Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-12-05
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 05 décembre 1852 05 décembre 1852
Description : 1852/12/05 (Numéro 340). 1852/12/05 (Numéro 340).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMÉRO 540.
ÛKlUijUlX : roc, de Vatolâ (& s aluls-**»>yal), n* lt>.^
B 1835s. -DIMANCHE 5 DÉCEMBRE.
Prix defâSaBHclîieal' ■
." DEP ARTJÉBàEHB t , *
io FB, peua;mûis;Mpis
taïus; -
13 m. .POUE TROIS MOIS.
UN numéro : CïumssR- '
rocs usa pats txikmwis, se reporter an
tableau publié dans le iournal, les 10 et
25 de chaque moi?. ■■■•■'
^TT-?ff.
JOEBNAL POÉKPIQIE f lIXa^BMËE, WI^ERSEL.
Toute lettres on affranchie sera rigoureusement refusée.
les articles déposés ne sont pas rendus.
. On s'abonne^. dan< les. départemens, aux Messageries et aux Directions d: p $tfCi >—A 'Londres, chez MM. Cowffi et ïlis.
i v'j'i; .-v - '. ' ' —•
PARIS « 4- DÉCEMBRE
.LA FRANCE EST MONARCHIQUE.
On disait à un utopiste qui venait de forger
une Constitution : a C'est à merveille ! il ne
uous manque plus maintenant que de fabri
quer -ié peuple auquel s'appliquera votre
œuvre. » II y a une grande vérité dans cette
parole. Les "révolutionnaires, quand ils s'a
visent de légiférerpour une nation, consul
tent leurs souvenirs de collège., leurs auteurs
favoris e t surtout leur orgueil. Mais ils otne t-
tent' toujours de s'enquérir des besoins, des
intérêts, des tendances de la nation qu'ils
" veillent régenter. De là , le sort de leurs
Constitutions, toutes éternelles, toutes éphé
mères!
C'est cependant une entreprise vaine, que
de tenter de faire vivre une Constitution an
tipathique aux mœurs d'un peuple. Vous
réussirez plutôt à arrêter la sève; dans son
essor ou à empêcher l'eau de couler sur une
pente. Vous aurez beau multiplier les pré
cautions pour enchaîner l'avenir et pour
fermer toute issue à la résipiscence. 'En
vain vous aurez proclamé la durée des ins
titutions que vous aurez créées, en inscri
vant au fronton de votre édifice : Exegi
monumentum. L'édifice s'écroulera un jour
sans qu'on sache trop pourquoi. Une pierre
détachée de la montagne frappera, en rou
lant, ce colosse aux pieds d'argile et le cou
chera par terre. On ne saurait heurter de
front l'esprit d'un peuple sans' s'exposer
aux- plus amers déboires, aux plus cruel
les déceptions.
Nous avons toujours admiré tes songe-
creux qui avaient inventé celte belle for
mule : la «république est au-dessus du droit
des majorités.» On pouvait, selon nous, leur
permettre de prêcher tout à leur aise cette
doctrine magnifique qui' ne permettrait pas à
une nation^ n'y eût-il qu'un opposant, de
changer la forme de son gouvernement. A
les entendre, la France était condamnée à la
république à perpétuité, alors même qu'elle
eût tout d'une voix redemandé la monar
chie. C'étaient là à notre sens des rêves bien
ingénus. L'événement l'a suffisamment
prouvé. Une nation est toujours maîtresse
d'elle-même, et quand elle veut renoncer à
la république pour se confier-de nouveau au
régime monarchique, la république dispa
raît sans qu'aucun bras-.se lève pour sa dé
fense, la monarchie renaît par la seule'force
de l'assentiment populaire. -
Les institutions des peuples ne sont pas en
effet le jeu du hasard,ni le résultat des com
binaisons politiques de quelques idéologues.
Chaque peuple a son génie propre, sa mis
sion à remplir sur cette terre. Il joue son
rôle dans le grand drame du gouvernement
providentiel,èt il a reçu, dans ce but, les fa
cultés que ce.rjMe- comporte. Tant qu'il de
meure fidèle aux lois de son être, il fait
dé grandes et- uobles choses. Dès" qu'il
s'en écarte, ses efforts sont frappés de stéri
lité. Nulle part cette règle générale ne s'est
appliquée plus clairement et plus complète
ment que dans notre pays. La France a été
la première des nations aussi .longtemps
qu'elle a suivi sa voie. Elle méritait alors ces
expressions enthousiastes qu'inspiraient sa
splendeur et sa gloire, quand saint Gré-
goire -le-Grand s'écriait : « Autant la di
gnité royale l'emporte sur les autres hom
mes autant- le royaume de France est
supérieur aux autres royaumes de la ter
re (1); » ét quand un autre pape, écrivant à
(1) Quantocœterds homines régna dignitas ante-
ceditjtanto cœtcrarum géntium régna regni Fran-
-Saint l<ôuâ£içpmpar-ait-.,ia Franee-à- la tribfi
d'Israël, qui ne dévia pas du culte du Sei
gneur, et qui soutint avec honneur la cause
du vrai Dieu. C'était alors, selon le mot de
Grotius, le plus beau royaume après celui
du ciel. Avons-nous besoin de dire tout ce
qu'ont coûté à notrte pays, de sang, de lar
mes, d'humiliations et de sacrifices, les fo-
liés révolutionnaires, les imitations "mala
droites d'institutions importées de l'étran
ger, les saturnales de l'impiété, et les uto
pies du socialisme ?
Quand il s'agit de gouverner un peuple,
on doit se préoccuper, avant tout, du, génie
qui lui est particulier. Or, po9r ne parler
que de la France, il suffit d'ouvrir l'histoire
pour constater que son génie est essentiel
lement- monarchique.- Oh ! qu'il avait bien
raison , le révolutionnaire qui proposait
d'étrangler le dernier des rois avec le boyau
du dernier des prêtres. Cette formule expédi-
tivé avait le mérite d'être complète. Pour
faire violence à l'esprit de notre nation il
y a deux choses à supprimer : le clergé, qui
a pris nos aïeux barbares et qui les a civili
sées, qui a conservé dans les temps de ténè
bres le flambeau.de la science et des lettres,
qui a fondé parmïnpus. ia^charité et l'ins
truction; et la monarchie, qui a formé notre
territoire, modelé notre caractère national,
pénétré de son esprit nos lois, nos mœurs,
notre langage, nos institutions.
Pour prouver que la France est monarchi
que, un fait doit être d'abord rappelé : c'est
la destinée qu'ont eue deux essais de républiT
que à de.s époques diverses et avec des sys
tèmes bien diflerens. Jamais nous ne ferons
'injure à la république dp 1848, qui n'a été
ni sanguinaire, ni spoliatrice, de la compa
rer à la république de 1793. Celle-ci a laissé
après elle une mémoire abominable. Celle-là
disparaît honorablement, sans, qu'on-ait le
droit de,' la maudire, devant la volonté sou
veraine dè la nation qui rétablit un trône.
Toutefois, à ne voir que 1 les résultats, les
deux tentatives ont eu lejnême sor^. L'une
avait épuisé tous les moyens "que l'éner
gie, la ruse, le crime pouvaient mettre à
son service. Elle a exterminé ses ennemis,
elle s'est" emparée de leurs dépouilles, elle
a fait la guerre à l'Europe, elle a entrepris
de changer la face de ce pays, et en bien des
points elle y a réussi. Elle est morte ce
pendant , et ses excès, ses efforts, son
audace cfses forfaits, n'ont .fait que rendre
■sachute plus profonde. L'autre a respecté
tous les droits; elle s'est efibrcèe-de ménager
tous les intérêts. Elle a été pacifique, honnête
et loyale, du moins dans ceux qui l'ont gou
vernée. Elle est morte pareillement, emportée
par le flot du suffrage populaire, morte, sans
avoir combattu pour son existence, sans se
cousse et sans agonie. Car la république, en
France, offre cette singularité,qu'elle se fon
de avec fracas et qu'elle disparaît sans bruit.
Quand elle naît, on la proclame immortelle,
on. déclaré que nul ne louchera à cette ar
che sainte sans être foudroyé, on affirme
que,si elle était menacée, le peuple entier se
èverait comme un seul homme pour ven- -
ger ce sacrilège. Elle meurt, et pas uiie épée
n'est tirée pour sa cause: Qu'est-ce à dire,
sinon que l'a république est antipathique au
génie de la nation, et qu'acceptée deux fois
?ar l'amour de la nouveauté, par l'efferves
cence des esprits, par une opinion factice et
jlassagèrè, elle n'a jamais pu prendre racine
sur le sol français.
Le génie d'un peuple se révèle dans les
mœurs, dans la langue, dirns les beaux-arts.
