Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-08-01
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 août 1852 01 août 1852
Description : 1852/08/01 (Numéro 214). 1852/08/01 (Numéro 214).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMERO 214.
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Il 185â«-DIMANCHE 1" AOUT.
WUSX SB L'ABOMHSBBIITII
paris 13 ï. m tsimestmj
part eltens. 16 f. —
un numéro : so ckntimbs;
pous les pats strassers , so rjporUï
au tableau qui sera publié dans le 'ourosî,
les i# et « de chaque mois.
Las abcmtrnens datent des 1" et U
de chaque mois.
r iif
mi
S'adresser, franco, pour la rédaction, à M. C uchsval- C iarign?, rédacteur en chef.
Les articles déposés ne sont pas rendus
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
I
. On s'ahme, dans Ut départenuM, aux Messageries et aux Directions de poste. —A Lorid 'es, ehes MM. Cowiï et fiisî
— A Strasbourg, chez M. A iexà NDRI, pourJ'Alktnagnel
| " S'adresser1 franco} pour l'administration", à M. DIMA.W, directeur!
! Les annonces sont reçue» au bureau du journal; et'chsï M. PANIS, régisseur, 10, pl&oe de 1>
ÇARIS, 51 JUILLET.
On Ht dans la partie officielle du Moniteur
de ce jour, 31 juillet :
Louis-Napoléon , président de la République
française, .
Décrète : - . . ■
M. Achille Fould, sénateur, est nommé ministre
d'Etat, eu remplacement de M. le comte de Casa
blanca, dont la démission est acceptée.
Fait au palais de Saint-Cloud, le 30 iuillet.
LOUIS-NAPOLÈOS.
Immédiatement après ce décret, et tou-
jo.urs dans sa partie officielle, le Moniteur
publie la note suivante :
« Le décret qui appelle M. Achille Fould aux
fonctions importantes de ministre d'Etat complète
ie cabinet.
» Par la spécialité des choix qu 'il Tient de iaire,
le prince-Président a voulu donner à son gouver-
ilfement les conditions de stabilité et d'avenir qui
sont dans l'esprit de la Constitution. Nous pou
vons espérer ne pas revoir de long-temps ces chan
gemens de personnes quijettent le trouble et l'in
décision dans les affaires. »
Le Moniteur annonce ce matin que le ca
binet est complété par la nomination de M.
Achille Fould aux fonctions importantes de
ministre d'Etat. U annonce même que le
cabinet nouveau est constitué pour long
temps. a Nous pouvons espérer, dit le Moni
teur, ne pas revoir de long-temps ces [cban-
gemens de personnes qui jettent le trouble
et l'indécision dans les affaires. » Pour notre
compte, nous n'avons point constaté que le
changement de personnes qui vient de se
produire dans le conseil des minisires ait jeté
le moindre trouble, la moindre indécision
dans les affaires; tous les choix qui vien
nent d'être faits, celui de M. Achille Fould
compris, ne représentent que des idées pra
tique», modérées, et ne peuvent conséquem-
ment que recevoir une haute approbation de
l'opinion publique. M. Achille Fould. met
tra de l'ordre, de l'économie dans ce minis
tère d'Etat de nouvelle création, et dont plu
sieurs attributions sont d'une grande im
portance et d'un grand intérêt.
D r L. VÉR0N.
Le voyage effectué récemment sur le Rhin
français par l'ex-ministre des travaux pu
blies, en compagnie du chef de division de
la navigation et-de plusieurs ingénieurs, a
rappelé l'attention sur les travaux .qui s'exé
cutent dans le fleuve. Cés travaux oat, en
effet, une grande importance, et, si nous
avons un regret à exprimer, c'est que l'état
de nos finances ait exigé, pendant les der
nières années, une réduction sur les crédits
affectés à leur continuation. Il est permis de
croire que, malgré le changement du minis
tre des travaux publics, la reconnaissance
dirigée sur le Rhin aura pour résultat de
faire reporter les allocations annuelles au
chiffre qu'elles atteignaient précédemment.
On sait que le Rhin, après être descendu
du Saint-Gothard, après avoir traversé le lac
de Constance, franchi les chutes de Schaff-
house et de Lauffenbourg, et reçu près de
Waldshut la rivière torrentielle de l'Aar, qui
double le volume de ses eaux, débouche, à
sa sortie de Bâle, dans la vaste plaine.com-
prise entre la chaîne des Vosges et celle de la
Forêt-Noire, et forme, sur une étendue de
213 kilomètres environ, la frontière orientale
de la France entre la Suisse et F Allemagne
méridionale. Ge n'est pas là sans doute la
partie la pins illustre du Rhin. Ce n'est pas
encore le grand fleuve, tel que nous le voyons
plus loin à Mayence et à Cologne, parcouru
par une navigation active-et sillonné inces
samment par une flotte de bateaux à vapeur
qui desservent les Etats riverains. Mais il
n'en joue pas moins un rôle considérable
dans notre système hydrographique et com
mercial. Il sert de limite et de défense à no
ïrë territoire ; il baigne les plaines fertiles de
cette Alsace si industrieuse et si manufactu
rière ; il unit la France à l'Allemagne, à la
Hollande, à la mer du Nord.
Malheureusement, le Rhin, dans cette
partie de son cours, est loin de présenter un
régime stable et régulier. A partir de Hu-
ningue, il coule à travers une plaine formée
par une masse de graviers qui ne réunit au
cun sédiment. Il offre, disent les rapports
administratifs, l'aspect d'un vaste archi
pel d'îles, tantôt détruites, tanlôt refor
més. A chaque instant, les eaux s'ouvrent
de nouveaux bras, attérissent les anciens,
déplacent le chenal principal, creusent
leur lit à des profondeurs considérables
ou déposent des bancs de gravier. On ap
préciera la cause et la nature de ce régime
instable du fleuve, quand on saura qu'il dé-
'bite -moyennement par seconde un volume
d'eau excédant 1,000 mètres cubes et animé
d'une vitesse de plus de 2 mètres, que le
volume d'eau atteint 6,000 mètres cubes et
la vitesse plus de 4 mètres dans les grandes
crues, et que cette action s'exerce sur un
fond et sur des parois sans résistance contre
de semblables efforts.
Les premiers travaux exécutés sur le Rhin
dùrent être et furent, en effet, des travaux
de défense et de protection contre lesenva-
hissemens du fleuve. Il est probable qu'ils
datent de loin.. Des recherches historiques
ont appris qu'avant la réunion de l'Alsace à
la France, qui eut lieu en 1648, les crues du
Rhin étaient déjà contenues par une digue
insubmersible, qui avait,à cette époque mê
me, trois cents ans d'existence au moins,
et qui avait été construite, alors que toute la
basse plaine n'était encore qu'une forêt. On
cite une crue extraordinaire^ qui survint
en juillet 1758, qui rompit les digues éta
blies depuis des siècles et inonda trente-et-un
villages et vingt mille hectares de terre.
C'est, du reste, la seule crue qui, depuis la
réunion de l'Alsace à la France, ait rompu
ou surmonté les digues. Aujourd'hui, si un
pareil événement se renouvelait, il aurait
des conséquences bien autrement désastreu
ses, attendu que le pays est beaucoup plus
peuplé et que les trois-quarts de la plaine
basse en arrière des digues sont défrichés et
en culture. Aussi devons-nous veiller atten
tivement à la conservation et au bon entre
tien de ces ouvrages défensifs.
Les travaux se poursuivirent avec plus ou
moins de suite et d'activité sous l'ancien ré
gime aux frais dés propriétés intéressées et
delaprovincé qui percevait un impôt spé
cial connu sous le nom d 'Epis du Rhin. Lors-
qu'en 1789, l'Assemblée nationale, en sup
primant les anciennes provinces et en éta
blissant .l'uniformité dans les finances de
l'Etat, abolit par cela même l'impôt spécial
des épis du Rhin, elle décida que les travaux
de défense contre le fleuve seraient conti
nués par le gouvernement, avec le concours
des localités intéressées. Près de S millions,
dont les trois-cinquièmes environ fournis
par l'Etat, y furent consacrés de 1790 à
1815. A partir de cette époque, le gouverne
ment prit tous les travaux à sa charge, et y
dépensa, au moyen d'allocations annuelles,
une somme qui s'élevait, à la fin de 1839, à
11 millions environ.
Des résultats assez importans furent obte
nus. Des digues longitudinales, régnant sur -
la totalité du cours du fleuve, assignèrent
une limite aux eaux de débordement. Mais
iette limite était trop étendue. Il restait, en
dedan»de ces digues, une vaste superficie
dans laquelle le Rhin donnait le spectacle des
changemens les plus rapides et des divaga
tions les plus extraordinaires. On exécutait
des fascinages pour consolider les terrains
les plus attaqués par les érosions. On fer
mait, à l'aide de barrages, quelques bras se
condaires que le Rhin parcourait autrefois.
On cherchait à lutter ici ou là contre les
envahissemens du fleuve. Mais, comme ces
travaux étaient conduits sans plan arrêté,
comme on se contentait de porter ses efforts
vers les points faibles, à mesure que les dan
gers se révélaient, on n'arrivait à rien de dé
finitif. On était sans cesse occupé à se défen
dre contre les ouvrages qui s'exécutaient
sur la rive opposée et qui tendaient à nous,
renvoyer le courant. Nous ne parlons pas
des grandes crues qui compromettaient quel
quefois des travaux isolés et incohérens.
