Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-10-31
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 31 octobre 1852 31 octobre 1852
Description : 1852/10/31 (Numéro 305). 1852/10/31 (Numéro 305).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMÉRO 503.
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UN NUMÉRO : 15 CENTIMES.
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S'adresserl franco, pour la rédaction, à M. C ucheval- C larigny, rédacteur en chef.
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ESIJEËllj^: rueltie ¥aleis (Palais-Rojral), 11' 10.
B 1852. - DIMANCHE 31 OCTOBRE.
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POLITIQUE, lITTÏ&AffiE, UNIVERSEL.
On s'abonne, dans les départemens, aux Messageries et aux Directions d-i ; «y :,—A Londres, chez MM. C owie et pjts.
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IPARIS, 50SOCTQBRE,
- ' à *
Le gouvernement de ia démocratie.
La voix divine qui a dit, il y a dix-huîtsî&-
cles : Tout royaume divisé contre lui-même
périra, nous a enseigné du même coup la loi
suprême qui préside à la vie des nations.
Elle a proclamé qu'aucune société ne peut
subsister sans.gouvernement.
Ainsi se trouvait condamnée d'avance, par
un arrêt que l'expérience a justifié, la l'olle
tentative de l'école qui, dans la Constitution
de 1793, a voulu remettre à l'intervention,
directe" du peuple entier la conduite et
l'administration de la France. Ainsi se
trouvent réfutés, et ces héritiers de Saint-
Jùst, ces écrivains de la Vraie Républi
que qui, en 1848, ne voulaient voir'dans
la commission executive qu'une pentarchie
usurpatrice, et ces sophistes qui, aujour
d'hui encore, prêchent l'abolition de tout
gouvernement. '
S'il est essentiel qu'il existe à la tcte de
toute société une force modératrice autour
de laquelle se groupent les individus, ce
noyau de l'unité nationale, ce centre
d'action indispensable peut varier selon
le- génie de chaque peuple. Rien n'est plus
digne d'admiration' que' les jjiw**antes aris
tocraties qui' ont fait adir de Ro
me ou de Venise. Montp^^ea et Voltaire
ont prodigué l'éloge à la monarchie tempé
rée de l'Angleterre, ils ont exalté une forme
de gouvernement qui professe le plus grand
respect pour la liberté individuelle, et qui
fait une si belle part à l'intelligence et au ta
lent; mais, sans rien dénigrer ni du passé ni
du présent, on peut comprendre encore pour
les nations un autre régime et d'autres ins
titutions. La démocratie a son gouverne-
m'fent, dont les conditions sont toutes diffé
rentes ët varient même selon l'éducation,
lés mœurs ou la situation des peuples. Ce
gouvernement peut avoir aussi sa grandeur
et sa fécondité.
Voyez l'expansion du peuple américain,
issu d'une poignée d'exilés volontaires ; 'de
l'étroite lisière qu'il occupait sur les côtes ari
des de la Nouvelle-Angleterre, il s'est répan
du, portant avec luilesinstitutions démocrati
ques, sur un immense territoire et jusqu'aux
bords de l'océan Pacifique. Sur les rives de
l'Oliioet du Mississipi, dans les forêts de l'Ar-
kaiisas, dans le grefnd désert oùcoule le Mis
souri, en Californie, et dans'les solitudes de
l'Orégon, par tout vo.us retrouverez le même
esprit, les'mêmes formes et jusqu'aux.mê
mes dénominations. * ,
Le pionnier,, isolé que rejoint un second
émigrant ne voit dans le nouveau venu qu'un
auxiliaire, un .coadjuteur. Le jour où un
troisième arrive, les deux premiers se di
visent : dans celte société rudimentaire il se
crée deux partis, il se forme une majorité,
il naît un gouvernement. Ces deux hom
mes'qui n'ont-peut-être jamais -songé-à la
politique, s'appellent instinctivement \vhig
eu démocratë pour se rattacher, par quel
que lien, à la grande communauté d'où ils
sontsortis et sur laquelle ils modèlent leur,
communauté naissante. Ils copient le spec
tacle qu'ils ont au sous les yeux dès l'enfance.
C'est que tout Américain a sucé avec le
lait la foi aux trois principes suivans : le
suffrage Universel comme source et comme
contrôle de toute autorité, la prédominance
de la majorité' cpmme loi de l'exercice du
pouvoir, l'élection comme manifestation et
raductiondela volonté de la majorité. Com
ment ignorerait-il les conditions du gouverne-
ment démocratique, lorsqu'il les ..trouve en
exercice à touslesdegrésdelahiérarcliiepoli-
tique, dans la commune, dan s le district, dans.
l'Etat, dans la grande confédération? Les pro
cédés de ce , gouvernement lui sont donc "fa-
rmilîêfscomme une habitude d'enfance : siloin
que les émigrans s'écartent de leur état na
tal, ils les emportent avec eux comme au
tant de règles de conduite, et'ils se consti
tuent sans efforts et sans lutte en une so
ciété régulière.
C'est ce spectacle de la démocratie améri
caine, portant avec elle, sous tous les cli
mats les mêmes institutions,*, et faisant ré
gner l'ordre au sein des forêts, qui trompa
en 1848 des esprits, chimériques et impré-
vovans', lorsque, de ce côté de l'Atlanti
que, ils voulurent livrer à elle-même une
autre démocratie, à qui d'incessantes pré
dications ont donné la passion, et non pas
seulement le goût de l'égalité, mais qui
n'avait nulle habitude de l'indépendance, iïul
esprit d'initiative, et nulle tradition pour se
guider. Ils voyaient dans la nation française,
telle qu'ils la connaissaient par les clubs.et les
sociétés secrètes, le scepticisme et l'envie,
l'impatience de l'autorité,la haine des'supério
rités, toutes les passions de la démocratie
américaine,. ils crurent qu'elle en aurait
aussi l'intelligence et la décision. Ils s'ima
ginèrent que la démocratie française s'orga
niserait d'elle-même, qu'elle saurait, dès
le premier jour et d'instinct» ce qu'une
tradition "de ' deux siècles a enseigné aux
Américains. A ce peuple dont l'éducation
'était à faire , on imposa les formes poli
tiques les plus compliquées et tout un en-
chëvètrementderouages^électifs. Ace peuple
qui ne savait pas lire, on donna à décider des
questions de métaphysique constitutionnelle.
A ce peuple, ignorant de sa propre histoire,
on soumit pour qu'il choisît enti;e eux des
milliers de noms inconnus. Tel paysan dut
désigner jusqu'à vingt et trente hommes
d'État, chargés de représenter des opinions
qu'il n'avait pas, et qu'il n'était même pas
en état de comprendre.
Qui rie conçoit la stupeur et le désarroi
de tout ce peuple, sommé à jour fixe de
marcher dans les ténèbres '! Qui peut s'é
tonner que la démocratie française soit
demeurée trois années dans une impuis
sance absolus de s'organiser, objet de cu
riosité et d'épouvante pour le monde? Ces
millions d'hommes, investis soudainement
d'une souveraineté dont ils ne savaient com
ment user, armés d'un droit de suffrage
qu'ils exerçaient à l'aventure, c'était l'Océan
que Dieu seul maîtrise et conduit; c'était
une force irrésistible, capable de tout dé
truire où de tout -sauver* selon qu'elle se.
porterait de l'un ou de l'autre côté, mais
ignorante d'elle-même, aveugle et docile à
toutes les impulsions contraires. Les vents,
qui ne peuvent agiter qu'une faible étendue
de là Hhjr, arrivent cependant, par leur ren
contre, à soulever les tempe tes :'ainsi les
partis, par leurs tentatives rivales, par leurs
luttes, par leurs efforts désespérés, ne réus
sissaient qu'à soulever des orages qu'ils
étaient incapables de maîtriser et de cal
mer. Jamais la France ne fut plus divisée
contre elle-même, et plus près de périr.
Louis-Napoléon seul sut voir ce qui man
quait à la démocratie française pour devenir
la base d'un gouvernement et d'une société
régulière. Il n'eut pas peur de ce suffrage
universel qui comptait les votés par mil
lions, pas plus que le marin expérimen
té ne s'effraie dé"" l'élément dont il dirige
et met à profit la puissance. D'autres par
laient d'emprisonner en des digues, ou de
diminuer cette mer. sans' rivages. Louis-Na
poléon comprit que la démocratie, pour de
venir une force activej'-«iteMigenle et bien
faisante, n'avait besoin que de trouver un
interprète, rnr organe, un représentant. A
^ cette foule ignorante, il jeta un nom, le
' seul qui. fût connu et respecté de tous.
Quand ce nom l'eut rendue attentive, il
s 'adressa à elle, non point par des interme-,
diaires, mais directement ; non pas en
langage d'oracle, mais par des questions
claires, nettes, précises. Il l'interrogea sur-
ce qu'elle pouvait comprendre ; il lui de
manda ce qu'elle savait dire. Arrière, tout
l'échafaudage des élections préparatoires ,
des comités, des scrutins de liste; arrière, les
théories du socialisme ou de la conservation,
du droit divin ou du droit humanitaire.Vou-
. lez-vous mille maîtres, oui ou non ? Voulez-
vous un chef unique et stable, oui ou non ?
Voulez-vous être gouvernés, oui ou non ?
Voulez-vous.Louis-Napoléon, oui ou non?
Ce sont là des questions que comprend le
plus ignorant. Prenez le pâtre à la-tête de.
son troupeau, prenez le laboureur à sa
charrue; et, sans avoir besoin de consul
ter, personne, sans se creuser la tète,
sans hésiter, il vous répondra un oui ou
un non. De tous ces oui, de tous ces non,
donnés de tout cœur, parce qu'ils étaient
donnés en connaissance de cause, sont sor
tis une majorité, une élection, un gouver
nement. ! '-a. ;>»
Cette intervention du peuple entier faisait
notre péril au dire des habiles etdes profonds
politiques; elle a été notre salut.-Ainsi l'avait
annoncé Louis-Napoléon, dès le milieu de
1831, lorsqu'il avait dit, à Poitiers : « Le sa-'
» lut du pays viendra toujours de la volonté
» du peuple librement exprimée, .religieuse-
» ment acceptée . Aussi j'appelle de tous mes
» vœux le moment solennel où la voix puis-
» santé de la nation dominera toutes les op-
» positions et mettra d'accord toutes les ri-
» valités.» De cet océan immense du suffrage
universel, Lûuis-Napoléon seul a su dégager
la force latente,^mais irrésistible qui y était
contenue ; il a fait apparaître cette force à
tous les yeux; il l'a disciplinée et dirigée, et
la société française a retrouvé immédiate
ment un point d'appui dans la volonté de
tous hautement et clairement manifestée.
