Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-08-20
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 20 août 1852 20 août 1852
Description : 1852/08/20 (Numéro 233). 1852/08/20 (Numéro 233).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
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««ISIKA6JX. : rué de Valois PaUii^syai!, n« lO.|
B ' 485-2.-VENDREDI 20 AOUT.
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PARIS....... '13'F, PAJ&TKIMSSTRf.
DÉPAUTEMENS. 1® F. —
Uîi NUMÉRO : SO CXSTUqs;
POCtaBÏ pats BT&iSQSEB, SS ïeçoïtsï
tablssuqur : séra publié dans le jomssli
et 25 ,do caa^ua moïa, <
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ï*es abonnçmens datent dçs 1 er et 16
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S'adresser, franco, pour la rédaction, à Mi GuCEEVAX-GUïneinr,' rMwttéur e$ chef:
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JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
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I Q/i s'abonne, dardes dipartenum, aux Messageries et aux Directions de poste —A Londres, chez MM. Cojeil et rafi !
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' ^ont reçue» a« bureau du journal;'et oîmsï M. PANIS, régifseur, M, fclace da la Bouse
PAiUS, 4« AOUT.
; 14-indus.tr i^4o.-6d«*4* u i OHrs l'objefrdes
attaques les plus injustes; on demande à tout
propos là réduction des droits qui la protè
gent contre l'industrie étrangère, et nos li
bre-échangistes annonçaient encore, il y a
peu de jours, la prochaine diminution de
notre taril au profit des fers anglais. -
Ces rumeurs, même quand elles sont
fausses, ont un grave inconvénient : c'est
de répandre l'inquiétude parmi les intérêts
menacés, et, par conséquent, de faire
ajourner des perfectionnemens qui néces
sitent l'immobilisation de capitaux considé
^râbles. Nous en avons un nouvel exemple
en ce moment même. L'industrie métallur
gique est à 1a veille d'opérer une révolution
nouvelle dans ses moyens de production, et,
si les bruits récemment propagés venaient à
prendre de la consistance, il n'en faudrait
pasVdavautage ponr'.empêcher cette révolu
tion féconde qui' doit abaisser encore nos
prix de revient.
Rappelons d'abord, à l'aide de quelques
chiffres, les progrès que l'industrie du fer a
. déjà réalisés sous l'influence du système pro
tecteur.
Les documens officiels, publiés par l'ad
ministration des mines, font voir que la pro
duction de noire industrie métalluxgique a
suivi la progression suivante :
Production de Production
la fonte. du fer.
1819 1,125,000 q; m. 742,000 q. m.
•1825 1,985,000 1,416,000
"1830 2,663,000 1,484,000
4835 2,947,000 2,095,000
1840 3,477,000 2,373,000
1845 4 ,389,000 3,422,000
1847 8 ,780,000 4,355,000
Ainsi la production de la fonte a quintu
plé; et celle du fer a presque sextuplé dans
l'espace de moins de trente ans. Nous né
croyons pas qu'il y ait beaucoup d'exemples
de semblables augmentations dans les anna
les industrielles. On peut donc dire que no
tre industrie métallurgique a suivi ou plutôt
"devancé les demandes de la consommation.
Il est vrai que, depuis 1847, le ralentisse
ment des constructions civiles et indus
trielles, et notamment des travaux de cher
mins de fer, a fait rétrograder la production
de la fonte à
4,817,000 q. m. en 1848.
4 ,306,000 id. 1849.
Et la production du fer à
3,371,000 q. ni. en 1848. *-
■2;218,000 id. 1849.
c'est-à-dire que la production du fer a
presque diminué de moitié de ce qu'elle était
avant la révolution de février. Mai* nous ne
pensons pas qu'on veuille s'en prendre à
notre industrie métallurgique d'une dimi
nution dont elle a été la principale victime.
Ce serait même une raison, si nos libre-
échangistes avaient l'habitude de tenir
compte des faits, pour attendre qu'elle se
fût relevée, avant de songer à réclamer des
réductions de tarif qui pourraient la tuer
dans l'état déplorable auquel elle a été ré
duite par une crise de quatre années;
Est-il besoin d'ajouter que le grand déve
loppement que nous venons de signaler
dans la production du fer depuis la Restau
ration jusqu'à nos jours , a été accompagné
d'une diminution progressive dans les.prix
de vente? Les ftirs de Bourgogne et de Cham
pagne sont descendus, sur le marché de Pa
ris, de 54 fr. le quintal en 1826, à 45 fr. en
1829) à 39 fr. en 1835, à 34 fr. 50 c. en
1840, à 29 fr. 50 c. en 1845, et enfin à
27 fr. en 1851 ; diminution d'autant plus re
marquable, qu'elle a eu lieu malgré une
hausse de près de 50 0/0 sur le prix des bois.
Le prix des rails, que le premier chemin de
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 20 AOUT.
GRIMOB DE LA REYNIÈRE.
VII.
RECHUTE AMOUREUSE. f
Sans être un égoïste, Grimod de la Rey-
nière ne fut jamais heureux que par lui-mê
me. Trop enclin à la raillerie.(qui est le vice
le plus de-plaisant auxy eux des femmes) pour
provoquer la confiance, l'amour ne vint ja
mais au-devant de lui ; ce fut lui qui alla
perpétuellement au-devant de l'amour. S'il
obtint quelquefois un .peu d'affection, il
ne le dut guère qu'à la curiosité qu au
désœuvrement; on l'aima pour l'amour de
Dieu 5 et ce qu'il prenait pour de la tendresse
n'était le plus souvent qiiu de la charité. Heu
reux qui donne l'aumône, malheureux qui
la reçoit ! Grimod de la Reynière la reçut
toujours. Quelque chose qu'il imaginât, il ne
put jamais faire qu'on se passionnât pour
lui. Cela ne doit étonner personne. Il .ac
cusa sans doute fréquemment de rigueur
le destin et de fatalité son étoile ; il ne
devait accuser que lui-même et les femmes.
Qu'ivait-il en effet pour passionner ce sexe
dont le cœur et la tête ne font qu'un, aussi
entier dans son attachement que dans son
indifférence? Rien, absolument rien. Il avait
au contraire tout ce qui repousse et éloigne,
—■ nous ne cessons pas de parler au point de
vue des femmes : — d'abord une difformité
phvsique, particularité toujours choquante
quoi qu'on tasse et de laquelle détournent
difficilement leur pensée celles qui n'ont
jamais pu pardonner son pied-bot. à lord
Bvron; ensuite l'amour de la gastrono
mie, rivalité irritante et honteuse, ou du
moins qui leur semble telle. Avez-vous
jamais connu un gourmand aimé? Enfin,
premier ou dernier grief, à votre choix, c'éj
tait un homme d'esprit. L'esprit! vice sou-
erain, que les femmes n'absolvent à peine
.fer exécuté.en Fiance', ctljifidc Saint-Etienne
à Lyon,, avait du-pocyci"8£ fr. le quintal,-.que
celui;.rie''"'Sortit-(£f?,,;ain avait pjyé 42 fr.
50 ,■ est tnmbé'*<ïe "telle marnére" que' les
chemins du Nord, du Centre d'Avignon
à Marseille en ont obtenu à 32 fr. 50 c.
Une nouvelle et plus forte baisse a succédé à
une, hausse momentanée qui eut lieu en
1845, au moment de l'engoûment des che
mins de fer, et l'on peut actuellement ache
ter des rails au prix de 22 fr. pris à l'usine.
Comment ces progrès se sont-ils accom
plis? Jusque vers 1821, la fonte et le fer
n'étaient fabriqués dans,nos forges, aune
seule exception près, qu'au moyen du
combustible végétal. L'affinage de la fonte
au moyen de la houille, prit d'abord un
développement considérable, et, dès 1836, la
production des forges au'combustible mi
néral égalait déjà celle des affineries au
charbon de bois. Mais la fabrication de la
fonte au coke avait de la peine à s'installer
dans nos bassins houillers; elle rencontrait
des obstacles de tout genre : les difficultés
d'une industrie naissante, l'absence de bons
minerais à proximité, le manque de bonnes
voies de communication pour se procurer les
matières premières qu'elle ne trouvait pas
sur les lieux, et pour expédier ses produits
dans les principaux centres de consomma
tion. Aussi les premières usines au coke
eurent-elles les cMimencemens les plus pé
nibles, et l'on put douter un instanl que cette
fabrication fût jamais appelée à jouer un
rôle important dans notre production métal
lurgique.
L'administration des mines constatait cette
situation. Il résulte de là, disait-elle en 1837,
que la production de la fonte a été conte
nue entre des limites qu'elle n'a pu dépasser,
par suite de la fixité des approvisionnemens
en combustible végétal. Ainsi, tandis qu'en
Angleterre, où la fonte et le fer se fabri
quaient à la houille, la production du fer
pouvait s'élever en quelque sorte indéfini
ment, ou du moins n'avait d'autre borne que
l'épuisement très éloigné des houillères et des
minerais, la fabrication semblait devoir res
ter circonscrite en France dans le cercle
du rendement annuel des forêts. La ra
reté des fontes au coke avait d'ailleurs une
conséquence fâcheuse même pour nos four
neaux et nos forges au bois ; c'est que le prix
des fontes au bois n'étant point limité par
celui des fontes au coke, la concurrence en
tre les propriétaires d'usines s'établissait
moins sur la vente des produits que sur l'a
chat des combustibles, ce qui faisait hausser
incessamment' le prix des bois, et tendait à
les porter aux taux les plus exagérés.
Cependant nos usines. redoublèrent d'ef
forts, et la victoire resta à la persévérance.
Les difficultés furent vaincues. La fabrication
de la fonte au coke s'établit. À la faveur de
la demande, occasionée par l'exécution des
chemins de fer, les anciennes forges, qui
n'avaient fait que végéter jusqu'alors, repri
rent une activité inconnue. Le Creuzot, De-
cazevill'e, Alais, doublèrent leurs moyens de
production. On vit s'élever les grands établis-
semens deCommentry, dellayange, etc., etc.
L'impulsion était donnée, et la production au
coke prit une part de plus en plus grande
dans la production totale du pays.'
On peut estimer, en supposant l'industrie
métallurgique revenue à son'état normal,
que près des deux-cinquièmes de la fonle, et
plus des deux-tiers du fer, produits en
France, se fabriquent actuellement à la
houille.