Mœurs, langue, beaux-arts, tout est monàr- ■
corum culmen excellit .-r-SaintGréqoire-le-Grand,
Ep.V.
duque. ÀYeas noùs l'austérité "dés us'àges
.républicains? N'-avons-nous pas tous, nous
autres Français, le goût des distinctions,
des places, des Fète^ ? Nenoussemble-t-ilpas
tout naturel d'avipir une cour, des réceptions,
du luxe, à ce point que les auteurs de la ré
publique eux-mêmes, à leur insu, après 1848,
imitèrent les coutumes et renouvelèrent les
plaisirs dé la monarchie? -Ne sommes-nous pas
convaincus que. l'élégance et. la somptuosité
de la vie pour les gens riches sont les plus -,
surs moyens d'animer le < commerce, de sti
muler l'industrie, de répandre partout Fai-
sance et le-bien-être? Ne sommes-nous pas
ces Français spirituels et frivoles, braves et
ingénieux, qui s'amusaient si bien au bon
vie^x temps de la royauté,- et qui périssent
d'ennui dès que, traversant l'Atlantique, on
les met, en contact avec la froide rigidité
des mœurs américaines? ■ - - • " . •. ;
Quant à ng,tre langue, elle est essentielle
ment monarchique. Pour en acquérir la
preuve, il suffit de lire deux pages du jar
gon amphigourique, sentimental et plat que
les républicains de 93 avaient imaginé pour *
^eur usage. Le tutoiement civique, la substi.- -
tution du mot citoyen mi mdl monsieur, l&
disparition d'une foule • de locutions et de
tournures de phrases qui supposent un état
monarchique, l'introduction d'une mufti*
tude de vocables absurdes qui outragent
le bon sens et Ja grammaire : tels sont
les principaux ' ingrédiens de l'idiome ré
volutionnaire qui a été parlé dans les "clubs
de nos jours, et qui disparaîtra, il faut l'es
pérer,- à tout jamais. Nos beaux-arts .com
me notre langue sont marqués au coiij de
la monarchie. Nos magnifiques cathédrales
dë l'art roman et de l'art ogival, la bril
lante architecture de la Renaissance, qui
éclate dans le château do Chambord, sur les
attiques du Louvre, le style majestueux de
Louis XIV, les gracieux monumens du XVIII 0
siècle, n'ont rien de commun avec les idées
républicaines. Les beaux-arts ont souri ja
dis aux républiques aristocratiques d'A- t
thène^, de Flprence et de Venise ; ils
se sont montrés sévères pour les répu
bliques modernes, si peu semblables d'ail-
eurs à leurs devancières. Ni les Etats-Unis,
ni la Suisse-, l'es seules républiques-rai
sonnables qu'éclaire la lumière du soleil,
n'ont pu réussir dans les ails. Toutes les
monarchies, au contraire, étalent les ri
chesses de leurs musées, de leurs tableaux,
da leurs monumens. S'il vous finit, d'aill
eurs, une nouvelle preuve, parcourez Paris,
voyez ce qu'y a fondé la France république,
et la question sera résolue.
Ne nous étonnons pas que la France soit
nionarchique. La monarchie y a toujours été
)ien£aisante, patriotique, amie du peuple,
protectrice des "faibles. Nous avons eu <î$jà
'occasion de prouver qu'à la différence des
autres pays, la France n ? a jamais été gou
vernée que par des dynasties nationales. Nos
souverains ont toujours- administré, non en
conquérans,-mais en pères de famille. Bons
ou mauvais,-intelligens ou bornés, nos rois
opt toujours visé à l'agrandissement du
territoire et à la prospérité de là na
tion, Chaque règne pourrait être désigné
par de nouvelles provinces ajoutées au
royaume. Louis XV lui-même nous a valu là
Lorraine, lé Comtat-Venaissin et la Corse.
De tout temps la monarchie s'est appuyée
sur le peuple èt sur l'Église. Elje a pris un
rôle direct et actif dans l'affranchissement des
serfs, dans l'émancipation des communes.
En Angleterre, les barons et le peuple ont
dû se liguer pour arracher des concessions
à la royauté conquérante. En France, la
royauté nationale a été l'alliée des popu-
■ dations ^ontrfr-toutes 'les tyrannies. Aussi;
en Angleterre, la royauté nous apparaît-elle
sous de sombres, couleurs : c'est Guillau-
: me-le-Conquérant dévastant la province
" d'York, détruisant tout sur. son passage
et'noyant dans le sang de soixante
• mille de. ses nouveaux sujets une ten
tative de révolte; c'est Elisabeth ordon
nant le massacre ou la déportation des ha-
bitans de l'Irlande pour la peupler de colons
anglais; c'est Guillaume d'Orange montant
sur le trône en chassant son beau-père. En
France, la royauté nous apparaît paternelle
et toujours dévouée 'aux intérêts nationaux.
Cherchez dans l'histoire si dramatique et ,$i
lugubre de nos voisins d'outre-Manehe, des
- souverains comme Louis VI, comme Phi
lippe-Auguste, comme saint Louis, comme
Louis XII, comme Henri IV, comme
Louis XIV, comme Napoléon , vous n'en
trouverez pas..Qu'en est-il advenu? C'est
qu'en Angleterre la royauté.est.annulée,
tandis qu'en France le souverain a joué et
jouera toujours le principal rôle dans les
destinées de là nation. * j;
Si l'esprit français est monarchique, ce
n'est pas à dire pour cela que-la monarchie
y doive toujours conserver la même forme.
•On a remarqué avec raison que l'Eglise chré
tienne s'adaptait à tous les siècles, à tou
tes les nations, à tous les usages. Les re
ligions fausses ou transitoires ne convien
nent qu'à une race, qu'à une époque. La
vraie religion, une dans son dogme, va
riable dîjns sa discipline, est cosmopolite
et éternelle. On peut en dire autant de la
monarchie. La monarchie s'est pliée à tou
tes les exigences des temps et des inté
rêts nationaux. La royauté gallo-fran-
que, la royauté ca'rlovingienne, la royauté
féodale, la royauté moderne,se sont succédé
par une transformation toute naturelle, sans
crise violente et sans périls pour la société.
Les crises viotentes, les périls pour la sor
ciété n'ont apparu que depuis la révolution
de 1X89, quand on a voulu rompre-avec
la monarchie, et quand une philosophie
: présomptueuse et imprévoyante a cherché
à briser la chaîne des traditions. La monar
chie était d'ailleurs tellement dans les mœurs
de la nation, qu'elle a surgi après chaque
commotion politique : l'Empire après'les ru
des épreuves du pays battu des tourmentes
révolutionnaires ; la royauté parlementaire
i après i 830; la monarchie démocratique après
1848 : tant une pente invincible èt nécessaire
ramène la France au gouvernement monar
chique. ' „ ■
* Le lendemain de la révolution de février,
on a pu croire de bonne foi qu'une ère nou
velle s'ouvrait pour-la France, et que la ré-
jpubliqûe allait devenir la forme définitive
de son gouvernement. La monarchie de la
gloire avait succombé en 1815 sous les coups
de l'Europe coalisée. La monarchie légitime
eMa monarchie transactionnelle avaient péri
i dans une querelle avec la nation. Il semblait'
' que la série des expériences était épuisée ét
que des institutions nouvelles devaient se
fonder» Mais les événemens, plus clairvoyans
et plus forts que les individus, se sont dé
roulés;, et, après une crise de quatre années
pleine de péripéties , de retours impré
vus, (Je catastrophes terribles, la monar-:
cliie revient, non pour ramener de vieilles .
idées, pour froisser des droits acquis, pour
peser sur la nation comme un triste souve
nir, mais proclamée par la voix de tous,
sanctifiée par la religion, appuyée sur le
peuple et sur l'armée, ferme et résolue con-
. tre les méchans, rassurante pour les bons,
pleine de prévoyance et de sollicitude pour
tous les intérêts, et faisant appel à : tous les
v • ^adresser, ftaneolpourt'adminis^ ffû»}
à M> ÛBKim, directeur}
Les annonces sont reçues chez M. PANÏS, régisseur, 10, place de la Bourse ;
■ Bt au bureau du journal. - ,
■■i ■ rtO» ■■ . ^ . "'S-*- ■ „
^> V ■■■ 1 1 '
iale'ns, à lous Jès..palriotismes, à tous "lès
dévoùmens, au nom de la concorde et de
la réconciliation. ; - - ^
HENRY CAUVAIN.
Cette après-midi, un peu après trois heu
res, ^'Empereur, accompagne de M. Fould,
ministre d Etat, est sorti des Tuileries pour
faire une promenade à cheval. Il s'est dirigé
vers les Champs-Elysées par le quai des Tui
leries. Vers quatre "heures un quart, S. M
rentrait aux Tuileries par la rue de Rivoli
Elle a été saluée, à son entrée comme à sa
sortie, par des cris nombreux de : Vive VEm
pereur
t
Nous avons dit que MM. les membres 'du
Corps Législatif avaient eu la pensée de célér
brer dans un banquet le vote qui vient' de
donner l'Empire à Napoléon III.
L'Assemblée, presqu'au complet, s'est
réunie aujourd'hui au Casino, de la rue de là
Chaussée-d'Autin , dont les vastes salons
avaient été élégamment décorés.
: Tousles ministres étaient présens, à l'ex
ception de M. le ministre de là justice, fttenu
par une douleur, de-famille. Il n'y avait^as
a'autres invités. :
A sept heures, les convives, sous la prési
dence de .M. Billault, ont pris placé au'ma-
gaifiqùe couvert dressé dans la grande salle'.
Les ministres et les membres du bureau
étaient au centre d'un longue table aux deux
bouts de laquelle étaient placées deux au-
tres'tables formant le T.
La réunion a été cordiale et animée. Au
dessert, M. Billault s'est levé pour porter
un toast à l'Empereur. Tous les, convives
ont suivi son exempl-e, et M. Billault s'est
exprimé en ces termes :
« Chers collègues,
» Avant de nous séparer, nous avons vouhi fê
ter ensemble 1^ grand événement qui vient de
s'accomplir ; nous avons voulu proclamer encore
une fois nos loyaux sentimens pour le prince dont
les destinées sont désormais confondues avec cel
les .de la patrie. (Bravos prolongés.)
» Nous remercions ses ministres de s'Être joints
à nous; ils nous trouveront toujours, ailleurscom-
me ici, unis dans une commune et patriotique
pensée: dévoûmentà 1 Empereur, concours ferme
et sympathique à son gouvernement. (Marques
d'adhésion.)
» Portons donc tous ensemble, portons du fond
du cœur la santé de, l'élu de la France, S. M. I.
Napoléon III. »
Ce discours a été vivement applaudi et ac
cueilli par les.cris unanimes de : Vive l'Em
pereur l vive Napoléon IIJ ! .......
Le banquet terminé, on est retourné dans
les salons, et la réunion a encore continué
quelque temps dans le même esprit de con
corde, et d'union.
Le secrétaire de la rédaction, l. boniface.
. Dans un article publié le 3 décembre par
1 Assemblée nationale, M. de Salvaody, cher
chant à établir une distinction entre les gou-
vernemens nouveaux et les gouvernem'ens
anciens, termine par cette phrase : a Toute la
différence est .que les uns sont tenus d'em
prunter la force dos traditions, tandis que
les autres trouvent cet appui en eux-mêmes.»
Nous adresserons à M. de Salvandy cetfe
question : Lorsque vous étiez ministre de
Louis-Philippe, le gouvernement que vous
serviez avec tant de zèle empruntait-il sa
force, ou la trouvait-il en lui-même?
