Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-12-09
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 09 décembre 1852 09 décembre 1852
Description : 1852/12/09 (Numéro 344). 1852/12/09 (Numéro 344).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMÉRO 544.
: rue de Tabla (Palaln-Royat), n* i«i
Baawsaa«iiB%a
1852. - JEUDI 9 I)ÉCEMB11EC
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Joute lettre non affranchie .sera rigoureusement;
. Les articles déposés ne sont pais fendus.
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
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■ ■ > ■; . à M. »mu*, directe
Les annonces sont reçues cbez M.-PANIS, régisseur, *0,' place de la feou
. et au bureau du journal.
J||La propriété du Constitutionnel vient de se
transformer; mais le changement survenu
dans l'organisation du journal le laisse au
poste qu'il occupe depuis long-temps dans
les rangs de la presse dévoué^ à la cause des
éternels prmcïpes d'ordre, deôiorale, de re
ligion et d'autorité) qui font les nations gran
des et fortes, heureuses et prospères.
> Les noms des hommes considérables qui
ont bien voulu accepter les fonctions de
membres du conseil d'administration de la
nouvelle Société, sont une haute garantie.de
la fermeté avec laquelle le Constitutionnel
continuera de défendre ces principes;
Ce conseil est ainsi composé :
•MM. le général Hosson , sénateur;
Chevreau père, député, membre du
• » conseil général de la Seine;
Maxjme Vernois , membre du conseil
d'hygiène publique et de salubrité
du département de la Seine ;.
le baron de Veauce , député ;
Josson , président du tribunal civil de
Lille, ancien député;
Dans la nouvelle phase où il va entrer, le
Constitutionnel ne pouvait se placer sous un
patronage plus élevé et plus digne d'inspi
rer une entière confiance.
. Le Constitutionnel n'a pas à dire ce qu'il
sera; son passé répond de son avenir. Il n'a
qù'à se souvenir de lui-même pour -rester
digne de la bienveillance que le public lui
témoigne et pour conserver l'influence qu'il
a conquise en se faisant, dèsle 40 décembre
4848, sous la direction de l'honorable M. Vé_
ïon,l'interprète convaincu des vœux delà
France. -
• Le Constituûonn el ne peut oublier qu'il a
grandi parce qu'il s'est attaché à la cause
. : sj nationale et si populaire' du neveu de
l'Empereur. Sa reconnaissance s'unit au
jourd'hui à son patriotisme pour accroître
encore le dévoumént qu'il porte au gouver
nement impérial , dont* le rétablissement
pouvait seul fermer la carrière des révolu
tions, et à la dynastie napoléonienne, dont
Je règne a commencé dans les cœurs le jour
où son chef actuel a sauvé la France -
-La nouvelle propriété du Constitutionnel
ne pouvait mieux inaugurer son adminis
tration qu'en réclamant, le concours de l'ér
■minent publiciste qui a naguère enrichi les
colonnes de ce journal d'articles dont Je re
tentissement a été universel dàns le monde
politique. M. Granier de Cassagnac y re
prendra cette» plume brillante qu'il y a te
nue, dans des temps difficiles et périlleux,
•ifrecrtant d'éclat et d'autorité.
-Les jours d'épreuve et de combat sont
passés. Mais l'honorable écrivain trouvera
dans les ressources inépuisables de son es
prit d'autres enseignemens a donner, d'au
tres services à rendre. .
Les lecteurs du Constitutionnel,. ont depuis
long-temps apprécié les connaissances va
rices de M. Jules Burat, si versé dans la-science
des a flaires ; la plume éloquente et facile de
M. Henry Cauvain; l'esprit judicieux-et
éclairé de M. Louis Boniface. Ils apprendront
donc avec plaisir que ces publicistês distin
gués- "Continueront à prêter au journal le
concours do leur expérience^
A partir d'aujourd'hui, JVI. Amédée Se Ce-
seji'a prëad la rédaction en chef du Constitu
tionnel.
PARIS, 8 DÉCEMBRE.
m J WESTÏ DU PARTI Rftl!«E.
On sait que," "lat veillé ^r*3ennères"éîec-
tions, trois manifestes émanés de la déma
gogie exilée ont été mis-en circulation.. On
employait toïis les moyens possibles pour
donner quelque activité à cette propagande
clandestine. Le gouvernement de Louis-Na
poléon a pris le meilleur parti : il a-fait insé-
rer au Moniteur ces proclamations. La France
entière a pu connaître les protestations ët les
promesses de la république rouge, et elle,a
répondu par son vote. Les auteurs de ces hon
nêtes écrits ne se tiennent pas pour battus.
Us continuent leurs publications. Ce sont de
petits livres, d'un format microscopique,
fort nettement imprimés, bien qu'en ca
ractères très menus, contenant de. trente à
quarante pages et tout à fait propres à tenir
sous le pli d'une lettre. C'est de cette façon
d'ailleurs que ces opuscules sont envoyés.
Ils coûtent à la vérité un port assez onéreux
au destinataire, qui se soucie peu d'être
mis ainsi à contribution par des amis in
connus. Ajoutons que presque toujours
ces présens étranges sont adressés â des
commerçans, à des officiers ministériels, à
de paisibles ^ourgeo.'s, tout surpris du sans-
gêne de cette familiarité, et qui, le cachet
brisé, se disent, non sans =dépit, qu'au moins
il faudrait affranchir quand on se mêle de
convertir les gens. ■
« Un de ces petits livres est parvenu à notre
adresse. Npus supposons tout naturellemefit
que les auteurs désirent que leur ouvrage
soitr lu et qu'il en soit parlé. Leur vœu sera
accompli. Nous avons lu leur œuvre, et nous
en parlerons. L'opuscule est un in-32 de
32 pages, intitulé : « Lettre au peuple fran
çais.» Cette lettre, comme on nous l'apprend,
a été votéeà Londres le 15 apùt 1852 et publiée
le 22 septembre, anniversaire de la première
république. Elle est signée par les républi
cains socialistes, membres de la société de
la Commune révolutionnaire et attestée par
trois commissaires élus pour certifier la co
pie : MM. Félix Pyat, Caussidière et Boichot.
Nous pouvons donc en toute sécurité de
conscience, la considérer comme un mani
feste de ce. parti.
- Dans une introduction curieuse, MAL Fé
lix Pyat, Caussidière et Bôichot se donnent
la peine d'expliquer à leurs concitoyens de
France et d'exil le but de cet écrit. On croit
rêver en-la lisant. Il est question d'y prou
ver que le peuple se prépare à renverser le
gouvernement de Louis - Napoléon? Nous*
savions qu'incorçigibles dans leurs cireurs
ou dans leurs, illusions, les-meneurs du
parti rouge ne tenaient guère compte
des faits, et -ne pouvaient se défendre
d'accumuler les prophéties, au risque de
les voir démenties par l'événement. Mais,
assurémeyt, il faut de l'indulgence pour
prendre au sérieux des hommes qui, le len
demain du jour où le peuple souverain, loya
lement convoqué dans ses comices, vient de
proclamer l'Empire dans un vote de huit
millions de suffrages, affirment gravement
que le peuple souverain est à eux, va com
battre pour eux et s'apprête à leur dvesser
des arcs dè triomphe. Est-ce la conséquen
ce d'un incurable aveuglement' ? Est - ce
l'emploi obstiné d'une vieille tactique bien
usée et bien décrépite ? Il ya long-temps que
les démagogues, en effet, se sont fabriqué
un peuple à leur usage, espèce de marion
nette politique dont ils remuent lfes fils, éf
.qu 'ils font agir et parler, comme ils veulent,
sur leurs tréteaux, pour l'édification des cré
dules ètdes dupes. En vain, le vrai peuple,
le peuplfrjg# travaille daaàies Ateliers et lejï.
champs, lèsrepbusse et les conspue ; ils s'en ,
consolent eh adulant leur peuple postiche f *
ce géant, ce lion, cet .océan, etc. On sait U
kyrielle des flatteries que ces adorateurs
d'une idole creuse et vaine prodiguent en j
guise,, d'encens sur les. autels du moloch ré-j
volutionnaire. ^ " •/
Donc c'est, à leur peuple souverain que s'a*/
dressent MM. Pyat, Caussidière et Boichot*
Il faudrait cependant'. tâcher de deviner ce
qu 'ils entendent par ces mots : le peuple
souverain. - L'énigme est facile à compren
dre. Ils là dévoilent eux - mêmes de -la
fiiçôn la plus"ingénue. Leur peuple., ils
l'appellent le peuple du 45 mai. A la
bonne heure. Le peuple du -15 -mai ,
un ramassis de clubistes, d'émeutiers, de
membres des sociétés sécrètes, fonctionnant
sous la direction de; quelques meneurs ha
biles, essayant de faire une révolution à ,
l'aide d'un de ces tours de màm familiers au
parti, et arrêté dans son dessein par l'élan
de Tarmée> de la garde nationale, de la
population tout entière. Voilà le peuple î,
factice qu'ils avaient formé dans chaque
Ville, dans chaque village, et qui,'grâce à
ses fanfaronnades, à ses-efforts, à ses ex- ;
ces, avait la prétention -d'.en imposer au
peuple véritable, ami du calme, de l'ordre,
de la stabilité , au peuple qui a nommé
Louis-Napoléon Président, Président décen
nal Empereur, pour se séparer à jamais
de la démagogie et du socialisme révolu
tionnaire. .