Force fut donc de reconnaître, après des
tentatives trop souvent infructueuses, que le
seul moyen de faire quelque chose de véri
tablement utile et de complet, c'était de pro
céder d'après des vues d'ensemble, de recti
fier le cours du fleuve, de le contraindre à
passer dans un lit unique et déterminé. Mais
ici la France ne pouvait rien à elle seule. Une
pareille entreprise n'était possible qu'à la
condition d'être étudiée et exécutée d'un
commun accord entre les puissances maî
tresses des deux rives. Il fallait renoncer de
part et d'autre à cette guerre d'épis, que l'on
se faisait autrefois, et qui avait pour but de
rejeter le courant sur la rive opposée pour
se défendre ou pour gagner du terrain.
Les deux gouvernemens de la France et
du duché de Bade, conjprenant que leur in
térêt bien entendu était de travailler de con
cert à cette grande entreprise, ouvrirent des
négociations. Le 5 août 1840 fut conclue,
après de longs débats à Carlsruhe, une con
vention qui décida que les travaux seraient
conduits des deux parts de manière à arri
ver progressivement à la régularisation du
fleuve, et qu'ils séraient déterminés par une
commission mixte, formée d'ingénieurs des
deux Etats, qui se réunirait chaque année,
au mois d'Octobre, %Strasbourg et Carlsruhe
alternativement. Cette convention assura la
bonne harmonie, et conduisit à l'adoption
d'un système général de régularisation du
fleuve, qui fut définitivement arrêté en 1842.
Le projet général de régularisation repoee
spr les bases-suivantes : Concentration des
eaux du lit du fleuve dans un lit unique,
fixation définitive de ses rives, protection du
territoire contre les débordemens. Le tracé
consiste en une succession d'arcs de cercle,
ayant un rayon minimum de courbure de
1,000 mètres, et de lignes droites dirigées
iangentiellement aux courbes. La longueur
totale qu'il embrasse est de 186 kilomètres.
On s'est attaché, autant que possible, à con
server les positions déjà défendues. Lorsque
le projet sera complètement exécuté, tout le
cours du Rhin sera réuni dans un seul lit au
moyen de deux digiies'parallèles, qui ne lais
seront entre elles qu'une largeur de 200 mè
tres dans le Haut-Rhin et de 250 mètres en
aval de Strasbourg. Cette dernière dimension
est celle qui a été admise dans les travaux
de régularisation effectués au-dessous des
frontières françaises, entre la Bavière rhé
nane et le grand-duché de Bade-
Depuis l'époque où ce projet a été adop
té, le. système des travaux a changé com
plètement. Ils n'avaient eu j usqu'alors d'au
tre but que de défendre les digues d'i-"
nondation contre les corrosions des eaux,
de s'opposer à la formation de nouveaux
bras ou -d'empêcher l'agrandissement des
anciens. On dirigeait ses efforts vers les
points menacés, en agissant pour ainsi dire
au jour le jour. Il n'en est plus de
même aujourd'hui. On porte toute la défen
se sur la ligne de régularisation, en y exé
cutant, d'accord avec les ingénieurs badois,
les digues de rive, arrêtées en principe dans
le projet de 1842, et destinées à contenir le
courant. Ce sont des travaux définitifs subs
titués à des travaux qui n'avaient qu'un ca
ractère provisoire, et qui, déterminés par les
accidens mêmes du fleuve, ne pouvaient
être que très irréguliers.
Est-il nécessaire maintenant de faire res-*
sortir les avantages de cette grande entre
prise? U y a d'abord une question politique,
- uns question de souveraineté qui s'y trouve
engagée. Le Rhin sert de frontière' à la
France. Or,-que résulte-t-il des changemens
continuels qui ont lieu dans son cours ? C'est
que des étendues très considérables de ter
rains se trouvent, tantôt d'un côté de la fron
tière, tantôt de Vautre, et sont alternative
ment français et badois. La régularisation
du fleuve mettra un terme à cette instabilité
des limites et assurera l'intégrité du terri
toire national.
Les nouveaux travaux, auront encore cette
conséquence , d'améliorer notablement la
navigation. Les ouvrages de défense, exécu
tés autrefois pour protéger les propriétés
riveraines, servaient rarement à améliorer
les communicationsfluviales. Souvent même
ils formaient écueil pour la navigation des
cendante et ils gênaient la navigation ascen
dante. Le projet qui s'exécute, en endiguant
le Rhin, le forcera à se creuser un lit plus
profond. On espère assurer en tout temps un
tirant d'eau de 1 m. 20 à 1 m. 50 aux ba
teaux, donner au chenal la fixité qui lui
manque, créer un chemin de halage pour la
remonte, ce qui permettra de substituer le
halage par chevaux au halage par hommes,
qui se.pratique encore aujourd'hui.
Enfin, la régularisation du Rhin ne doit
l wiîûi'b de moins grands services sous le
rapport de la propriété et de l'agriculture.
Non seulement les terrains actuellement en
plein rapport, qui bordent le fleuve, se
ront efficacement protégés ' contre les éro-,
siôns des eaux, mais on rendra à l'agricul
ture une vaste étendue de territoire aujour
d'hui couvertes de nappes d'eau ou de gra
viers blancs. Un fait assez curieux, c'est que,
par suite des changemens incessans qui ont
lieu dans le cours du fleuve, on a été amené
à cadastrer le fleuve lui-même. Ainsi, un
des propriétaires de la contrée, qui accom
pagnait M. Lefebvre-Duruflé - dans son ex
cursion, faisait remarquer, pendant une
partie du trajet, que le bateau à vapeur pas
sait sur une forêt qui lui appartenait.—Mais,
du moins, lui dit-on en plaisantant, vous ne
payez plus d'impôt.—Je le paie, répondit-il,
et j'y tiens pour constater mon droit de pro
priété, car j'espère bien que le Rhin me la
rendra quelque jour. ' Quand les rives du
fleuve seront fixées, la propriété, qui sou
vent' n'est que nominale, deviendra une
réalité, elle accroîtra la richesse agricole du
pays.
Ajoutons que la salubrité de la contrée
n'y gagnera pas moins. La plaine submer
sible sera définitivement protégée contre les
débordemens. L'abaissement _ du plan des
eaux, résultant du creusement du nouveau
lit, permettra d'assainir tous les bas-fonds
et marais actuellement soumis aux infiltra
tions du fleuve. Ainji disparaîtront les eaux
stagnantes qui, par l'humidité qu'elles entre
tiennent, par,les miasmes qu'elles répandent
autour d'elles, sont la source de tant de ma
ladies pour les populations riveraines.
On comprend qu'une semblable entreprise
exige une dépense considérable. Les devis
pour la régularisation du Rhin, entre Hu-
ningue et Lauterbourg, sur une longueur
de 186 kilomètres, s'élèvent à 55 raillions.
Mais c'est un travail qui peut être exécuté
progressivement, dans une longue série
d'années. Commencé en 1840 , il est pour
suivi au moyen de crédits annuels ouverts
sur les fonds ordinaires du budget. Les allo
cations accordées depuis cette époque jus
qu'à la fin de 1851, montent.à environ 12
millions. Malheureusement, depuis 1850, on
a réduit à 700 et même à 650,000 fr. les
crédits annuels qui s'élevaient précédem
ment à 900,000 fr. Les travaux se sont trou
vés ralentis, êi la situation de nos finances
a pu exiger cette diminution momentanée
sur les sommes affectées à la régularisation
du Rhin, nous ne sommes plus, Dieu merci!
condamnés à faire des économies aussi pré
judiciables à l'intérêt public. Il convient donc
de reporter le crédit annuel au même chif
fre qu'autrefois, soit à 900,000 fr. C'est là
une mesure d'autant plus nécessaire, que le
grand-duché de Bade consacre cette même
somme aux travaux qu'il exécute de son côté.
Or, il est facile de comprendre que, si
les constructions badoises marchent plus
rapidement que les nôtres, elles tendent
par cela même à rejeter le courant sur notre
rive, ce qui expose notre territoire à des en
vahissemens et ce qui ajoute d'ailleurs à la
difficulté de nos travaux. Sous ces divers
points de vue, nous ne saurions trop insis
ter pour qu'on rétablisse intégralement le
crédit affecté annuellement à la régularisa
tion du Rhin. j. burat.
On lit dans le Morning-Post du 30 juillet :
La nouvelle que le télégraphe électrique nous a
apportée de la nomination de M.Drouyn de Lhuys
au ministère des affaires étrangères, sera bien re
çue en Angleterre, où l'on connaît le caractère in
dépendant et loyal de cet homme d'Etat, où l'on
a pu apprécier ses talens et sa probité quand il
était ambassadeur à la cour de Saint-James. L'Eu
rope elle-même recevra bien la nouvelle du
Moniteur. Louis - Napoléon a appelé dans son
conseil et a confié les affaires les plus impor
tantes de son cabinet à un homme connu et sur
lequel on peut compter quant à la fermeté et à
l'intégrité. C'est une preuve de l'esprit libéral du
Président et dont nous espérons bien voir désormais
son cabinet animé. Sous ces auspices, il nous est
permis de croire à une saine application de la nou
velle Constitution de la France, dans un'esprit de
progrès et d'amélioration, car les Constitutions
sont filles du temps et soumises à ses lois. On ne
peut couler une Constitution comme on coùie un
morceau de fer, et l'on ne saurait par conséquent
y enfermer un malheureux corps politique. Si une
pareille folie pouvait être tentée, on éprouverait
le sort de ceux qui ont tenté de mettre en prati
que des Constitutions'toutes faites, d'après des mo
dèles anglais ou américains, pour les adapter à la
France. Ilestcurieux de revenir sur les circonstan
ces qui ont présidé à la confection de l'avant-der
nière Constitution. Une assemblée nationale, au mi
lieu d-'unesociété à laquelle on prêchait lesdoctrines
les plus sauvages, devant laquelle le socialisme et
le communisme s'offraient le front haut, soute
nant qu'ils marchaient dans la bonne voie , tan
dis qu'ils n'avaient à donner d'autres preuves de
leurs doctrines praticables d'égalité que les ate
liers nationaux-, d'autres témoignages de leur
amour de la fraternité, que Paris ensanglanté aux
horribles journées de juin. En pleine force de ces
doctrines et de cés,faits, protégés seulement parle
bras vigoureux du général Cavaignac contre leur ex
pulsion du Palais-Bourbon, neuf cents représen-
tans assemblés empruntent quelques notions dé
mocratiques à l'Amérique, quelques principes
constitutionnels à l'Angleterre, une ou deux idées
despotiques au Maroc, et, ajoutant à ce mélange
quelques pensées indigestes de leur propre pays,
ils exposent aux regards du monde étonné, le
monstre le plus extraordinaire inventé pour le
tourment d'un peuple infortuné.
