Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-07-27
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 27 juillet 1852 27 juillet 1852
Description : 1852/07/27 (Numéro 209). 1852/07/27 (Numéro 209).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMÉRO 300.
s rue de Valois (Palali^Hoyal); tf 103
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1853.
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MARDI m JUILLET.
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UN NUMÉRO : $0 CENTI&OESj
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sa tablera qui «era publié dans le joutai!,
tes 13 et as de chaque moisj ' ,
Les aàomement datent des l«* et H
de chaque moisi
S'adresser , franco, pour la rédaction, à M. GoCHSVAirCuaiairrî'
Les articles déposés ne sont pas rendus
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Les asnosoes sont régnés an bureau d a journ&l ; et£abai M. PAJSIS, régisseur, H, phtoe ds 1g Boni sa
PARIS, 26 JUILLET.
Les dernières nouvelles qui nous sont par
venues (Ju Mexique confirment nos prévi
sions sur la crise prochaine dont cet empirff
est menacé. Un journal anglais, parlant ré
cemment de l'Etat de dissolution où la répu
blique mexicaine est tombée, disait avec rai
son que l'Espagne a beaucoup moins perdu
à renoncer à la souveraineté du Mexique,
que cette colonie à se séparer de l'Espa
gas. C'est, du resté, l'histoire de la plu
part des colonies espagnoles de l'Amérique.
L'Espagne, qui'les gouvernait, tirait d'elles
des"" revenu s trop considérables peut-être ;
les agens qu'elle y envoyait vivaient dans un
trop grand luxe à leurs dépens, et, en dic
tant des lois à ces établissemens lointains,
la mère-pktrie consultait quelquefois sa con
venance plus que leurs intérêts; mais ces
inconvéniens. étaient compensés par d'in
appréciables avantages. Erf'çffqt, l'Espagne
" assurait à sss colonies d'Amérique le bien
fait d'un gouvernement ferme et stable, à
l'abri duquel croissaient, sans trouble, tous
les élémens de l'activité coloniale. En pro
clamant leur indépendance, les colonies es
pagnoles ont proclamé l'anarchie chez elles
et se sont vouées à l'instabilité eî,à la ruine.
Ce que nous disons est prouvé par deux
exemples frappans. Comparez le Mexique
indépendant à l'Ile de Cuba soumise à l'Es
pagne. Ici, l'ordre, la richesse, les progrès
de tout genre en agriculture, en commerce,
en industrie et en population ; là,jles ruines
qui s'amoncèlent, la banqueroute qui se pré
pare, l'industrie languissante,, le commerce
anéanti, et un mal plus grand que tous' ces
maux : la division profonde et irréconcilia
ble des partis, indice certain de la dissolu
tion de l'Etat.
Avec quelle rapidité celte décadence est
arrivée à sa dernière période ! Il n'y a pas
plus d'un quart de siècle que le Mexique a
déclaré son indépendance; et, dans un si
court espace de t> mps, il a épuisé toutes les
sources de prospérité que le gouvernement
espagnol y avait ouveries. Tel est le résultat
d'institutions antipathiques au caractère
mexicain. La forme républicaine, imposée
souvent par la médiocrité et l'envie à tant
de populations dont elle contrarie les ins
tincts et les mœurs, mène vite, comme on le
voit, certains peuplés à l'abaissement et à la
ruine. -
Si le Mexique n'était pas occupé p.âr une
race habituée à se gouverner elle-même, on
.pourrait,'sans injustice, le comparer aujour
d'hui à l'infortunée république d'Haïti. Mais
il y a surtout cette différence entre ces deux
Etats,-que le Mexique a dans les Etats-Unis
un voisin puissant et envahissant qui ne le
laissera pas retomber, comme: Haïti, dans
la barbarie faute d'intervention. Depuis six
mois, les événemens ont marché dans ce pays
vers une crise suprême avec une rapidité in
croyable. Lé parlement mexicain a refusé au
général Arista, président de la république, les.