Une fois, les termes bien définis, il nous
sera plus facile d'apprécier le mérite de la
lettre de la Commune de 1852, digne héri
tière de la Commune de 4793. Après l'am
phigouri obligé, «jur- les principes révblution-
naires, après trôis tirades en proso poétique}'
à propos de la liberté, de l'égalité , et de la
fraternité, ritournelle favorite tles chantres
de la démagogie, la -Lettre au peuple fran
çais arrive au fait. Le fait est de savoir
quels sont les moyens révolutionnaires à
employer. L'a réponse est prévue. Le gou
vernement de la» contre-révolution, pour
nous servir de leur langage, rëpose sur quatre
piliers : l'armée, le clergé; la magistrature,
la banque. Il suffit - de renverser ces quatre. ■
piliers. La révolution de 1793 avait affaire à
deux piliers : la noblesse et le clergé ; l'on
connaît ses exploits. La prochaine doit' sup
primer 'quatr/e piliqrs; il'y aur$ progrès,_... a - ;
Parlons d'abord de l'armée : « Elle est
composée, disent MM. Pyat, Caussidière et
Boichot , d'un quart de mercenaires qui-
ont vendu leur ame comme leur corps; (i'une
moitié d'ilotes que l'indigence oblige à payer
l'impôt du sang, et que l'ignorance réduit
au mécanisme de soldats de plomb. Elle ruine
et opprime, sous prétexte de défendre :
corps d'esclave5| armés pour contenir des
esclaves sans arijies. »'Que faut-il faire de
cette armée de mercenaires et d'ilotes?: Ici,
il faut citer. Nous ne voulons pas priver
nos lecteurs du 'plaisir dé juger le style du
manifeste de MiNJ. Félix" Pyat, Caussidière
et Boichot ■. . .
«Cette armée permanente, instrument suranné
de violence intérieure et extérieure, ne peut done
plus exister désormais. Elle est irrémissiblement '
condamnée. Elle n^ùt pas dû survivre au 2'4 fé
vrier: ell3 s'est tlié* le 2 décembre. Le meurtre
qu'elle a commis a; été son suicide. Sans le 2 dé
cembre, on l'eût peut-être conservée encore,
-comme on l'avait rappelée dans Paris après le 24
■ février. On eût reparlé peut-ôtreencore derhorineurj
. des armes, de.lagloire du drapeau, des services ren
dus, des tôles blanchies sousle harnais, des vieux
: crachats, des vieux habits, des vieux galons.'Tout
' dit; elle sfest noyée à jamais dans le sang de|
>» décembre ; '"seS drapçaiix-
doivent être brûlés, ses prinoipaux chefs dégradés;
'H. l'aut ua exemple. 11 faut qu'elle comprenne l'é-,
normité de son crime par la solennité du châti--
ment. Mais afin que cette grande leçon nationale
soit morale et profitable, il faut, à côté de la pei-
ne pour les coupables, la récompense pour les:
, méritans ; il faut décerner l'ovation populaire, aux
soldats républicains d'Afrique, à ces sous^officiers
démocrates expatriés, envoyés au désert pour" cau
se de socialisme. » , . ' i
Ainsi, infliger à^toute notre brave armée
l'ignominie deê fourches oaudines, brûler
les drapeaux,insignes de sonhonneur et de sa ;
gloire, .dégrader ses chefs, et décerner une
récompense nationale à ceux qui ont donne;
l'exe'mplè de l'indiscipline, et de la, révolte,
et notamment à M. Boichot, l'un dès signa-,
taires de la Zettre au.peuple français, tel. est
le premier des moyens de la fuiure révo-
* lution. , . ..
Passons au second. Il s'agit du clergé.
MM. Pyat, Caussidière,et Boichot déclarent
que le christianisme a fait son temps, et que-
c'est une «religion défectueuse » qu'il faut;
tout simplement supprimer. Etsavez-vous
pourquoi? Lisons encore :
«'Traître à son origine, infidèle à sa mission,
! quittant la crèche peur le dôme, l'esprit, pour lé
corps, le ciel pour la terre, Dieu pour le Diable,
Jésus pour César; maudissant l'infortune, réprou- 1
• vant la vertiÇ" bénissant lexrime, huilant le par
jure, sacrant et consacrant le vol et le meurtre,
: toute violonce et toute fraude; abusant, dépra-;
vaut la conscience, éteignant la raison, entrete-
- tenant la crédulité, exploitant la faiblesse, alliant
enfin avec an art-infernal la ruse à la force, la
croix à l'épée, le goupillon à la torche, et l.e tout
à juste prix ; ' plus avare cent fois que les mar
chands du Temple, plus hypocrite que les-Phari
siens, plus cruelle qu'Hérode, plus_déloyale que
Judas; bref, vendant, livrant, crucifiant et man
geant le Christ tous les jours : voilà l'Eglise ca
tholique depuis les anciens empereurs jusqu'aux
nouveaux, depuis Constantin jusqu'à. Bonaparte!»
Le troisièmè moyen révolutionnaire s'ap
plique à la magistrature. La. magistrature a
le même sort que l'armée et le clergé :
« Môme lessive ! La robe est aussi sale que la
soutane et l'uniforme. La magistrature a forfait
comme l'armée et le clergé. Elle appartient à la
mefrt comme ces institutions caduques. Elle s'en
ira bras dessus bras dessous avec elles dans le
même tombeau. "Elle a frappé avec la même hai
ne; elle a servi avec la même honte; elle a pré-
variqué sous tous les régimes, au nom du peu
ple comcno au nom du roi, .écrasant le droit sous
le poids des»amendes et.des chaînes, jugeant sans
foi ni loi, condamnant quand môme â la confisca
tion, à la prisony à l'exil," à la mort ; elle s'est ju
gée et condamnée san3 appel ; elle doit être exé
cutée. Comme le juge pervers de Cambyse, elle
doit laisser sa peau sur son siège, sa vie avec son
honneur. »
- "'ijtiant à la ban'qïïe, orfcomprend'(favance
quel-en est le sort. Le capital, l'in,âme capi
tal, ne - saurait trouver grâce ni merci. La
révolution fera le compte de la réaction, et,
sous forme de revendication, elle dépouillera
« tous ceux qui ont mené et exploité là con
tre-révolution;-président, représentans, fonc
tionnaires de tout grade et de tout genre;
ministres et bourreaux. » Là-dessus, MM.
Pyat, Caussidière et Boichot s'écrient : « As
sez de révolutions platoniques. Il faut en
finir une bonne Ms avec la réaction ; il faut
la punir par où elle a péché et comme elle
a péché, solidairement. C'est l'argent qu'il
faut exécuter. » On ne peut être plus clair,
ni plus concluant.
Nous ne pouvons tout citer. Il y a un pas
sage charmant, où la Commune révolution
naire invite tous les socialistes à exploiter
« les biens appartenant aux complices de
Louis-Napoléon , aux agens de son gou-
- vèrnement-. » On nous dit que « les fou-
riéristes feront la phalange, les commu
nistes la commjmaùté, les mutuellistes la
banque,.d'échange, etc. » Ce sera un, ma-
gaijttque spe ctacte^'i et, to FçdQCd applaudira;
certainement«à -ces-beUtjs tentatives: "T
-Quand on lit ces absurdités, '6n : n'e/petit
s'empêcher de rendre grâces à l'énergie etïsf
l'habileté de l'homme providentiel J qui.;a.
sauvé la société. èt la civilisation dans
notre pays, et qui a reçu, comme une juste
récompense de ses signalés services, la cou--
ronne'. impériale. Ajoutons: que l'Europe,
de même que la France, lui doit la tran
quillité dont elle jouit. Ce n'est pas seulement
chez nous que la république démocratique 1
et .sociale devait s'établir. Elle , était ap
pelée à subjuguer le monde. La Com
mune révolutionnaire veut que le peuple,
français fasse « la guerre sainte, la guerre
dè'-Dieu, pour la délivrance de l'humanité. »
Elle le convie à « se lever tout entier, cœur
et bras, foi et force, effréné, indomptable,"
invincible»; elle l'ïnyite «émettre sa blouse-
au bout de sa pique, et à marcher, s'il le
faut, sans culotte et piedsnus » ; elle le som
me de retrouver « sa furie de 93. » Ce der
nier mot suffit pour nous faire connaître,
tous lés moyens de la future révolution. .
henry catjvain.
M. de La Guéronniere publie : aujourd'hui
dans le Journal de l'Empire un article im-
Sortant, qtàe-nous croyons devoir repro-
uire : »
NAPOLËON II.
' L'Empereur-p'arlait comme parlera la postérité,
lorsque, répondant aux grands corps de l'Etat, il
s'exprimait ainsi : « Je prends, dès aujourd'hui,
» avec la couronne, le nom de Napoléon III, parce
» que la logique du peuple me- l'a déjà donné
» dans ses acclamations/ parce que le Sénat Ta
- proposé légalement, et parce que la nation én-
tière l'a ratifié. »
La logique du peuple, si justement invoquée
par l'Empereur, n'est autre chose que l'instinct
de la logique dès faits. :
Le peuple, avec la fidélité de ses souvenirs et
la clairvoyance de ses sentimens, a compris tout
ce que les faits eux-mêmes établissent avec une'
autorité invincible. En saluant l'Empereur- du
nom dè Napoléon III avant de l'élire dans'le scru
tin national, il n'a été que la voix unjyerselle de
l'infaillible histoire. '
Nous semiues déjà séparés de 1815 par plus
d'événemens encore que d'années. 11 peut être
utile de recherche;- dans ce passé, si plein de sou--
venirs et d'enseignemens, ce qui intéresse l'épo
que actuelle. Nous-n'avons pas d'ailleurs à discu
ter, nous. n'avons*qu'à raconter.
Après le glorieux désastre de Waterloo, Napo-
poléon était-vaincu, mais il n'était pas encore
renversé. Il n'y avait d'autre gouvernement de
fait et de droit que le sien. Louis' XV11I était à
Gand, et sans doute personne n'oserait dire au
jourd'hui que, la France y fût avec lui. C'est donc'
dans, la plénitude de son pouvoir" constitutionnel
" ivetrede-son-
ds, cju'iL proclama sous le nom de Napoléon II.
Voici cet acte d'abdication :
. moniteur du vendredi 22 juin 1815.
Déclaration au peuple français.
, « Français !
