Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-09-19
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
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Description : 19 septembre 1852 19 septembre 1852
Description : 1852/09/19 (Numéro 263). 1852/09/19 (Numéro 263).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMÉRO 263.
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PARIS, 18 SEPTEMBRE
VOYAGE DU PRINCE-PRÉSIDENT.
Lé prince-Président doit arriver ce soir à
Saint-Etienne. Là, comioe dans tous les dé-
partKmens qu'il a parcourus depuis le com
mencement de la semaine, les populations
rurales s» 1 préparaient avenir le saluer, mai
res et cures -en tête. Les habitaos des cam
pagnes, trop éloignés pour venir à la ville,
avaient résolu de s'échelonner sur sor pas
sage de Roanne à Saint-Etienne, heureux
de s'associer ainsi aux fêtes des deux chefs-
lieux.
Un convoi extraordinaire du chemin de
fer devait partir hier matin de Saint-Etien
ne pouç Roanne, afin d'y transporter les au
torités et les curieux qui ne voulaient pas
attendre à Saint-Etienne l'arrivée du prince.
M. le général de CastelUne, commandant
la v 6* et la 7» divisious militaires, et M. 6i-
lardin, procureur général près la cour d'ap
pel de Lyon, devaient se trouver à Roanne
pour l'arrivée du pririre.
A Saint-Etienne, on a quelque peine à re
tenir les ouvriers dans 1rs ateliers, et on re
marque déjà dans la ville un grand nombre
d'étrangers venus des dép'artemens voisins.
Tout annonçait que, le 48 et le 19, Suint-
Etienne' ressemblerait à unimmensecaravan-
séivil, où l'on verrait affluer les populations
descendues des montagnes de la Haute-Loire
et cdles accourues des extrémités de l'arron
dissement.
On parle aussi d'un aigle colossal com
mande par la compagnie des Mines de la
Loire, et pour lequel on n'emploiera que d u
charbon de terre soumis à une espèce de
cristallisation. La compagnie devait présen
ter tous ses ouvriers endimanchés au prin
ce-Président, et on assure que pour conser
ver le souvenir de cette présentation,' il sera
offert à ces braves gens un dîner qui doit
compter 8 000 couverts.
."Voici liisérie dos dépêches officielles sur le
voyage du prince-Président de Nevers à Mou
lins et sur son séjour dans cette ville :
Moulins, le 16 septembre
Le prince-Président est arrivé à Moulins à deux
heures; malgré la pluie, son entrée a cté un véri
table triomphe.
Un concours immense de populations accourues
du département de l'Allier et des départemens li
mitrophes, a accueilli le prince parle cri unanime
de: [ice l'Empereur !
Le prince s'est rendu à la cathédrale, où il a été
reçu par l'évèque à la tête de son cltrgé.
•Les cris de Vive l'Empereur ! n'ont pas cessé de
retentir pendant le défilé de la garde nationale et
des troupes de la garnison.
Dans toutts les localités traversées par le prince
de Nevers à Moulins, sa voiture était couverte de
fleurs ; des arcs de triomphe étaient dressés sur
£0* passage; l'élan des populations dépasse tout
es qu'on "peut dire.
A Moulins, le prince a visité les hôpitaux et
laissé partout des marques de-sa munificence.
Moulins, le 17, à six heures
.et demie du matin.
Le prince-Président s'est rendu hier soir, à neuf
heures, à Phôtel-dc-ville ; il a ouvert le bal avtc
Mme la comtesse Guyo.l, femme du préfet; il avait
en lace de lui le préfet, qui dansait avec la femme
du maire de Moulins. Le prince a été accueilli sur
son passage par les acclamations d'un» foule im
mense. Les cris de Vive Napoléon! mais surtout
de Vive l'Empereur ! ont fait plusieurs fois explo
sion pendant le bal. Le prirrce s'est retiré à dix
heures, reconduit à la préfecture par le» mêmes
cris d'enthousiasme. Il s'apprêt* à quitter la ville
à huit heures, et déjà les abords de la préfecture
sont envahis par une foule compaete. La pluie
tombe toujours à flots.
Moulins, le 17, à hui„t heures du matin.
Le prince a été accueilli hier soir, en se'rendant
au bîl de l'hôtel-de-ville, et au bal lui-même, où
se pressait l'élite de la société de tout le départe
ment, comme il l'avaitété, à son entrée à Moulins,
par les acclamations unanimes de Vive VEmpe
reur ! Le même élan de sympathie l'aceompagné en
ce moment dans les rues de Moulins, qu'il traverse
en se dirigeant sur Romne.
La santé du prince est aussi bonne que possible.
Nous ajouterons à ces dépêches quelque,?
extraits des correspondances officielles :
toir, a ùn peu contrarié les préparatifs faits sur
la reute que le prince avait à parcourir ; mais elle'
n'a pas diminué l'enthousiasme de» populations.
Le» habitans du 'Bourbonnais, comme ceux du Bcr-
ry et de la Nièvre, ont montré un empressement,
un« ardeur indiciblts à se perter à sa rencontre,
et ont fait éclater efi sa présence les transports de
la plus vive sympathie.
» Le conseil général dù département de l'Allier,
dans sa deruiere séance, avait voté une adresse au.
Prince pour demander la stabilité et la' consolida
tion de ses pouvoirs ; le peupla a plus que sanc
tionné , par ses acclamation!;', le vote du conseil
général: on n'a entendu qu'un cri, celui-de Vive
l'Empereur !
» Le maire de la . ville de Moulins a adressé au
Prince le di-cours suivant :
« Prince,
» La ville de Moulins, que j'ai l'honneur de repré
senter, attend avec impatience Votre Altesse impé
riale dans ses murs.
» Les sentimensde la nombreuse population qui se
presse sur votre passage me sont d'autant plus fa
ciles à exprimer, que je les éprouve moi-même.
» La-ville de Moulins, qui a toujours lutté avec
énergie et convictian contre l'esprit de désordre, a
été saisie d'admiration et pénétrée de reconnaissance
pour vous, lorsque l'acte héroïque du 2 décembre
tira la France de l'anarchie.
» Aujourd'hui, Prince, que le-vertige des mau
vaises doctrines est comprimé et que l'ordre est as
suré, la confiance se rétablit partout; mais, pour
conjurer désormais les orages politiques, quelque"
lointains qu'ils apparr.isst.nl; pour affermir lu sécu
rité dans l'avenir, pour complet r e fin votre œuvre
de réparation, nos populations n'aspirent qu'à la
stabilité de votre puissance.
» Leurs vœux seront exaucés lorsque les destinées
futures de la France vous seront irrévocablement
confiées.
» Tels sont, prince, les sentiméns qui animent
l'ancienne cité dont je suis fier d'être aujourd'hui le
fidèle interprèle auprès de Votre Altesse, impériale.
» Le 16 septembre sera un jour mémorable pour
elle.
» Vive Loui.î-Napol'on ! »
« Une explosion de cris de Vive l'Empereur !
a répondu à la voix du maire.
» Le prince-Président a écouté ce discours de
bout d»ns sa voiture èt découvert. Il a remercié le
nuire en termes affectueux des sentimens qu'il
lui exprimait au nom de la ville de, Moulins. Il
s'est rendu ensuite à la cathédrale au milieu du
même concours de peuple et des mêmes cris par
tout répétés : Vive l'Empereur !
» Mgr de Dreux-Brézé, évêque de Moulins, est
venu recevoir le prince à l'entrée du porche de
l'église, et loi a adressé le discours suivant :
o Monseigneur,
» Qu'il mé.soit permis, en ce moment solennel, de
"vous adresser l'hommage d'un double re r er lmrnt.
Il a trait à un double bienfait digne de la reconnais
sance spéciale de l'Eglise. Le prunier, c'est de lui
avoir rendu la liberté d'action nécessaire pour éten
dre et assurer sou heureuse influence; le second,
d'avoir compris que la nati«n française, laissée à se»
tendances naturelles, demeure toujours la nation
tiès chrétienne entre toutes les autres, et que la (oi
de ses pères est encore pour elle, après tant de se
cousses, le premier besoin de son intelligence et de.
son cœur.
» Si l'exiguité de cette enceinte n'y formait un
douloureux obstacle, une population plus nombreu
se, en joignant ici ses vœux et ses remercîmen- aux
au.r s, vous en aurait donné une manifestation von-
solante. -
» Permettez-moi, Monseigneur, d'espérer qu'une
parole créatrice, tombée ch votre bouche, ouvrira
dans ce diocèse, au siège principal de la priere, un
plus convenable asile. . - -
» La première expression de notre reconnaissance
sera de demander à Dieu, avec les grâces qui sanc
tifieront votre mission dans le temps , la gloire qui
en sera la récompense dans l'éternité. »
» Le prince a remercié Mgr l'évèque des vœux
qu'il voulait bien lui adresser. -
a Je connais, a-t-il dit, la foi çt la charité que
» vous pratiquez dans votre diocèse, et vous pou-
» vez être persuadé que je ferai tous mes efforts
» pour m'y associer. »
» Le prince a été conduit processionnellement
dans le chœur, où le Domme salvum fac Napeleo-
néin a été chanté.
» De là, le prince est allé à la préfecture, où il
s'est placé sur le balcon pour assister au défilé des
troupes, de la .garde nationale, des anciens mili
taires de l'Empire, des cantons et des communes,.
Lqs cris de: Vivn l'Empereur! n'ont ce*sé de se
faire m tendre. La pluie continuait, mais la foule
semb^it redoubler d'empressement et stationnait
autourdë l'hôtel. '. i
» A cinq heures, le prince a reçu dans leî sa
lons de la préfecture les fonctionnaire* du dépar
tement et les deputatious des départ- meus pircon-
voisins, qui étaient venues lui offrir leurs homma
ges. Ce sont les dépaitemens du Puy de Dôme, de
la Creuse et du Cantal.
» Pendant la réception ds autorités, le prince
s'est entretenu avec les chefs des divers servn es *
sur les besoins de là localité. 11 a appris "avec in
térêt que depuis quelques mois le commerce et
l'industrie avaient repris une activité nouvelle et
que tout faisait présager une prospérité durable a
ce pays qui avait tant souffert depuis quatre ans.
