Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-10-05
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 05 octobre 1852 05 octobre 1852
Description : 1852/10/05 (Numéro 279). 1852/10/05 (Numéro 279).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
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-aUAUDI 5 OCTOBRE.
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et au bureau du journal
PARIS, 4 OCTOBRE,
L'ASILE SAINT-HILAIRE.
Nous avons toujours dit que c'était sur
tout aux efforts de la charité individuelle,
animée et fécondée par les inspirations de
l'esprit chrétien,- qu'il fallait demander les
améliorations sociales. Des novateurs, dans
leur orgueil, ont voulu remplacer cette force
merveilleuse qui a créé tant de prodiges et
qui a semé le monde d'œuvres de bienfai
sance par l'iutèrvention aveugle et mécani
que de l'Etat: ils n'ont abouti qu'auxfoliesdu
communisme; d'autres ont essayé de refaire à
l'image de leurs chimères la société, la morale
et la civilisation : ils n'ont été que ridicules
quand ils n'ont pas réussi à être odieux. On
sait à quelles conséquences désastreuses ou
burlesques se sont heurtées toutes les uto
pies socialistes, depuis l'harmonie de M.
Owen jusqu'au phalanstère de M. Fourier,
depuis la banque d'échange dé M. Proudhon
jusqu'à l'Iparie de M. Cabet. Tandis que ces
apôtres de religions mort-nées, s'évertuent
dans leurs livres et dans leur enseignement
à prêcher le vide et à préconiser le néant, la
charité chrétienne résout les problêmes,
écarte les obstacles, tranche les questions.
Obscure dans ses commencemèns, infatiga
ble dans ses tentatives, élargissant toujours
son cercle d'opération, patiente et incessam
ment active> elle fait éclore, à côté de cha
que intérêt qui la réclame et de chaque né
cessité qui la sollicite, une sainte maison, un
ord 'rereligieux, un établissement de tutelle et
de protection. Cette puissance créatrice de la
charité chrétienne, nous en avons eu une
preuve nouvelle,lors de la récente visite
que nous avons faite à l'Asile Saint-Hilaire,
selon le vœu exprimé par la digne supé
rieure de la communauté de Saint-Paul
dans la belle et touchante lettre qu'elle avait
adressée à M. le docteur Véron, et dont nos
lecteurs, nous en sommes sûrs, ont gardé
le souvenir.
La charité chrétienne n'est jamais plus
utile et plus efficace que quand elle s'occupe
de ces.êtres malheureux qu'une infirmité
retranche du milieu social. Parmi ceux qui
appellent à ce titre sa sollicitude et ses soins,
il faut compter assurément les aveugles. Sé
parés du monde extérieur, contraints de se
réfugier dans le domaine de l'intelligence
pour se faire une idée nette des choses' en
vironnantes, privés du sens qui nous ap
prend le plus, soit au point de vue du corps,
soit au point de vue de l'esprit, condamnés
à l'isolement et à l'immobilité, si une parole
amie ne les console, si une main secourable
ne les guide, les aveugles ne peuvent s'ins
truire que par le secours d'autrui. Il est vrai
que la Providence, toujours miséricordieuse,
même dans ses rigueurs,accorde à leur misè
re quelque dédommagement. La pensée chez
eux est plus active etplus féconde, à raison de
leur infortune. L'enfant aveugle, moins dis
trait que le voyant, acquiert une force, une
intensité d'attention qui perfectionne bientôt
en lui l'instrument de la mémoire. Cette
anie emprisonnée, qui se débat pour ainsi
dire dans^une organisation physique fermée
aux objets du dehors, se trempe et se forti
fie dans un travail intérieur d'une puissance
merveilleuse et' d'une ressource infinie. De
là,ces admirables résultats qu'obtient un en
seignement approprié aux conditions parti
culières où se trouve l'enfance aveugle.
On sait qu'il y a deux sortes d'aveugles :
ceux qui sont-frappés de cécité dès leur nais
sance, ceux qu'une maladie ou un accident
prive de l'usage des yeux. La plupart de
ces derniers, bien plus nombreux que les
aveugles-nés, sont atteints de cette infirmité
dès l'enfance ou dèï- la première jeunesse.
On compte environ'quarante mille aveugles
en France, sur lesquels les deux tiers, peut-
être, réclament, les soins d'une éducation
spéciale. Enoncer ces faits, c'est démontrer
l'insuffisance de l'établissement des Jeunes-
Aveugles et de toutes les institutions analogues
qui existent dans notre pays. Le chiffre des
enfans aveugles qui peuvent y trouver place
est par trop restreint, et il reste,surtout par
mi les populations laborieuses, plusieurs
milliers de ces infortunés qui sont une char
ge pour leurs familles, faute d'avoir appris à
travailler. Or, il est bien difficile de multi
plier le nombre des maisons comme l'éta
blissement des Jeunes-Aveugles, qui rend,
sans contredit, de signalés services, et qui
est fort bien dirigé, mais qui exige de
l'Etat des sacrifices énormes. A nos yeux,
le grand mérite de l'asile Saint-Hilaire,
et de la communauté qui en est sortie, c'est
de fournir à toutes les villes, grandes ou pe
tites, un moyen simple et pratique de venir
en aide à l'enfance aveugle ! A l'exemple de
l'asile Saint-Hilaire, des établissemens ayant
le même but peuvent se fonder, comme on
le verra bientôt, en tous lieux et avec les
ressources les plus modiques, et l'ordre re
ligieux de Saint-Paul qui a pris naissance, et
qiri, selon nous, esl appelé à prendre rapide
ment une grande extension, èst dès à pré
sent ùne pépinière d'institutrices pour les
succursales futures de cette sainte maison.
L'asile Saint-Hilaire a eu une origine mo
deste. A la fin de 1846, un médecin du dou
zième arrondissement, homme d'esprit et de
cœur, fervent chrétien, qui s'était occupé
avec prédilection d'idées sur la pédagogie,
eut, l'occasion d'expérimenter son système
sur un pauvre aveugle, devenu orphelin. Il
parvint à des résultats inespérés. D'autres
enfans aveugles se joignirent au premier et
ne tardèrent pas à recueillir les fruits de la
méthode nouvelle. Un essai plus complet fut
tenté dans l'asile Saint-Hilaire, où une véné
rable dame, Mlle Bergunion, aujourd'hui
supérieure de la communauté de Saint-Paul,
avait fondé un ouvroir pour de jeunes filles
voyantes. Le même succès fut obtenu. En
fin, en 1850, la société de patronage des
aveugles en France viiit aider par son in
tervention les progrès de cette institution
naissante. Elle y plaça huit filles adultes af
fligées de cécité. L'œuvre-vécut au jour-le
jour, d'abord avec les modestes ressour
ces de Mlle Bergunion , qui y consacra
tout son avoir, avec les secours de personnes
charitables, avec la modique rétribution que
paient quelques pensionnaires, avec le pro
duit du labeur commun.
Une communauté religieuse, dite des
Sœurs-de-Saint-Paul, en mémoire du grand
apôtre, que la lumière divine terrassa sur le
chemin de Damas, gn lui enlevant momen
tanément la vue, ne tarda point à y prendre
naissance. On y compte aujourd'hui dix re
ligieuses, dont six aveugles et quatre voyan
tes, six pensionnaires aveugles adultes, six
petits enfans aveugles, trois garçons et trois
filles, et environ trente jeunes filles voyantes,
sous la direction maternelle de leur digne
supérieure, Mlle Bergunion, qui a pris en
religion le nom de sœur Saint-Paul.
La communauté dè Saint-Paul ne date que
du mois de juin 1852, et déjà elle grandit et
prospère. L'asile Saint-Hilaire que nous
avons visité dans une maison de la rue des
Postes, doit être transporté très prochaine
ment dans un local plus vaste à Vaugirard.
Là elle: pourra augmenter son personnel et
multiplier ses bienfaits. Déjà, avec cet esprit
de conquête spirituelle qui est l'ame" de la
religion chrétienne, elle songe" à créer des
succursales dans la province. Rien de
plus simple et de plus facile que de
parvenir à ce but. Il suffirgi de deirraOdc^fi
à la communauté de Saint-Paul deux reli-"
gieuses,l'une voyante et l'autre non voyante,
pour établir où l'on voudra des' ouvroirs
■ semblables à l'asile Saint-Hilaire, et pour
propager l'excellente méthode d'enseigne
ment qui y fructifie. Cette méthode est telle,
que la personne qui a été instruite de cette
façon - emporte avec elle tout son bagage
intellectuel, qui est confié à sa mémoire,
et qui ne peut plus périr. Une sœur voyante
afin de diriger les travaux d'aiguille et afin de
maintenir la discipline, une sœur non voyan
te afin" d'enseigner, c'est tout ce qu'il faut
pour ouvrir dans chaque ville aux jeunes
aveugles une maison d'apprentissage et d'é
ducation.
Il nous reste à indiquer, autant que le
permettent les bornes de cet article, la mé
thode d'enseignement çui est en usagé à
l'asile Saint-Hilaire, et qui, nous l'espérons,
se répandra dans les succursales de cet éta
blissement. Pour la juger, il faut se rappe
ler qu'il s'agit, non de jeunes filles destinées
à une vie de luxe et de loisir, mais de pau
vres ouvrières, les unes aveuglas, les autres
voyantes, mais réservées à une existence
laborieuse. Le point important, c'est de for
mel kui caui uud eloppanl leur inlelligen-
c de i leublei Icui tue d'idées justes èt sai-r
nés. de leur inspirer 1 amour de leurs cliévoifè^
L en ei" nement de asile Saint-Hilaire prend
pour point de départ le catéchisme histori
que de Fleury, un de ces ouvrages exquis par
la forme et par la pensée, que vit éclore le
graiîd siècle, et que les philosophies les plus
orgueilleuses ne sauraient remplacer. On a
pensé avec raison que l'étude -de la religion
qui enseigne la résignation, le renoncement,
la soumission à la volonté divine, le respect
du droit de tous,l'affection envers le prochain,
devait être la base d'une éducation dont le but
est, pour les voyantes, de former de bonnes
mères de famille dans des ménages d'artisans,
et, pour les non voyantes, de.relever de leur
déchéance physique de pauvres êtres déshé
rités des biens de ce monde ..Quand le caté
chisme historique de Fleury est su par cœur
d'une manière imperturbable, quand à cette
connaissance on a joint celle des meilleures
fables de Lafontaine et de Florian, "des mor
ceaux choisis des grands écrivains, d 'Esther
et d 'Athalie, on part de là pour leur appren
dre les élémens de. l'îiistoire, la gram
maire, l'orthographe. La mémoire, cultivée
avec un soin infini, et produisant des ré
sultats merveilleux, devient l'instrument de
tous leurs progrès. C'est-de la même ma r > ;
nière, et par des applications ingénieuses
de la méthode, qu'on leur enseigne le cal
cul, la lecture, l'écriture, les principes de la
musique. On s'applique d'abord à en faire
des chrétiennes sincères et pratiques,-puis
le reste vient par surcroît, comme un fruit
naturel de cet excellent système d'éducation
morale et de culture intellectuelle.