» En commençant la guerre pour soutenir' l'indé-
» pendance nationale, je comptais sur la réunion de
» tous les efforts, de toutes les volontés, et le con
cours de toutes les autorités nationales. J'étais fon-
» dé à espérer le succès, et j'avais bravé toutes les
» déclarations des puissances contre moi.
» Les circonstances me paraissent changées. Je
» m'offre en sacrifice à la liaiue des ennemis de la
» France. Puissent-ils être sincères dans leurs décla
rations, et n'en avoir réellement voulu qu'à ma per-
» sonne! Ma vie politique est terminée, et je pro-
» clame mon fils, sous le titre de Napoléon II, Empe-
» reur des Français.
Les ministres actuel.; 'ormeront provisoirement
» le conseil de gouvernement. L'intérêt que je porte
» à mon fils m'engage à inviter les chambres à orga-
» riiser sans délai la régence par une loi.
. » Unissez-vous tôus pour le salut public et pour'
» rester une nation indépendante.
» Signé napoléon. »
Advint-il de cet abdication comme il devait
advenir plus tard de c^lle du.roi Charles X et da
S. A. JR. Mgr le duc d'Angouléme en faveur de leur
petit-fils et neveu Mgr le duc de Bordeaux? Cette
abdication fut-elle considérée comme nulle et.npn
avenue par les pouvoirs constitutionnels-qui,repré
sentaient ift, aalioa et ia^loi? Noni la.cluimbre
"des pairs, la chambré des représentau^TÎ*araiée,
le peuple,- reconnurent formellement. Natpûléop II.
C'est encore'au Moniteiir çpip nous.denit|hdons nos
preuves^ 1 " ' . ~ " ' - ! '•
La déclaration de l'Empereur Napoléon" I er f-et
transmise à. la chambre des pairs par M. le comte
Carnot,' et à-la chambre des représentans par M.
le duc d'Otrante. ' .
Il n'y eut ni surprise, ni précipitation dans les
délibérations qui lurent prises à la suite de cette
importante communication. Les deux chambres
étaien t divisées par les mêmes partis qni di visaient
le pays. Un. débat, dans lequel transpiraient toutes
les prétentions rivales, s'engagea jusque sur Igs
ruines de la pati-ie. Les partisans connus ou se
crets d'une seconde restauration voulaient laisser
le trône-vacant, afin de donner aux armées de
l'Europe le temps d'arriverà Paris. Les défenseurs
de l'indépendance nationale demandaient formel
lement, au contraire, que Napoléon II, proclamé
par, l'Empereur, fût reconnu par les chambres,
afin de raffermir-le patriotisme de. la nation, de
maintenir l'héroïsme de l'armée, et de montrer
à l'Europe coalisée et victorieuse, en marche sur
la capitale, le spectacle d'un grand peuplé rallié
à un gouvernement légal, et résistant jusqu 'à la
dernière extrémité. • -
Le débat fut long, plein db grandeur et d'émo
tion. A la chambre des représentans, Regnault
de Saint-Jean-d'Angély, Boulay (de la Meurthé),
Manuel, ' Bérenger ; à la chamfcre des pairs, Thi-
baudeau, Labédoyère, Lucien Bonaparte, le com-
-te de Ségur, le duc de Bassano, le comte de Fia-
haut, Decrès,; firent entendre les plus nobles ac-
cens du patriotisme., Leur éloquence retentissait
dans les ames,oômine le rappel suprême de la pa-
trier en danger. : ■
. Enfin, le 23 juin, la chambre des représentans
adopta, sur la proposition de Manuel, la résolu
tion suivante que nous copions dans lé Moniteur
du 24 :
. ^ moniteur du 21 juin 1815. /
Chambre' des représentans.
« La chambre des représentans, délibérant sur les
» diverses propositions faites dans sa séance et men-
» tionnées dans son procès-verbal, passe à l'ordre du
» jour motivé, '
» 1 0 Sur ce que Napoléon 11 est 'devenu Empereur
» des Français, pan le fait de l'abdication de Napo-
» léon l" et par la force des Constitutions de l' Rm .
» pire; • . ' ■ «<
» Sur ce que les deux chambres ont voulu et én-
» tenûu, par leur arrêté à la date.d'hier, portantn'd-
» mination d'une commission de gouvernement pro-
» visoire, assurer a la nation les garanties dont elle
»:■ a bisoin, dans les circonstances extraordinaires .Où
» elle se trouve, pour sa liberté et son repos, au.
» moyen d'une administration qui ait . toute la con-
» fiance du peuple. •.
» Le présent acte sera transmis par un message ,à
» la chambre des pairs. *
» La proposition est unanimement !appuyée. De
» toutes parts on demande à.aller aux voix.
» Oh demande à grands cris la fermeture de la dis->
» cussion, et elle est fermée à l'unanimité.
» M. le président donne - lecture de la rédaction
» de la délibération proposée. Il la met aux voix.-,
» L'Assemblée se lève tout entière.
.» m ,, ib ^1'R ésidenj . La propositifta.e.st adoptpe.....,
» À ce-mot, le cri de Vive l'Empereur! éclate à
fois dans l'Assemblée et dans les tribunes; ce cri se
prolonge au milieu des plus vifs applaudissemens.
Moniteur du 24 juin 1815. - * ]'
Chambre des pairs. . ;
« Dans sa séance du 23 au soir, la chambre des
» pairs a adopté la délibération de la chambre des
» représentans et datée de ce jour, portant que Na-
» polé'on II est devenu Empereur des Français par le
» fait de l'abdication de Napoléon I" et des Consti-
» tutions de l'Empire, »
Ainsi, Napoléon II n'a pas été seulement pro--
clamé Empereur des Français, dans l'acte d'abdi
cation du 22 juin. Il a été légalement reconnu en
cette-qualité par la chambre des pairs et par la
chambre- de# représentans dont nous venons de
copier les délibérations.
Il y; avait donc un gouvernement proclamé,
constitué, reconnu, au nom de Napoléon II. La
commission de gouvernement qui gouvernait de
fait, pendant les jours ' de crise, ne comprenait
pas autrement la situation. Elle gouvernait an
nom de Napoléon II. Malgré la surabondance da
preuves historiques à l'appui de ce fait, nous
croyons devoir donner encore celle-ci :
FLU1LLET0H DU CONSTITUTIOKtiEL, 9 DÉCEMBRE.
Kons commencerons demain la
publication du Prologue
~~ D'ÏSAAC LAQUEDEM,
ParSS. »USXJtS.
Le nouveau roman de M. Alexandre Du-
•mas, dont nous annonçons la publication
dans le Constitutionnel, sera une. œuvre
à part dans l'œuvre immense de l'illustre
romancier. Conçu ' sur le plus vaste plan,
.mûri par vingt-cinq années d'études, de
réflexions, de recherches et de documens
•lentement amassés, destiné, dans la pen
sée de l'auteur, à devenir le" chef-d'œuvre
'et le couronnement de sa vie d'écrivain,
Isaac Laquedem.e st appelé à l'un de ces pro
digieux succès qui font date dans l'histoire
d'une littérature. Le cadre de ce roman
épique est large comme' celui de l'Eu -
rope, depuis l'avènement du christianisme^
Le récit du poète y part du Calvaire pour se
dérouler à travers l'histoire de dix-huit siè
cles et de vingt peiïples jusqu'à l'époque
confemporaine.On devine tout le parti que la
.merveilleuse imagination de M. Dumas saura
tirer, de cet immense enchaînement de ra
ces, de types, de nationalités, de catastro
phes, de péripéties, .de natures et de civilisa
tions diverses. Jamais son talent n'est
plus fort et plus émouvant .que lorsqu'il
a à remuer des masses d'événemens, et
à parcourir une grande carrière historique.
'Les Trois Mousquetaires y —pour- n'en citer
qu'un se'ul exemple,—qui ne comprenaient
cependant qu'un dèmi-siècle de l'histoire
de France, ont donné la mesure de la puis
sance épique de composition et de "déve
loppement dont il dispose; mais c'est dans
l'œuvre quenous annonçons, que cette faculté
privilégiée j trouvera une application vérita
blement digne d'elle". L'ère chrétienne tout
• entière à dérouler, l'Europe à parcourir, le
drame de l'humanité à mettre en scène dans
une séried'époques et de tableaux reliés entre
eux; à travers les Ages, par l'unité grandiose
de la plus pathétique figure de la Légende,
tel est, en quelques' mots, le programme
des dix-huit Volumes à.'Isaac LaqwAcm. ]1
réunira, comme on le voit, au merveil
leux de l'épopée, l'intérêt de l'histoire, la
passion du drame et là- magie d'un panora
ma spleadide et animé des annales du
monde.
; Nous allons d'ailleurs laisser l'auteur par
ler lui-même de son œuvre. La lettre sui
vante que nous venons' de recevoir n'était
pas destinée à.Ja publicité. Mais il nous a
semblé que nous ne pourrions donner au
grand ouvrage «dont nous proclamons d'a
vance le succès, une plus éloquente et plus
persuasive préface : -
: Chers,
Je vous envoie le prologue d 'LsAAC Laque-
dem. • .
.Que forez-vous de ce nouvel ouvrage ? Je
n'en sais rien;—mais laissez-moi vous dire
ce que je voudrais que vous en fissiez. —
Isaac Laquedem c'est l'œuvre de ma vie, et
vous allez en juger : il y a vingt-deux ans
que, croyant être prêt à exécuter ce livre
formidable, je le vendis à Charpentier. Il de
vait faire alors huitvolumes. Deux ans après,
je le lui rachetai, ne me trouvant pas de force
à lutter contre un pareil sujet. ,
Depuis ce temps, au milieu de tout ce que
j'ai fait, au fond de tout ce que j'ai fait, et j'ai
fait septeents volumeset cinquante drames,
cette idée obstinée a vécu,—et de huit volu
mes a grandi jysqci'à dix-huit. -
Toujours impuissant à l'exécuter comme
devrait être exécuté.ce livre, j'ai du moins
depuis, vingt ans, beaucoup étudié et beau
coup appris; tout ce que j'ai étudié et appris
d'art, de sciences, d'hommes et de choses,
je le mettrai dans Isaac Laquedem ; c'est, je
vous le répète, l'œuvre de ma vie.