Le secrétaire de la rédaction, l. boniface.
L'Empereur vient de mettre à là disposi
tion du ministre de l'intérieur, de l'agricul
ture et du commerce, sur"sa cassette parti
culière, une somme de 200,000 fr.-, pour fa
ciliter le retrait par leurs familles des en
fants trouvés et abandonnés, placés dans les
diyers hospices de France.
La volonté de l'Empereur est que tous les
départemens soient appelés à participer à ce
bienfait, et Sa Majesté a pris elle-même le
soin d'en régler l'application". Une somme de
100 fr? sera affectée à chaque retrait. d'en
fant et ainsi répartie î-40 fr. seront'attribués
à" l'hospice & Titre d'ihdemnité; 60 fr. seront
émplôvés,-sous-la surveillance des autorités
locales, soit à.l'achat de vetemens en rem-'
placement de ceux de l'hospice, soit à l'ac
quisition dé livrets de' caisse d'épargne.
"Des mères que la misère seule avait con
traintes à. un cruel abandon, vont bénir la
main qui leur facilite l'accomplissement du
premier des devoirs, et leurs enfans béni
ront un jour l'Empereur qui leur rend une
famille. •
On lit dans le Morafing-Herald du 3 dé
cembre : ' ' .
« La déclaration de l'EmperfcI ,r Napoléon III,
car tel est le titre nouveau qui a nui
éclipsé le titre moins imposant de princiil res *~ ,
dent, sera lue avec un intérêt .extraordinaire^ >
quelles que soient les opinions favorables ou non <
à la dynastie nouvelle qui est rétablie, sinon fon
dée, dans la personne, de son représentant ac* ,
tuel. Le nombre des suffrages négatifs est si
petit que l'on peut regarder comme unanimes ;
les acclamations qui ont conféré ce pouvoir. L'his- ,
toire signalera cet acte comme le plus frappant
du milieu de ce siècle ; «lie montrera des millions ,
d'hommes intelligens se confiant à un homme ,
sorti de leurs rangs et élevé à la puissance et-à la <■
dignité suprêmes. Les : peuples ne-sont pas, ,;
en général, assez aveugles sur leurs propres !
intérêts pour .abandonner ^inconsidérément leurs j
diîoits. Aussi,-do quelque façon que le monde*en- ,
visage l'élévation de Napoléon III, à quelques
causés que les partis entre eux soient disposés à ;
l'attribuer, ii faut bien qu'ils confessent que c'esS
le l'ait le plus extraordinaire, le plus merveilleux,?
et qui surpasse tout autre événement dans l'his
toire de France, Si l'ambition de beaucoup d'hcsn
mes s'est trouvée suffisammentrûcompensée detânÊ
d'années de pénibles efforts, de dangers et d'of-
fusion de sang par la conquête d'un trône et d'un i
glorieux titre -éphémère, avec quel sentiment ,do :
bonheur le chef actuel de la France ne doit-iî pas .
voir son élévation qui n'a pas coûté une seule
goutte de sang, et qu'il n'a pas arrachée à la ré
pugnance d'un peuple ! Si la nomination d'un chef
par.le suffrage univerespl forme un contraste si frap-.
pant entre le chef librement choisi et le despote,
comment ne peut-il pasjustement s'enorgueillir eu
comparant sa propre position avec celle des autres
couronnes impériales de l'Euiope? A quel autre,
à une exception près, serait-il donné de reprendre
une couronne une fois, déposée, ou qui pourrait
répondre qwe. l'ombre seule de son nom, à la -
distance de trois générations et à travers une suc
cession non-interrompuê!, suffirait pour placer le
diadème sur le front de ses descendais? Telle est
pourtant là glorieuse, position de Napoléon III,-
Nous ne sommes ici que les interprètes- de l'opi
nion publique de notre pays ; car si la prospérité dé ;
la France est attactiés ;Y sa position actuelle ad
ministrative; si c'est bien sa l'erme conviction, et
l'on n'en saurait' douter, que la forme actuelle de
son gouvernement est la meilleur^ et la plus sûre
garantie de son bonheur, l'Angleterre n'a nulle.-.'
envie-et n'a évidemment pas le droit d'y trouver à j
redire. Jille ne peut qu'aider et soutenir un peu
ple ami et allié, dans l'accomplissement dé vœux
qu'il a si manifestement et si énergiquement ex-
px-imés. Le* immenses;. maj*orité3 qui ont'for-
mulé ses résolutions ne peuvent laisser lé moin
dre doute dans l'esprit de tous les hommes sensés. 1
Manifester de la répugnance à reconnaître la vo- >
lonté de-la France et le titre de son Empereur, ^
ce serait conduire à des résultats désagréables
la nation française. Cette répugnance peut
provoquer les ressentimens d'un peuple actif,
énergique et belliqueux. 11 n'en faudrait pas
davantage, nul' n'en saurait douter, pour que
ce peuple s'attachât avec plus d'enthousiasme
son Empereur, ne fortifiât son pouvoir, ne
vengeât bravement sa querelle, même au risque
de renverser de fond en comble les gouverne- -
mens établis du continent,' et n'entassât tous
les combust : .bies que des mains perfides seront
toujours prêtes à enflammer et à disperser
au loin. Nous espérons qu'on n'aura recours à-
aucune subtilité de logique, à aucun vain scru
pule pour empêcher de reconnaître le titre qui
est -pris aujourd'hui, le nom de Napoléon Uf.
» Les actes de Napoléon II, éphémères oemme
son pouvoir, ont été réguliers, reconnus; son
titre a été régulièrement proclamé par l'au
torité légale et compétente- Les motifs pour re
fuser de le reconnaître eussent été tout aussi'
justement fondés que'ceux qu'aurait eus Na
poléon III pour ignorer l'existence de tous les
g-ouvernemens'qui avaient précédé le sien. Le re-'
fus opposé à l'un impliquérait le refus opposé à''
tous ; il doit entraîner aussi cette conséquen
ce que tout le monde aurait à déplorer, mais •
nul plus que nos alliés du continent; ce serait une
insulte à l'honneur et à la digoité de la France, -
qu'il serait du devoir'de Napoléon III de venger, •
quel que fût son ardent désir de conserver la '
FEUILLETON OU CONSTITUTIONNEL. 5 DÉCEMBRE-
RENÉE DE Y1RYU LE/
L.,., • xx; ■
; ' le ut d'un malade.
• ' La main mal assurée de Loïsa n'avait
4ait qu'une blessure légère, et Renée, de ses
doigts délicats, habitués à soigner les pau
vres du village, ayait éfanché le sang, mis
une compresse pour l'arrêter, et attendait
{linsi les médecins après lesquels on courait
par ses ordres. Maurice admirait, son. sang-
froid, sa grâce, ses. soins intelligens et doux,'
et bénissait presque un événement qui la
lui montrait sous, un, aspect nouveau tout
rempli de charme. .
. .Loïsa, retenue par sa sœur, conduite et
enfermée par elle, dans une pièce éloignée,
n'avait-.pas tardé à perdre son désespoir fu
rieux, pour tomber dans une prostration
qui ne lui laissait, pas même entendre et
voir ce qui se passait autour d'elle. Un en-
•gourdtèsement, et ensuite un sommeil pro
fond, lui ôtaiént et la possibilité de nuire,
et le sentiment de l'existence.
Enfin le médecin arrivà. Il ne trouva rien
de graye dans la blessure, et l'on jugea
Elus commode pour les soins, et plus agréa-
le pour Maurice, de revenir à Pans.
La route se fit doucement : le blessé souf
frait peu; mais il fut convenu qu'il garde
rait le lit, et; pour le distraire, Renée fit
prévenir Mme de Savigny-. Il avait demandé
aussi à Yoir Théodore; mais on ne le trouva
nichez lui,- ni à l'endroit qu'il avait indiqué.
Il fallut, attendre.Maurice en fut contrarié,et
le fit chercher plusieurs fois. Souvent, ses
paroles ' à ce sujet jetèrent le trouble dans
l'âme de Renée-. Un gratin qu'elle était assise
sur un fauteuil placé près du ht, et'que le
jour éclairait vivement son visage, Maurice
lui dit :
— Jusqu'ici, Renée, vous ne m'avez con
nu que dans desjôurs de souffrances, et vos
soins les ont calmées,!ou les ont fait oublier.
. * Là reproduction est ioterdite.
Mais, cette fois, mes yeux ne sont pas injus
tes et prévenus. Je vous admire!... Vous êtes
jolie comme un ange, et pourtant votre front
est attristé. Yos roses couleurs sont effacées;
on croirait parfois que vous souffrez. La
chambre d'un malade peut nujre à votre
santé. Sortez- en voiture pour prendre l'air.
Et comme Renée, insouciante" de tout ce
qui la regardait,-ne paraissait pas disposée à
sortir, Maurice continua :
— Je n'ai pas oublié qu'un jouivprès de
mon lit, vous,vous êtes trouvée'mal. Vous
le rappelez-vous ? C'était le jour où vous
aviez lu la lettre de Théodore me faisant ses
confidences. - •
• A ce nom, au souvenir de cette lettre ,
qui lui avait révélé fout l'amour que Théo
dore éprouvait pour elle, et lui avait fait lire
avec effroi dans son propre cœur, il y eut en
elle un mouvement in volon taire, et son sang
remonta de ce cœur agité jusque sur son vi
sage pour le colorer; En ce moment elle sen
tit le regard, curieux de Maurice qui l'exa
minait avec une grande attention. Sa rou
geur subite s'en augmenta et passa de ses
joues à son front, si blanc d'ordinaire.
Maurice commençait une phrase ; il ne l'a
cheva pas. Il y eut un long silence, qui ne
fut interrompu que par l'entrée de Fernand.
-amené parValentin. Renée profita de leur'
arrivée pour se retirer. -
— Eh bien ! dit Valentin, regardant au-,
tour de lui comme pour bien s'assurer que
Renée ne pouvait l'entendre , et baissant la
voix; eh bien ! vous voilà le héros de la mo
de ! et à bon marché, car votre blessure
n'est rien ! Ah ! ah ! les femmes vous don-,
nent des coups de poignard? A merveille ! Il
n'y en aura plus que pour vous. Votre aven
ture fait un bruit d'enfer : dans notre mon
de, on ne parle que de cela.