» Le prince a répondu à M. le premier président
de la Cour d'appel de Riom, qui le félicitait d'avoir
sauvé la France :
« Je vous remercie des lentimens que vous me
» témoignez; mais ce n'est pas à moi seulement
» qu'il faut attribuer l'honneur d'avoir sauvé le
u pays; c'c st aussi à, tous les hommes d'énergie
» qui, comme vous, m'ont aidé dans la tâche df-
» ficile que j'ai entreprise, et que, grâce à votre
» concours,-j'espère mener à bdnae fin. » -
v Le dsyen du conseil général du Puy-de-Dô
me, M. Teyrasse, ayant exprimé le. vif regret dés
hubitans de l'Auvergne de ne point r site, le prince lui a donné l'espérance qu'il se ren
drait en Auvergne lors de l'inauguration du che
min de fer de Clermont-Ferrai»d. :
» A six heures, un grand concert a eu lieu à la
préfecture; il était ©ffert par le prince.
» A huit heu-es, les'salons de l'Hôtel-de-Ville
se sont ouverts pour recevoir les nombreux invi
tés au bal que la municipalité a offert au Prince.
Le prince s'y est rendu à neaf heures. Pendant le
trajet, les cris de Vive l'Empereur] n'ont cessé de .i
se faire entendre.
d La municipalité de Moulins avait inauguré la :
fêle par une disttibufion d'aumônes aux pauvres
de la ville ; le prince a voulu la terminer par une
bonne œuvre, en faisant distribuer une somme de
2 ,060 fr. aux anciens militaires de l'Empire. »
Le gouvernement a rt.çu aujourd'hui la
dépêche télégraphique suivante :
«Le prince est airivé à Roanne à quatre heures
de l'après-midi, au milieu d'un immtnse concours
de populations.
» Reçu à l'«ntrée de la ville par les autorités et
par une cavalcade d'honneur, il a été s-.lué parles
acclamations unanimes et entliDiiriistes d'une po
pulation pleine encore des souvenirs laissés psrmi
elle par l'Empereur, qui l'a w-fée deux fois, et
par l'héroïque armée de l'a Loire. Les c:is mille
ibis répétés de"vive Napoléon ! vi,oe l'Emp rfur !
ont accompagné le prince jusqu'à la sou£- t T*'fec-
tnre, où des jeunts filles vêtues de. Llanc lui ont
présenté des fleurs.
» La marche du prince à travers la ville, com
me à travers les campagnes qu'il vient de parcou
rir, a été un véritable irioroplie. L'élan et la joie
des populations ne se peuvent déyire.
» Partout la religion les consacre par la présen
ce de ses ministre et par 1< s actions de graees
•qu'ils adressent »u ci 1.
» A six heures, le prince est so'ti en ealèrhe
découverte avec le ministre de l'intérieur, le pré
fet et le maire; il a parcouru la ville sans efeorte.
L'enthousiasme est au comble. Les réjouissances
de la soirée seront dignes de cette brillante récep
tion et du chaleureux dévoûment de la popula
tion.
» La santé du prince continue à être excellente.»
DÉPÊCHE TÉLÉGRAPHIQUE.
Bruxelles, samedi.
Par arrêtés royaux, la démission de M.
Frère-Orban a été acceptée. M. Liedts est
chargé provisoirement du ministère des fi
nances. Les chambres sont convoquéespour
le 27 courant.
Un ordre du jour de l'empereur de Rus
sie, en date du 8 septembre, vient de modi
fier la composition du cabinet russe. M. le
général de cavalerie Tehernyscheff,. qui rem
plissait depuis vingl-cinq ans les fonctions
de ministre de la guerre, vient, sur sa de
mande, d'être déchargé de ces fonctions,
tout en conservant la présidence du conseil
de l'empire. Il et-t remplacé par le prince
I)i>]goioi;ki l, qui lui élait déjà adjoint dans
la direct on de ce département.
Les généraux de B^rg I et IgnatiefF l sont
nommés membres du conseil de l'empire.
Le même ordre du jour contient diverses
promotions dans les rangs supérieurs de
1 armee russe. -
La malle de l'Inde est arrivée à Marseille
le 15 septembre au matin. Les nouvelles de
Calcutta sont du 8 août; celles de Bombay
manquent. On reçoit par cette malle des
journaux de l'île de la Itéunion jusqu'au 6
juillet : ils ne renferment rien d'important.
Nous ne fesons.pas nos correspondances
de Conslamiriople à Paris. Nous nous bor
nons à extraire les nouvelles qu'un homme
bien informé nous transmet fortexaciement
. depuis plusieurs années, et nos lecteurs ont pu
voir que ses informations se sont bien rare
ment trouvées contredites par les faits offi
ciels. \
On nousareproché d'avoir signalé l'insuf
fisance des nouveaux ministres. Notre cor
respondant ne s'exprimait pas ainsi; il par
lait seulement de l'insuffisance des hommes
appelés à les seconder, et il prévoyait qu'on
devrait renforcer le divan de quelques capaci
tés, si l'on voulait que les affaires marchassent
d'une façon satisfaisante. C'est encore sou
opinion; et il nous écritdenouveau,àladate
dub septembre, quequelques-uns des nom
bres du cabinet seront infailliblement rem
placés par des hommes plus populaires et
surtout plus capables.
Le grand visir était pénétré lui-même dé
çetle.>'éiité au momerit de son élévation au
poste éminent qu'il'occupe .aujourd'hui ;
mais il paraît qu'il a rencontré en haut lieu
des obstacles aux modifications qu'il a pro
posées dès l'abord. On espérait que lé sultan
finirait par comprendre la nécessité de don
ner à son cabinet la Jorce et l'homogénéité
qui lui manquent,en y introduisant des gens
qui jouissent de la confiance tt de l'estime
publiques, à l'égal d'Ali-Pacha et de Fuad-
EflVndi.
Ce qui fait principalement défaut à l'ad
ministration actuelle , c'est une volonté fer
me; elle n'a ni l'énergie ni l'initiative sans
. lesquelles l'autorité hésite à chaque pas et
n'ose faire aucune espèce de tentative pour
sortir d'une routine funeste. La faiblesse du
gouvernement, qui n'était plus un mystère
pour personne, causait un malaise univer
sel qui se traduisait chez toutes les classes
de la population en plain'eset enmurmui es.
-Oh avait beaucoup parlé,, depuis le com
mencement du mois, du retour probable de
Ahmed Fethi-Pacha au pouvoir, à la suite
de l'invitation qui lui avait été faite de se
rendre au palais. Le sultan l'a très bien ac
cueilli ; mai.-, pour le moment, tout s'est
borné à des témoignages de bienveillance.
Toutefois, les amis de ce haut dignitaire au
guraient bien de cette circonstance.
Quant à Réchid-Pacha, il n'était pins ques
tion de sa rentrée prochaine aux affaires.
On sait seulement que le sultan continue à
lui porter beaucoup d!intérêt, et qu'il saisit
toutes les occasions de lui en donner de nou
velles preuves. Ces sentimens du souverain,
joints a la position de l'un des fils de l'ex-
grand-visir au palais, et à l'affection tonte
particulière que le sultan a pour Ghalib-Pa-
cha (autre fils de Réchid-Pacha), qu'il a lui-
même désigné pour son gendre futur, ne
permettent guère de croire que la reti aite de
cet homme d'Etat soit définitive.
On commençait à se préoccuper à la Porte
de la maladie du bey de Tunis et de la pro
babilité dp sa mort prochaine. Ce serait là
un événement qui pourrait donner lieu à
des complications, car si la France est inté
ressée à désirer dans le nouveau chef de cette
régence la continuation des dispositions
favotab'es à sa politique, la Porte, fortement
soutenue en cela par l'Angleterre, chi rcheia
à diriger son choix dans un sens contraire.
En vue de l'éventualité de cette vacance , on
parle déjà de nommer un homme capable
de résister à toute influence étrangère.
-La province de "Van est en proie, depuis
quelque temps, à une irès grande irritation
occasionée par l'oppression qui pèse sur les
chrétiens. Des lettres du 14 août feraient
craindre de graves désordres, si la Porte ne
se hâtait pas de prendre des mesurés éner
giques pour mettre lin à un état de chosts
intolérable.
Les mômes lettres annoncent que le cholé
ra fait de grands ravages dans toutes les lo
calités situées sur le lac d'Ourmia. '
Le gouvernement venait de recevoir la
nouvelle de la mort du pacha de l'Yémen,
quelques jours après son arrivée à so'n'pos-
te. On prétendait qu'il avait été-empoisonné
avfc plusieurs personnes de sa suite, par le
cheik Hussein, qui, chef d'un puissant parti
arabe, ne veut pas se soumettre à l'autorité
d'un Turc. Le fait est. qu'en moins de
quinze mois, trois gouverneurs envoyés par
la Porte sont morts dans. l'Yémen.
De violens incendies ont éclaté dernière
ment à Amasia et à Apbiom-Karahissar,
dans la province d'Aïdin. Ces sinistres, qui
ont causé d'immenses d ommages, sont attri
bués à la malveillance. On écrit aussi d'An-
drinoplé que plusieurs tentatives.d'incendie
venaient d'avoir lieu dans cette ville.
1. B0NIF4CE.
;ous
Nous lisons dans l 'Ami de la Patrie,
la date de Clermont, le 16 :
« Hier, M. Gidon, secrétaire de M. le commis
saire de police en chef de Clermont, se rendit,
accompagné d 'un agent , dans la commune
d'Aubière, pour y procéder à l'arrestation du
numtné Jallu (Antoine), soupçonné d'être l'au
teur pu l'un des auteurs des coups de fusil
tirés dimanche , et qui ont blessé un habilant de
cette commune. Informés que 'l'individu qu'ils
avaient mission d'arrêter, en vertu d'un mandat
délivré par M. Faure, juge d'in.-truction, travail
lait au Petit-Pérknat, ils en prirent le chemin,
escortés par le. garde-champêtre. Arrivés au lieu
désigné, ils trouvèrent en ellet Jallu, à qui ils ex
hibèrent l'ordre dont ils étaient porteurs; mas au
moment où ils allaient l'amener à Clermont il prit
la fuite.