Maintenant, ce que je désirerais de yous,
c'est que vous expliquassiez bien à vos lec
teurs que je leur donne un livre qui n'a son
précédent en aucune littérature; un livre qui
a besoin, comme tous les livres renfermant
une grande pensée, d'être lu entièrement
avant d'être jugé , la valeur du livre étant
surtout dans l'immense ensemble que for
meront six romans distincts, au milieu
de six civilisations différentes, se rattachant
au même sujet, poursuivant la même idée.
Je crois que faire une analyse du livre
èerait le déflorer; au reste, ce que je puis
vous affirmer, c'est que, pendant cette gesta
tion de vingt ans, dans mon cerveau, il est
-tellement venu à maturité, que je n'ai • plus
qu'à cueillir le fruit sur l'arbre de mon ima
gination. V" -
Vous n'attendrez donc pas : je ne compose
plus, je me dicte. \
Tâchez maintenant qa'Isaac. passe au
Constitutionnel, je crois que ce sèrait le pu
blic dont l'appréciation serait la plus favo
rable à l'ouvrage.
A vous de cœur,
Alexandre Dumas.
Bruxelles, 5 décembre 1852.
BROUSSE.
IL
une visite a l'émir béchir. .
Je n'oublierai jamais cette entrevue.C'était
vers le milieu de mars 1848, quelque temps
après que, la nouvelle des événemens dé fé
vrier nous fût parvenue à Constantinople.
Un de mes amis m'avait engagé à l'accom
pagner dans une visite qu'il allait faire à sa
lilature de soie, à Brousse. J'accéptai, moitié
par désœuvrement, moitié parle désir de voir
une ville qui est en même temps le Saint-
Denis et le Bourges de la Turquie. Ce
pendant , depuis près de deux semaines,
nous passions notre temps d'une façon assez
maussade, lui, ocoupé tout le jour de ses
1 commis et de ses ouvriers ; moi, errant au
hasard dans les rues tortueuses de la ville,
et le,soir, nous réunissant autour du man-
gal pour causer de la France et savourer les
douceur du kief, le far mente des Orientaux,
i- quand j'appris, comme par hasard, que
l'émir Béchir était depuis près de deux
ans à Brousse, où il vivait d'une pension as
sez mesquine que lui faisait la Porte. Peu
de noms ont eu, de nos joùrs,en Orient, au
tant de retentissement'que celui de l'émir
Béchir. Lamartine lui a. consacré de nom
breuses pages de son Voyage ; et, depuis,
ses malheurs avaient encore ajouté r à sa
renommée. Je me sentis un vif- désir de
contempler de près cette grandeur déchue,
cette ruine vivante au milieu des ruines mor
tes qui m'entouraient. Mais comment m'y
prendre? Le.prince ne sortait jamais de sa
maison ; je ne pouvais donc espérer de le
rencontrer chez le gouverneur m dans aucu
ne des maisons où j'avais accès.,D'ailleurs,
les soirées, les raouts sont inconnus en
. Orient; il n'existe pas même de réceptions
officielles, si ce n'est à Constantinople, à
certains jours,et parmi les hauts dignitaires
de la Porte, qui ont adopté en partie les ha
bitudes et l'étiquette européennes. Il y avait
bien un moyen : c'était de me présenter di
rectement chez le prince, en me donnant
pour ce que .j'étais : Français et voyageur,
cela répondait à tout. Un seul même de ces
titres suffisait. Qu'importe ce que vous soyez,
d'où vous veniez ! Vous êtes étranger; c'est
Dieu lui-même qui vous envoie. Ma maison,
ma tente vous est ouverte.
Quant à savoir ton nom, tu te nommes mon hôte î'
* Mais j'avais uiAscrupule, il m'atoujours pa
ru que cet empressement à voir de près une
personne célèbre , surtout quand elle a été
précipitée d'une haute fortune, et que sa
disgràce^faitune partie de sa célébrité, cons
tituait un manque d'égards vis-à-vis de cette
personne. Si j'eusse dû trouver l'émir dans
son palais de Beït-Eddin, au milieu des ma
gnificences de son ancienne cour, j'aurais
moins balancé; mais exilé, presque captif, ré
duit à vivre des aumônes de la Porte, j'avais
peur qu'il n'attribuât ma démarche à un mo
tif de curiosité, toujours blessant pour celui
gui en estl'objftt. Mon ami> plus au fait que
je ne l'étais des mœurs et.dela manière de,voir
des Orientaux, me rassura à cet égard. Votre
scrupule, me dit-il, est fondé sur un préju
gé qui n'a pas cours ici. En Orient, la hon
te n'accompagne jamais la disgrâce. On
peut être affecté de sa mauvaise fortune ;
mais on n'en est point humilié, et l'on ne
songe pas à s'en cacher. Tout s'explique par
ce mot qui est le mot même de la religion :
Résignation à Dieu!
Nous finîmes par adapter un mezzo termi
ne. L'émir avait pour chapelain un prêtre
maronite qui fréquentait la maison d'un
Arménien de notre connaissance. Nous ré
solûmes de nous ouvrir à lui de notre désir
d'être présentés au prince, et de nous lais
ser diriger par ses avis. Nous le,rencon
trâmes le même soir. Il se nommait Sté-
phan H , et nous parut avoir de
trente-six à trente - huit ans. Il afait le
regard 'fin, la physionomie vive, mobile
quoique tempérée par une réserve habituelle..
Il était auprès du prince depuis bientôt
quinze ans, et lui servait à la fois, suivant
l'usage commun en Orient, de chapelain, de
secrétaire, de drogman et d'intendant.
M. le chapelain-secrétaire-interprète-in
tendant accueillit au mieux notre demande;
il promit de nous présenter le lendemain
même au prince, après toutefois qu'il l'au
rait prévenu de notre visite; et nous nous
quittâmes, ayant pris rendez-vous pour le
soir. *
Lé prince habitait une grande et vieille
maison , entièrement construite en bois,
comme toutes les maisons de Brousse, et
recouverte extérieurement d'un mauvais
badigeon rougeâtre. Je ne vis jamais rien de
si triste que l'aspect de cette maison. Les
murailles lézardées, les escaliers vermou
lus, les toiles d'araignées suspendues aux
plafonds, les cours désertes, tout présen
tait l'image de l'abandon et du dénû-
ment. Nous . traversâmes- en silence, une
longue suite dé vestibules, semblables à des
hangars. Quelques serviteurs passèrent de
vant nous, mais sans nous parler; la len
teur et la régularité* en quelque sorte mé
canique, de leurs mouvemens,le silence de.
leirr démarche, les longs plis de leurs vête-
mens, leur-donnaient l'air de spectres; d'au
tres dormaient étendus de tout leur long
sur^ les degrés, ou se tenaient accroupis au
seuil des appartemens, comme des sphynx. Il
y avait loin d'une pareille demeure au pa
lais féerique décrit par Lamartine, où l'émir,
entouré lie ses vassaux et de ses bardes, dé
ployait une pompe et une magnificence in
connues depuis longtemps en Orient :
« A quelques pas de nous, le palais mau-
» resque de l'émir s'étendait majestueuse-
» ment, sur tout le plateau de Dptedin, ave«
» ses tours carrées, percées d'ogives cre-
» -nelées à leur sommet; les longues galeries
» s'élevantles unes sur les autres, et présen-
» tant de longues files d'arcades élancées
» et légères comme les tiges des palmiers,
» ses vastes cours remplies d'une foule deser-
» viteurs, de courtisans, de prêtres ou de sol-
» dats sous tous les costumes variés et pitto-
» resques que les cinq populations du Liban
» affectent: le Druze, l'Arménien, le Grec, le
» Maronite, le Métùalis. Cinq à six cents che-
» vaux arabes étaient attachés parles pieds et
» par la têfe à des cordes tendues qui traver-
» saient le§ cours, sellés, bridés et couverts de
» housses éclatantes de toutes les couleurs;
» quelques groupes de chameaux, les uns
» couchés, les autres debout, d'autres à ge-
» noux pour se faire charger ou décharger;
» et sur la terrasse la plus élevée de la cour
» intérieure, quelques jeunes pages, courant
» à cheval les uns sur les autres, occupés
j> à lancer le djerid. » -
Cependant, ce dénûment après cette gran
deur-, cette misère succédant à cette magni
ficence avaient leur poésie aussi, e t servaient
dignement d'introduction à la scène qui al
lait suivre.Ici l'harmonie naissait des con- •
trastes. •
Nous arrivâmes au sélamlik. Le fond en
était occupé par un ' sopha à l'angle duquel
nous aperçûmes . l'émir accroupi, et te
nant entre ses genoux le tuyau de jas
min de son tchibouk. Nous allâmes droit
à lui, sans jeter les yeux de côté; et, sa
luant à la manière orientale , la main
droite appuyée sur notre cœur. L'émir
fit un signe de tête imperceptible en nous -
indiquant de prèndre place à ses côtés, sur '
le-sopha. Le chapelain qui nous accompa
gnait s'accroupit sur la natte, aux pieds du
prince, s'apprêtant à nous servir d'interprète.
Pendant que les esclaves préparaient les
pipes et le café, il y eut une pause de quel-*
ques instans. J'en profitai pour jeter un
çoup-d'œil à la dérobée autour de moi. C'é
tait une grande salle, nue, sans autre'ameu
blement que la natte qui recouvrait le par
quetât le sopha sur lequel nous étions assis.