Nous avons assisté à ces exercices, qui
n'interrompent pas un instant le travail, de
ces jeunes ouvrières, et qui sont pour elles
comme une distraction charmante, pendant
que leurs mains cousent ou tricotent. Nous
avons été frappés d'abord de l'air de joie et
de contentement qui regne sur tous les vi
sages. Les aveugles, comme les voyantes,
ont le sourire sur les lèvres et la figure
épanouie en remplissant leur tâche, en
prenant leur leçon. Il n'y a rien là qr
ressemble à ces figures fatiguées 'et dis
traites, qui se voient-dans les collèges ou dans
les pensionnats. Comme l'enseignement,
presqu'entièrement oral, exige la participa
tion de chacune et de toutes, l'attention ne
languit pas un instant, et l'ennui ne saurait
venir. Nous avons remarqué aussi l'exacte
discipline que ce double travail manuel
Y"*çt intçllMuel permet ^'établir. Tandis que
-'toutes les aiguilles volent et s'entrecroisent
et que les bouches, à tour de rôle, récitent
. la leçon écoutée par toutes, cette classe de
cinquante jeunes filles, jeunes ouvrières et
jeunes écolières, est paisible et joyeuse
comme là veillée d'une famille tendrement
unié, auprès de l'àtre, un soir d'hiver.
Nous avons déjà ditque dans cette méthode
on s'attachait moins à apprendre beaucoup
de choses qu'à bien apprendre ce qu'on y en
seignait/Le savoir des jeunes filles de l'asile
Saint-Hilaire est limité, mais il est complet.
La culture de leur mémoire tient du pro
dige. Citez-leur un nom, un membre, de
phrase , un hémistiche, elles vous diront
dans quel chapitre, dans quelle fable, dans
quelle page de Bossuet et de Fénelon elles
ont entendu cela. Lisez-leur ùne première
ligne d'un chapitre, elles poursuivront, les
unes après les autres, voyantes ou non
voyantes, enfans, ou adultes, avec une
sûreté incroyable, avec une présence d'es
prit surprenante. A l'appel de son nom,
chacune continue la phrase. commencée,;
sans broncher un instant, non avec ce débit
monotone et embrouillé du collège, mais
avec une diction iuste qui prouve que leur
mémonc n e^i quu 11 util de leur intelligen
ce. En mt,ia_ Unij la précision de leurs
commutant- 4 11 netteté de leurs réflexions,
la viv iuti de leui iperçus, montrent clai
rement que toutes leurs facultés sont exer
cées en même temps et se perfectionnent
toutes ensemble.
Le mélange des voyantes et des non
voyantes a produit des résultats dignes d'in
téresser le moraliste et le penseur. D'abord,
au point de vue des sentimens du cœur, rien
de plus touchant que là tutèle affectueuse,
que l'attachement réciproque, qui naissent
de ces relations continuelles entre des jeu
nes voyantes qui jouissent de l'usage de
leurs yeux, et de jeunes aveugles qui trou
vent dans leurs compagnes des sœurs atten
tives, des amies dévouées. Au point de vue
intellectuel, on est parvenu à créer parmi
elles, voyantes ou non voyantes, une sorte
d'émulation profitable aux ûnes comme
aux autres. Les non voyantes ont plus
d'attention, et, partant, une mémoire plus
agissante. Les voyantes, qui communiquent
avec le monde extérieur, apportent une plus
ample moisson de sensations et d'idées. Vi
vant, travaillant ensemble, concurrentes,
sans être rivales, "elles se prêtent-un mutuel
appui, elles s'excitent à plus d'efforts, et elles
..obtiennent ainsi des résultats plus rapides.
Il faut avoir visité l'asile Saint-Hilaire et
avoir observé attentivement ce qui s'y .pas
se, pour apprécier jusqu'à quel point cet
élément nouveau de progrès dans l'éduca
tion a été fécond en heureuses conséquences.
Ajoutons enfin que l'on y forme d'excel-.
lentes ouvrières. Qui le croirait? Cette hum
ble maison religieuse, enfouie dans un quar
tier lointain, travaille pour une maison de
lingerie des plus importantes du haut com
merce parisien, et exécute parmi les travaux
de l'aiguille, ceux qui exigent le plus de soin
et d'attention. C'est là qu'on fait les ouvra
ges de luxe, la commande pressée, les beaux
trousseaux, les splendides layettes. Les jeu
nes ouvrières,voyantes ou non voyantes, ac
quièrent une habileté qui, dans toutes les
conditions, leur assurera une indépendance
honorable et du pain.
Tel est l'asyle Saint-Hilaire. Nous avons
raconté simplement ce que nous y avons vu.
Encore un coup, nous croyons à l'aveuir de
cette œuvre, née si modestement et déjà
grandissante, et nous ne doutons pas que ses
progrès ne soient secondés par l'élan géné
reux de la charité privée et par la sollici
tude du gouvernement actuel, si justement
soucieux des améliorations sociales et des
intérêts de nos populations laborieuses i
Henry Cauvain.
VOYAGE DU PltL\ CE-PRÉSIDENT.
Le prince-Président, après avoir couché à
Carcassonne , a dû arriver aujourd'hui à
Toulouse , où il passera la journée de dé
main.
Maintenant qu'il faut avoir recours au té
légraphe aérien, les dépêches devront avoir
moins d'étendue jusqu'à ce qué le prince
soit rendu à Bordeaux, où il arrivera jeudi
prochain.
Voici la seule dépêche qui nous soit par
venue aujourd'hui : •
Carcassonne, 4 octobre, 6 h. du matin.
Le voyage du Prince, de Navbonne à Carcas
sonne, s'est accompli au milieu des cris enthou
siastes de : Vive l'Empereur ! L'entrée à Carcas
sonne a été triomphale. S. A se porte bien.
On écrit de Nîmes, jeudi 30 septembre,
dix heures du soir :
« Le prince a quitté Aix ce matin à dix heures,
pour se rendre ;\ Jtoquefavour, où l'attendait une
aéputation de la municipalité de Marseille. Les
habitans d'Aix lui ont fait les adieux les plus cha
leureux. Roquefavour n'est qu'un lieu inculte et
is r ' \niais consacré désormais par une des œuvres
les lus remarquables des temps modernes, le
pon , queducqui porte son nom. Cet aqueduc con
duit \ Marseille les eaux, dé la Durancé, et réunit
deux rochers séparés par ùne vallée dé 400'môtres.
Il est composé de trois ponts superposés, dont la
hauteur totale est de 86 mètres. Il surpassede beau
coup en élévation, en grandeur, le fameux pont
du Gard. Avant de quitter les Bouches-du-Rhône,
le prince a voulu visiter cette œuvre monumen
tale, aujourd'hui définitivement terminée. Là mu
nicipalité de Marseille avait fait préparer .une col
lation; le défaut de temps a empôché le prince de
l'accepter. S. A. est arrivée à midi à la station de
Rognac, le point de la ligne du chemin de fer le
plus rapproché d'Àix. La commune de Rognac
s'est signalée par les préparatifs qu'elle avait faits,
et par l'enthousiasme qu'elle a lait éclater à la
vue du prince.
» Les administrateurs et les ingénieurs du che
min de fer attendaient le prince.
» Le prince est monté immédiatement en wa
gon, et est parti, salué par les cris de la popula
tion tout entière de Rognac et des environs. Jus
qu'à Arles, où le convoi est arrivé à midi quarante-
cinq minutes, tous les habitans étaient sur la li
gne. Les' femmes . venaient offrir des fleurs, et les
cris de : Vive l'Empereur! n'ont cessé de retentir.
» A Tarascon, la gare était toute pavoisée; un
arc de triomphe s'élevait à l'entrée de la ville, il
portait cette inscription : La ville de Tarascon
à Louis-Napoléon, au sauveur de la France!
La vieille tpur qui domine la ville était sur
montée de drapeaux tricolores. La municipa
lité, les députations des communes, la garde
nationale attendaient le prince. Le convoi ne
devait s'arrêter que quelques minutes, mais les
autorités ont supplié S. A. de venir visiter la ville,
en demandant seulement un quart d'heure. Le
prince s'est rendu à leur pressante invitation, et
la population a fait éclater sa joie par les cris de
Vive l'Empereur ! Le prince a parcouru les rues
principales, et a reçu partout l'ovation la plus en
thousiastc. -
» M. le général Héquet, M. de Suleau, préfet
des Bouches-du-Rhône, et plusieurs députés de.ee
département, qui avaient accompagné le prince,
ont pris congé de lui à Tarascon. Le général Ros-
tolan, M. le baron Dulimbert, préfet du Gard, les
députés du département, le général Walsin-Este-
rhazy, les ont remplacés dans les wagons du prin
ce. line dernière acclamation de Vive l'Empereur!
a salué le départ du convoi. Ce sont les adieux de
la Provence ; le Languedoc commence de l'autre
côté du Rhône. Au moment où le wagon allait
sortir de la gare, un vieux militaire décoré, an
cien officier de l'empire, élève son chapeau en
l'air, en s'écriant: Vétérans! vive l'Empereur!
Une Centaine de vieux militaires, rangés en ligne
derrière, et ayant chacun un bouquet d'immor
telles, répètent ce cri avec transport.
