Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-09-01
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 septembre 1852 01 septembre 1852
Description : 1852/09/01 (Numéro 245). 1852/09/01 (Numéro 245).
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Identifiant : ark:/12148/bpt6k6697582
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
smiÈfto 24s.
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B 1852» - MERCREDI 1" SEPTEMBRE.
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Par If. ©E BAJLEAÇ.
Rions commencerons, le 8
septembre, la publication dè
la COi 'EISSSIS DE J1A1J ■
rsnian en deux volu
mes, par 13. Louis Beyband.
'PARIS, 51 AOUT.
UN COUP D 'ÉTAT
CONTRE LE DICTIONNAIRE.
Le coup d'Etat du 2 décembre a tellement
remué notre société de fond en comble, que
la langue politique de la veille, que la lan
gue politique du régime parlementaire, ne
se compose plus aujourd'hui *que de non-
sens. Le sort des mots suit le sort des choses:
mois et choses du "régime parlementaire
sont déjà tombés en désuétude ; tant cet
appareil théâtral, toujours inquiétant, tant
ce drame quotidien de la tribune, contra
riaient lcs.intérèts et les besoins de notre so
ciété, et représentaient peu les idées et les
tendances de notre temps. :
: Sous la Restauration et sous la monarchie
de Juillet, on était ministériel ou membre
de l'opposition.
Il y a encore des ministres, mais ils n'ont
plus de clientèle politique : on n'est plus
ministériel. Les ministres, aujourd'hui, vi
vent étrangers au Sénat et au Corps Législati f,
pour se recueillir dans l'étude silencieuse
des affaires. Ce n'est que par la volonté du
prince-Président qu'ils entrent dans ses con
seils et qu'ils en sortent.,
Nous ne chercherons point à pénétrer ici
les sympathies intimes qui, dans la pensée
secrète du prince, décident du choix de ses
ministres; mais, plus d'une fois, nous avons
pu constater son goût pour les hommes pra
tiques, et qui savent s'y prendre ; plus (l'une
fois nous avons pu constater surtout son en
traînement pour ces esprits rares et souvent
ignorés qui pourraient apporter comme en
jeu dans la politique ou dans les affaires, des
idées nouvellesplus ou moins étudiées. Nous
citerons ici un fait qui nous est presque per
sonnel.
; Nous avions inséré dans les colonnes du
Constitutionnel une lettre, signée d'un nom
inconnu,' sur les heureux résultats d'une so
ciété de secours, mutuels , instituée vdans
une dos communes de l'arrondissement de
Sceaux ; deux jours après cette insertion Jie
signataire, tout ému, vint nous trouver et
nous conter son aventure : « Figurez-vous,
me dit-il, qu'un garde municipal à cheval
s'arrêta, hier, à la porte de mon modeste lo
gis; ma famille en fut tout effarée. Nous ne
fûmes"'rasstirés tous qu'en lisant l'invi
tation officielle qui m'était adressée de me
rendre le'lendemain à l'Elysée. J'en sors,
mais après avoir été retenu pendant ura
heure par le prince-Président à causer des
réglemens les plus pratiques, les plus fé
conds en heureux résultats pour les sociétés*
de secours mutuels. Le prince a été si affa
ble, si questionneur, que je me suis cru
un instant uu de ses ministres. »
L'opinion publique peut plus ou moins
applaudir au choix des ministres admis
dans les conseils du chef de 1 Etat; mais ,•
comme nous l'avons déjà dit, les minis-*
très n'ont plus de cliens politiques; dépu
tés et journaux ne peuvent plus, sous peine
de non-sens, être qualifiés de ministériels.
Sous la Restauration, et sous la monarchie
de Juillet, on avait trouvé un superlatif ayÉ
mot Ministériel, on avait empruntp à la Tan
gue et -aux mœurs espagnoles le mot Ca
marilla. La Camarilla du roi Charles X, la
Camarilla de§,-.aides-de-cgmp de Louis-Phi
lippe, firent graùd bruit dans la polémique
de ces temps-là. LeTpfûrnaux et leshommes
aux yeux desquels Louis-Napoléon s'est tout
d'abord révélé comme le sauveur déjà Fran -i
ce, ont reçu le nom nouveau d 'Elyséens. Les
Elyséens forment la Camarilla du jour. Le
Constitutionnel, malgré de rudes sévérités
prononcées contre lui, est rangé parmi lei»
journaux élyséens. V v H:
Nous ne ferons à ce sujet qu'une obserf
vation bien simple. La voici : >'
. La Camarilla de Charl- s X, c'est-l-dire les
bommrs qui se dévouaient avec ardeur à' tous
les projets de ce roi dont, l'esprit était sj % en
retard ou si en avance"strr I ps i?!é; rt S"d*irsiè- '
cle ; -la Camarilla de Charles X tenait dans
...■ %
les saless-du-pavillon Marsan. -
La Camarilla de Louis-Philippe ne se com
posait, d'après le langage poli Hîque d'alors,
que des aides-de-camp. Cette Camarilla, en
core moins nombreuse, ne remplissait même
pas les salons.des officiers de service.
La Camarilla du prince-Président de la
République, c'est-à-dire tous les hommes
qui s'associent à toutes les idées exprimées
avec tant de talent par lè prince Louis-Na
poléon, la Camarilla du Président de la
République se compose aujourd'hui de qua
tre-vingt - six conseils généraux, de trois
cent soixante-quatre conseils d'arroiidisse-
mens et de " _ 500,000 suffrages. Nous'avouons
que nous faisoas partie dçc&Ue Camarilla,
et que le Constitutionnel est- élyséen comme
le sont les conseils-généraux, les conseils
d'arrondissemens et les 7,500,000 suffrages
qui ont appelé avec confiance au pouvoir le
prince Louis-Napoléon.
> Avec le suffrage universel, ce qu'onap
pelait autrefois h t'awîart^afiprettd- des pro-^*"'
portions gigantesques, et,Si bien peu d'excep
tions près, la Camarilla, Aujourd'hui', c'est
tout le monde. '. >v
Vous le voyez, c'est à ne s'y plus recon
naître, depuis le*2 décembre,<*quand on veut
revenir à la langue politique du régime par- ■
lementaire. ; .
Mais au moins, nous dirait-on, même sous
la présidence,<-du prince Louis-Napoléon, il
existe une oppositionqux mérite d'être comp
tée. Eh bienI non, il n'existe .plus d'opposi
tion aux idées/'au* tendances, du gouverne- ,
ment du 2 décembre. Le crédit public re
vient aux cours les plus élevés qu'on ait
cotés' sous la monarchie de juillet. L'a
griculture, l'industr ie, le commerce ont
revu les jours de prospérité ; là société ■
rassurée peut tout à la fois se livrer au tra?
vail ou jouir du repos; le socialisme est vain
cu, la société est sauvée ! Qui osera dire, de
vant un spectacle si splendide et si inalfen- ,
du, après tant de malheurs et tant de rui
nes : «Tout ce que je vois m'afflige, et je
luis de PopposTiror^^te-Inot opposition*
est encore aujourd'hui un non-sens.