En effet on ne contesté pas, on ne discute
pas huit millions de suffrages. Les partisans
sincères de la souveraineté du peuplé, quel
les que soient leurs prédilections personnel
les, quelles que soient leurs préférences pour
une forme de gouvernement, s'inclinent si
lencieusement devant ja"volonté nationale ;
les sophistes en appellent au peuple mieux
instruit et essaient de réserver-Favenir;"
mais personne ne pense à disputer le présent
et à entreprendre une lutte. Il y a donc enfin
dans la société quelque chose qui n'est pas ,
qui ne peutpas être contesté. Voilà pourquoi
'le gouvernement de Louis-Napoléon s'est
si vite assis, si vite consolidé ; pourquoi le
sol s'est en quelques mois si complètement
affermi soùs nos pieds. Au lendemain dé l'a
narchie, le gouvernement est apparu avec
toutes les conditions de la stabilité.
Dans l'œuvre de Louis-Napoléon, encore,
à ses premiers jours, il y a" incontestable
ment une. puissance manifeste et irrésis
tible. Prenez tous les partis, ou- les "plus
respectables ou les plus dangereux, ou'ceux
qui invoquent le prestige d'une tradition '
antique, ou ceux qui font appel aux passions
mauvaises ; Louis-Niîpoléon les domine sans
effort, en leur opposant la masse entière de
la nation et « cette voix du peuple qui met
's d'accord- toutes les rivalités. » Vous trouvez
j^ J^rançe vingt minorités; il n'y a qu'une
seulem&joiïté, c'est celle que Louis-Napo
léon a l'ait sortir du chaos des opinions, et
laquelle il a assis son "gouvernement.
' Qui peut s'étonner des acclamations qui
ont accueilli partout Louis-Napoléon, de
l'empressement avec lequel la foule se por
te sur ses pas, de l'en thousiasme de ces ou
vriers et de ces laboureurs, à qui il a ensei
gné le prix et l'usage de leurs droits?
C'est elle-même que la démocratie française
reconnaît et salue en Louis-Napoléon. C'est
son autorité propre qu'elle consacre et for
tifie dans le pouvoir de sodl élu. Chaque fois
que Louis-Napoléon, dans ce langage sim
ple, ferme et net qui lui appartient, interro
gera le suffrage universel comme il l'a fait,
jusqu'ici, pour-lui demander les moyens de
faire le bien, d'affermir l'ordre, d'assurer la
paix, d'opérer d'utiles réformes, le suffrage
universel répondra en l'armant' de sa pro
pre toute-puissance ; et, chaque fois, toutes
lés opinions devront, comme aujourd'hui,
s'incliner et se soumettre devant ce manda
taire d'un peuple entier, devant ce repré-
■ sentant dg-îa fôlonté natiorfale.
Louis-Napoléon a fondé le gouvernement
de là démocratie. ccciieval-clarigny.
Ce matin, Abd-el-Kader s'est présenté au
château de £>aint-Cloud en demandant à'être
^v reçu par le prince-Président. II y avait en
cç-^tta^ffî-consëil des ministres. Après le
conseil Abd-el-Kader a été admis en pré
sence, du prince, qui était entouré de ses
ministres et de plusieurs fonctionnaires.
Abd-el-Kader a commencé par se prosterner
avec les démonstrations d'un- dévoûment
plein de reconnaissance ; puis, #yant baisé
les mains du prince, il a demandé la per
mission de lui adresser quelques paroles.
Ses premiers mots oiit été pour admirer
la grandeur de Dieu et l'impénétrabilité de
ses desseins. Il a fallu, a-t-il dit, que la Fran
ce traversât bien des révolutions pour que le
gouvernement se trouvât entre les mains du
neveu de l'Empereur Napoléon, et il a fallu
que la France eût à sa tète le neveu de l'Em
pereur pour que lui-même, Abd-el-Kader,
recouvrât enfin ce bien si précieux, sans lequel
tous les autres biens, ne sont rien; la liberté,
li a déclaré qu'il n'oublierait jamais de qui
il avait reçu ce bienfait; il en était d'autant
pliis touché, il serait d'autant plug recon
naissant, que ceux dont les engagemens en
vers lui étaient formels, avaient dédaigné de
les exécuter, tandis que Louis-Napoléon lui
donnait généreusement tout,- sans lui avoir
rien promis.
Continuant son allocution au prince, Abd-
eî-Xadei* a dit qu'il prenait encore une fois
le solennel engagement de ne jamais remet
tre le pied sur la terre -d'Afrique. D'ailleurs,
a-t-il ajouté, je ne suis pas un insensé; tant
que je n'avais, pas vu la France, ce grand
pays, j'ai pu croire qu'en luttant contre elle,
en défendant ma patrie, je pourrais attein
dre un résultat utile. Mais maintenant que
j'ai vu la France, son immense étendue, ses'
forces redoutables, je reconnais que ce se
rait désormais une folie et un crime de faire
verser le sang humain dans des luttes sté
riles;
Abd-el-Kader a prononcé encore quelques
phrases, où il exprimait de nouveau sa gra
titude, puis il a ajouté : « Prince, ce que je
viens de "vous dire, était dans mon. cœur;
mais c'est aussi Consigné dans, un écrit que
je vous prie de recevoir. » Et il a présenté
cet écrit au prince, qui a répondu qu'il n'a
vait aucun doute sur sa parole : toute écri-
lurç lui semblait donc superllue ; mais puis
que Abd-el-Kader avait voulu spontanément
formuler aiil^-sa pfeiîée, le prince acceptait
cet écrit. • • „ ^
En effet, Abd-el-Kader a. remis l'écrit a
Louis-Napoléon, et a voulu, pour prendre
congé de lui, lui baiser de nouveau la maiu;
mais le prince lui a tendu les bras et l'a em
brassé.
Ainsi s'est terminée cette intéressante en
trevue. Nous avons cru devoir la raconter
sommairement sans attendre" les détails of
ficiels , qui seront sans doute insérés au Mo
niteur et que nous reproduirons.
Le secrétaire de la rédaction, l. bon'iface.
On sait que le Sénat est convoqué pour le
4 du mois prochain.
Un grand nombre de sénateurs sont déjà
arrivés à Paris. Nous pouvons citèr entre
autres le cardinal de Bonald, archevêque de
Lyon, et le cardinal Donnet, archevêque de
Bordeaux.
Divers changemens ont été apportés dans
les. aménagemens intérieurs du palais du
Luxembourg, pour la session prochaine du
Sénat.
On a transformé en une magnifique salle
de réception l'ancienne salle qui a servi aux
séances du sénat conservateur et à celles de.
la chambre des pairs sous l'Empire, sous la
Restauration et pendant les premières an
nées de la monarchie de juillet. .
Le Sénat continuera à siéger dans la nou
velle salle des séances, inaugurée il y a dou
ze ans environ-par les membres- de l'ancien
ne chambre des pairs.
Le Moming-Post du 29 octobre s'attache à
rectifier les faits relatifs à la conduite de
M. de Lavalette, le ministre de France à
Constantinople. Ces faits ont été dénaturés
par quelques journaux de Londres.
« C'est, dit ce journal, aux remontrances que le
gouvernement français a lait adresser par l'organe
de son ministre à Constantinople, que le public doit,
en très grande partie, la justice que la' Sublime-
Porte a été amenée à rendre. Il est impossible que
ces remontrances aient été ou aient pu être telles
que les ont représentées quelques-uns de nos con
frères. ~
» Comment,^par exemple, M. de Lavalette pou
vait-il menacer de. demander ses passeports et de
quitter Constantinople', si le gouvernement turc
refusait, sous un'certain délai, de ratifier l'em
prunt? Quelle que soit l'immoralité de ce refus,
quelque regrettable que soit la façon dont le sul
tan a envisagé l'affaire, de quelque fâcheux pré
sage que soit la faihlesse qui l'a porté à céder
à des conseillers étrangers si dangereux, ce n'est
pas là, cependant, un casus belli; il ne peut pas y
en avoir entre la Franco et la Turquie, simple
ment parce que le sultan a manqué en ne se te*
nant pas pour engap par les actes da son minis
tre. C'est une question, non pas entre les gouver-
neniens français et turc, ou entre les gouverne-
mens d'Angleterre et de Turquie, mais unique^
ment entil la Porte et certains marchands, M. de
Lavalette'n'a donc pu faire que les remontrances
d'une puissance amie. Son intervention a été, en
langage diplomatique, " officieuse et noir pas* offi
cielle. » - ,
Le Morning-Post termine ses réflexions en re
grettant la marche suivie par la Porte. Il en est
fdehé-pour ceux à qui l'emprunt a causé des em
barras ; mais s'il en. est qui aient à perdre à cette
affaire, cfue ce soient, au nom du ciel, ceux qui au
raient gagné, si la spéculation avait bien tourné,
et non pas le public • simple et confiant, que quel
ques-uns de ses organes aimeraient tant à duper.