» D'énergiques acclamations ont retenti lorsque
le convoi est arrivé en vue de Beaucaire. Cette
ville avait pavoisé sa vieille tour carrée ; son pont
magnifique, élevé au débarcadère du chemin de
fer, portait un arc de triomphe avec cette inscrip
tion : Au protecteur delà religion et de la famille!
au sauveur de la France !
» M.- le maire, à la tête du conseil municipal, a
eu l'honneur de complimenter S. A. et de lui
adresser le discours suivant :
« Monseigneur,
» Le maire, les adjoints et les conseillers munici
paux de la ville de Beaucaire accourent sur. votre
passage peur avoir l'honneur d'offrir à Votre Altesse
impériale l'hommage respectueux de leur gratitude,
et de leur fidélité.
» Prince, la France succombait sous le poids de r
factions, quand, n'écoutant que votrejamour pour el*
le, vous bravâtes tous les dangers pour, l'arracher
aux étreintes de l'anarchie et pour lui assurer le rè
gne des lois et de la vraie liberté. Grâces vous en
soient rendues, prince ! Cet acte de courage et de dé-
voûment restera gravé dans nos cœurs par la recon
naissance et l'admiration.
» Poursuivez, Monseigneur^ la tâche grande et glo
rieuse que Dieu vous a donnée ; consolidez l'avenir :
confiante dans votre haute sagesse, la France attend
de vous des institutions stables et définitives, pour
qu'elle puisse jouir des immenses bienfaits que, de
puis votre avènement au pouvoir, vous ne cessez
de lui prodiguer. Elle ne peut oùblipr qu'elle fut
grande et prospère quand votre oncle immortel,'avec
le titre éclatant qui manque à votre gloire, eut con
centré tous les pouvoirs publics dans'ses puissantes
mains..Nous vous'y convions, Monseigneur; rendez-
vous à nos vœux, et la France, sans nulle crainte de
l'anarchie, s'élèvera alors à ses plus hautes destinées.
» Puisse le ciel, Monseigneur, vous accorder de
longues années pour qu'elles puissent s'accomplir!
» Vive Napoléon!
» Vive l 'Empereur! » .^
» Le convoi est reparti, en passant au miliéu-
d'une double liaie de population , et aux cris de
Vive l'Empereur ! -■
» Enfin,-vers trois heures, le convoi est entré
dans la gare de Nimes. Aux ■ flots de population
qui se pressaient-aux abords du chemin de fer,
aux cris d'enthousiasme que provoquait la vue du :
convoi, on pressentait déjà l'émotion qui animait-
cette grande ville. Le maire, le eonseil général,',
le conseil municipal, les députations de toutes les"
communes et celles des départemens~Voisins, se
sont piécipités au-devant du' prince, et l'ont ac
cueilli par les cris répétés. Vive l'Empereur !
» Dès que le silence .a pu se rétablir, M. le
maire a adressé au prince les paroles suivantes :
. « Monseigneur, "
» Vous posez le pied sur un:sol où de grands sou
venirs ont laissé d'ineffaçables empreintes, où le res
pect pour lé pouvoir a "survécu à tous les orages, à
toutes les révolutions.
» C'est vous dire avec quelles sympathies est ac- ■
cueilli parmi nous le prince dont l'a grande mission :
est de comprimer l'anarchie, de réhabiliter le pouvoir,
de relever tous les grands principes sociaux.
» Représentant de la ville de Nîmes, je suis fier
d'avoir à exprimer le premier à Votre Altesse Impé-'
riale les sentimens de la cité tout entière, et de dé
poser à ses pieds mes respectueux hommages. »
» Le prince a répondu : ...;'.
« Je suis heureux de visiter une ville où est
» empreint à un si haut degré le sentiment du;
» respect dù à l'autorité; j'espère que mon arri-
» vée dans ses murs datera une époque nouvelle *
» d'union et de conciliation ; mon gouvernement
» s'efforcera toujours d'effacer les traces de la di-
» vision des partis, et de répondre ainsi à vos
» propres sentimens. »
» La première chose que la ville de Nimes a
offerte aux regards du prince est une exposition
de son industrie. Le prince y a pris le plus vif in
térêt, parce qu'il a trouvé réunies sous ses veux •
toutes les industries qui assurent la prospérité
d'une province. Dans une. partie non encore oc
cupée de l'embarcadère, toutes les richesses du
département du Gard avaient été rassemblées et
classées' avec un ordre et un goût parfaits. Les
châles, les tapis, les étoffes de soie, les tissus d'or
et d'argent, les produits des nombreuses filatures,
les machines destinées au travail de la soie encom
braient les galeries, et,' sous le vestibule, les arbu
stes, les échantillons des mines et des briquete
ries mécaniques complétaient la réunion des proj
duits de toutes les industries.
» M. Colondre, qui a déjà obtenu plusieurs mé
dailles aux différentes expositions ;. MM. Ribes et
Durand, Massot, Curnier et Sabran ' ont produit
de très beaux échantillons de leurs fabriques de
châles. On remarquait, parmi les expositions des
tapis, celle de M. Floissier, connue déjà par ses
précédens succès et une perfection de travail qui
lui a.mérité la croix de laLégion-d'Honneur. M:
Arnaud de Nîmes était aussi signalé par le bon
goût de son exposition.
» La filature de la soie étalait ses richesses dans
de nombreuses vitrines auprès desquelles la foule
se portait avec empressement : MM. Terraubé d'U-
zès, Vincent, Planchon, Je Saint-Hippolyte; Mour-
gues, Ruas; les filateurs de Valleiogues, Léon Mo—
linier, de Saint-Jean, et beaucoup d'autres manu-:
facturiers avaient envoyé leurs échantillons les
plus beaux et les plus variés.
Les connaisseurs s'arrêtaient devant les produits
de M. Nourrigat de Lunel et Chambon d'Alais,
qui se livrent avec succès à l'art si difficile de l'é
lève des vers à soie. A côté de leur exposition se
trouvaient aussi les ingénieuses machines cons
truites par M. Michel pour la filature.
A côté de ces produits de l'industrie du Gard,
il faut signaler une industrie nouvelle etdéjà
prospère, celle de la préparation des peaux : M.
Victor Saltet exposait de beaux échantillons de
peaux refendues à l'aide d'ingénieuses machines,
et destinées aux usages si nombreux de la cha
pellerie, de la reliure, de la ganterie, de la pape
terie, etc.
» Enfin, on trouvait à l'entrée des salles les
produits de la fonderie de M. Maignon-Dollet : ce
FEUILLETON OU CONSTiTUTlDKKÉL, 5 OCTOBRE-
EE¥!ÎE MUSICALE.
i.-iSTiTiT de fbakcb : Séance publique annuelle de
l'Académie des Beaux-Arts. — tii£atiiss-i.ybiqub :
Flore et Zephir, opéra-comique en un acte, paroles
de 113?. de Leuwen et Des Lys,musique de M. Gau
thier.— un voe i;
Il ne faudrait pas trop se laisser prendre à
ces mots trompeurs: Séance publique annuelle
de l'Académie des Beaux-Arts. Le public est
exclu de ces séances avec une sévérité in
flexible. Ce n'est qu'un petit nombre d'élus,
toujours lès mêmes, munis de billets d'entrée,
plus difficiles à obtenir qu'un diplôme, qui
pénètre sous la voûte sacrée du palais Maza-
rin, singulièrement fortifié et défendu en ces
jours solennels, par une triple enceinte
d'huissiers, de sergens de ville et de gar
des municipaux. Ce sont les femmes, les fil
les, les'nieces des immortels, personnes
d'un âge indécis, qui participent plus ou
moins de l'immortalité de leur père, de leur
mari ou de leur oncle; ce sont quelques
jeunes amies des plus illustres membres du
docte aréopage, car souvent le dieu malin,
gai dez-vous d'en douter, entrelace d'un bou
quet de myrte les palmes n erles de l'Acadé
mie. Où irait se nicher la mythologie si on
ne lui faisait pas une pelite place parmi ces
vénérables-? La belle moitié du genre hu
main envahit les trois-quarts de la salle, et
ce n'est que par une extrême tolérance
qu'/in y admet, côté des lauréats, quel
ques professeurs chargés de gloire et d'an
nées , qui siégeront peut-être à leur tour,
Sur les bancs de l'Institut, quelques person
nages officiels qu'aùcune consigne ne sau
rait atteindre, et deux ou trois journalistes
de ces grandes séances. On pourrait dire,
les yeux fermés, le nom de chaque specta
teur ou spectatrice, e.t la place qu'ils occu
pent, tant chacun est jaloux de son privi-
ége et fidèle à son poste. Tout 'est donc
f:
le
passé comme de coutume avec une régula-
rite parfaite et une précision mathématique.
A deux heures la séance est ouverte. On
aperçoit dans une galerie aérienne , à .vingt
pieds au-dessus de la tète du président, le
bout de l'archet de M. Battu, et un orchestre
invisible enfoncé dans des profondeurs in
connues, comme ces anges de terre cuite qui
jouent du violon, dans les nuages , exécute
une ouverture de M. Duprato, éleve deM. Le-
borne et pensionnaire, tout frais repu, de l'A-
caclémie de France à Rome. L'Académie, dans
son rapport, nous a parlé avec éloge d'une
symphonie de la façon de M. Duprato.11 paraît
que les deux premières parties de ce travail
sont remarquables par la facture et par le
style. En ce cas, je regrette qu'on ne nous
ait pas fait entendre la symphonie au lieu
de cette ouverture qui n'est qu'un pot-pourri
de motifs hongrois, et qui ressemble beau
coup moins à une ouverture qu'à une polka-
mazurka. On peut se réjouir, même à l'Ins
titut, mais il ne faut .pas empiéter sur les
droits du jardin Mabille et du Casino-I'a-
ganini.
Après cet air de danse, un très estimable
architecte, M. Blouet, s'est avancé vers la
petite table couverte d'un tapis vert, et pla
cée devant le bureau de la présidence, et a
lud'une.voix claire et intelligible 4e rapport
sur les envois des pensionnaires, rédigé par
- M. le secrétaire perpétuel. En priaut tantôt
l'un, tantôt l'autre de ses collègues de lire
son rapport annuel, M. le secrétaire a le
double avantage de ménager sa voix et de
faire,une niche aux rédacteurs des journaux,
qui rendent compte de la séance sans y avoir
assisté. Ces infortunés ne manquent jamais
de dire, sur la foi du programme, que le
.rapport a été lu par M. lîaoul-Rochette,
en personne, tandis que il n'a été lu, en effet,
que par 11. Lebas, il. Blouet ou M. Lemaire.