M. Félix Pyat a dit, en .définissant les pouvoirs
organisés par la Constitution, qu'un corps n'a pas
deux têtes; qu'un corps qui a deux têtes est un.
monstre, ét les monstres ne sauraient vivre.,Son
remède était de couper uue des deux têtes, c'est-
à-dire le pouvoir présidentiél. Mais placer le
pouvoir exécutif dans les mains d'un corps à 730
têtes, parut 748 fois plus monstrueux que la mons
truosité à deux têtes. Nous n'entrerons pas de
nouveau dans les obscurités de cette Constitu
tion. Le Président a frappé l'hydre, et la Fran
ce l'a approuvé. La Constitution actuelle n'a
que quelques teintes de ce que nous appe
lons en Angleterre la liberté constitutionnelle;
mais cette teinte, quoique légère, est plus remplie
d'espérance que tous les efforts ridicules des Cons
titutions précédentes pour saisir l'impossible. Nous'
n'admirons point la Constitution française telle
qu'elle est, mais nous reconnaissons qu'elle est
du moins efficace, et qu'elle possède ce que l'Em
pereur recommandait si fortement : « une large-
marge au progrès. »
Un journal de la Dordogne avait dirigé
les "attaques les plus graves contre la mémoire
de l'honorable M. Dupont, tué si malheureu
sement en duel par un représentant monta
gnard. M. Paul Dupont, député au Corps-
Législatif, avait pris la défense de son frère,
daos une .lettre adressée à l'Echo de Vésone,
et où ' J citait un passage de sa propre cor
respondance avec le préfet actuel de la Dor
dogne. La publication de cette lettre a valu
à l'Echo de Vésone l'avertissement suivant :
Le préfet de la Dordogne,
Vu l'article 32 du décret du 17 février 1852 sur la
presse ;
Vu la lettre signée Paul Dupont , insérée d
numéro de l'Echo de Vésone du 29 juillet, com'
çant par ces mots : « Personne n'aurait pu cr,
etc.-, etc., » et se terminant par ceux-ci : «Des c
si complètement dépourvus de tout sentiment
juste et de l'honnête » ;
Considérant que cette lettre, qui fait intervenir le
Êréfet dans une querelle de journaux, par des lam-
eaux de correspondance privée, tronquée, anté
rieure, de longue date, à l'existence de l'un desdits
journaux, et appropriée, sans motifs, aux besoins de
cette querelle, contient, à l'égard ae l'administra
tion, un oubli complet de toute convenance, qu'il
est du devoir de l'autorité d'atteindre et de blâmer,
Arrête :
Art. 1 er . Cn premier avertissement est donné au
journal l'Echo de Vésone, dans la personne de son
rédacteur en chef gérant, M. Eugène Massoubre.
Art. 2. Le présent arrêté sera, aux termes de l'ar
ticle 19 du décret précité, inséré entêtedu plus pro
chain numéro du journal l'Echo de Vésone.
Ait. 3. M. le commissaire de police de Périgueux
est chargé de l'exécution de cet arrêté.
Périgueux, le 28 juillet 1852.
Le préfet de la Dordogne,
A. DE CALVIMONT.
h'Emancipation, dans son numéro d'hier
matin, publiait les lignes suivantes :
« On peut annoncer, sans crainte de se
tromper, que l'un des prochains numéros
du Moniteur publiera les arrêtés portant re
constitution du cabinet. '
» La seule modification probable se réduit
à la retraite de M. Tesch. »
L 'Indépendance, dans son numéro du soir,
dit :
« Nous avons des raisons de croire l'Oman*
cipation mal informée. »
Nous lisons dans le Comtitucioml de Ma»
drid du 35 les nouvelles suivantes :
a II paraît que le gouvernement pense
sérieusement à se dessaisir du monopole du
sel et du tabac. Si nos nouvelles sont exactes,
il paraîtrait que c'est lè fameux économists
don Carlos Aribau qui, par ordre du prési
dent du conseil des ministres, a rédigé le
projet pour rendre libre la vente du tabac,
en substituant au système actuel un droit
modéré qui donnerait à l'Etat les mêmes
avantages, sinon plus grands, que le mono
pole. On croit que M. Bravo-Murillo est très
disposé à adopter ce projet.
» S'il en est ainsi, ajoute le même journal,
nous ne pourrions nous empêcher d'ap
plaudir à cette pensée qui ferait autant d'hon
neur au ministre^des finances, que lui en font
l'ordre et la clarté qu'il a commencé à intro
duire dans quelques-unes des branches de
notre administration. Impartiaux et désirant
toujours et avant tout le bien de notre pays,
nous souhaitons que les réformes se fassent,
n'importe par qui. »
CONSEIL MUNICIPAL.
Le conseil ne s'est réuni aujourd'hui, 31 juillet, 1
que pour délibérer sur les propositions faites par
M. Ardoin et compagnie, ait sujet du percement
de la nouvelle rue de Strasbourg. Il s'agissait
d'exécuter cette vaste opération à forfait, moyen
nant 7,730,000 fr. La soumission de M. Ardoin et
compagnie, après de longs débats, a été acceptée
par la ville,sous la condition expresse que le tiers
de la dépense totale serait à la charge de l'Etat.
Le paiement de cette somme (Je 7,730,000 fr. se
divisera en quatre annuités de 1,937,500 fr., cha
cune en principal. La prftaière exigible au 31 dé
cembre prochain ou à l'issue des expropriations
qui auront mis la ville de Paris en possession de
la voie nouvelle. Les trois autres; annuité^ seront
payées d'année en année, à partir du jour où la
ville sera devenue propriétaire des immeubles frap
pés pour l'ouverture de la nouvelle rue.
Le conseil a cru voir, dans ce mode d'opération,
un plus prompt et plus sûr moyen d'arriver à l'a
chèvement de cette vaste entreprise. Engagée en
ce moment dans de nombreuses ét gigantesques
opérations, qui absorbent tous ses efforts et toutes
ses ressources, elle eût craint très probablement
d'entreprendre elle-même ce nouveau percement
sans avoir sous la main l'argent qu'il nécessite. De
là des lenteurs et des hésitations qui, si elles n'en
avaient compromis l'exécution, en eussent du
moins retardé peut-être beaucoup le complet achè
vement.
C'est du reste faire du premier coup, sur une
vaste éehelle,l'essai de l'industrie privée.
Le trop grand nombre d'affaires sur lesquelles
le conseil a eu à statuer, dans la séance d'hier,
nous a à peine permis d'en indiquer la série. Nous
y revenons aujourd'hui pour faire connaître à nos
lecteurs, sous forme de résumé, quelques-unes
des plus importantes délibérations qui ont été pri
ses dans cette séance, à l'occasion de l'examen du
budget. Celui des hospices a.été arrêté par le con
seil à la somme de 14,983,611 fr. La subvention
municipale, annuellement accordée aux établisse-
mens hospitaliers, a été fixée, pour l'année pro
chaine, à 3,468,509 fr. C'est une diminution de
592,654 fr. sur l'allocation votée pour l'année
courante.
A cette occasion, le conseil ne pouvait manquer
ma
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, t" AOUT.
IL FAUT QUE MESSE SE PASSE*.
XXV.
p
le
Au commencement du mois d'août de
l 'année dernière, quatre des personnages de
cette histoire se trouvaient réunis, par une
soirée brumeuse, sur la jetée du Havre, .et
paraissaient beaucoup plus préoccupés de
eur situation réciproque que de l 'aspect im-,
posant de la mer ou du pittoresque profil de
là tour de François I". A la taille mince et
élevée, à l'attitude flegmatique de l'un, et
surtout à samoustache éminemment tartare,
on reconnaîtra sans peine le prince Ratanoff,
tenant au bras sa dulcinée, Mlle Fernande
Comique t; les cheveux gris, le large ruban
bariole qui pare'la boutonnière du person
nage placé en face d'eux, et la tournure
obèse en même temps que la calvitie pré
coce du quatrième interlocuteur, indique
ront suffisamment le baron Gédéon de Pon-
tauriol et le docteur Hector Godard.
— Décidément, mon cher prince, dit Go
dard, en articulant à très haute voix chaque
syllabe à l'oreille du boyard, vous ne me
paraissez pas devoir prendre votre patrie en
patience.
—Mon gracieux souverain le czar l'a voulu,
répondit le prince Ratanoff, qui avait en
tendu par extraordinaire ce que lui disait
Godard, probablement çarce que le vent
portait. Sa Majesté Impériale ayant appris
que j'avais eu un duel avec un de mes amis,
ei que je l'avais presque tué, a trouvé que je
m'emusais trop en France.
E t le boyard laissa échapper un soupir sur
la protestation qu'il osait risquer contre
La reproduction est interdite
l'autocrate, dont les décisions sont toujours
si respectées de tous ses sujets; encore comp
tait-il qu'on lui garderait le jjecret sur cette
protestation presque insurrectionnelle.
— Heureusement que vous aurez là deux
amis pour vous rappeler la France, continua
Godard, encouragé auprès du prince par un
succès d'audition si inespéré... D'abord, la
charmante Fernande Corniquet...