Il semblait difficile d'aller plus loin. « La
fabrication de la fonte au- combustible mi
néral, écrivait M. Bineau, dans un article in
féré aux Annales des Mines, augmentera sans
doute, et s%proportion, par rapport à la fa
brication totale, augmentera également.
Néanmoins, comme, d'après la constitution
géologique de- notre sol,, les minerais les
meilleurs et les plus abondans sont dans des
contrées dépourvues de houille et assez
b : én Loisées, tandis que nos plus riches
bassins houillers manquent de minerai, la
plus grande partie de la fonte française con
tinuera toujours à être fabriquée au bois. »
Celte conclusion devait paraître on ne peut
plus logique, et cependant les améliora
tions apportées dans nos voies de communi
cation vont permettre de réaliser ceigJ eût
semblé improbable il y a quelques affilées.
Si la fabrication de la fonte au coke s'est
développée sur nos bassins houillers, c'est
en grande partie parce que les maîtres dé
forges qui s'y sont établi^, ont pu faire venir
de bons minerais. -€?es*t ; ain§i qu'ils sont
parvenus, non séulemént à abaisser les prix
de revient, mais encore à améliorer 'les ;
qualités, de telle sorte qu'on ne fait plus
maintenant, dans le commerce , • qu'une,
différence de 1 franc v entre le prix des fers
au coke et celui d'es fers-provenant de fon
tes au bois affinées à la'houille. Aujour
d'hui, nous allons voir, grâce\au dévelop
pement de notre réseau de cheinMffcde.fer,
la houille aller trouver le minerai'' sur les
gîtes abondans qui existent dans certains
districts favorisés.
On sait que nos grands gisemens de mine
rais de fer se rencontrent principalement en
Champagne, eû Bourgogne et en Lorraine.
Aussi» ces contrées forment-elles de temps
immémorial un des principaux groupes de
notre industrie métallurgique. Le procé
dé qu'on y pratique aujourd'hui est ce
lui qui est connu sous le nom de procédé
mixte. La fonte est fabriquée au charbon de
bois et affinée à la houille. Or, quand les
chemins de fer qui sont en cours d'exécu
tion seront achevés, la houille viendra af
fluer vers ce grand centre industriel par trois
directions différentes. L'embranchement que
le chemin de Strasbourg a jeté sur Saar-
bruck, y amènera les houilles prussiennes.
Les houilles du nord et de la Belgique s'y di
rigeront par l'embranchement de Douai à
Reims, concédé à la compagnie du chemin
de fer du Nord. Enfin, le chemin de Gray
à Saint - Dizier y conduira nos houilles
du centre. Nul doute que , lorsque les
houilles'de toutes ces provenances pénétre
ront dans notre grand centre métallurgique
et s'y feront concurrence, les maîtres de
forges ne soient entraînés à substituer le coke
au charbon de bois, ou du moins à les mé
langer tous les deux dans les fourneaux em
ployés à la fusion des minerais.
On cite déjà des essais de mélange des
deux combustibles qui ont été faits dans di
vers hauts-fourneaux de la-Champagne. On
assure même qu'un maître de forges est allé
jusqu'à mettre 30 0/0 de" coke, sans que la
fonte ait éprouvé d'altération dans sa qualité
ordinaire. C'est là un perfectionnement qui
doit s'étendre et se généraliser à mesure que
l'achèvement des chemins de fer fera baisser
le prix de la houille dans ces contrées.
Un journal de la Haute-Marne, l'Echo de
la Métallurgie, a reproduit récemment le cal
cul d'un maître de forges tendant à établir que
la Champagne pourrait livrer la fonte à un
prix environ moitié moindre du prix actuel;
c'est-à-dire à 7 fr. le quintal au lieu de 12 à
13 fr. Ce calcul suppose que la fonte serait
traitée exclusivement au combustible mi
néral, et que le coke : ne reviendrait qu'à 30
ou 36 fr. la tonne.
' Mais, comme le faisait remarquer le jour
nal de la Haute-Marne, pour qu'une pareille
révolution pût s'effectuer, il faudrait avant
tout que l'industrie métallurgique n'eût pas
à craindre pour son avenir. line s'agirait pas,
en effet, de substituer purement et simple
ment le coke au charbon de bois dans le^
fourneaux existans. Les usines seraient
entièrement à renouveler. On devrait cons
truire des hauts-fournaux plus élevés,
des machines soufflantes plus fortes; et tout
-, CeJa ne s'exécuterait pas sans de puisêans
" capitaux. Or, comment croire que les maî
tres de forges se décidassent à faire des dé
penses aussi considérables, s'ils n'étaient
pas certains du lendemain ? — .
En résumé, l'abaissement du tarif sur les
fers, dans les circonstances présentes, ne
saurait s'appuyer sur aucun argument sé
rieux et ne présenterait que des dangers.
L'industrie métallurgique a largement payé
la protection qu'elle a reçue ; elle s'est déver
loppée de manière à pourvoir à tous les be
soins, et elle a réduit le prix de ses fers
au taux où étaient les fers anglais il y a
vingt ou vingt-cinq ans. Aujourd'hui,
de nouveaux progrès sont à la veille de s'ac
complir. La grande révolution de la substi
tution du combustible minéral au combus
tible végétal va faire un dernier pas. Soyons
donc patiens, et laissons à là concurrence
intérieure, qui a déjà produit des résultats
si admirables, le temps et les moyens de.
nous donner le fer à bon marché.
J. DURAT.
Plusieurs journaux anglais, d'après les
correspondances apportées par la malle des
Antilles, publient sur la situation de la Gua
deloupe des détails qui montrent malheu
reusement que l'agitation causée dans cette
île par l'arrivée de M. Charles Dain n'était
pas encore apaisée. Nous voulons espérer
que le prochain paquebot nous apportera
enfin la nouvelle du rétablissement de la
tranquillité (lais une colonie si cruellement
éprouvée depuis quatre ans.
Lé secrétaire de la rédaction, i. boniface
Des nouvelles reçues des Antilles françaises
. annoncent que des troubles avaient éclaté à la
Guadeloupe, à l'arrivée du fameux républicain
rouge , M. Charles Dain , nommé récemment
membre de la cour d'appel de l'Ile. A son débar
quement, M. I)ain a été hué et menacé par la
multitude rassemblée. Les désordres ont continué
plusieurs jours, et il y a eu de nombreuses arres
tations. Les membres du barreau ont tenu unmee-
ting,et ont solennellement refusé de plaider devant
la cour-aussi long-temps qu'y siégerait M. Dain.
Les membres du conseil privé ont envoyé leur
démission. Le conseil municipal, la chamhrc de
commerce et les officiers de la garde nationale
ont donné leur démission en masse. 11 règne dans
toute la colonie une irritation et un dégoût qui r me
nacent sérieusement l'ordre. Malgrétous ces désor
dres, l'installation de M. Dain a eu lieu ; mais
pas un seul avocat ou avoué n'était présent à la
cérémonie, ' (Times.)
Le Morning-Herald d.u 18 août publie à
son tour les détails suivans :
'«L'arrivée de M. Charles. Dain, républicain
rouge socialiste, récemment nocumé par le gou
vernement françui- à des fonctions près la cour
d'appel de la Guadeloupe, a été la_ cause d'une
"grande agitation et de nouveaux désordres dans
cette colonie; il est arrive par le deuxième paque
bot d« .juin. Lorsque le bateau à vapeur toucha la
Casse -j 'Tre dans la matinée du S juillet, M. llùs-
son, directeur de l'intérieur, et M. Vallée, ins-
■ Decteur général de la police, se rendirent à bord.
Ils engagèrent M. Dain à ne pas débarquer au lieu
ordinaire du débarquement. Sans tenir comi te de
cet avis, celui-ci descendit à terre ; en dépit des
efforts de la police et de-la gendarmerie, il fut im
médiatement entouré, hué et menacé par la multi
tude. Il dut s'avancer sous la proteci ion de la police,
ce qui ne l'empêcha pas d'être l'objet d'un bruyant
charivari jusqu'à sou départ pour la campagnedans
la nuit. Trente jeunes gens des meilleures famil
les ont été arrêtés et incarcérés pour avoir pris
part à cette démonstration. Le lendemain, le gou
verneur Aubry Bailleul publia^ une proclamation
menaçant de recourir aux cbàtimens les plus ri
goureux si les tumultes de la rue se renouvelaient.
Le 7, une escorte de douze gendarmes accompa
gna le fonc gouvernement où il allait faire sa visite officielle.