Journaux et députés, aucun n'est de l'op
position ; mais voici l'état des choses : on
compte malheureusement beaucoup de pré
tendais qui, loin desaffairesdu pays,croient
tenir le secret d'assurer fervenir de ses desti
nées,et ces prétendanssont représentés, il est
vrai, pardes cliens politiques qui constituent
divers partis. Le Siccle n'est pas un journal
d'opposition,Ic'estl.ejournald'un prétendant,
. c'est le j.ournaldu général Cavaignac. Le Jour-
laides Débats n'est point un journal d'opposi-
tiôn?t?est le journal dliiTprétênaaat, c'est le
journal honnête et respecté de la familied'Or-
léans. La Gazette de France, UUaion, ne sont
pas des journaux d'opposition, ce sont des
journaux légitimistes. L' Assemblée nationale
n'estpasun journal d'opposition, c'estle jour
nal de la fusion , c'est-à-dire deplusieurs pré-
tendans qu'il s'agit de rapprocher, d« réunir,
de mettre d'accord. La Presse et son rédac
teur infatigable, M. Emile dei'Girardin, font
seuls, autaut qu'ils le peuvent, une guerre
d'idées plus ou moins pratiques, plus-ou
moins révolutionnaires au gouvernement du
prince" Louis-Napoléon.
' Ainsi, vous le voyez encore, le mot oppo
sition a perdu le sens qu'on lui donnait sous
le régime parlementaire. Les bienfaits du
. coup d'Etat du 2 décembre, si unanimement
constatés par lé pays, ne peuvent pas être
niés:, et les cliens des prétendans de di-
verses^couleurs qui ont plus ou moins long-
temps régné sur-la France, ne peuvent faire
contre ce qui existe qu'une guerre, non de
. principes et d'idées, mais de dépit et de re-
^'gretyr 4 - '*■ " w» "> i: " -*■ •- >
Nous omettons encore un prétendant dans
' la liste que nous venons de 'dresser des di-.
vers partis qui existent ea;v,France ; mais
c'est un prétendant, singulier : le dévoû-
Wènt qu'on a pour lui, n'est que de la
. prétention ; on ne regrette sa chute que par
égoîsme, et on ne pleure sur son règne passé
"que pour se rappeler avec complaisance et
avec bonheur des jours de succès et de célé
brité qu'on ne pardonne pas à la France d'a
voir si vite oubliés. Ce singulier prétendant,
c'est le régime parlementaire. Le régime
-parlementaire et le parti qui le représente,
ne connaissent d'autres armes que la raille-,
rie plus ou moins spirituelle, le quolibet, les
gémissemens de l'élégie, que les ruses de
l'arnour-propre blessé et malheureux; et
y encore, quolibets et gémissemens ne sont ris
qués que" les» portes bien closes, et sous la
forme protectrice de transparentes allusions.
L'Académie française avait-técemment à
proposer un sujet de prix d'éloquence, et
ce petit parti honorable , prudent, qui ne
conspirera jamais«contre le bonheur delà
France, cette petite Eglise innocente et mê
me résignée, réprésentée surtout à l'Acadé^
mie, proposa, comme sujet de prix, l'his
toire de l'éloquence parlementaire en
Angleterre. Vous le voyez, -on faisait
aussi peu de politique que l'on pouvait.
Ce peu de politique était encore de la po
litique étrangère. Tout cela ne pouvait être
ni bien inquiétant ni bien dangereux, quand
même les concurrens eussent trouvé oppor
tun de vanter et de regretter, sous lès noms
de Chatam et de Fox, l'éloquence de quel
ques uns dé leufs juges;-Mais M. Fortoul,
ministre de l'instruction publique, conseilla
avec raison àJlàsadémie française .dè Choisir
un sujet plus français et plus littéraire. L'A
cadémie s'est bien trouvée de ce conseil, et
elle a définitivement proposé'l'éloge du duc
de Saint-Simon.
Je n'ajouterai qu'un trait, p'oy^peindre ces
cliens attardés du régime parlementaire, c'est
que quelques-uns de ces cliens, peu nom
breux, qui siègent à l'Académie, ont tous
écrit dès pageslittéraires, dont tout le monde
se souvient, et que personne ne se souvient
d'un - seul.de leurs discours., . parlementaires.
On demandait un jour à M. Thiers un ti
tré nouveau pour un journal politique qu'on
voulait créer;.voici mon titre, répondit-il :
Le Parlementaire.
Le titre de M. Thiers, pour ce journal
qu'on- ne créa point, serait aujourd'hui un
no» sens, comme les mots que nous venons
de citer, et que le coup d'Etat du 2 décem
bre a exilés de la politique et du diction
naire. • '
" ï) r L. YÈWX:'v
Les journaux américains apportent enfin
des nouvelles de l'expédition de Flores-, sur
le sort de'laquelle régnait depuis un mois la
plus grande incertitude. Les faits qui ont
été portés à la connaissance du public expli
quent les récits contradictoires qui avaient
trouvé crédit dans les journaux des Etats-
Unis. *
Les forces réunies par le général Flores ne
se sont trouvées au complet que le 24 juin,
jour où lesdétachemens recrutés auxJÈtats-
Unis rejoignirent l'expédition dans la rivière
de Guyaquil. Bès le lendemain l'esraire mit
à la voile pour Guyaquil. Elle se composait
alors du bateau à vapeur le Chili, du navire
de guerre i'Esperanza , des schooners Atrave-
thaetMo'guito-,du brick deguerr eAdmaranka-
Blanco, du brick Très Ermanas, z\ d'un grand
bâtimentde ebarge, le Leones. L'escadre por
tait un assez grand nombre de canons d'un
fort calibre. Elle jeta l'ancre à environ deux
lieues de Guyaquil. Ùn bateau à vapeur de
guerre, appartenant au gouvernement de
l'Equateur, l'Enina, vint, à deux reprises,
reconnaître l'escadre et échanger avec elle
plusieurs volées de canon sans aucuu-résul
tat. ■ '
: Dans les jours suivans, Flores fit mettre à
terre ^plusieurs détachemeus pour enleyer
du bétail et prendre des provisions pour l'es
cadre.- Cesdétachemenseurentplusieurs enga-
gemens avec les troupes d'Urbina. On sut alors
que le président de l'Equateur était parvenu
à réunir 1,300 hommes, qui étaient retran -A?
chés à une lieue en avant de Guyaquil. CettÇ
nouvelle déterminoJFlores à attendre les ren
forts qu'on lui ayait promis du Pérou." Plu
sieurs jours se passèrent dans une attente
vaine, et Flores se résolut à attaquer, quoi
qu'il n'eût en tout que 800 hommes, sur'
lesquels il en pouvait à peine débarquer
500. En conséquence, Je détachement amé
ricain reçut ordre de descendre à terre et de
,se rendre maître d'une grande habitation
appelée la Maison-Blanche. On' s'en empara
sans résistance,j,et le capitaine Owen eut or-,
dre de s'y fortifier avec environ. 3j0O h&tri
mes. Tous les ordres furent donnés pour
une attaque par terre et par mer pour le
lendemain. *
Dans la nuit, le magasin â poudre du'
schooner Atravetha prit feu et saula. Le bâ
timent coula immédiatement. Outre de l'ar-
tilltrie, des munitions, des armes, Flores
perdit à cet accident-un certain nombre
de soldats, et, ce qui eut la plus funeste
influence sur l'expédition, plusieurs de ses
officiers les plus habiles et les'plus réso
lus. L'attaque fut contremandée et remise
au 5 juillet au soir. JLes navires de l'esca
dre furent remorqués devant les deux bat
teries de Saint-Charles et de là Plancha-
de qui défendent Guyaquil du côté du fleuve.
La canonnade s'engagea avec une extrême
vivacité de part et d'autre, jusqu'à ce que
l'artillerie de Flores, bien secondée par la
fusillade des carabiniers américains, eut
éteint complètement le feu de la place. Cé
dait un grand avantage : et la victoire était
certaine, si on fût débarqué quelques sol
dats et enlevé le fort Saint- Charles, dont li s
défenseurs avaient pris la fuite.