— Oui, parlons-en, reprit celle-ci avec hu
meur et maintenant sa parole au diapason
ou elle savait que pas une syllabe n'arrive
rait à l'oreille au boyard. Comme c'est gai
de s'en aller à cinq cents lieues de chez soi !..
Ah 1 si je n'avais pas de la famil'e !... Etpuis
irion agent de change qui vient de lever le
pied... toutes mes économies y ont passé !...
C'est à recommencer avec celte..vieille scié de
prince russe. Ayez donc de l'Ordre et de la
conduite ! Voilà à quoi cela sert.
— Vous êtes bien tendrement aime de
Fernande, prince , dit Godard de toutes ses
forces et avec le sérieux le plus complet j et
puis, continua-t-il dans la même tonalité ,
n'aurez-vous point là- bas le baron de l'on-
tauriol que sa mission chorégraphique attire
en même temps que vous en Russie ?
— Silence donc! interrompit Gédéon, en
donnant les signes de l'effroi le plus vif, et
mettant presque la main sur la bouche de
l'indiscret docteur... Silence donc! au nom
du ciel! L'administration de l'Opéra, qui
m'honore de sa confiance m'a chargé d'al
ler enlever à Saint - Pétërsbourg un pre
mier sujet de la danse avec qui Londres est
déjà en marché... Et vous allez ébruiter ici
ma mission, en plein air, comme s'il s'agîs-
sait du plus simple traité de commerce en
tre les deux nations!... Godard, en vérité, si
vous compromettez à ce point les intérêts du
premier dès arts... je dis le premier de* arts,
ajouta-l-i' gravement, parce qu'il les résume
tons... Godard,vous nous ferezrepeaiii;da-
vbir accepté l'offre que vous nous avez
faite de venir nous copduire jusqu'au Ha
vre... Que diable! mon cher, il "suffit de
la plus simple indiscrétion pour faire man
quer une négociation de cette importance.
Vous êtes venu ici pour vous amuser, soit !
amusons-nous!... Mais quand il s'agit d'af
faires sérieuses, soyons sérieux.
Et le baron, lès mains dans les entournu
res de son gilet, tourna le dos d'un air mé
content.
— Oh ! Messieurs ! repartit tristement le
prince, qui avait complètement reperdu le
fil de cette conversation, tout ce que vous
me dites d'aimable me fera regretter encore
plus la France.
— Tiens, quelle est cette femme qui se
promène là, à quelques pas, sur la jetée? fit
Godard, en avisant une personne vêtue de
noir et voilée ; il me semble que j'ai soigné -
cette tournure-là.
— Ça, reprit Fernande, mais c'est Floren
tine ! Vous rielà reconnaissez pas?... Je la re
connais, moi, à une de ses hanches plus forte
que l'autre ; on n'en convenait pas, parce
qu'elle était à la.raode ; maintenant elle s'en
va en Amérique, toujours accompagnée de
son beau ténébreux.
— Et qui donc? fit Godard.,
—' Eh! parbleu, repartit Fernande, qui ça
peut-il êlre, si ce n'est Tristan?
— Tristan !... fit Gédéon, avec un mouve
ment de surprise indicible.
—Tristan!... dit Godard à son tour; Dieu
des Juifs, tu l'emportes !...
— Dam, reprit Fernande, c'est là le bruit
du foyer de la danse, à ce que m'écrit, une
petite qui était dans les marcheuses, il y a
un mois, qui me devait de l'argent et qui ne
me paie pas.
— Eh! en effet, s'exclama Godard, Tris
tan a dû se marier, mais c'est manqué, 011
ne saîi, nas ytoarquot. Ec, tenez, ne voyez-
vous pos Tristan lui-même au bord de la
jetée, suivi de son doiûestique qui porte ses
bagages?... Pauvre garçon! comme il est
p4te et ti'isie ! Ne croirâit-on pas voir un
homme qui, par miracle, n'a pas succombé"
à un empoisonnement, mais dont la consti
tution ruinée" en a conservé les traces indé
lébiles? Et au fait, l'amour n'est-il pas le
plus terrible de tous les" poisons ?
— Pardieu! murmura Gédéon, j'ai tou
jours remarqué que, du moment où une
danseuse a le cœur pris, il n'y a plus à comp
ter sur ses jambes.
— Allons donc ! reprit Godard, allez-vous
nous faire croire, baron, que 'Florentine ait
jamais eu un cœur? un estomac, je 11e-dis
pas. Ah ! je l'ai toujoursprédit, cette Floren
tine esi; une dangereuse créature; et du mo
ment que certaines maladies passent à l'état
chronique, elles deviennent incurables.
" —Cependant, répliqua Gédéon, un peu
plus au fait que les aulre£ de tout ce qui s'é
tait passé précédemment dans la maison de.
Morvilliers, remarquez que Tristan et Flo
rentine ne paraissent pas .(douter mu
tuellement de leur présence au Havre.
— C'est pour mieux cacher leur jeu, re-
ari.it Fernande. Eh! mais, voyez: Florentine
'a aperçu et ne le quitte pas des yeux... et si
Tristan n'a pas l'air de faire attention à eile,
dam ! c'est que Florentine s'est conduite
comme une pas grand'chose, et que Tristan
l'a drôlement traitée... Mais, c'est égal, il
n'y a de bonheur que pour ces farceuses-là;'
tandis que celles qui ont de la moralité, une
conduite rangée...
— Parb'eu ! j'en aurai le "cœur net, fit Gé
déon sans écouter le panégyrique que Fer
nande Corniquet allai t continuer d'elle-même
à elle-même devant l'indifférence du docteur
Godard et la surdité impassible du prince
Batanou.
Et il alla au devant de Tristan, qui venait
de donner des ordres à son domestique, en
lui désignant un paquebot à vapeur dont la
cheminée commençait à couronner d'un pa
nache noir les plantations nombreuses de
mâts circonvoisins qui sen>bluient changer
en forêt mobile la rade du Havre.
— Vous vous embarquez donc, mon bon?
dit-il au jeune comte de Morvilliers qui, tout
en s'approchant machinalement la tête bais
sée, avait épargné à Pontauriol et à ses com
pagnons la moitié du chemin.
— Çe soir, dans une demi-heure, répon
dit Tristan, en levant la tête à cette interpel
lation à laquelle il avait différé de répondre
pendant le temps nécessaire pour reconnaî
tre celui qui la lui adressait.
Tristan semblait si accablé de ses pensées,
qu'il ne parut même pas préoccupe de sa
voir l'étrange hasard qui lui amenait ainsi
ses anciens commensaux. Il tendit seule
ment la main à Gédéon et à Godard qui l'a
vait suivi.
— Vous allez en Amérique, mon bon? re
prit Gédéon.
"—Oui, à la Nouvelle-Orléans, je crois, re
partit Tristan distrait.
—Moi, je vais à Pétërsbourg, répliqua Gé
déon. Le prince Ratanotf, qui est la derrière
avec Fernande, vous à vu ; mais il n'appro
che pas ; il craint que vous ne lui en vouliez
encore.
— Il a raison, repartit Tristan d'une voix
profondément altérée, je lui en veux de ne
pas m'avoir tué tout-à-fait.
Un silence de quelques instans suivit cet
aveu échappé au desespoir de Tristan.
— Mais pourquoi ce départ? ajouta Gé
déon.
Un froncement de sourcils à peine per
ceptible de Tristan, un tressaillement ner
veux d'impatience mal contenu, indiquèrent
suffisamment que le jeune comte de Morvil
liers ne voulait pas être interrogé sur ce
sujet. * ' ■ ■
Mais Gédéon tenait du moins beaucoup à
savoir ce qu'il devait penser des conjectures
invraisemblables qu'il avait entendu formu
ler sur les liens ou étaU retombé Tristan.
— Au moins, di t-il enfin, vous ne partez
pas avec elle, mon bon?
- Et il lui désigna du doigt Florentine qui
s'éloignait lentement de la j etéel
, — Qui, elle? s'exclama Tristan, avec le
soubresaut d'un homme qui croit avoir posé
le pied sur un serpent.
— Eh! parbleu, Florentine, qui se dirige en
ce moment vers le paquebot où tout-à-l'heu
re elle a vu que vous veniez d'envoyer vos
bagages.
L'œil éteint de Tristan s'alluma; il consi
déra alternativement Florentine et l'océan
comme si la présence coïncidente de ces deux
élémens de destruction lui eût suggéré la
sinistre pensée de lès faire absorber l'un par
l'autre.
—Calmez-vous/ mon cher, dit Godard, en
prenant dans ses mains celles de Tristan, et-
lui appuyant simultanément le doigt sur le
pouls, vous avez une fièvre chronique qui va !
passer à l'état aigu. -
Puis il ajouta :
—Vous ignoriez donc qu'elle s'embarquât
aussi?
Tristan leva violemment les épaules, com
me un homme qui ne comprenait pas ce
doute offensant. .
— J'étais bien sûr, dit triomphalement
Gédéon à Godard, qu'il ne s'en allait pâs
avec cette abominable drôlesse, qui n'était
même pas digne du rang de coryphée.
— Elle est bien mal inspirée de me suivre,
dit Tristan, les dents serrées, et suivant Flo
rentine de ses yeux creusés par la souffrance.
Elle avait déjà traversé la planche posée-
du quai au bord du paquebot poùr le passage
des voyageurs; la forme noire de la dan
seuse se perdit bientôt aux" regards parmi
celles des autres voyageurs - sur le peint du.
bâtiment, en ce moment voilé lui-même par
les brumes du soir.
— Pauvre diable de Tristan, dit Godard
bas à Gédéon. s'il part ainsi sans amis, sans
consolation, il-n'ira pas loin... c'est tout au
plus s'il lui restera bientôt la force d'étran
gler Florentine! J'avais toujours dit que cet
te créature le perdrait,
t'tte de & &êoiM i&rtfciuiâ-£&<»jrttijj u &&*
Il 185â«-DIMANCHE 1" AOUT.