Nonobstant le déploiement de forces, les tumultes
de la rue recommencèrent, et de nombreuses ar
restations eurent encore lieu! La manifestation prit
un caractère plus sérieux ; elle passa des rues dans
les corps constitués. Les membres du conseil mu
nicipal de la Basse-Ttrre,avec l'honorable M. Laiu-
richesse à leur tête, à l'unique exception d'un beau-
frère de AI Dain, renoncèrent simultanément à
leurs places, proclamant la manifestation qui avait
eu lieu en ville comme l'expression sincère des
sentimens du pays, partagés par le conseil tout
entier. Les membres du.barreau de la Basse-Terre
s'assemblèrent et ils refusèrent solennellement de
plaider devant la cour tant que M. Dain en fe
rait partiè^Ë(^fio.nseil privé lui-même fit dé
mission , corferderaVît la présence, de M. Dain
dans l'administre lion" de la colonie comme un
grand maî, et iré-'i'oulani pas partager- la respon
sabilité.des dangers qui pourraient être la consé
quence des mesures extrêmes dont il serait la prin
cipale et déplorable en use. Lorsque la nouvelle par
vint A la Pointe-à-Pitre le 9, le murmure fut gé
néral. Le conseil municipal, les chambres de com
merce et les officiers de la milice donnèrent leur
démission en masse, alléguant ne pas pouvoir con
tinuer de rester en place tant qu'ils seraient ex
posés à se trouver associés au confident de Séné-
cal. Toute la colonie a partagé ces sentimens. »
On lit dans le Globe du 18 août :
Par le bateau à vapeur de la malle, arrivé à
Liverpool, nous apprenons que le vice-amiral sir
George Seymour a, à bord de son vaisseau-amiral
le Cumberland, de soixante-dix canons, fait une
visite à Terre-Neuve, afin d'assister à une confé
rence des commissaires français et anglais, réunis
pour faire des investigations sur les plaintes con
tre les pêcheurs français pour empiète mens sur les
pêcheries à Labrador et à Terre-Neuve. Ainsi, il
existe une question française aussi bien qu'améri
caine, touchant des empiètemens sur nos droits de
pêcheries coloniales. C'eût été pour lord Derby, ce
semble, une raison déplus pour agir avec circons
pection. »
Nous trouvons dans le Diario espanol
quelques renseignemens qui viennent à l'ap
pui des nôtres, et qui prouvent également
l'activité que nos voisins d'Espagne mettent
à la réalisation de la grande entreprise qui
doit relier ensemble Paris et Madrid. ^
" ; Un--journal de Valladolid, Dùero,' an u
nonce qu'un ingénieur du gouvernement
vient de terminer les études du tracé et des
bàtimens d'exploitation du tronçon de che
min entre cette ville et Duenas, et- que les
plans et devis ont déjà été envoyés au mi
nistre des travaux publics. Le Diario espanol
parle des inconvénient qu'offrirait le chemin
de fer si on lui donnait cette direction, qui
est la plus longue, et trouve préférable à
la ligne de Madrid par Avila, Yalladolid, Bur-
gos, Bilbao et Saint-Sébastien, qui serait
d'une longueur de 120 lieues d'Espagne, celle
par Guadarrama, Valladolid, Burgos, Yittoria,
Alsazua et Tolosa, qui ne serait que de 94 à
98 lieues. Il en indique un autre «ncore, qui
n'aurait que 74 à 76 lieues, et qui, en par
tant de Madrid, passerait par Alcala, Guada-
lajarà, Siguenza, Almazan, Soria, Viana,
Alsazua, Tolozà et Saint-Sébastien.
Le gouvernement espagnol a déjà concédé
à M. Salamanca la: section du chemin du nord
de l'Espagne, entre Madrid et Miranda sur
l'Ebre.
La compagnie qui construit le chemin de
fer de Santander à Alar del Rey a obtenu aussi
la concession de deux embranchemens, qui
iront l'un à Burgos et l'autre à Valladolid.
Ces embranchemens avaient été d'abord con-
cédés par le gouvernement espagnol à une ■
antre compagnie, qui a traité avec celle dû
chemin de Santander.
Du reste, ajoute le journal espagnol, il est
bon que le public sache que les plans en
voyés au ministère par l'ingénieur du gou
vernement, sont exactement les mêmes que
ceux qui furent exécutés par les ingénieurs
de la compagnie anglo-espagnole de Santan
der, avec la différence que ces derniers met
taient l'embarcadère de Valladolid dans la
partie de cette ville la plus convenable pour
y rattacher la ligne qui ira à Madrid, et que
1' ngénieur officiel du gouvernement place
l'embarcadère près de la maison de'M. Rey-
noso, ministre des travaux publics, natif et
propriétaire de Valladolid. Le journal espa
gnol ajoute avec une feinte naïveté : « C'est
sans doute à cause des souvenirs historiques
que rappelle cette maison, où est né Phi
lippe II. » ,
On lit dans le Nacional de Cadix, que, dans
la séance du 9 de ce mois, le gouverneur ci
vil de la province avait fait part à la muni
cipalité d'un arrêté du ministère par lequel
il a été décidé^que le point de départ du che
min de fer qui doit réunir l'Andalousie à
Madrid, serait les remparts de Cadix, afin
que cette ville devienne le port de l'Europe.
Il était arrivé à Valence un navire anglais le
Celerity, chargé de rails pour le chemin de
fer de Valence àXativa, qui est déjà presque
terminé. v
On nous écrit de Barcelone que les tra
vaux du chemin de fer de Tarragone à
Reus vont bientôt commencer, ainsi que
de celui ' de Granôllers à Afafe' Ce .dernier
mettra en communication la haute ^Catàlb-
gne et rapprochera - du .port' do ; gatcelone
tout le pays catalan qui est près de la fron
tière française du côté dePuycerda, Ceret, etc.
Le bateau à vapeur français te Philippe-
Auguste, allant à Alger, avait été obligé de
relâcher à Valence, parce que sa machine
s'était rompue et qu'il avait souffert d'autres
avaries. Heureusement, ajoute un journal
de Valence du 10, il. n'est rien arrivé de gra
ve aux passagers. l. boniface.
Une réunion extraordinaire de la chambre de
' commerce a eu lieu samedi à Belfast, pour rédiger
un mémoire au gouvernement, et le prier d'abais
ser les droits qui pèsent sur les vins français, dans
le but d'obtenir de la France des avantages réci
proques. Voici la pétition qui a été adoptée
« La chambre de commerce de Belfast repré
sente :
»Que, depuis plusieursannées.Belfastetle nord de
l'Irlande exportent en France dé grosses quantités
de toiles et de fils; qu'en 1842, le gouvernement
français a imposé sur ces articles des droits pres
que prohibitifs, par suite desquels l'exportation a
presque cessé; ce qui a gravement nui au com
merce de cette ville et de ses alentours." Les péti
tionnaires rappèlent que la province d'Ulster
emploie un grand nombre de bras à la ma
nufacture et à la broderie de la mousseline et
autres objets, et qu'une forte exportation en
France pourrait avoir lieu, s'ils étaient admis
à des droits modérés. Les pétitionnaires pen
sent (jue le gouvernement actuel de France se
rait disposé à admettre, à des droits modérés, les
produits manufacturés de là Grande-Bretagne et
de l'Irlande, si le gouvernement anglais admettait
les vins de France à des réductions équivalentes.
"Les pétitionnaires pensent que ■ le revenu de ce
pays ne recevrait aucune atteinte de la réduction
de 1 sh. par gallon devin, parce que l'augmenta
tion de la consommation comblerait en peu d'an
nées le déficit qui pourrait momentanément en
résulter. Les pétitionnaires croient que de grands
rapports commerciaux entre la Grande-Bretagne
ét la France auraient pour effet de diminuer les
préjugés nationaux, de faire naître des dis
positions favorables entre les deux pays, et de
les. unir par les liens indissolubles de l'intérêt
commun ; en conséquence, les pétitionnaires prient
Vos Seigneuries de prendre les mesures qu'elles
jugeront les meilleures pour faire droit à leur de
mande. ( M'orning-Herald.)
On nous écrit de Vienne, le 14 août ;
« Huit heures du matin. — La ville de Vienne
présente en ce moment un curieux tableau. Les
édifices se parent de riches tentures, de guir
landes de ■ fleurs et de drapeaux. Chaque maison
prend un aspect de fête, chaque fenêtre prépare le
tribut d'hommage qui resplendira- ce soir par une
brillante illumination; un'e foule considérable par
court les rues de la ville, d.e nombreux travailler t
posent partout des bannières, des transparens, des
tentures et des portraits de l'emper.jur. Sur tous
le^ points on dresse des colonnes triomphales; la
ville et ses trente - deux faubourgs auront
leurs arcs de triomphe. Le plus considérable de
tous s'elève à l'entrée du Prater,. dans, les lieux
mêmes où la révolution avait construit la fameuse
barricade qui, défendue par le général Bem et
douze pièces de canon, a fait répandre tant de
sang. Cet arc, éleyé sur le modèle et sur les pro
portions de celui de la Paix à Milan, est colossal;
la principale figure, qui . représente le génie de la
Pair, a trente-deux pieds de hauteur; elle couron
nera le point culminant de l'éd if ice monumental.Elle
se trouve au centre de deux tribunes où dix mille
personnes privilégiées prendront place ; une troi
sième tribune est préparée pour Uprapereur qui
recevra là les dommages des autorités de la ville.
» Les préparatifs dont je vous parle ont coûté
des sommes énormes : on cite- un tailleur, qui a
dépensé plusieurs milliers de francs pour orner et
illuminer sa maison. Les pêcheurs du Danube ont
consacré une somme de 2,000 florins à l'illumina
tion de leurs barques. Les palais des princes, les'
comptoirs des banquiers, les boutiques des com-
merçans rivalisent de zèle.et luttent de somptuo
sité.- Les çhemins de fer ont versé dans la capitale
une population de çipqua'nie mille étiangers : oïl
voit parmi la foule les costumes les plus pittores
ques; toutes les provinces de l'empire ont envoyé
leur contingent-à cette fête sans exemple et s^ns.
antécédent à Vienne. Une fenêtre, sur lé passage
du coftége.impérial, se loue 120 francs,
» Une, heure.— Les troupes commencent à pren
dre position sur les differens points de la ville qui
leur ont été désignés. Quatre régimens d'infante
rie formeront la haie depuis le débarcadère du
chemin de fer jusqu'au palais. Les corporations 4es
arts et des métiers prennent également po;ition
sur les places qui leur sont assignées; elles ont
toutes, leurs drapeaux. De nombreux orclieitreâ
sont échelonnés de distance en. distance : ils e$é->
cuteront l'hymne Dational sur le passage > de
l'empereur. Toutes les' maisons sont maintenant
pavoisées de fleurs, de drapeaux, de draperies de
soie et de velours. La' ville ainsi parée rappelle
que dans les romans, monstre par qui elles
redoutent toujours d'être vaincues. Soyez
tout ce que vous voudrez pour réussir au
près d'elles, même, honnête homme, mais
ne soyez pas homme d'esprit. Elles ne sont
faites, vous le savez bien, que pour les luttes
où elles triomphent, c'est-à-dire pour les
luttes de cœur; le reste n'est qu'accessoire
et chose importune. La première qualité
qu'elles demandent à un amant, c'est l'ex
clusivité, c'est l'absorption , c'est le re
noncement à tous ses goûts favoris, c'est le
sacrifice, partant c'est l'esclavage. Grimod de
la,Reynière n'avait aucune de ces faiblesses
chéries, qui sont des flatteries indirectes, de
ces lâchetés qui gagnent si bien un cœur
féminin. Pour loger l'amour, il ne lui con
venait point de chasser les autres hôtes, de sa
maison; il prétendait à la,fois aimer ei bien
dîner, aimer et écrire des livres, aimer et
rester un original.