" Il ajouta, en riant aux éclats :
Il y a des amies de Loïsa qui disent qu'elle
.aurait dû vous poignarder depuis long
temps. C'est superbe... mais pourtant../
" Il regarda alors autour de lui avec une
suffisance des plus joyeuses et des plus ac
centuées, '
—- Est-ce qu'on est en sûreté ici?
" Puis il rit de tout son cœur dos dangers
qu'il pouvait courir en cegenre. ' .
Les éclats de la joie de Valentin restèrent
sans échos. 'Maurice se rappelait les paroles
menaçantes où Théodore lui avait prédit.
le jugement sévère des honnêtes gens. Il en
eut peur en se voyant félicité par les autres!
, Fernand était profondément triste et n'é
coutait-pas.
Valentin fut étonné du silence qui suivit
ses paroles, mais rien ne le déconcertait. Il
regarda Maurice et dit : '
— Vous n'êtes pas sérieusement malade !
Et, sans écouter la réponse, il continua
gaimeut On regardant Fernand'-: — Et Mon
sieur ! il a l'aii' d'un déterré. 11 n'y a que moi
ici qui sois vivant, et un bon vivant encore,
je m'en llatte.
Personne n'en voulait à. Valentin, d'un
égoïsme si naïf et si naturel, que les autres
ne s'en étonnaient pas... Il parlait tant, que
ses paroles passaient sans conséquence. Ce
n'était que dû bruit.
—Au reste, ajouta-t-il, je comprends la
tristesse de Fernand... Il se repent déjà d'u-.
ne folie incroyable qu'il vient de faire. Ima
ginez-vous qu'il renonce à la publication de
son livre !
—Je l'ajourne, dit Fernand. .
Valentin continua sans l'écouter :
—Il avait eu le bonheur inouï de trouver
•un éditeur en cette année 1850, et il lui re
tire son manuscrit... Adieu la gloire !-adieu
la fortune I adieu l'amour 1 car il est de ceux
qui le traduisent en mariage..; et le succès
était nécessaire aux parens de la demoi
selle.
. —Quoi ! reprit Maurice avec intérêt, votre
livre ne paraîtra pas?
—Commentvoudriez-vous qu'il parût? ré
pondit Fernand. Ce livre, c'est toute mon
ame,. toutes les convictions de mon esprit,
toutes les études de ' ma vie, que j'ai résu
mées dans quelques idées utiles et bonnes
pour une société régulière qui voudrait vi
vre de la vie intellectuelle et retrouver le
sens moral, perdu dans les troubles des der-
nieres années... et j'ai déjà pu me convain
cre de la vérité des paroles de Chateaubriand,
que vous nous citiez vous-même :
« Gardons dans la retraite un saint amour
» du bien> jusqu'au jour oùl'on reconnaîtra"
» qufil egt temps d'arrêter notre pays sur le
» penchant de cet abîme où les sociétés dis-
» paraissent; alors on pourra livrer au pu-
» blic un livre honnête, sans être attaqué,
» injurié et déshonoré !... » »
Et j'attends... Oui, ajouta-t-il en soupi
rant, mes espéranees neseréaliseronx pas...
je n'obtiendrai jamais la femme que j'aime,
et je regrette ma modeste place de profes
seur;, elle me permettait d'être utile en je
tant quelques saines idées dans de jeunes
esprits. -
— Et je vois que vous n'aurez pas même
J'e plaisir d'éleveV vos enfans, dit Valentin,
qui riait de tout.
— 11 élèverait ses enfans, dit Maurice, il
pourrait même faire élever ceux dès autres,
puisqu'il a le goût de l'éducation ; il ensei
gnerait de bonnes choses aux hommes dans
de bons livres , s'il avait un peu de fortune,
' upe jolie terre et dix mille livres de rentes.
— Bail ! il fonderait une école, dit Valen
tin en bâillant; mais les dix mille livres.de
.l'entes, où sont-elles?
Là est la question!...
En ce moment un valet de chambre en
tra, annonçant le docteur Saint-Germain/et
prévenant en même temps Maurice qu'il était
impossible de rencontrer ' M. Théodore de
Rlieinberg. Maurice en parut tellement con
trarié que Fernand lui ait :
-^Malgré ma promesse, je crois pouvoir
vous confier que nul ne trouvera M. de
Rheinbèrg, et que je sais seul o.ù il % est.. Je
ne trahirai pas le secret qu'il m'a prié de
lui garder, mais je- puis aller lui parler de
votre pirt.
Maurice le remercia avec une vive effu
sion , et le pria d'insister pour ramener
Théodore, disant qu'il irait le chercher lui-
même s'il ne voulait pas venir, et courrait le
monde pour le trouver..
Fernand sortit, et Valentin quitta aussi le
malade. , ..
Maurice resta seul avec son médecin. C'é
tait un homme de science et un homme
d'esprit. La visite dura plus d'une heure.
Quand il sortit, Maurice était calme; il de-
" manda de quoi écrire, et défendit de laisser
entrer personne avant qu'il sonnât. :
Il se passa plus de deux heures. Renée
vint à son appel; il eut pour elle de douces
et affectueuses paroles, comme il n'en avait
• jamais eu. . - .
- ^ Pendant quatre jours, il ne reçut pas.
Son mal ne paraissait ni diminuer, ni aug
menter; seulement ii montrait un vif cha
grin de rie pas revoir Fernand et ' de ne
pas entendre parler de Théodore : eux
seuls dovaieijt être admis. Enfin un mot de
FernandLlui apprit qu'il n'avait' pas trouvé
Théodore à l'endroit où il devait être, parce
qu'un missionnaire de ses amis s'y était
arrêté la veille, et que Théodore l'a
vait suivi à Bordeaux , où l'on pensait
qu'il s'embarquerait avec lui. Fernand n'a
vait pas perdu une minute; il l'avait atteint
au moment, où il était déjà sur le vaisseau
prêt à faire voile pour l'Océanie; mais une
circonstance imprévue retardant tout à
coup le départ de quelques jours, Fernand
avait obtenu deM.de Rheinberg de venir
passer vingt-quatre heures à Paris. 11 avait
été obligé pour cela, disait-il, d'augmenter
-le mal, de donner même des inquiétudes à,
M. de Rheinberg sur l'état de son ami. Mais
il fallait réussir, et leur arrivée peu d'heu
res après cette lettre rassurerait Théodore
et satisferait au désir impatient de M. de
Var ville.
Maurice parût moins inquiet après avoir
reçu ces nouvelles. Il calcula l'heure où ils
pouvaient être près de lui, sachant bien
que rien ne serait négligé pour venir le plus
tôt possible; puis il demanda à Renée, com
me une grâce, d'aller voir Maie, de Fonte-
nay-Mareuii, et de la prier de se rendre chez
lui lê soir même, et aussi sa parente Mme
de Savigny, ajoutant que toutes les person
nes qui se présenteraient seraient reçues-
dans la soirée. Renée y vit une preuve de
son retour à la santé, et se hâta de faire ce
qu'il désirait.
Il était environ trois heures de ,1'aprèsr
midi lorsque Théodore entra dans là cham
bre de Maurice en disant : : .
— Me voici ! Il .paraît qu'on m'a trompé
par tes ordres ; qu'if n'y : a nul danger... J'en
suis heureux!... Dis-moi vite, mon ami, ce
que tu veux de moi ; .car je repars dans"
quelques heures. Le jour de demain ne
doit pas me revoir à Paris, et tu es le
seul être au monde à qui je parlerai pen
dant le séjour que j'y ferai.
—Et si je te suppliais de rester ? demanda
Maurice en souriant.
— Je ne pourrais t'obéir, Maurice ; c'est
impossible ! répondit Théodore. Il y a pour
moi une telle nécessité de quitter Paris et la
France, que je n'ai pas pris le temps de Xaire
publiqueihent les vœux qui m'engagent au
ciel. Je vais au loin; j'ai, besoin des orages
de la mer, pour imposer silence aux orages
de mon cœur ; j'ai besoin de la "fatigue et des'
dangers pour apaiser la jeunesse de mon
sang qui- bouillonne et me brûle ! Oui, j'ai
besoin de chasser mes pensées, qiii avaient -
eu des rêves de félicité.
. En m'occupant, du bonheur des autres,
j'espère oublier que le mien est impossible...
Et, comme la main de Maurice pressait la
sienne- avec tendresse, Théodore sentit son
cœur se troubler, une larme vint à ses yeux
et il ne put s'empêcher de laisser échapper
ces mots avec une voix douloureuse : •
—Maurice,mon aini! je suis malheureux!
— Et le malheur chez "toi se traduit en
vertu ! reprit Maurice. Mon cher Théodore,
tu me donneras bien vingt-quatre heures...
Fernand l'a promis pour toi... Va, c'est tout
ce qu'il faut!... • ~
Théodore tressaillit; il y avait quelque
chose d'indéfinissable et de mystérieux dans
l'accent,de Maurice, qui alarmait Théodore.
. Il se pencha sur le lit et regarda long
temps le malade avec une expression si affec
tueuse, que le cœur de Maurice en était tou
ché et cûiu au point que malgré ses efforts,le
jeune homme, affaibli, nè pouvait plus trou
ver les mots et n'avait plus la possibilité de
parler!,.. '
• Il prit quelques gouttes d'une potion pré
parée pour lui redonner des forces, et put ?
enfin s exprimer:
—Il y a peu de jours, Théodore, j'ai voulu
m'ôter la vie,à la suite d'une orgie avec des
fous que je me plaisais à étonner; aujour-.
d'hui ces fous me font pitié, l'orgie me dé
goûte, et la vie m'est chère !
. C'est toi seul qui m'as changé.
. Mais... mais
En disant ces mots, il porta la main de
Théodore à son front;il était brûlant, et quel
ques gouttes d'une sueur mate s'y refroidis- ,
saient pourtant. Maurice" tint long-temps la -
main de son ami dans les siennes sans rien
dire, et lui qui, depuis des années, était de- •
venu railleur, insouciant, dédaigneux et in
sensible, il se mit à fondre en larmes.