» M. Gidon se mit «ur-lc-champ à sa poursuit?,
et l'atteignit sur le bord d'un large fossé. Tous
deux roulèrent au fond. Jallu alors, saisissant
à la goige son adversaire.allait peut-être lui faire
un mauvais parti,quand l'agent et le gar le-tham-
pètre arrivèrent à son secours. Jiilti n'eu continuait
pas moins la lutte; mais, atteintd'un coupdecanne
en éclianged'un violentcoupde poingqu'ilavait lan
cé, il se uiità crier: Au meurtre! à l'assassin ! Un as
sez grand nombre de ptr-sonnes survinrent, fai
sant mine de 1 b défendre ; mais le garde-cham[ è-
tre leur dit : « Je vous connais tous, et si vous
» tentez de délivrer le. prisonnier, il pourra vous
» arriver mal. » Ces mots suffirent pour contenir
l'assiiUnce, et les «gens' de l'autorité purent ac
complir |£ur mis-ion. Jallu fut conduit à la prison
de Clermont, ainsi qu'un autre individu passant
sur la route, récusé, dit-on, d'avoir excite à la rér
bellion contre les agens.
» Le nommé Thomas'Ebrly, dit le Soldat, ma
çon à Aubiéres , a été arrêté aussi hier comme
prévenu d'avoir pris une paît Jcttve aux évène-
mens de dimanche 12 septembre. »
Malgré les avertissemens f'onnés à plu
sieurs reprises, par l'autorité, un grand
nombre de personnes ont conservé chez elles
des armes de guerre dont elles se regardent
comme légitimes propriétaires, soit parce
qu'elles les ont achetées, soit parce qu'elles
les ont en leur possession depuis long -
temps.
Le préfet de police prévient les détenteurs
d'armes de guerre que l'autorité est décidée
à user avec rigueur des moyens en son pou
voir pour la réinti gr tion de ces armes dans
les magasins de l'Etat," et qu'ils doivent les
déposer à leur mairie sans le moindre délai,-
s'ils ne veulent pas s'exposer à des poursui
tes et à des condamnations. ( Communiqué.)
HOUVE1X&S ÉTRANGÈRES.
ANGLETERRE.
LONDRES, 1 7 septembre.—Le marquis de Douro
a reçu à Francfort la nouvelle de la mort du duc
de Wellington, et l'on vient d'apprendre son arri
vée à Douvres.
Le testament a été ouvert; le duc a exprimé le
vœu que l'on disposât de ses restes mortels d'après
les ordres de la reine. .
— Le très honerable Wil'iam Beresford, secré
taire d'Etat de la giierre. remplit les fonctions de
commandant en chef, des forces, jusqu'à ce qu'il
ait été nommé un successeur au Hue de Welling
ton. • • (Morniny-Herald.)
— Le bruit court que les amis du prince Albert
et du duc de Cambridge s'attendent à voir l'un ou
l'autre de ces royaux personnages nommés au
poste de commandant en chef. Voici, selon toute
apparence, les autres changemens qui seront ame
né.» par la mort du duc de Wellington : le comte
de Stair sera appelé au commandement de la gar
de; lord Hardinge sera constabie de la Tour. (Id.)
— Le nouveau parlement s'assemblera pour l'ex
pédition des affaires publiques, le jeudi 11 novem
bre. [Standard.)
DANEMARCK.
C openhague , 13 septembre. Le Journal officiel
publie l'ordonnance royale qui convoque la diète
pour 1e 4 octobre prochain. Jeudi prochain, le roi
passera une grande revue de troupes .sur le Norden-
feld. " (Boerstnhalle.)
ALLEMAGNE.
BERtiN, 14 septembre. — Mgr. Sibôur, arche
vêque de Paris, a dit hier la messe à l'égli-e de
Sainte-Hedwige; il sera présenté au roi aujour
d'hui. M. de Varennes, ministre de France, a
donné, hier, en l'honneur du prélat, un dîner, au
quel ont été invités plusieurs de nos ministres.
On croit que le voyage de l'archevêque en Alle
magne n'est pas touteà -fait, étranger à la politique.
[Journal français de Francfort )
Du; 15 septembre. —Les Etats de la cealilion on 4
demandé une prolongation du terme pour répon
dre à la déclaration prussienne du 3Q août. La pro
rogation leur a été accoriée jusqu'au 20 ; mais si
ce jour là ils n'ont pas répondu catégoriquement,
les négociations seront rompues.
AUTRICHE.
vienne , 12 septembre. — S. 'M. l'empereur a
été pris hier, dans l'ai rès-midi, d'une légère in
disposition, lique docteur Seeburger, médecin de S. M., attri
bue cette indisposition à un excès ne travail, le
monarque s'étant voué aux affaires dtrop d'ardeur; toutefois il pense que S. M. sera
bientôt rétdblie. La conférence qui devait être te
nue hier à Schœtibrunn n'a pu avoir lieu, et a'été
renvoyée à dem ân. (Gaz. de Leipzik.)
Du 13 septembre. — Dans des cercles bien in
formés, on parle d'une large amnistie îivèparée
pour les provinces italiennes, et qui serait pro
mulguée prochainement. Il est hors de doute que
les exilés qui dépensent tous leurs revenus à l'é
tranger, useraient immédiatement de la permis
sion qui leur serait donnée de revenir.
(Gazette de Breslau.)
COURS DE LA BOURSE.
PARIS, 18 SEPTEMBRE.
cocas ds clotom : le 17 te 18 hausse. bai«s» '
36/0aucompt. 77.70 77 90 » 20 » »
— Fin du mois. 77 90 78.20 » 30 » »
4 1/2 au eompt. 103 70 104. » » 30 » »
—Fin du mois. 1( 3 93 104.20 » 25 » »
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 19 SEPT.
L'OUVERTURE DE L4 CHASSE.
La veille du jour fixé par M. le préfet de
la Seine pour l'ouverture de la chasse, c'est-
à-dire le 3L du mois dernier, un élégant
. jeune homme de vingt-trois ans et un beau
vieillard de soixante se rencontrèrent dans
la salle d'attente du chemin de fer de Sceaux,
que]quesiniriiit".-avaQt que l'aiguille de l'hor
loge marquât l'heure du départ. lis portaient
tous les deux un accoutrement complet de
chasseur; leur toilette cyuégétiqae était irré
prochable de tout point; et depuis le fusil à
deux coups jeté négligemment sous le bras
casquette po:
reille, Robin-des-Bois en personne n'eût
rien trouve à reprendre à l'ensemble de ces
deux nemrods parisiens. À peine leurs re
gards se furent-ils croisé?, ils fendirent la
.foule qui les séparait, et marchèrent l'un
vers l'autre, la main tendue, la bouche sou
riante. .
— Bonjour, Boisgibert, bonjour, cher
ami, dit le vieillard en serrant avec effusion
la main du jeune homme.
— Enchanté de vous voir, M. Prélhibanf,
répondit Boisgibert qui restitua au vieillard
tt po jnée de main avec une cordialité em
pressée.
La place m'est heureuse à vous y rencontrer!
«omme l'a si bien dit... , allons , voilà
«on nom qui m'échappe, reprit M. Préthi-
"baut, qui eut l'air de gourmander sa mé
moire infidèle.
— Parbleu 1 comme l'a si bien dit M. de
Lamartine, interrompit Boisgibert.
Et puisque je retrouve un aœ si fidèlV
Ma foitune va prendre une face nouvelle !
continua le vieillard en fixant son petit œil
gris sur 'e jeune homme.
Mais celui-ci av. c assurance ;
— Oui. oui,j (sais dit-il ; les œuvres poé
tiques d'Alfred de Musset me sont familiè
res-
— Toujours aussi ignorant que par le
passé ! murmura le vieillard.
tt - Toujours aussi pédant quede coutum^l
pensa-le jeune homme.
— Est ce que Vaugiron vous aurait con
vié à ouvrir la chasse dans sa belle propriété
de Verrières? demanda Préthibaut après un
moment de silence.
—- Il m'a fait cethonneur ; et vous, sériez-
vous donc des nôtres ?
— Il ferait beau voir que je manquas-e à
la fête! ce serait la première fois depuis dix
ans.
— Décidémfnt, voilà Un heureux hasard,
dit le jeune homme.
— Un hasard spirituel, que je remercie de
tout mou cœur, repartit le vieillard.
— Pour ma part, croyez-le, j'en suis fort
aise.
— Et mai donc, j'en suis ravi!
— Ce cher M. Préthibaut I
— Cet excellent Boisgibert !
Et ]es poignées de main recommencèrent
avec un redoublement de cordialité et d'ef-
fnsion, à ce poiat qu'on eût été en droit de
penser que le vieillard et le jeune homme
étaient liés d'une intime amitié et qu'ils s'ai
maient d'amour tendre, comme l<-s deux pi
geons de La Fontaine. Eu réilité, ces de
hors affables voilaient uae antipathie ro
buste; et tanlis que hurs lèvres menteuses
entonnaient ces eavatines d'allégresse, voici
les récitatifs sombres que leurs cœurs psal
modiaient en sourdine :
— Comment diable Vaugiron a-t-il com
mis la faute d'inviter ce godelureau à venir
chasser sur ses terres? se demandait Préthi
baut. On n'est pas imprudent, on n'est pas
mari à ce degré-là! Ah! Vaugiron, tu fais la
.folie d'unir tes cinquante-deux automnes
un peu faaés aux dix-neuf printemps tout
. frais éclos d'une femme charmante, et tu vas
exposer, degaîté'de cœur, cette fille d'Eve aux
œillades assassines , aux propos doucereux,
aux insinuations provocantes de ce Don Juan
aussi nul que joli garçon? Ah çà I mon
vieux camarade, le bandeau conjugal est-il
donc si épais, est-il si bien tamponné, si
proprement ajuslésur tesyeux, que tu u'aies
rien entrevu de ce qui m'est apparu, à moi,
aussi prrceptihle, aussi palpable que la co
lonne d« Juillet sur la place de la Bastille ?