L'Académie dans ce.rapport^ discuté d'avan
ce dans les différentes sections, distribue le
blâme et l'éloge a\ec autant d'équité que de
sagesse; elle remplit un devoir en critiquant
publiquement les ouvrages des pensionnai
res de l'Etat; pas un mot de cette savante
andlvse ne devrait être perdu pour l'auditoi-
| i e. Ëh bieiil je l'avoue à ma honte et à la
confusion de tous mes voisins, aussitôt que
cette lecture commence, un engourdissement
Mal, invincible, magnétique pese sur toutes
les paupières, il n'y a qàe les quatre statues,
de Bossuet, de Fénelon, de Sully et de Dos-
cartes qui ne dorment pas.
Je me suis débattu tant que j'ai pu con
tre la rude étreinte de ce sommeil lelhargi-
que, j'ai attrapé par-ci par-là quelque lam
beau, quelque phrase du cet admirable rap
port.
Il y a un endroit (Je ne l'ai pas rêvé, j'en
suis sûr) où il est question d'un élève qui
aurait pris Thésée pour sujet de son tableau
ou de sa statue. L'Académie lui dit spirituel
lement, par l'organe de son rapporteur,
« qu'avant de faire un Thésée il faut bien
essayer ses forces. » J'ai saisi le coq-à-l'àne
au vol et je me suis rendormi.
La distribution des prix et le remue-mé
nage qui s'ensuit, et les bravos, les baisers,
les accolades, ont réveillé l'auditoire. Le
récit faisait place à l'action. C'est la jeunesse
incorrigible, turbulente et frondeuse de l'é
cole des Beaux-Arts, qui a sonné l'alarme
par des applaudissemens prolongés. On
commit l'ordre et la Inarche de ce couron
nement académique. Chaque lauréat, à l'ap
pel" de son nom, se lève et franchit comme
il peut les degrés qui le séparent du bureau
où s'entassent les couronnes. Une remarque
a été faite autour de nous : que cette année
tous les lauréats avaient bonne grâce et
bonne mine. Leurs traits sont distingués,
leur phvsionomiè intelligente, ils cherchent
sans embarras leuib professeurs dans les
rangs presses de- immortels et les embras
sent cordialement. .M. Caristie, l'honorable
président, avec une bienveillance un peu
agressiv e, leur \ eut poser sur la tète, à toute
force, de laurier glorieux, et les décoiile
sans pitié: mais ces jeunes gens, par une
abdication de bon goût, sameut leur mo
destie et leur coiliure.
M. Raoul-Itochette, avait cette foi?, dans
l'éloge de Sponliiii,unde ces sujets qui pas
sionnent tout auditoire d'élite et le suspen
dent, pour ainsi dire, à lalevrede l'orateur.
Il l'a traité avec son élégance,_ sa perspica
cité et sa réserve ordiaaireSk En racontant
la vie d'un homme qui a brillé sous trois ré
gimes successifs, et a rempli plus que la
moitié d'un siecle de l'éclat de son nom
et de ses succès, M. le secrétaire perpé
tuel s'est abstenu de toute allusion, de
tout rapprochement politique, et, en cela,
il a fait preuve de tact et de goût. Peut-
être eût-on désiré que le savant biogra
phe,en esquissant cette grande figure, qui
tient tant déplacé dans l'histoire deï'art,n'eût
pas oublié quelques, traits particuliers et dé
cisifs qui, sans diminuer en rien le mérite de
l'artiste, peignent le caractère de l'homme,
et nous expliquent parfaitement ce qifil y
avait parfois d'original et de bizarre dans
cette impétueuse et puissante nature. Je sais
bien que dans un éloge académique on célè
bre les qualités et on a grand soin de dissi
muler les faiblesses, si inhérentes qu'el
les soient à la condition de l'homme,* et
surtout de l'artiste. Mais faut-il, aussitôt que
votre héros' rencontre un obstacle dans sa
' carrière, attribuer tous les torts aux con
temporains, et ne point faire la part des sus
ceptibilités d'une complexion nerveuse, irri-
taDle et délicate, d'une ame ardente et pas
sionnée, où l'amour de l'art se' confond na-
turellementetsans qu'on s'en aperçoive avec
une soif inextinguible de gloire, de distinc
tions et d'honneurs, où le sentiment légiti
mé de sa propre force et de sa propre valeur
rend, souvent le meilleur des hommes injus
te et même ingrat envers les autres!
M. Raoul-Rochette a t ouvé de chaleureu
ses paroles pour louer la générosité et la
piété de l'illustre auteur de la Vestale qui,
sur la .fin de sa vie, a doté son pays natal de
nombreuses institutions de bienfaisance •; il
a adressé une touchante apostrophe à la
veuve de Spontiui qui assistait en grand
deuil à cette séance et mêlait ses soupirs et
ses larmes aux éloges si mérités dont on
venait d'honorer la mémoire de' son mari.
L'assemblée, partageant cette émotion sym
pathique, a' voulu s'associer par ses applau
dissemens à l'hommage rendu par l'orateur
à cette noble et sainte femme, ange de bon-
të et de douceur, dont la vie entière n'a
été qu'une longue adoration du grand gé-
aiej qui après Dieu,- était tout pour elle.'
Le passage le plus écouté et le plus ap
plaudi de cette intéressante notice a été ce
lui où l'historien nous a peint la jeunesse de
Spontini, ses premières amours et ses pre
miers succès, son escapade et sa fuite du Con
servatoire de Naples : «Naples, dit M. Raoul-
Rochette (et l'on comprend pourquoi je ne
résiste pas à citer tout au long cette page) ,
Naples était depuis plus d'un demi-siè
cle la grande école et le principal théâtre de
la musique italienne. Tandis qu'au Conser
vatoire, des maîtres célèbres, tels que Sala,
Tritta et Fenaroli, enseignaient tous les se
crets du contre-point et toutes les théories
du chant, au théâtre, des compositeurs, tous,
hommes de génie, avec des talens divers,
Paisiello, Piccini, Cimarosa, Fioravanti, se
disputaient les applaudissemens d'un public
idolâtre. Tel fut le double enseignement au
quel se trouva livrée la jeunesse de Spon
tini, enseignement à la fois charmant et
fécond, puisqu'il réunissait aux avanta
ges solides de l'étude le spectacle at -
trayant de la gloire. Notre jeune musicien
se montra de bonne heure digne d'être, élevé
à une pareille école. Tout en satisfaisantaui
devoirs de la classe et aux obligations de la
fugue, ilcomposaitdéjàdes cantates, desora
torios, et jusqu'à des morceaux' de musique
théâtrale, qui méritèrent d'être exécutés sur
la scene, parmi des opéras de Cimarosa, à la
satisfaction de Cimarosa lui-même. Alors et
plus tard encore, en Italie, il était d'usage que
les grands compositeurs employassent dans
leurs ouvrages des morceaux de jeunes mu
siciens, qui s'exerçaient ainsi devant le pu
blic, à l'abri d'un nom illustre, et pour qui
c'était un rare avantage de débuter dans un
opéra de Paisiello ou de Cimarosa, plutôt que
dans le leur. Il y avait là déjà, pour notre
jeune compositeur, un premier succès, bien
propre à développer son talent; mais ce fut
aussi pour lui l'occasion d'une première fau«-
le, dans laquelle il eût été bien difficile qu'un
musicien de vingt ans ne se laissât pas en
traîner, &t qui ne pouvait être expiée que
par un triomphe.
« Un directeur du théâtre de Rome, qui
avait entendu, dans un ouvrage applaudi de
Ginaarosa. ®»ve'?aux de Spontini > fut
bien faite
t accom-
^ qui pou-
un artis-
i une pa-
u\ passe-
du Conser-
dans le plus
charmé de la musique de l'élève du Conser
vatoire, et lui fit proposer d'écrire un opéra
pour son théâtre. La propositif
pour tenter un jeune t dent
pagnée de toutes h*>siducw
vaient s'offrir à l'imagmatio
te. Spontini ne . put i i
reille tentation. Muni d'un
port, il s'échappa fui tnemun
vatoire de Naples, et il arriva
grand secret à Rome, où il comptait n'avoir
d'autre embarras que celui de composer un
opéra. Mais c'était a cette épreuve que l'at
tendait'la fortune, pour lui ménager un suc
cès en lui donnant une leçon. Presque
tous les v grands compositeurs de l'Italie ,
Marcello de Capoue, Angelini, Persiehini,
Grazioli, Cimarosa, s'étaient donné rendez-
vous à Rome, dans ce carnaval de 1796,
pour s'y disputer les honneurs de la scène.
En voyant apparaître sur le théâtre de leur
vieille renommée l'échappé du Conservatoire,
ce fut parmi eux un cri général, pour faire
sortir de Rome ce concurrent inconnu,
en faisant rentrer à l'école cet élève indisci
pliné. La clameur fut telle, que notre jeune
compositeur fut sur le point d'en être acca
blé. A la fin, la protection du gouverneur de
Rome, sous laquelle il avait réussi à se .pla
cer, lui sauva l'affront d'un pareil retour a
Naples ; il obtint la permission de rester à
Rome et d'y composer son opéra. Dans le
trouble de son esprit, autant que dans la.
première verve de son talent, six semaines
lui suffirent pour écrire et pour mettre en-
scène cet opér a, i Puntigli delle donne, son
premier ouvrage, qui fut joué à Rome le 26
décembre 1796, et qui obtint un succès d'en
thousiasme. » .
Et plus bas M. le secrétaire perpétuel rend
à mon' pays cette éclatante justice, que je ne'
pourrai non plus passer sous silence :
« L'Italie seule, avec son beau ciel et sa
langue harmonieuse, avec ses mille théâtres
et son peuple enthousiaste, peut produire ce
phénomène d'un musicien qui est encore à
l'école, et qui fait jouer six opéras dans une
année, et cette merveille d'un art où l'édu
cation. se commence par le. Conservatoire et
s'aèhêve par le pulïlro, où les aimées îfe li-
BIMUlilt i rat (Palftl Sltval), m* ÎO.