ÛKlUijUlX : roc, de Vatolâ (& s aluls-**»>yal), n* lt>.^
B 1835s. -DIMANCHE 5 DÉCEMBRE.
Prix defâSaBHclîieal' ■
." DEP ARTJÉBàEHB t , *
io FB, peua;mûis;Mpis
taïus; -
13 m. .POUE TROIS MOIS.
UN numéro : CïumssR- '
rocs usa pats txikmwis, se reporter an
tableau publié dans le iournal, les 10 et
25 de chaque moi?. ■■■•■'
^TT-?ff.
JOEBNAL POÉKPIQIE f lIXa^BMËE, WI^ERSEL.
Toute lettres on affranchie sera rigoureusement refusée.
les articles déposés ne sont pas rendus.
. On s'abonne^. dan< les. départemens, aux Messageries et aux Directions d: p $tfCi >—A 'Londres, chez MM. Cowffi et ïlis.
i v'j'i; .-v - '. ' ' —•
PARIS « 4- DÉCEMBRE
.LA FRANCE EST MONARCHIQUE.
On disait à un utopiste qui venait de forger
une Constitution : a C'est à merveille ! il ne
uous manque plus maintenant que de fabri
quer -ié peuple auquel s'appliquera votre
œuvre. » II y a une grande vérité dans cette
parole. Les "révolutionnaires, quand ils s'a
visent de légiférerpour une nation, consul
tent leurs souvenirs de collège., leurs auteurs
favoris e t surtout leur orgueil. Mais ils otne t-
tent' toujours de s'enquérir des besoins, des
intérêts, des tendances de la nation qu'ils
" veillent régenter. De là , le sort de leurs
Constitutions, toutes éternelles, toutes éphé
mères!
C'est cependant une entreprise vaine, que
de tenter de faire vivre une Constitution an
tipathique aux mœurs d'un peuple. Vous
réussirez plutôt à arrêter la sève; dans son
essor ou à empêcher l'eau de couler sur une
pente. Vous aurez beau multiplier les pré
cautions pour enchaîner l'avenir et pour
fermer toute issue à la résipiscence. 'En
vain vous aurez proclamé la durée des ins
titutions que vous aurez créées, en inscri
vant au fronton de votre édifice : Exegi
monumentum. L'édifice s'écroulera un jour
sans qu'on sache trop pourquoi. Une pierre
détachée de la montagne frappera, en rou
lant, ce colosse aux pieds d'argile et le cou
chera par terre. On ne saurait heurter de
front l'esprit d'un peuple sans' s'exposer
aux- plus amers déboires, aux plus cruel
les déceptions.
Nous avons toujours admiré tes songe-
creux qui avaient inventé celte belle for
mule : la «république est au-dessus du droit
des majorités.» On pouvait, selon nous, leur
permettre de prêcher tout à leur aise cette
doctrine magnifique qui' ne permettrait pas à
une nation^ n'y eût-il qu'un opposant, de
changer la forme de son gouvernement. A
les entendre, la France était condamnée à la
république à perpétuité, alors même qu'elle
eût tout d'une voix redemandé la monar
chie. C'étaient là à notre sens des rêves bien
ingénus. L'événement l'a suffisamment
prouvé. Une nation est toujours maîtresse
d'elle-même, et quand elle veut renoncer à
la république pour se confier-de nouveau au
régime monarchique, la république dispa
raît sans qu'aucun bras-.se lève pour sa dé
fense, la monarchie renaît par la seule'force
de l'assentiment populaire. -
Les institutions des peuples ne sont pas en
effet le jeu du hasard,ni le résultat des com
binaisons politiques de quelques idéologues.
Chaque peuple a son génie propre, sa mis
sion à remplir sur cette terre. Il joue son
rôle dans le grand drame du gouvernement
providentiel,èt il a reçu, dans ce but, les fa
cultés que ce.rjMe- comporte. Tant qu'il de
meure fidèle aux lois de son être, il fait
dé grandes et- uobles choses. Dès" qu'il
s'en écarte, ses efforts sont frappés de stéri
lité. Nulle part cette règle générale ne s'est
appliquée plus clairement et plus complète
ment que dans notre pays. La France a été
la première des nations aussi .longtemps
qu'elle a suivi sa voie. Elle méritait alors ces
expressions enthousiastes qu'inspiraient sa
splendeur et sa gloire, quand saint Gré-
goire -le-Grand s'écriait : « Autant la di
gnité royale l'emporte sur les autres hom
mes autant- le royaume de France est
supérieur aux autres royaumes de la ter
re (1); » ét quand un autre pape, écrivant à
(1) Quantocœterds homines régna dignitas ante-
ceditjtanto cœtcrarum géntium régna regni Fran-
-Saint l<ôuâ£içpmpar-ait-.,ia Franee-à- la tribfi
d'Israël, qui ne dévia pas du culte du Sei
gneur, et qui soutint avec honneur la cause
du vrai Dieu. C'était alors, selon le mot de
Grotius, le plus beau royaume après celui
du ciel. Avons-nous besoin de dire tout ce
qu'ont coûté à notrte pays, de sang, de lar
mes, d'humiliations et de sacrifices, les fo-
liés révolutionnaires, les imitations "mala
droites d'institutions importées de l'étran
ger, les saturnales de l'impiété, et les uto
pies du socialisme ?
Quand il s'agit de gouverner un peuple,
on doit se préoccuper, avant tout, du, génie
qui lui est particulier. Or, po9r ne parler
que de la France, il suffit d'ouvrir l'histoire
pour constater que son génie est essentiel
lement- monarchique.- Oh ! qu'il avait bien
raison , le révolutionnaire qui proposait
d'étrangler le dernier des rois avec le boyau
du dernier des prêtres. Cette formule expédi-
tivé avait le mérite d'être complète. Pour
faire violence à l'esprit de notre nation il
y a deux choses à supprimer : le clergé, qui
a pris nos aïeux barbares et qui les a civili
sées, qui a conservé dans les temps de ténè
bres le flambeau.de la science et des lettres,
qui a fondé parmïnpus. ia^charité et l'ins
truction; et la monarchie, qui a formé notre
territoire, modelé notre caractère national,
pénétré de son esprit nos lois, nos mœurs,
notre langage, nos institutions.
Pour prouver que la France est monarchi
que, un fait doit être d'abord rappelé : c'est
la destinée qu'ont eue deux essais de républiT
que à de.s époques diverses et avec des sys
tèmes bien diflerens. Jamais nous ne ferons
'injure à la république dp 1848, qui n'a été
ni sanguinaire, ni spoliatrice, de la compa
rer à la république de 1793. Celle-ci a laissé
après elle une mémoire abominable. Celle-là
disparaît honorablement, sans, qu'on-ait le
droit de,' la maudire, devant la volonté sou
veraine dè la nation qui rétablit un trône.
Toutefois, à ne voir que 1 les résultats, les
deux tentatives ont eu lejnême sor^. L'une
avait épuisé tous les moyens "que l'éner
gie, la ruse, le crime pouvaient mettre à
son service. Elle a exterminé ses ennemis,
elle s'est" emparée de leurs dépouilles, elle
a fait la guerre à l'Europe, elle a entrepris
de changer la face de ce pays, et en bien des
points elle y a réussi. Elle est morte ce
pendant , et ses excès, ses efforts, son
audace cfses forfaits, n'ont .fait que rendre
■sachute plus profonde. L'autre a respecté
tous les droits; elle s'est efibrcèe-de ménager
tous les intérêts. Elle a été pacifique, honnête
et loyale, du moins dans ceux qui l'ont gou
vernée. Elle est morte pareillement, emportée
par le flot du suffrage populaire, morte, sans
avoir combattu pour son existence, sans se
cousse et sans agonie. Car la république, en
France, offre cette singularité,qu'elle se fon
de avec fracas et qu'elle disparaît sans bruit.
Quand elle naît, on la proclame immortelle,
on. déclaré que nul ne louchera à cette ar
che sainte sans être foudroyé, on affirme
que,si elle était menacée, le peuple entier se
èverait comme un seul homme pour ven- -
ger ce sacrilège. Elle meurt, et pas uiie épée
n'est tirée pour sa cause: Qu'est-ce à dire,
sinon que l'a république est antipathique au
génie de la nation, et qu'acceptée deux fois
?ar l'amour de la nouveauté, par l'efferves
cence des esprits, par une opinion factice et
jlassagèrè, elle n'a jamais pu prendre racine
sur le sol français.
Le génie d'un peuple se révèle dans les
mœurs, dans la langue, dirns les beaux-arts.
Mœurs, langue, beaux-arts, tout est monàr- ■
corum culmen excellit .-r-SaintGréqoire-le-Grand,
Ep.V.
duque. ÀYeas noùs l'austérité "dés us'àges
.républicains? N'-avons-nous pas tous, nous
autres Français, le goût des distinctions,
des places, des Fète^ ? Nenoussemble-t-ilpas
tout naturel d'avipir une cour, des réceptions,
du luxe, à ce point que les auteurs de la ré
publique eux-mêmes, à leur insu, après 1848,
imitèrent les coutumes et renouvelèrent les
plaisirs dé la monarchie? -Ne sommes-nous pas
convaincus que. l'élégance et. la somptuosité
de la vie pour les gens riches sont les plus -,
surs moyens d'animer le < commerce, de sti
muler l'industrie, de répandre partout Fai-
sance et le-bien-être? Ne sommes-nous pas
ces Français spirituels et frivoles, braves et
ingénieux, qui s'amusaient si bien au bon
vie^x temps de la royauté,- et qui périssent
d'ennui dès que, traversant l'Atlantique, on
les met, en contact avec la froide rigidité
des mœurs américaines? ■ - - • " . •. ;
Quant à ng,tre langue, elle est essentielle
ment monarchique. Pour en acquérir la
preuve, il suffit de lire deux pages du jar
gon amphigourique, sentimental et plat que
les républicains de 93 avaient imaginé pour *
^eur usage. Le tutoiement civique, la substi.- -
tution du mot citoyen mi mdl monsieur, l&
disparition d'une foule • de locutions et de
tournures de phrases qui supposent un état
monarchique, l'introduction d'une mufti*
tude de vocables absurdes qui outragent
le bon sens et Ja grammaire : tels sont
les principaux ' ingrédiens de l'idiome ré
volutionnaire qui a été parlé dans les "clubs
de nos jours, et qui disparaîtra, il faut l'es
pérer,- à tout jamais. Nos beaux-arts .com
me notre langue sont marqués au coiij de
la monarchie. Nos magnifiques cathédrales
dë l'art roman et de l'art ogival, la bril
lante architecture de la Renaissance, qui
éclate dans le château do Chambord, sur les
attiques du Louvre, le style majestueux de
Louis XIV, les gracieux monumens du XVIII 0
siècle, n'ont rien de commun avec les idées
républicaines. Les beaux-arts ont souri ja
dis aux républiques aristocratiques d'A- t
thène^, de Flprence et de Venise ; ils
se sont montrés sévères pour les répu
bliques modernes, si peu semblables d'ail-
eurs à leurs devancières. Ni les Etats-Unis,
ni la Suisse-, l'es seules républiques-rai
sonnables qu'éclaire la lumière du soleil,
n'ont pu réussir dans les ails. Toutes les
monarchies, au contraire, étalent les ri
chesses de leurs musées, de leurs tableaux,
da leurs monumens. S'il vous finit, d'aill
eurs, une nouvelle preuve, parcourez Paris,
voyez ce qu'y a fondé la France république,
et la question sera résolue.
