ..'ou pu
. faire la guerre, l'occasion était belle à
ces deux époques, surtout en 1848. Jamais
prétexte plus légitime ne fut donné à ses
défiances. Avons-nous besoin de rappeler
3ue M. Ledru-Itollin gouvernait àl'llôtel-
e-Ville; que M. Louis Blanc prêchait au
Luxembourg;, que les clubs débordaient de
haines et de vengeances; que les Polonais,
les Italiens, les Allemands organisaient pu
bliquement la propagande; que Paris tout
entier ressemblait à un camp d'où la ré
volution allait s'élancer sur le monde pour
le soulever? Avons-nous besoin de rap
peler cette aventure ,de Risquons- Tout,,
qui : montrait la main d'une fraction du
gouvernement dans la complicité d'une at
taque odieuse contre un peuple allié? L'Eu-,
ropa resta immobile, l'arme au bras, de
vant cette situation; elle attendit que la
■ France réagît par son seul bon .sens et son
-s^-àftérèt, contre ces exr&^et ces folies.
Qùdiit aux traités de 1815, 'il n'en fut pas
question. Il s'agissait bien alors de la lettre
. d'un traité! il s'agissait de la vie et du salut
des peuples !
La >guerre, c'est la révolution ! Voilà ce
qui là rend impossible pour l'Europe. Cha
que gouvernement européen a en lui-mê
me -une .cause de perte qui doit être une
raison de prudence. L'Autriche est placée
entre l'Italie et la Hongrie. La Prusse touche
aux provinces rhénanes. La Russie a une
Pologne attachée à son: flanc, selon la
belle expression de M. Berryer, et l'Angle
terre porte l'Irlande comme un fardeau et
comme un r'emords. Ce n'est que par la paix
que tous ces peuples peuvent être contenus
dans leur essor île nationalité et dans leur
clan de liberté: Au prunier coup de canon
tiré sur le Rhin, ils se relèveraient de leur
•servitude, et nous verrions inévitablement
se former la coalition de l'esprit français
contre l'esprit européen.
Nous ne voulons pas jouer cette partie
désespérée. Dieu nous garde d'éprouver à
ce prix la force invincible du droit nou-
■ veau- djont la Frauce porte le drapeau. La
propagande violente a fait son temps. Ce
n'est plus par des victoires que la France
doit éblouir les peuples. C'est par ses'institu-
; tipnsetparleprogresdontelleestl'initiat -riCG,
t- qa'elle^-doitles rallier et les attirer. Noussom-
: mes convaincu que le prince qui la gouverne
n'a pas d'autre ambition. Après unNapoléon
de la Conquête, il-n'y a plus de place que pour
un Napoléon delà paix.L'Eurapele comprend
déjà, nous en avons la certitude, et elle sait
que, dans ce grand nom qu'elle retrouve au
sommet de son pouvoir après une longue
éclipse, il n'y a que la manifestation der la
souveraineté d'un grand peuple, qui, vou
lant être respecté de tous, ne veut opprimer
personne.
L'Empereur est attendu aux Tuileries ce
soir vers minuit.
Une grande chasse a dû avoir lieu aujour
d'hui à Compiègne, si le temps l'a permis.
- Le prince Jérôme, parti de Paris à trois
heures, était arrivé à Compiègne hier vers
. six heures.
Le prince Jérôme, M. Fould, ministre
d'état et de la maison de l'Empereur, et
M. Baroche, partis de Compiègné à une
. heure, sont de,retour à Paris.
M. Jervis d'Atouguia, ministre des affaires
étrangères de S. M. la reine de Portugal,
dans sa réponse à la- notification,de l'avène
ment d.e l'Empereur des Français, a exprimé
la yiye satisfaction que S. M. T. F. en avait
éprouvée, et il a annoncé l'envoi immédiat
de nouvelles lettres de créance au ministre
de Portugal à Paris. . >
Lorsqu'après 1848, il fut résolu que la rue
de Rivoli serait prolongée jusqu'à l'Hôtel-de-
-Ville, on s'était arrêté à un plan d'après le
quel celte rue ne serait continuée en arcades
que jusqu'à la rue de Rohan, et les proprié
taires des terrains bordant la rue avaient,
été autorisés à construire sans être astreints
à un plan de façade uniforme ; c'est ainsi
■que l'es maisons fas^ki" l'angle.da.la.place
ctu Palais-Royal et dtfid rue de Valois-Bata-
ve ont été bâties de manière à former la plus
étrange disparate.