La correspondance de Vienne du Journal
de Francfort annonce que la princesse Caro
line Wasa va entrer dans la religion catholi?
que, et qu'elle fera son abjuration à Morac
wetz en Moravie. •
Nous lisons dans l'Indépendance belge, du
29 octobre :
«La renonciation définitive de M.H.deBrouckôre
au mandat qu'il avait reçu, est pleinement confir
mée; mais on rapporte d'autre part que d'activés
démarches sont faites pour amener la formation
d'un nouveau cabinet, et l'on en attend un résul
tat pour un jour très prochain. Une liste de noms
'circuiyiit tuer sur les bancs de la chambrej nous,
croyons, devoir nous abstenir de la reproduire,
nos rqQsiiigncmeus nous faisant douter de sa com-
*p!cte exactitude. Parmi les noms cités, il en est
| quat re sur- lesquels on est généralement d'ac-
fwOT Ce' sont ceux do M. le baron de Vrière, gou
verneur de la Flandre occidentale, pour le minis
tère de l'intérieur ; M. le baron Prisse, adjudant-
général du roi, ancien ministre plénipotentiaire,au
département des affaires étrangères; M. Noël, di-
recteurnes, au département des travaux publics ; et M. le
général Anoul, qui conserve le portefeuille du dé
partement de la guerre. »
Le Précurseur d'Anvers confirme, par de
nouveaux détails, les renseignemens de
l'Indépendance : -
« Ce qui semble digne de croyance, au moment
où nous écrivons, c'est que^IM. de Vrière, Prisse,
Alph. Nothomb et Noël feront partie de la nou
velle combinaison.
» M. le baron de Vrière, le nouveau ministre
de l'intérieur, chef du cabinet, est gouverneur de
la Flandre occidentale; il s'est toujours franche
ment et ouvertement rallié à la politique du ca
binet démissionnaire; il s'est pleinement associé à
toutes les mesures prises par M. Rogier en faveur
des Flandres; c'est un des gouverneurs les plus
éclairés, les plus actifs et les plus dévoués au mi
nistère qui se retire.
»M. le général Prisse est connu pour la Modéra
tion de son caractère : il a fourni une carrière très
honorable qui n'est pas 'exclusivement remplie
par des services militaires; il a pris part à quel
ques-unes de nos négociations internationales, no
tamment, si nous ne nous trompons, à la confec
tion de quelques-uns des réglemens qui ont dû.
être élaborés par des plénipotentiaires belges et
néerlandais à, la suite du traité des 24 articles
M. le général Prisse a fait précédemment partie
du cabinet catholique comme ministre de la guerre.
»M. Alphonse Nothomb, un de nos commissaires
d'arrondissement les plus distingués, est frère de
l'ancien ministre, père de la police mixte de mal
heureuse mémoire ; le nouvèau ministre de la
justice appartient à la fraction modérée^ mais dé
vouée, du libéralisme ; on dit merveille de son
talent. '
»M. Noël est inspecteur général de l'administra
tion des pouts-et-chaussées ; c'est un des bons
fonctionnaires du département à la tête duquel il
se voit placé;'il a pour lui une longue expérience
efrdes services signalés rendus dans la carrière
même au faite de laquelle il arrive, poussé uni
quement par son travail et son dévoûment aux
intérêts du pays. 1 '
«Rien n'est définitivement résolu, ni pour le mi
nistère des finances, ni pour celui de la guerre.
»On ne doit s'attendre, du reste, à la publication
officielle de la combinaison nouvelle que d'ici à
. quelques jours.»
Oii lit dans le Morning-Herald :
«Au moment actuel, il existe à Londres deux so
ciétés dont les membres sont tous ou presque tous
exilés. I/une, qui se compose d'environ deux cents
membres, s'appelle la République paternelle; l'au
tre, qui en compte à peu près soixante-dix, se nom
me la Révolution. La première est la société-mère-
au commencement,"elle se composait des partisans
de Louis Blanc et Ledru-Rollin ; mais bientôt un
schisme se déclara: plusieurs orateurs'accusèrent
Ledru-Rollin de faux républicanisme. Les amis de
celui-ci prirent naturellement sa défense; il en
résulta des picoterîes et des querelles. Barthélémy,
qui passe généralement pour avoir été l'adversai
re de l'infortuné Cournet, était le grand oratc'à?
ennemi du parti de Ledru-Rollin ; comip^ii était
non seulement éloquent, mais jouissait en
core d'une réputation debr So1 f r ' e ct de courage
personnels, fort peu rte personnes osaient ) ui faire
opposition. Enfin discussions et l'esprit de par
ti s'exaltèrent à tel point que les amis de Ledru-
Rollin se séparèrent et formèrent une société ap
pelée la Révolution ; de leur côté, les amis de
Louis Blanc restèrent dans la société-mère.
» Dans les premiers jours de la grande exposi
tion, Frédéric Cournet, le malheureux qui a suc-
oûHi'bé dans la, latale rencontre, vint à Londres.
Entre autres commissions, il avait été chargé par
un de ses amis, de remettre une lettre et un petit
paquet contenant des gravures à Barthélemv qui
se trouvait alors à Londres. u
» Cournet, qui ne connaissait pas personnelle
ment Barthélémy, demanda à l'-,in de ses amis de
Londres qui il était. Cet l'adversaire politique (le Barthélémy ; aussi luidé-
bita-t-u les plus injurieux mensonges sur son
compte11 en résulta que, de retour à Paris, Cour
net répéta à quelqu'un, qui était soi) ami et celui
de Barthélémy, les mauvais propos qu'il avait en
tendus à Londres. Cet ami commun en informa
aussitôt Barthélémy, qui était alors en Suisse e
s'empressa d'écrire à Cournet pour avoir une ex
plicrUioiK Cette explication ne fut pas nette. Aprè
trois autres lettres, Barthélémy vint en Angleter r. s
FEUILLETON OU CONSTITUTIONNEL, 31 OCTOBRE.
SOUVENIRS JUDICIAIRES.
LA LESCÛMBÀT.
m.
Deux jours après le supplice de Mongeot,
la Lescombat fut mise en jugement malgré
l'état de grossesse avancée "dans lequel elle
se trouvait, et immédiatement elle fut dé
clarée atteinte et convaincue de s'être ren
due complice de l'assassinat commis sur
Lescombat. La sentence du Châtelef, qui la
condamnait -à être pendue, fut confirmée par
arrêt du parlement du -17 janvier 1733.
,s MVluyara de Vouglans, le célèbre crimina-
lisle, quelques années plus tard, rappelant
que \e meurtre commis sur un mari par sa
femme était assimilé ail parricide, s'etonne.
que la Lescombat n'ait pas été condamnée à
«être brûlée vive, avec la chemise sanglante
de son mari devant les yeux, et il ne s expli
que l'indulgence des juges qu'en supposant
qu'ils avaient voulu faire une distinction en
tre les assassins qui se servent de la main
«l'autrui pour csmïnettre un crime, et ceux
qui le commettent directement.
L'arrêt condamnait en outre la Lescombat
à subir la question ordinaire et extraordi
naire ; mais elle ne dut connaître, selon l'ù-
sage, le sort qui. lui était réservé, que {.e m&-
tin du jour fixe pour l'exéculion.
Ce fut s i semaines après cette condamna
tion, le 5 mars 1753, qu'on vint lui lire son
•• mort. Il y avait un mois qu'elle
aîrpi^ -, conduisait à la cham-
etait aecoueneô. ^ - ^clara de
bre de la question, lorsqu'elle-;*., .,
nouveau qu'elle étaitenceintc. C'était'là~troi-
sième déclaration de cette nature qu'elle fai
sait depuis la mort de son mari. Cette der
nière grossesse paraissait bien extraordinai
re chez une femme qui n'était pas sortie de
prison depuis sa derniere couche. Les dé
tails dans lesquels elle entra pour expliquer
sa situation, rappellent un des plus affreux
épisodes de l'Ane mort ct la femme guilloti«
née. Ces "détails étaient trop invraisembla
bles ; personne n'y ajouta foi. Cependant,
les chirurgiens et les sages-femmes consul
tés ayant déclaré que c'était seulement à
quatre mois de terme que lé fait dé la gros
sesse pouvait être vérifié, il fut sursis à l'exé
cution.
Pendant ces quatre mois qu'elle passa à la
Conciergerie, elle fut l'objet de la plus ac
tive surveillance ; après quoi les chirurgiens
et les sages-femmes déclarèrent qu'elle n'of-
fra.it aucun signe de grossesse.
Lejour même de cette déclaration, c'est à-
dire le 3 juillet ! 755, la Lescombat fut con
duite à là chambre de la tortijre- Elle y sur
bit courageusement la question aux broder
quins, et nia toute participation à l'assassi
nat de son mari, Au -quatrième coin, elle
n'eut plus la force de parler, elle se borna à
faire des signes de tète négatifs. Une fois re
mise sur le matelas, elle eut encore le cou
rage de signer son procès-verbal de ques
tion....
On la mena ensuite à la place de Grève;
niais, lorsqu'elle fut arrivée au pied de la
potence, perdant tout espoir de grâce, elle
se décida à faire -dos ayeux n'avait pu lui arracher.
Jusque-là, si l'on en croit le.journal de
l'avocat Barbier (I), elle avait pu espérer
une commutation de peine : « Cette femriie,
» dit-il au moment du jugement, esî une
» des plus jolies femmes de Paris, ce qui fait
» compassion! Elle <î une fille de sept à-huit
» ans, dont une de Mesdames de France
» prend soin dans un couvent. Qn ne sait si
» elle n'aura pas sa grâce, s'entend pour
» être enfermée le reste de ses jours. »
i);i{js son testament de mort reçu par M.
de Sartines, reconnut qu'elle avait été
la maîtresse de Mongeut. bcl.on oiK le pro
jet d'assassinat venait de ce dernier qui fou
lait" se vccger du soufflet qu'il avait reçu".