% ■ i V .• : • • V t- C-.-: .-V -i- •• - - -- ■ '
B
-aUAUDI 5 OCTOBRE.
l'rix de l'abonnement.
PARIS ET DÏÎPARTEMEKS
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et au bureau du journal
PARIS, 4 OCTOBRE,
L'ASILE SAINT-HILAIRE.
Nous avons toujours dit que c'était sur
tout aux efforts de la charité individuelle,
animée et fécondée par les inspirations de
l'esprit chrétien,- qu'il fallait demander les
améliorations sociales. Des novateurs, dans
leur orgueil, ont voulu remplacer cette force
merveilleuse qui a créé tant de prodiges et
qui a semé le monde d'œuvres de bienfai
sance par l'iutèrvention aveugle et mécani
que de l'Etat: ils n'ont abouti qu'auxfoliesdu
communisme; d'autres ont essayé de refaire à
l'image de leurs chimères la société, la morale
et la civilisation : ils n'ont été que ridicules
quand ils n'ont pas réussi à être odieux. On
sait à quelles conséquences désastreuses ou
burlesques se sont heurtées toutes les uto
pies socialistes, depuis l'harmonie de M.
Owen jusqu'au phalanstère de M. Fourier,
depuis la banque d'échange dé M. Proudhon
jusqu'à l'Iparie de M. Cabet. Tandis que ces
apôtres de religions mort-nées, s'évertuent
dans leurs livres et dans leur enseignement
à prêcher le vide et à préconiser le néant, la
charité chrétienne résout les problêmes,
écarte les obstacles, tranche les questions.
Obscure dans ses commencemèns, infatiga
ble dans ses tentatives, élargissant toujours
son cercle d'opération, patiente et incessam
ment active> elle fait éclore, à côté de cha
que intérêt qui la réclame et de chaque né
cessité qui la sollicite, une sainte maison, un
ord 'rereligieux, un établissement de tutelle et
de protection. Cette puissance créatrice de la
charité chrétienne, nous en avons eu une
preuve nouvelle,lors de la récente visite
que nous avons faite à l'Asile Saint-Hilaire,
selon le vœu exprimé par la digne supé
rieure de la communauté de Saint-Paul
dans la belle et touchante lettre qu'elle avait
adressée à M. le docteur Véron, et dont nos
lecteurs, nous en sommes sûrs, ont gardé
le souvenir.
La charité chrétienne n'est jamais plus
utile et plus efficace que quand elle s'occupe
de ces.êtres malheureux qu'une infirmité
retranche du milieu social. Parmi ceux qui
appellent à ce titre sa sollicitude et ses soins,
il faut compter assurément les aveugles. Sé
parés du monde extérieur, contraints de se
réfugier dans le domaine de l'intelligence
pour se faire une idée nette des choses' en
vironnantes, privés du sens qui nous ap
prend le plus, soit au point de vue du corps,
soit au point de vue de l'esprit, condamnés
à l'isolement et à l'immobilité, si une parole
amie ne les console, si une main secourable
ne les guide, les aveugles ne peuvent s'ins
truire que par le secours d'autrui. Il est vrai
que la Providence, toujours miséricordieuse,
même dans ses rigueurs,accorde à leur misè
re quelque dédommagement. La pensée chez
eux est plus active etplus féconde, à raison de
leur infortune. L'enfant aveugle, moins dis
trait que le voyant, acquiert une force, une
intensité d'attention qui perfectionne bientôt
en lui l'instrument de la mémoire. Cette
anie emprisonnée, qui se débat pour ainsi
dire dans^une organisation physique fermée
aux objets du dehors, se trempe et se forti
fie dans un travail intérieur d'une puissance
merveilleuse et' d'une ressource infinie. De
là,ces admirables résultats qu'obtient un en
seignement approprié aux conditions parti
culières où se trouve l'enfance aveugle.
On sait qu'il y a deux sortes d'aveugles :
ceux qui sont-frappés de cécité dès leur nais
sance, ceux qu'une maladie ou un accident
prive de l'usage des yeux. La plupart de
ces derniers, bien plus nombreux que les
aveugles-nés, sont atteints de cette infirmité
dès l'enfance ou dèï- la première jeunesse.
On compte environ'quarante mille aveugles
en France, sur lesquels les deux tiers, peut-
être, réclament, les soins d'une éducation
spéciale. Enoncer ces faits, c'est démontrer
l'insuffisance de l'établissement des Jeunes-
Aveugles et de toutes les institutions analogues
qui existent dans notre pays. Le chiffre des
enfans aveugles qui peuvent y trouver place
est par trop restreint, et il reste,surtout par
mi les populations laborieuses, plusieurs
milliers de ces infortunés qui sont une char
ge pour leurs familles, faute d'avoir appris à
travailler. Or, il est bien difficile de multi
plier le nombre des maisons comme l'éta
blissement des Jeunes-Aveugles, qui rend,
sans contredit, de signalés services, et qui
est fort bien dirigé, mais qui exige de
l'Etat des sacrifices énormes. A nos yeux,
le grand mérite de l'asile Saint-Hilaire,
et de la communauté qui en est sortie, c'est
de fournir à toutes les villes, grandes ou pe
tites, un moyen simple et pratique de venir
en aide à l'enfance aveugle ! A l'exemple de
l'asile Saint-Hilaire, des établissemens ayant
le même but peuvent se fonder, comme on
le verra bientôt, en tous lieux et avec les
ressources les plus modiques, et l'ordre re
ligieux de Saint-Paul qui a pris naissance, et
qiri, selon nous, esl appelé à prendre rapide
ment une grande extension, èst dès à pré
sent ùne pépinière d'institutrices pour les
succursales futures de cette sainte maison.
L'asile Saint-Hilaire a eu une origine mo
deste. A la fin de 1846, un médecin du dou
zième arrondissement, homme d'esprit et de
cœur, fervent chrétien, qui s'était occupé
avec prédilection d'idées sur la pédagogie,
eut, l'occasion d'expérimenter son système
sur un pauvre aveugle, devenu orphelin. Il
parvint à des résultats inespérés. D'autres
enfans aveugles se joignirent au premier et
ne tardèrent pas à recueillir les fruits de la
méthode nouvelle. Un essai plus complet fut
tenté dans l'asile Saint-Hilaire, où une véné
rable dame, Mlle Bergunion, aujourd'hui
supérieure de la communauté de Saint-Paul,
avait fondé un ouvroir pour de jeunes filles
voyantes. Le même succès fut obtenu. En
fin, en 1850, la société de patronage des
aveugles en France viiit aider par son in
tervention les progrès de cette institution
naissante. Elle y plaça huit filles adultes af
fligées de cécité. L'œuvre-vécut au jour-le
jour, d'abord avec les modestes ressour
ces de Mlle Bergunion , qui y consacra
tout son avoir, avec les secours de personnes
charitables, avec la modique rétribution que
paient quelques pensionnaires, avec le pro
duit du labeur commun.
Une communauté religieuse, dite des
Sœurs-de-Saint-Paul, en mémoire du grand
apôtre, que la lumière divine terrassa sur le
chemin de Damas, gn lui enlevant momen
tanément la vue, ne tarda point à y prendre
naissance. On y compte aujourd'hui dix re
ligieuses, dont six aveugles et quatre voyan
tes, six pensionnaires aveugles adultes, six
petits enfans aveugles, trois garçons et trois
filles, et environ trente jeunes filles voyantes,
sous la direction maternelle de leur digne
supérieure, Mlle Bergunion, qui a pris en
religion le nom de sœur Saint-Paul.
La communauté dè Saint-Paul ne date que
du mois de juin 1852, et déjà elle grandit et
prospère. L'asile Saint-Hilaire que nous
avons visité dans une maison de la rue des
Postes, doit être transporté très prochaine
ment dans un local plus vaste à Vaugirard.
Là elle: pourra augmenter son personnel et
multiplier ses bienfaits. Déjà, avec cet esprit
de conquête spirituelle qui est l'ame" de la
religion chrétienne, elle songe" à créer des
succursales dans la province. Rien de
plus simple et de plus facile que de
parvenir à ce but. Il suffirgi de deirraOdc^fi
à la communauté de Saint-Paul deux reli-"
gieuses,l'une voyante et l'autre non voyante,
pour établir où l'on voudra des' ouvroirs
■ semblables à l'asile Saint-Hilaire, et pour
propager l'excellente méthode d'enseigne
ment qui y fructifie. Cette méthode est telle,
que la personne qui a été instruite de cette
façon - emporte avec elle tout son bagage
intellectuel, qui est confié à sa mémoire,
et qui ne peut plus périr. Une sœur voyante
afin de diriger les travaux d'aiguille et afin de
maintenir la discipline, une sœur non voyan
te afin" d'enseigner, c'est tout ce qu'il faut
pour ouvrir dans chaque ville aux jeunes
aveugles une maison d'apprentissage et d'é
ducation.
Il nous reste à indiquer, autant que le
permettent les bornes de cet article, la mé
thode d'enseignement çui est en usagé à
l'asile Saint-Hilaire, et qui, nous l'espérons,
se répandra dans les succursales de cet éta
blissement. Pour la juger, il faut se rappe
ler qu'il s'agit, non de jeunes filles destinées
à une vie de luxe et de loisir, mais de pau
vres ouvrières, les unes aveuglas, les autres
voyantes, mais réservées à une existence
laborieuse. Le point important, c'est de for
mel kui caui uud eloppanl leur inlelligen-
c de i leublei Icui tue d'idées justes èt sai-r
nés. de leur inspirer 1 amour de leurs cliévoifè^
L en ei" nement de asile Saint-Hilaire prend
pour point de départ le catéchisme histori
que de Fleury, un de ces ouvrages exquis par
la forme et par la pensée, que vit éclore le
graiîd siècle, et que les philosophies les plus
orgueilleuses ne sauraient remplacer. On a
pensé avec raison que l'étude -de la religion
qui enseigne la résignation, le renoncement,
la soumission à la volonté divine, le respect
du droit de tous,l'affection envers le prochain,
devait être la base d'une éducation dont le but
est, pour les voyantes, de former de bonnes
mères de famille dans des ménages d'artisans,
et, pour les non voyantes, de.relever de leur
déchéance physique de pauvres êtres déshé
rités des biens de ce monde ..Quand le caté
chisme historique de Fleury est su par cœur
d'une manière imperturbable, quand à cette
connaissance on a joint celle des meilleures
fables de Lafontaine et de Florian, "des mor
ceaux choisis des grands écrivains, d 'Esther
et d 'Athalie, on part de là pour leur appren
dre les élémens de. l'îiistoire, la gram
maire, l'orthographe. La mémoire, cultivée
avec un soin infini, et produisant des ré
sultats merveilleux, devient l'instrument de
tous leurs progrès. C'est-de la même ma r > ;
nière, et par des applications ingénieuses
de la méthode, qu'on leur enseigne le cal
cul, la lecture, l'écriture, les principes de la
musique. On s'applique d'abord à en faire
des chrétiennes sincères et pratiques,-puis
le reste vient par surcroît, comme un fruit
naturel de cet excellent système d'éducation
morale et de culture intellectuelle.