Pendant-cetémpSi là résolutioïi dejoindre
le Louvre aux Tuileries était arrêtée et en
trait en exécution. On reconnut bientôt la
faute qui avait été faite, et. l'administration
municipale décida que les-arcades seraient '
continuées depuis le point où elles s'arrêtent,-
près le passage Delorme, jusqu'à la rue des
Poulies. . :
, L'affaire aétésoumis'e au conseil d'Etat, et '
l'Empereur asigué, le 23 de ce mois, àCom-.
piègne, le décret suivant': '
Art. 1 er . Est déclaré d'utilité publique l'achè-
vement de la rue de Rivoli, en face du Louvre, à
partir de la rue* de la Riwfothèque jusqu'à la riie
d
ci-annexé.
Est également déclarée d'utilité publique, la
construction de maisons uniformes avec arcades-
sur la partie de ladite rue de Rivoli comprise en
tre le 'passage Delorme et la rue des Poulies,.'
ainsi que sur les deux côtés delà place du. Palais-
Royal. '
Art. 2. Le préfet de la Seine, agissant au nom '
de la ville de Paris, est, en conséquence, autorisé '
à acquérir, soit à l'aniiable, soit par voie d'expro
priation, conformément àla loi du 3 mai 1841 :
.1° Les maisons dont l'occupation est nécessaire ;
pour l'achèvement 4e la rue; conformément au ;
plan arrùté ;
2° Les 'immeubles désignés au plan par une
teinte jaune, et sur lesquels les propriétaires se
refuseraient à élever dos constructions suivant le
mode déterminé par l'art, i".
Art. 3. La dépense d'exécution de ce projet sera
supportée, par moitié, entre l'Etat et la ville de
Paris, pour la partie comprise entre la rue de la
Bibliothèque et la rue des Poulies. Pour le surplus,
l'Etat prendra à sa charge les deux tiers, et^la ville
un tiers, conformément aux bases posées par la
loi du 4 octobre 1849. Les terrains appartenant, '
soit à la ville, soit à l'Etat, seront, do part et d'au-'
tre, livrés san3 indemnité et n'entreront point en
compte.
Il avait été question de continuer jusqu'au
quai le système de constructions avec arcades
enrétour de la place du Louvre, faisant face à
la colonnade; mais rien n'est encore arrêté-à
ce sujet. .Divers alignemens • ont été. pro
posés. Plusieurs plans de façade sont mis en
avant. On parle de propositions faites à la
ville pour l'exécution de cet alignement,,
moyennant la concession,de certains établis-
t semens publics, et entr'autres d'un théâtre.
"Cequi est certain, c'est qué l'état de choses
actuel ne peut être maintenu. On sait que
plusieurs maisons vers le quaise trouvent en
quelque sorte*enterrées,et la commission de
la ville de Paris sera appelée très prochaine
ment'à se prononcer sur cette question im
portante d'édilité publique. L.- Boîsiface.
DU COMMERCE DE L 'EGYPTE.
L'Egypte a le droit d'exciter-notre atten
tion et nos sympathies. Nos armes y ont
laissé, soit aux temps des Croisades, soit à
l'époque contemporaine, de glorieux souve
nirs, et la civilisation qui s'y est développée
récemment est fille de la nôtre. La conquête
française, si brillante et si rapide,n'y a été que
passagère; mais Jelle a,semé sur cette terre
antique les germes d'une régénération so
ciale et politique. Un homme d'élite, Me-
hemet-Ali, a eu le mérite de prendre l'ini
tiative d'une réforme inspirée par nos exem
ples et par nos aqtes. Nous n'avons pas
besoin de rappeler quel rôle important
l'élément français a joué dans ce travail
rénovatjjjyr. C'est un de nos compatriotes,
un vétéran des armées impériales, qui a
organisé les troupes égyptiennes. La jeu
nesse studieuse de l'Egypte est venue
s'instruire dans nos écoles, pour rem
plir dignement des fonctions dans l'admi
nistration, dans la judicature, dans l'armée.