Mais'à ce momentun boulet ou deux, par
tis d'up bâtiment monté par. les recrues
américaines, vinrent frapper le gaillard d'ar
rière de l'Admaranka lilanco, et V jetèrent
la plus grande confusion. On-s'imagina que
les. Américains trahissaient; le commandant i
du navire ordnnna de redescendre la rivière,
toute l'escadrÇ suivit, et l'occasion de f i-apper
un coup décisif fut perdu.
Deux jours après, Flores avait renoncé à
toute attaque par terre et l'escadre remontait
la rivière pour ^canonner la ville,, lorsqu'un
déserleurde l'armée d'Urbina rejoignit l'esca
dre et assura Flores que la population entière
était pour lui; mais que, manquant d'armes
et de chef, elle était réduite à l'impuissance, s
et épiait l'occasion de se prononcer. Flores
renonça alors à.bombarder la ville, et réso- ■
lut de débarquer le plus de monde possible
et de s'avancer dans l'intérieur des terres,
dans Tespoir que de nombreux partisans
viendraient le rejoindre. Du 9 au 25 juillet,
Flores s'avança vers Quito, forçant le passage
partout où les troupes d'Urbina faisaient
mine de résister. 11 était arrivé à Ranchela et .
marchait sur-Santa-Rosa, lorsque les Chiliens
qui formaient la majeure partie du corps ex
péditionnaire se révoltèrent en se plaignant
de n'avoir pas touché de solde depuis cinq -
mois, et d'être conduits à la boucherie à tra-
vers un pays désert. Rien ne put les calmer,
etilsdésertèrentoupassèrent à l'ennemi.Flc-
res demeura avec environ 150 hommes, la
plupart Américains., Il se dirigea alors vers la
frontière du Pérou, et réussit à se rayer un
chemin jusque-là, en franchissant soixante
lieues en trois jours, sans cesse attaqué par
les troupes d'Urbina. Le 28 juillet, il attei- !
gnit Tombez, sur le territoire péruvien. Lui
et tous ses compagnons furent immédiate
ment désarmés. , - '
Dès le 17, les Chiliens qui étaient à bord
FEUÏLLETQS DU "CONSTITUTIONNEL, I" SEPTEWB.
^ *
m BALLET CHEZ LES HÈRES JÉSUITES*
Ua certain dimanche du, mois de juin
17-47, à l'heure où les écoliers promenaient
leurs joies bruyantes sur les bords fleuris de
la Seine, voici ce qui se passait à Rouen,
dans uns chambre retirée du collège royal
archiépiseopal de Bourbon, de la compagnie
deJésu®, plus désert, en ce moment, qu'une
nécropole, pl>:s silencieux qu'une çatacoca-
be : Douze hommes, vêtus de soutanes noi
res, les coudes appuyés sur une table, la
tête appuyée dans les mains, étaient a-sis au
tour d'un tapis vert, surchargé de cahiersde
papier'b'anc, de plumesd'oïe etd'écritoires.
De temps en temps, ua bras s'& llongeaitsur la
table; ce bras s'emparait d'une plume, trein-
pait la plume dans uneécritoiree t griffonnait
quélques lignes sur le cahierde papier placé
lui; mais, l'ipstant d'après,le même
{
devant - -- x ,.
bras, que vous eussiez-vu trembler d'im
patience et de colère, s'emparait du feuil
let à peine noirci, le déchirait avec Irage
et revenait, d 'un mouvement'machinal",
à son attitude première. Cts douze hom
mes si empêchés, si embarrassés, ii con-
tristés i représentaient pourtant l'élite des
(1) Le programme du l allet intitulé : l'Imagi-
nation, « tel qu'il fut dansé sur le théâtre royal
archiépiscopal de Bourbon, de la compagnie de
Jésus, 1>. jeudif dixième jour du mois d'août mil
Fept cent quarante-sept », forme -un in -quatîo de
dix-li!>ij P 'ges « imprimé à Rouen, chez Jacques-
Joseph Le Boullenger,-imprimeur'ordinaire du roi
•et du collège. »
Nous (.revenons le lecteur que tons les pas?ages
de notre article eutourés de guillemets s-ont ex-
ttraits textuellement, littéraUment, de,cetle trou
vaille lypo^raphipic, encore plus rare que cri-
lieuse .
professeurs du collège royal et archiépisco
pal de Rouen ; et ce qu'ils demandaient inu
tilement , depuis le matin, à leur cerveau
rebelle, c'était un plan de ballet, qu'on pût.
danser sur le théâtre du collège, *re 10 août
suivant, jour fixé'poOT la distribution solen-,,
nelle des prix. : * : '
—Révérends pères; ayàit dit le principal à
ses professeurs, nous avons usé et" abusé du
répertoire du père Porée, nous avons puisé
outre mesure dans les œuvres du père D^ucer-
ceau. Les illustres personnes qui tiQjis"font-
l'honneur d'assister-à nos,.distritintioi\s de
prix ont les oreilles,rebattues d^ pa- ésmtx
(Misoponvs, siveôtiosus)\ savent pir cœur
Pézophile ou le jàùeur (Pœibphilm, sioe^ alea•
tor). Donc, il nous faut donnor du'nouveau,
sous peine'de voir la foule délaisser les jeux
scéuiques de nps fins d'année^ Malheureusçt
ment, voùsle savez, lepèrePoréë n'est'plu^r
Cette vive 1 intelligence slest . éteinte, il y a
six ans, le 11 janvier 17-il ; hélas! il ne nous
fera plus de chefs-d'œuvre ! C'est à vous que
je m'adresse,-mes fidèles collaborateurs;
ingéniez-vous, inventez Quelque chose,. Une
comédie est fort difficile a ftiire, une tragé-
die e^t fort ennuyeuse à vôl'17. je penche pour
un ballet; trouvez-moi un balTèt>il ifte f^ut,
un ballet poùf te 10 aoiU prochain. «
Ainsi parla !e principal du'collège,', et les
douze professeurs se miiviit à l'œuire kvçc
un gT^nd courage. La nuit"vente, onap-^
porta'de la lumière, on servit le # dîner ; et,
le repas achevé, on les ^bandonna de nou
veau à leurs méditatians profond^.
Au premier coup de minuit, Ja^orte s'/ra-
vrit, et le principal apparût siir le seuil.
— Je vous salue, mes frères, diuil,; avçz-
vous trouvé la-sujet qui' noùs,occupe?
Il n'^eut point de réponse.
; ■— Éft-U possible? reprit le principal;
vous n'êtes pas plus ".-avancés que ce m^tin?
Mai?, je'sors de l'archevêché; Monspignt'tïr
compte absolument sur ce divertissement
„dont~- l'idée lui sourit fort. La yille entière,
4jue dis-je? toute la province, sé préoccupe.
de celle représentation que nous avons an-- !
noncée. Inconsidéré ou non, c'est un engài- v
gement; nous l'avons pris, et nous devons le
remplir. Il y va de l'honneur de notre maij
son, je dirai même de cotre -compagnies
JDëjà le sieur T^rlet, notre maître à danser,
"a composé des pas dont il espère un grand
succès. Aurez-vous donc mohis d'imagidial
tion que ce danseur.? Mes frères, je vous eri
conjure tournez et retournez votre imagi-
nâtionr..!.-.. L 'imagination -a été donnée à
l'homme * •
; Il fut interrompu nar iincri perçant; cj
,ch sortait delà honche éloquente du piofesr :
seur de rhétorique.;. V. , " h
— Qu'avez^ous. père-Du Rameau'/deman
da le principal, seriez vous indisposé ?