Ne nous étonnons pas que la France soit
nionarchique. La monarchie y a toujours été
)ien£aisante, patriotique, amie du peuple,
protectrice des "faibles. Nous avons eu <î$jà
'occasion de prouver qu'à la différence des
autres pays, la France n ? a jamais été gou
vernée que par des dynasties nationales. Nos
souverains ont toujours- administré, non en
conquérans,-mais en pères de famille. Bons
ou mauvais,-intelligens ou bornés, nos rois
opt toujours visé à l'agrandissement du
territoire et à la prospérité de là na
tion, Chaque règne pourrait être désigné
par de nouvelles provinces ajoutées au
royaume. Louis XV lui-même nous a valu là
Lorraine, lé Comtat-Venaissin et la Corse.
De tout temps la monarchie s'est appuyée
sur le peuple èt sur l'Église. Elje a pris un
rôle direct et actif dans l'affranchissement des
serfs, dans l'émancipation des communes.
En Angleterre, les barons et le peuple ont
dû se liguer pour arracher des concessions
à la royauté conquérante. En France, la
royauté nationale a été l'alliée des popu-
■ dations ^ontrfr-toutes 'les tyrannies. Aussi;
en Angleterre, la royauté nous apparaît-elle
sous de sombres, couleurs : c'est Guillau-
: me-le-Conquérant dévastant la province
" d'York, détruisant tout sur. son passage
et'noyant dans le sang de soixante
• mille de. ses nouveaux sujets une ten
tative de révolte; c'est Elisabeth ordon
nant le massacre ou la déportation des ha-
bitans de l'Irlande pour la peupler de colons
anglais; c'est Guillaume d'Orange montant
sur le trône en chassant son beau-père. En
France, la royauté nous apparaît paternelle
et toujours dévouée 'aux intérêts nationaux.
Cherchez dans l'histoire si dramatique et ,$i
lugubre de nos voisins d'outre-Manehe, des
- souverains comme Louis VI, comme Phi
lippe-Auguste, comme saint Louis, comme
Louis XII, comme Henri IV, comme
Louis XIV, comme Napoléon , vous n'en
trouverez pas..Qu'en est-il advenu? C'est
qu'en Angleterre la royauté.est.annulée,
tandis qu'en France le souverain a joué et
jouera toujours le principal rôle dans les
destinées de là nation. * j;
Si l'esprit français est monarchique, ce
n'est pas à dire pour cela que-la monarchie
y doive toujours conserver la même forme.
•On a remarqué avec raison que l'Eglise chré
tienne s'adaptait à tous les siècles, à tou
tes les nations, à tous les usages. Les re
ligions fausses ou transitoires ne convien
nent qu'à une race, qu'à une époque. La
vraie religion, une dans son dogme, va
riable dîjns sa discipline, est cosmopolite
et éternelle. On peut en dire autant de la
monarchie. La monarchie s'est pliée à tou
tes les exigences des temps et des inté
rêts nationaux. La royauté gallo-fran-
que, la royauté ca'rlovingienne, la royauté
féodale, la royauté moderne,se sont succédé
par une transformation toute naturelle, sans
crise violente et sans périls pour la société.
Les crises viotentes, les périls pour la sor
ciété n'ont apparu que depuis la révolution
de 1X89, quand on a voulu rompre-avec
la monarchie, et quand une philosophie
: présomptueuse et imprévoyante a cherché
à briser la chaîne des traditions. La monar
chie était d'ailleurs tellement dans les mœurs
de la nation, qu'elle a surgi après chaque
commotion politique : l'Empire après'les ru
des épreuves du pays battu des tourmentes
révolutionnaires ; la royauté parlementaire
i après i 830; la monarchie démocratique après
1848 : tant une pente invincible èt nécessaire
ramène la France au gouvernement monar
chique. ' „ ■
* Le lendemain de la révolution de février,
on a pu croire de bonne foi qu'une ère nou
velle s'ouvrait pour-la France, et que la ré-
jpubliqûe allait devenir la forme définitive
de son gouvernement. La monarchie de la
gloire avait succombé en 1815 sous les coups
de l'Europe coalisée. La monarchie légitime
eMa monarchie transactionnelle avaient péri
i dans une querelle avec la nation. Il semblait'
' que la série des expériences était épuisée ét
que des institutions nouvelles devaient se
fonder» Mais les événemens, plus clairvoyans
et plus forts que les individus, se sont dé
roulés;, et, après une crise de quatre années
pleine de péripéties , de retours impré
vus, (Je catastrophes terribles, la monar-:
cliie revient, non pour ramener de vieilles .
idées, pour froisser des droits acquis, pour
peser sur la nation comme un triste souve
nir, mais proclamée par la voix de tous,
sanctifiée par la religion, appuyée sur le
peuple et sur l'armée, ferme et résolue con-
. tre les méchans, rassurante pour les bons,
pleine de prévoyance et de sollicitude pour
tous les intérêts, et faisant appel à : tous les
v • ^adresser, ftaneolpourt'adminis^ ffû»}
à M> ÛBKim, directeur}
Les annonces sont reçues chez M. PANÏS, régisseur, 10, place de la Bourse ;
■ Bt au bureau du journal. - ,
■■i ■ rtO» ■■ . ^ . "'S-*- ■ „
^> V ■■■ 1 1 '
iale'ns, à lous Jès..palriotismes, à tous "lès
dévoùmens, au nom de la concorde et de
la réconciliation. ; - - ^
HENRY CAUVAIN.
Cette après-midi, un peu après trois heu
res, ^'Empereur, accompagne de M. Fould,
ministre d Etat, est sorti des Tuileries pour
faire une promenade à cheval. Il s'est dirigé
vers les Champs-Elysées par le quai des Tui
leries. Vers quatre "heures un quart, S. M
rentrait aux Tuileries par la rue de Rivoli
Elle a été saluée, à son entrée comme à sa
sortie, par des cris nombreux de : Vive VEm
pereur
t
Nous avons dit que MM. les membres 'du
Corps Législatif avaient eu la pensée de célér
brer dans un banquet le vote qui vient' de
donner l'Empire à Napoléon III.
L'Assemblée, presqu'au complet, s'est
réunie aujourd'hui au Casino, de la rue de là
Chaussée-d'Autin , dont les vastes salons
avaient été élégamment décorés.
: Tousles ministres étaient présens, à l'ex
ception de M. le ministre de là justice, fttenu
par une douleur, de-famille. Il n'y avait^as
a'autres invités. :
A sept heures, les convives, sous la prési
dence de .M. Billault, ont pris placé au'ma-
gaifiqùe couvert dressé dans la grande salle'.
Les ministres et les membres du bureau
étaient au centre d'un longue table aux deux
bouts de laquelle étaient placées deux au-
tres'tables formant le T.
La réunion a été cordiale et animée. Au
dessert, M. Billault s'est levé pour porter
un toast à l'Empereur. Tous les, convives
ont suivi son exempl-e, et M. Billault s'est
exprimé en ces termes :
« Chers collègues,
» Avant de nous séparer, nous avons vouhi fê
ter ensemble 1^ grand événement qui vient de
s'accomplir ; nous avons voulu proclamer encore
une fois nos loyaux sentimens pour le prince dont
les destinées sont désormais confondues avec cel
les .de la patrie. (Bravos prolongés.)
» Nous remercions ses ministres de s'Être joints
à nous; ils nous trouveront toujours, ailleurscom-
me ici, unis dans une commune et patriotique
pensée: dévoûmentà 1 Empereur, concours ferme
et sympathique à son gouvernement. (Marques
d'adhésion.)
» Portons donc tous ensemble, portons du fond
du cœur la santé de, l'élu de la France, S. M. I.
Napoléon III. »
Ce discours a été vivement applaudi et ac
cueilli par les.cris unanimes de : Vive l'Em
pereur l vive Napoléon IIJ ! .......
Le banquet terminé, on est retourné dans
les salons, et la réunion a encore continué
quelque temps dans le même esprit de con
corde, et d'union.
Le secrétaire de la rédaction, l. boniface.
. Dans un article publié le 3 décembre par
1 Assemblée nationale, M. de Salvaody, cher
chant à établir une distinction entre les gou-
vernemens nouveaux et les gouvernem'ens
anciens, termine par cette phrase : a Toute la
différence est .que les uns sont tenus d'em
prunter la force dos traditions, tandis que
les autres trouvent cet appui en eux-mêmes.»
Nous adresserons à M. de Salvandy cetfe
question : Lorsque vous étiez ministre de
Louis-Philippe, le gouvernement que vous
serviez avec tant de zèle empruntait-il sa
force, ou la trouvait-il en lui-même?
Le secrétaire de la rédaction, l. boniface.