Au .point de vue politique et commercial en
fin, nos relations amicales avec l'Egypte ont
la plut haute gravité. -
. Nous voulons nous occuper aujourd'hui
de n os rapports'commerciaux avec l'Egypte.
Pour parvenir à des résultats exacts, nous
avons cçnsulté des documens dont l'authen
ticité n'est pas douteuse, et qui nous permet
tent de-retracer le tableau du commerce;
d'exportation gt d'importation-dans la vice-
ijjoyauté égyptienne. Notre négoce y pour
ra puiser, nous le croyons, ées indicatioosr
utiles. Selon nous, : le commerce français;
a hesom d'être conseille^ et: guidé, ûîi l'à,
vu trop souvent tantôt timide et tantôt- té->
méraire dans ses spéculations 1 . Il n'a'pas,
cette sage audace, cette ardeur réglée, cette t
patience opiniâtre qui distinguent • le com-..
merce anglais ou américain.. Pour lui,'
: le ! découragement suit .de près l'engoû-
ment, et il ne- connaît pas assez le pou- ;
voir .de la. persévérance pour dompter les.
résistances ef .pour surmonter les obsta
cles. Le meilleur moyen de le- stimulery
c'çst de lui fournir des renseignemens pré
cis sur les tentatives des puissaiiçes rivales, j.
de lui apprendre, par çe que font les autres,'-
ce qu'il peut faire lui-même. La .publicité ne >
saurait remplir une plus noble tâche que,
celle de faciliter par. ses recherches:les en^i
treprises du commerce national, ' /
Parlons d'abofd du commerce extérieur
de l'Egypte. Voici ^queL a été, depuis dix.--
ans/de 1841 à 1851, lë mouvement général '
des exportations ; ■
1841 Export, (en piastres d 'Egypte). .198.270.150,
■1842 —- 180.446.600
1843 y — • — — 191.538.400
1844 — , — t? '- 167.868.4S0
11845 • Î- — 185.782.200
ÏÎ846. — _ 187.311.080'
1847 — — — 301.343.500
1848 — — 157.256.546
1849 — —r — 203:056.232
1850: —. — — 315.357.860
1851 — g- . — 325.804.695
On voit que le commerce extérieur, de l'E
gypte, à peu près stationnaire -de 1841 à
1848, a pris un développement considérable
de 1849 à 1851,sfrus l'administration du vice-
roi actuel. Il ne faut pas se préoccuper de
•l'année 1847, année exceptionnelle, où la
pénurie des subsistances en Europe a donné*
un prix très élevé aux grains provenant.de -
l'Egypte. Ce prix a presque doublé: en effet
pour les blés,et a monté dans une proportion 1
extraordinaire pour les fèves ët p'oar les or- ;
ges. Encore, le chiffre des exportations pour •
cette année n'atteint-il pas le chiffre normal '
des deux dernières, 1850 et 1851. >
Ce progrès de l'Egypte dans son commer- ,
ce extérieur est dû principalement au systè
me de gouvernement qui a prévalu depuis
-la mort de Mehemet-Ali, et qui n'a eu son 1
complet, développement que sous l'adminis-'
tration ixctuelle. A Dieu ne plaise que nous '
parlions autrement qu'avec respect de Mehe
met-Ali, le restaurateur de l'autorité et le *
fondàteur dé l'ordre en Egypte ! Mais, pour
donner une impulsion plus vive au travail,
dans ce pays depuis si long-temps en déca
dence, et qui ne pouvait être régénéré que '
par ; une main de fer, Mehemet-Ali avait
"dû avoir recours au monopole. C'était lui '
qui achetait des fellahs-les productions dtx '
sol, et qui • les c édait à un petit nombre de
courtiers étrangers placés autour du souve
rain, et à qui .l'on donnait le nom de favoris;
Des abus assez graves avaient été la consé
quence de ce régime. Parfois, des affaires 1
importantes avaient été annulées par suite
des réclamations énergiques des consuls. 1
Toutefois, Mehemet-Ali restait profondément
attaché au système|du monopole. Dans sa pen
sée, si l'on eut adopté un système contraire, '
le fellah, qui ne serait plus sous la pression '
du pouvoir, retournerait à son inso'uciancë *
d'autrefois, se contenterait d'amasser des
provisions proportionnées à ses besoins et
ne produirait rien ou presque rien aû-
delà. L'esprit absolu du maître ne pou
vait consentir à la renonciation d'un
privilège qui semblait augmenter sa for
ce d'action sur ses peuples. D'ailleurs,
des raisons politiques venaient fortifier les
répugnances de Mehemet-Ali pour l'affran- '
chissement du commerce. L'Angleterre, qui '
tendait évidemment à' affaiblir l'Egypte,,
s'était prononcée contre le monopole, et 1
avait tout fait pour en amenèr l'abolition. 1
C'était une raison pour frlehemet-Ali d'y: :
tenir d'autant plus. Aussi,bien que le principe '
tmssm
msm
FEUILLETON DO CONSTITUTIONNEL, 28 DÉCEMBRE.