pouvoirs extraordinaires que celui-ci lui avait
demandés pour tirer le pays d'une situation
désespérée; bien plus, il s'estséparé, après une
courte session, fort mal remplie, saas donner
au pouvoir exécutif les moyens de sortir des
embarras financiers où l'Etat se trouve plon
gé. Ce pouvoir est ainsi dépourvu de toutes
ressources. L'armée, mécontente et mal payée,
est en désordre, incapable de à réprimer les
troubles intérieurs, à plus forte raison à as-
gurér l'indépendance du pays, si elle était me
nacée par un ennemi puissant. Les ordresdu
gouvernement sont' ouvertement mécon
nus dans les provinces. Des villes maritimes
réforment de leur propre mouvement leur
tarif douanier, sans prendre l'avis du pouvoir
«entrai. Les provinces du nord sont dévas
tées par les Indiens, et envahies par des
aventuriers de toutes nations. Les provinces
du^sud . profondément - troublées, tournent
leurs rpgards vers Santa-Anna, qu'une ré
' volution a chassé du pays et réduit à l'exil.
Il semble, ne rester au président Arista*,
dans cette extrémité, qu'une seule ressource:
c'est de consulter la loi suprême du salut
public et de prendre,en main des pouvoirs
extraordinaires qu'une assemblée, mieux
éclairée, lui eût certainement conférés. Mais
comment en. userait-il? Demanderait-il Je
concours d'une puissance étrangère , les
Etats-Unis, par exemple?. Chercherait-il dans
le pays même l'appui nécessaire à l'établis
sement, au moins momentané, de sa dic
tature? *
En l'état des esprits, il nous parait diffici
le qu'un pouvoir quelconque, cherchant à
s'établir au Mexique, puisse se passer du bon
vouloir, si ce n'est de l'aide des gouverne
mens étrangers. D'importans capitaux ont
été engagés, principalement par les Anglais,
les Français et les Américains, dans l'indus
trie du pays, et la première obligation de
tout gouvernement nouveau, serait de s'en
tendre avec les agens diplomatiques de Fran
ce, d'Amérique et d'Angleterre, pour garan
tir les intérêts de leurs nationaux respec
tifs. En. outre, le trésor public est vide,
et, peur remettre en mouvement les roua
ges de la machine gouvernementale, il se
rait indispensable de se procurer à l'étran
ger des ressources financières. Quel serait le
moyen de les obtenir? Un emprunt? On në
voit pas quelle garantie pourrait être donnée
aux prêteurs. La.vente d'une portion de ter
ritoire? C'est une, ressource extrême à la
quelle il serait possible qu'on eût recours'en
désespoir de cause.
Dans cette hypothèse, le Mexique trouve
rait vraisemblablement les États Unis dispo
sés à jeter dans l'abîme de son déficit une
somme de quelques millions dejjollars. En
échange, les Etats-Unis prendraient posses
sion du territoire où s'ouvre, à travers une
chaîne tle montagnes partout ailleurs in
franchissable, cette fameuse passe de Gua-
dilupe qui conduit de l'océan Pacifique dans
la mer Atlantique, de la Californie à la Nou
velle-Orléans, et qui est depuis long-temps
un objet de convoitise pour le cabinet de
Washington.
De tous les progrès que les Etats-"Jnis
n'ont cessé de faire vers la domination de
l'Amérique septentrionale, celui-ci serait
certainement le plus décisif. Nous avons ex
posé déjà combien l'annexion du Mexi
que à la confédération américaine aurait
de funestes conséquences. Le Times , qui
s'est également occupé de cette question,
a jugé bon de s'inquiéter des conséquen
ces d'une telle révolution dans les affai
res d'Amérique, au point de vue des
intérêts bien entendus des Etats - Unis
même. Il a engagé le gouvernement fédéral
à bien peser d'avance les dangers de réunir
à la confédération un territoire occupé par
des millions d'hommes, différens de la po
pulation actuelle de l'Union par la race, la
religion et les moeurs. Ce serait, d'après l'a
vis de notre confrère de Londres, introduire
dans le sein de la confédération un élément
très actif de discorde et de révolu tion.