L'Empereur vient de mettre à là disposi
tion du ministre de l'intérieur, de l'agricul
ture et du commerce, sur"sa cassette parti
culière, une somme de 200,000 fr.-, pour fa
ciliter le retrait par leurs familles des en
fants trouvés et abandonnés, placés dans les
diyers hospices de France.
La volonté de l'Empereur est que tous les
départemens soient appelés à participer à ce
bienfait, et Sa Majesté a pris elle-même le
soin d'en régler l'application". Une somme de
100 fr? sera affectée à chaque retrait. d'en
fant et ainsi répartie î-40 fr. seront'attribués
à" l'hospice & Titre d'ihdemnité; 60 fr. seront
émplôvés,-sous-la surveillance des autorités
locales, soit à.l'achat de vetemens en rem-'
placement de ceux de l'hospice, soit à l'ac
quisition dé livrets de' caisse d'épargne.
"Des mères que la misère seule avait con
traintes à. un cruel abandon, vont bénir la
main qui leur facilite l'accomplissement du
premier des devoirs, et leurs enfans béni
ront un jour l'Empereur qui leur rend une
famille. •
On lit dans le Morafing-Herald du 3 dé
cembre : ' ' .
« La déclaration de l'EmperfcI ,r Napoléon III,
car tel est le titre nouveau qui a nui
éclipsé le titre moins imposant de princiil res *~ ,
dent, sera lue avec un intérêt .extraordinaire^ >
quelles que soient les opinions favorables ou non <
à la dynastie nouvelle qui est rétablie, sinon fon
dée, dans la personne, de son représentant ac* ,
tuel. Le nombre des suffrages négatifs est si
petit que l'on peut regarder comme unanimes ;
les acclamations qui ont conféré ce pouvoir. L'his- ,
toire signalera cet acte comme le plus frappant
du milieu de ce siècle ; «lie montrera des millions ,
d'hommes intelligens se confiant à un homme ,
sorti de leurs rangs et élevé à la puissance et-à la <■
dignité suprêmes. Les : peuples ne-sont pas, ,;
en général, assez aveugles sur leurs propres !
intérêts pour .abandonner ^inconsidérément leurs j
diîoits. Aussi,-do quelque façon que le monde*en- ,
visage l'élévation de Napoléon III, à quelques
causés que les partis entre eux soient disposés à ;
l'attribuer, ii faut bien qu'ils confessent que c'esS
le l'ait le plus extraordinaire, le plus merveilleux,?
et qui surpasse tout autre événement dans l'his
toire de France, Si l'ambition de beaucoup d'hcsn
mes s'est trouvée suffisammentrûcompensée detânÊ
d'années de pénibles efforts, de dangers et d'of-
fusion de sang par la conquête d'un trône et d'un i
glorieux titre -éphémère, avec quel sentiment ,do :
bonheur le chef actuel de la France ne doit-iî pas .
voir son élévation qui n'a pas coûté une seule
goutte de sang, et qu'il n'a pas arrachée à la ré
pugnance d'un peuple ! Si la nomination d'un chef
par.le suffrage univerespl forme un contraste si frap-.
pant entre le chef librement choisi et le despote,
comment ne peut-il pasjustement s'enorgueillir eu
comparant sa propre position avec celle des autres
couronnes impériales de l'Euiope? A quel autre,
à une exception près, serait-il donné de reprendre
une couronne une fois, déposée, ou qui pourrait
répondre qwe. l'ombre seule de son nom, à la -
distance de trois générations et à travers une suc
cession non-interrompuê!, suffirait pour placer le
diadème sur le front de ses descendais? Telle est
pourtant là glorieuse, position de Napoléon III,-
Nous ne sommes ici que les interprètes- de l'opi
nion publique de notre pays ; car si la prospérité dé ;
la France est attactiés ;Y sa position actuelle ad
ministrative; si c'est bien sa l'erme conviction, et
l'on n'en saurait' douter, que la forme actuelle de
son gouvernement est la meilleur^ et la plus sûre
garantie de son bonheur, l'Angleterre n'a nulle.-.'
envie-et n'a évidemment pas le droit d'y trouver à j
redire. Jille ne peut qu'aider et soutenir un peu
ple ami et allié, dans l'accomplissement dé vœux
qu'il a si manifestement et si énergiquement ex-
px-imés. Le* immenses;. maj*orité3 qui ont'for-
mulé ses résolutions ne peuvent laisser lé moin
dre doute dans l'esprit de tous les hommes sensés. 1
Manifester de la répugnance à reconnaître la vo- >
lonté de-la France et le titre de son Empereur, ^
ce serait conduire à des résultats désagréables
la nation française. Cette répugnance peut
provoquer les ressentimens d'un peuple actif,
énergique et belliqueux. 11 n'en faudrait pas
davantage, nul' n'en saurait douter, pour que
ce peuple s'attachât avec plus d'enthousiasme
son Empereur, ne fortifiât son pouvoir, ne
vengeât bravement sa querelle, même au risque
de renverser de fond en comble les gouverne- -
mens établis du continent,' et n'entassât tous
les combust : .bies que des mains perfides seront
toujours prêtes à enflammer et à disperser
au loin. Nous espérons qu'on n'aura recours à-
aucune subtilité de logique, à aucun vain scru
pule pour empêcher de reconnaître le titre qui
est -pris aujourd'hui, le nom de Napoléon Uf.
» Les actes de Napoléon II, éphémères oemme
son pouvoir, ont été réguliers, reconnus; son
titre a été régulièrement proclamé par l'au
torité légale et compétente- Les motifs pour re
fuser de le reconnaître eussent été tout aussi'
justement fondés que'ceux qu'aurait eus Na
poléon III pour ignorer l'existence de tous les
g-ouvernemens'qui avaient précédé le sien. Le re-'
fus opposé à l'un impliquérait le refus opposé à''
tous ; il doit entraîner aussi cette conséquen
ce que tout le monde aurait à déplorer, mais •
nul plus que nos alliés du continent; ce serait une
insulte à l'honneur et à la digoité de la France, -
qu'il serait du devoir'de Napoléon III de venger, •
quel que fût son ardent désir de conserver la '
FEUILLETON OU CONSTITUTIONNEL. 5 DÉCEMBRE-
RENÉE DE Y1RYU LE/
L.,., • xx; ■
; ' le ut d'un malade.
• ' La main mal assurée de Loïsa n'avait
4ait qu'une blessure légère, et Renée, de ses
doigts délicats, habitués à soigner les pau
vres du village, ayait éfanché le sang, mis
une compresse pour l'arrêter, et attendait
{linsi les médecins après lesquels on courait
par ses ordres. Maurice admirait, son. sang-
froid, sa grâce, ses. soins intelligens et doux,'
et bénissait presque un événement qui la
lui montrait sous, un, aspect nouveau tout
rempli de charme. .
. .Loïsa, retenue par sa sœur, conduite et
enfermée par elle, dans une pièce éloignée,
n'avait-.pas tardé à perdre son désespoir fu
rieux, pour tomber dans une prostration
qui ne lui laissait, pas même entendre et
voir ce qui se passait autour d'elle. Un en-
•gourdtèsement, et ensuite un sommeil pro
fond, lui ôtaiént et la possibilité de nuire,
et le sentiment de l'existence.
Enfin le médecin arrivà. Il ne trouva rien
de graye dans la blessure, et l'on jugea
Elus commode pour les soins, et plus agréa-
le pour Maurice, de revenir à Pans.
La route se fit doucement : le blessé souf
frait peu; mais il fut convenu qu'il garde
rait le lit, et; pour le distraire, Renée fit
prévenir Mme de Savigny-. Il avait demandé
aussi à Yoir Théodore; mais on ne le trouva
nichez lui,- ni à l'endroit qu'il avait indiqué.
Il fallut, attendre.Maurice en fut contrarié,et
le fit chercher plusieurs fois. Souvent, ses
paroles ' à ce sujet jetèrent le trouble dans
l'âme de Renée-. Un gratin qu'elle était assise
sur un fauteuil placé près du ht, et'que le
jour éclairait vivement son visage, Maurice
lui dit :
— Jusqu'ici, Renée, vous ne m'avez con
nu que dans desjôurs de souffrances, et vos
soins les ont calmées,!ou les ont fait oublier.
. * Là reproduction est ioterdite.
Mais, cette fois, mes yeux ne sont pas injus
tes et prévenus. Je vous admire!... Vous êtes
jolie comme un ange, et pourtant votre front
est attristé. Yos roses couleurs sont effacées;
on croirait parfois que vous souffrez. La
chambre d'un malade peut nujre à votre
santé. Sortez- en voiture pour prendre l'air.
Et comme Renée, insouciante" de tout ce
qui la regardait,-ne paraissait pas disposée à
sortir, Maurice continua :
— Je n'ai pas oublié qu'un jouivprès de
mon lit, vous,vous êtes trouvée'mal. Vous
le rappelez-vous ? C'était le jour où vous
aviez lu la lettre de Théodore me faisant ses
confidences. - •
• A ce nom, au souvenir de cette lettre ,
qui lui avait révélé fout l'amour que Théo
dore éprouvait pour elle, et lui avait fait lire
avec effroi dans son propre cœur, il y eut en
elle un mouvement in volon taire, et son sang
remonta de ce cœur agité jusque sur son vi
sage pour le colorer; En ce moment elle sen
tit le regard, curieux de Maurice qui l'exa
minait avec une grande attention. Sa rou
geur subite s'en augmenta et passa de ses
joues à son front, si blanc d'ordinaire.
Maurice commençait une phrase ; il ne l'a
cheva pas. Il y eut un long silence, qui ne
fut interrompu que par l'entrée de Fernand.
-amené parValentin. Renée profita de leur'
arrivée pour se retirer. -
— Eh bien ! dit Valentin, regardant au-,
tour de lui comme pour bien s'assurer que
Renée ne pouvait l'entendre , et baissant la
voix; eh bien ! vous voilà le héros de la mo
de ! et à bon marché, car votre blessure
n'est rien ! Ah ! ah ! les femmes vous don-,
nent des coups de poignard? A merveille ! Il
n'y en aura plus que pour vous. Votre aven
ture fait un bruit d'enfer : dans notre mon
de, on ne parle que de cela.