ilEVUK MUSICALE.
T hêatee lybique : Tnbnrin, opéra-comique en deux
actes, paroiesde.MM.Albûise et Androl, musique de
M. Georges Bousquet. — théâtres ctbangebs. —
société s\intb-cécile : Concert en-dehors de l'a
bonnement, cotLsacré à l'exécution d'aiuvres nou
velles des compositeurs contemporains.
Nous disons donc, Tabarin, mon ami, que
nous sommes bien malheureux! Nous avons
de l'esprit, de la verve, idé la saîté, du gé
nie; nous faisons là pluie et 1-e beau temps,
Ie'nre et les larmes.; nous ameutons, par
l'irrésistible puissance, de nos facéties su
blimés, de nos lazzis merveilleux, upe foule
enthousiaste èt bigarrée; nous trônons sur
lé Pont-Neuf avec le grand Béarnais, et à nous
deux nous partageons l'admiration, la recon*
naissance et l'es très humbles réçpects-du bon
peuple de Paris, nous, sur nos tréteaux^ Hen
ri ivsur son clievaï. Nos saillies; font rire aux
éclats,nos mots pénètrent comme "une làme
barbclee, qu'on ne peut plus arracher de la
blessure. A nous liji gloire, à nous les hon
neurs, à nous les. applâudïssemensJ Les'cent
trompettes de la Renommée cornent déjà le
nom du grarid Tabarin, père de la farçe, roi
de la parade^ précurseur de la comédie, de
Tabirin qui aplanit la route- à Molière, et
qui aura rhOiUK-ar insigne d'être cité par
Di>ii-jau.
Et pourtant nous ne sommes pas heureux,
mon pauvre TaÇaïin ! Que nous. maiiqu,e-t-il
donc'? "Peu de cliôse/ une bagà'teïle,"presque
rien : il nous manque le capital, l'infâme ca
pital ! Ah ! si ces quatre planches, ces tré
teaux, ces lambeaux de serge verte et
cette souquenille usée et trouée étaientseu-
lement à nous; si nous étions, rien que pour-
quelques mois, rien que pour quelques
jours, un saltimbanque établi, un paillasse
indépendant ! Comme, nous ferions vite for
tune et comme nous irions vivre de nos re
vends dans quelque jolie maisonnette sur
les bords de la Seine', "avec la jeune Fran-'
■cesquine, qui serait alars Mme Tabarin!
Mais, ô misère, ô désespoir ., ô exécrable
exploitation de l'homme par. l'homme!