Nous avons assisté à ces exercices, qui
n'interrompent pas un instant le travail, de
ces jeunes ouvrières, et qui sont pour elles
comme une distraction charmante, pendant
que leurs mains cousent ou tricotent. Nous
avons été frappés d'abord de l'air de joie et
de contentement qui regne sur tous les vi
sages. Les aveugles, comme les voyantes,
ont le sourire sur les lèvres et la figure
épanouie en remplissant leur tâche, en
prenant leur leçon. Il n'y a rien là qr
ressemble à ces figures fatiguées 'et dis
traites, qui se voient-dans les collèges ou dans
les pensionnats. Comme l'enseignement,
presqu'entièrement oral, exige la participa
tion de chacune et de toutes, l'attention ne
languit pas un instant, et l'ennui ne saurait
venir. Nous avons remarqué aussi l'exacte
discipline que ce double travail manuel
Y"*çt intçllMuel permet ^'établir. Tandis que
-'toutes les aiguilles volent et s'entrecroisent
et que les bouches, à tour de rôle, récitent
. la leçon écoutée par toutes, cette classe de
cinquante jeunes filles, jeunes ouvrières et
jeunes écolières, est paisible et joyeuse
comme là veillée d'une famille tendrement
unié, auprès de l'àtre, un soir d'hiver.
Nous avons déjà ditque dans cette méthode
on s'attachait moins à apprendre beaucoup
de choses qu'à bien apprendre ce qu'on y en
seignait/Le savoir des jeunes filles de l'asile
Saint-Hilaire est limité, mais il est complet.
La culture de leur mémoire tient du pro
dige. Citez-leur un nom, un membre, de
phrase , un hémistiche, elles vous diront
dans quel chapitre, dans quelle fable, dans
quelle page de Bossuet et de Fénelon elles
ont entendu cela. Lisez-leur ùne première
ligne d'un chapitre, elles poursuivront, les
unes après les autres, voyantes ou non
voyantes, enfans, ou adultes, avec une
sûreté incroyable, avec une présence d'es
prit surprenante. A l'appel de son nom,
chacune continue la phrase. commencée,;
sans broncher un instant, non avec ce débit
monotone et embrouillé du collège, mais
avec une diction iuste qui prouve que leur
mémonc n e^i quu 11 util de leur intelligen
ce. En mt,ia_ Unij la précision de leurs
commutant- 4 11 netteté de leurs réflexions,
la viv iuti de leui iperçus, montrent clai
rement que toutes leurs facultés sont exer
cées en même temps et se perfectionnent
toutes ensemble.
Le mélange des voyantes et des non
voyantes a produit des résultats dignes d'in
téresser le moraliste et le penseur. D'abord,
au point de vue des sentimens du cœur, rien
de plus touchant que là tutèle affectueuse,
que l'attachement réciproque, qui naissent
de ces relations continuelles entre des jeu
nes voyantes qui jouissent de l'usage de
leurs yeux, et de jeunes aveugles qui trou
vent dans leurs compagnes des sœurs atten
tives, des amies dévouées. Au point de vue
intellectuel, on est parvenu à créer parmi
elles, voyantes ou non voyantes, une sorte
d'émulation profitable aux ûnes comme
aux autres. Les non voyantes ont plus
d'attention, et, partant, une mémoire plus
agissante. Les voyantes, qui communiquent
avec le monde extérieur, apportent une plus
ample moisson de sensations et d'idées. Vi
vant, travaillant ensemble, concurrentes,
sans être rivales, "elles se prêtent-un mutuel
appui, elles s'excitent à plus d'efforts, et elles
..obtiennent ainsi des résultats plus rapides.
Il faut avoir visité l'asile Saint-Hilaire et
avoir observé attentivement ce qui s'y .pas
se, pour apprécier jusqu'à quel point cet
élément nouveau de progrès dans l'éduca
tion a été fécond en heureuses conséquences.
Ajoutons enfin que l'on y forme d'excel-.
lentes ouvrières. Qui le croirait? Cette hum
ble maison religieuse, enfouie dans un quar
tier lointain, travaille pour une maison de
lingerie des plus importantes du haut com
merce parisien, et exécute parmi les travaux
de l'aiguille, ceux qui exigent le plus de soin
et d'attention. C'est là qu'on fait les ouvra
ges de luxe, la commande pressée, les beaux
trousseaux, les splendides layettes. Les jeu
nes ouvrières,voyantes ou non voyantes, ac
quièrent une habileté qui, dans toutes les
conditions, leur assurera une indépendance
honorable et du pain.
Tel est l'asyle Saint-Hilaire. Nous avons
raconté simplement ce que nous y avons vu.
Encore un coup, nous croyons à l'aveuir de
cette œuvre, née si modestement et déjà
grandissante, et nous ne doutons pas que ses
progrès ne soient secondés par l'élan géné
reux de la charité privée et par la sollici
tude du gouvernement actuel, si justement
soucieux des améliorations sociales et des
intérêts de nos populations laborieuses i
Henry Cauvain.
VOYAGE DU PltL\ CE-PRÉSIDENT.
Le prince-Président, après avoir couché à
Carcassonne , a dû arriver aujourd'hui à
Toulouse , où il passera la journée de dé
main.
Maintenant qu'il faut avoir recours au té
légraphe aérien, les dépêches devront avoir
moins d'étendue jusqu'à ce qué le prince
soit rendu à Bordeaux, où il arrivera jeudi
prochain.
Voici la seule dépêche qui nous soit par
venue aujourd'hui : •
Carcassonne, 4 octobre, 6 h. du matin.
Le voyage du Prince, de Navbonne à Carcas
sonne, s'est accompli au milieu des cris enthou
siastes de : Vive l'Empereur ! L'entrée à Carcas
sonne a été triomphale. S. A se porte bien.
On écrit de Nîmes, jeudi 30 septembre,
dix heures du soir :
« Le prince a quitté Aix ce matin à dix heures,
pour se rendre ;\ Jtoquefavour, où l'attendait une
aéputation de la municipalité de Marseille. Les
habitans d'Aix lui ont fait les adieux les plus cha
leureux. Roquefavour n'est qu'un lieu inculte et
is r ' \niais consacré désormais par une des œuvres
les lus remarquables des temps modernes, le
pon , queducqui porte son nom. Cet aqueduc con
duit \ Marseille les eaux, dé la Durancé, et réunit
deux rochers séparés par ùne vallée dé 400'môtres.
Il est composé de trois ponts superposés, dont la
hauteur totale est de 86 mètres. Il surpassede beau
coup en élévation, en grandeur, le fameux pont
du Gard. Avant de quitter les Bouches-du-Rhône,
le prince a voulu visiter cette œuvre monumen
tale, aujourd'hui définitivement terminée. Là mu
nicipalité de Marseille avait fait préparer .une col
lation; le défaut de temps a empôché le prince de
l'accepter. S. A. est arrivée à midi à la station de
Rognac, le point de la ligne du chemin de fer le
plus rapproché d'Àix. La commune de Rognac
s'est signalée par les préparatifs qu'elle avait faits,
et par l'enthousiasme qu'elle a lait éclater à la
vue du prince.
» Les administrateurs et les ingénieurs du che
min de fer attendaient le prince.
» Le prince est monté immédiatement en wa
gon, et est parti, salué par les cris de la popula
tion tout entière de Rognac et des environs. Jus
qu'à Arles, où le convoi est arrivé à midi quarante-
cinq minutes, tous les habitans étaient sur la li
gne. Les' femmes . venaient offrir des fleurs, et les
cris de : Vive l'Empereur! n'ont cessé de retentir.
» A Tarascon, la gare était toute pavoisée; un
arc de triomphe s'élevait à l'entrée de la ville, il
portait cette inscription : La ville de Tarascon
à Louis-Napoléon, au sauveur de la France!
La vieille tpur qui domine la ville était sur
montée de drapeaux tricolores. La municipa
lité, les députations des communes, la garde
nationale attendaient le prince. Le convoi ne
devait s'arrêter que quelques minutes, mais les
autorités ont supplié S. A. de venir visiter la ville,
en demandant seulement un quart d'heure. Le
prince s'est rendu à leur pressante invitation, et
la population a fait éclater sa joie par les cris de
Vive l'Empereur ! Le prince a parcouru les rues
principales, et a reçu partout l'ovation la plus en
thousiastc. -
» M. le général Héquet, M. de Suleau, préfet
des Bouches-du-Rhône, et plusieurs députés de.ee
département, qui avaient accompagné le prince,
ont pris congé de lui à Tarascon. Le général Ros-
tolan, M. le baron Dulimbert, préfet du Gard, les
députés du département, le général Walsin-Este-
rhazy, les ont remplacés dans les wagons du prin
ce. line dernière acclamation de Vive l'Empereur!
a salué le départ du convoi. Ce sont les adieux de
la Provence ; le Languedoc commence de l'autre
côté du Rhône. Au moment où le wagon allait
sortir de la gare, un vieux militaire décoré, an
cien officier de l'empire, élève son chapeau en
l'air, en s'écriant: Vétérans! vive l'Empereur!
Une Centaine de vieux militaires, rangés en ligne
derrière, et ayant chacun un bouquet d'immor
telles, répètent ce cri avec transport.