Aussi toutes ses ressources contre la mi
santhropie et l'abandon, il ne les tirait que
de lui-même, de son invention féconde. Il
animait la vie autour de lui et éperonnaitles
événemen?, autant pour s'élourdir que pour
étourdir les autres. C'était faire le bruit
pour no pas sentir le. vide; Et encore ce
bruit, il le faisait à froid comme un comé
dien : ses farces, il ne les improvisait pas,
il les. préparait de longue main, il les
raisonnait. Sa gaîté était celle de ce sei
gneur anglais qui, au milieu de la nuit et
d'un souper, sortit de table avec ses amis
pour aller badigeonner son château tout en
rouge. De fait, Grimod de la Reynière ne
ressemble pas mal à un Français greffé sur
un gentleman : il a du premier la moquerie
légère et les dehors exquis; il a du second
les teintes brunes, l'excentricité et l'appétit
à toute outrance.
L'auteur des Contemporaines n'est pas le
seul avec qui il ait correspondu pendant son
séjour à Do «lèvre- Un amateur des plus raf
finés jet des plus méfians, nature de sybarite
et de diplomate, M. Joubert, avait conçu le
projet d'aller le surprendre au milieu de ses
moines ; sa santé et ses oeeupations l'en em
pêchèrent; il lui en témoigna son regret dans
les termes les plus exquis que put lui sug
gérer sa science du monde. Un autrehomme
de lettres, bien différent, et qtf'un trop ar
dent caractère jeta dans tous les excès anti-re
ligieux et démagogiques, Sylvain Maréchal,
Un des habitués des déjeûntrs philosophiques,
s'empressa également de lui faire parve
nir l'expression de sa sympathie véritable.
On voit, par la rencontre" de ces deux noms
et de quelques autres que nous n'avons pas
relevés à le ur lieu, qu'aucun esprit de parti ne
guidait Grimod de la Reynière dans le choix
de ses liaisons. N'ayant besoin de personne il
était affable avec tous, et, n'obéissant qu'à sa
bienveillante curiosité, il laissait de côté les
systèmes pour ne s'inquiéter que des indivi
dus. Et d'ailleurs sous quel système eût vou
lu se ranger ce jeune homme, rendu si indé
pendant par sa fortune, et qui s'était si pu
bliquement dégagé des devoirs que l'usage
impose? *
Il retourna en Suisse, ainsi qu'il se l'était
promis autrefois, à Lausanne et à Zurich.
Dans cette dernière ville, il fut retenu près
de quinze jours par Lavat'er, qui voulait sans
doute prendre le temps de l'ét udier sous lotî
tes les laces. « On ne saurait croire, dit Gri
mod, combien la conversation de cet homme
célèbre est animée, belle et intéressante. Il
s'exprime en français avec un peu de diffi
culté, et crée souvent des mots, pour rendre
ses idées ; mais ce fréquent néologisme, loin
de gâter son style, y jette singulièrement
d'énergie. Son langage, est aussi animé que
celui de Diderot, et son ame est bien plus
belle. J'ai eu le bonheur de lui inspirer un
vif attachement, et je m'en félicite. »
Après une légère excursion en Allemagne,
Grimod arriva à Lyon, où il séjourna plus
de dix-huit mois, retenu, nous avons tout
-motif de le supposer, par cet amour mysté
rieux que l'on a vu se développer au sein
même de l'abbaye de Domèvre. Cefutà Lyon,
en novembre 1189, qu'il apprit b révoca
tion de, ?a kltr.î de cachet, qui avait suivi
de près le renvoi du baron de Breteuil. Ce
pendant il ne se pressa pas de retourner à
Paris, sachant que ses parens l'aimaient
mieux de loin que de près, et redou
tant d'ailleurs une fermentation politique
à laquelle son inoffensivé philosophie ne s'é
tait pas attendue. Voici comment il s'expri
me, à la date du 2-7 août 1790, au sujet
des événemens révolutionnaires ; « J'ai vu
avec une vive douleur que vous étiez deve
nu (c'est à un de ses amis qu'il s'adresse)
un chaud partisan de notre exécrable Révo
lution, d'une Révolution qui anéantit la re
ligion et les propriétés, la gloire de cet em
pire, des lettres, des sciences, des arts, qui
nous reporte au XIV 0 siècle. Vous connaissez
mon opiuion sur les grands et les riches; ainsi
vous ne me soupçonnez pas, en pensant ainsi,
de chercher à défendre, le ur cause; mais je plai
de celle de l'h^onueur ,de la probité.du savoir et
de la ver tu, également ou tragésdaus le nouvel
ordre de choses. Est-ce que cetenragé de Mer
cier vous aurait fait partager ses fureurs ?...
Quoi de plus atroce, de plus redoutable que
cet odieux comitédesrecherches, quisuppose
des crimes pour se rendre nécessaire 1 La Bas
tille et les lettres de cachet n'étaient rien au- *
■ près de cesnouveaux inquisiteurs.» De la part
d'un homme encore tout meurtri par le des-
.. potisme monarchique, l'aveu est bon à-re-
cueillir.
Grimod avait à Béziers une lante, sœur de
sa mère, Mme la comtesse de Beaussec, qui
était une dame d'infiniment d'esprit et de
raison ; il se rendit auprès d'elle et passa
dans sa société des journées on ne peut plus
agréables. Les premières maisons de la ville
lui furent ouvertes, et, comme on connais
sait son goût pour la bonne chère (notez què
pendant l'exil le ver solitaire était revenu),
on n'oublia rien de cc qui pouvait le flatter :
« Perdrix roug-.s, veaux-de-roi,- melons des^
dieux, huîtres larges comme des bénitiers,'
cailles grosses comme des pouMs , lapins
nourris d'herbes odoriférantes, fromage de
Roquefort qu'on ne devrait manger qu'à ge
noux... » Après cette énuméravion .pleine
d'enthousiasme, il ajoute : « 11 faut ici mar
cher d'indigestions en indigestions". V Ses
éloges ne tarissent point sur le compte de
M, l'évêque de Nicolaï, frère du premier
président de la chambre des comptes, lequel
est «un homme de premier mérite et.qui a
la meilleure table de Bézièrs. La Révolution,
qui lui a enlevé quatre-vingt mille livres de
rentes, l'a forcé de supprimer de grands re
pas, mais il nous donne de petits dîners de
huit à dix personnes, qui ne le cèdent en
rien aux festins les plus somptueux. » Bref,,
Grimod de la Reynière, soumis à toutes sor
tes de séductions, vivant dans un enchante
ment continuel, au milieu du plus beau ét
du plus fertile pays du monde, finit par se
comparer àTélémaque dans l'île de Calypso,
et à appeler de tous ses vœux un Mentor qui
le précipite à la mer.
Hélas! ce ne fut point Mentor qui lui fit
abandonner ce délicieux séjour, ce fut Eu-
charis, la nymphe dangereuse et trop écou
tée. Eucharisétait une comédienne duGrand-
Théàtre de Lyon (quelques-uns ont dit que
c'était unedanseuse),'de laquelle Grimod-Té-
lémaque s'était épris depuis assez long-temps,
depuis certaine visite à Domèvre, dont le
lecteur n'a peut-être, pas entièrement perdu le
souvenir. Le théâtre, les comédiennes, voilà
re qui devait être le perpétuel et charmant
écueil de ses résolutions. Il en arrive ainsi
de presque tous les hommes dont l'imagi
nation a été troublée de bonne heure par
les mollesses de l'art; il leur faut plus tard
les surexcitations des quinquets, delà mu
sique, de la foule, l'attrait irritant des ri
valités; il leur faut des femmes en vue,
des actrices, dfs courtisanes renommées.
Pour ces hommes si rompus aux roueries
de l'existence, il semblerait que ce dût. être
le contraire, et que leur expérience effroya
ble leur'estune garantie suffisante contre les
enivremens de l'a rampe et du papier doré.
Pas du tout. On les voit se prendre, plus ai
sément que des garçons merciers, aux filets
éclatans tendus par ces sirènes et se désho
norer en mille folies imprévues. Grimod de
la Reynière devait subir le sort commun ;
son amour, augmenté par dés difficultés de
toute espèce, atteignit'un paroxisme où'S'ef-
facèrent les premières et les plus simples
considérations de la famille et du monde, ij
oublia, non pas ce qu'il devait à lui-même,—
.car dans la voie d'excentricité où il était te'n-
tré, il ne faisait qu'ajouter un fleuron de
plus à sa couronne d'aromes et de perles
mélangées,—mais aux co avenances sociales,à
leur juste susceptibilité, rftsft-il e dire enfin?
On s'y prend à {deux lois pour avouer 'ces
ridicules, et l'on en rougit comme s'ils
du célibat, l'ami deLavater et de M. Joubèrr •
l'épicurien de Béziers et l'indépendant de
tous pays, Grimod de la Reyniere épousa, 1
— entendez-vous, — épousa, légitimement
et publiquement, l'actrice, la danseùse.
l'Eucharis du théâtre de Lyon. ' ~
Voilà cependant celui qui s'écriait, dèux
années auparavant ' 1
De l'amour j'ai brisé les armes,
Ainsi que je l'avais promis;
Mais loin d'en répandre ,des larmes.
J'en plaisante avec mes amis.
VIII.
UHlMOi) DE LA HEYN 1ÈRE NÉGOCIANT.
, Grimod'avait cassé les vitres.' Ses parena
ne voulurent plus entendre parler'de lui.*
S'il avait eu l'intention de se venger de l'in
carcération qu'ils lui avaient fait subir pen
dant vingt-cinq mois, il était certes bien
Vengé. Il Venait de donner pour nièce à
Malesherbes et pour belle-fille à sa. mère, non
pas même une bourgeoise, ce qui eût été à
demi pardonnable, mais une obscure acLrice
de province, une femme què l'on ne pouvait
voir ni recevoir en aucun lieu. De teis faits
n'avaient pu s'accomplir que sous une révo
lution favorable aux mésalliances et'inté
ressée à la confusion des diverses classes de
la so'ciété française. '
Mais si, aidé par le mouvement politique,
Grimjd de la Rèynièrc s'était largement et
àudacieûsemsnt vengé d'un' acte de despo
tisme, il faut dire aussi que cela avait été
««ISIKA6JX. : rué de Valois PaUii^syai!, n« lO.|
B ' 485-2.-VENDREDI 20 AOUT.