" Il ajouta, en riant aux éclats :
Il y a des amies de Loïsa qui disent qu'elle
.aurait dû vous poignarder depuis long
temps. C'est superbe... mais pourtant../
" Il regarda alors autour de lui avec une
suffisance des plus joyeuses et des plus ac
centuées, '
—- Est-ce qu'on est en sûreté ici?
" Puis il rit de tout son cœur dos dangers
qu'il pouvait courir en cegenre. ' .
Les éclats de la joie de Valentin restèrent
sans échos. 'Maurice se rappelait les paroles
menaçantes où Théodore lui avait prédit.
le jugement sévère des honnêtes gens. Il en
eut peur en se voyant félicité par les autres!
, Fernand était profondément triste et n'é
coutait-pas.
Valentin fut étonné du silence qui suivit
ses paroles, mais rien ne le déconcertait. Il
regarda Maurice et dit : '
— Vous n'êtes pas sérieusement malade !
Et, sans écouter la réponse, il continua
gaimeut On regardant Fernand'-: — Et Mon
sieur ! il a l'aii' d'un déterré. 11 n'y a que moi
ici qui sois vivant, et un bon vivant encore,
je m'en llatte.
Personne n'en voulait à. Valentin, d'un
égoïsme si naïf et si naturel, que les autres
ne s'en étonnaient pas... Il parlait tant, que
ses paroles passaient sans conséquence. Ce
n'était que dû bruit.
—Au reste, ajouta-t-il, je comprends la
tristesse de Fernand... Il se repent déjà d'u-.
ne folie incroyable qu'il vient de faire. Ima
ginez-vous qu'il renonce à la publication de
son livre !
—Je l'ajourne, dit Fernand. .
Valentin continua sans l'écouter :
—Il avait eu le bonheur inouï de trouver
•un éditeur en cette année 1850, et il lui re
tire son manuscrit... Adieu la gloire !-adieu
la fortune I adieu l'amour 1 car il est de ceux
qui le traduisent en mariage..; et le succès
était nécessaire aux parens de la demoi
selle.
. —Quoi ! reprit Maurice avec intérêt, votre
livre ne paraîtra pas?
—Commentvoudriez-vous qu'il parût? ré
pondit Fernand. Ce livre, c'est toute mon
ame,. toutes les convictions de mon esprit,
toutes les études de ' ma vie, que j'ai résu
mées dans quelques idées utiles et bonnes
pour une société régulière qui voudrait vi
vre de la vie intellectuelle et retrouver le
sens moral, perdu dans les troubles des der-
nieres années... et j'ai déjà pu me convain
cre de la vérité des paroles de Chateaubriand,
que vous nous citiez vous-même :
« Gardons dans la retraite un saint amour
» du bien> jusqu'au jour oùl'on reconnaîtra"
» qufil egt temps d'arrêter notre pays sur le
» penchant de cet abîme où les sociétés dis-
» paraissent; alors on pourra livrer au pu-
» blic un livre honnête, sans être attaqué,
» injurié et déshonoré !... » »
Et j'attends... Oui, ajouta-t-il en soupi
rant, mes espéranees neseréaliseronx pas...
je n'obtiendrai jamais la femme que j'aime,
et je regrette ma modeste place de profes
seur;, elle me permettait d'être utile en je
tant quelques saines idées dans de jeunes
esprits. -
— Et je vois que vous n'aurez pas même
J'e plaisir d'éleveV vos enfans, dit Valentin,
qui riait de tout.
— 11 élèverait ses enfans, dit Maurice, il
pourrait même faire élever ceux dès autres,
puisqu'il a le goût de l'éducation ; il ensei
gnerait de bonnes choses aux hommes dans
de bons livres , s'il avait un peu de fortune,
' upe jolie terre et dix mille livres de rentes.
— Bail ! il fonderait une école, dit Valen
tin en bâillant; mais les dix mille livres.de
.l'entes, où sont-elles?
Là est la question!...
En ce moment un valet de chambre en
tra, annonçant le docteur Saint-Germain/et
prévenant en même temps Maurice qu'il était
impossible de rencontrer ' M. Théodore de
Rlieinberg. Maurice en parut tellement con
trarié que Fernand lui ait :
-^Malgré ma promesse, je crois pouvoir
vous confier que nul ne trouvera M. de
Rheinbèrg, et que je sais seul o.ù il % est.. Je
ne trahirai pas le secret qu'il m'a prié de
lui garder, mais je- puis aller lui parler de
votre pirt.
Maurice le remercia avec une vive effu
sion , et le pria d'insister pour ramener
Théodore, disant qu'il irait le chercher lui-
même s'il ne voulait pas venir, et courrait le
monde pour le trouver..
Fernand sortit, et Valentin quitta aussi le
malade. , ..
Maurice resta seul avec son médecin. C'é
tait un homme de science et un homme
d'esprit. La visite dura plus d'une heure.
Quand il sortit, Maurice était calme; il de-
" manda de quoi écrire, et défendit de laisser
entrer personne avant qu'il sonnât. :
Il se passa plus de deux heures. Renée
vint à son appel; il eut pour elle de douces
et affectueuses paroles, comme il n'en avait
• jamais eu. . - .
- ^ Pendant quatre jours, il ne reçut pas.
Son mal ne paraissait ni diminuer, ni aug
menter; seulement ii montrait un vif cha
grin de rie pas revoir Fernand et ' de ne
pas entendre parler de Théodore : eux
seuls dovaieijt être admis. Enfin un mot de
FernandLlui apprit qu'il n'avait' pas trouvé
Théodore à l'endroit où il devait être, parce
qu'un missionnaire de ses amis s'y était
arrêté la veille, et que Théodore l'a
vait suivi à Bordeaux , où l'on pensait
qu'il s'embarquerait avec lui. Fernand n'a
vait pas perdu une minute; il l'avait atteint
au moment, où il était déjà sur le vaisseau
prêt à faire voile pour l'Océanie; mais une
circonstance imprévue retardant tout à
coup le départ de quelques jours, Fernand
avait obtenu deM.de Rheinberg de venir
passer vingt-quatre heures à Paris. 11 avait
été obligé pour cela, disait-il, d'augmenter
-le mal, de donner même des inquiétudes à,
M. de Rheinberg sur l'état de son ami. Mais
il fallait réussir, et leur arrivée peu d'heu
res après cette lettre rassurerait Théodore
et satisferait au désir impatient de M. de
Var ville.
Maurice parût moins inquiet après avoir
reçu ces nouvelles. Il calcula l'heure où ils
pouvaient être près de lui, sachant bien
que rien ne serait négligé pour venir le plus
tôt possible; puis il demanda à Renée, com
me une grâce, d'aller voir Maie, de Fonte-
nay-Mareuii, et de la prier de se rendre chez
lui lê soir même, et aussi sa parente Mme
de Savigny, ajoutant que toutes les person
nes qui se présenteraient seraient reçues-
dans la soirée. Renée y vit une preuve de
son retour à la santé, et se hâta de faire ce
qu'il désirait.
Il était environ trois heures de ,1'aprèsr
midi lorsque Théodore entra dans là cham
bre de Maurice en disant : : .
— Me voici ! Il .paraît qu'on m'a trompé
par tes ordres ; qu'if n'y : a nul danger... J'en
suis heureux!... Dis-moi vite, mon ami, ce
que tu veux de moi ; .car je repars dans"
quelques heures. Le jour de demain ne
doit pas me revoir à Paris, et tu es le
seul être au monde à qui je parlerai pen
dant le séjour que j'y ferai.
—Et si je te suppliais de rester ? demanda
Maurice en souriant.
— Je ne pourrais t'obéir, Maurice ; c'est
impossible ! répondit Théodore. Il y a pour
moi une telle nécessité de quitter Paris et la
France, que je n'ai pas pris le temps de Xaire
publiqueihent les vœux qui m'engagent au
ciel. Je vais au loin; j'ai, besoin des orages
de la mer, pour imposer silence aux orages
de mon cœur ; j'ai besoin de la "fatigue et des'
dangers pour apaiser la jeunesse de mon
sang qui- bouillonne et me brûle ! Oui, j'ai
besoin de chasser mes pensées, qiii avaient -
eu des rêves de félicité.
. En m'occupant, du bonheur des autres,
j'espère oublier que le mien est impossible...
Et, comme la main de Maurice pressait la
sienne- avec tendresse, Théodore sentit son
cœur se troubler, une larme vint à ses yeux
et il ne put s'empêcher de laisser échapper
ces mots avec une voix douloureuse : •
—Maurice,mon aini! je suis malheureux!
— Et le malheur chez "toi se traduit en
vertu ! reprit Maurice. Mon cher Théodore,
tu me donneras bien vingt-quatre heures...
Fernand l'a promis pour toi... Va, c'est tout
ce qu'il faut!... • ~
Théodore tressaillit; il y avait quelque
chose d'indéfinissable et de mystérieux dans
l'accent,de Maurice, qui alarmait Théodore.
. Il se pencha sur le lit et regarda long
temps le malade avec une expression si affec
tueuse, que le cœur de Maurice en était tou
ché et cûiu au point que malgré ses efforts,le
jeune homme, affaibli, nè pouvait plus trou
ver les mots et n'avait plus la possibilité de
parler!,.. '
• Il prit quelques gouttes d'une potion pré
parée pour lui redonner des forces, et put ?
enfin s exprimer:
—Il y a peu de jours, Théodore, j'ai voulu
m'ôter la vie,à la suite d'une orgie avec des
fous que je me plaisais à étonner; aujour-.
d'hui ces fous me font pitié, l'orgie me dé
goûte, et la vie m'est chère !
. C'est toi seul qui m'as changé.
. Mais... mais
En disant ces mots, il porta la main de
Théodore à son front;il était brûlant, et quel
ques gouttes d'une sueur mate s'y refroidis- ,
saient pourtant. Maurice" tint long-temps la -
main de son ami dans les siennes sans rien
dire, et lui qui, depuis des années, était de- •
venu railleur, insouciant, dédaigneux et in
sensible, il se mit à fondre en larmes.
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