A quelques pas de nous, debout devant
l'émir; se tenaient ses fils, les émirs Kassera
et Khalil, dans line attitude respectueuse
: rue de Tabla (Palaln-Royat), n* i«i
Baawsaa«iiB%a
1852. - JEUDI 9 I)ÉCEMB11EC
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BEPARTEBISin ! .
16 FB. PeDB TB01S MOU
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* tableau publié dans e journal, les 10 et
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■ ■ > ■; . à M. »mu*, directe
Les annonces sont reçues cbez M.-PANIS, régisseur, *0,' place de la feou
. et au bureau du journal.
J||La propriété du Constitutionnel vient de se
transformer; mais le changement survenu
dans l'organisation du journal le laisse au
poste qu'il occupe depuis long-temps dans
les rangs de la presse dévoué^ à la cause des
éternels prmcïpes d'ordre, deôiorale, de re
ligion et d'autorité) qui font les nations gran
des et fortes, heureuses et prospères.
> Les noms des hommes considérables qui
ont bien voulu accepter les fonctions de
membres du conseil d'administration de la
nouvelle Société, sont une haute garantie.de
la fermeté avec laquelle le Constitutionnel
continuera de défendre ces principes;
Ce conseil est ainsi composé :
•MM. le général Hosson , sénateur;
Chevreau père, député, membre du
• » conseil général de la Seine;
Maxjme Vernois , membre du conseil
d'hygiène publique et de salubrité
du département de la Seine ;.
le baron de Veauce , député ;
Josson , président du tribunal civil de
Lille, ancien député;
Dans la nouvelle phase où il va entrer, le
Constitutionnel ne pouvait se placer sous un
patronage plus élevé et plus digne d'inspi
rer une entière confiance.
. Le Constitutionnel n'a pas à dire ce qu'il
sera; son passé répond de son avenir. Il n'a
qù'à se souvenir de lui-même pour -rester
digne de la bienveillance que le public lui
témoigne et pour conserver l'influence qu'il
a conquise en se faisant, dèsle 40 décembre
4848, sous la direction de l'honorable M. Vé_
ïon,l'interprète convaincu des vœux delà
France. -
• Le Constituûonn el ne peut oublier qu'il a
grandi parce qu'il s'est attaché à la cause
. : sj nationale et si populaire' du neveu de
l'Empereur. Sa reconnaissance s'unit au
jourd'hui à son patriotisme pour accroître
encore le dévoumént qu'il porte au gouver
nement impérial , dont* le rétablissement
pouvait seul fermer la carrière des révolu
tions, et à la dynastie napoléonienne, dont
Je règne a commencé dans les cœurs le jour
où son chef actuel a sauvé la France -
-La nouvelle propriété du Constitutionnel
ne pouvait mieux inaugurer son adminis
tration qu'en réclamant, le concours de l'ér
■minent publiciste qui a naguère enrichi les
colonnes de ce journal d'articles dont Je re
tentissement a été universel dàns le monde
politique. M. Granier de Cassagnac y re
prendra cette» plume brillante qu'il y a te
nue, dans des temps difficiles et périlleux,
•ifrecrtant d'éclat et d'autorité.
-Les jours d'épreuve et de combat sont
passés. Mais l'honorable écrivain trouvera
dans les ressources inépuisables de son es
prit d'autres enseignemens a donner, d'au
tres services à rendre. .
Les lecteurs du Constitutionnel,. ont depuis
long-temps apprécié les connaissances va
rices de M. Jules Burat, si versé dans la-science
des a flaires ; la plume éloquente et facile de
M. Henry Cauvain; l'esprit judicieux-et
éclairé de M. Louis Boniface. Ils apprendront
donc avec plaisir que ces publicistês distin
gués- "Continueront à prêter au journal le
concours do leur expérience^
A partir d'aujourd'hui, JVI. Amédée Se Ce-
seji'a prëad la rédaction en chef du Constitu
tionnel.
PARIS, 8 DÉCEMBRE.
m J WESTÏ DU PARTI Rftl!«E.
On sait que," "lat veillé ^r*3ennères"éîec-
tions, trois manifestes émanés de la déma
gogie exilée ont été mis-en circulation.. On
employait toïis les moyens possibles pour
donner quelque activité à cette propagande
clandestine. Le gouvernement de Louis-Na
poléon a pris le meilleur parti : il a-fait insé-
rer au Moniteur ces proclamations. La France
entière a pu connaître les protestations ët les
promesses de la république rouge, et elle,a
répondu par son vote. Les auteurs de ces hon
nêtes écrits ne se tiennent pas pour battus.
Us continuent leurs publications. Ce sont de
petits livres, d'un format microscopique,
fort nettement imprimés, bien qu'en ca
ractères très menus, contenant de. trente à
quarante pages et tout à fait propres à tenir
sous le pli d'une lettre. C'est de cette façon
d'ailleurs que ces opuscules sont envoyés.
Ils coûtent à la vérité un port assez onéreux
au destinataire, qui se soucie peu d'être
mis ainsi à contribution par des amis in
connus. Ajoutons que presque toujours
ces présens étranges sont adressés â des
commerçans, à des officiers ministériels, à
de paisibles ^ourgeo.'s, tout surpris du sans-
gêne de cette familiarité, et qui, le cachet
brisé, se disent, non sans =dépit, qu'au moins
il faudrait affranchir quand on se mêle de
convertir les gens. ■
« Un de ces petits livres est parvenu à notre
adresse. Npus supposons tout naturellemefit
que les auteurs désirent que leur ouvrage
soitr lu et qu'il en soit parlé. Leur vœu sera
accompli. Nous avons lu leur œuvre, et nous
en parlerons. L'opuscule est un in-32 de
32 pages, intitulé : « Lettre au peuple fran
çais.» Cette lettre, comme on nous l'apprend,
a été votéeà Londres le 15 apùt 1852 et publiée
le 22 septembre, anniversaire de la première
république. Elle est signée par les républi
cains socialistes, membres de la société de
la Commune révolutionnaire et attestée par
trois commissaires élus pour certifier la co
pie : MM. Félix Pyat, Caussidière et Boichot.
Nous pouvons donc en toute sécurité de
conscience, la considérer comme un mani
feste de ce. parti.
- Dans une introduction curieuse, MAL Fé
lix Pyat, Caussidière et Bôichot se donnent
la peine d'expliquer à leurs concitoyens de
France et d'exil le but de cet écrit. On croit
rêver en-la lisant. Il est question d'y prou
ver que le peuple se prépare à renverser le
gouvernement de Louis - Napoléon? Nous*
savions qu'incorçigibles dans leurs cireurs
ou dans leurs, illusions, les-meneurs du
parti rouge ne tenaient guère compte
des faits, et -ne pouvaient se défendre
d'accumuler les prophéties, au risque de
les voir démenties par l'événement. Mais,
assurémeyt, il faut de l'indulgence pour
prendre au sérieux des hommes qui, le len
demain du jour où le peuple souverain, loya
lement convoqué dans ses comices, vient de
proclamer l'Empire dans un vote de huit
millions de suffrages, affirment gravement
que le peuple souverain est à eux, va com
battre pour eux et s'apprête à leur dvesser
des arcs dè triomphe. Est-ce la conséquen
ce d'un incurable aveuglement' ? Est - ce
l'emploi obstiné d'une vieille tactique bien
usée et bien décrépite ? Il ya long-temps que
les démagogues, en effet, se sont fabriqué
un peuple à leur usage, espèce de marion
nette politique dont ils remuent lfes fils, éf
.qu 'ils font agir et parler, comme ils veulent,
sur leurs tréteaux, pour l'édification des cré
dules ètdes dupes. En vain, le vrai peuple,
le peuplfrjg# travaille daaàies Ateliers et lejï.
champs, lèsrepbusse et les conspue ; ils s'en ,
consolent eh adulant leur peuple postiche f *
ce géant, ce lion, cet .océan, etc. On sait U
kyrielle des flatteries que ces adorateurs
d'une idole creuse et vaine prodiguent en j
guise,, d'encens sur les. autels du moloch ré-j
volutionnaire. ^ " •/
Donc c'est, à leur peuple souverain que s'a*/
dressent MM. Pyat, Caussidière et Boichot*
Il faudrait cependant'. tâcher de deviner ce
qu 'ils entendent par ces mots : le peuple
souverain. - L'énigme est facile à compren
dre. Ils là dévoilent eux - mêmes de -la
fiiçôn la plus"ingénue. Leur peuple., ils
l'appellent le peuple du 45 mai. A la
bonne heure. Le peuple du -15 -mai ,
un ramassis de clubistes, d'émeutiers, de
membres des sociétés sécrètes, fonctionnant
sous la direction de; quelques meneurs ha
biles, essayant de faire une révolution à ,
l'aide d'un de ces tours de màm familiers au
parti, et arrêté dans son dessein par l'élan
de Tarmée> de la garde nationale, de la
population tout entière. Voilà le peuple î,
factice qu'ils avaient formé dans chaque
Ville, dans chaque village, et qui,'grâce à
ses fanfaronnades, à ses-efforts, à ses ex- ;
ces, avait la prétention -d'.en imposer au
peuple véritable, ami du calme, de l'ordre,
de la stabilité , au peuple qui a nommé
Louis-Napoléon Président, Président décen
nal Empereur, pour se séparer à jamais
de la démagogie et du socialisme révolu
tionnaire. .