WUSX SB L'ABOMHSBBIITII
paris 13 ï. m tsimestmj
part eltens. 16 f. —
un numéro : so ckntimbs;
pous les pats strassers , so rjporUï
au tableau qui sera publié dans le 'ourosî,
les i# et « de chaque mois.
Las abcmtrnens datent des 1" et U
de chaque mois.
r iif
mi
S'adresser, franco, pour la rédaction, à M. C uchsval- C iarign?, rédacteur en chef.
Les articles déposés ne sont pas rendus
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
I
. On s'ahme, dans Ut départenuM, aux Messageries et aux Directions de poste. —A Lorid 'es, ehes MM. Cowiï et fiisî
— A Strasbourg, chez M. A iexà NDRI, pourJ'Alktnagnel
| " S'adresser1 franco} pour l'administration", à M. DIMA.W, directeur!
! Les annonces sont reçue» au bureau du journal; et'chsï M. PANIS, régisseur, 10, pl&oe de 1>
ÇARIS, 51 JUILLET.
On Ht dans la partie officielle du Moniteur
de ce jour, 31 juillet :
Louis-Napoléon , président de la République
française, .
Décrète : - . . ■
M. Achille Fould, sénateur, est nommé ministre
d'Etat, eu remplacement de M. le comte de Casa
blanca, dont la démission est acceptée.
Fait au palais de Saint-Cloud, le 30 iuillet.
LOUIS-NAPOLÈOS.
Immédiatement après ce décret, et tou-
jo.urs dans sa partie officielle, le Moniteur
publie la note suivante :
« Le décret qui appelle M. Achille Fould aux
fonctions importantes de ministre d'Etat complète
ie cabinet.
» Par la spécialité des choix qu 'il Tient de iaire,
le prince-Président a voulu donner à son gouver-
ilfement les conditions de stabilité et d'avenir qui
sont dans l'esprit de la Constitution. Nous pou
vons espérer ne pas revoir de long-temps ces chan
gemens de personnes quijettent le trouble et l'in
décision dans les affaires. »
Le Moniteur annonce ce matin que le ca
binet est complété par la nomination de M.
Achille Fould aux fonctions importantes de
ministre d'Etat. U annonce même que le
cabinet nouveau est constitué pour long
temps. a Nous pouvons espérer, dit le Moni
teur, ne pas revoir de long-temps ces [cban-
gemens de personnes qui jettent le trouble
et l'indécision dans les affaires. » Pour notre
compte, nous n'avons point constaté que le
changement de personnes qui vient de se
produire dans le conseil des minisires ait jeté
le moindre trouble, la moindre indécision
dans les affaires; tous les choix qui vien
nent d'être faits, celui de M. Achille Fould
compris, ne représentent que des idées pra
tique», modérées, et ne peuvent conséquem-
ment que recevoir une haute approbation de
l'opinion publique. M. Achille Fould. met
tra de l'ordre, de l'économie dans ce minis
tère d'Etat de nouvelle création, et dont plu
sieurs attributions sont d'une grande im
portance et d'un grand intérêt.
D r L. VÉR0N.
Le voyage effectué récemment sur le Rhin
français par l'ex-ministre des travaux pu
blies, en compagnie du chef de division de
la navigation et-de plusieurs ingénieurs, a
rappelé l'attention sur les travaux .qui s'exé
cutent dans le fleuve. Cés travaux oat, en
effet, une grande importance, et, si nous
avons un regret à exprimer, c'est que l'état
de nos finances ait exigé, pendant les der
nières années, une réduction sur les crédits
affectés à leur continuation. Il est permis de
croire que, malgré le changement du minis
tre des travaux publics, la reconnaissance
dirigée sur le Rhin aura pour résultat de
faire reporter les allocations annuelles au
chiffre qu'elles atteignaient précédemment.
On sait que le Rhin, après être descendu
du Saint-Gothard, après avoir traversé le lac
de Constance, franchi les chutes de Schaff-
house et de Lauffenbourg, et reçu près de
Waldshut la rivière torrentielle de l'Aar, qui
double le volume de ses eaux, débouche, à
sa sortie de Bâle, dans la vaste plaine.com-
prise entre la chaîne des Vosges et celle de la
Forêt-Noire, et forme, sur une étendue de
213 kilomètres environ, la frontière orientale
de la France entre la Suisse et F Allemagne
méridionale. Ge n'est pas là sans doute la
partie la pins illustre du Rhin. Ce n'est pas
encore le grand fleuve, tel que nous le voyons
plus loin à Mayence et à Cologne, parcouru
par une navigation active-et sillonné inces
samment par une flotte de bateaux à vapeur
qui desservent les Etats riverains. Mais il
n'en joue pas moins un rôle considérable
dans notre système hydrographique et com
mercial. Il sert de limite et de défense à no
ïrë territoire ; il baigne les plaines fertiles de
cette Alsace si industrieuse et si manufactu
rière ; il unit la France à l'Allemagne, à la
Hollande, à la mer du Nord.
Malheureusement, le Rhin, dans cette
partie de son cours, est loin de présenter un
régime stable et régulier. A partir de Hu-
ningue, il coule à travers une plaine formée
par une masse de graviers qui ne réunit au
cun sédiment. Il offre, disent les rapports
administratifs, l'aspect d'un vaste archi
pel d'îles, tantôt détruites, tanlôt refor
més. A chaque instant, les eaux s'ouvrent
de nouveaux bras, attérissent les anciens,
déplacent le chenal principal, creusent
leur lit à des profondeurs considérables
ou déposent des bancs de gravier. On ap
préciera la cause et la nature de ce régime
instable du fleuve, quand on saura qu'il dé-
'bite -moyennement par seconde un volume
d'eau excédant 1,000 mètres cubes et animé
d'une vitesse de plus de 2 mètres, que le
volume d'eau atteint 6,000 mètres cubes et
la vitesse plus de 4 mètres dans les grandes
crues, et que cette action s'exerce sur un
fond et sur des parois sans résistance contre
de semblables efforts.
Les premiers travaux exécutés sur le Rhin
dùrent être et furent, en effet, des travaux
de défense et de protection contre lesenva-
hissemens du fleuve. Il est probable qu'ils
datent de loin.. Des recherches historiques
ont appris qu'avant la réunion de l'Alsace à
la France, qui eut lieu en 1648, les crues du
Rhin étaient déjà contenues par une digue
insubmersible, qui avait,à cette époque mê
me, trois cents ans d'existence au moins,
et qui avait été construite, alors que toute la
basse plaine n'était encore qu'une forêt. On
cite une crue extraordinaire^ qui survint
en juillet 1758, qui rompit les digues éta
blies depuis des siècles et inonda trente-et-un
villages et vingt mille hectares de terre.
C'est, du reste, la seule crue qui, depuis la
réunion de l'Alsace à la France, ait rompu
ou surmonté les digues. Aujourd'hui, si un
pareil événement se renouvelait, il aurait
des conséquences bien autrement désastreu
ses, attendu que le pays est beaucoup plus
peuplé et que les trois-quarts de la plaine
basse en arrière des digues sont défrichés et
en culture. Aussi devons-nous veiller atten
tivement à la conservation et au bon entre
tien de ces ouvrages défensifs.
Les travaux se poursuivirent avec plus ou
moins de suite et d'activité sous l'ancien ré
gime aux frais dés propriétés intéressées et
delaprovincé qui percevait un impôt spé
cial connu sous le nom d 'Epis du Rhin. Lors-
qu'en 1789, l'Assemblée nationale, en sup
primant les anciennes provinces et en éta
blissant .l'uniformité dans les finances de
l'Etat, abolit par cela même l'impôt spécial
des épis du Rhin, elle décida que les travaux
de défense contre le fleuve seraient conti
nués par le gouvernement, avec le concours
des localités intéressées. Près de S millions,
dont les trois-cinquièmes environ fournis
par l'Etat, y furent consacrés de 1790 à
1815. A partir de cette époque, le gouverne
ment prit tous les travaux à sa charge, et y
dépensa, au moyen d'allocations annuelles,
une somme qui s'élevait, à la fin de 1839, à
11 millions environ.
Des résultats assez importans furent obte
nus. Des digues longitudinales, régnant sur -
la totalité du cours du fleuve, assignèrent
une limite aux eaux de débordement. Mais
iette limite était trop étendue. Il restait, en
dedan»de ces digues, une vaste superficie
dans laquelle le Rhin donnait le spectacle des
changemens les plus rapides et des divaga
tions les plus extraordinaires. On exécutait
des fascinages pour consolider les terrains
les plus attaqués par les érosions. On fer
mait, à l'aide de barrages, quelques bras se
condaires que le Rhin parcourait autrefois.
On cherchait à lutter ici ou là contre les
envahissemens du fleuve. Mais, comme ces
travaux étaient conduits sans plan arrêté,
comme on se contentait de porter ses efforts
vers les points faibles, à mesure que les dan
gers se révélaient, on n'arrivait à rien de dé
finitif. On était sans cesse occupé à se défen
dre contre les ouvrages qui s'exécutaient
sur la rive opposée et qui tendaient à nous,
renvoyer le courant. Nous ne parlons pas
des grandes crues qui compromettaient quel
quefois des travaux isolés et incohérens.
Force fut donc de reconnaître, après des
tentatives trop souvent infructueuses, que le
seul moyen de faire quelque chose de véri
tablement utile et de complet, c'était de pro
céder d'après des vues d'ensemble, de recti
fier le cours du fleuve, de le contraindre à
passer dans un lit unique et déterminé. Mais
ici la France ne pouvait rien à elle seule. Une
pareille entreprise n'était possible qu'à la
condition d'être étudiée et exécutée d'un
commun accord entre les puissances maî
tresses des deux rives. Il fallait renoncer de
part et d'autre à cette guerre d'épis, que l'on
se faisait autrefois, et qui avait pour but de
rejeter le courant sur la rive opposée pour
se défendre ou pour gagner du terrain.