» D'énergiques acclamations ont retenti lorsque
le convoi est arrivé en vue de Beaucaire. Cette
ville avait pavoisé sa vieille tour carrée ; son pont
magnifique, élevé au débarcadère du chemin de
fer, portait un arc de triomphe avec cette inscrip
tion : Au protecteur delà religion et de la famille!
au sauveur de la France !
» M.- le maire, à la tête du conseil municipal, a
eu l'honneur de complimenter S. A. et de lui
adresser le discours suivant :
« Monseigneur,
» Le maire, les adjoints et les conseillers munici
paux de la ville de Beaucaire accourent sur. votre
passage peur avoir l'honneur d'offrir à Votre Altesse
impériale l'hommage respectueux de leur gratitude,
et de leur fidélité.
» Prince, la France succombait sous le poids de r
factions, quand, n'écoutant que votrejamour pour el*
le, vous bravâtes tous les dangers pour, l'arracher
aux étreintes de l'anarchie et pour lui assurer le rè
gne des lois et de la vraie liberté. Grâces vous en
soient rendues, prince ! Cet acte de courage et de dé-
voûment restera gravé dans nos cœurs par la recon
naissance et l'admiration.
» Poursuivez, Monseigneur^ la tâche grande et glo
rieuse que Dieu vous a donnée ; consolidez l'avenir :
confiante dans votre haute sagesse, la France attend
de vous des institutions stables et définitives, pour
qu'elle puisse jouir des immenses bienfaits que, de
puis votre avènement au pouvoir, vous ne cessez
de lui prodiguer. Elle ne peut oùblipr qu'elle fut
grande et prospère quand votre oncle immortel,'avec
le titre éclatant qui manque à votre gloire, eut con
centré tous les pouvoirs publics dans'ses puissantes
mains..Nous vous'y convions, Monseigneur; rendez-
vous à nos vœux, et la France, sans nulle crainte de
l'anarchie, s'élèvera alors à ses plus hautes destinées.
» Puisse le ciel, Monseigneur, vous accorder de
longues années pour qu'elles puissent s'accomplir!
» Vive Napoléon!
» Vive l 'Empereur! » .^
» Le convoi est reparti, en passant au miliéu-
d'une double liaie de population , et aux cris de
Vive l'Empereur ! -■
» Enfin,-vers trois heures, le convoi est entré
dans la gare de Nimes. Aux ■ flots de population
qui se pressaient-aux abords du chemin de fer,
aux cris d'enthousiasme que provoquait la vue du :
convoi, on pressentait déjà l'émotion qui animait-
cette grande ville. Le maire, le eonseil général,',
le conseil municipal, les députations de toutes les"
communes et celles des départemens~Voisins, se
sont piécipités au-devant du' prince, et l'ont ac
cueilli par les cris répétés. Vive l'Empereur !
» Dès que le silence .a pu se rétablir, M. le
maire a adressé au prince les paroles suivantes :
. « Monseigneur, "
» Vous posez le pied sur un:sol où de grands sou
venirs ont laissé d'ineffaçables empreintes, où le res
pect pour lé pouvoir a "survécu à tous les orages, à
toutes les révolutions.
» C'est vous dire avec quelles sympathies est ac- ■
cueilli parmi nous le prince dont l'a grande mission :
est de comprimer l'anarchie, de réhabiliter le pouvoir,
de relever tous les grands principes sociaux.
» Représentant de la ville de Nîmes, je suis fier
d'avoir à exprimer le premier à Votre Altesse Impé-'
riale les sentimens de la cité tout entière, et de dé
poser à ses pieds mes respectueux hommages. »
» Le prince a répondu : ...;'.
« Je suis heureux de visiter une ville où est
» empreint à un si haut degré le sentiment du;
» respect dù à l'autorité; j'espère que mon arri-
» vée dans ses murs datera une époque nouvelle *
» d'union et de conciliation ; mon gouvernement
» s'efforcera toujours d'effacer les traces de la di-
» vision des partis, et de répondre ainsi à vos
» propres sentimens. »
» La première chose que la ville de Nimes a
offerte aux regards du prince est une exposition
de son industrie. Le prince y a pris le plus vif in
térêt, parce qu'il a trouvé réunies sous ses veux •
toutes les industries qui assurent la prospérité
d'une province. Dans une. partie non encore oc
cupée de l'embarcadère, toutes les richesses du
département du Gard avaient été rassemblées et
classées' avec un ordre et un goût parfaits. Les
châles, les tapis, les étoffes de soie, les tissus d'or
et d'argent, les produits des nombreuses filatures,
les machines destinées au travail de la soie encom
braient les galeries, et,' sous le vestibule, les arbu
stes, les échantillons des mines et des briquete
ries mécaniques complétaient la réunion des proj
duits de toutes les industries.
» M. Colondre, qui a déjà obtenu plusieurs mé
dailles aux différentes expositions ;. MM. Ribes et
Durand, Massot, Curnier et Sabran ' ont produit
de très beaux échantillons de leurs fabriques de
châles. On remarquait, parmi les expositions des
tapis, celle de M. Floissier, connue déjà par ses
précédens succès et une perfection de travail qui
lui a.mérité la croix de laLégion-d'Honneur. M:
Arnaud de Nîmes était aussi signalé par le bon
goût de son exposition.
» La filature de la soie étalait ses richesses dans
de nombreuses vitrines auprès desquelles la foule
se portait avec empressement : MM. Terraubé d'U-
zès, Vincent, Planchon, Je Saint-Hippolyte; Mour-
gues, Ruas; les filateurs de Valleiogues, Léon Mo—
linier, de Saint-Jean, et beaucoup d'autres manu-:
facturiers avaient envoyé leurs échantillons les
plus beaux et les plus variés.
Les connaisseurs s'arrêtaient devant les produits
de M. Nourrigat de Lunel et Chambon d'Alais,
qui se livrent avec succès à l'art si difficile de l'é
lève des vers à soie. A côté de leur exposition se
trouvaient aussi les ingénieuses machines cons
truites par M. Michel pour la filature.
A côté de ces produits de l'industrie du Gard,
il faut signaler une industrie nouvelle etdéjà
prospère, celle de la préparation des peaux : M.
Victor Saltet exposait de beaux échantillons de
peaux refendues à l'aide d'ingénieuses machines,
et destinées aux usages si nombreux de la cha
pellerie, de la reliure, de la ganterie, de la pape
terie, etc.
» Enfin, on trouvait à l'entrée des salles les
produits de la fonderie de M. Maignon-Dollet : ce
FEUILLETON OU CONSTiTUTlDKKÉL, 5 OCTOBRE-
EE¥!ÎE MUSICALE.
i.-iSTiTiT de fbakcb : Séance publique annuelle de
l'Académie des Beaux-Arts. — tii£atiiss-i.ybiqub :
Flore et Zephir, opéra-comique en un acte, paroles
de 113?. de Leuwen et Des Lys,musique de M. Gau
thier.— un voe i;
Il ne faudrait pas trop se laisser prendre à
ces mots trompeurs: Séance publique annuelle
de l'Académie des Beaux-Arts. Le public est
exclu de ces séances avec une sévérité in
flexible. Ce n'est qu'un petit nombre d'élus,
toujours lès mêmes, munis de billets d'entrée,
plus difficiles à obtenir qu'un diplôme, qui
pénètre sous la voûte sacrée du palais Maza-
rin, singulièrement fortifié et défendu en ces
jours solennels, par une triple enceinte
d'huissiers, de sergens de ville et de gar
des municipaux. Ce sont les femmes, les fil
les, les'nieces des immortels, personnes
d'un âge indécis, qui participent plus ou
moins de l'immortalité de leur père, de leur
mari ou de leur oncle; ce sont quelques
jeunes amies des plus illustres membres du
docte aréopage, car souvent le dieu malin,
gai dez-vous d'en douter, entrelace d'un bou
quet de myrte les palmes n erles de l'Acadé
mie. Où irait se nicher la mythologie si on
ne lui faisait pas une pelite place parmi ces
vénérables-? La belle moitié du genre hu
main envahit les trois-quarts de la salle, et
ce n'est que par une extrême tolérance
qu'/in y admet, côté des lauréats, quel
ques professeurs chargés de gloire et d'an
nées , qui siégeront peut-être à leur tour,
Sur les bancs de l'Institut, quelques person
nages officiels qu'aùcune consigne ne sau
rait atteindre, et deux ou trois journalistes
de ces grandes séances. On pourrait dire,
les yeux fermés, le nom de chaque specta
teur ou spectatrice, e.t la place qu'ils occu
pent, tant chacun est jaloux de son privi-
ége et fidèle à son poste. Tout 'est donc
f:
le
passé comme de coutume avec une régula-
rite parfaite et une précision mathématique.
A deux heures la séance est ouverte. On
aperçoit dans une galerie aérienne , à .vingt
pieds au-dessus de la tète du président, le
bout de l'archet de M. Battu, et un orchestre
invisible enfoncé dans des profondeurs in
connues, comme ces anges de terre cuite qui
jouent du violon, dans les nuages , exécute
une ouverture de M. Duprato, éleve deM. Le-
borne et pensionnaire, tout frais repu, de l'A-
caclémie de France à Rome. L'Académie, dans
son rapport, nous a parlé avec éloge d'une
symphonie de la façon de M. Duprato.11 paraît
que les deux premières parties de ce travail
sont remarquables par la facture et par le
style. En ce cas, je regrette qu'on ne nous
ait pas fait entendre la symphonie au lieu
de cette ouverture qui n'est qu'un pot-pourri
de motifs hongrois, et qui ressemble beau
coup moins à une ouverture qu'à une polka-
mazurka. On peut se réjouir, même à l'Ins
titut, mais il ne faut .pas empiéter sur les
droits du jardin Mabille et du Casino-I'a-
ganini.
Après cet air de danse, un très estimable
architecte, M. Blouet, s'est avancé vers la
petite table couverte d'un tapis vert, et pla
cée devant le bureau de la présidence, et a
lud'une.voix claire et intelligible 4e rapport
sur les envois des pensionnaires, rédigé par
- M. le secrétaire perpétuel. En priaut tantôt
l'un, tantôt l'autre de ses collègues de lire
son rapport annuel, M. le secrétaire a le
double avantage de ménager sa voix et de
faire,une niche aux rédacteurs des journaux,
qui rendent compte de la séance sans y avoir
assisté. Ces infortunés ne manquent jamais
de dire, sur la foi du programme, que le
.rapport a été lu par M. lîaoul-Rochette,
en personne, tandis que il n'a été lu, en effet,
que par 11. Lebas, il. Blouet ou M. Lemaire.