Tu ne soupçonnes donc pas ce qui se pas-e,
à savoir que le jeune Maurice Boisgibert
qui est là, à m.es côtés, frisant les quatre
poils de sa moustache et faisant la bouche eu
cœur, est amoureux de ta femme! Tu nesafs
donc pas qu'aux bals, cet hiver, ii s'est cons
titué lé polkeur et le valseur assermenté
de ta belle moitié; qu'il l'accompagne au
piano lorsqu'elle soupire ces langoureuses'
romances dans lesquelles les maris jouent
depuis un temps immémorial uu si bête de
rôle ; qu'au théâtre il est invariablement
assis au balcon, les soirs où Mme Vaugiron
trône dans une avant-scène... Et tu l'invites
à loger sous ton toit stupidement hospita
lier : tu iulroduk le loup'dans la bergerie...
Ah ! morbleu ! si tu es' aveugle, j'y verrai
clair pour deux !
De son côté, Maurice Boisgibert se livrait
au monologue suivant :
—Jusque» à quind me poursuivras-tu, fata-
litéinaudite ?et pourquoi ce vieux bonhomme
que, je hais, se aresse-t-il incessammeat de
vant mol comme une vivante barricade?
Depuis un an, le fait est certain, il épie mes
démarches, il surveille m< s actions. Son œil
fauve a pénétré dans ma poitrine et fouiné
mon cœur d et les plu» ténébreux. Ai-je à faire à un rival?
ia supposition n'est guère admissible. Mme
Vaugiron est-elle sa fille,sasœur, sanièceou
sa pupille ? Il nVxi te entre euxaucuu bende
parenté, si mince qu'il soit. Pourquoi donc te
livre-t-il à cet odieux espionnage? Pourquoi
semble-t-il éprouver un diabolique plaisir à
déjouer toutes les combinaisons de ma stra
tégie amoureuse? 0 fatalité! à force de
marches, de démarches et de contremar
ches, à force de génie, on peut le dire,
jé parviens à me faire inviter par le soup
çonneux Vaugiron, et voici que ce Préthi
baut m'apparaît soudain avec ses sourires
frelatés et ses accolades mauvais teint ! Je le
croyais en Suisse, et je le retrouve à la bar
rière d'Enfer... Que le diable l'emporte !
Abîmé dans ses pensées, Boisgibett n'en
tendit point le sigual du départ; Préthibaut
1 i frappa sur l'épaule.
— Eh bien ! mon jeune ami, dit-il, où
donc s'égare votre esprit? est-ce que nous
travaillerions en secret à des tragédies mys
térieuses?— Mauvaise affaire par le temps
qui court !
— Hem? qu'y a-t-il? demanda Maurice
d'une voix effarée.
" — On part, et c'est .tout juste s'il nous
reste le temps de sauter dans uu wagon '
Les deux chasseurs prirent p'a e dans le
même corn parti ment; le mécanieen déchira
l'air de son sifflet strident, et la locomotive
de ce petit ch< min en spirale corqmeî ÇH le
cours de ses toiirnoimens, de ses circuits' et
de ses ïigs-zags, semblable à un buveur qui
descend, un dimanche soir, titubante gradu, la
pente rapide de la rue du faubourg du Tem
ple, tantôt batiant la chaussée, tantôt heur
tant les murailles.
Lorsqu'ils furent installés, Maurice tira de
sa poche uri petit peigne en écaille et le pas
sa amoureusement dans ses cheveux bouclés,•
à coup sûr, le beau Narcisse ne devait point
se peigner d'une autre façon. Quant à son
compagnon d« route, il fouilla dans son car-
nier, ou il prit deux volumes soigneusement
reliés en maroquin rouge.
-r Vous emportez dés livres à la campa
gne? demanda Boisgibert.
— C'est une vieille habitude et je n'y
manque jamais.
— La précaution n'est pas aimable.
— En quoi vous choque-t-elle ?
— N'est-ce point dire aux gens que le
charme de leur société ne constitue pas une
distraction suffisante J
— Vous oubliez, mon cher Maurice, que
j'ignorais totalement que vous seriez des
-nôires..
— D'accord, répondit le jeune homme
avec cette fine fleur de modestie qui caracté-,
rise ceux de son âge, mais convenez que la
chose n'est rien moins que. flatteuse pour
vos* hôtes.
— L'amitié ne m'abuse point ; Vaugiron
n'est pas amusant tous les jours. Il est doué
d'une amabilité intermittente.
— Oui, ma's sa femme...
— Oh ! sa femme, interrompit le malin
vieillard, sa femme est une petite personne
passablement insignifiante,
— Insignifiante! s'écria Boisgibert, in-'
signifiante!...
C'est un piège, pensa-t-il trop tard, et
il se mordit les lèvies jusqu'au sang.
—Touché ! murmura M. Préthibaut, de
qui lé visage ne sourcilla point.
— Quels sont donc ces pré* ïeux volumes?
demanda Maurice, qui avait hâte,de donner
un autre cours a cette conversation embar
rassante; cet élixir souverain contre l'ennui,
de quel nom s'app^llf-t-il?
—Il se nomme Gerfaut.
—Gtrfmd? répéu Boisgibert, à qui ces
deux syllabes parurent de i'hébreu, du sy
riaque ou du grec.
—Oui, Gerfaut. On dirait que ce roman
très remarquable vous est ineonnu ?
— A moi? je l'ai lu deux ou trois fois g.u
moins,
— Étes-vous bien sûr de l avoir lu une
seule fois?
— Parhleu! Balzac est mon auteur favori.
— B ilzac est assez riche de son propre
bien; il est inutile de lui prêter des richesses
qui ne sont point siennes.
— C'est Alexandre Dumas que je voulais
dire, reprit Maurice de qui les deux joues se
teignirent d'une vive ror g-ur.
— Vousjou-z de mailieur, mon cher;
M. Dumas n'est pas moias étranger que son
illustre confrère à la paternité de ce beau
livre.
— C'est juste, baibutia Boisgibert qui de
vint écarlate ; je me souviens à présent : c'est
M. Frédéric Souiié qui est l'auteur de Ger
faut.,
— Décidément, mon cher Maurice, vous
êtes ignorant comme une carpe et hâbleur
comme, un Gascon, s'écria le vieillard, dont
les rires sonores ébranlèrent les glaces du
wagon; Gerfaut est le chefd'œuvre d'un
écrivain distingué, M. Charles de Bernard,
que la mort a pris jeune, comme elle prend
la plupart des esprits d'élite. Décidément,
vous ne connaissez pas mon livre.
— Eh! Monsieur! interrompit Boisgibert
devenu cramoisi, de ce qu'on a oublié le nom
du romancier, s'ensuit-il qu'on n'ait pas lu
le 'roman? Eu vérité, vos raisonnemens ne
brillent guère par la logique. Je vous parie
quiuze louis qu'en moins de cinq minutes,
je ferai l'analyse fidèle, complète, minutieu
se, de cet ouvrage. ■
— Gardez vos cent écus pour votre mar
chand de parfums, reprit M. Préthibaut ;
vous avez sans doute chez lui uu compte
formidable, car, Dieu me pardonne, vous
sentez bon comme un coiffeur... Eu tout
cas, vous n'auriez pas le temps de faire vot»e
analyse ; nous sommes arrivés.
Effectivement, comme il parlait encore,
on entrait dans le parc de Sceaux ; deux tours
de roue conduisirent les voyageurs devant
l'embarcadère. Le cocher de M. Vaugiron
attendait les deux chasseurs ; M. Préthibaut
s'installa dans la berline confortable de son
vieil ami.
— Eh bien ! Maurice, vous ne montez pas?
demanda le vieillard.
— Je ferai la loute à côté du cocher, ré-
pliquale jeune homme. Je pourrai fum r tout
à mon aise, et je sais que vous détestez l'o
deur du tabac,.
Y qus ièvez, mon garçon, voilà trente-
cinq ans que je fume comme un poêle, dit
M. Préthibaut en allumant un cigare de
choix.
Boisgibert, enchanté d'échapper au tête-à-
tête, fit comme s'il n'avait pas entendu; il
arracha le fouet des mains du cocher et lou
cha les chevaux, qtu enfilèrent au graud trot
la route de Ve-rrières.
— Ah! je te prends en flagrant délit de
men-onge," et tu pousses l'audace jusqu'à
petvi-ifer dans tes hâbleries impertinentes,
se dit M. Préthibaut en se frottant les mains,
il t'en cuira, mon garçon; sur mou hon
neur , il t'en cuira 1 mon plan est fait; re
lisons un peu le dénoûinent de Gerfaut et
apprête-toi à recevoir une botte de longueur.
Il achevait sa lecture, lorsqu'on entra dans
la cour de M. Vaugiron.
— Comment ! s'écria le jeune homme, qui
sauta lestement à terre; vous lisez quand
vous êtes seul ?
— Oui.
— Vous vous ennuyez donc avec vous-
même ?
— Pourquoi n'avez-vous pas voulu coeIî »
nuer à in'amuser ?
— Me prenez-vous pour un bouffon? de
manda Maurice, qui se dressa sur ses ergots
comme un coq de combat.
— Le ciel m'en préserve! Je vous tiens
pour un galant homme de qui la conversa
tion est aussi instructive qu'intéressante.
— C'est à cause de ce méchant roman que
vous parlez ce langage radl'ur; mais je la
sais par cœur,votre Gerfaut !
— Nous verrons, dit M. Préthibaut; mais
silence, voici Vaugiron.
Le maître de la maison, un gros homme,"
haut en couleur, le favori grisonnant, s'ap
procha des nouveau-venus, salua assez froi-.
aement Boisgibert, et secona la main de Pré»
thibaut à Ipi désarticuler l'épaule.
— Enchanté de vous voir, Messieurs, dit- '
il àspshôtes. Monsieur Boisgibert, avez-vous
faim? avez-vous soif? Une collation vous at
tend. Voulez vous jouer au billard? Préfé
rez-vous faire un whist? Vous trouverez à*
qui parler au salon. Je vous demande la per
mission de causer un instant avec Préthibaut.
Vous voyez que je vous traite sans cérémo
nie; mais, à la campagne, entre amis, l'éti
quette et les gfaodes façons seraient complè-
tementdéplaiées. A" revoirdonc, et à bientôt,
Pailant ainsi, if passa son bras sous le
bras du vieillard, le.remorqua du rôté du
jardiiï, et tous d'eux disparurent bientôt der
rière un massif de charmilles.