— Je tiens notre affaire! s'écria le père Du . 1
.Rameau. ■ - -
— Eu vérité?^' ; ' '
: —TEU vérité. '■
— Une inspiration soudaine ?
' Iuespérée| et lout l'henneur vous en
revient, mon père. £
— A moi? -,
— A-ttJus. •' '■
-, — J3 ne vous comprends pas.
-y jA- jVous avez parlé dé l'imaginâUûjj.... .
.— Oui.. ■; .
, >— Ce simple mot m'a ouvert tout un
monde. Mon balltti sera intitulé l'Imegina-
tion ; je le vois d'icirt
— jolijsujet, jntcrr
/rompiï le principal,
mais semé d'écueils. s.
.— Je les côtoierai ! v,?
— Plein de dangers.
' ' — Je les évitera}!.'"'^ f
—Tsiconu.e» périls'... | ' '
— Je les fuirai! I
' - Cette noble confiance gjjigna le principal. ,
"~sy- QOatid m'appoi"t'3rez'-,vous le plan de
votre ouvrage? dem;mda-t-il.*^'
Dans huit jours, répondit le père Du
Rameau. Comptez sur moi. :
Le dimanche suivant, à midi précis, le
professeur de rhétorique entrait,, d'un w
superbe, dans l'appartement du principal.
Dans sa main gauche, il tenaitune petit rou
leau de papier qu'il portait plus fièrement
qu'un maréchal de France ne porte le bâton
aux étoiles d'or. C'était le manuscrit du bal
let, noué avec des faveurs roses et copié de
sa bâtarde la plus majestueuse. Un fauteuil
et un verre d'eau sucrce étaient préparés
id'avance. Le révérend père s'assit dans lé
fauteuil, trempa ses lèvres dans le verre d'eau
et commença en ces termes :
— J1 me paraît à propos, mon père, de
vous dire sans retard le dessein de mon bal
let. "Vjôus savez qu'il a nom l'Imagination?
Le principal hocha de la tête en signe
-d'assentiment. "
: Le titre de ce ballet, reprit le père Du
Rameau, «présente d'abord à l'esprit,quelque
chose d'iiifini. Pour en fixer la juste étendue,
il suffit d'avertir " qu'il 11e s'agit ici que de
•l'imagination qui a rapport aux beaux-arts;
mais comme la matière serait encore inépui
sable, on s : est borné aux arts les plus bril-
latis ou les plus communs. La poésie, la mi>
ï sique, la danse, la peinture et la sculpture,
voilà les arts dont on caractérisera les divers
rapports avec l'imagination qufles ^diversifie
etële§..embellit après les avoir faî;t naître.»
-J— 1 Çest très juste; dit le principal.
- • -é Présentement, continua' l'orateur, je
. passe à la division cui ballet. «L'imagination
® ne dirige pas tous les hommes de la même
façon dans la pratique des arts. Elle ne pré
sente^ l'un que des objets agréables et rians;
elle p'en offre à l'autre que de grands ou
d'extraordinaires. Elle borne celui-ci à. l'ex
pression de la douleur ou du sentiment ; elle
conjgrlit aux yeux de celui-là les choses les
. plus sérieuses en plaisanteries. On peut donc
établir quatre sortes d'im iginations. *
. 1° L'imagination gracieuse et délicate ;
, ■ 2° L'imagination forte et hardie ;
, - *3" L'imagination tristp et touchante ;
i" L'imagination grotesque et folâtre. »
— Voilà des déductions d'une logique in
contestable, dit le'priucipal, qui n'entre-
voyjit pas très clairement un prétexte à en
trechats au fond de cette rhétorique trans
cendante.
Le père Du Rameau continua :
«—De cette division naissent les quatre
parties de l'ouvrage; quoique opposées en
tre elles, elles ne formeront toutes qu'un ta
bleau, où l'on retrouvera toujours le mêm'e
objet sous des jours différens. »
— Vous le croyez? demanda l'auditeur.
—r J'en suis sûr ! répliqua l'orateur. -Mais
il est temps de passer à l'ouverture defanon
ballet.
Le principal croisa sa jambe droite sur sa
jambè gauche, ouvrit démesurément les
oreilles, et fit entendre un « ah! » qui pou
vait se traduire par un « enfin ! »
•a O uverture . Quelques hommes sim
ples et bornés à la nature qui les conduit,
se rassemblent au pied du Parnasse. Char
més de la beauté du lieu où lé hasard les a
réunis sous les auspices de leur guide, ils
expriment leur joie par dfes mouvemens
aussi vifs. que naturels. L'Imagination qui
règne dans cette |>elle contrée interrompt
leurs nouveaux plaisirs pour les augmenter.
Elle paraît sur la cime du Parnasse, entourée
des génies de la Poésie, de la Musique, de la
Dahse, de la Peinture et de la Sculpture. Un
spectacle si brillant fixe les regards de la Na
ture et de ses enfans qui, revenus de leursur-
prise, invitent les génies et leur souveraine à
se rapprocher d'eux. L'Imagination descend
avec sa cour, reçoit les hommages de la Na
ture et lui présente ses génies. Les h'abitans
d'alentour n'ignorent pas long-temps un
événement si merveilleux ; ils viennént en
partager le plaisir. »
— J'entrevois d'ici une série de charmans
tableaux, dit le principal en se frottant les
mains ; continuez, mon révérend ; par grâ
ce, continuez.
—: Mon ballet, ainsi que j'ai eu l'honneur
de ^ous le dire précédemment, est divisé en
quatre parties , ou quatre actes, précédés
d'une ouverture , ou prologue. Vous con
naissez l'ouverture; je passe a la première
partie, celle qui est consacrée à célébrer l'i
magination gracieuse et délicate. « Les grâ
ces d'une imagination délicate brillent dans
les images riantes de la poésie, dans les ac
cords tôuchans de la musique, danslesmou- ?
vemens naïfs de la danse, dans les chef-
d'œuvre agréables de la peinture et de la -
sculpture..» N'est-il pas vrai, mon père? ^
— Rien de plus vrai. *
— Mon premier acte se divise en quatre
entrées. . *
— J'ai hâte de les connaître.
— Les voici: «l re entrée. (Poésie naturelle
et élégante.) Apollon, porté sur l'azur d'un'
.nuage, vient exciter les talens et répandre les
richesses d'une poésie brillante. Les Grâces
sèment des fleurs sur son passage. Les om
bres légères d'Anacréon, de Sapho et deTi-
bulle accourent des Champs-Elysées et mon
tent leurs guitares sur le ton des Grâces et
d'Apollon. »
— Très joli ! exclama le principal.
«— & entrée. (Harmonie douce et séduisan
te) Orphée touche la lyre. Les échos, sensi
bles a ses accords, les répètent avec justesse
Les bêtes farouches, enchantées, demeurent
immobiles au fond de leurs antres; tandis
qpe les arbres et les rochers, cédant au pou
voir magique d'une harmonie si touchante '
en marquent la cadence par une marché
prodigiétisg. » . • i
— Ravissant! interrompit lé principal
transporté^ la seule idée de cette marché 1
prodigieuse marquée en cadence par les ar- '
bres et par les rochers. f , ;
Le père Du Rafflèau rougit modestement : ' .
« —3 e entrée, dit-il. (Danses libres et naïves ) *
« Palès revoit son empire, son retour embèi- '
lit la solitude des campagnes et y fixe avec
1-upaiï l'essaim volage des plaisirs. Les ber- f
gers, saisis d'un agreable enthousiasme, s'é
chappent des bras de l'indolence pour ex
primer pardes danses libres et ingénues les
mouvemens d'une joie pure et innocente »
- —Ah! mon révérendî s'écrja le princi
MlMtl i rue «le Falote {Palat«-Etoyal);.n< tOJ
B 1852» - MERCREDI 1" SEPTEMBRE.