Une fois, les termes bien définis, il nous
sera plus facile d'apprécier le mérite de la
lettre de la Commune de 1852, digne héri
tière de la Commune de 4793. Après l'am
phigouri obligé, «jur- les principes révblution-
naires, après trôis tirades en proso poétique}'
à propos de la liberté, de l'égalité , et de la
fraternité, ritournelle favorite tles chantres
de la démagogie, la -Lettre au peuple fran
çais arrive au fait. Le fait est de savoir
quels sont les moyens révolutionnaires à
employer. L'a réponse est prévue. Le gou
vernement de la» contre-révolution, pour
nous servir de leur langage, rëpose sur quatre
piliers : l'armée, le clergé; la magistrature,
la banque. Il suffit - de renverser ces quatre. ■
piliers. La révolution de 1793 avait affaire à
deux piliers : la noblesse et le clergé ; l'on
connaît ses exploits. La prochaine doit' sup
primer 'quatr/e piliqrs; il'y aur$ progrès,_... a - ;
Parlons d'abord de l'armée : « Elle est
composée, disent MM. Pyat, Caussidière et
Boichot , d'un quart de mercenaires qui-
ont vendu leur ame comme leur corps; (i'une
moitié d'ilotes que l'indigence oblige à payer
l'impôt du sang, et que l'ignorance réduit
au mécanisme de soldats de plomb. Elle ruine
et opprime, sous prétexte de défendre :
corps d'esclave5| armés pour contenir des
esclaves sans arijies. »'Que faut-il faire de
cette armée de mercenaires et d'ilotes?: Ici,
il faut citer. Nous ne voulons pas priver
nos lecteurs du 'plaisir dé juger le style du
manifeste de MiNJ. Félix" Pyat, Caussidière
et Boichot ■. . .
«Cette armée permanente, instrument suranné
de violence intérieure et extérieure, ne peut done
plus exister désormais. Elle est irrémissiblement '
condamnée. Elle n^ùt pas dû survivre au 2'4 fé
vrier: ell3 s'est tlié* le 2 décembre. Le meurtre
qu'elle a commis a; été son suicide. Sans le 2 dé
cembre, on l'eût peut-être conservée encore,
-comme on l'avait rappelée dans Paris après le 24
■ février. On eût reparlé peut-ôtreencore derhorineurj
. des armes, de.lagloire du drapeau, des services ren
dus, des tôles blanchies sousle harnais, des vieux
: crachats, des vieux habits, des vieux galons.'Tout
' dit; elle sfest noyée à jamais dans le sang de|
>» décembre ; '"seS drapçaiix-
doivent être brûlés, ses prinoipaux chefs dégradés;
'H. l'aut ua exemple. 11 faut qu'elle comprenne l'é-,
normité de son crime par la solennité du châti--
ment. Mais afin que cette grande leçon nationale
soit morale et profitable, il faut, à côté de la pei-
ne pour les coupables, la récompense pour les:
, méritans ; il faut décerner l'ovation populaire, aux
soldats républicains d'Afrique, à ces sous^officiers
démocrates expatriés, envoyés au désert pour" cau
se de socialisme. » , . ' i
Ainsi, infliger à^toute notre brave armée
l'ignominie deê fourches oaudines, brûler
les drapeaux,insignes de sonhonneur et de sa ;
gloire, .dégrader ses chefs, et décerner une
récompense nationale à ceux qui ont donne;
l'exe'mplè de l'indiscipline, et de la, révolte,
et notamment à M. Boichot, l'un dès signa-,
taires de la Zettre au.peuple français, tel. est
le premier des moyens de la fuiure révo-
* lution. , . ..
Passons au second. Il s'agit du clergé.
MM. Pyat, Caussidière,et Boichot déclarent
que le christianisme a fait son temps, et que-
c'est une «religion défectueuse » qu'il faut;
tout simplement supprimer. Etsavez-vous
pourquoi? Lisons encore :
«'Traître à son origine, infidèle à sa mission,
! quittant la crèche peur le dôme, l'esprit, pour lé
corps, le ciel pour la terre, Dieu pour le Diable,
Jésus pour César; maudissant l'infortune, réprou- 1
• vant la vertiÇ" bénissant lexrime, huilant le par
jure, sacrant et consacrant le vol et le meurtre,
: toute violonce et toute fraude; abusant, dépra-;
vaut la conscience, éteignant la raison, entrete-
- tenant la crédulité, exploitant la faiblesse, alliant
enfin avec an art-infernal la ruse à la force, la
croix à l'épée, le goupillon à la torche, et l.e tout
à juste prix ; ' plus avare cent fois que les mar
chands du Temple, plus hypocrite que les-Phari
siens, plus cruelle qu'Hérode, plus_déloyale que
Judas; bref, vendant, livrant, crucifiant et man
geant le Christ tous les jours : voilà l'Eglise ca
tholique depuis les anciens empereurs jusqu'aux
nouveaux, depuis Constantin jusqu'à. Bonaparte!»
Le troisièmè moyen révolutionnaire s'ap
plique à la magistrature. La. magistrature a
le même sort que l'armée et le clergé :
« Môme lessive ! La robe est aussi sale que la
soutane et l'uniforme. La magistrature a forfait
comme l'armée et le clergé. Elle appartient à la
mefrt comme ces institutions caduques. Elle s'en
ira bras dessus bras dessous avec elles dans le
même tombeau. "Elle a frappé avec la même hai
ne; elle a servi avec la même honte; elle a pré-
variqué sous tous les régimes, au nom du peu
ple comcno au nom du roi, .écrasant le droit sous
le poids des»amendes et.des chaînes, jugeant sans
foi ni loi, condamnant quand môme â la confisca
tion, à la prisony à l'exil," à la mort ; elle s'est ju
gée et condamnée san3 appel ; elle doit être exé
cutée. Comme le juge pervers de Cambyse, elle
doit laisser sa peau sur son siège, sa vie avec son
honneur. »
- "'ijtiant à la ban'qïïe, orfcomprend'(favance
quel-en est le sort. Le capital, l'in,âme capi
tal, ne - saurait trouver grâce ni merci. La
révolution fera le compte de la réaction, et,
sous forme de revendication, elle dépouillera
« tous ceux qui ont mené et exploité là con
tre-révolution;-président, représentans, fonc
tionnaires de tout grade et de tout genre;
ministres et bourreaux. » Là-dessus, MM.
Pyat, Caussidière et Boichot s'écrient : « As
sez de révolutions platoniques. Il faut en
finir une bonne Ms avec la réaction ; il faut
la punir par où elle a péché et comme elle
a péché, solidairement. C'est l'argent qu'il
faut exécuter. » On ne peut être plus clair,
ni plus concluant.
Nous ne pouvons tout citer. Il y a un pas
sage charmant, où la Commune révolution
naire invite tous les socialistes à exploiter
« les biens appartenant aux complices de
Louis-Napoléon , aux agens de son gou-
- vèrnement-. » On nous dit que « les fou-
riéristes feront la phalange, les commu
nistes la commjmaùté, les mutuellistes la
banque,.d'échange, etc. » Ce sera un, ma-
gaijttque spe ctacte^'i et, to FçdQCd applaudira;
certainement«à -ces-beUtjs tentatives: "T
-Quand on lit ces absurdités, '6n : n'e/petit
s'empêcher de rendre grâces à l'énergie etïsf
l'habileté de l'homme providentiel J qui.;a.
sauvé la société. èt la civilisation dans
notre pays, et qui a reçu, comme une juste
récompense de ses signalés services, la cou--
ronne'. impériale. Ajoutons: que l'Europe,
de même que la France, lui doit la tran
quillité dont elle jouit. Ce n'est pas seulement
chez nous que la république démocratique 1
et .sociale devait s'établir. Elle , était ap
pelée à subjuguer le monde. La Com
mune révolutionnaire veut que le peuple,
français fasse « la guerre sainte, la guerre
dè'-Dieu, pour la délivrance de l'humanité. »
Elle le convie à « se lever tout entier, cœur
et bras, foi et force, effréné, indomptable,"
invincible»; elle l'ïnyite «émettre sa blouse-
au bout de sa pique, et à marcher, s'il le
faut, sans culotte et piedsnus » ; elle le som
me de retrouver « sa furie de 93. » Ce der
nier mot suffit pour nous faire connaître,
tous lés moyens de la future révolution. .
henry catjvain.
M. de La Guéronniere publie : aujourd'hui
dans le Journal de l'Empire un article im-
Sortant, qtàe-nous croyons devoir repro-
uire : »
NAPOLËON II.
' L'Empereur-p'arlait comme parlera la postérité,
lorsque, répondant aux grands corps de l'Etat, il
s'exprimait ainsi : « Je prends, dès aujourd'hui,
» avec la couronne, le nom de Napoléon III, parce
» que la logique du peuple me- l'a déjà donné
» dans ses acclamations/ parce que le Sénat Ta
- proposé légalement, et parce que la nation én-
tière l'a ratifié. »
La logique du peuple, si justement invoquée
par l'Empereur, n'est autre chose que l'instinct
de la logique dès faits. :
Le peuple, avec la fidélité de ses souvenirs et
la clairvoyance de ses sentimens, a compris tout
ce que les faits eux-mêmes établissent avec une'
autorité invincible. En saluant l'Empereur- du
nom dè Napoléon III avant de l'élire dans'le scru
tin national, il n'a été que la voix unjyerselle de
l'infaillible histoire. '
Nous semiues déjà séparés de 1815 par plus
d'événemens encore que d'années. 11 peut être
utile de recherche;- dans ce passé, si plein de sou--
venirs et d'enseignemens, ce qui intéresse l'épo
que actuelle. Nous-n'avons pas d'ailleurs à discu
ter, nous. n'avons*qu'à raconter.
Après le glorieux désastre de Waterloo, Napo-
poléon était-vaincu, mais il n'était pas encore
renversé. Il n'y avait d'autre gouvernement de
fait et de droit que le sien. Louis' XV11I était à
Gand, et sans doute personne n'oserait dire au
jourd'hui que, la France y fût avec lui. C'est donc'
dans, la plénitude de son pouvoir" constitutionnel
" ivetrede-son-
ds, cju'iL proclama sous le nom de Napoléon II.
Voici cet acte d'abdication :
. moniteur du vendredi 22 juin 1815.
Déclaration au peuple français.
, « Français !