L'Académie dans ce.rapport^ discuté d'avan
ce dans les différentes sections, distribue le
blâme et l'éloge a\ec autant d'équité que de
sagesse; elle remplit un devoir en critiquant
publiquement les ouvrages des pensionnai
res de l'Etat; pas un mot de cette savante
andlvse ne devrait être perdu pour l'auditoi-
| i e. Ëh bieiil je l'avoue à ma honte et à la
confusion de tous mes voisins, aussitôt que
cette lecture commence, un engourdissement
Mal, invincible, magnétique pese sur toutes
les paupières, il n'y a qàe les quatre statues,
de Bossuet, de Fénelon, de Sully et de Dos-
cartes qui ne dorment pas.
Je me suis débattu tant que j'ai pu con
tre la rude étreinte de ce sommeil lelhargi-
que, j'ai attrapé par-ci par-là quelque lam
beau, quelque phrase du cet admirable rap
port.
Il y a un endroit (Je ne l'ai pas rêvé, j'en
suis sûr) où il est question d'un élève qui
aurait pris Thésée pour sujet de son tableau
ou de sa statue. L'Académie lui dit spirituel
lement, par l'organe de son rapporteur,
« qu'avant de faire un Thésée il faut bien
essayer ses forces. » J'ai saisi le coq-à-l'àne
au vol et je me suis rendormi.
La distribution des prix et le remue-mé
nage qui s'ensuit, et les bravos, les baisers,
les accolades, ont réveillé l'auditoire. Le
récit faisait place à l'action. C'est la jeunesse
incorrigible, turbulente et frondeuse de l'é
cole des Beaux-Arts, qui a sonné l'alarme
par des applaudissemens prolongés. On
commit l'ordre et la Inarche de ce couron
nement académique. Chaque lauréat, à l'ap
pel" de son nom, se lève et franchit comme
il peut les degrés qui le séparent du bureau
où s'entassent les couronnes. Une remarque
a été faite autour de nous : que cette année
tous les lauréats avaient bonne grâce et
bonne mine. Leurs traits sont distingués,
leur phvsionomiè intelligente, ils cherchent
sans embarras leuib professeurs dans les
rangs presses de- immortels et les embras
sent cordialement. .M. Caristie, l'honorable
président, avec une bienveillance un peu
agressiv e, leur \ eut poser sur la tète, à toute
force, de laurier glorieux, et les décoiile
sans pitié: mais ces jeunes gens, par une
abdication de bon goût, sameut leur mo
destie et leur coiliure.
M. Raoul-Itochette, avait cette foi?, dans
l'éloge de Sponliiii,unde ces sujets qui pas
sionnent tout auditoire d'élite et le suspen
dent, pour ainsi dire, à lalevrede l'orateur.
Il l'a traité avec son élégance,_ sa perspica
cité et sa réserve ordiaaireSk En racontant
la vie d'un homme qui a brillé sous trois ré
gimes successifs, et a rempli plus que la
moitié d'un siecle de l'éclat de son nom
et de ses succès, M. le secrétaire perpé
tuel s'est abstenu de toute allusion, de
tout rapprochement politique, et, en cela,
il a fait preuve de tact et de goût. Peut-
être eût-on désiré que le savant biogra
phe,en esquissant cette grande figure, qui
tient tant déplacé dans l'histoire deï'art,n'eût
pas oublié quelques, traits particuliers et dé
cisifs qui, sans diminuer en rien le mérite de
l'artiste, peignent le caractère de l'homme,
et nous expliquent parfaitement ce qifil y
avait parfois d'original et de bizarre dans
cette impétueuse et puissante nature. Je sais
bien que dans un éloge académique on célè
bre les qualités et on a grand soin de dissi
muler les faiblesses, si inhérentes qu'el
les soient à la condition de l'homme,* et
surtout de l'artiste. Mais faut-il, aussitôt que
votre héros' rencontre un obstacle dans sa
' carrière, attribuer tous les torts aux con
temporains, et ne point faire la part des sus
ceptibilités d'une complexion nerveuse, irri-
taDle et délicate, d'une ame ardente et pas
sionnée, où l'amour de l'art se' confond na-
turellementetsans qu'on s'en aperçoive avec
une soif inextinguible de gloire, de distinc
tions et d'honneurs, où le sentiment légiti
mé de sa propre force et de sa propre valeur
rend, souvent le meilleur des hommes injus
te et même ingrat envers les autres!
M. Raoul-Rochette a t ouvé de chaleureu
ses paroles pour louer la générosité et la
piété de l'illustre auteur de la Vestale qui,
sur la .fin de sa vie, a doté son pays natal de
nombreuses institutions de bienfaisance •; il
a adressé une touchante apostrophe à la
veuve de Spontiui qui assistait en grand
deuil à cette séance et mêlait ses soupirs et
ses larmes aux éloges si mérités dont on
venait d'honorer la mémoire de' son mari.
L'assemblée, partageant cette émotion sym
pathique, a' voulu s'associer par ses applau
dissemens à l'hommage rendu par l'orateur
à cette noble et sainte femme, ange de bon-
të et de douceur, dont la vie entière n'a
été qu'une longue adoration du grand gé-
aiej qui après Dieu,- était tout pour elle.'
Le passage le plus écouté et le plus ap
plaudi de cette intéressante notice a été ce
lui où l'historien nous a peint la jeunesse de
Spontini, ses premières amours et ses pre
miers succès, son escapade et sa fuite du Con
servatoire de Naples : «Naples, dit M. Raoul-
Rochette (et l'on comprend pourquoi je ne
résiste pas à citer tout au long cette page) ,
Naples était depuis plus d'un demi-siè
cle la grande école et le principal théâtre de
la musique italienne. Tandis qu'au Conser
vatoire, des maîtres célèbres, tels que Sala,
Tritta et Fenaroli, enseignaient tous les se
crets du contre-point et toutes les théories
du chant, au théâtre, des compositeurs, tous,
hommes de génie, avec des talens divers,
Paisiello, Piccini, Cimarosa, Fioravanti, se
disputaient les applaudissemens d'un public
idolâtre. Tel fut le double enseignement au
quel se trouva livrée la jeunesse de Spon
tini, enseignement à la fois charmant et
fécond, puisqu'il réunissait aux avanta
ges solides de l'étude le spectacle at -
trayant de la gloire. Notre jeune musicien
se montra de bonne heure digne d'être, élevé
à une pareille école. Tout en satisfaisantaui
devoirs de la classe et aux obligations de la
fugue, ilcomposaitdéjàdes cantates, desora
torios, et jusqu'à des morceaux' de musique
théâtrale, qui méritèrent d'être exécutés sur
la scene, parmi des opéras de Cimarosa, à la
satisfaction de Cimarosa lui-même. Alors et
plus tard encore, en Italie, il était d'usage que
les grands compositeurs employassent dans
leurs ouvrages des morceaux de jeunes mu
siciens, qui s'exerçaient ainsi devant le pu
blic, à l'abri d'un nom illustre, et pour qui
c'était un rare avantage de débuter dans un
opéra de Paisiello ou de Cimarosa, plutôt que
dans le leur. Il y avait là déjà, pour notre
jeune compositeur, un premier succès, bien
propre à développer son talent; mais ce fut
aussi pour lui l'occasion d'une première fau«-
le, dans laquelle il eût été bien difficile qu'un
musicien de vingt ans ne se laissât pas en
traîner, &t qui ne pouvait être expiée que
par un triomphe.
« Un directeur du théâtre de Rome, qui
avait entendu, dans un ouvrage applaudi de
Ginaarosa. ®»ve'?aux de Spontini > fut
bien faite
t accom-
^ qui pou-
un artis-
i une pa-
u\ passe-
du Conser-
dans le plus
charmé de la musique de l'élève du Conser
vatoire, et lui fit proposer d'écrire un opéra
pour son théâtre. La propositif
pour tenter un jeune t dent
pagnée de toutes h*>siducw
vaient s'offrir à l'imagmatio
te. Spontini ne . put i i
reille tentation. Muni d'un
port, il s'échappa fui tnemun
vatoire de Naples, et il arriva
grand secret à Rome, où il comptait n'avoir
d'autre embarras que celui de composer un
opéra. Mais c'était a cette épreuve que l'at
tendait'la fortune, pour lui ménager un suc
cès en lui donnant une leçon. Presque
tous les v grands compositeurs de l'Italie ,
Marcello de Capoue, Angelini, Persiehini,
Grazioli, Cimarosa, s'étaient donné rendez-
vous à Rome, dans ce carnaval de 1796,
pour s'y disputer les honneurs de la scène.
En voyant apparaître sur le théâtre de leur
vieille renommée l'échappé du Conservatoire,
ce fut parmi eux un cri général, pour faire
sortir de Rome ce concurrent inconnu,
en faisant rentrer à l'école cet élève indisci
pliné. La clameur fut telle, que notre jeune
compositeur fut sur le point d'en être acca
blé. A la fin, la protection du gouverneur de
Rome, sous laquelle il avait réussi à se .pla
cer, lui sauva l'affront d'un pareil retour a
Naples ; il obtint la permission de rester à
Rome et d'y composer son opéra. Dans le
trouble de son esprit, autant que dans la.
première verve de son talent, six semaines
lui suffirent pour écrire et pour mettre en-
scène cet opér a, i Puntigli delle donne, son
premier ouvrage, qui fut joué à Rome le 26
décembre 1796, et qui obtint un succès d'en
thousiasme. » .
Et plus bas M. le secrétaire perpétuel rend
à mon' pays cette éclatante justice, que je ne'
pourrai non plus passer sous silence :
« L'Italie seule, avec son beau ciel et sa
langue harmonieuse, avec ses mille théâtres
et son peuple enthousiaste, peut produire ce
phénomène d'un musicien qui est encore à
l'école, et qui fait jouer six opéras dans une
année, et cette merveille d'un art où l'édu
cation. se commence par le. Conservatoire et
s'aèhêve par le pulïlro, où les aimées îfe li-
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