Mongeot lui avait expliqué qu après le sou-
• '« h Luxembourg il provoquerait LesuQir^
pei v.— ^ -"".sur son refus, de se bat-
hat en duel, ex h-oqi (jjig oui
tre, il le percerait de son epee.;u- v ^. _ ' •
avait conseillé d'emporter un pistolet, et elle
avoua que son but en donnant ce conseil
était d'égarer la justice. Elle nia qu'immé-
(1) Manuscrits de la Bibliothèqu -Nationale. —
Jomnal de Barbier. An 1758. -
diatement après le crime Mongeot fût venu
l'avertir de cé qu'il venait de taire. Elle re
connut qu'elle était allée, habillée en homme,
rendre visite à Mongeot, enfermé au Grand-
Chàtelet. Elle refusa de rien dire.à l'égard
de son frère. _
Après qu'elle eut signé cétte déclaration,
elle fut conduite à la potence pour être pen
due (1), • w
Nous laisserons encore"parler ici le jour
nal dé Barbier sur cette exécution. -
Juillet (1755). ... Le peuple était si impatient
de savoir le sort de la Lescombat, qu'on chantait
dans les rues des chansons sur elle, d'autant que
la potence avait été'''posée un jour inutilement
dans la place de Grève. Jeudi c'était un concours
de monde extraordinaire dans la Grève et dans
toutes les rues'adjacentes pour la voir du moins
passer ; il y avait du monde jusques sur les tours
de Notre-Dame ; les chambres étaient louées dans
la Grève; nombre de gens en carrosse dans la pla
ce et les passages : et cette folie du public était
d'autant plus misérable, qu'il n'a rien vu, Cette
femme avait le visage couvert d'un mouchoir, et
elle a été pendue à .sept heures et demie du soir
(1) On ne sait plus guêres aujourd'hui les détails
du supplice de la potence. En voici la description,
minutieuse par un ancien criminaliste : *
« Appè? qjî'p a attaché au cou du eriminel
frois cordes, savoir : les deux ioriousù, qui s'ont
des.cordes grosses comme le petit doigt ayant cha
cune un nœud coulant, et le jet, ainsi appelé
parce qu'il sert à aider à jeter le criminel hors de
l'échelle..., on le fait monter sur la charrette de
l'exécuteur où il est assis sur une planche de tra
verse, le dos tourné au cheval, le confesseur A
côté de lui et l'exécuteur derrière. Aifivé à la po
tence fi» est appuyée et |iée une échelle, l'exécu
teur monte Je |renner ameutons ethnie, au moyen
de cordes, le criminel ;1 monter de mémo. Le con
fesseur monte ensuite du bon sens, et pendant qu'il
exhorte le patient, l'exécuteur attache les torlou-
ses au bras de la potence; et lorsque le confesseur
commence à. 4ejcen(lre J j'exeeuteur^ tj'qn coup do
genou, aidé db jet, fait quitter l'cchelle au patient
qui se trouve' suspendu en 1 air, les nœuds ooulnaà
des tortouses lui serrant le cou. Alors .'exécuteur,
se tendue des mains au hras de la noteqce, lîiqnte
sur les mains liées du patient, et, à- force do coups
de genoux dans 1 estomac et Je secousses, il ter
mine lo s\nuît!'.'p p a r la mort du patient.
» Il v a des parlemeiis u;i j'CÀVi'tneur, U)ibs tortouses plu* lonc.ies, monte i sur lct* epaqles ou ■
patient et à coups de talon daijfc 1 CHQniuç, en mi
sant faire quatre tours au patient; terminé piua
promptement son supplice. »
avec ce mouchoir. Elle n'a rien dit à la question.
Quand elle est sortiè de l'Hôtel-de-Ville po^aller
à l'échelle, on a claqué des mains comme à un
spectacle. Pendant celte cérémonie on vendait
dans les rues l'histoire imprimée de son crime et
swn portrait qui n'est pas aussi joli qu'elle l'était
eh eifet. Son frère, dont il n'est pas parlé dans
l'arrêt, est dans les cachots... mais on dit qu'elle
ne l'a pas chargé. Ainsi finit l'histoire de la dame
Lescombat, son mari assassiné, son amant rompu
vif, et elle pendue!
Nous ne dirons plus qu'un mot sur un de
ceux qui avaiént joué un rôle dans ce dra
me lugubre, sur -Geneste Ruelle. 11 avait
pris ,1a fuite, et il se laissa •chercher pendant
long-temps : on finit par' le découvrir dans
les*rangs dé la marine royale ; il s'était tout
simplement engagé. On le fit venir à Paris,
et la-, il nia toutes les charges révélées par
Mongeot contre lui. Les preuves n'étant pas
suffisantes, on ordonna qu'il serait soumis à
la question préparatoire; il subit cet te .épreu
ve sans rien avouer, Un arrêt du 5 août pro
nonça alors un plus ample informé, durantle-
quel Ruelle serait tenu de garder prison : Aus
bout de cette année, deux voisins qui avaient
fait partie dii groupe assis à la porte de la
Lescombat le soir de l'assassinat, furententen-
dus ; ils déclarèrent qu'ils ng ge rappelaient,
point avoir vu Ruelle ' se déranger jiour suw
vre Mongeot. Dans ces circonstances, à la
date "du M mai 1757. il fut remis en liberté,
sous la réserve, il est vrai, d'un plus ample
informé ; mais il ne survin.t sans doute au
cune charge contre lui, car depuis cette épo
que on ne retrouve plus trace du nom dg
Ruelle dans les procetjqrps çriniiiielies du
teippSi
Le procès de la Lescombat fit un bruit
énorme.. Ou a souvent reproché a notre épo
que et' à notre société l'auréole doni.eHes en
vironnent les grands criminels, et cette sorte
de curiosité qui s'uttaclie à tou 1 n t ni
qui les concernent. On a voulu voir dans
cette tendance un symptôme de corruption
et de décadeneo, &i"oo diagnostic est fondé,
il faut bleu avouer que nos pères étaient en-
porc plus corrompus que nous,'car le bruit
que nous avons fait au sujet de Papavoine,
deLacenaire, deFieschi, de Mme Lafarge, n'est
rien én comparaison du bruit que firent
nos pères à propos de Desrue et de la Les
combat. Il v eut alors un véritable déluge de
gràvures, de vers, de complaintes, de bro
chures de toutes sortes. On ne parlait dans
le monde que de la Lesoombat. Tout ce qui
la copcerriaU eut une telle vogue, que. les li
braires disaient à tous ceux qui leur appor
taient des manuscrits : «Faites-nous quelque
chose sur la Lescombat» , de même qu'ils
disaient trente ans avant : « Faites-nous des
.lettres persanës. »
Nous avons examiné toute cette littératu
re éphémère que l'adultère et l'assassinat
avaient fait éclore. Nous l'avons tfoûvéé
quelquefois bizarre et burlesque, mais le
plus souvent plate et ridicule.
A tout seigneur tout honneur, Commen
çons par la complainte (1). Elle n'est pas
spirituelle comme celle du procès Fuaîdè^
elle rj'est pas naïve comme la vraie, l'an
cienne complainte. Voici un des couplets qui
peut donner un échantillon du style de cette
pièce : ■
Maître Chariot {le bourrea if) vient d'arriver
" Qui la fut bientôt Sftl.wer, . '
La corde au 'couâ lui dit : «' Madame,
ieN'ousjure dessus mon ame...
C'est aujourd'hui qu'il faut danser,
• Ma salle est déjà préparée! »
A cetté époque, un genre de facéties
répandu était l'oraison funèbrç,. On avait
fait celle de Mme Tiquet «ni elle aussi avait
tue son mari, On t)rcelle de là Lescombat..
E;U£ parut sous le UVre de : Oraison funèbre de
ires haute et très puissante dame Marie-Cathe-
To.piret, douairière de Louis-Alexandre
Lescombat (2). C'est "la plaisanterie ia plus
triste et la plus froide qu'on puisse imaginer.
On n'j tioyve aucun détail sur la Lescom
bat ; ce sont des mots et des phrases, une
amplifie ttion de mauvaise rhétorique. On
pourra juger du ton qui règne dans cet
upu c culp Le bourreau y est appelé -sacrifica-
te r, et la tirade lu plus éloquente est celle
qui contient la malédiction adressée à la fo-
rei qui journit le bois de la potence. Cela
dut être payé un louis à quelque cuistre
f ".— ———— * —
(t) Nouveau Recueil d'ariette*] à Rouen, elle?
Pierre Seger; — sans c}ate, in-12.
(2) Vingt pages t d'tmpres?ion. -, Paris, in-12.
mourant de faim , ou ù quelque jeune abbé
en goguette. ■
Les gravures faisaient concurrence aux
brochures. Paris était inondé de portraits de
la Lescombat plus ou moins ressemblans (1),
mais tous représentant- une jolie femme, et
quelques-uns portant avec eux dés légendes
plus ou moins naïves. En voici une qui nous
à paru assez curieuse :
Pottr m'ôtre trop livrée à la coquetterie*
On me livre au supplice au printemps: de ma vie.
Beau sexe, s'il se peut, n'aimes que vos maris....
Si vous les haïssez, ménage? vos amis.
Cette légende se trouve au bas d'un por
trait publié chez Basset. Une autre gravure
est intitulée : « Les Plaisirs de Madame Les
combat , s gous une tonnelle fleurie, on l'a
perçoit tenant à la main un verre de vin de
Champagne, et regardant amoureusement
un superbe gendarme qui pourrait bien être
Mongeot. Elle est en grande toilette : elle a
les yeux énormes, la bouche plus petite que
les yeux et un nez à la Roxelane ce qui
était l'idéal de la beauté-à cette époque.
Mais nous n'aurions pas p»rK^ e toutes
ces publications éphémères. r oI -nous n'avions
rencontré au milieu d'^ics une de ces facé
ties qui sont a datant meilleures qu'elles sont
tartes se^yggjjjg^ (j e bonne foi, et qU'el-
ie 1iont rire tout le monde, excepté ceux qui
les composent. Il s'agit d'une tragédie! d'une
véritable tragédie, avec protase, songe, con
fident et récit, qui est intitulée : La Mort'de-
Lescombat (2). L'unité de temps y est scru
puleusement observée, il y a une préface ,
et,-comme Racine dans celle de Britannicus,
l'auteur proteste de son amour pour la véri
té historique, qui lui afait sacrifier beaucoup
d'ornemens épisodiques.
« Néanmoins, àjoute-t-il, il y a quelques cir
constances que j'ai été contraint d'omettre; par
exemple les entrevues des deux amans pendant
l'exil du parlement, et, en conséquence, la nais
sance d'un enfant dans les prisons, et tous les dé
lais dont Mme Lescombat a amusé ses juges. Mais
ces circonstances ne pouvaient entrer dans une
poésie où te temps de l'action est borné à vingt-
qua,tre heures. »
Est-il assez scrupuleux ? 11 voulut garder
(t) 11 v en a cinq différons, conservés aux Estam
pes de la Bibliothèque nationale,
(2) La Haye, 1758, chez Pierre. Vander; in-12.
Prix de l'abonnement.
S '
13 ET DEPARTEMENS .
8 Ïït. POUR TROIS MOIS.