Les deux gouvernemens de la France et
du duché de Bade, conjprenant que leur in
térêt bien entendu était de travailler de con
cert à cette grande entreprise, ouvrirent des
négociations. Le 5 août 1840 fut conclue,
après de longs débats à Carlsruhe, une con
vention qui décida que les travaux seraient
conduits des deux parts de manière à arri
ver progressivement à la régularisation du
fleuve, et qu'ils séraient déterminés par une
commission mixte, formée d'ingénieurs des
deux Etats, qui se réunirait chaque année,
au mois d'Octobre, %Strasbourg et Carlsruhe
alternativement. Cette convention assura la
bonne harmonie, et conduisit à l'adoption
d'un système général de régularisation du
fleuve, qui fut définitivement arrêté en 1842.
Le projet général de régularisation repoee
spr les bases-suivantes : Concentration des
eaux du lit du fleuve dans un lit unique,
fixation définitive de ses rives, protection du
territoire contre les débordemens. Le tracé
consiste en une succession d'arcs de cercle,
ayant un rayon minimum de courbure de
1,000 mètres, et de lignes droites dirigées
iangentiellement aux courbes. La longueur
totale qu'il embrasse est de 186 kilomètres.
On s'est attaché, autant que possible, à con
server les positions déjà défendues. Lorsque
le projet sera complètement exécuté, tout le
cours du Rhin sera réuni dans un seul lit au
moyen de deux digiies'parallèles, qui ne lais
seront entre elles qu'une largeur de 200 mè
tres dans le Haut-Rhin et de 250 mètres en
aval de Strasbourg. Cette dernière dimension
est celle qui a été admise dans les travaux
de régularisation effectués au-dessous des
frontières françaises, entre la Bavière rhé
nane et le grand-duché de Bade-
Depuis l'époque où ce projet a été adop
té, le. système des travaux a changé com
plètement. Ils n'avaient eu j usqu'alors d'au
tre but que de défendre les digues d'i-"
nondation contre les corrosions des eaux,
de s'opposer à la formation de nouveaux
bras ou -d'empêcher l'agrandissement des
anciens. On dirigeait ses efforts vers les
points menacés, en agissant pour ainsi dire
au jour le jour. Il n'en est plus de
même aujourd'hui. On porte toute la défen
se sur la ligne de régularisation, en y exé
cutant, d'accord avec les ingénieurs badois,
les digues de rive, arrêtées en principe dans
le projet de 1842, et destinées à contenir le
courant. Ce sont des travaux définitifs subs
titués à des travaux qui n'avaient qu'un ca
ractère provisoire, et qui, déterminés par les
accidens mêmes du fleuve, ne pouvaient
être que très irréguliers.
Est-il nécessaire maintenant de faire res-*
sortir les avantages de cette grande entre
prise? U y a d'abord une question politique,
- uns question de souveraineté qui s'y trouve
engagée. Le Rhin sert de frontière' à la
France. Or,-que résulte-t-il des changemens
continuels qui ont lieu dans son cours ? C'est
que des étendues très considérables de ter
rains se trouvent, tantôt d'un côté de la fron
tière, tantôt de Vautre, et sont alternative
ment français et badois. La régularisation
du fleuve mettra un terme à cette instabilité
des limites et assurera l'intégrité du terri
toire national.
Les nouveaux travaux, auront encore cette
conséquence , d'améliorer notablement la
navigation. Les ouvrages de défense, exécu
tés autrefois pour protéger les propriétés
riveraines, servaient rarement à améliorer
les communicationsfluviales. Souvent même
ils formaient écueil pour la navigation des
cendante et ils gênaient la navigation ascen
dante. Le projet qui s'exécute, en endiguant
le Rhin, le forcera à se creuser un lit plus
profond. On espère assurer en tout temps un
tirant d'eau de 1 m. 20 à 1 m. 50 aux ba
teaux, donner au chenal la fixité qui lui
manque, créer un chemin de halage pour la
remonte, ce qui permettra de substituer le
halage par chevaux au halage par hommes,
qui se.pratique encore aujourd'hui.
Enfin, la régularisation du Rhin ne doit
l wiîûi'b de moins grands services sous le
rapport de la propriété et de l'agriculture.
Non seulement les terrains actuellement en
plein rapport, qui bordent le fleuve, se
ront efficacement protégés ' contre les éro-,
siôns des eaux, mais on rendra à l'agricul
ture une vaste étendue de territoire aujour
d'hui couvertes de nappes d'eau ou de gra
viers blancs. Un fait assez curieux, c'est que,
par suite des changemens incessans qui ont
lieu dans le cours du fleuve, on a été amené
à cadastrer le fleuve lui-même. Ainsi, un
des propriétaires de la contrée, qui accom
pagnait M. Lefebvre-Duruflé - dans son ex
cursion, faisait remarquer, pendant une
partie du trajet, que le bateau à vapeur pas
sait sur une forêt qui lui appartenait.—Mais,
du moins, lui dit-on en plaisantant, vous ne
payez plus d'impôt.—Je le paie, répondit-il,
et j'y tiens pour constater mon droit de pro
priété, car j'espère bien que le Rhin me la
rendra quelque jour. ' Quand les rives du
fleuve seront fixées, la propriété, qui sou
vent' n'est que nominale, deviendra une
réalité, elle accroîtra la richesse agricole du
pays.
Ajoutons que la salubrité de la contrée
n'y gagnera pas moins. La plaine submer
sible sera définitivement protégée contre les
débordemens. L'abaissement _ du plan des
eaux, résultant du creusement du nouveau
lit, permettra d'assainir tous les bas-fonds
et marais actuellement soumis aux infiltra
tions du fleuve. Ainji disparaîtront les eaux
stagnantes qui, par l'humidité qu'elles entre
tiennent, par,les miasmes qu'elles répandent
autour d'elles, sont la source de tant de ma
ladies pour les populations riveraines.
On comprend qu'une semblable entreprise
exige une dépense considérable. Les devis
pour la régularisation du Rhin, entre Hu-
ningue et Lauterbourg, sur une longueur
de 186 kilomètres, s'élèvent à 55 raillions.
Mais c'est un travail qui peut être exécuté
progressivement, dans une longue série
d'années. Commencé en 1840 , il est pour
suivi au moyen de crédits annuels ouverts
sur les fonds ordinaires du budget. Les allo
cations accordées depuis cette époque jus
qu'à la fin de 1851, montent.à environ 12
millions. Malheureusement, depuis 1850, on
a réduit à 700 et même à 650,000 fr. les
crédits annuels qui s'élevaient précédem
ment à 900,000 fr. Les travaux se sont trou
vés ralentis, êi la situation de nos finances
a pu exiger cette diminution momentanée
sur les sommes affectées à la régularisation
du Rhin, nous ne sommes plus, Dieu merci!
condamnés à faire des économies aussi pré
judiciables à l'intérêt public. Il convient donc
de reporter le crédit annuel au même chif
fre qu'autrefois, soit à 900,000 fr. C'est là
une mesure d'autant plus nécessaire, que le
grand-duché de Bade consacre cette même
somme aux travaux qu'il exécute de son côté.
Or, il est facile de comprendre que, si
les constructions badoises marchent plus
rapidement que les nôtres, elles tendent
par cela même à rejeter le courant sur notre
rive, ce qui expose notre territoire à des en
vahissemens et ce qui ajoute d'ailleurs à la
difficulté de nos travaux. Sous ces divers
points de vue, nous ne saurions trop insis
ter pour qu'on rétablisse intégralement le
crédit affecté annuellement à la régularisa
tion du Rhin. j. burat.
On lit dans le Morning-Post du 30 juillet :
La nouvelle que le télégraphe électrique nous a
apportée de la nomination de M.Drouyn de Lhuys
au ministère des affaires étrangères, sera bien re
çue en Angleterre, où l'on connaît le caractère in
dépendant et loyal de cet homme d'Etat, où l'on
a pu apprécier ses talens et sa probité quand il
était ambassadeur à la cour de Saint-James. L'Eu
rope elle-même recevra bien la nouvelle du
Moniteur. Louis - Napoléon a appelé dans son
conseil et a confié les affaires les plus impor
tantes de son cabinet à un homme connu et sur
lequel on peut compter quant à la fermeté et à
l'intégrité. C'est une preuve de l'esprit libéral du
Président et dont nous espérons bien voir désormais
son cabinet animé. Sous ces auspices, il nous est
permis de croire à une saine application de la nou
velle Constitution de la France, dans un'esprit de
progrès et d'amélioration, car les Constitutions
sont filles du temps et soumises à ses lois. On ne
peut couler une Constitution comme on coùie un
morceau de fer, et l'on ne saurait par conséquent
y enfermer un malheureux corps politique. Si une
pareille folie pouvait être tentée, on éprouverait
le sort de ceux qui ont tenté de mettre en prati
que des Constitutions'toutes faites, d'après des mo
dèles anglais ou américains, pour les adapter à la
France. Ilestcurieux de revenir sur les circonstan
ces qui ont présidé à la confection de l'avant-der
nière Constitution. Une assemblée nationale, au mi
lieu d-'unesociété à laquelle on prêchait lesdoctrines
les plus sauvages, devant laquelle le socialisme et
le communisme s'offraient le front haut, soute
nant qu'ils marchaient dans la bonne voie , tan
dis qu'ils n'avaient à donner d'autres preuves de
leurs doctrines praticables d'égalité que les ate
liers nationaux-, d'autres témoignages de leur
amour de la fraternité, que Paris ensanglanté aux
horribles journées de juin. En pleine force de ces
doctrines et de cés,faits, protégés seulement parle
bras vigoureux du général Cavaignac contre leur ex
pulsion du Palais-Bourbon, neuf cents représen-
tans assemblés empruntent quelques notions dé
mocratiques à l'Amérique, quelques principes
constitutionnels à l'Angleterre, une ou deux idées
despotiques au Maroc, et, ajoutant à ce mélange
quelques pensées indigestes de leur propre pays,
ils exposent aux regards du monde étonné, le
monstre le plus extraordinaire inventé pour le
tourment d'un peuple infortuné.