—Mon cher Préthibaut, dit M. Yaugiron \
—wwww eassma-iawanBMii .—w»
Prix de l'abosHcmest. -
PARIS ET »EPARTESIENS :
8 FR. POUR TKOIS MOIS.
3» FR. POUR L'ANNÉE.
- UN NUMÉRO : 15 CENTIMES.
POUK LES PAYS ÉTRANGERS , Se repor-
ter au tableau publié dans le journal,
les 10 et 25 de chaque mois.
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TIONNEL'est, au-dessous de celui de,tous les
journaux politiques.
PARIS, 18 SEPTEMBRE
VOYAGE DU PRINCE-PRÉSIDENT.
Lé prince-Président doit arriver ce soir à
Saint-Etienne. Là, comioe dans tous les dé-
partKmens qu'il a parcourus depuis le com
mencement de la semaine, les populations
rurales s» 1 préparaient avenir le saluer, mai
res et cures -en tête. Les habitaos des cam
pagnes, trop éloignés pour venir à la ville,
avaient résolu de s'échelonner sur sor pas
sage de Roanne à Saint-Etienne, heureux
de s'associer ainsi aux fêtes des deux chefs-
lieux.
Un convoi extraordinaire du chemin de
fer devait partir hier matin de Saint-Etien
ne pouç Roanne, afin d'y transporter les au
torités et les curieux qui ne voulaient pas
attendre à Saint-Etienne l'arrivée du prince.
M. le général de CastelUne, commandant
la v 6* et la 7» divisious militaires, et M. 6i-
lardin, procureur général près la cour d'ap
pel de Lyon, devaient se trouver à Roanne
pour l'arrivée du pririre.
A Saint-Etienne, on a quelque peine à re
tenir les ouvriers dans 1rs ateliers, et on re
marque déjà dans la ville un grand nombre
d'étrangers venus des dép'artemens voisins.
Tout annonçait que, le 48 et le 19, Suint-
Etienne' ressemblerait à unimmensecaravan-
séivil, où l'on verrait affluer les populations
descendues des montagnes de la Haute-Loire
et cdles accourues des extrémités de l'arron
dissement.
On parle aussi d'un aigle colossal com
mande par la compagnie des Mines de la
Loire, et pour lequel on n'emploiera que d u
charbon de terre soumis à une espèce de
cristallisation. La compagnie devait présen
ter tous ses ouvriers endimanchés au prin
ce-Président, et on assure que pour conser
ver le souvenir de cette présentation,' il sera
offert à ces braves gens un dîner qui doit
compter 8 000 couverts.
."Voici liisérie dos dépêches officielles sur le
voyage du prince-Président de Nevers à Mou
lins et sur son séjour dans cette ville :
Moulins, le 16 septembre
Le prince-Président est arrivé à Moulins à deux
heures; malgré la pluie, son entrée a cté un véri
table triomphe.
Un concours immense de populations accourues
du département de l'Allier et des départemens li
mitrophes, a accueilli le prince parle cri unanime
de: [ice l'Empereur !
Le prince s'est rendu à la cathédrale, où il a été
reçu par l'évèque à la tête de son cltrgé.
•Les cris de Vive l'Empereur ! n'ont pas cessé de
retentir pendant le défilé de la garde nationale et
des troupes de la garnison.
Dans toutts les localités traversées par le prince
de Nevers à Moulins, sa voiture était couverte de
fleurs ; des arcs de triomphe étaient dressés sur
£0* passage; l'élan des populations dépasse tout
es qu'on "peut dire.
A Moulins, le prince a visité les hôpitaux et
laissé partout des marques de-sa munificence.
Moulins, le 17, à six heures
.et demie du matin.
Le prince-Président s'est rendu hier soir, à neuf
heures, à Phôtel-dc-ville ; il a ouvert le bal avtc
Mme la comtesse Guyo.l, femme du préfet; il avait
en lace de lui le préfet, qui dansait avec la femme
du maire de Moulins. Le prince a été accueilli sur
son passage par les acclamations d'un» foule im
mense. Les cris de Vive Napoléon! mais surtout
de Vive l'Empereur ! ont fait plusieurs fois explo
sion pendant le bal. Le prirrce s'est retiré à dix
heures, reconduit à la préfecture par le» mêmes
cris d'enthousiasme. Il s'apprêt* à quitter la ville
à huit heures, et déjà les abords de la préfecture
sont envahis par une foule compaete. La pluie
tombe toujours à flots.
Moulins, le 17, à hui„t heures du matin.
Le prince a été accueilli hier soir, en se'rendant
au bîl de l'hôtel-de-ville, et au bal lui-même, où
se pressait l'élite de la société de tout le départe
ment, comme il l'avaitété, à son entrée à Moulins,
par les acclamations unanimes de Vive VEmpe
reur ! Le même élan de sympathie l'aceompagné en
ce moment dans les rues de Moulins, qu'il traverse
en se dirigeant sur Romne.
La santé du prince est aussi bonne que possible.
Nous ajouterons à ces dépêches quelque,?
extraits des correspondances officielles :
toir, a ùn peu contrarié les préparatifs faits sur
la reute que le prince avait à parcourir ; mais elle'
n'a pas diminué l'enthousiasme de» populations.
Le» habitans du 'Bourbonnais, comme ceux du Bcr-
ry et de la Nièvre, ont montré un empressement,
un« ardeur indiciblts à se perter à sa rencontre,
et ont fait éclater efi sa présence les transports de
la plus vive sympathie.
» Le conseil général dù département de l'Allier,
dans sa deruiere séance, avait voté une adresse au.
Prince pour demander la stabilité et la' consolida
tion de ses pouvoirs ; le peupla a plus que sanc
tionné , par ses acclamation!;', le vote du conseil
général: on n'a entendu qu'un cri, celui-de Vive
l'Empereur !
» Le maire de la . ville de Moulins a adressé au
Prince le di-cours suivant :
« Prince,
» La ville de Moulins, que j'ai l'honneur de repré
senter, attend avec impatience Votre Altesse impé
riale dans ses murs.
» Les sentimensde la nombreuse population qui se
presse sur votre passage me sont d'autant plus fa
ciles à exprimer, que je les éprouve moi-même.
» La-ville de Moulins, qui a toujours lutté avec
énergie et convictian contre l'esprit de désordre, a
été saisie d'admiration et pénétrée de reconnaissance
pour vous, lorsque l'acte héroïque du 2 décembre
tira la France de l'anarchie.
» Aujourd'hui, Prince, que le-vertige des mau
vaises doctrines est comprimé et que l'ordre est as
suré, la confiance se rétablit partout; mais, pour
conjurer désormais les orages politiques, quelque"
lointains qu'ils apparr.isst.nl; pour affermir lu sécu
rité dans l'avenir, pour complet r e fin votre œuvre
de réparation, nos populations n'aspirent qu'à la
stabilité de votre puissance.
» Leurs vœux seront exaucés lorsque les destinées
futures de la France vous seront irrévocablement
confiées.
» Tels sont, prince, les sentiméns qui animent
l'ancienne cité dont je suis fier d'être aujourd'hui le
fidèle interprèle auprès de Votre Altesse, impériale.
» Le 16 septembre sera un jour mémorable pour
elle.
» Vive Loui.î-Napol'on ! »
« Une explosion de cris de Vive l'Empereur !
a répondu à la voix du maire.
» Le prince-Président a écouté ce discours de
bout d»ns sa voiture èt découvert. Il a remercié le
nuire en termes affectueux des sentimens qu'il
lui exprimait au nom de la ville de, Moulins. Il
s'est rendu ensuite à la cathédrale au milieu du
même concours de peuple et des mêmes cris par
tout répétés : Vive l'Empereur !
» Mgr de Dreux-Brézé, évêque de Moulins, est
venu recevoir le prince à l'entrée du porche de
l'église, et loi a adressé le discours suivant :
o Monseigneur,
» Qu'il mé.soit permis, en ce moment solennel, de
"vous adresser l'hommage d'un double re r er lmrnt.
Il a trait à un double bienfait digne de la reconnais
sance spéciale de l'Eglise. Le prunier, c'est de lui
avoir rendu la liberté d'action nécessaire pour éten
dre et assurer sou heureuse influence; le second,
d'avoir compris que la nati«n française, laissée à se»
tendances naturelles, demeure toujours la nation
tiès chrétienne entre toutes les autres, et que la (oi
de ses pères est encore pour elle, après tant de se
cousses, le premier besoin de son intelligence et de.
son cœur.
» Si l'exiguité de cette enceinte n'y formait un
douloureux obstacle, une population plus nombreu
se, en joignant ici ses vœux et ses remercîmen- aux
au.r s, vous en aurait donné une manifestation von-
solante. -
» Permettez-moi, Monseigneur, d'espérer qu'une
parole créatrice, tombée ch votre bouche, ouvrira
dans ce diocèse, au siège principal de la priere, un
plus convenable asile. . - -
» La première expression de notre reconnaissance
sera de demander à Dieu, avec les grâces qui sanc
tifieront votre mission dans le temps , la gloire qui
en sera la récompense dans l'éternité. »
» Le prince a remercié Mgr l'évèque des vœux
qu'il voulait bien lui adresser. -
a Je connais, a-t-il dit, la foi çt la charité que
» vous pratiquez dans votre diocèse, et vous pou-
» vez être persuadé que je ferai tous mes efforts
» pour m'y associer. »
» Le prince a été conduit processionnellement
dans le chœur, où le Domme salvum fac Napeleo-
néin a été chanté.
» De là, le prince est allé à la préfecture, où il
s'est placé sur le balcon pour assister au défilé des
troupes, de la .garde nationale, des anciens mili
taires de l'Empire, des cantons et des communes,.
Lqs cris de: Vivn l'Empereur! n'ont ce*sé de se
faire m tendre. La pluie continuait, mais la foule
semb^it redoubler d'empressement et stationnait
autourdë l'hôtel. '. i
» A cinq heures, le prince a reçu dans leî sa
lons de la préfecture les fonctionnaire* du dépar
tement et les deputatious des départ- meus pircon-
voisins, qui étaient venues lui offrir leurs homma
ges. Ce sont les dépaitemens du Puy de Dôme, de
la Creuse et du Cantal.