» En commençant la guerre pour soutenir' l'indé-
» pendance nationale, je comptais sur la réunion de
» tous les efforts, de toutes les volontés, et le con
cours de toutes les autorités nationales. J'étais fon-
» dé à espérer le succès, et j'avais bravé toutes les
» déclarations des puissances contre moi.
» Les circonstances me paraissent changées. Je
» m'offre en sacrifice à la liaiue des ennemis de la
» France. Puissent-ils être sincères dans leurs décla
rations, et n'en avoir réellement voulu qu'à ma per-
» sonne! Ma vie politique est terminée, et je pro-
» clame mon fils, sous le titre de Napoléon II, Empe-
» reur des Français.
Les ministres actuel.; 'ormeront provisoirement
» le conseil de gouvernement. L'intérêt que je porte
» à mon fils m'engage à inviter les chambres à orga-
» riiser sans délai la régence par une loi.
. » Unissez-vous tôus pour le salut public et pour'
» rester une nation indépendante.
» Signé napoléon. »
Advint-il de cet abdication comme il devait
advenir plus tard de c^lle du.roi Charles X et da
S. A. JR. Mgr le duc d'Angouléme en faveur de leur
petit-fils et neveu Mgr le duc de Bordeaux? Cette
abdication fut-elle considérée comme nulle et.npn
avenue par les pouvoirs constitutionnels-qui,repré
sentaient ift, aalioa et ia^loi? Noni la.cluimbre
"des pairs, la chambré des représentau^TÎ*araiée,
le peuple,- reconnurent formellement. Natpûléop II.
C'est encore'au Moniteiir çpip nous.denit|hdons nos
preuves^ 1 " ' . ~ " ' - ! '•
La déclaration de l'Empereur Napoléon" I er f-et
transmise à. la chambre des pairs par M. le comte
Carnot,' et à-la chambre des représentans par M.
le duc d'Otrante. ' .
Il n'y eut ni surprise, ni précipitation dans les
délibérations qui lurent prises à la suite de cette
importante communication. Les deux chambres
étaien t divisées par les mêmes partis qni di visaient
le pays. Un. débat, dans lequel transpiraient toutes
les prétentions rivales, s'engagea jusque sur Igs
ruines de la pati-ie. Les partisans connus ou se
crets d'une seconde restauration voulaient laisser
le trône-vacant, afin de donner aux armées de
l'Europe le temps d'arriverà Paris. Les défenseurs
de l'indépendance nationale demandaient formel
lement, au contraire, que Napoléon II, proclamé
par, l'Empereur, fût reconnu par les chambres,
afin de raffermir-le patriotisme de. la nation, de
maintenir l'héroïsme de l'armée, et de montrer
à l'Europe coalisée et victorieuse, en marche sur
la capitale, le spectacle d'un grand peuplé rallié
à un gouvernement légal, et résistant jusqu 'à la
dernière extrémité. • -
Le débat fut long, plein db grandeur et d'émo
tion. A la chambre des représentans, Regnault
de Saint-Jean-d'Angély, Boulay (de la Meurthé),
Manuel, ' Bérenger ; à la chamfcre des pairs, Thi-
baudeau, Labédoyère, Lucien Bonaparte, le com-
-te de Ségur, le duc de Bassano, le comte de Fia-
haut, Decrès,; firent entendre les plus nobles ac-
cens du patriotisme., Leur éloquence retentissait
dans les ames,oômine le rappel suprême de la pa-
trier en danger. : ■
. Enfin, le 23 juin, la chambre des représentans
adopta, sur la proposition de Manuel, la résolu
tion suivante que nous copions dans lé Moniteur
du 24 :
. ^ moniteur du 21 juin 1815. /
Chambre' des représentans.
« La chambre des représentans, délibérant sur les
» diverses propositions faites dans sa séance et men-
» tionnées dans son procès-verbal, passe à l'ordre du
» jour motivé, '
» 1 0 Sur ce que Napoléon 11 est 'devenu Empereur
» des Français, pan le fait de l'abdication de Napo-
» léon l" et par la force des Constitutions de l' Rm .
» pire; • . ' ■ «<
» Sur ce que les deux chambres ont voulu et én-
» tenûu, par leur arrêté à la date.d'hier, portantn'd-
» mination d'une commission de gouvernement pro-
» visoire, assurer a la nation les garanties dont elle
»:■ a bisoin, dans les circonstances extraordinaires .Où
» elle se trouve, pour sa liberté et son repos, au.
» moyen d'une administration qui ait . toute la con-
» fiance du peuple. •.
» Le présent acte sera transmis par un message ,à
» la chambre des pairs. *
» La proposition est unanimement !appuyée. De
» toutes parts on demande à.aller aux voix.
» Oh demande à grands cris la fermeture de la dis->
» cussion, et elle est fermée à l'unanimité.
» M. le président donne - lecture de la rédaction
» de la délibération proposée. Il la met aux voix.-,
» L'Assemblée se lève tout entière.
.» m ,, ib ^1'R ésidenj . La propositifta.e.st adoptpe.....,
» À ce-mot, le cri de Vive l'Empereur! éclate à
fois dans l'Assemblée et dans les tribunes; ce cri se
prolonge au milieu des plus vifs applaudissemens.
Moniteur du 24 juin 1815. - * ]'
Chambre des pairs. . ;
« Dans sa séance du 23 au soir, la chambre des
» pairs a adopté la délibération de la chambre des
» représentans et datée de ce jour, portant que Na-
» polé'on II est devenu Empereur des Français par le
» fait de l'abdication de Napoléon I" et des Consti-
» tutions de l'Empire, »
Ainsi, Napoléon II n'a pas été seulement pro--
clamé Empereur des Français, dans l'acte d'abdi
cation du 22 juin. Il a été légalement reconnu en
cette-qualité par la chambre des pairs et par la
chambre- de# représentans dont nous venons de
copier les délibérations.
Il y; avait donc un gouvernement proclamé,
constitué, reconnu, au nom de Napoléon II. La
commission de gouvernement qui gouvernait de
fait, pendant les jours ' de crise, ne comprenait
pas autrement la situation. Elle gouvernait an
nom de Napoléon II. Malgré la surabondance da
preuves historiques à l'appui de ce fait, nous
croyons devoir donner encore celle-ci :
FLU1LLET0H DU CONSTITUTIOKtiEL, 9 DÉCEMBRE.
Kons commencerons demain la
publication du Prologue
~~ D'ÏSAAC LAQUEDEM,
ParSS. »USXJtS.
Le nouveau roman de M. Alexandre Du-
•mas, dont nous annonçons la publication
dans le Constitutionnel, sera une. œuvre
à part dans l'œuvre immense de l'illustre
romancier. Conçu ' sur le plus vaste plan,
.mûri par vingt-cinq années d'études, de
réflexions, de recherches et de documens
•lentement amassés, destiné, dans la pen
sée de l'auteur, à devenir le" chef-d'œuvre
'et le couronnement de sa vie d'écrivain,
Isaac Laquedem.e st appelé à l'un de ces pro
digieux succès qui font date dans l'histoire
d'une littérature. Le cadre de ce roman
épique est large comme' celui de l'Eu -
rope, depuis l'avènement du christianisme^
Le récit du poète y part du Calvaire pour se
dérouler à travers l'histoire de dix-huit siè
cles et de vingt peiïples jusqu'à l'époque
confemporaine.On devine tout le parti que la
.merveilleuse imagination de M. Dumas saura
tirer, de cet immense enchaînement de ra
ces, de types, de nationalités, de catastro
phes, de péripéties, .de natures et de civilisa
tions diverses. Jamais son talent n'est
plus fort et plus émouvant .que lorsqu'il
a à remuer des masses d'événemens, et
à parcourir une grande carrière historique.
'Les Trois Mousquetaires y —pour- n'en citer
qu'un se'ul exemple,—qui ne comprenaient
cependant qu'un dèmi-siècle de l'histoire
de France, ont donné la mesure de la puis
sance épique de composition et de "déve
loppement dont il dispose; mais c'est dans
l'œuvre quenous annonçons, que cette faculté
privilégiée j trouvera une application vérita
blement digne d'elle". L'ère chrétienne tout
• entière à dérouler, l'Europe à parcourir, le
drame de l'humanité à mettre en scène dans
une séried'époques et de tableaux reliés entre
eux; à travers les Ages, par l'unité grandiose
de la plus pathétique figure de la Légende,
tel est, en quelques' mots, le programme
des dix-huit Volumes à.'Isaac LaqwAcm. ]1
réunira, comme on le voit, au merveil
leux de l'épopée, l'intérêt de l'histoire, la
passion du drame et là- magie d'un panora
ma spleadide et animé des annales du
monde.
; Nous allons d'ailleurs laisser l'auteur par
ler lui-même de son œuvre. La lettre sui
vante que nous venons' de recevoir n'était
pas destinée à.Ja publicité. Mais il nous a
semblé que nous ne pourrions donner au
grand ouvrage «dont nous proclamons d'a
vance le succès, une plus éloquente et plus
persuasive préface : -
: Chers,
Je vous envoie le prologue d 'LsAAC Laque-
dem. • .
.Que forez-vous de ce nouvel ouvrage ? Je
n'en sais rien;—mais laissez-moi vous dire
ce que je voudrais que vous en fissiez. —
Isaac Laquedem c'est l'œuvre de ma vie, et
vous allez en juger : il y a vingt-deux ans
que, croyant être prêt à exécuter ce livre
formidable, je le vendis à Charpentier. Il de
vait faire alors huitvolumes. Deux ans après,
je le lui rachetai, ne me trouvant pas de force
à lutter contre un pareil sujet. ,
Depuis ce temps, au milieu de tout ce que
j'ai fait, au fond de tout ce que j'ai fait, et j'ai
fait septeents volumeset cinquante drames,
cette idée obstinée a vécu,—et de huit volu
mes a grandi jysqci'à dix-huit. -
Toujours impuissant à l'exécuter comme
devrait être exécuté.ce livre, j'ai du moins
depuis, vingt ans, beaucoup étudié et beau
coup appris; tout ce que j'ai étudié et appris
d'art, de sciences, d'hommes et de choses,
je le mettrai dans Isaac Laquedem ; c'est, je
vous le répète, l'œuvre de ma vie.