Le Times est bien bon, en vérité. Le Yan
kee est juge compétent dans les affaires qui
le concernent, et les peuples européens
ont assez à faire dje défendre leurs intérêts
contré lui sans se constituer avocats offi
cieux dans sa propre cause. Ce n'est pas,
d'ailleurs, ayee des représentations et des
conseils qu'on arrête un peuple sur le pen
chant qui le pousse à la conquête et à l'a-,
grandissement. Il faut lui opposer une digue
plus forte. • ;
Dans la détresse du Mexique; l'intégrité
de son territoire et la plénitude de son indé
pendance sont encore les plus sûres garanties
des intérêts nombreux et considérables que
la France a dans ce pays. On parle de cé
der le territoire de Sonora et la passe de
Guadalupe pour 6 millions de dollars. C'est,
un arrangement auquel l'Angleterre et "la
France prêteraient difficilemgjrt les mains.
De deux choses l'une, en effet: ou cette somme
serait consacrée à désintéresser les étrangers
envers qui le Mexique a des engagemens à
remplir, et dans ce cas cet Etat s'affaiblirait
gratuitement , le gouvernement mexicain
serait dans la même pénurie après comme
avant cette vente funeste ; ou l'argent serait
employé aux divers services de l'Etat. Mais
cette somme, trop faible, serait biehfôtdissi-
pée, et, après quelques semaines d'une fausse
et trompeuse abondance, le Mexique n'au
rait point fait un seul pas pour sortir du
déficit où il s'enfonce. Seulement, par suite
de l'abandon d'un territoire important,
qui est la clé de toute l'Amérique du Nord,
les étrangers qui ont apporté leurs capitaux
et leur industrie dans le.pays, auraient perdu
un gage de la sééurité et de la protection
que le gouvernement du Mexique est tenu
de leur assurer.
• C'est à ce point de vue que la diplomatie
européenne serait fondée à intervenir entre
les Etats-Unis et leiSIèxique pour protéger
. le faible contre le fort et pour l'empêcher de
céder à ses propres entraînemens qui pré
cipiteraient sa chute. L'important est de
maintenir l'intégrité de l'empire mexicain,
et de prêter notre appui à tous lès essais de
réforme et de progrès intérieurs qui peu
vent prolonger son existence et son indé
pendance. L'intérêt des Etats - Jnis est de
précipiter le dén«ûmentde la crise actuelle,
celui de l'Europe est de l'éloigner le plus
possible.
Un événement pourrait rendre plus pres
santes les offres du gouvernement de Was
hington: c'est l'établissement, dans la provin
ce dé Sonora, d'un certain nombre d'émi
grés de Californie, Français pour la plupart,
qui sont l'avant-garde d'une multitude d'au
tres colons, et qui, une fois maîtres du ter
rain, formeront un obstacle aux projets d'a
grandissement des Etats-Unis. C'est là
une entreprise qu'il faudrait encourager
dans l'intérêt commun de l'Europe et du
Mexique. La Sonora est aussi riche en
mines que la Californie,le sol en est fertile,
le climat salubre , et les habitons ont
fait preuve de la pies grande bienveillance
pour nos nationaux.La colonisation delà So
nora par des Européens, Espagnols et Fi an
çais, par des catholiques, peut devenir une
barrière pour les envahissemens de la race
anglo-saxonne,
L'Europe trouverait dans l'exploitation dés
ressources immenses que la nature a don
nées à ces riches pays, une ample récompen
se des efforts qu'elle aurait faits pour retenir
le Mexique au moment de sa*chule. denain.
La résistance regrettable de l'épiscopat
piémontais à la loi qui doit faire précéder la
célébration du mariage d'un acte municipal
destiné à constater authentiquemënt l'union
des parties contractantes, prend un carac
tère de plus eu plus grave.' On lit dans le
journal l'Opinion, de Turin, la nouvelle
suivante qui constate à quelles extrémités on
est arrivé dans cette lutte déplorable.
«L'archevêque de Chambéry et les évèque&d'Aos-
te, de la Tarentaise, de Maurienne et d'Annecy,
ont imité l'exemple du haut elergé piémontais.