» Pendant la réception ds autorités, le prince
s'est entretenu avec les chefs des divers servn es *
sur les besoins de là localité. 11 a appris "avec in
térêt que depuis quelques mois le commerce et
l'industrie avaient repris une activité nouvelle et
que tout faisait présager une prospérité durable a
ce pays qui avait tant souffert depuis quatre ans.
» Le prince a répondu à M. le premier président
de la Cour d'appel de Riom, qui le félicitait d'avoir
sauvé la France :
« Je vous remercie des lentimens que vous me
» témoignez; mais ce n'est pas à moi seulement
» qu'il faut attribuer l'honneur d'avoir sauvé le
u pays; c'c st aussi à, tous les hommes d'énergie
» qui, comme vous, m'ont aidé dans la tâche df-
» ficile que j'ai entreprise, et que, grâce à votre
» concours,-j'espère mener à bdnae fin. » -
v Le dsyen du conseil général du Puy-de-Dô
me, M. Teyrasse, ayant exprimé le. vif regret dés
hubitans de l'Auvergne de ne point r
drait en Auvergne lors de l'inauguration du che
min de fer de Clermont-Ferrai»d. :
» A six heures, un grand concert a eu lieu à la
préfecture; il était ©ffert par le prince.
» A huit heu-es, les'salons de l'Hôtel-de-Ville
se sont ouverts pour recevoir les nombreux invi
tés au bal que la municipalité a offert au Prince.
Le prince s'y est rendu à neaf heures. Pendant le
trajet, les cris de Vive l'Empereur] n'ont cessé de .i
se faire entendre.
d La municipalité de Moulins avait inauguré la :
fêle par une disttibufion d'aumônes aux pauvres
de la ville ; le prince a voulu la terminer par une
bonne œuvre, en faisant distribuer une somme de
2 ,060 fr. aux anciens militaires de l'Empire. »
Le gouvernement a rt.çu aujourd'hui la
dépêche télégraphique suivante :
«Le prince est airivé à Roanne à quatre heures
de l'après-midi, au milieu d'un immtnse concours
de populations.
» Reçu à l'«ntrée de la ville par les autorités et
par une cavalcade d'honneur, il a été s-.lué parles
acclamations unanimes et entliDiiriistes d'une po
pulation pleine encore des souvenirs laissés psrmi
elle par l'Empereur, qui l'a w-fée deux fois, et
par l'héroïque armée de l'a Loire. Les c:is mille
ibis répétés de"vive Napoléon ! vi,oe l'Emp rfur !
ont accompagné le prince jusqu'à la sou£- t T*'fec-
tnre, où des jeunts filles vêtues de. Llanc lui ont
présenté des fleurs.
» La marche du prince à travers la ville, com
me à travers les campagnes qu'il vient de parcou
rir, a été un véritable irioroplie. L'élan et la joie
des populations ne se peuvent déyire.
» Partout la religion les consacre par la présen
ce de ses ministre et par 1< s actions de graees
•qu'ils adressent »u ci 1.
» A six heures, le prince est so'ti en ealèrhe
découverte avec le ministre de l'intérieur, le pré
fet et le maire; il a parcouru la ville sans efeorte.
L'enthousiasme est au comble. Les réjouissances
de la soirée seront dignes de cette brillante récep
tion et du chaleureux dévoûment de la popula
tion.
» La santé du prince continue à être excellente.»
DÉPÊCHE TÉLÉGRAPHIQUE.
Bruxelles, samedi.
Par arrêtés royaux, la démission de M.
Frère-Orban a été acceptée. M. Liedts est
chargé provisoirement du ministère des fi
nances. Les chambres sont convoquéespour
le 27 courant.
Un ordre du jour de l'empereur de Rus
sie, en date du 8 septembre, vient de modi
fier la composition du cabinet russe. M. le
général de cavalerie Tehernyscheff,. qui rem
plissait depuis vingl-cinq ans les fonctions
de ministre de la guerre, vient, sur sa de
mande, d'être déchargé de ces fonctions,
tout en conservant la présidence du conseil
de l'empire. Il et-t remplacé par le prince
I)i>]goioi;ki l, qui lui élait déjà adjoint dans
la direct on de ce département.
Les généraux de B^rg I et IgnatiefF l sont
nommés membres du conseil de l'empire.
Le même ordre du jour contient diverses
promotions dans les rangs supérieurs de
1 armee russe. -
La malle de l'Inde est arrivée à Marseille
le 15 septembre au matin. Les nouvelles de
Calcutta sont du 8 août; celles de Bombay
manquent. On reçoit par cette malle des
journaux de l'île de la Itéunion jusqu'au 6
juillet : ils ne renferment rien d'important.
Nous ne fesons.pas nos correspondances
de Conslamiriople à Paris. Nous nous bor
nons à extraire les nouvelles qu'un homme
bien informé nous transmet fortexaciement
. depuis plusieurs années, et nos lecteurs ont pu
voir que ses informations se sont bien rare
ment trouvées contredites par les faits offi
ciels. \
On nousareproché d'avoir signalé l'insuf
fisance des nouveaux ministres. Notre cor
respondant ne s'exprimait pas ainsi; il par
lait seulement de l'insuffisance des hommes
appelés à les seconder, et il prévoyait qu'on
devrait renforcer le divan de quelques capaci
tés, si l'on voulait que les affaires marchassent
d'une façon satisfaisante. C'est encore sou
opinion; et il nous écritdenouveau,àladate
dub septembre, quequelques-uns des nom
bres du cabinet seront infailliblement rem
placés par des hommes plus populaires et
surtout plus capables.
Le grand visir était pénétré lui-même dé
çetle.>'éiité au momerit de son élévation au
poste éminent qu'il'occupe .aujourd'hui ;
mais il paraît qu'il a rencontré en haut lieu
des obstacles aux modifications qu'il a pro
posées dès l'abord. On espérait que lé sultan
finirait par comprendre la nécessité de don
ner à son cabinet la Jorce et l'homogénéité
qui lui manquent,en y introduisant des gens
qui jouissent de la confiance tt de l'estime
publiques, à l'égal d'Ali-Pacha et de Fuad-
EflVndi.
Ce qui fait principalement défaut à l'ad
ministration actuelle , c'est une volonté fer
me; elle n'a ni l'énergie ni l'initiative sans
. lesquelles l'autorité hésite à chaque pas et
n'ose faire aucune espèce de tentative pour
sortir d'une routine funeste. La faiblesse du
gouvernement, qui n'était plus un mystère
pour personne, causait un malaise univer
sel qui se traduisait chez toutes les classes
de la population en plain'eset enmurmui es.
-Oh avait beaucoup parlé,, depuis le com
mencement du mois, du retour probable de
Ahmed Fethi-Pacha au pouvoir, à la suite
de l'invitation qui lui avait été faite de se
rendre au palais. Le sultan l'a très bien ac
cueilli ; mai.-, pour le moment, tout s'est
borné à des témoignages de bienveillance.
Toutefois, les amis de ce haut dignitaire au
guraient bien de cette circonstance.
Quant à Réchid-Pacha, il n'était pins ques
tion de sa rentrée prochaine aux affaires.
On sait seulement que le sultan continue à
lui porter beaucoup d!intérêt, et qu'il saisit
toutes les occasions de lui en donner de nou
velles preuves. Ces sentimens du souverain,
joints a la position de l'un des fils de l'ex-
grand-visir au palais, et à l'affection tonte
particulière que le sultan a pour Ghalib-Pa-
cha (autre fils de Réchid-Pacha), qu'il a lui-
même désigné pour son gendre futur, ne
permettent guère de croire que la reti aite de
cet homme d'Etat soit définitive.
On commençait à se préoccuper à la Porte
de la maladie du bey de Tunis et de la pro
babilité dp sa mort prochaine. Ce serait là
un événement qui pourrait donner lieu à
des complications, car si la France est inté
ressée à désirer dans le nouveau chef de cette
régence la continuation des dispositions
favotab'es à sa politique, la Porte, fortement
soutenue en cela par l'Angleterre, chi rcheia
à diriger son choix dans un sens contraire.
En vue de l'éventualité de cette vacance , on
parle déjà de nommer un homme capable
de résister à toute influence étrangère.
-La province de "Van est en proie, depuis
quelque temps, à une irès grande irritation
occasionée par l'oppression qui pèse sur les
chrétiens. Des lettres du 14 août feraient
craindre de graves désordres, si la Porte ne
se hâtait pas de prendre des mesurés éner
giques pour mettre lin à un état de chosts
intolérable.
Les mômes lettres annoncent que le cholé
ra fait de grands ravages dans toutes les lo
calités situées sur le lac d'Ourmia. '
Le gouvernement venait de recevoir la
nouvelle de la mort du pacha de l'Yémen,
quelques jours après son arrivée à so'n'pos-
te. On prétendait qu'il avait été-empoisonné
avfc plusieurs personnes de sa suite, par le
cheik Hussein, qui, chef d'un puissant parti
arabe, ne veut pas se soumettre à l'autorité
d'un Turc. Le fait est. qu'en moins de
quinze mois, trois gouverneurs envoyés par
la Porte sont morts dans. l'Yémen.
De violens incendies ont éclaté dernière
ment à Amasia et à Apbiom-Karahissar,
dans la province d'Aïdin. Ces sinistres, qui
ont causé d'immenses d ommages, sont attri
bués à la malveillance. On écrit aussi d'An-
drinoplé que plusieurs tentatives.d'incendie
venaient d'avoir lieu dans cette ville.
1. B0NIF4CE.
;ous
Nous lisons dans l 'Ami de la Patrie,
la date de Clermont, le 16 :
« Hier, M. Gidon, secrétaire de M. le commis
saire de police en chef de Clermont, se rendit,
accompagné d 'un agent , dans la commune
d'Aubière, pour y procéder à l'arrestation du
numtné Jallu (Antoine), soupçonné d'être l'au
teur pu l'un des auteurs des coups de fusil
tirés dimanche , et qui ont blessé un habilant de
cette commune. Informés que 'l'individu qu'ils
avaient mission d'arrêter, en vertu d'un mandat
délivré par M. Faure, juge d'in.-truction, travail
lait au Petit-Pérknat, ils en prirent le chemin,
escortés par le. garde-champêtre. Arrivés au lieu
désigné, ils trouvèrent en ellet Jallu, à qui ils ex
hibèrent l'ordre dont ils étaient porteurs; mas au
moment où ils allaient l'amener à Clermont il prit
la fuite.