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Par If. ©E BAJLEAÇ.
Rions commencerons, le 8
septembre, la publication dè
la COi 'EISSSIS DE J1A1J ■
rsnian en deux volu
mes, par 13. Louis Beyband.
'PARIS, 51 AOUT.
UN COUP D 'ÉTAT
CONTRE LE DICTIONNAIRE.
Le coup d'Etat du 2 décembre a tellement
remué notre société de fond en comble, que
la langue politique de la veille, que la lan
gue politique du régime parlementaire, ne
se compose plus aujourd'hui *que de non-
sens. Le sort des mots suit le sort des choses:
mois et choses du "régime parlementaire
sont déjà tombés en désuétude ; tant cet
appareil théâtral, toujours inquiétant, tant
ce drame quotidien de la tribune, contra
riaient lcs.intérèts et les besoins de notre so
ciété, et représentaient peu les idées et les
tendances de notre temps. :
: Sous la Restauration et sous la monarchie
de Juillet, on était ministériel ou membre
de l'opposition.
Il y a encore des ministres, mais ils n'ont
plus de clientèle politique : on n'est plus
ministériel. Les ministres, aujourd'hui, vi
vent étrangers au Sénat et au Corps Législati f,
pour se recueillir dans l'étude silencieuse
des affaires. Ce n'est que par la volonté du
prince-Président qu'ils entrent dans ses con
seils et qu'ils en sortent.,
Nous ne chercherons point à pénétrer ici
les sympathies intimes qui, dans la pensée
secrète du prince, décident du choix de ses
ministres; mais, plus d'une fois, nous avons
pu constater son goût pour les hommes pra
tiques, et qui savent s'y prendre ; plus (l'une
fois nous avons pu constater surtout son en
traînement pour ces esprits rares et souvent
ignorés qui pourraient apporter comme en
jeu dans la politique ou dans les affaires, des
idées nouvellesplus ou moins étudiées. Nous
citerons ici un fait qui nous est presque per
sonnel.
; Nous avions inséré dans les colonnes du
Constitutionnel une lettre, signée d'un nom
inconnu,' sur les heureux résultats d'une so
ciété de secours, mutuels , instituée vdans
une dos communes de l'arrondissement de
Sceaux ; deux jours après cette insertion Jie
signataire, tout ému, vint nous trouver et
nous conter son aventure : « Figurez-vous,
me dit-il, qu'un garde municipal à cheval
s'arrêta, hier, à la porte de mon modeste lo
gis; ma famille en fut tout effarée. Nous ne
fûmes"'rasstirés tous qu'en lisant l'invi
tation officielle qui m'était adressée de me
rendre le'lendemain à l'Elysée. J'en sors,
mais après avoir été retenu pendant ura
heure par le prince-Président à causer des
réglemens les plus pratiques, les plus fé
conds en heureux résultats pour les sociétés*
de secours mutuels. Le prince a été si affa
ble, si questionneur, que je me suis cru
un instant uu de ses ministres. »
L'opinion publique peut plus ou moins
applaudir au choix des ministres admis
dans les conseils du chef de 1 Etat; mais ,•
comme nous l'avons déjà dit, les minis-*
très n'ont plus de cliens politiques; dépu
tés et journaux ne peuvent plus, sous peine
de non-sens, être qualifiés de ministériels.
Sous la Restauration, et sous la monarchie
de Juillet, on avait trouvé un superlatif ayÉ
mot Ministériel, on avait empruntp à la Tan
gue et -aux mœurs espagnoles le mot Ca
marilla. La Camarilla du roi Charles X, la
Camarilla de§,-.aides-de-cgmp de Louis-Phi
lippe, firent graùd bruit dans la polémique
de ces temps-là. LeTpfûrnaux et leshommes
aux yeux desquels Louis-Napoléon s'est tout
d'abord révélé comme le sauveur déjà Fran -i
ce, ont reçu le nom nouveau d 'Elyséens. Les
Elyséens forment la Camarilla du jour. Le
Constitutionnel, malgré de rudes sévérités
prononcées contre lui, est rangé parmi lei»
journaux élyséens. V v H:
Nous ne ferons à ce sujet qu'une obserf
vation bien simple. La voici : >'
. La Camarilla de Charl- s X, c'est-l-dire les
bommrs qui se dévouaient avec ardeur à' tous
les projets de ce roi dont, l'esprit était sj % en
retard ou si en avance"strr I ps i?!é; rt S"d*irsiè- '
cle ; -la Camarilla de Charles X tenait dans
...■ %
les saless-du-pavillon Marsan. -
La Camarilla de Louis-Philippe ne se com
posait, d'après le langage poli Hîque d'alors,
que des aides-de-camp. Cette Camarilla, en
core moins nombreuse, ne remplissait même
pas les salons.des officiers de service.
La Camarilla du prince-Président de la
République, c'est-à-dire tous les hommes
qui s'associent à toutes les idées exprimées
avec tant de talent par lè prince Louis-Na
poléon, la Camarilla du Président de la
République se compose aujourd'hui de qua
tre-vingt - six conseils généraux, de trois
cent soixante-quatre conseils d'arroiidisse-
mens et de " _ 500,000 suffrages. Nous'avouons
que nous faisoas partie dçc&Ue Camarilla,
et que le Constitutionnel est- élyséen comme
le sont les conseils-généraux, les conseils
d'arrondissemens et les 7,500,000 suffrages
qui ont appelé avec confiance au pouvoir le
prince Louis-Napoléon.
> Avec le suffrage universel, ce qu'onap
pelait autrefois h t'awîart^afiprettd- des pro-^*"'
portions gigantesques, et,Si bien peu d'excep
tions près, la Camarilla, Aujourd'hui', c'est
tout le monde. '. >v
Vous le voyez, c'est à ne s'y plus recon
naître, depuis le*2 décembre,<*quand on veut
revenir à la langue politique du régime par- ■
lementaire. ; .
Mais au moins, nous dirait-on, même sous
la présidence,<-du prince Louis-Napoléon, il
existe une oppositionqux mérite d'être comp
tée. Eh bienI non, il n'existe .plus d'opposi
tion aux idées/'au* tendances, du gouverne- ,
ment du 2 décembre. Le crédit public re
vient aux cours les plus élevés qu'on ait
cotés' sous la monarchie de juillet. L'a
griculture, l'industr ie, le commerce ont
revu les jours de prospérité ; là société ■
rassurée peut tout à la fois se livrer au tra?
vail ou jouir du repos; le socialisme est vain
cu, la société est sauvée ! Qui osera dire, de
vant un spectacle si splendide et si inalfen- ,
du, après tant de malheurs et tant de rui
nes : «Tout ce que je vois m'afflige, et je
luis de PopposTiror^^te-Inot opposition*
est encore aujourd'hui un non-sens.