'. »®IX OS 'fc'a.SOSïM^SSSfS 1
PARIS....... '13'F, PAJ&TKIMSSTRf.
DÉPAUTEMENS. 1® F. —
Uîi NUMÉRO : SO CXSTUqs;
POCtaBÏ pats BT&iSQSEB, SS ïeçoïtsï
tablssuqur : séra publié dans le jomssli
et 25 ,do caa^ua moïa, <
\ - • i\. - mi»
■ *; ■■■•..»■ '1- »'•£" » . •• .
ï*es abonnçmens datent dçs 1 er et 16
de chaque mois.
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S'adresser, franco, pour la rédaction, à Mi GuCEEVAX-GUïneinr,' rMwttéur e$ chef:
; • 1 Les articles déposés ne sont pas rendus ï ■
• • , -,
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
. " « , • > t ' / • ^ - •. », « t/ Ï . • . • * - •
I Q/i s'abonne, dardes dipartenum, aux Messageries et aux Directions de poste —A Londres, chez MM. Cojeil et rafi !
— A,Strasbourg^ chez M. Alexandre, pour l'Allemagne. i t
t
S'adresser , francôj pour l'administration] à M. D shihk , directeur*!
' ^ont reçue» a« bureau du journal;'et oîmsï M. PANIS, régifseur, M, fclace da la Bouse
PAiUS, 4« AOUT.
; 14-indus.tr i^4o.-6d«*4* u i OHrs l'objefrdes
attaques les plus injustes; on demande à tout
propos là réduction des droits qui la protè
gent contre l'industrie étrangère, et nos li
bre-échangistes annonçaient encore, il y a
peu de jours, la prochaine diminution de
notre taril au profit des fers anglais. -
Ces rumeurs, même quand elles sont
fausses, ont un grave inconvénient : c'est
de répandre l'inquiétude parmi les intérêts
menacés, et, par conséquent, de faire
ajourner des perfectionnemens qui néces
sitent l'immobilisation de capitaux considé
^râbles. Nous en avons un nouvel exemple
en ce moment même. L'industrie métallur
gique est à 1a veille d'opérer une révolution
nouvelle dans ses moyens de production, et,
si les bruits récemment propagés venaient à
prendre de la consistance, il n'en faudrait
pasVdavautage ponr'.empêcher cette révolu
tion féconde qui' doit abaisser encore nos
prix de revient.
Rappelons d'abord, à l'aide de quelques
chiffres, les progrès que l'industrie du fer a
. déjà réalisés sous l'influence du système pro
tecteur.
Les documens officiels, publiés par l'ad
ministration des mines, font voir que la pro
duction de noire industrie métalluxgique a
suivi la progression suivante :
Production de Production
la fonte. du fer.
1819 1,125,000 q; m. 742,000 q. m.
•1825 1,985,000 1,416,000
"1830 2,663,000 1,484,000
4835 2,947,000 2,095,000
1840 3,477,000 2,373,000
1845 4 ,389,000 3,422,000
1847 8 ,780,000 4,355,000
Ainsi la production de la fonte a quintu
plé; et celle du fer a presque sextuplé dans
l'espace de moins de trente ans. Nous né
croyons pas qu'il y ait beaucoup d'exemples
de semblables augmentations dans les anna
les industrielles. On peut donc dire que no
tre industrie métallurgique a suivi ou plutôt
"devancé les demandes de la consommation.
Il est vrai que, depuis 1847, le ralentisse
ment des constructions civiles et indus
trielles, et notamment des travaux de cher
mins de fer, a fait rétrograder la production
de la fonte à
4,817,000 q. m. en 1848.
4 ,306,000 id. 1849.
Et la production du fer à
3,371,000 q. ni. en 1848. *-
■2;218,000 id. 1849.
c'est-à-dire que la production du fer a
presque diminué de moitié de ce qu'elle était
avant la révolution de février. Mai* nous ne
pensons pas qu'on veuille s'en prendre à
notre industrie métallurgique d'une dimi
nution dont elle a été la principale victime.
Ce serait même une raison, si nos libre-
échangistes avaient l'habitude de tenir
compte des faits, pour attendre qu'elle se
fût relevée, avant de songer à réclamer des
réductions de tarif qui pourraient la tuer
dans l'état déplorable auquel elle a été ré
duite par une crise de quatre années;
Est-il besoin d'ajouter que le grand déve
loppement que nous venons de signaler
dans la production du fer depuis la Restau
ration jusqu'à nos jours , a été accompagné
d'une diminution progressive dans les.prix
de vente? Les ftirs de Bourgogne et de Cham
pagne sont descendus, sur le marché de Pa
ris, de 54 fr. le quintal en 1826, à 45 fr. en
1829) à 39 fr. en 1835, à 34 fr. 50 c. en
1840, à 29 fr. 50 c. en 1845, et enfin à
27 fr. en 1851 ; diminution d'autant plus re
marquable, qu'elle a eu lieu malgré une
hausse de près de 50 0/0 sur le prix des bois.
Le prix des rails, que le premier chemin de
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 20 AOUT.
GRIMOB DE LA REYNIÈRE.
VII.
RECHUTE AMOUREUSE. f
Sans être un égoïste, Grimod de la Rey-
nière ne fut jamais heureux que par lui-mê
me. Trop enclin à la raillerie.(qui est le vice
le plus de-plaisant auxy eux des femmes) pour
provoquer la confiance, l'amour ne vint ja
mais au-devant de lui ; ce fut lui qui alla
perpétuellement au-devant de l'amour. S'il
obtint quelquefois un .peu d'affection, il
ne le dut guère qu'à la curiosité qu au
désœuvrement; on l'aima pour l'amour de
Dieu 5 et ce qu'il prenait pour de la tendresse
n'était le plus souvent qiiu de la charité. Heu
reux qui donne l'aumône, malheureux qui
la reçoit ! Grimod de la Reynière la reçut
toujours. Quelque chose qu'il imaginât, il ne
put jamais faire qu'on se passionnât pour
lui. Cela ne doit étonner personne. Il .ac
cusa sans doute fréquemment de rigueur
le destin et de fatalité son étoile ; il ne
devait accuser que lui-même et les femmes.
Qu'ivait-il en effet pour passionner ce sexe
dont le cœur et la tête ne font qu'un, aussi
entier dans son attachement que dans son
indifférence? Rien, absolument rien. Il avait
au contraire tout ce qui repousse et éloigne,
—■ nous ne cessons pas de parler au point de
vue des femmes : — d'abord une difformité
phvsique, particularité toujours choquante
quoi qu'on tasse et de laquelle détournent
difficilement leur pensée celles qui n'ont
jamais pu pardonner son pied-bot. à lord
Bvron; ensuite l'amour de la gastrono
mie, rivalité irritante et honteuse, ou du
moins qui leur semble telle. Avez-vous
jamais connu un gourmand aimé? Enfin,
premier ou dernier grief, à votre choix, c'éj
tait un homme d'esprit. L'esprit! vice sou-
erain, que les femmes n'absolvent à peine
.fer exécuté.en Fiance', ctljifidc Saint-Etienne
à Lyon,, avait du-pocyci"8£ fr. le quintal,-.que
celui;.rie''"'Sortit-(£f?,,;ain avait pjyé 42 fr.
50 ,■ est tnmbé'*<ïe "telle marnére" que' les
chemins du Nord, du Centre d'Avignon
à Marseille en ont obtenu à 32 fr. 50 c.
Une nouvelle et plus forte baisse a succédé à
une, hausse momentanée qui eut lieu en
1845, au moment de l'engoûment des che
mins de fer, et l'on peut actuellement ache
ter des rails au prix de 22 fr. pris à l'usine.
Comment ces progrès se sont-ils accom
plis? Jusque vers 1821, la fonte et le fer
n'étaient fabriqués dans,nos forges, aune
seule exception près, qu'au moyen du
combustible végétal. L'affinage de la fonte
au moyen de la houille, prit d'abord un
développement considérable, et, dès 1836, la
production des forges au'combustible mi
néral égalait déjà celle des affineries au
charbon de bois. Mais la fabrication de la
fonte au coke avait de la peine à s'installer
dans nos bassins houillers; elle rencontrait
des obstacles de tout genre : les difficultés
d'une industrie naissante, l'absence de bons
minerais à proximité, le manque de bonnes
voies de communication pour se procurer les
matières premières qu'elle ne trouvait pas
sur les lieux, et pour expédier ses produits
dans les principaux centres de consomma
tion. Aussi les premières usines au coke
eurent-elles les cMimencemens les plus pé
nibles, et l'on put douter un instanl que cette
fabrication fût jamais appelée à jouer un
rôle important dans notre production métal
lurgique.
L'administration des mines constatait cette
situation. Il résulte de là, disait-elle en 1837,
que la production de la fonte a été conte
nue entre des limites qu'elle n'a pu dépasser,
par suite de la fixité des approvisionnemens
en combustible végétal. Ainsi, tandis qu'en
Angleterre, où la fonte et le fer se fabri
quaient à la houille, la production du fer
pouvait s'élever en quelque sorte indéfini
ment, ou du moins n'avait d'autre borne que
l'épuisement très éloigné des houillères et des
minerais, la fabrication semblait devoir res
ter circonscrite en France dans le cercle
du rendement annuel des forêts. La ra
reté des fontes au coke avait d'ailleurs une
conséquence fâcheuse même pour nos four
neaux et nos forges au bois ; c'est que le prix
des fontes au bois n'étant point limité par
celui des fontes au coke, la concurrence en
tre les propriétaires d'usines s'établissait
moins sur la vente des produits que sur l'a
chat des combustibles, ce qui faisait hausser
incessamment' le prix des bois, et tendait à
les porter aux taux les plus exagérés.
Cependant nos usines. redoublèrent d'ef
forts, et la victoire resta à la persévérance.
Les difficultés furent vaincues. La fabrication
de la fonte au coke s'établit. À la faveur de
la demande, occasionée par l'exécution des
chemins de fer, les anciennes forges, qui
n'avaient fait que végéter jusqu'alors, repri
rent une activité inconnue. Le Creuzot, De-
cazevill'e, Alais, doublèrent leurs moyens de
production. On vit s'élever les grands établis-
semens deCommentry, dellayange, etc., etc.