M. Félix Pyat a dit, en .définissant les pouvoirs
organisés par la Constitution, qu'un corps n'a pas
deux têtes; qu'un corps qui a deux têtes est un.
monstre, ét les monstres ne sauraient vivre.,Son
remède était de couper uue des deux têtes, c'est-
à-dire le pouvoir présidentiél. Mais placer le
pouvoir exécutif dans les mains d'un corps à 730
têtes, parut 748 fois plus monstrueux que la mons
truosité à deux têtes. Nous n'entrerons pas de
nouveau dans les obscurités de cette Constitu
tion. Le Président a frappé l'hydre, et la Fran
ce l'a approuvé. La Constitution actuelle n'a
que quelques teintes de ce que nous appe
lons en Angleterre la liberté constitutionnelle;
mais cette teinte, quoique légère, est plus remplie
d'espérance que tous les efforts ridicules des Cons
titutions précédentes pour saisir l'impossible. Nous'
n'admirons point la Constitution française telle
qu'elle est, mais nous reconnaissons qu'elle est
du moins efficace, et qu'elle possède ce que l'Em
pereur recommandait si fortement : « une large-
marge au progrès. »
Un journal de la Dordogne avait dirigé
les "attaques les plus graves contre la mémoire
de l'honorable M. Dupont, tué si malheureu
sement en duel par un représentant monta
gnard. M. Paul Dupont, député au Corps-
Législatif, avait pris la défense de son frère,
daos une .lettre adressée à l'Echo de Vésone,
et où ' J citait un passage de sa propre cor
respondance avec le préfet actuel de la Dor
dogne. La publication de cette lettre a valu
à l'Echo de Vésone l'avertissement suivant :
Le préfet de la Dordogne,
Vu l'article 32 du décret du 17 février 1852 sur la
presse ;
Vu la lettre signée Paul Dupont , insérée d
numéro de l'Echo de Vésone du 29 juillet, com'
çant par ces mots : « Personne n'aurait pu cr,
etc.-, etc., » et se terminant par ceux-ci : «Des c
si complètement dépourvus de tout sentiment
juste et de l'honnête » ;
Considérant que cette lettre, qui fait intervenir le
Êréfet dans une querelle de journaux, par des lam-
eaux de correspondance privée, tronquée, anté
rieure, de longue date, à l'existence de l'un desdits
journaux, et appropriée, sans motifs, aux besoins de
cette querelle, contient, à l'égard ae l'administra
tion, un oubli complet de toute convenance, qu'il
est du devoir de l'autorité d'atteindre et de blâmer,
Arrête :
Art. 1 er . Cn premier avertissement est donné au
journal l'Echo de Vésone, dans la personne de son
rédacteur en chef gérant, M. Eugène Massoubre.
Art. 2. Le présent arrêté sera, aux termes de l'ar
ticle 19 du décret précité, inséré entêtedu plus pro
chain numéro du journal l'Echo de Vésone.
Ait. 3. M. le commissaire de police de Périgueux
est chargé de l'exécution de cet arrêté.
Périgueux, le 28 juillet 1852.
Le préfet de la Dordogne,
A. DE CALVIMONT.
h'Emancipation, dans son numéro d'hier
matin, publiait les lignes suivantes :
« On peut annoncer, sans crainte de se
tromper, que l'un des prochains numéros
du Moniteur publiera les arrêtés portant re
constitution du cabinet. '
» La seule modification probable se réduit
à la retraite de M. Tesch. »
L 'Indépendance, dans son numéro du soir,
dit :
« Nous avons des raisons de croire l'Oman*
cipation mal informée. »
Nous lisons dans le Comtitucioml de Ma»
drid du 35 les nouvelles suivantes :
a II paraît que le gouvernement pense
sérieusement à se dessaisir du monopole du
sel et du tabac. Si nos nouvelles sont exactes,
il paraîtrait que c'est lè fameux économists
don Carlos Aribau qui, par ordre du prési
dent du conseil des ministres, a rédigé le
projet pour rendre libre la vente du tabac,
en substituant au système actuel un droit
modéré qui donnerait à l'Etat les mêmes
avantages, sinon plus grands, que le mono
pole. On croit que M. Bravo-Murillo est très
disposé à adopter ce projet.
» S'il en est ainsi, ajoute le même journal,
nous ne pourrions nous empêcher d'ap
plaudir à cette pensée qui ferait autant d'hon
neur au ministre^des finances, que lui en font
l'ordre et la clarté qu'il a commencé à intro
duire dans quelques-unes des branches de
notre administration. Impartiaux et désirant
toujours et avant tout le bien de notre pays,
nous souhaitons que les réformes se fassent,
n'importe par qui. »
CONSEIL MUNICIPAL.
Le conseil ne s'est réuni aujourd'hui, 31 juillet, 1
que pour délibérer sur les propositions faites par
M. Ardoin et compagnie, ait sujet du percement
de la nouvelle rue de Strasbourg. Il s'agissait
d'exécuter cette vaste opération à forfait, moyen
nant 7,730,000 fr. La soumission de M. Ardoin et
compagnie, après de longs débats, a été acceptée
par la ville,sous la condition expresse que le tiers
de la dépense totale serait à la charge de l'Etat.
Le paiement de cette somme (Je 7,730,000 fr. se
divisera en quatre annuités de 1,937,500 fr., cha
cune en principal. La prftaière exigible au 31 dé
cembre prochain ou à l'issue des expropriations
qui auront mis la ville de Paris en possession de
la voie nouvelle. Les trois autres; annuité^ seront
payées d'année en année, à partir du jour où la
ville sera devenue propriétaire des immeubles frap
pés pour l'ouverture de la nouvelle rue.
Le conseil a cru voir, dans ce mode d'opération,
un plus prompt et plus sûr moyen d'arriver à l'a
chèvement de cette vaste entreprise. Engagée en
ce moment dans de nombreuses ét gigantesques
opérations, qui absorbent tous ses efforts et toutes
ses ressources, elle eût craint très probablement
d'entreprendre elle-même ce nouveau percement
sans avoir sous la main l'argent qu'il nécessite. De
là des lenteurs et des hésitations qui, si elles n'en
avaient compromis l'exécution, en eussent du
moins retardé peut-être beaucoup le complet achè
vement.
C'est du reste faire du premier coup, sur une
vaste éehelle,l'essai de l'industrie privée.
Le trop grand nombre d'affaires sur lesquelles
le conseil a eu à statuer, dans la séance d'hier,
nous a à peine permis d'en indiquer la série. Nous
y revenons aujourd'hui pour faire connaître à nos
lecteurs, sous forme de résumé, quelques-unes
des plus importantes délibérations qui ont été pri
ses dans cette séance, à l'occasion de l'examen du
budget. Celui des hospices a.été arrêté par le con
seil à la somme de 14,983,611 fr. La subvention
municipale, annuellement accordée aux établisse-
mens hospitaliers, a été fixée, pour l'année pro
chaine, à 3,468,509 fr. C'est une diminution de
592,654 fr. sur l'allocation votée pour l'année
courante.
A cette occasion, le conseil ne pouvait manquer
ma
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, t" AOUT.
IL FAUT QUE MESSE SE PASSE*.
XXV.
p
le
Au commencement du mois d'août de
l 'année dernière, quatre des personnages de
cette histoire se trouvaient réunis, par une
soirée brumeuse, sur la jetée du Havre, .et
paraissaient beaucoup plus préoccupés de
eur situation réciproque que de l 'aspect im-,
posant de la mer ou du pittoresque profil de
là tour de François I". A la taille mince et
élevée, à l'attitude flegmatique de l'un, et
surtout à samoustache éminemment tartare,
on reconnaîtra sans peine le prince Ratanoff,
tenant au bras sa dulcinée, Mlle Fernande
Comique t; les cheveux gris, le large ruban
bariole qui pare'la boutonnière du person
nage placé en face d'eux, et la tournure
obèse en même temps que la calvitie pré
coce du quatrième interlocuteur, indique
ront suffisamment le baron Gédéon de Pon-
tauriol et le docteur Hector Godard.
— Décidément, mon cher prince, dit Go
dard, en articulant à très haute voix chaque
syllabe à l'oreille du boyard, vous ne me
paraissez pas devoir prendre votre patrie en
patience.
—Mon gracieux souverain le czar l'a voulu,
répondit le prince Ratanoff, qui avait en
tendu par extraordinaire ce que lui disait
Godard, probablement çarce que le vent
portait. Sa Majesté Impériale ayant appris
que j'avais eu un duel avec un de mes amis,
ei que je l'avais presque tué, a trouvé que je
m'emusais trop en France.
E t le boyard laissa échapper un soupir sur
la protestation qu'il osait risquer contre
La reproduction est interdite
l'autocrate, dont les décisions sont toujours
si respectées de tous ses sujets; encore comp
tait-il qu'on lui garderait le jjecret sur cette
protestation presque insurrectionnelle.
— Heureusement que vous aurez là deux
amis pour vous rappeler la France, continua
Godard, encouragé auprès du prince par un
succès d'audition si inespéré... D'abord, la
charmante Fernande Corniquet...