■1
UN NUMÉRO : 15 CENTIMES.
pob« lbs pats étranfiebs, se reporter au
■tableau publié dans le journal, les 10 et.
. * 23 de chaque mois. )
S'adresserl franco, pour la rédaction, à M. C ucheval- C larigny, rédacteur en chef.
Les articles déposés ne sont pas rendus.
ESIJEËllj^: rueltie ¥aleis (Palais-Rojral), 11' 10.
B 1852. - DIMANCHE 31 OCTOBRE.
m
■ *"
ULJ
9
POLITIQUE, lITTÏ&AffiE, UNIVERSEL.
On s'abonne, dans les départemens, aux Messageries et aux Directions d-i ; «y :,—A Londres, chez MM. C owie et pjts.
— A Strasbourg,, chez i \i.-ALEXAN»iu>, p r iir i Allemagne*.
S'adresser, franco ',pour l'administration
•„ à M, DBNAlN, directeur.i
Les annonces sont reçues'chez M. PANIS, régisseur, 10, place de la Bourse;
et au bureau du journal. • . '
IPARIS, 50SOCTQBRE,
- ' à *
Le gouvernement de ia démocratie.
La voix divine qui a dit, il y a dix-huîtsî&-
cles : Tout royaume divisé contre lui-même
périra, nous a enseigné du même coup la loi
suprême qui préside à la vie des nations.
Elle a proclamé qu'aucune société ne peut
subsister sans.gouvernement.
Ainsi se trouvait condamnée d'avance, par
un arrêt que l'expérience a justifié, la l'olle
tentative de l'école qui, dans la Constitution
de 1793, a voulu remettre à l'intervention,
directe" du peuple entier la conduite et
l'administration de la France. Ainsi se
trouvent réfutés, et ces héritiers de Saint-
Jùst, ces écrivains de la Vraie Républi
que qui, en 1848, ne voulaient voir'dans
la commission executive qu'une pentarchie
usurpatrice, et ces sophistes qui, aujour
d'hui encore, prêchent l'abolition de tout
gouvernement. '
S'il est essentiel qu'il existe à la tcte de
toute société une force modératrice autour
de laquelle se groupent les individus, ce
noyau de l'unité nationale, ce centre
d'action indispensable peut varier selon
le- génie de chaque peuple. Rien n'est plus
digne d'admiration' que' les jjiw**antes aris
tocraties qui' ont fait adir de Ro
me ou de Venise. Montp^^ea et Voltaire
ont prodigué l'éloge à la monarchie tempé
rée de l'Angleterre, ils ont exalté une forme
de gouvernement qui professe le plus grand
respect pour la liberté individuelle, et qui
fait une si belle part à l'intelligence et au ta
lent; mais, sans rien dénigrer ni du passé ni
du présent, on peut comprendre encore pour
les nations un autre régime et d'autres ins
titutions. La démocratie a son gouverne-
m'fent, dont les conditions sont toutes diffé
rentes ët varient même selon l'éducation,
lés mœurs ou la situation des peuples. Ce
gouvernement peut avoir aussi sa grandeur
et sa fécondité.
Voyez l'expansion du peuple américain,
issu d'une poignée d'exilés volontaires ; 'de
l'étroite lisière qu'il occupait sur les côtes ari
des de la Nouvelle-Angleterre, il s'est répan
du, portant avec luilesinstitutions démocrati
ques, sur un immense territoire et jusqu'aux
bords de l'océan Pacifique. Sur les rives de
l'Oliioet du Mississipi, dans les forêts de l'Ar-
kaiisas, dans le grefnd désert oùcoule le Mis
souri, en Californie, et dans'les solitudes de
l'Orégon, par tout vo.us retrouverez le même
esprit, les'mêmes formes et jusqu'aux.mê
mes dénominations. * ,
Le pionnier,, isolé que rejoint un second
émigrant ne voit dans le nouveau venu qu'un
auxiliaire, un .coadjuteur. Le jour où un
troisième arrive, les deux premiers se di
visent : dans celte société rudimentaire il se
crée deux partis, il se forme une majorité,
il naît un gouvernement. Ces deux hom
mes'qui n'ont-peut-être jamais -songé-à la
politique, s'appellent instinctivement \vhig
eu démocratë pour se rattacher, par quel
que lien, à la grande communauté d'où ils
sontsortis et sur laquelle ils modèlent leur,
communauté naissante. Ils copient le spec
tacle qu'ils ont au sous les yeux dès l'enfance.
C'est que tout Américain a sucé avec le
lait la foi aux trois principes suivans : le
suffrage Universel comme source et comme
contrôle de toute autorité, la prédominance
de la majorité' cpmme loi de l'exercice du
pouvoir, l'élection comme manifestation et
raductiondela volonté de la majorité. Com
ment ignorerait-il les conditions du gouverne-
ment démocratique, lorsqu'il les ..trouve en
exercice à touslesdegrésdelahiérarcliiepoli-
tique, dans la commune, dan s le district, dans.
l'Etat, dans la grande confédération? Les pro
cédés de ce , gouvernement lui sont donc "fa-
rmilîêfscomme une habitude d'enfance : siloin
que les émigrans s'écartent de leur état na
tal, ils les emportent avec eux comme au
tant de règles de conduite, et'ils se consti
tuent sans efforts et sans lutte en une so
ciété régulière.
C'est ce spectacle de la démocratie améri
caine, portant avec elle, sous tous les cli
mats les mêmes institutions,*, et faisant ré
gner l'ordre au sein des forêts, qui trompa
en 1848 des esprits, chimériques et impré-
vovans', lorsque, de ce côté de l'Atlanti
que, ils voulurent livrer à elle-même une
autre démocratie, à qui d'incessantes pré
dications ont donné la passion, et non pas
seulement le goût de l'égalité, mais qui
n'avait nulle habitude de l'indépendance, iïul
esprit d'initiative, et nulle tradition pour se
guider. Ils voyaient dans la nation française,
telle qu'ils la connaissaient par les clubs.et les
sociétés secrètes, le scepticisme et l'envie,
l'impatience de l'autorité,la haine des'supério
rités, toutes les passions de la démocratie
américaine,. ils crurent qu'elle en aurait
aussi l'intelligence et la décision. Ils s'ima
ginèrent que la démocratie française s'orga
niserait d'elle-même, qu'elle saurait, dès
le premier jour et d'instinct» ce qu'une
tradition "de ' deux siècles a enseigné aux
Américains. A ce peuple dont l'éducation
'était à faire , on imposa les formes poli
tiques les plus compliquées et tout un en-
chëvètrementderouages^électifs. Ace peuple
qui ne savait pas lire, on donna à décider des
questions de métaphysique constitutionnelle.
A ce peuple, ignorant de sa propre histoire,
on soumit pour qu'il choisît enti;e eux des
milliers de noms inconnus. Tel paysan dut
désigner jusqu'à vingt et trente hommes
d'État, chargés de représenter des opinions
qu'il n'avait pas, et qu'il n'était même pas
en état de comprendre.
Qui rie conçoit la stupeur et le désarroi
de tout ce peuple, sommé à jour fixe de
marcher dans les ténèbres '! Qui peut s'é
tonner que la démocratie française soit
demeurée trois années dans une impuis
sance absolus de s'organiser, objet de cu
riosité et d'épouvante pour le monde? Ces
millions d'hommes, investis soudainement
d'une souveraineté dont ils ne savaient com
ment user, armés d'un droit de suffrage
qu'ils exerçaient à l'aventure, c'était l'Océan
que Dieu seul maîtrise et conduit; c'était
une force irrésistible, capable de tout dé
truire où de tout -sauver* selon qu'elle se.
porterait de l'un ou de l'autre côté, mais
ignorante d'elle-même, aveugle et docile à
toutes les impulsions contraires. Les vents,
qui ne peuvent agiter qu'une faible étendue
de là Hhjr, arrivent cependant, par leur ren
contre, à soulever les tempe tes :'ainsi les
partis, par leurs tentatives rivales, par leurs
luttes, par leurs efforts désespérés, ne réus
sissaient qu'à soulever des orages qu'ils
étaient incapables de maîtriser et de cal
mer. Jamais la France ne fut plus divisée
contre elle-même, et plus près de périr.
Louis-Napoléon seul sut voir ce qui man
quait à la démocratie française pour devenir
la base d'un gouvernement et d'une société
régulière. Il n'eut pas peur de ce suffrage
universel qui comptait les votés par mil
lions, pas plus que le marin expérimen
té ne s'effraie dé"" l'élément dont il dirige
et met à profit la puissance. D'autres par
laient d'emprisonner en des digues, ou de
diminuer cette mer. sans' rivages. Louis-Na
poléon comprit que la démocratie, pour de
venir une force activej'-«iteMigenle et bien
faisante, n'avait besoin que de trouver un
interprète, rnr organe, un représentant. A
^ cette foule ignorante, il jeta un nom, le
' seul qui. fût connu et respecté de tous.
Quand ce nom l'eut rendue attentive, il
s 'adressa à elle, non point par des interme-,
diaires, mais directement ; non pas en
langage d'oracle, mais par des questions
claires, nettes, précises. Il l'interrogea sur-
ce qu'elle pouvait comprendre ; il lui de
manda ce qu'elle savait dire. Arrière, tout
l'échafaudage des élections préparatoires ,
des comités, des scrutins de liste; arrière, les
théories du socialisme ou de la conservation,
du droit divin ou du droit humanitaire.Vou-
. lez-vous mille maîtres, oui ou non ? Voulez-
vous un chef unique et stable, oui ou non ?
Voulez-vous être gouvernés, oui ou non ?
Voulez-vous.Louis-Napoléon, oui ou non?