Ils ont publié une déclaration analogue à celle
de leurs frères. L'épiscopat de Savoie, après
avoir proclamé la loi du mariage inconstitu
tionnelle , immorale, anti-sociale et anticatholi
que , déclare que tout catholique soumis à la
juridiction diocésaine, qui osera contracter maria
ge dans une forme différente de celle prescrite'par
l'Eglise, encourra par lefaitseul l'excommunication
; tt premier degïé ; celui qui commettra cette er-
'A~-a, privé de la participation aux sacremens
«sa ,vie durant et' à l'article de la mort, à moins
qu'il ne prenne le parti de faire réhabiliter son
m.iriage canoniquement, ou de renvoyer de chez
lui la personne que l'Egliser ne peut considérer
que comme sa concubine. S'il meurt sans se ré
concilier avec l'Eglise, il sera privé de la sépulture
ecclésiastique le? enfans nés de ce concubinage
seront déclarés illégitimes pour tous les effets ca-
•nopiques. »-
On lit dans la Gazette de Cologne du 25
juillet, spus la rubrique de Constantinople,
la nouvelle suivante :
« Le bruit s'est répands- tout récemment que
des ingénieurs et des officiers Tusses parcouraient
en ce moment la Servie pour Iraeer des plans et
étudier la situation militaire du pays. La Porte
ayant ordonné de l'aire une enquête, on a décou
vert que dix-huit officiers russes avaient parcouru
le nord-est de la Turquie européenne, levé le plan
de Widdin, Schumia, Rustohuk et Varna, et qu'ils
étaient en-ce momeni dans lès Balkans pour exa
miner les passages principaux. »
LE MARECHAL EXELMANS.
Nous avons reçu hier une lettre touchante.
Un soldat de l'Empire qui sollicite du pain
pour ses vieux jours, nous écrit pour s'asso
cier aux regrets qu'inspire à tous la mort
fatale du maréchal Exelmans. « Lui mort,
dîlail, jçjue d&viendroni-nous, nous autres
pauvres débris des armées impériales? IL
était notre père à tous, noire protecteur au
près du prince. Sa bourse nous était tou
jours ouverte et son cœur aussi. Il s'infor
mait de nos besoins, il compatissait à nos
maux, il nous accueillait en camarades. Le
plus obscur d'entre nous était sûr d'être bien
reçu par cet illustre homme de guerre. Il
était notre soutien, notre providence. Qui le
remplacera pour nous à l'avenir?» Cette der
nière crainte est exagérée : assurément il y
aura toujours auprès du chef de l'Etat des
généraux qui prendront la défense des sol
dats de l'Empire, et r à défaut d'intermédiai
re, le prince luX-même n'oubliera jamais les
intérêts des compagnons d'armes de l'em
pereur Napoléon. Mais enfin cette lettre
est un grand hommage rendu à la bonté
d'ame, à la générosité de caractère du ma
réchal Exelmans. Elle montre à quel point
ce vaillant capitaine, si justement renom
mé par sa bravoure impétueuse, avait su se
rendre cher, dans la haute position qu'il
occupait, à tous ceux qui faisaient appel aux
sentimens élevés de son cœur.
Il n'y a eu d'ailleurs, dans toute la France,
jçu'une.4j£ii£ée el_qu'un cri a k nouvelle du
funeste accident qui a tranché cette noble
existence. Tout le inonde a déploré cette
mort si soudaine et si inattendue; tout le
monde a partagé la douleur de sa famille.
Les uns avaient connu ce vieillard robuste,
qu'on voyait figurer, revêtu de son unifor
me, dans toutes les occasions solennelles, et
qui savait si bien, ingénieux et aimable cau
seur, se faire écouter dans un salon. Les au
tres savaient que le maréchal Exelmans était
le type dé l'honneur militaire et de la pro
bité politique; qu'il s'était signalé par son
intrépidité sur tous les champs de bataille
ôs l'Empire; qu'il avait eu, en 481Sj la
gloire de donner, comme bn l'a dit alors,
le dernier coup de sabre aux Prussiens,
que, depuis lors, toute sa vie s'est con
centrée dans une fidélité admirable aux
souvenirs de son héroïque jeunesse, et que
promu à la dignité de maréchal et au poste
de grand-chancelier de laLégion-d'Honneur,
il a employé toutes les forces de sa verte
vieillesse à protéger ses anciens camarades
et à faire le bien. Aussi, dans toutes les clas
ses decitoyens, â-t-on entendu le même lan
gage, et la presse, si divisée d'op'nion, s'est-
élle montrée unanime pour payer à-sa mé
moire un juste tribut d'éloges et de regrets.