— Oui, parlons-en, reprit celle-ci avec hu
meur et maintenant sa parole au diapason
ou elle savait que pas une syllabe n'arrive
rait à l'oreille au boyard. Comme c'est gai
de s'en aller à cinq cents lieues de chez soi !..
Ah 1 si je n'avais pas de la famil'e !... Etpuis
irion agent de change qui vient de lever le
pied... toutes mes économies y ont passé !...
C'est à recommencer avec celte..vieille scié de
prince russe. Ayez donc de l'Ordre et de la
conduite ! Voilà à quoi cela sert.
— Vous êtes bien tendrement aime de
Fernande, prince , dit Godard de toutes ses
forces et avec le sérieux le plus complet j et
puis, continua-t-il dans la même tonalité ,
n'aurez-vous point là- bas le baron de l'on-
tauriol que sa mission chorégraphique attire
en même temps que vous en Russie ?
— Silence donc! interrompit Gédéon, en
donnant les signes de l'effroi le plus vif, et
mettant presque la main sur la bouche de
l'indiscret docteur... Silence donc! au nom
du ciel! L'administration de l'Opéra, qui
m'honore de sa confiance m'a chargé d'al
ler enlever à Saint - Pétërsbourg un pre
mier sujet de la danse avec qui Londres est
déjà en marché... Et vous allez ébruiter ici
ma mission, en plein air, comme s'il s'agîs-
sait du plus simple traité de commerce en
tre les deux nations!... Godard, en vérité, si
vous compromettez à ce point les intérêts du
premier dès arts... je dis le premier de* arts,
ajouta-l-i' gravement, parce qu'il les résume
tons... Godard,vous nous ferezrepeaiii;da-
vbir accepté l'offre que vous nous avez
faite de venir nous copduire jusqu'au Ha
vre... Que diable! mon cher, il "suffit de
la plus simple indiscrétion pour faire man
quer une négociation de cette importance.
Vous êtes venu ici pour vous amuser, soit !
amusons-nous!... Mais quand il s'agit d'af
faires sérieuses, soyons sérieux.
Et le baron, lès mains dans les entournu
res de son gilet, tourna le dos d'un air mé
content.
— Oh ! Messieurs ! repartit tristement le
prince, qui avait complètement reperdu le
fil de cette conversation, tout ce que vous
me dites d'aimable me fera regretter encore
plus la France.
— Tiens, quelle est cette femme qui se
promène là, à quelques pas, sur la jetée? fit
Godard, en avisant une personne vêtue de
noir et voilée ; il me semble que j'ai soigné -
cette tournure-là.
— Ça, reprit Fernande, mais c'est Floren
tine ! Vous rielà reconnaissez pas?... Je la re
connais, moi, à une de ses hanches plus forte
que l'autre ; on n'en convenait pas, parce
qu'elle était à la.raode ; maintenant elle s'en
va en Amérique, toujours accompagnée de
son beau ténébreux.
— Et qui donc? fit Godard.,
—' Eh! parbleu, repartit Fernande, qui ça
peut-il êlre, si ce n'est Tristan?
— Tristan !... fit Gédéon, avec un mouve
ment de surprise indicible.
—Tristan!... dit Godard à son tour; Dieu
des Juifs, tu l'emportes !...
— Dam, reprit Fernande, c'est là le bruit
du foyer de la danse, à ce que m'écrit, une
petite qui était dans les marcheuses, il y a
un mois, qui me devait de l'argent et qui ne
me paie pas.
— Eh! en effet, s'exclama Godard, Tris
tan a dû se marier, mais c'est manqué, 011
ne saîi, nas ytoarquot. Ec, tenez, ne voyez-
vous pos Tristan lui-même au bord de la
jetée, suivi de son doiûestique qui porte ses
bagages?... Pauvre garçon! comme il est
p4te et ti'isie ! Ne croirâit-on pas voir un
homme qui, par miracle, n'a pas succombé"
à un empoisonnement, mais dont la consti
tution ruinée" en a conservé les traces indé
lébiles? Et au fait, l'amour n'est-il pas le
plus terrible de tous les" poisons ?
— Pardieu! murmura Gédéon, j'ai tou
jours remarqué que, du moment où une
danseuse a le cœur pris, il n'y a plus à comp
ter sur ses jambes.
— Allons donc ! reprit Godard, allez-vous
nous faire croire, baron, que 'Florentine ait
jamais eu un cœur? un estomac, je 11e-dis
pas. Ah ! je l'ai toujoursprédit, cette Floren
tine esi; une dangereuse créature; et du mo
ment que certaines maladies passent à l'état
chronique, elles deviennent incurables.
" —Cependant, répliqua Gédéon, un peu
plus au fait que les aulre£ de tout ce qui s'é
tait passé précédemment dans la maison de.
Morvilliers, remarquez que Tristan et Flo
rentine ne paraissent pas .(douter mu
tuellement de leur présence au Havre.
— C'est pour mieux cacher leur jeu, re-
ari.it Fernande. Eh! mais, voyez: Florentine
'a aperçu et ne le quitte pas des yeux... et si
Tristan n'a pas l'air de faire attention à eile,
dam ! c'est que Florentine s'est conduite
comme une pas grand'chose, et que Tristan
l'a drôlement traitée... Mais, c'est égal, il
n'y a de bonheur que pour ces farceuses-là;'
tandis que celles qui ont de la moralité, une
conduite rangée...
— Parb'eu ! j'en aurai le "cœur net, fit Gé
déon sans écouter le panégyrique que Fer
nande Corniquet allai t continuer d'elle-même
à elle-même devant l'indifférence du docteur
Godard et la surdité impassible du prince
Batanou.
Et il alla au devant de Tristan, qui venait
de donner des ordres à son domestique, en
lui désignant un paquebot à vapeur dont la
cheminée commençait à couronner d'un pa
nache noir les plantations nombreuses de
mâts circonvoisins qui sen>bluient changer
en forêt mobile la rade du Havre.
— Vous vous embarquez donc, mon bon?
dit-il au jeune comte de Morvilliers qui, tout
en s'approchant machinalement la tête bais
sée, avait épargné à Pontauriol et à ses com
pagnons la moitié du chemin.
— Çe soir, dans une demi-heure, répon
dit Tristan, en levant la tête à cette interpel
lation à laquelle il avait différé de répondre
pendant le temps nécessaire pour reconnaî
tre celui qui la lui adressait.
Tristan semblait si accablé de ses pensées,
qu'il ne parut même pas préoccupe de sa
voir l'étrange hasard qui lui amenait ainsi
ses anciens commensaux. Il tendit seule
ment la main à Gédéon et à Godard qui l'a
vait suivi.
— Vous allez en Amérique, mon bon? re
prit Gédéon.
"—Oui, à la Nouvelle-Orléans, je crois, re
partit Tristan distrait.
—Moi, je vais à Pétërsbourg, répliqua Gé
déon. Le prince Ratanotf, qui est la derrière
avec Fernande, vous à vu ; mais il n'appro
che pas ; il craint que vous ne lui en vouliez
encore.
— Il a raison, repartit Tristan d'une voix
profondément altérée, je lui en veux de ne
pas m'avoir tué tout-à-fait.
Un silence de quelques instans suivit cet
aveu échappé au desespoir de Tristan.
— Mais pourquoi ce départ? ajouta Gé
déon.
Un froncement de sourcils à peine per
ceptible de Tristan, un tressaillement ner
veux d'impatience mal contenu, indiquèrent
suffisamment que le jeune comte de Morvil
liers ne voulait pas être interrogé sur ce
sujet. * ' ■ ■
Mais Gédéon tenait du moins beaucoup à
savoir ce qu'il devait penser des conjectures
invraisemblables qu'il avait entendu formu
ler sur les liens ou étaU retombé Tristan.
— Au moins, di t-il enfin, vous ne partez
pas avec elle, mon bon?
- Et il lui désigna du doigt Florentine qui
s'éloignait lentement de la j etéel
, — Qui, elle? s'exclama Tristan, avec le
soubresaut d'un homme qui croit avoir posé
le pied sur un serpent.
— Eh! parbleu, Florentine, qui se dirige en
ce moment vers le paquebot où tout-à-l'heu
re elle a vu que vous veniez d'envoyer vos
bagages.
L'œil éteint de Tristan s'alluma; il consi
déra alternativement Florentine et l'océan
comme si la présence coïncidente de ces deux
élémens de destruction lui eût suggéré la
sinistre pensée de lès faire absorber l'un par
l'autre.
—Calmez-vous/ mon cher, dit Godard, en
prenant dans ses mains celles de Tristan, et-
lui appuyant simultanément le doigt sur le
pouls, vous avez une fièvre chronique qui va !
passer à l'état aigu. -
Puis il ajouta :
—Vous ignoriez donc qu'elle s'embarquât
aussi?
Tristan leva violemment les épaules, com
me un homme qui ne comprenait pas ce
doute offensant. .
— J'étais bien sûr, dit triomphalement
Gédéon à Godard, qu'il ne s'en allait pâs
avec cette abominable drôlesse, qui n'était
même pas digne du rang de coryphée.
— Elle est bien mal inspirée de me suivre,
dit Tristan, les dents serrées, et suivant Flo
rentine de ses yeux creusés par la souffrance.
Elle avait déjà traversé la planche posée-
du quai au bord du paquebot poùr le passage
des voyageurs; la forme noire de la dan
seuse se perdit bientôt aux" regards parmi
celles des autres voyageurs - sur le peint du.
bâtiment, en ce moment voilé lui-même par
les brumes du soir.
— Pauvre diable de Tristan, dit Godard
bas à Gédéon. s'il part ainsi sans amis, sans
consolation, il-n'ira pas loin... c'est tout au
plus s'il lui restera bientôt la force d'étran
gler Florentine! J'avais toujours dit que cet
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