Journaux et députés, aucun n'est de l'op
position ; mais voici l'état des choses : on
compte malheureusement beaucoup de pré
tendais qui, loin desaffairesdu pays,croient
tenir le secret d'assurer fervenir de ses desti
nées,et ces prétendanssont représentés, il est
vrai, pardes cliens politiques qui constituent
divers partis. Le Siccle n'est pas un journal
d'opposition,Ic'estl.ejournald'un prétendant,
. c'est le j.ournaldu général Cavaignac. Le Jour-
laides Débats n'est point un journal d'opposi-
tiôn?t?est le journal dliiTprétênaaat, c'est le
journal honnête et respecté de la familied'Or-
léans. La Gazette de France, UUaion, ne sont
pas des journaux d'opposition, ce sont des
journaux légitimistes. L' Assemblée nationale
n'estpasun journal d'opposition, c'estle jour
nal de la fusion , c'est-à-dire deplusieurs pré-
tendans qu'il s'agit de rapprocher, d« réunir,
de mettre d'accord. La Presse et son rédac
teur infatigable, M. Emile dei'Girardin, font
seuls, autaut qu'ils le peuvent, une guerre
d'idées plus ou moins pratiques, plus-ou
moins révolutionnaires au gouvernement du
prince" Louis-Napoléon.
' Ainsi, vous le voyez encore, le mot oppo
sition a perdu le sens qu'on lui donnait sous
le régime parlementaire. Les bienfaits du
. coup d'Etat du 2 décembre, si unanimement
constatés par lé pays, ne peuvent pas être
niés:, et les cliens des prétendans de di-
verses^couleurs qui ont plus ou moins long-
temps régné sur-la France, ne peuvent faire
contre ce qui existe qu'une guerre, non de
. principes et d'idées, mais de dépit et de re-
^'gretyr 4 - '*■ " w» "> i: " -*■ •- >
Nous omettons encore un prétendant dans
' la liste que nous venons de 'dresser des di-.
vers partis qui existent ea;v,France ; mais
c'est un prétendant, singulier : le dévoû-
Wènt qu'on a pour lui, n'est que de la
. prétention ; on ne regrette sa chute que par
égoîsme, et on ne pleure sur son règne passé
"que pour se rappeler avec complaisance et
avec bonheur des jours de succès et de célé
brité qu'on ne pardonne pas à la France d'a
voir si vite oubliés. Ce singulier prétendant,
c'est le régime parlementaire. Le régime
-parlementaire et le parti qui le représente,
ne connaissent d'autres armes que la raille-,
rie plus ou moins spirituelle, le quolibet, les
gémissemens de l'élégie, que les ruses de
l'arnour-propre blessé et malheureux; et
y encore, quolibets et gémissemens ne sont ris
qués que" les» portes bien closes, et sous la
forme protectrice de transparentes allusions.
L'Académie française avait-técemment à
proposer un sujet de prix d'éloquence, et
ce petit parti honorable , prudent, qui ne
conspirera jamais«contre le bonheur delà
France, cette petite Eglise innocente et mê
me résignée, réprésentée surtout à l'Acadé^
mie, proposa, comme sujet de prix, l'his
toire de l'éloquence parlementaire en
Angleterre. Vous le voyez, -on faisait
aussi peu de politique que l'on pouvait.
Ce peu de politique était encore de la po
litique étrangère. Tout cela ne pouvait être
ni bien inquiétant ni bien dangereux, quand
même les concurrens eussent trouvé oppor
tun de vanter et de regretter, sous lès noms
de Chatam et de Fox, l'éloquence de quel
ques uns dé leufs juges;-Mais M. Fortoul,
ministre de l'instruction publique, conseilla
avec raison àJlàsadémie française .dè Choisir
un sujet plus français et plus littéraire. L'A
cadémie s'est bien trouvée de ce conseil, et
elle a définitivement proposé'l'éloge du duc
de Saint-Simon.
Je n'ajouterai qu'un trait, p'oy^peindre ces
cliens attardés du régime parlementaire, c'est
que quelques-uns de ces cliens, peu nom
breux, qui siègent à l'Académie, ont tous
écrit dès pageslittéraires, dont tout le monde
se souvient, et que personne ne se souvient
d'un - seul.de leurs discours., . parlementaires.
On demandait un jour à M. Thiers un ti
tré nouveau pour un journal politique qu'on
voulait créer;.voici mon titre, répondit-il :
Le Parlementaire.
Le titre de M. Thiers, pour ce journal
qu'on- ne créa point, serait aujourd'hui un
no» sens, comme les mots que nous venons
de citer, et que le coup d'Etat du 2 décem
bre a exilés de la politique et du diction
naire. • '
" ï) r L. YÈWX:'v
Les journaux américains apportent enfin
des nouvelles de l'expédition de Flores-, sur
le sort de'laquelle régnait depuis un mois la
plus grande incertitude. Les faits qui ont
été portés à la connaissance du public expli
quent les récits contradictoires qui avaient
trouvé crédit dans les journaux des Etats-
Unis. *
Les forces réunies par le général Flores ne
se sont trouvées au complet que le 24 juin,
jour où lesdétachemens recrutés auxJÈtats-
Unis rejoignirent l'expédition dans la rivière
de Guyaquil. Bès le lendemain l'esraire mit
à la voile pour Guyaquil. Elle se composait
alors du bateau à vapeur le Chili, du navire
de guerre i'Esperanza , des schooners Atrave-
thaetMo'guito-,du brick deguerr eAdmaranka-
Blanco, du brick Très Ermanas, z\ d'un grand
bâtimentde ebarge, le Leones. L'escadre por
tait un assez grand nombre de canons d'un
fort calibre. Elle jeta l'ancre à environ deux
lieues de Guyaquil. Ùn bateau à vapeur de
guerre, appartenant au gouvernement de
l'Equateur, l'Enina, vint, à deux reprises,
reconnaître l'escadre et échanger avec elle
plusieurs volées de canon sans aucuu-résul
tat. ■ '
: Dans les jours suivans, Flores fit mettre à
terre ^plusieurs détachemeus pour enleyer
du bétail et prendre des provisions pour l'es
cadre.- Cesdétachemenseurentplusieurs enga-
gemens avec les troupes d'Urbina. On sut alors
que le président de l'Equateur était parvenu
à réunir 1,300 hommes, qui étaient retran -A?
chés à une lieue en avant de Guyaquil. CettÇ
nouvelle déterminoJFlores à attendre les ren
forts qu'on lui ayait promis du Pérou." Plu
sieurs jours se passèrent dans une attente
vaine, et Flores se résolut à attaquer, quoi
qu'il n'eût en tout que 800 hommes, sur'
lesquels il en pouvait à peine débarquer
500. En conséquence, Je détachement amé
ricain reçut ordre de descendre à terre et de
,se rendre maître d'une grande habitation
appelée la Maison-Blanche. On' s'en empara
sans résistance,j,et le capitaine Owen eut or-,
dre de s'y fortifier avec environ. 3j0O h&tri
mes. Tous les ordres furent donnés pour
une attaque par terre et par mer pour le
lendemain. *
Dans la nuit, le magasin â poudre du'
schooner Atravetha prit feu et saula. Le bâ
timent coula immédiatement. Outre de l'ar-
tilltrie, des munitions, des armes, Flores
perdit à cet accident-un certain nombre
de soldats, et, ce qui eut la plus funeste
influence sur l'expédition, plusieurs de ses
officiers les plus habiles et les'plus réso
lus. L'attaque fut contremandée et remise
au 5 juillet au soir. JLes navires de l'esca
dre furent remorqués devant les deux bat
teries de Saint-Charles et de là Plancha-
de qui défendent Guyaquil du côté du fleuve.
La canonnade s'engagea avec une extrême
vivacité de part et d'autre, jusqu'à ce que
l'artillerie de Flores, bien secondée par la
fusillade des carabiniers américains, eut
éteint complètement le feu de la place. Cé
dait un grand avantage : et la victoire était
certaine, si on fût débarqué quelques sol
dats et enlevé le fort Saint- Charles, dont li s
défenseurs avaient pris la fuite.