Deux faits me semblent peindre le carac
tère du maréchal Exelmans et nous livrer
le secret de. cette nature.chgvaleresqqe. Je
veux parler de sa conduite à Waterloo et
sous les murs de Paris.
On se rappelle que, dans la courte campa
gne qui fut la dernière de l'Empereur et qui
«extermina au désastre de,Mont-Saint-Jean,
le général Exelmans avait été nommé com
mandant en chef du deuxième corps de cava
lerie de l'armée dunord. Malheureusement ce
corps d'armée, personne ne l'ignore, fut pla
cé sous les ordresdu maréchal Grouchy que
des ordres précis avaient éloigné du champ
de bataille où se jouait la fortune de la
France. Qui ne sait que la présence de
Grouchy, à ce moment décisif, eût assuré
la victoire à nos drapeaux ? Quel cœur fran
çais n'a saigné au souvenir de celle heure
d'angoisses et de désespoir où l'empe
reur Napoléon, au lieu d'une puissante
réserve, vit arriver sur les hauteurs voisines
les Prussiens de Blucher ? Quinze années au
paravant, à Marengo, la même situation s'é
tait reproduite. Là aussi un formidable corps
d'armée avait été écarté du lieu du combat.
Là aussi la journée avait été compromise;
mais là, du moins,- ce corps d'armée avait
paru à, temps. Uiyeune et savant général,
Desàix, par une heureuse inspiration, avait
marché (yj bruit du canon, avait fait fran-
chir à ses troupes , en. les enflammant
de son ardeur, des distances énormes,-
était arrivé à point nommé pour préve
nir une défaite, et, après avoir rétabli le
combat par sa présence, était tombé-glo
rieusement, percé de deux balles ennemies et.
comme enseveli dans son triomphe. A Wa
terloo, Exelmans eut une idée semblable.
Lui aussi, en l'absence d'ordres nouveaux,
il voulut aller là où on se battait, là où gron
dait le canon. Malheureusement, il dutcéder
à la volonté de son supérieur; mais il ne céda
qu'en frémissant de douleur et de colère.
S'il eût ét'é le général en chef, on-eût vu se
renouveler sans doute les péripéties de là
journée de Marengo, et l'avenir de la France
et de l'Europe eût peut-être été changé.
Le second àcte de la vie d'Exelmans qui, se
lon nous, révèle cetté ame ferme et dévouée,
c'estle combat de Verrières.Pour le bien com
prendre, il faut se reporter à la situation plei
ne d'anxiété où se trouvait Paris. Les armées
ennemies pressaient la capitale de toutes
pfirts. Blucher et ses Prussiens avaient eu l'au
dace dépasser la Seine et de faire une pointe
sur Versailles. C'est alors que, sur un ordre
donné à contre-cœur, et qui devait être chan
gé le lendemain en contre-ordre, le général
Exelmans se chargea de donner une leçon
éclatante à ces téméraires,, qui ne se souve
naient plus d'Iéna ; et de leur faire payer la
déconvenue de Waterloo. Les dispositions du
beau combat de Verrières sont connues. On
sait qu'un corps de cavalerie prussienne, cul
buté par la charge impétueuse du général
Exelmans, fût rejeté sur une embuscade sa
vamment préparée, et y resta presque tout
entier. Deux magnifiques régimens, ceux de
Brandebourg et de Poméranie , l'élite de la
cavalerie prussienne, furent anéantis. 6S
combat, qui fut livré le 2 juillet 1815, faillit
mettre un terme aux intrigues ténébreuses
du duc d'Otrante, et réveiller le patriotisme
des chefs de l'armée française.
On a attribué au général Exelmans le pro
jet de s^emparer de la personne de l'Empe
reur, alors combattu entre le désir d'épar
gner à son pays les horreurs de la guerre
«ivile et le regret de renoncer à la lutte,
pour le replacer, bon gré mal gré, à la tête
des troupes. Nous ne savons si ce coup
hardi a été, comme on l'a dit, dans la
pensée de ce courageux officier général ;
mais, assurément, il eût été dans son carac
tère. La conduite qu'il tint à Waterloo et à
Verrières prouve suffisamment quelle était
la disposition de son esprit. Notre pays of
frait un spectacle bien triste et bien navrant.