L'impulsion était donnée, et la production au
coke prit une part de plus en plus grande
dans la production totale du pays.'
On peut estimer, en supposant l'industrie
métallurgique revenue à son'état normal,
que près des deux-cinquièmes de la fonle, et
plus des deux-tiers du fer, produits en
France, se fabriquent actuellement à la
houille.
Il semblait difficile d'aller plus loin. « La
fabrication de la fonte au- combustible mi
néral, écrivait M. Bineau, dans un article in
féré aux Annales des Mines, augmentera sans
doute, et s%proportion, par rapport à la fa
brication totale, augmentera également.
Néanmoins, comme, d'après la constitution
géologique de- notre sol,, les minerais les
meilleurs et les plus abondans sont dans des
contrées dépourvues de houille et assez
b : én Loisées, tandis que nos plus riches
bassins houillers manquent de minerai, la
plus grande partie de la fonte française con
tinuera toujours à être fabriquée au bois. »
Celte conclusion devait paraître on ne peut
plus logique, et cependant les améliora
tions apportées dans nos voies de communi
cation vont permettre de réaliser ceigJ eût
semblé improbable il y a quelques affilées.
Si la fabrication de la fonte au coke s'est
développée sur nos bassins houillers, c'est
en grande partie parce que les maîtres dé
forges qui s'y sont établi^, ont pu faire venir
de bons minerais. -€?es*t ; ain§i qu'ils sont
parvenus, non séulemént à abaisser les prix
de revient, mais encore à améliorer 'les ;
qualités, de telle sorte qu'on ne fait plus
maintenant, dans le commerce , • qu'une,
différence de 1 franc v entre le prix des fers
au coke et celui d'es fers-provenant de fon
tes au bois affinées à la'houille. Aujour
d'hui, nous allons voir, grâce\au dévelop
pement de notre réseau de cheinMffcde.fer,
la houille aller trouver le minerai'' sur les
gîtes abondans qui existent dans certains
districts favorisés.
On sait que nos grands gisemens de mine
rais de fer se rencontrent principalement en
Champagne, eû Bourgogne et en Lorraine.
Aussi» ces contrées forment-elles de temps
immémorial un des principaux groupes de
notre industrie métallurgique. Le procé
dé qu'on y pratique aujourd'hui est ce
lui qui est connu sous le nom de procédé
mixte. La fonte est fabriquée au charbon de
bois et affinée à la houille. Or, quand les
chemins de fer qui sont en cours d'exécu
tion seront achevés, la houille viendra af
fluer vers ce grand centre industriel par trois
directions différentes. L'embranchement que
le chemin de Strasbourg a jeté sur Saar-
bruck, y amènera les houilles prussiennes.
Les houilles du nord et de la Belgique s'y di
rigeront par l'embranchement de Douai à
Reims, concédé à la compagnie du chemin
de fer du Nord. Enfin, le chemin de Gray
à Saint - Dizier y conduira nos houilles
du centre. Nul doute que , lorsque les
houilles'de toutes ces provenances pénétre
ront dans notre grand centre métallurgique
et s'y feront concurrence, les maîtres de
forges ne soient entraînés à substituer le coke
au charbon de bois, ou du moins à les mé
langer tous les deux dans les fourneaux em
ployés à la fusion des minerais.
On cite déjà des essais de mélange des
deux combustibles qui ont été faits dans di
vers hauts-fourneaux de la-Champagne. On
assure même qu'un maître de forges est allé
jusqu'à mettre 30 0/0 de" coke, sans que la
fonte ait éprouvé d'altération dans sa qualité
ordinaire. C'est là un perfectionnement qui
doit s'étendre et se généraliser à mesure que
l'achèvement des chemins de fer fera baisser
le prix de la houille dans ces contrées.
Un journal de la Haute-Marne, l'Echo de
la Métallurgie, a reproduit récemment le cal
cul d'un maître de forges tendant à établir que
la Champagne pourrait livrer la fonte à un
prix environ moitié moindre du prix actuel;
c'est-à-dire à 7 fr. le quintal au lieu de 12 à
13 fr. Ce calcul suppose que la fonte serait
traitée exclusivement au combustible mi
néral, et que le coke : ne reviendrait qu'à 30
ou 36 fr. la tonne.
' Mais, comme le faisait remarquer le jour
nal de la Haute-Marne, pour qu'une pareille
révolution pût s'effectuer, il faudrait avant
tout que l'industrie métallurgique n'eût pas
à craindre pour son avenir. line s'agirait pas,
en effet, de substituer purement et simple
ment le coke au charbon de bois dans le^
fourneaux existans. Les usines seraient
entièrement à renouveler. On devrait cons
truire des hauts-fournaux plus élevés,
des machines soufflantes plus fortes; et tout
-, CeJa ne s'exécuterait pas sans de puisêans
" capitaux. Or, comment croire que les maî
tres de forges se décidassent à faire des dé
penses aussi considérables, s'ils n'étaient
pas certains du lendemain ? — .
En résumé, l'abaissement du tarif sur les
fers, dans les circonstances présentes, ne
saurait s'appuyer sur aucun argument sé
rieux et ne présenterait que des dangers.
L'industrie métallurgique a largement payé
la protection qu'elle a reçue ; elle s'est déver
loppée de manière à pourvoir à tous les be
soins, et elle a réduit le prix de ses fers
au taux où étaient les fers anglais il y a
vingt ou vingt-cinq ans. Aujourd'hui,
de nouveaux progrès sont à la veille de s'ac
complir. La grande révolution de la substi
tution du combustible minéral au combus
tible végétal va faire un dernier pas. Soyons
donc patiens, et laissons à là concurrence
intérieure, qui a déjà produit des résultats
si admirables, le temps et les moyens de.
nous donner le fer à bon marché.
J. DURAT.
Plusieurs journaux anglais, d'après les
correspondances apportées par la malle des
Antilles, publient sur la situation de la Gua
deloupe des détails qui montrent malheu
reusement que l'agitation causée dans cette
île par l'arrivée de M. Charles Dain n'était
pas encore apaisée. Nous voulons espérer
que le prochain paquebot nous apportera
enfin la nouvelle du rétablissement de la
tranquillité (lais une colonie si cruellement
éprouvée depuis quatre ans.
Lé secrétaire de la rédaction, i. boniface
Des nouvelles reçues des Antilles françaises
. annoncent que des troubles avaient éclaté à la
Guadeloupe, à l'arrivée du fameux républicain
rouge , M. Charles Dain , nommé récemment
membre de la cour d'appel de l'Ile. A son débar
quement, M. I)ain a été hué et menacé par la
multitude rassemblée. Les désordres ont continué
plusieurs jours, et il y a eu de nombreuses arres
tations. Les membres du barreau ont tenu unmee-
ting,et ont solennellement refusé de plaider devant
la cour-aussi long-temps qu'y siégerait M. Dain.
Les membres du conseil privé ont envoyé leur
démission. Le conseil municipal, la chamhrc de
commerce et les officiers de la garde nationale
ont donné leur démission en masse. 11 règne dans
toute la colonie une irritation et un dégoût qui r me
nacent sérieusement l'ordre. Malgrétous ces désor
dres, l'installation de M. Dain a eu lieu ; mais
pas un seul avocat ou avoué n'était présent à la
cérémonie, ' (Times.)
Le Morning-Herald d.u 18 août publie à
son tour les détails suivans :
'«L'arrivée de M. Charles. Dain, républicain
rouge socialiste, récemment nocumé par le gou
vernement françui- à des fonctions près la cour
d'appel de la Guadeloupe, a été la_ cause d'une
"grande agitation et de nouveaux désordres dans
cette colonie; il est arrive par le deuxième paque
bot d« .juin. Lorsque le bateau à vapeur toucha la
Casse -j 'Tre dans la matinée du S juillet, M. llùs-
son, directeur de l'intérieur, et M. Vallée, ins-
■ Decteur général de la police, se rendirent à bord.
Ils engagèrent M. Dain à ne pas débarquer au lieu
ordinaire du débarquement. Sans tenir comi te de
cet avis, celui-ci descendit à terre ; en dépit des
efforts de la police et de-la gendarmerie, il fut im
médiatement entouré, hué et menacé par la multi
tude. Il dut s'avancer sous la proteci ion de la police,
ce qui ne l'empêcha pas d'être l'objet d'un bruyant
charivari jusqu'à sou départ pour la campagnedans
la nuit. Trente jeunes gens des meilleures famil
les ont été arrêtés et incarcérés pour avoir pris
part à cette démonstration. Le lendemain, le gou
verneur Aubry Bailleul publia^ une proclamation
menaçant de recourir aux cbàtimens les plus ri
goureux si les tumultes de la rue se renouvelaient.