N'ayant pas un sou vaillant pour avancer la
première mise de fonds, il a bien fallu nous
associer avec un Mondor (joli nojn, n'est-ce
pas? nom prédestiné pour un capitaliste), et
nous voilà l'esclave, l'instrument,, la chose
du sieur Mondor, un empirique, un arra
cheur de dents, un coupeur de bras et de
jambes, qui vend ses détestables drogues
vingt fois plus qu'elles ne valent, taudis
que Tabarin fait la parade et amuse les ba
dauds,;
Mais 11 me semble, n'en déplaise aux deux
auteurs de l'estimable pièce que je vais avoir
l'honneur de vous raconter, il me . semble
que ce Mondor,. puisque Mondor il y a, ne
mérite pas . tous les sarcasmes, loûs les mé-
Eris, toutes les malédictions dont on l'accà-
le. Car enfin, sans son appui, sans l'argent
qu'il a loyalement mis en jeu^-sans tous les
soins qu'il prend de l'entreprise, sans toutes
les peines qu'il se dos me pour f-iire aller le
spectacle, que serait devenu Tabarin ? C'est
un charlatan, dites-vous, que ce Mondor,-
une sorte de vétérinaire gonilé d'orgueif et
pétri de sottise, un coupeur de bras et .de
jambesJ Ah ! qu'il aurait bien fait de couper,
par ci par là, quelque, scène parasite et quel
que détail inutile. Votre parade, Messieurs,
ne s'en serait que mieux portée. • :
En fin de compte, il est vrai que Tabarin
travaille, qu'il compose et qu'il joue, mais
l'autre a tous les risques, tous les frais, tous
les déboires. Il a le loyer de la place, et la
•troupe à payer, qu'il pleuve ou qu'il fasse
clair de lune, et les vieux tapis à repriser,
et les chiffons, les feutres, les pourpoints,
les vieilles chausses, les vieilles plumes, les
vieilles épées à remplacer, à repasser ou à
mettre à neuf, et le blanc d'Espagne, el le
rouge, et la baraque, et les chandelles .10
Tabarins ! que vous êtes souvent injustes à
l'égard de vos Mon dors! ï
Je soutiens qu'il n'y a pas deux hommes
de cette nature et de cette profession qui
.aient un meilleur cœur, et des procédés plus
honnêtes que ce chirurgien tant calomnié.
Qutexige-t-il de Tabarin '! qu'il ne se grise que
trois fois par jour, qu'il flâne dix ou douze
heures, qu'il en dorme-, autant, mais qu'il
soit exact au moment de la parade; qu'il
ne fasse pas manquer le spectacle par sa
faute, et qu'il n'oblige pas le pauvre entre
preneur à coller sur les tréteaux une bande
de sinistre augure avec ces mots désobli-
geans : « Relâche par indisposition de Taba
rin. » Est-ce trop demander à un artiste? No
tez qu'il lui a prêté cent écus, ce qui n'est
point dans l'habitude, de Mondor ., sans le
moindre intérêt ; notez encore qu'il ne le
tourmente pas, ne le menaco pas de le jeter
en prison, et lui ofLo, au contraire, un
moyen simple et commode de s'acquitter.
La fête du roi va avoir lieu dans quelques
jours. Tabarin n'a qu'à écrire une de ces
farces qu'il écrit si bien, et il ne sera plus
question de la dette.
Mais Tabarin est paresseux, il est ivro
gne, il passe la moitié de sa vie au cabaret,
et l'autre partie à courir après sa fran-
cesquine. Pour comble de folie, il s'es't en
tité de cette fille, et il veut l'épouser. Voilà
un beau mariage de la faim et de la soif,
et que le Mondor a raison de s'y opposer
de' tout son pouvoir J Tabarin daigne enfin
se'metlre au travail. Il n'écrit pas, il dicte,
comme César, Comme Richelieu, comme Vol
taire, et ici nous assistons à la plus jolie
scène du monde. Ah! que je connais bien
cette méthode et que c'est une réjouissan
te chose à contempler qu'une feuille de pa
pier blanc quand on est pressé, qu'on a la
migraine et que les idées ne viennent pas !
.... — Ecris, dit Tabarin, -se grattant le
■ front" comme un poète dans le feu de la com
position, -
— Je suis prêt, dit le secrétaire; '
— Nous allons nous occuper d'abord du
scénario. —
— Fort bien, dit Petit-Pierre (c'est le nom
du secrétaire de Tabarin).
— Ecris... Tifagne est amoureux.
—\Tifagne est amoureux... c'est écrit.
Mais Francesquine regarde son amant
d'âne façon si tendre et si agaçante,'que le
pauvre diable n'y tient plus. Il plante là son
scénario et son secrétaire,, s'avance à pas'
de loup vers sa maîtresse, lui parle une
heure ou deux de' son amour , et quand
Francesquine elle-même lui fait remarquer
avec douce'ur qu'il- oublie son travail : Ah !
c'est vrai, dit-il- - Où en sommes-nous, Petit-
Pierre?