Les pouvoirs de l'Etat étaient livrés à l'a
narchie. Le sénat songeait à sa-dotation;
la chambre n'avait qu'une idée, échapper
au despotisme militaire, au moment où -le
despotisme militaire pouvait seul sauver le ,
territoire. La bourgeoisie, fatiguée d'une
lutte inégale, n'aspirait qu'au repos. Dans.-
l'armée, si héroïqueàWaterloo, presque tous
les chefs ne songeaient qu'à déposer leur
épée. L'énergie guerrière ne vivait plus qu'au'
cœur des soldats, Au milieu de cette atmos- ~
phère de découragement, l'homme du peu
ple, comme le soldat, avait le sentiment vrai
de la situation. Il eût voulu se battre, il
eût suivi volontiers dans la mêlée cet Em
pereur, trahi par la fortune, ■ et qui n'a ja
mais eu peut-être une popularité plus pré
cieuse que dans ses malheurs. Aussi voyait-
on une foule émue et passionnée se presser
autour de l'Elysée pour voir Napoléon et
pour l'inviter à un coup d'éclat, tandis
qu'ailleurs on désorganisait la résistance et
que les plus vaillans capitaines proclamaient
la lutte impossible.
Exelmans eut alors le mérite de penser
comme le peuple et les soldats. Dans cet af- ,
faissement général des plus fortes âmes, il
ne désespéra point du sa]ut du pays. Envi
ronné de généraux abattus et de maréchaux
découragés, il avait conservé l'ardeur de ses
jeunes années, l'enthousiasme qui l'avait
pohssé à seize ans dans les rangs de l'armée,
et qui pe s'était pointéteint en lui; l'exalta
tion généreuse d'Arcole et d'Austerlitz. Pbur ,
lui, l'Empereur, contre qui s'élevaient alors.
tant de voix insultantes et railleuses, était
avant tout l'homme de la nationalité fran
çaise, le mandataire armé du j>ays, le gar
dien du territoire menacé. Il ne lui eût
marchandé dans ce moment solennel ni le
pouvoir, ni le dévoûment, et son ambition
suprême eût été de le suivre dans une cam«
pagne dernière, de vaincre avec lui ou de
mourir.
C'est là, si nous ne nous trompons, le si*
gne distinctif, l'originalité de ce noble ca
ractère. Nous avons publié les états de ser
vices du maréchal Exelmans. On ne. saurait
en avoir de plus complets et de plus bril-
lans. Pour raconter ses faits d'armes, il fau
drait citer presque toutes les batailles que
nous avons gagnées. Aido-de-camp de Mu-
rat, il devint, par sa valeur impétueuse, par
sa science à manier les masses, par son ta
lent pour allumer l'audace de ses troupes,
le digne émule de ce paladin,/aux exploita
presque fabuleux, de la cavalerie frànçaiseJ -
Son nom est inscrit parmi ceux des Riche-
panse, des Làsalle , des Montbrun, des Bes-
sièrës. Mais, à nos yeux, toute cette gloire
s'efface devant l'obstination de son dévoû
ment à l'heure des calamités et du découra
gement. Nous admironsà coup sûr le coura
ge, l'habileté, que le général Exelmans a dé
ployés dans sa longue carrière militaire, mais
nous estimons encore à plus haut prix sa fidé
lité au malheur, et cette généreuse incrédulité
d'un soldat qui en 181 S, en présence de la
France envahie, ne pouvait croire à une dé
faite irréparable, tant qu'il avait un tronçon
d'épée à la main. '
Le général Exelmans fut deceuxqui n'ou
blièrent jamais 1815, ni l'affront qui avait
été infligé au drapeau français. C'est ce sen
timent qui lui fit applaudir à lavictQire po
pulaire en juillet 1830, qui lui inspira une
protestation célèbre contre le jugement et
la mort du maréchal Ney, lors du procès,
d'Armand Carrel, qui le conduisit auprès
de Louis-Napoléon, dès que la révolution
de février rouvrit à l'héritier de l'Em
pereur les portes de la France, qui le fit
monter à cheval le 2 décembre pour of
frir ses services au Président de la Républi
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 27 JUILLET.
IL FAUT QiI . œESSB,SE,?lSSr.
xx.