Le 7, une escorte de douze gendarmes accompa
gna le fonc
Nonobstant le déploiement de forces, les tumultes
de la rue recommencèrent, et de nombreuses ar
restations eurent encore lieu! La manifestation prit
un caractère plus sérieux ; elle passa des rues dans
les corps constitués. Les membres du conseil mu
nicipal de la Basse-Ttrre,avec l'honorable M. Laiu-
richesse à leur tête, à l'unique exception d'un beau-
frère de AI Dain, renoncèrent simultanément à
leurs places, proclamant la manifestation qui avait
eu lieu en ville comme l'expression sincère des
sentimens du pays, partagés par le conseil tout
entier. Les membres du.barreau de la Basse-Terre
s'assemblèrent et ils refusèrent solennellement de
plaider devant la cour tant que M. Dain en fe
rait partiè^Ë(^fio.nseil privé lui-même fit dé
mission , corferderaVît la présence, de M. Dain
dans l'administre lion" de la colonie comme un
grand maî, et iré-'i'oulani pas partager- la respon
sabilité.des dangers qui pourraient être la consé
quence des mesures extrêmes dont il serait la prin
cipale et déplorable en use. Lorsque la nouvelle par
vint A la Pointe-à-Pitre le 9, le murmure fut gé
néral. Le conseil municipal, les chambres de com
merce et les officiers de la milice donnèrent leur
démission en masse, alléguant ne pas pouvoir con
tinuer de rester en place tant qu'ils seraient ex
posés à se trouver associés au confident de Séné-
cal. Toute la colonie a partagé ces sentimens. »
On lit dans le Globe du 18 août :
Par le bateau à vapeur de la malle, arrivé à
Liverpool, nous apprenons que le vice-amiral sir
George Seymour a, à bord de son vaisseau-amiral
le Cumberland, de soixante-dix canons, fait une
visite à Terre-Neuve, afin d'assister à une confé
rence des commissaires français et anglais, réunis
pour faire des investigations sur les plaintes con
tre les pêcheurs français pour empiète mens sur les
pêcheries à Labrador et à Terre-Neuve. Ainsi, il
existe une question française aussi bien qu'améri
caine, touchant des empiètemens sur nos droits de
pêcheries coloniales. C'eût été pour lord Derby, ce
semble, une raison déplus pour agir avec circons
pection. »
Nous trouvons dans le Diario espanol
quelques renseignemens qui viennent à l'ap
pui des nôtres, et qui prouvent également
l'activité que nos voisins d'Espagne mettent
à la réalisation de la grande entreprise qui
doit relier ensemble Paris et Madrid. ^
" ; Un--journal de Valladolid, Dùero,' an u
nonce qu'un ingénieur du gouvernement
vient de terminer les études du tracé et des
bàtimens d'exploitation du tronçon de che
min entre cette ville et Duenas, et- que les
plans et devis ont déjà été envoyés au mi
nistre des travaux publics. Le Diario espanol
parle des inconvénient qu'offrirait le chemin
de fer si on lui donnait cette direction, qui
est la plus longue, et trouve préférable à
la ligne de Madrid par Avila, Yalladolid, Bur-
gos, Bilbao et Saint-Sébastien, qui serait
d'une longueur de 120 lieues d'Espagne, celle
par Guadarrama, Valladolid, Burgos, Yittoria,
Alsazua et Tolosa, qui ne serait que de 94 à
98 lieues. Il en indique un autre «ncore, qui
n'aurait que 74 à 76 lieues, et qui, en par
tant de Madrid, passerait par Alcala, Guada-
lajarà, Siguenza, Almazan, Soria, Viana,
Alsazua, Tolozà et Saint-Sébastien.
Le gouvernement espagnol a déjà concédé
à M. Salamanca la: section du chemin du nord
de l'Espagne, entre Madrid et Miranda sur
l'Ebre.
La compagnie qui construit le chemin de
fer de Santander à Alar del Rey a obtenu aussi
la concession de deux embranchemens, qui
iront l'un à Burgos et l'autre à Valladolid.
Ces embranchemens avaient été d'abord con-
cédés par le gouvernement espagnol à une ■
antre compagnie, qui a traité avec celle dû
chemin de Santander.
Du reste, ajoute le journal espagnol, il est
bon que le public sache que les plans en
voyés au ministère par l'ingénieur du gou
vernement, sont exactement les mêmes que
ceux qui furent exécutés par les ingénieurs
de la compagnie anglo-espagnole de Santan
der, avec la différence que ces derniers met
taient l'embarcadère de Valladolid dans la
partie de cette ville la plus convenable pour
y rattacher la ligne qui ira à Madrid, et que
1' ngénieur officiel du gouvernement place
l'embarcadère près de la maison de'M. Rey-
noso, ministre des travaux publics, natif et
propriétaire de Valladolid. Le journal espa
gnol ajoute avec une feinte naïveté : « C'est
sans doute à cause des souvenirs historiques
que rappelle cette maison, où est né Phi
lippe II. » ,
On lit dans le Nacional de Cadix, que, dans
la séance du 9 de ce mois, le gouverneur ci
vil de la province avait fait part à la muni
cipalité d'un arrêté du ministère par lequel
il a été décidé^que le point de départ du che
min de fer qui doit réunir l'Andalousie à
Madrid, serait les remparts de Cadix, afin
que cette ville devienne le port de l'Europe.
Il était arrivé à Valence un navire anglais le
Celerity, chargé de rails pour le chemin de
fer de Valence àXativa, qui est déjà presque
terminé. v
On nous écrit de Barcelone que les tra
vaux du chemin de fer de Tarragone à
Reus vont bientôt commencer, ainsi que
de celui ' de Granôllers à Afafe' Ce .dernier
mettra en communication la haute ^Catàlb-
gne et rapprochera - du .port' do ; gatcelone
tout le pays catalan qui est près de la fron
tière française du côté dePuycerda, Ceret, etc.
Le bateau à vapeur français te Philippe-
Auguste, allant à Alger, avait été obligé de
relâcher à Valence, parce que sa machine
s'était rompue et qu'il avait souffert d'autres
avaries. Heureusement, ajoute un journal
de Valence du 10, il. n'est rien arrivé de gra
ve aux passagers. l. boniface.
Une réunion extraordinaire de la chambre de
' commerce a eu lieu samedi à Belfast, pour rédiger
un mémoire au gouvernement, et le prier d'abais
ser les droits qui pèsent sur les vins français, dans
le but d'obtenir de la France des avantages réci
proques. Voici la pétition qui a été adoptée
« La chambre de commerce de Belfast repré
sente :
»Que, depuis plusieursannées.Belfastetle nord de
l'Irlande exportent en France dé grosses quantités
de toiles et de fils; qu'en 1842, le gouvernement
français a imposé sur ces articles des droits pres
que prohibitifs, par suite desquels l'exportation a
presque cessé; ce qui a gravement nui au com
merce de cette ville et de ses alentours." Les péti
tionnaires rappèlent que la province d'Ulster
emploie un grand nombre de bras à la ma
nufacture et à la broderie de la mousseline et
autres objets, et qu'une forte exportation en
France pourrait avoir lieu, s'ils étaient admis
à des droits modérés. Les pétitionnaires pen
sent (jue le gouvernement actuel de France se
rait disposé à admettre, à des droits modérés, les
produits manufacturés de là Grande-Bretagne et
de l'Irlande, si le gouvernement anglais admettait
les vins de France à des réductions équivalentes.
"Les pétitionnaires pensent que ■ le revenu de ce
pays ne recevrait aucune atteinte de la réduction
de 1 sh. par gallon devin, parce que l'augmenta
tion de la consommation comblerait en peu d'an
nées le déficit qui pourrait momentanément en
résulter. Les pétitionnaires croient que de grands
rapports commerciaux entre la Grande-Bretagne
ét la France auraient pour effet de diminuer les
préjugés nationaux, de faire naître des dis
positions favorables entre les deux pays, et de
les. unir par les liens indissolubles de l'intérêt
commun ; en conséquence, les pétitionnaires prient
Vos Seigneuries de prendre les mesures qu'elles
jugeront les meilleures pour faire droit à leur de
mande. ( M'orning-Herald.)
On nous écrit de Vienne, le 14 août ;
« Huit heures du matin. — La ville de Vienne
présente en ce moment un curieux tableau. Les
édifices se parent de riches tentures, de guir
landes de ■ fleurs et de drapeaux. Chaque maison
prend un aspect de fête, chaque fenêtre prépare le
tribut d'hommage qui resplendira- ce soir par une
brillante illumination; un'e foule considérable par
court les rues de la ville, d.e nombreux travailler t
posent partout des bannières, des transparens, des
tentures et des portraits de l'emper.jur. Sur tous
le^ points on dresse des colonnes triomphales; la
ville et ses trente - deux faubourgs auront
leurs arcs de triomphe. Le plus considérable de
tous s'elève à l'entrée du Prater,. dans, les lieux
mêmes où la révolution avait construit la fameuse
barricade qui, défendue par le général Bem et
douze pièces de canon, a fait répandre tant de
sang. Cet arc, éleyé sur le modèle et sur les pro
portions de celui de la Paix à Milan, est colossal;
la principale figure, qui . représente le génie de la
Pair, a trente-deux pieds de hauteur; elle couron
nera le point culminant de l'éd if ice monumental.Elle
se trouve au centre de deux tribunes où dix mille
personnes privilégiées prendront place ; une troi
sième tribune est préparée pour Uprapereur qui
recevra là les dommages des autorités de la ville.
» Les préparatifs dont je vous parle ont coûté
des sommes énormes : on cite- un tailleur, qui a
dépensé plusieurs milliers de francs pour orner et
illuminer sa maison. Les pêcheurs du Danube ont
consacré une somme de 2,000 florins à l'illumina
tion de leurs barques. Les palais des princes, les'
comptoirs des banquiers, les boutiques des com-
merçans rivalisent de zèle.et luttent de somptuo
sité.- Les çhemins de fer ont versé dans la capitale
une population de çipqua'nie mille étiangers : oïl
voit parmi la foule les costumes les plus pittores
ques; toutes les provinces de l'empire ont envoyé
leur contingent-à cette fête sans exemple et s^ns.
antécédent à Vienne. Une fenêtre, sur lé passage
du coftége.impérial, se loue 120 francs,
» Une, heure.— Les troupes commencent à pren
dre position sur les differens points de la ville qui
leur ont été désignés. Quatre régimens d'infante
rie formeront la haie depuis le débarcadère du
chemin de fer jusqu'au palais. Les corporations 4es
arts et des métiers prennent également po;ition
sur les places qui leur sont assignées; elles ont
toutes, leurs drapeaux. De nombreux orclieitreâ
sont échelonnés de distance en. distance : ils e$é->
cuteront l'hymne Dational sur le passage > de
l'empereur. Toutes les' maisons sont maintenant
pavoisées de fleurs, de drapeaux, de draperies de
soie et de velours. La' ville ainsi parée rappelle
que dans les romans, monstre par qui elles
redoutent toujours d'être vaincues. Soyez
tout ce que vous voudrez pour réussir au
près d'elles, même, honnête homme, mais
ne soyez pas homme d'esprit. Elles ne sont
faites, vous le savez bien, que pour les luttes
où elles triomphent, c'est-à-dire pour les
luttes de cœur; le reste n'est qu'accessoire
et chose importune. La première qualité
qu'elles demandent à un amant, c'est l'ex
clusivité, c'est l'absorption , c'est le re
noncement à tous ses goûts favoris, c'est le
sacrifice, partant c'est l'esclavage. Grimod de
la,Reynière n'avait aucune de ces faiblesses
chéries, qui sont des flatteries indirectes, de
ces lâchetés qui gagnent si bien un cœur
féminin. Pour loger l'amour, il ne lui con
venait point de chasser les autres hôtes, de sa
maison; il prétendait à la,fois aimer ei bien
dîner, aimer et écrire des livres, aimer et
rester un original.