Ce sont là des questions que comprend le
plus ignorant. Prenez le pâtre à la-tête de.
son troupeau, prenez le laboureur à sa
charrue; et, sans avoir besoin de consul
ter, personne, sans se creuser la tète,
sans hésiter, il vous répondra un oui ou
un non. De tous ces oui, de tous ces non,
donnés de tout cœur, parce qu'ils étaient
donnés en connaissance de cause, sont sor
tis une majorité, une élection, un gouver
nement. ! '-a. ;>»
Cette intervention du peuple entier faisait
notre péril au dire des habiles etdes profonds
politiques; elle a été notre salut.-Ainsi l'avait
annoncé Louis-Napoléon, dès le milieu de
1831, lorsqu'il avait dit, à Poitiers : « Le sa-'
» lut du pays viendra toujours de la volonté
» du peuple librement exprimée, .religieuse-
» ment acceptée . Aussi j'appelle de tous mes
» vœux le moment solennel où la voix puis-
» santé de la nation dominera toutes les op-
» positions et mettra d'accord toutes les ri-
» valités.» De cet océan immense du suffrage
universel, Lûuis-Napoléon seul a su dégager
la force latente,^mais irrésistible qui y était
contenue ; il a fait apparaître cette force à
tous les yeux; il l'a disciplinée et dirigée, et
la société française a retrouvé immédiate
ment un point d'appui dans la volonté de
tous hautement et clairement manifestée.
En effet on ne contesté pas, on ne discute
pas huit millions de suffrages. Les partisans
sincères de la souveraineté du peuplé, quel
les que soient leurs prédilections personnel
les, quelles que soient leurs préférences pour
une forme de gouvernement, s'inclinent si
lencieusement devant ja"volonté nationale ;
les sophistes en appellent au peuple mieux
instruit et essaient de réserver-Favenir;"
mais personne ne pense à disputer le présent
et à entreprendre une lutte. Il y a donc enfin
dans la société quelque chose qui n'est pas ,
qui ne peutpas être contesté. Voilà pourquoi
'le gouvernement de Louis-Napoléon s'est
si vite assis, si vite consolidé ; pourquoi le
sol s'est en quelques mois si complètement
affermi soùs nos pieds. Au lendemain dé l'a
narchie, le gouvernement est apparu avec
toutes les conditions de la stabilité.
Dans l'œuvre de Louis-Napoléon, encore,
à ses premiers jours, il y a" incontestable
ment une. puissance manifeste et irrésis
tible. Prenez tous les partis, ou- les "plus
respectables ou les plus dangereux, ou'ceux
qui invoquent le prestige d'une tradition '
antique, ou ceux qui font appel aux passions
mauvaises ; Louis-Niîpoléon les domine sans
effort, en leur opposant la masse entière de
la nation et « cette voix du peuple qui met
's d'accord- toutes les rivalités. » Vous trouvez
j^ J^rançe vingt minorités; il n'y a qu'une
seulem&joiïté, c'est celle que Louis-Napo
léon a l'ait sortir du chaos des opinions, et
laquelle il a assis son "gouvernement.
' Qui peut s'étonner des acclamations qui
ont accueilli partout Louis-Napoléon, de
l'empressement avec lequel la foule se por
te sur ses pas, de l'en thousiasme de ces ou
vriers et de ces laboureurs, à qui il a ensei
gné le prix et l'usage de leurs droits?
C'est elle-même que la démocratie française
reconnaît et salue en Louis-Napoléon. C'est
son autorité propre qu'elle consacre et for
tifie dans le pouvoir de sodl élu. Chaque fois
que Louis-Napoléon, dans ce langage sim
ple, ferme et net qui lui appartient, interro
gera le suffrage universel comme il l'a fait,
jusqu'ici, pour-lui demander les moyens de
faire le bien, d'affermir l'ordre, d'assurer la
paix, d'opérer d'utiles réformes, le suffrage
universel répondra en l'armant' de sa pro
pre toute-puissance ; et, chaque fois, toutes
lés opinions devront, comme aujourd'hui,
s'incliner et se soumettre devant ce manda
taire d'un peuple entier, devant ce repré-
■ sentant dg-îa fôlonté natiorfale.
Louis-Napoléon a fondé le gouvernement
de là démocratie. ccciieval-clarigny.
Ce matin, Abd-el-Kader s'est présenté au
château de £>aint-Cloud en demandant à'être
^v reçu par le prince-Président. II y avait en
cç-^tta^ffî-consëil des ministres. Après le
conseil Abd-el-Kader a été admis en pré
sence, du prince, qui était entouré de ses
ministres et de plusieurs fonctionnaires.
Abd-el-Kader a commencé par se prosterner
avec les démonstrations d'un- dévoûment
plein de reconnaissance ; puis, #yant baisé
les mains du prince, il a demandé la per
mission de lui adresser quelques paroles.
Ses premiers mots oiit été pour admirer
la grandeur de Dieu et l'impénétrabilité de
ses desseins. Il a fallu, a-t-il dit, que la Fran
ce traversât bien des révolutions pour que le
gouvernement se trouvât entre les mains du
neveu de l'Empereur Napoléon, et il a fallu
que la France eût à sa tète le neveu de l'Em
pereur pour que lui-même, Abd-el-Kader,
recouvrât enfin ce bien si précieux, sans lequel
tous les autres biens, ne sont rien; la liberté,
li a déclaré qu'il n'oublierait jamais de qui
il avait reçu ce bienfait; il en était d'autant
pliis touché, il serait d'autant plug recon
naissant, que ceux dont les engagemens en
vers lui étaient formels, avaient dédaigné de
les exécuter, tandis que Louis-Napoléon lui
donnait généreusement tout,- sans lui avoir
rien promis.
Continuant son allocution au prince, Abd-
eî-Xadei* a dit qu'il prenait encore une fois
le solennel engagement de ne jamais remet
tre le pied sur la terre -d'Afrique. D'ailleurs,
a-t-il ajouté, je ne suis pas un insensé; tant
que je n'avais, pas vu la France, ce grand
pays, j'ai pu croire qu'en luttant contre elle,
en défendant ma patrie, je pourrais attein
dre un résultat utile. Mais maintenant que
j'ai vu la France, son immense étendue, ses'
forces redoutables, je reconnais que ce se
rait désormais une folie et un crime de faire
verser le sang humain dans des luttes sté
riles;
Abd-el-Kader a prononcé encore quelques
phrases, où il exprimait de nouveau sa gra
titude, puis il a ajouté : « Prince, ce que je
viens de "vous dire, était dans mon. cœur;
mais c'est aussi Consigné dans, un écrit que
je vous prie de recevoir. » Et il a présenté
cet écrit au prince, qui a répondu qu'il n'a
vait aucun doute sur sa parole : toute écri-
lurç lui semblait donc superllue ; mais puis
que Abd-el-Kader avait voulu spontanément
formuler aiil^-sa pfeiîée, le prince acceptait
cet écrit. • • „ ^
En effet, Abd-el-Kader a. remis l'écrit a
Louis-Napoléon, et a voulu, pour prendre
congé de lui, lui baiser de nouveau la maiu;
mais le prince lui a tendu les bras et l'a em
brassé.
Ainsi s'est terminée cette intéressante en
trevue. Nous avons cru devoir la raconter
sommairement sans attendre" les détails of
ficiels , qui seront sans doute insérés au Mo
niteur et que nous reproduirons.
Le secrétaire de la rédaction, l. bon'iface.
On sait que le Sénat est convoqué pour le
4 du mois prochain.
Un grand nombre de sénateurs sont déjà
arrivés à Paris. Nous pouvons citèr entre
autres le cardinal de Bonald, archevêque de
Lyon, et le cardinal Donnet, archevêque de
Bordeaux.
Divers changemens ont été apportés dans
les. aménagemens intérieurs du palais du
Luxembourg, pour la session prochaine du
Sénat.
On a transformé en une magnifique salle
de réception l'ancienne salle qui a servi aux
séances du sénat conservateur et à celles de.
la chambre des pairs sous l'Empire, sous la
Restauration et pendant les premières an
nées de la monarchie de juillet. .
Le Sénat continuera à siéger dans la nou
velle salle des séances, inaugurée il y a dou
ze ans environ-par les membres- de l'ancien
ne chambre des pairs.
Le Moming-Post du 29 octobre s'attache à
rectifier les faits relatifs à la conduite de
M. de Lavalette, le ministre de France à
Constantinople. Ces faits ont été dénaturés
par quelques journaux de Londres.
« C'est, dit ce journal, aux remontrances que le
gouvernement français a lait adresser par l'organe
de son ministre à Constantinople, que le public doit,
en très grande partie, la justice que la' Sublime-
Porte a été amenée à rendre. Il est impossible que
ces remontrances aient été ou aient pu être telles
que les ont représentées quelques-uns de nos con
frères. ~
» Comment,^par exemple, M. de Lavalette pou
vait-il menacer de. demander ses passeports et de
quitter Constantinople', si le gouvernement turc
refusait, sous un'certain délai, de ratifier l'em
prunt? Quelle que soit l'immoralité de ce refus,
quelque regrettable que soit la façon dont le sul
tan a envisagé l'affaire, de quelque fâcheux pré
sage que soit la faihlesse qui l'a porté à céder
à des conseillers étrangers si dangereux, ce n'est
pas là, cependant, un casus belli; il ne peut pas y
en avoir entre la Franco et la Turquie, simple
ment parce que le sultan a manqué en ne se te*
nant pas pour engap par les actes da son minis
tre. C'est une question, non pas entre les gouver-
neniens français et turc, ou entre les gouverne-
mens d'Angleterre et de Turquie, mais unique^
ment entil la Porte et certains marchands, M. de
Lavalette'n'a donc pu faire que les remontrances
d'une puissance amie. Son intervention a été, en
langage diplomatique, " officieuse et noir pas* offi
cielle. » - ,
Le Morning-Post termine ses réflexions en re
grettant la marche suivie par la Porte. Il en est
fdehé-pour ceux à qui l'emprunt a causé des em
barras ; mais s'il en. est qui aient à perdre à cette
affaire, cfue ce soient, au nom du ciel, ceux qui au
raient gagné, si la spéculation avait bien tourné,
et non pas le public • simple et confiant, que quel
ques-uns de ses organes aimeraient tant à duper.