Mais'à ce momentun boulet ou deux, par
tis d'up bâtiment monté par. les recrues
américaines, vinrent frapper le gaillard d'ar
rière de l'Admaranka lilanco, et V jetèrent
la plus grande confusion. On-s'imagina que
les. Américains trahissaient; le commandant i
du navire ordnnna de redescendre la rivière,
toute l'escadrÇ suivit, et l'occasion de f i-apper
un coup décisif fut perdu.
Deux jours après, Flores avait renoncé à
toute attaque par terre et l'escadre remontait
la rivière pour ^canonner la ville,, lorsqu'un
déserleurde l'armée d'Urbina rejoignit l'esca
dre et assura Flores que la population entière
était pour lui; mais que, manquant d'armes
et de chef, elle était réduite à l'impuissance, s
et épiait l'occasion de se prononcer. Flores
renonça alors à.bombarder la ville, et réso- ■
lut de débarquer le plus de monde possible
et de s'avancer dans l'intérieur des terres,
dans Tespoir que de nombreux partisans
viendraient le rejoindre. Du 9 au 25 juillet,
Flores s'avança vers Quito, forçant le passage
partout où les troupes d'Urbina faisaient
mine de résister. 11 était arrivé à Ranchela et .
marchait sur-Santa-Rosa, lorsque les Chiliens
qui formaient la majeure partie du corps ex
péditionnaire se révoltèrent en se plaignant
de n'avoir pas touché de solde depuis cinq -
mois, et d'être conduits à la boucherie à tra-
vers un pays désert. Rien ne put les calmer,
etilsdésertèrentoupassèrent à l'ennemi.Flc-
res demeura avec environ 150 hommes, la
plupart Américains., Il se dirigea alors vers la
frontière du Pérou, et réussit à se rayer un
chemin jusque-là, en franchissant soixante
lieues en trois jours, sans cesse attaqué par
les troupes d'Urbina. Le 28 juillet, il attei- !
gnit Tombez, sur le territoire péruvien. Lui
et tous ses compagnons furent immédiate
ment désarmés. , - '
Dès le 17, les Chiliens qui étaient à bord
FEUÏLLETQS DU "CONSTITUTIONNEL, I" SEPTEWB.
^ *
m BALLET CHEZ LES HÈRES JÉSUITES*
Ua certain dimanche du, mois de juin
17-47, à l'heure où les écoliers promenaient
leurs joies bruyantes sur les bords fleuris de
la Seine, voici ce qui se passait à Rouen,
dans uns chambre retirée du collège royal
archiépiseopal de Bourbon, de la compagnie
deJésu®, plus désert, en ce moment, qu'une
nécropole, pl>:s silencieux qu'une çatacoca-
be : Douze hommes, vêtus de soutanes noi
res, les coudes appuyés sur une table, la
tête appuyée dans les mains, étaient a-sis au
tour d'un tapis vert, surchargé de cahiersde
papier'b'anc, de plumesd'oïe etd'écritoires.
De temps en temps, ua bras s'& llongeaitsur la
table; ce bras s'emparait d'une plume, trein-
pait la plume dans uneécritoiree t griffonnait
quélques lignes sur le cahierde papier placé
lui; mais, l'ipstant d'après,le même
{
devant - -- x ,.
bras, que vous eussiez-vu trembler d'im
patience et de colère, s'emparait du feuil
let à peine noirci, le déchirait avec Irage
et revenait, d 'un mouvement'machinal",
à son attitude première. Cts douze hom
mes si empêchés, si embarrassés, ii con-
tristés i représentaient pourtant l'élite des
(1) Le programme du l allet intitulé : l'Imagi-
nation, « tel qu'il fut dansé sur le théâtre royal
archiépiscopal de Bourbon, de la compagnie de
Jésus, 1>. jeudif dixième jour du mois d'août mil
Fept cent quarante-sept », forme -un in -quatîo de
dix-li!>ij P 'ges « imprimé à Rouen, chez Jacques-
Joseph Le Boullenger,-imprimeur'ordinaire du roi
•et du collège. »
Nous (.revenons le lecteur que tons les pas?ages
de notre article eutourés de guillemets s-ont ex-
ttraits textuellement, littéraUment, de,cetle trou
vaille lypo^raphipic, encore plus rare que cri-
lieuse .
professeurs du collège royal et archiépisco
pal de Rouen ; et ce qu'ils demandaient inu
tilement , depuis le matin, à leur cerveau
rebelle, c'était un plan de ballet, qu'on pût.
danser sur le théâtre du collège, *re 10 août
suivant, jour fixé'poOT la distribution solen-,,
nelle des prix. : * : '
—Révérends pères; ayàit dit le principal à
ses professeurs, nous avons usé et" abusé du
répertoire du père Porée, nous avons puisé
outre mesure dans les œuvres du père D^ucer-
ceau. Les illustres personnes qui tiQjis"font-
l'honneur d'assister-à nos,.distritintioi\s de
prix ont les oreilles,rebattues d^ pa- ésmtx
(Misoponvs, siveôtiosus)\ savent pir cœur
Pézophile ou le jàùeur (Pœibphilm, sioe^ alea•
tor). Donc, il nous faut donnor du'nouveau,
sous peine'de voir la foule délaisser les jeux
scéuiques de nps fins d'année^ Malheureusçt
ment, voùsle savez, lepèrePoréë n'est'plu^r
Cette vive 1 intelligence slest . éteinte, il y a
six ans, le 11 janvier 17-il ; hélas! il ne nous
fera plus de chefs-d'œuvre ! C'est à vous que
je m'adresse,-mes fidèles collaborateurs;
ingéniez-vous, inventez Quelque chose,. Une
comédie est fort difficile a ftiire, une tragé-
die e^t fort ennuyeuse à vôl'17. je penche pour
un ballet; trouvez-moi un balTèt>il ifte f^ut,
un ballet poùf te 10 aoiU prochain. «
Ainsi parla !e principal du'collège,', et les
douze professeurs se miiviit à l'œuire kvçc
un gT^nd courage. La nuit"vente, onap-^
porta'de la lumière, on servit le # dîner ; et,
le repas achevé, on les ^bandonna de nou
veau à leurs méditatians profond^.
Au premier coup de minuit, Ja^orte s'/ra-
vrit, et le principal apparût siir le seuil.
— Je vous salue, mes frères, diuil,; avçz-
vous trouvé la-sujet qui' noùs,occupe?
Il n'^eut point de réponse.
; ■— Éft-U possible? reprit le principal;
vous n'êtes pas plus ".-avancés que ce m^tin?
Mai?, je'sors de l'archevêché; Monspignt'tïr
compte absolument sur ce divertissement
„dont~- l'idée lui sourit fort. La yille entière,
4jue dis-je? toute la province, sé préoccupe.
de celle représentation que nous avons an-- !
noncée. Inconsidéré ou non, c'est un engài- v
gement; nous l'avons pris, et nous devons le
remplir. Il y va de l'honneur de notre maij
son, je dirai même de cotre -compagnies
JDëjà le sieur T^rlet, notre maître à danser,
"a composé des pas dont il espère un grand
succès. Aurez-vous donc mohis d'imagidial
tion que ce danseur.? Mes frères, je vous eri
conjure tournez et retournez votre imagi-
nâtionr..!.-.. L 'imagination -a été donnée à
l'homme * •
; Il fut interrompu nar iincri perçant; cj
,ch sortait delà honche éloquente du piofesr :
seur de rhétorique.;. V. , " h
— Qu'avez^ous. père-Du Rameau'/deman
da le principal, seriez vous indisposé ?