Aussi toutes ses ressources contre la mi
santhropie et l'abandon, il ne les tirait que
de lui-même, de son invention féconde. Il
animait la vie autour de lui et éperonnaitles
événemen?, autant pour s'élourdir que pour
étourdir les autres. C'était faire le bruit
pour no pas sentir le. vide; Et encore ce
bruit, il le faisait à froid comme un comé
dien : ses farces, il ne les improvisait pas,
il les. préparait de longue main, il les
raisonnait. Sa gaîté était celle de ce sei
gneur anglais qui, au milieu de la nuit et
d'un souper, sortit de table avec ses amis
pour aller badigeonner son château tout en
rouge. De fait, Grimod de la Reynière ne
ressemble pas mal à un Français greffé sur
un gentleman : il a du premier la moquerie
légère et les dehors exquis; il a du second
les teintes brunes, l'excentricité et l'appétit
à toute outrance.
L'auteur des Contemporaines n'est pas le
seul avec qui il ait correspondu pendant son
séjour à Do «lèvre- Un amateur des plus raf
finés jet des plus méfians, nature de sybarite
et de diplomate, M. Joubert, avait conçu le
projet d'aller le surprendre au milieu de ses
moines ; sa santé et ses oeeupations l'en em
pêchèrent; il lui en témoigna son regret dans
les termes les plus exquis que put lui sug
gérer sa science du monde. Un autrehomme
de lettres, bien différent, et qtf'un trop ar
dent caractère jeta dans tous les excès anti-re
ligieux et démagogiques, Sylvain Maréchal,
Un des habitués des déjeûntrs philosophiques,
s'empressa également de lui faire parve
nir l'expression de sa sympathie véritable.
On voit, par la rencontre" de ces deux noms
et de quelques autres que nous n'avons pas
relevés à le ur lieu, qu'aucun esprit de parti ne
guidait Grimod de la Reynière dans le choix
de ses liaisons. N'ayant besoin de personne il
était affable avec tous, et, n'obéissant qu'à sa
bienveillante curiosité, il laissait de côté les
systèmes pour ne s'inquiéter que des indivi
dus. Et d'ailleurs sous quel système eût vou
lu se ranger ce jeune homme, rendu si indé
pendant par sa fortune, et qui s'était si pu
bliquement dégagé des devoirs que l'usage
impose? *
Il retourna en Suisse, ainsi qu'il se l'était
promis autrefois, à Lausanne et à Zurich.
Dans cette dernière ville, il fut retenu près
de quinze jours par Lavat'er, qui voulait sans
doute prendre le temps de l'ét udier sous lotî
tes les laces. « On ne saurait croire, dit Gri
mod, combien la conversation de cet homme
célèbre est animée, belle et intéressante. Il
s'exprime en français avec un peu de diffi
culté, et crée souvent des mots, pour rendre
ses idées ; mais ce fréquent néologisme, loin
de gâter son style, y jette singulièrement
d'énergie. Son langage, est aussi animé que
celui de Diderot, et son ame est bien plus
belle. J'ai eu le bonheur de lui inspirer un
vif attachement, et je m'en félicite. »
Après une légère excursion en Allemagne,
Grimod arriva à Lyon, où il séjourna plus
de dix-huit mois, retenu, nous avons tout
-motif de le supposer, par cet amour mysté
rieux que l'on a vu se développer au sein
même de l'abbaye de Domèvre. Cefutà Lyon,
en novembre 1189, qu'il apprit b révoca
tion de, ?a kltr.î de cachet, qui avait suivi
de près le renvoi du baron de Breteuil. Ce
pendant il ne se pressa pas de retourner à
Paris, sachant que ses parens l'aimaient
mieux de loin que de près, et redou
tant d'ailleurs une fermentation politique
à laquelle son inoffensivé philosophie ne s'é
tait pas attendue. Voici comment il s'expri
me, à la date du 2-7 août 1790, au sujet
des événemens révolutionnaires ; « J'ai vu
avec une vive douleur que vous étiez deve
nu (c'est à un de ses amis qu'il s'adresse)
un chaud partisan de notre exécrable Révo
lution, d'une Révolution qui anéantit la re
ligion et les propriétés, la gloire de cet em
pire, des lettres, des sciences, des arts, qui
nous reporte au XIV 0 siècle. Vous connaissez
mon opiuion sur les grands et les riches; ainsi
vous ne me soupçonnez pas, en pensant ainsi,
de chercher à défendre, le ur cause; mais je plai
de celle de l'h^onueur ,de la probité.du savoir et
de la ver tu, également ou tragésdaus le nouvel
ordre de choses. Est-ce que cetenragé de Mer
cier vous aurait fait partager ses fureurs ?...
Quoi de plus atroce, de plus redoutable que
cet odieux comitédesrecherches, quisuppose
des crimes pour se rendre nécessaire 1 La Bas
tille et les lettres de cachet n'étaient rien au- *
■ près de cesnouveaux inquisiteurs.» De la part
d'un homme encore tout meurtri par le des-
.. potisme monarchique, l'aveu est bon à-re-
cueillir.
Grimod avait à Béziers une lante, sœur de
sa mère, Mme la comtesse de Beaussec, qui
était une dame d'infiniment d'esprit et de
raison ; il se rendit auprès d'elle et passa
dans sa société des journées on ne peut plus
agréables. Les premières maisons de la ville
lui furent ouvertes, et, comme on connais
sait son goût pour la bonne chère (notez què
pendant l'exil le ver solitaire était revenu),
on n'oublia rien de cc qui pouvait le flatter :
« Perdrix roug-.s, veaux-de-roi,- melons des^
dieux, huîtres larges comme des bénitiers,'
cailles grosses comme des pouMs , lapins
nourris d'herbes odoriférantes, fromage de
Roquefort qu'on ne devrait manger qu'à ge
noux... » Après cette énuméravion .pleine
d'enthousiasme, il ajoute : « 11 faut ici mar
cher d'indigestions en indigestions". V Ses
éloges ne tarissent point sur le compte de
M, l'évêque de Nicolaï, frère du premier
président de la chambre des comptes, lequel
est «un homme de premier mérite et.qui a
la meilleure table de Bézièrs. La Révolution,
qui lui a enlevé quatre-vingt mille livres de
rentes, l'a forcé de supprimer de grands re
pas, mais il nous donne de petits dîners de
huit à dix personnes, qui ne le cèdent en
rien aux festins les plus somptueux. » Bref,,
Grimod de la Reynière, soumis à toutes sor
tes de séductions, vivant dans un enchante
ment continuel, au milieu du plus beau ét
du plus fertile pays du monde, finit par se
comparer àTélémaque dans l'île de Calypso,
et à appeler de tous ses vœux un Mentor qui
le précipite à la mer.
Hélas! ce ne fut point Mentor qui lui fit
abandonner ce délicieux séjour, ce fut Eu-
charis, la nymphe dangereuse et trop écou
tée. Eucharisétait une comédienne duGrand-
Théàtre de Lyon (quelques-uns ont dit que
c'était unedanseuse),'de laquelle Grimod-Té-
lémaque s'était épris depuis assez long-temps,
depuis certaine visite à Domèvre, dont le
lecteur n'a peut-être, pas entièrement perdu le
souvenir. Le théâtre, les comédiennes, voilà
re qui devait être le perpétuel et charmant
écueil de ses résolutions. Il en arrive ainsi
de presque tous les hommes dont l'imagi
nation a été troublée de bonne heure par
les mollesses de l'art; il leur faut plus tard
les surexcitations des quinquets, delà mu
sique, de la foule, l'attrait irritant des ri
valités; il leur faut des femmes en vue,
des actrices, dfs courtisanes renommées.
Pour ces hommes si rompus aux roueries
de l'existence, il semblerait que ce dût. être
le contraire, et que leur expérience effroya
ble leur'estune garantie suffisante contre les
enivremens de l'a rampe et du papier doré.
Pas du tout. On les voit se prendre, plus ai
sément que des garçons merciers, aux filets
éclatans tendus par ces sirènes et se désho
norer en mille folies imprévues. Grimod de
la Reynière devait subir le sort commun ;
son amour, augmenté par dés difficultés de
toute espèce, atteignit'un paroxisme où'S'ef-
facèrent les premières et les plus simples
considérations de la famille et du monde, ij
oublia, non pas ce qu'il devait à lui-même,—
.car dans la voie d'excentricité où il était te'n-
tré, il ne faisait qu'ajouter un fleuron de
plus à sa couronne d'aromes et de perles
mélangées,—mais aux co avenances sociales,à
leur juste susceptibilité, rftsft-il e dire enfin?
On s'y prend à {deux lois pour avouer 'ces
ridicules, et l'on en rougit comme s'ils
du célibat, l'ami deLavater et de M. Joubèrr •
l'épicurien de Béziers et l'indépendant de
tous pays, Grimod de la Reyniere épousa, 1
— entendez-vous, — épousa, légitimement
et publiquement, l'actrice, la danseùse.
l'Eucharis du théâtre de Lyon. ' ~
Voilà cependant celui qui s'écriait, dèux
années auparavant ' 1
De l'amour j'ai brisé les armes,
Ainsi que je l'avais promis;
Mais loin d'en répandre ,des larmes.
J'en plaisante avec mes amis.
VIII.
UHlMOi) DE LA HEYN 1ÈRE NÉGOCIANT.
, Grimod'avait cassé les vitres.' Ses parena
ne voulurent plus entendre parler'de lui.*
S'il avait eu l'intention de se venger de l'in
carcération qu'ils lui avaient fait subir pen
dant vingt-cinq mois, il était certes bien
Vengé. Il Venait de donner pour nièce à
Malesherbes et pour belle-fille à sa. mère, non
pas même une bourgeoise, ce qui eût été à
demi pardonnable, mais une obscure acLrice
de province, une femme què l'on ne pouvait
voir ni recevoir en aucun lieu. De teis faits
n'avaient pu s'accomplir que sous une révo
lution favorable aux mésalliances et'inté
ressée à la confusion des diverses classes de
la so'ciété française. '
Mais si, aidé par le mouvement politique,
Grimjd de la Rèynièrc s'était largement et
àudacieûsemsnt vengé d'un' acte de despo
tisme, il faut dire aussi que cela avait été
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