La correspondance de Vienne du Journal
de Francfort annonce que la princesse Caro
line Wasa va entrer dans la religion catholi?
que, et qu'elle fera son abjuration à Morac
wetz en Moravie. •
Nous lisons dans l'Indépendance belge, du
29 octobre :
«La renonciation définitive de M.H.deBrouckôre
au mandat qu'il avait reçu, est pleinement confir
mée; mais on rapporte d'autre part que d'activés
démarches sont faites pour amener la formation
d'un nouveau cabinet, et l'on en attend un résul
tat pour un jour très prochain. Une liste de noms
'circuiyiit tuer sur les bancs de la chambrej nous,
croyons, devoir nous abstenir de la reproduire,
nos rqQsiiigncmeus nous faisant douter de sa com-
*p!cte exactitude. Parmi les noms cités, il en est
| quat re sur- lesquels on est généralement d'ac-
fwOT Ce' sont ceux do M. le baron de Vrière, gou
verneur de la Flandre occidentale, pour le minis
tère de l'intérieur ; M. le baron Prisse, adjudant-
général du roi, ancien ministre plénipotentiaire,au
département des affaires étrangères; M. Noël, di-
recteur
général Anoul, qui conserve le portefeuille du dé
partement de la guerre. »
Le Précurseur d'Anvers confirme, par de
nouveaux détails, les renseignemens de
l'Indépendance : -
« Ce qui semble digne de croyance, au moment
où nous écrivons, c'est que^IM. de Vrière, Prisse,
Alph. Nothomb et Noël feront partie de la nou
velle combinaison.
» M. le baron de Vrière, le nouveau ministre
de l'intérieur, chef du cabinet, est gouverneur de
la Flandre occidentale; il s'est toujours franche
ment et ouvertement rallié à la politique du ca
binet démissionnaire; il s'est pleinement associé à
toutes les mesures prises par M. Rogier en faveur
des Flandres; c'est un des gouverneurs les plus
éclairés, les plus actifs et les plus dévoués au mi
nistère qui se retire.
»M. le général Prisse est connu pour la Modéra
tion de son caractère : il a fourni une carrière très
honorable qui n'est pas 'exclusivement remplie
par des services militaires; il a pris part à quel
ques-unes de nos négociations internationales, no
tamment, si nous ne nous trompons, à la confec
tion de quelques-uns des réglemens qui ont dû.
être élaborés par des plénipotentiaires belges et
néerlandais à, la suite du traité des 24 articles
M. le général Prisse a fait précédemment partie
du cabinet catholique comme ministre de la guerre.
»M. Alphonse Nothomb, un de nos commissaires
d'arrondissement les plus distingués, est frère de
l'ancien ministre, père de la police mixte de mal
heureuse mémoire ; le nouvèau ministre de la
justice appartient à la fraction modérée^ mais dé
vouée, du libéralisme ; on dit merveille de son
talent. '
»M. Noël est inspecteur général de l'administra
tion des pouts-et-chaussées ; c'est un des bons
fonctionnaires du département à la tête duquel il
se voit placé;'il a pour lui une longue expérience
efrdes services signalés rendus dans la carrière
même au faite de laquelle il arrive, poussé uni
quement par son travail et son dévoûment aux
intérêts du pays. 1 '
«Rien n'est définitivement résolu, ni pour le mi
nistère des finances, ni pour celui de la guerre.
»On ne doit s'attendre, du reste, à la publication
officielle de la combinaison nouvelle que d'ici à
. quelques jours.»
Oii lit dans le Morning-Herald :
«Au moment actuel, il existe à Londres deux so
ciétés dont les membres sont tous ou presque tous
exilés. I/une, qui se compose d'environ deux cents
membres, s'appelle la République paternelle; l'au
tre, qui en compte à peu près soixante-dix, se nom
me la Révolution. La première est la société-mère-
au commencement,"elle se composait des partisans
de Louis Blanc et Ledru-Rollin ; mais bientôt un
schisme se déclara: plusieurs orateurs'accusèrent
Ledru-Rollin de faux républicanisme. Les amis de
celui-ci prirent naturellement sa défense; il en
résulta des picoterîes et des querelles. Barthélémy,
qui passe généralement pour avoir été l'adversai
re de l'infortuné Cournet, était le grand oratc'à?
ennemi du parti de Ledru-Rollin ; comip^ii était
non seulement éloquent, mais jouissait en
core d'une réputation debr So1 f r ' e ct de courage
personnels, fort peu rte personnes osaient ) ui faire
opposition. Enfin discussions et l'esprit de par
ti s'exaltèrent à tel point que les amis de Ledru-
Rollin se séparèrent et formèrent une société ap
pelée la Révolution ; de leur côté, les amis de
Louis Blanc restèrent dans la société-mère.
» Dans les premiers jours de la grande exposi
tion, Frédéric Cournet, le malheureux qui a suc-
oûHi'bé dans la, latale rencontre, vint à Londres.
Entre autres commissions, il avait été chargé par
un de ses amis, de remettre une lettre et un petit
paquet contenant des gravures à Barthélemv qui
se trouvait alors à Londres. u
» Cournet, qui ne connaissait pas personnelle
ment Barthélémy, demanda à l'-,in de ses amis de
Londres qui il était. Cet
bita-t-u les plus injurieux mensonges sur son
compte11 en résulta que, de retour à Paris, Cour
net répéta à quelqu'un, qui était soi) ami et celui
de Barthélémy, les mauvais propos qu'il avait en
tendus à Londres. Cet ami commun en informa
aussitôt Barthélémy, qui était alors en Suisse e
s'empressa d'écrire à Cournet pour avoir une ex
plicrUioiK Cette explication ne fut pas nette. Aprè
trois autres lettres, Barthélémy vint en Angleter r. s
FEUILLETON OU CONSTITUTIONNEL, 31 OCTOBRE.
SOUVENIRS JUDICIAIRES.
LA LESCÛMBÀT.
m.
Deux jours après le supplice de Mongeot,
la Lescombat fut mise en jugement malgré
l'état de grossesse avancée "dans lequel elle
se trouvait, et immédiatement elle fut dé
clarée atteinte et convaincue de s'être ren
due complice de l'assassinat commis sur
Lescombat. La sentence du Châtelef, qui la
condamnait -à être pendue, fut confirmée par
arrêt du parlement du -17 janvier 1733.
,s MVluyara de Vouglans, le célèbre crimina-
lisle, quelques années plus tard, rappelant
que \e meurtre commis sur un mari par sa
femme était assimilé ail parricide, s'etonne.
que la Lescombat n'ait pas été condamnée à
«être brûlée vive, avec la chemise sanglante
de son mari devant les yeux, et il ne s expli
que l'indulgence des juges qu'en supposant
qu'ils avaient voulu faire une distinction en
tre les assassins qui se servent de la main
«l'autrui pour csmïnettre un crime, et ceux
qui le commettent directement.
L'arrêt condamnait en outre la Lescombat
à subir la question ordinaire et extraordi
naire ; mais elle ne dut connaître, selon l'ù-
sage, le sort qui. lui était réservé, que {.e m&-
tin du jour fixe pour l'exéculion.
Ce fut s i semaines après cette condamna
tion, le 5 mars 1753, qu'on vint lui lire son
•• mort. Il y avait un mois qu'elle
aîrpi^ -, conduisait à la cham-
etait aecoueneô. ^ - ^clara de
bre de la question, lorsqu'elle-;*., .,
nouveau qu'elle étaitenceintc. C'était'là~troi-
sième déclaration de cette nature qu'elle fai
sait depuis la mort de son mari. Cette der
nière grossesse paraissait bien extraordinai
re chez une femme qui n'était pas sortie de
prison depuis sa derniere couche. Les dé
tails dans lesquels elle entra pour expliquer
sa situation, rappellent un des plus affreux
épisodes de l'Ane mort ct la femme guilloti«
née. Ces "détails étaient trop invraisembla
bles ; personne n'y ajouta foi. Cependant,
les chirurgiens et les sages-femmes consul
tés ayant déclaré que c'était seulement à
quatre mois de terme que lé fait dé la gros
sesse pouvait être vérifié, il fut sursis à l'exé
cution.
Pendant ces quatre mois qu'elle passa à la
Conciergerie, elle fut l'objet de la plus ac
tive surveillance ; après quoi les chirurgiens
et les sages-femmes déclarèrent qu'elle n'of-
fra.it aucun signe de grossesse.
Lejour même de cette déclaration, c'est à-
dire le 3 juillet ! 755, la Lescombat fut con
duite à là chambre de la tortijre- Elle y sur
bit courageusement la question aux broder
quins, et nia toute participation à l'assassi
nat de son mari, Au -quatrième coin, elle
n'eut plus la force de parler, elle se borna à
faire des signes de tète négatifs. Une fois re
mise sur le matelas, elle eut encore le cou
rage de signer son procès-verbal de ques
tion....
On la mena ensuite à la place de Grève;
niais, lorsqu'elle fut arrivée au pied de la
potence, perdant tout espoir de grâce, elle
se décida à faire -dos ayeux
Jusque-là, si l'on en croit le.journal de
l'avocat Barbier (I), elle avait pu espérer
une commutation de peine : « Cette femriie,
» dit-il au moment du jugement, esî une
» des plus jolies femmes de Paris, ce qui fait
» compassion! Elle <î une fille de sept à-huit
» ans, dont une de Mesdames de France
» prend soin dans un couvent. Qn ne sait si
» elle n'aura pas sa grâce, s'entend pour
» être enfermée le reste de ses jours. »
i);i{js son testament de mort reçu par M.
de Sartines, reconnut qu'elle avait été
la maîtresse de Mongeut. bcl.on oiK le pro
jet d'assassinat venait de ce dernier qui fou
lait" se vccger du soufflet qu'il avait reçu".