— Je tiens notre affaire! s'écria le père Du . 1
.Rameau. ■ - -
— Eu vérité?^' ; ' '
: —TEU vérité. '■
— Une inspiration soudaine ?
' Iuespérée| et lout l'henneur vous en
revient, mon père. £
— A moi? -,
— A-ttJus. •' '■
-, — J3 ne vous comprends pas.
-y jA- jVous avez parlé dé l'imaginâUûjj.... .
.— Oui.. ■; .
, >— Ce simple mot m'a ouvert tout un
monde. Mon balltti sera intitulé l'Imegina-
tion ; je le vois d'icirt
— jolijsujet, jntcrr
/rompiï le principal,
mais semé d'écueils. s.
.— Je les côtoierai ! v,?
— Plein de dangers.
' ' — Je les évitera}!.'"'^ f
—Tsiconu.e» périls'... | ' '
— Je les fuirai! I
' - Cette noble confiance gjjigna le principal. ,
"~sy- QOatid m'appoi"t'3rez'-,vous le plan de
votre ouvrage? dem;mda-t-il.*^'
Dans huit jours, répondit le père Du
Rameau. Comptez sur moi. :
Le dimanche suivant, à midi précis, le
professeur de rhétorique entrait,, d'un w
superbe, dans l'appartement du principal.
Dans sa main gauche, il tenaitune petit rou
leau de papier qu'il portait plus fièrement
qu'un maréchal de France ne porte le bâton
aux étoiles d'or. C'était le manuscrit du bal
let, noué avec des faveurs roses et copié de
sa bâtarde la plus majestueuse. Un fauteuil
et un verre d'eau sucrce étaient préparés
id'avance. Le révérend père s'assit dans lé
fauteuil, trempa ses lèvres dans le verre d'eau
et commença en ces termes :
— J1 me paraît à propos, mon père, de
vous dire sans retard le dessein de mon bal
let. "Vjôus savez qu'il a nom l'Imagination?
Le principal hocha de la tête en signe
-d'assentiment. "
: Le titre de ce ballet, reprit le père Du
Rameau, «présente d'abord à l'esprit,quelque
chose d'iiifini. Pour en fixer la juste étendue,
il suffit d'avertir " qu'il 11e s'agit ici que de
•l'imagination qui a rapport aux beaux-arts;
mais comme la matière serait encore inépui
sable, on s : est borné aux arts les plus bril-
latis ou les plus communs. La poésie, la mi>
ï sique, la danse, la peinture et la sculpture,
voilà les arts dont on caractérisera les divers
rapports avec l'imagination qufles ^diversifie
etële§..embellit après les avoir faî;t naître.»
-J— 1 Çest très juste; dit le principal.
- • -é Présentement, continua' l'orateur, je
. passe à la division cui ballet. «L'imagination
® ne dirige pas tous les hommes de la même
façon dans la pratique des arts. Elle ne pré
sente^ l'un que des objets agréables et rians;
elle p'en offre à l'autre que de grands ou
d'extraordinaires. Elle borne celui-ci à. l'ex
pression de la douleur ou du sentiment ; elle
conjgrlit aux yeux de celui-là les choses les
. plus sérieuses en plaisanteries. On peut donc
établir quatre sortes d'im iginations. *
. 1° L'imagination gracieuse et délicate ;
, ■ 2° L'imagination forte et hardie ;
, - *3" L'imagination tristp et touchante ;
i" L'imagination grotesque et folâtre. »
— Voilà des déductions d'une logique in
contestable, dit le'priucipal, qui n'entre-
voyjit pas très clairement un prétexte à en
trechats au fond de cette rhétorique trans
cendante.
Le père Du Rameau continua :
«—De cette division naissent les quatre
parties de l'ouvrage; quoique opposées en
tre elles, elles ne formeront toutes qu'un ta
bleau, où l'on retrouvera toujours le mêm'e
objet sous des jours différens. »
— Vous le croyez? demanda l'auditeur.
—r J'en suis sûr ! répliqua l'orateur. -Mais
il est temps de passer à l'ouverture defanon
ballet.
Le principal croisa sa jambe droite sur sa
jambè gauche, ouvrit démesurément les
oreilles, et fit entendre un « ah! » qui pou
vait se traduire par un « enfin ! »
•a O uverture . Quelques hommes sim
ples et bornés à la nature qui les conduit,
se rassemblent au pied du Parnasse. Char
més de la beauté du lieu où lé hasard les a
réunis sous les auspices de leur guide, ils
expriment leur joie par dfes mouvemens
aussi vifs. que naturels. L'Imagination qui
règne dans cette |>elle contrée interrompt
leurs nouveaux plaisirs pour les augmenter.
Elle paraît sur la cime du Parnasse, entourée
des génies de la Poésie, de la Musique, de la
Dahse, de la Peinture et de la Sculpture. Un
spectacle si brillant fixe les regards de la Na
ture et de ses enfans qui, revenus de leursur-
prise, invitent les génies et leur souveraine à
se rapprocher d'eux. L'Imagination descend
avec sa cour, reçoit les hommages de la Na
ture et lui présente ses génies. Les h'abitans
d'alentour n'ignorent pas long-temps un
événement si merveilleux ; ils viennént en
partager le plaisir. »
— J'entrevois d'ici une série de charmans
tableaux, dit le principal en se frottant les
mains ; continuez, mon révérend ; par grâ
ce, continuez.
—: Mon ballet, ainsi que j'ai eu l'honneur
de ^ous le dire précédemment, est divisé en
quatre parties , ou quatre actes, précédés
d'une ouverture , ou prologue. Vous con
naissez l'ouverture; je passe a la première
partie, celle qui est consacrée à célébrer l'i
magination gracieuse et délicate. « Les grâ
ces d'une imagination délicate brillent dans
les images riantes de la poésie, dans les ac
cords tôuchans de la musique, danslesmou- ?
vemens naïfs de la danse, dans les chef-
d'œuvre agréables de la peinture et de la -
sculpture..» N'est-il pas vrai, mon père? ^
— Rien de plus vrai. *
— Mon premier acte se divise en quatre
entrées. . *
— J'ai hâte de les connaître.
— Les voici: «l re entrée. (Poésie naturelle
et élégante.) Apollon, porté sur l'azur d'un'
.nuage, vient exciter les talens et répandre les
richesses d'une poésie brillante. Les Grâces
sèment des fleurs sur son passage. Les om
bres légères d'Anacréon, de Sapho et deTi-
bulle accourent des Champs-Elysées et mon
tent leurs guitares sur le ton des Grâces et
d'Apollon. »
— Très joli ! exclama le principal.
«— & entrée. (Harmonie douce et séduisan
te) Orphée touche la lyre. Les échos, sensi
bles a ses accords, les répètent avec justesse
Les bêtes farouches, enchantées, demeurent
immobiles au fond de leurs antres; tandis
qpe les arbres et les rochers, cédant au pou
voir magique d'une harmonie si touchante '
en marquent la cadence par une marché
prodigiétisg. » . • i
— Ravissant! interrompit lé principal
transporté^ la seule idée de cette marché 1
prodigieuse marquée en cadence par les ar- '
bres et par les rochers. f , ;
Le père Du Rafflèau rougit modestement : ' .
« —3 e entrée, dit-il. (Danses libres et naïves ) *
« Palès revoit son empire, son retour embèi- '
lit la solitude des campagnes et y fixe avec
1-upaiï l'essaim volage des plaisirs. Les ber- f
gers, saisis d'un agreable enthousiasme, s'é
chappent des bras de l'indolence pour ex
primer pardes danses libres et ingénues les
mouvemens d'une joie pure et innocente »
- —Ah! mon révérendî s'écrja le princi
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