» M. Gidon se mit «ur-lc-champ à sa poursuit?,
et l'atteignit sur le bord d'un large fossé. Tous
deux roulèrent au fond. Jallu alors, saisissant
à la goige son adversaire.allait peut-être lui faire
un mauvais parti,quand l'agent et le gar le-tham-
pètre arrivèrent à son secours. Jiilti n'eu continuait
pas moins la lutte; mais, atteintd'un coupdecanne
en éclianged'un violentcoupde poingqu'ilavait lan
cé, il se uiità crier: Au meurtre! à l'assassin ! Un as
sez grand nombre de ptr-sonnes survinrent, fai
sant mine de 1 b défendre ; mais le garde-cham[ è-
tre leur dit : « Je vous connais tous, et si vous
» tentez de délivrer le. prisonnier, il pourra vous
» arriver mal. » Ces mots suffirent pour contenir
l'assiiUnce, et les «gens' de l'autorité purent ac
complir |£ur mis-ion. Jallu fut conduit à la prison
de Clermont, ainsi qu'un autre individu passant
sur la route, récusé, dit-on, d'avoir excite à la rér
bellion contre les agens.
» Le nommé Thomas'Ebrly, dit le Soldat, ma
çon à Aubiéres , a été arrêté aussi hier comme
prévenu d'avoir pris une paît Jcttve aux évène-
mens de dimanche 12 septembre. »
Malgré les avertissemens f'onnés à plu
sieurs reprises, par l'autorité, un grand
nombre de personnes ont conservé chez elles
des armes de guerre dont elles se regardent
comme légitimes propriétaires, soit parce
qu'elles les ont achetées, soit parce qu'elles
les ont en leur possession depuis long -
temps.
Le préfet de police prévient les détenteurs
d'armes de guerre que l'autorité est décidée
à user avec rigueur des moyens en son pou
voir pour la réinti gr tion de ces armes dans
les magasins de l'Etat," et qu'ils doivent les
déposer à leur mairie sans le moindre délai,-
s'ils ne veulent pas s'exposer à des poursui
tes et à des condamnations. ( Communiqué.)
HOUVE1X&S ÉTRANGÈRES.
ANGLETERRE.
LONDRES, 1 7 septembre.—Le marquis de Douro
a reçu à Francfort la nouvelle de la mort du duc
de Wellington, et l'on vient d'apprendre son arri
vée à Douvres.
Le testament a été ouvert; le duc a exprimé le
vœu que l'on disposât de ses restes mortels d'après
les ordres de la reine. .
— Le très honerable Wil'iam Beresford, secré
taire d'Etat de la giierre. remplit les fonctions de
commandant en chef, des forces, jusqu'à ce qu'il
ait été nommé un successeur au Hue de Welling
ton. • • (Morniny-Herald.)
— Le bruit court que les amis du prince Albert
et du duc de Cambridge s'attendent à voir l'un ou
l'autre de ces royaux personnages nommés au
poste de commandant en chef. Voici, selon toute
apparence, les autres changemens qui seront ame
né.» par la mort du duc de Wellington : le comte
de Stair sera appelé au commandement de la gar
de; lord Hardinge sera constabie de la Tour. (Id.)
— Le nouveau parlement s'assemblera pour l'ex
pédition des affaires publiques, le jeudi 11 novem
bre. [Standard.)
DANEMARCK.
C openhague , 13 septembre. Le Journal officiel
publie l'ordonnance royale qui convoque la diète
pour 1e 4 octobre prochain. Jeudi prochain, le roi
passera une grande revue de troupes .sur le Norden-
feld. " (Boerstnhalle.)
ALLEMAGNE.
BERtiN, 14 septembre. — Mgr. Sibôur, arche
vêque de Paris, a dit hier la messe à l'égli-e de
Sainte-Hedwige; il sera présenté au roi aujour
d'hui. M. de Varennes, ministre de France, a
donné, hier, en l'honneur du prélat, un dîner, au
quel ont été invités plusieurs de nos ministres.
On croit que le voyage de l'archevêque en Alle
magne n'est pas touteà -fait, étranger à la politique.
[Journal français de Francfort )
Du; 15 septembre. —Les Etats de la cealilion on 4
demandé une prolongation du terme pour répon
dre à la déclaration prussienne du 3Q août. La pro
rogation leur a été accoriée jusqu'au 20 ; mais si
ce jour là ils n'ont pas répondu catégoriquement,
les négociations seront rompues.
AUTRICHE.
vienne , 12 septembre. — S. 'M. l'empereur a
été pris hier, dans l'ai rès-midi, d'une légère in
disposition,
bue cette indisposition à un excès ne travail, le
monarque s'étant voué aux affaires dtrop d'ardeur; toutefois il pense que S. M. sera
bientôt rétdblie. La conférence qui devait être te
nue hier à Schœtibrunn n'a pu avoir lieu, et a'été
renvoyée à dem ân. (Gaz. de Leipzik.)
Du 13 septembre. — Dans des cercles bien in
formés, on parle d'une large amnistie îivèparée
pour les provinces italiennes, et qui serait pro
mulguée prochainement. Il est hors de doute que
les exilés qui dépensent tous leurs revenus à l'é
tranger, useraient immédiatement de la permis
sion qui leur serait donnée de revenir.
(Gazette de Breslau.)
COURS DE LA BOURSE.
PARIS, 18 SEPTEMBRE.
cocas ds clotom : le 17 te 18 hausse. bai«s» '
36/0aucompt. 77.70 77 90 » 20 » »
— Fin du mois. 77 90 78.20 » 30 » »
4 1/2 au eompt. 103 70 104. » » 30 » »
—Fin du mois. 1( 3 93 104.20 » 25 » »
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 19 SEPT.
L'OUVERTURE DE L4 CHASSE.
La veille du jour fixé par M. le préfet de
la Seine pour l'ouverture de la chasse, c'est-
à-dire le 3L du mois dernier, un élégant
. jeune homme de vingt-trois ans et un beau
vieillard de soixante se rencontrèrent dans
la salle d'attente du chemin de fer de Sceaux,
que]quesiniriiit".-avaQt que l'aiguille de l'hor
loge marquât l'heure du départ. lis portaient
tous les deux un accoutrement complet de
chasseur; leur toilette cyuégétiqae était irré
prochable de tout point; et depuis le fusil à
deux coups jeté négligemment sous le bras
casquette po:
reille, Robin-des-Bois en personne n'eût
rien trouve à reprendre à l'ensemble de ces
deux nemrods parisiens. À peine leurs re
gards se furent-ils croisé?, ils fendirent la
.foule qui les séparait, et marchèrent l'un
vers l'autre, la main tendue, la bouche sou
riante. .
— Bonjour, Boisgibert, bonjour, cher
ami, dit le vieillard en serrant avec effusion
la main du jeune homme.
— Enchanté de vous voir, M. Prélhibanf,
répondit Boisgibert qui restitua au vieillard
tt po jnée de main avec une cordialité em
pressée.
La place m'est heureuse à vous y rencontrer!
«omme l'a si bien dit... , allons , voilà
«on nom qui m'échappe, reprit M. Préthi-
"baut, qui eut l'air de gourmander sa mé
moire infidèle.
— Parbleu 1 comme l'a si bien dit M. de
Lamartine, interrompit Boisgibert.
Et puisque je retrouve un aœ si fidèlV
Ma foitune va prendre une face nouvelle !
continua le vieillard en fixant son petit œil
gris sur 'e jeune homme.
Mais celui-ci av. c assurance ;
— Oui. oui,j (sais dit-il ; les œuvres poé
tiques d'Alfred de Musset me sont familiè
res-
— Toujours aussi ignorant que par le
passé ! murmura le vieillard.
tt - Toujours aussi pédant quede coutum^l
pensa-le jeune homme.
— Est ce que Vaugiron vous aurait con
vié à ouvrir la chasse dans sa belle propriété
de Verrières? demanda Préthibaut après un
moment de silence.
—- Il m'a fait cethonneur ; et vous, sériez-
vous donc des nôtres ?
— Il ferait beau voir que je manquas-e à
la fête! ce serait la première fois depuis dix
ans.
— Décidémfnt, voilà Un heureux hasard,
dit le jeune homme.
— Un hasard spirituel, que je remercie de
tout mou cœur, repartit le vieillard.
— Pour ma part, croyez-le, j'en suis fort
aise.
— Et mai donc, j'en suis ravi!
— Ce cher M. Préthibaut I
— Cet excellent Boisgibert !
Et ]es poignées de main recommencèrent
avec un redoublement de cordialité et d'ef-
fnsion, à ce poiat qu'on eût été en droit de
penser que le vieillard et le jeune homme
étaient liés d'une intime amitié et qu'ils s'ai
maient d'amour tendre, comme l<-s deux pi
geons de La Fontaine. Eu réilité, ces de
hors affables voilaient uae antipathie ro
buste; et tanlis que hurs lèvres menteuses
entonnaient ces eavatines d'allégresse, voici
les récitatifs sombres que leurs cœurs psal
modiaient en sourdine :
— Comment diable Vaugiron a-t-il com
mis la faute d'inviter ce godelureau à venir
chasser sur ses terres? se demandait Préthi
baut. On n'est pas imprudent, on n'est pas
mari à ce degré-là! Ah! Vaugiron, tu fais la
.folie d'unir tes cinquante-deux automnes
un peu faaés aux dix-neuf printemps tout
. frais éclos d'une femme charmante, et tu vas
exposer, degaîté'de cœur, cette fille d'Eve aux
œillades assassines , aux propos doucereux,
aux insinuations provocantes de ce Don Juan
aussi nul que joli garçon? Ah çà I mon
vieux camarade, le bandeau conjugal est-il
donc si épais, est-il si bien tamponné, si
proprement ajuslésur tesyeux, que tu u'aies
rien entrevu de ce qui m'est apparu, à moi,
aussi prrceptihle, aussi palpable que la co
lonne d« Juillet sur la place de la Bastille ?