Mongeot lui avait expliqué qu après le sou-
• '« h Luxembourg il provoquerait LesuQir^
pei v.— ^ -"".sur son refus, de se bat-
hat en duel, ex h-oqi (jjig oui
tre, il le percerait de son epee.;u- v ^. _ ' •
avait conseillé d'emporter un pistolet, et elle
avoua que son but en donnant ce conseil
était d'égarer la justice. Elle nia qu'immé-
(1) Manuscrits de la Bibliothèqu -Nationale. —
Jomnal de Barbier. An 1758. -
diatement après le crime Mongeot fût venu
l'avertir de cé qu'il venait de taire. Elle re
connut qu'elle était allée, habillée en homme,
rendre visite à Mongeot, enfermé au Grand-
Chàtelet. Elle refusa de rien dire.à l'égard
de son frère. _
Après qu'elle eut signé cétte déclaration,
elle fut conduite à la potence pour être pen
due (1), • w
Nous laisserons encore"parler ici le jour
nal dé Barbier sur cette exécution. -
Juillet (1755). ... Le peuple était si impatient
de savoir le sort de la Lescombat, qu'on chantait
dans les rues des chansons sur elle, d'autant que
la potence avait été'''posée un jour inutilement
dans la place de Grève. Jeudi c'était un concours
de monde extraordinaire dans la Grève et dans
toutes les rues'adjacentes pour la voir du moins
passer ; il y avait du monde jusques sur les tours
de Notre-Dame ; les chambres étaient louées dans
la Grève; nombre de gens en carrosse dans la pla
ce et les passages : et cette folie du public était
d'autant plus misérable, qu'il n'a rien vu, Cette
femme avait le visage couvert d'un mouchoir, et
elle a été pendue à .sept heures et demie du soir
(1) On ne sait plus guêres aujourd'hui les détails
du supplice de la potence. En voici la description,
minutieuse par un ancien criminaliste : *
« Appè? qjî'p a attaché au cou du eriminel
frois cordes, savoir : les deux ioriousù, qui s'ont
des.cordes grosses comme le petit doigt ayant cha
cune un nœud coulant, et le jet, ainsi appelé
parce qu'il sert à aider à jeter le criminel hors de
l'échelle..., on le fait monter sur la charrette de
l'exécuteur où il est assis sur une planche de tra
verse, le dos tourné au cheval, le confesseur A
côté de lui et l'exécuteur derrière. Aifivé à la po
tence fi» est appuyée et |iée une échelle, l'exécu
teur monte Je |renner ameutons ethnie, au moyen
de cordes, le criminel ;1 monter de mémo. Le con
fesseur monte ensuite du bon sens, et pendant qu'il
exhorte le patient, l'exécuteur attache les torlou-
ses au bras de la potence; et lorsque le confesseur
commence à. 4ejcen(lre J j'exeeuteur^ tj'qn coup do
genou, aidé db jet, fait quitter l'cchelle au patient
qui se trouve' suspendu en 1 air, les nœuds ooulnaà
des tortouses lui serrant le cou. Alors .'exécuteur,
se tendue des mains au hras de la noteqce, lîiqnte
sur les mains liées du patient, et, à- force do coups
de genoux dans 1 estomac et Je secousses, il ter
mine lo s\nuît!'.'p p a r la mort du patient.
» Il v a des parlemeiis u;i j'CÀVi'tneur, U)ibs
patient et à coups de talon daijfc 1 CHQniuç, en mi
sant faire quatre tours au patient; terminé piua
promptement son supplice. »
avec ce mouchoir. Elle n'a rien dit à la question.
Quand elle est sortiè de l'Hôtel-de-Ville po^aller
à l'échelle, on a claqué des mains comme à un
spectacle. Pendant celte cérémonie on vendait
dans les rues l'histoire imprimée de son crime et
swn portrait qui n'est pas aussi joli qu'elle l'était
eh eifet. Son frère, dont il n'est pas parlé dans
l'arrêt, est dans les cachots... mais on dit qu'elle
ne l'a pas chargé. Ainsi finit l'histoire de la dame
Lescombat, son mari assassiné, son amant rompu
vif, et elle pendue!
Nous ne dirons plus qu'un mot sur un de
ceux qui avaiént joué un rôle dans ce dra
me lugubre, sur -Geneste Ruelle. 11 avait
pris ,1a fuite, et il se laissa •chercher pendant
long-temps : on finit par' le découvrir dans
les*rangs dé la marine royale ; il s'était tout
simplement engagé. On le fit venir à Paris,
et la-, il nia toutes les charges révélées par
Mongeot contre lui. Les preuves n'étant pas
suffisantes, on ordonna qu'il serait soumis à
la question préparatoire; il subit cet te .épreu
ve sans rien avouer, Un arrêt du 5 août pro
nonça alors un plus ample informé, durantle-
quel Ruelle serait tenu de garder prison : Aus
bout de cette année, deux voisins qui avaient
fait partie dii groupe assis à la porte de la
Lescombat le soir de l'assassinat, furententen-
dus ; ils déclarèrent qu'ils ng ge rappelaient,
point avoir vu Ruelle ' se déranger jiour suw
vre Mongeot. Dans ces circonstances, à la
date "du M mai 1757. il fut remis en liberté,
sous la réserve, il est vrai, d'un plus ample
informé ; mais il ne survin.t sans doute au
cune charge contre lui, car depuis cette épo
que on ne retrouve plus trace du nom dg
Ruelle dans les procetjqrps çriniiiielies du
teippSi
Le procès de la Lescombat fit un bruit
énorme.. Ou a souvent reproché a notre épo
que et' à notre société l'auréole doni.eHes en
vironnent les grands criminels, et cette sorte
de curiosité qui s'uttaclie à tou 1 n t ni
qui les concernent. On a voulu voir dans
cette tendance un symptôme de corruption
et de décadeneo, &i"oo diagnostic est fondé,
il faut bleu avouer que nos pères étaient en-
porc plus corrompus que nous,'car le bruit
que nous avons fait au sujet de Papavoine,
deLacenaire, deFieschi, de Mme Lafarge, n'est
rien én comparaison du bruit que firent
nos pères à propos de Desrue et de la Les
combat. Il v eut alors un véritable déluge de
gràvures, de vers, de complaintes, de bro
chures de toutes sortes. On ne parlait dans
le monde que de la Lesoombat. Tout ce qui
la copcerriaU eut une telle vogue, que. les li
braires disaient à tous ceux qui leur appor
taient des manuscrits : «Faites-nous quelque
chose sur la Lescombat» , de même qu'ils
disaient trente ans avant : « Faites-nous des
.lettres persanës. »
Nous avons examiné toute cette littératu
re éphémère que l'adultère et l'assassinat
avaient fait éclore. Nous l'avons tfoûvéé
quelquefois bizarre et burlesque, mais le
plus souvent plate et ridicule.
A tout seigneur tout honneur, Commen
çons par la complainte (1). Elle n'est pas
spirituelle comme celle du procès Fuaîdè^
elle rj'est pas naïve comme la vraie, l'an
cienne complainte. Voici un des couplets qui
peut donner un échantillon du style de cette
pièce : ■
Maître Chariot {le bourrea if) vient d'arriver
" Qui la fut bientôt Sftl.wer, . '
La corde au 'couâ lui dit : «' Madame,
ieN'ousjure dessus mon ame...
C'est aujourd'hui qu'il faut danser,
• Ma salle est déjà préparée! »
A cetté époque, un genre de facéties
répandu était l'oraison funèbrç,. On avait
fait celle de Mme Tiquet «ni elle aussi avait
tue son mari, On t)rcelle de là Lescombat..
E;U£ parut sous le UVre de : Oraison funèbre de
ires haute et très puissante dame Marie-Cathe-
To.piret, douairière de Louis-Alexandre
Lescombat (2). C'est "la plaisanterie ia plus
triste et la plus froide qu'on puisse imaginer.
On n'j tioyve aucun détail sur la Lescom
bat ; ce sont des mots et des phrases, une
amplifie ttion de mauvaise rhétorique. On
pourra juger du ton qui règne dans cet
upu c culp Le bourreau y est appelé -sacrifica-
te r, et la tirade lu plus éloquente est celle
qui contient la malédiction adressée à la fo-
rei qui journit le bois de la potence. Cela
dut être payé un louis à quelque cuistre
f ".— ———— * —
(t) Nouveau Recueil d'ariette*] à Rouen, elle?
Pierre Seger; — sans c}ate, in-12.
(2) Vingt pages t d'tmpres?ion. -, Paris, in-12.
mourant de faim , ou ù quelque jeune abbé
en goguette. ■
Les gravures faisaient concurrence aux
brochures. Paris était inondé de portraits de
la Lescombat plus ou moins ressemblans (1),
mais tous représentant- une jolie femme, et
quelques-uns portant avec eux dés légendes
plus ou moins naïves. En voici une qui nous
à paru assez curieuse :
Pottr m'ôtre trop livrée à la coquetterie*
On me livre au supplice au printemps: de ma vie.
Beau sexe, s'il se peut, n'aimes que vos maris....
Si vous les haïssez, ménage? vos amis.
Cette légende se trouve au bas d'un por
trait publié chez Basset. Une autre gravure
est intitulée : « Les Plaisirs de Madame Les
combat , s gous une tonnelle fleurie, on l'a
perçoit tenant à la main un verre de vin de
Champagne, et regardant amoureusement
un superbe gendarme qui pourrait bien être
Mongeot. Elle est en grande toilette : elle a
les yeux énormes, la bouche plus petite que
les yeux et un nez à la Roxelane ce qui
était l'idéal de la beauté-à cette époque.
Mais nous n'aurions pas p»rK^ e toutes
ces publications éphémères. r oI -nous n'avions
rencontré au milieu d'^ics une de ces facé
ties qui sont a datant meilleures qu'elles sont
tartes se^yggjjjg^ (j e bonne foi, et qU'el-
ie 1iont rire tout le monde, excepté ceux qui
les composent. Il s'agit d'une tragédie! d'une
véritable tragédie, avec protase, songe, con
fident et récit, qui est intitulée : La Mort'de-
Lescombat (2). L'unité de temps y est scru
puleusement observée, il y a une préface ,
et,-comme Racine dans celle de Britannicus,
l'auteur proteste de son amour pour la véri
té historique, qui lui afait sacrifier beaucoup
d'ornemens épisodiques.
« Néanmoins, àjoute-t-il, il y a quelques cir
constances que j'ai été contraint d'omettre; par
exemple les entrevues des deux amans pendant
l'exil du parlement, et, en conséquence, la nais
sance d'un enfant dans les prisons, et tous les dé
lais dont Mme Lescombat a amusé ses juges. Mais
ces circonstances ne pouvaient entrer dans une
poésie où te temps de l'action est borné à vingt-
qua,tre heures. »
Est-il assez scrupuleux ? 11 voulut garder
(t) 11 v en a cinq différons, conservés aux Estam
pes de la Bibliothèque nationale,
(2) La Haye, 1758, chez Pierre. Vander; in-12.
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