Maintenant, ce que je désirerais de yous,
c'est que vous expliquassiez bien à vos lec
teurs que je leur donne un livre qui n'a son
précédent en aucune littérature; un livre qui
a besoin, comme tous les livres renfermant
une grande pensée, d'être lu entièrement
avant d'être jugé , la valeur du livre étant
surtout dans l'immense ensemble que for
meront six romans distincts, au milieu
de six civilisations différentes, se rattachant
au même sujet, poursuivant la même idée.
Je crois que faire une analyse du livre
èerait le déflorer; au reste, ce que je puis
vous affirmer, c'est que, pendant cette gesta
tion de vingt ans, dans mon cerveau, il est
-tellement venu à maturité, que je n'ai • plus
qu'à cueillir le fruit sur l'arbre de mon ima
gination. V" -
Vous n'attendrez donc pas : je ne compose
plus, je me dicte. \
Tâchez maintenant qa'Isaac. passe au
Constitutionnel, je crois que ce sèrait le pu
blic dont l'appréciation serait la plus favo
rable à l'ouvrage.
A vous de cœur,
Alexandre Dumas.
Bruxelles, 5 décembre 1852.
BROUSSE.
IL
une visite a l'émir béchir. .
Je n'oublierai jamais cette entrevue.C'était
vers le milieu de mars 1848, quelque temps
après que, la nouvelle des événemens dé fé
vrier nous fût parvenue à Constantinople.
Un de mes amis m'avait engagé à l'accom
pagner dans une visite qu'il allait faire à sa
lilature de soie, à Brousse. J'accéptai, moitié
par désœuvrement, moitié parle désir de voir
une ville qui est en même temps le Saint-
Denis et le Bourges de la Turquie. Ce
pendant , depuis près de deux semaines,
nous passions notre temps d'une façon assez
maussade, lui, ocoupé tout le jour de ses
1 commis et de ses ouvriers ; moi, errant au
hasard dans les rues tortueuses de la ville,
et le,soir, nous réunissant autour du man-
gal pour causer de la France et savourer les
douceur du kief, le far mente des Orientaux,
i- quand j'appris, comme par hasard, que
l'émir Béchir était depuis près de deux
ans à Brousse, où il vivait d'une pension as
sez mesquine que lui faisait la Porte. Peu
de noms ont eu, de nos joùrs,en Orient, au
tant de retentissement'que celui de l'émir
Béchir. Lamartine lui a. consacré de nom
breuses pages de son Voyage ; et, depuis,
ses malheurs avaient encore ajouté r à sa
renommée. Je me sentis un vif- désir de
contempler de près cette grandeur déchue,
cette ruine vivante au milieu des ruines mor
tes qui m'entouraient. Mais comment m'y
prendre? Le.prince ne sortait jamais de sa
maison ; je ne pouvais donc espérer de le
rencontrer chez le gouverneur m dans aucu
ne des maisons où j'avais accès.,D'ailleurs,
les soirées, les raouts sont inconnus en
. Orient; il n'existe pas même de réceptions
officielles, si ce n'est à Constantinople, à
certains jours,et parmi les hauts dignitaires
de la Porte, qui ont adopté en partie les ha
bitudes et l'étiquette européennes. Il y avait
bien un moyen : c'était de me présenter di
rectement chez le prince, en me donnant
pour ce que .j'étais : Français et voyageur,
cela répondait à tout. Un seul même de ces
titres suffisait. Qu'importe ce que vous soyez,
d'où vous veniez ! Vous êtes étranger; c'est
Dieu lui-même qui vous envoie. Ma maison,
ma tente vous est ouverte.
Quant à savoir ton nom, tu te nommes mon hôte î'
* Mais j'avais uiAscrupule, il m'atoujours pa
ru que cet empressement à voir de près une
personne célèbre , surtout quand elle a été
précipitée d'une haute fortune, et que sa
disgràce^faitune partie de sa célébrité, cons
tituait un manque d'égards vis-à-vis de cette
personne. Si j'eusse dû trouver l'émir dans
son palais de Beït-Eddin, au milieu des ma
gnificences de son ancienne cour, j'aurais
moins balancé; mais exilé, presque captif, ré
duit à vivre des aumônes de la Porte, j'avais
peur qu'il n'attribuât ma démarche à un mo
tif de curiosité, toujours blessant pour celui
gui en estl'objftt. Mon ami> plus au fait que
je ne l'étais des mœurs et.dela manière de,voir
des Orientaux, me rassura à cet égard. Votre
scrupule, me dit-il, est fondé sur un préju
gé qui n'a pas cours ici. En Orient, la hon
te n'accompagne jamais la disgrâce. On
peut être affecté de sa mauvaise fortune ;
mais on n'en est point humilié, et l'on ne
songe pas à s'en cacher. Tout s'explique par
ce mot qui est le mot même de la religion :
Résignation à Dieu!
Nous finîmes par adapter un mezzo termi
ne. L'émir avait pour chapelain un prêtre
maronite qui fréquentait la maison d'un
Arménien de notre connaissance. Nous ré
solûmes de nous ouvrir à lui de notre désir
d'être présentés au prince, et de nous lais
ser diriger par ses avis. Nous le,rencon
trâmes le même soir. Il se nommait Sté-
phan H , et nous parut avoir de
trente-six à trente - huit ans. Il afait le
regard 'fin, la physionomie vive, mobile
quoique tempérée par une réserve habituelle..
Il était auprès du prince depuis bientôt
quinze ans, et lui servait à la fois, suivant
l'usage commun en Orient, de chapelain, de
secrétaire, de drogman et d'intendant.
M. le chapelain-secrétaire-interprète-in
tendant accueillit au mieux notre demande;
il promit de nous présenter le lendemain
même au prince, après toutefois qu'il l'au
rait prévenu de notre visite; et nous nous
quittâmes, ayant pris rendez-vous pour le
soir. *
Lé prince habitait une grande et vieille
maison , entièrement construite en bois,
comme toutes les maisons de Brousse, et
recouverte extérieurement d'un mauvais
badigeon rougeâtre. Je ne vis jamais rien de
si triste que l'aspect de cette maison. Les
murailles lézardées, les escaliers vermou
lus, les toiles d'araignées suspendues aux
plafonds, les cours désertes, tout présen
tait l'image de l'abandon et du dénû-
ment. Nous . traversâmes- en silence, une
longue suite dé vestibules, semblables à des
hangars. Quelques serviteurs passèrent de
vant nous, mais sans nous parler; la len
teur et la régularité* en quelque sorte mé
canique, de leurs mouvemens,le silence de.
leirr démarche, les longs plis de leurs vête-
mens, leur-donnaient l'air de spectres; d'au
tres dormaient étendus de tout leur long
sur^ les degrés, ou se tenaient accroupis au
seuil des appartemens, comme des sphynx. Il
y avait loin d'une pareille demeure au pa
lais féerique décrit par Lamartine, où l'émir,
entouré lie ses vassaux et de ses bardes, dé
ployait une pompe et une magnificence in
connues depuis longtemps en Orient :
« A quelques pas de nous, le palais mau-
» resque de l'émir s'étendait majestueuse-
» ment, sur tout le plateau de Dptedin, ave«
» ses tours carrées, percées d'ogives cre-
» -nelées à leur sommet; les longues galeries
» s'élevantles unes sur les autres, et présen-
» tant de longues files d'arcades élancées
» et légères comme les tiges des palmiers,
» ses vastes cours remplies d'une foule deser-
» viteurs, de courtisans, de prêtres ou de sol-
» dats sous tous les costumes variés et pitto-
» resques que les cinq populations du Liban
» affectent: le Druze, l'Arménien, le Grec, le
» Maronite, le Métùalis. Cinq à six cents che-
» vaux arabes étaient attachés parles pieds et
» par la têfe à des cordes tendues qui traver-
» saient le§ cours, sellés, bridés et couverts de
» housses éclatantes de toutes les couleurs;
» quelques groupes de chameaux, les uns
» couchés, les autres debout, d'autres à ge-
» noux pour se faire charger ou décharger;
» et sur la terrasse la plus élevée de la cour
» intérieure, quelques jeunes pages, courant
» à cheval les uns sur les autres, occupés
j> à lancer le djerid. » -
Cependant, ce dénûment après cette gran
deur-, cette misère succédant à cette magni
ficence avaient leur poésie aussi, e t servaient
dignement d'introduction à la scène qui al
lait suivre.Ici l'harmonie naissait des con- •
trastes. •
Nous arrivâmes au sélamlik. Le fond en
était occupé par un ' sopha à l'angle duquel
nous aperçûmes . l'émir accroupi, et te
nant entre ses genoux le tuyau de jas
min de son tchibouk. Nous allâmes droit
à lui, sans jeter les yeux de côté; et, sa
luant à la manière orientale , la main
droite appuyée sur notre cœur. L'émir
fit un signe de tête imperceptible en nous -
indiquant de prèndre place à ses côtés, sur '
le-sopha. Le chapelain qui nous accompa
gnait s'accroupit sur la natte, aux pieds du
prince, s'apprêtant à nous servir d'interprète.
Pendant que les esclaves préparaient les
pipes et le café, il y eut une pause de quel-*
ques instans. J'en profitai pour jeter un
çoup-d'œil à la dérobée autour de moi. C'é
tait une grande salle, nue, sans autre'ameu
blement que la natte qui recouvrait le par
quetât le sopha sur lequel nous étions assis.
A quelques pas de nous, debout devant
l'émir; se tenaient ses fils, les émirs Kassera
et Khalil, dans line attitude respectueuse
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