Tu ne soupçonnes donc pas ce qui se pas-e,
à savoir que le jeune Maurice Boisgibert
qui est là, à m.es côtés, frisant les quatre
poils de sa moustache et faisant la bouche eu
cœur, est amoureux de ta femme! Tu nesafs
donc pas qu'aux bals, cet hiver, ii s'est cons
titué lé polkeur et le valseur assermenté
de ta belle moitié; qu'il l'accompagne au
piano lorsqu'elle soupire ces langoureuses'
romances dans lesquelles les maris jouent
depuis un temps immémorial uu si bête de
rôle ; qu'au théâtre il est invariablement
assis au balcon, les soirs où Mme Vaugiron
trône dans une avant-scène... Et tu l'invites
à loger sous ton toit stupidement hospita
lier : tu iulroduk le loup'dans la bergerie...
Ah ! morbleu ! si tu es' aveugle, j'y verrai
clair pour deux !
De son côté, Maurice Boisgibert se livrait
au monologue suivant :
—Jusque» à quind me poursuivras-tu, fata-
litéinaudite ?et pourquoi ce vieux bonhomme
que, je hais, se aresse-t-il incessammeat de
vant mol comme une vivante barricade?
Depuis un an, le fait est certain, il épie mes
démarches, il surveille m< s actions. Son œil
fauve a pénétré dans ma poitrine et fouiné
mon cœur d
ia supposition n'est guère admissible. Mme
Vaugiron est-elle sa fille,sasœur, sanièceou
sa pupille ? Il nVxi te entre euxaucuu bende
parenté, si mince qu'il soit. Pourquoi donc te
livre-t-il à cet odieux espionnage? Pourquoi
semble-t-il éprouver un diabolique plaisir à
déjouer toutes les combinaisons de ma stra
tégie amoureuse? 0 fatalité! à force de
marches, de démarches et de contremar
ches, à force de génie, on peut le dire,
jé parviens à me faire inviter par le soup
çonneux Vaugiron, et voici que ce Préthi
baut m'apparaît soudain avec ses sourires
frelatés et ses accolades mauvais teint ! Je le
croyais en Suisse, et je le retrouve à la bar
rière d'Enfer... Que le diable l'emporte !
Abîmé dans ses pensées, Boisgibett n'en
tendit point le sigual du départ; Préthibaut
1 i frappa sur l'épaule.
— Eh bien ! mon jeune ami, dit-il, où
donc s'égare votre esprit? est-ce que nous
travaillerions en secret à des tragédies mys
térieuses?— Mauvaise affaire par le temps
qui court !
— Hem? qu'y a-t-il? demanda Maurice
d'une voix effarée.
" — On part, et c'est .tout juste s'il nous
reste le temps de sauter dans uu wagon '
Les deux chasseurs prirent p'a e dans le
même corn parti ment; le mécanieen déchira
l'air de son sifflet strident, et la locomotive
de ce petit ch< min en spirale corqmeî ÇH le
cours de ses toiirnoimens, de ses circuits' et
de ses ïigs-zags, semblable à un buveur qui
descend, un dimanche soir, titubante gradu, la
pente rapide de la rue du faubourg du Tem
ple, tantôt batiant la chaussée, tantôt heur
tant les murailles.
Lorsqu'ils furent installés, Maurice tira de
sa poche uri petit peigne en écaille et le pas
sa amoureusement dans ses cheveux bouclés,•
à coup sûr, le beau Narcisse ne devait point
se peigner d'une autre façon. Quant à son
compagnon d« route, il fouilla dans son car-
nier, ou il prit deux volumes soigneusement
reliés en maroquin rouge.
-r Vous emportez dés livres à la campa
gne? demanda Boisgibert.
— C'est une vieille habitude et je n'y
manque jamais.
— La précaution n'est pas aimable.
— En quoi vous choque-t-elle ?
— N'est-ce point dire aux gens que le
charme de leur société ne constitue pas une
distraction suffisante J
— Vous oubliez, mon cher Maurice, que
j'ignorais totalement que vous seriez des
-nôires..
— D'accord, répondit le jeune homme
avec cette fine fleur de modestie qui caracté-,
rise ceux de son âge, mais convenez que la
chose n'est rien moins que. flatteuse pour
vos* hôtes.
— L'amitié ne m'abuse point ; Vaugiron
n'est pas amusant tous les jours. Il est doué
d'une amabilité intermittente.
— Oui, ma's sa femme...
— Oh ! sa femme, interrompit le malin
vieillard, sa femme est une petite personne
passablement insignifiante,
— Insignifiante! s'écria Boisgibert, in-'
signifiante!...
C'est un piège, pensa-t-il trop tard, et
il se mordit les lèvies jusqu'au sang.
—Touché ! murmura M. Préthibaut, de
qui lé visage ne sourcilla point.
— Quels sont donc ces pré* ïeux volumes?
demanda Maurice, qui avait hâte,de donner
un autre cours a cette conversation embar
rassante; cet élixir souverain contre l'ennui,
de quel nom s'app^llf-t-il?
—Il se nomme Gerfaut.
—Gtrfmd? répéu Boisgibert, à qui ces
deux syllabes parurent de i'hébreu, du sy
riaque ou du grec.
—Oui, Gerfaut. On dirait que ce roman
très remarquable vous est ineonnu ?
— A moi? je l'ai lu deux ou trois fois g.u
moins,
— Étes-vous bien sûr de l avoir lu une
seule fois?
— Parhleu! Balzac est mon auteur favori.
— B ilzac est assez riche de son propre
bien; il est inutile de lui prêter des richesses
qui ne sont point siennes.
— C'est Alexandre Dumas que je voulais
dire, reprit Maurice de qui les deux joues se
teignirent d'une vive ror g-ur.
— Vousjou-z de mailieur, mon cher;
M. Dumas n'est pas moias étranger que son
illustre confrère à la paternité de ce beau
livre.
— C'est juste, baibutia Boisgibert qui de
vint écarlate ; je me souviens à présent : c'est
M. Frédéric Souiié qui est l'auteur de Ger
faut.,
— Décidément, mon cher Maurice, vous
êtes ignorant comme une carpe et hâbleur
comme, un Gascon, s'écria le vieillard, dont
les rires sonores ébranlèrent les glaces du
wagon; Gerfaut est le chefd'œuvre d'un
écrivain distingué, M. Charles de Bernard,
que la mort a pris jeune, comme elle prend
la plupart des esprits d'élite. Décidément,
vous ne connaissez pas mon livre.
— Eh! Monsieur! interrompit Boisgibert
devenu cramoisi, de ce qu'on a oublié le nom
du romancier, s'ensuit-il qu'on n'ait pas lu
le 'roman? Eu vérité, vos raisonnemens ne
brillent guère par la logique. Je vous parie
quiuze louis qu'en moins de cinq minutes,
je ferai l'analyse fidèle, complète, minutieu
se, de cet ouvrage. ■
— Gardez vos cent écus pour votre mar
chand de parfums, reprit M. Préthibaut ;
vous avez sans doute chez lui uu compte
formidable, car, Dieu me pardonne, vous
sentez bon comme un coiffeur... Eu tout
cas, vous n'auriez pas le temps de faire vot»e
analyse ; nous sommes arrivés.
Effectivement, comme il parlait encore,
on entrait dans le parc de Sceaux ; deux tours
de roue conduisirent les voyageurs devant
l'embarcadère. Le cocher de M. Vaugiron
attendait les deux chasseurs ; M. Préthibaut
s'installa dans la berline confortable de son
vieil ami.
— Eh bien ! Maurice, vous ne montez pas?
demanda le vieillard.
— Je ferai la loute à côté du cocher, ré-
pliquale jeune homme. Je pourrai fum r tout
à mon aise, et je sais que vous détestez l'o
deur du tabac,.
Y qus ièvez, mon garçon, voilà trente-
cinq ans que je fume comme un poêle, dit
M. Préthibaut en allumant un cigare de
choix.
Boisgibert, enchanté d'échapper au tête-à-
tête, fit comme s'il n'avait pas entendu; il
arracha le fouet des mains du cocher et lou
cha les chevaux, qtu enfilèrent au graud trot
la route de Ve-rrières.
— Ah! je te prends en flagrant délit de
men-onge," et tu pousses l'audace jusqu'à
petvi-ifer dans tes hâbleries impertinentes,
se dit M. Préthibaut en se frottant les mains,
il t'en cuira, mon garçon; sur mou hon
neur , il t'en cuira 1 mon plan est fait; re
lisons un peu le dénoûinent de Gerfaut et
apprête-toi à recevoir une botte de longueur.
Il achevait sa lecture, lorsqu'on entra dans
la cour de M. Vaugiron.
— Comment ! s'écria le jeune homme, qui
sauta lestement à terre; vous lisez quand
vous êtes seul ?
— Oui.
— Vous vous ennuyez donc avec vous-
même ?
— Pourquoi n'avez-vous pas voulu coeIî »
nuer à in'amuser ?
— Me prenez-vous pour un bouffon? de
manda Maurice, qui se dressa sur ses ergots
comme un coq de combat.
— Le ciel m'en préserve! Je vous tiens
pour un galant homme de qui la conversa
tion est aussi instructive qu'intéressante.
— C'est à cause de ce méchant roman que
vous parlez ce langage radl'ur; mais je la
sais par cœur,votre Gerfaut !
— Nous verrons, dit M. Préthibaut; mais
silence, voici Vaugiron.
Le maître de la maison, un gros homme,"
haut en couleur, le favori grisonnant, s'ap
procha des nouveau-venus, salua assez froi-.
aement Boisgibert, et secona la main de Pré»
thibaut à Ipi désarticuler l'épaule.
— Enchanté de vous voir, Messieurs, dit- '
il àspshôtes. Monsieur Boisgibert, avez-vous
faim? avez-vous soif? Une collation vous at
tend. Voulez vous jouer au billard? Préfé
rez-vous faire un whist? Vous trouverez à*
qui parler au salon. Je vous demande la per
mission de causer un instant avec Préthibaut.
Vous voyez que je vous traite sans cérémo
nie; mais, à la campagne, entre amis, l'éti
quette et les gfaodes façons seraient complè-
tementdéplaiées. A" revoirdonc, et à bientôt,
Pailant ainsi, if passa son bras sous le
bras du vieillard, le.remorqua du rôté du
jardiiï, et tous d'eux disparurent bientôt der
rière un massif de charmilles.
—Mon cher Préthibaut, dit M. Yaugiron \
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