Tifagne est amoureux, dit le copiste.
Si bien que, lorsque le moment arrive de
livrer la farce, il n'y a que trois mots d'écrits*
Le Mondor furieux refuse, comme de raison,
de consentir au mariage. Voilà Tabarin me
nacé de rester garçon comme ses ancêtres,
lorsqu'un jeune et beau gentilhomme lui
frappe amicalement sur l'épaule, et lui don
ne une bourse contenant les cent écus dont
il a besoin. Méfiez-vous de l'argent gagné.trop
facilement. Ne valait-il pas mieux travailler
pour cet honnête Mondor ? Le gentilhomme
av parié de se payer sur la femme des avan
ces qu'il vient de faire au mari. Voilà Je su
jet de la farce, tout trouvé. Tabarin fait
comme beaucoup d'auteurs et dë romanciers
de notre temps, il raconte sa propre histoire,
il met à nu son cœur et ses plus intimes souf
frances, et il obtient (c'est une justice à ren
dre au public) un immense -succès'd'hilarité..
Cependant Francesquine n'a point failli, c'est
la perle des honnêtes femmes, et son mala
droit séducteur en sera pour ses écus. -
-'M. Alboize avait déjà publié je ne sais
plus dans quel recueil une nouvelle intéres
sante sur Tabarin. De. cette nouvelle il vient
de faire une pièce qui, à. défaut de nou
veauté, a le mérite d'offrir non nombre de
situations dramatiques et musicales dont le
•compositeur a profité. On pourrait conseil
ler aux auteurs de semer de quelques traits
d'esprit leur premier acte, mais ils n'ont fait
que copier textuellement deux ou trois ^des
facéties les plus connues de Tabarin. Ils ont
pensé que la fidélité historique devait passer
avant tout. - ■ -
M. Georges Bousquet, musicien très sa
vant, et qui juge savamment ses confrères
en sa qualité de critique,, a'atpas fait de là
musiqde savante, c'esVa-dire ènnuyeuse. Il a
évité, a\ec soin,l'obscurité, l'affectation, là re
cherche. Sa mélodie est facile et coulante, son
harmonie est correcte et distinguée , sans :
exagération et sans bruit. Quelques morceaux
^ont trop développés; c'est ce qui arrive
quand on écrit la prëmière fois pour la scê- '
ne. On n'a pas encore le coup-d'œil et la jus
te mesure. Mais il est facile d'y remédier,
et, dès la seconde réprésentation , l'aùtëur
s'est èxécuté avec toute la bonne grâce pos
sible. Encore une qualité dont il faut tenir
compte à un critique, ~
L'ouverture n'est composée que de mo
tifs tirés de l'ouvrage même. Il n'est donc 1
Sas nécessaire que je m'y arrête. L'intro-
uctioii est une sorte de chanson à boire
qui ne m'#pas paru bien saillante; mais'
en revanche, le rondo de Tabarin est- bien
joli, et Laurent l'a'fort bien dit. Le qua
tuor : Démon de la magie est doublement re
marquable par la disposition des voix et par
la distinction des accompagnemèns. L'air die
Francesquine : Des fleurs, je vends des fleuré,.
a été très applaudi. Mais le meilleur morceau
de ce premier acte est, à mon gré, le trio co
mique où Tabarin essaie de composér, sapa-
rade. C'est charmant de mélodie, de naturel "
et d'esprit. .
Le duo qui ouvre le second acte a le tort
de rappeler celui du Maître de Chapelle. La
^situation est absolument la même,'et il faut
autant que possible éviter de pareâlés reù-*
contres. L'âriette de Panturot : ces écus, ce
tintin puigique est d'un rhy thme très franc,
ét d'utte harmonie irhitative très bien sai
sie et très amusante. Oh a bûsé.cé m : or-
ceau.Les couplets de Petit-Pierre sont aussi
bien écrits, mais n'ont pas été aussi bien
interprétés. La 'ScèTiê de tréfêsaux est d'un
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