— Allons, ma bonne Catherine, voilà que
la chaleur du jour commence à tomber. Il
faut que je parte. Ma valise est prête, n'est-
ce pas? et tu as eu bien soin, d'y mettre ma
soutane neuve et tout le linge qui m'est né
cessaire pour une aussi longue, absence?
Maintenant, va-t'en seller Cocotte I "
Le personnage qui s'exprimait ainsi était
un petit homme en costume ecclésiastique,
sec, nerveux, aux traits hàlés par le soleil,
au visage profondément ridé, mais plein de
bonté, et dont la physionomie empruntait
un caractère plus vénérable encore à la che
velure blanche dont elle était enGadrée. Le
lecteur aura reconnu sans peine, dans ce
personnage, le vieux curé vendéen avec le
quel il a déjà fait connaissance au commfn-
cement de ce récit. Ajoutons bien vite, à pré
sent, que la bonne grosse paysanne à laquelle
s'adressait l'allocution qui précède, n'était
autre que la servante du vénérable pa?teur
auquel Mgr l évéque d'Angers avait confié,
depuis deux ans, le soin de desservir la pa
roisse du bourg de '**. C'est à une très petite
distance de ce bourg qu'était situé, comme
ou sait, le magnifique domaine où lajnar-
quise de Morvilliers avait coutume de se
rendre tous les ans vers le milieu de l'été et
• où elle prolongeait sa résidence jusqu'au
mois de novembre.
Catherine, qui;, malgré le double fardeau
des longs hivers qu'elle avait traversés et d'un
embonpoint sans cesse croissant, n'était pas
femme à demeurer un seul moment oisive,
était occupée à filer au rouet, lorsque l'in
terpellation de son vieux maître vint frapper
son oreille. Elle se leva avec une vivacité qui
* La reproduction est interdite
témoignait à la fois dé son obéissance et de
l'activité que les années n'avaient pu lui
faire perdre.
— Monsieur le curé, dit-elle en compri
mant un soupir et une larme, puisque vous
le voulez a'insi, je m'en vais seller Cocotte ;
mais il fait encore bien chaud ; le temps est
à l'orage, et tout : à-l'heure, sous votre res
pect, j'ai cru quej'allais m'endormir sur mon
escabeau. M'est avis que vous feriez mieux
d'attendre encore. . ;
—Jé ne le puis, ma bonne Catherine. C'est
demain que j'entre en retraite à l'évêché. Il
y a douze lieues d'ici là. C'est l'affaire de
cieux étapes. Il faut que j'en aie fait une
ce soir et je suis attendu, à cet effet, aujouy
d'hui même à la tombée de la nuit, cnez un
confrère qui veut bien me donner à souper
et à coucher. Demain à la pointe d.u jour et
dès que Cocotte sera reposée, je me remet
trai en route et j'arriverai à l'évêché dans la
matinée. Oh! j'ai bien fait tous mes calculs,
va! '
— Sans doute, Monsieur le curé, mais si
l'orage vous surprend sur le chemin?
— Eh bien ! il ne manque pas d'arbres
pour mettre à l'abri les serviteurs du bon
Dieu. Depuis quarante ans, vie'nne la Saint-
Louis, que j'exerce le saint ministère dans
ce diocèse, il m'est arrivé bien des fois de
me trouver en route par un orage, et je n'en
suis-pas mort, comme tu vois.
— Ali! Seigneur mon Dieu , comme le
temps va me paraître long, Monsieur le cu
ré, durant votre absence! Voyez comme
tout le mondo en est triste, à commercer
par ce pauvre Toby qui est là près de la por
te, laqueue et l'oreille basses; il sent que
vous allez partir, Monsieur le curé.
— En effet. Pauvre chien ! il est si fidèle
et de si bonne garde ! Malheureusement, il
ne vaut plus grand'chose à présent. Il se fait
vieux comme son maître, comme toi, Cathe
rine. Nous sommes tous vieux ici.
— Oui, tous, Monsieur le curé, excepté
Mlle Louise pourtant. Ah ! si elle était ici
cette bonne et chère demoiselle, la cure ne
me paratti ait pas si vid8 et si désolée, •.
— Tu sais, Catherine, quels devoirs la re
tiennent à Paris ?
— Je le sais, Monsieur le curé; mais je
sais aussi, puisque vous avez bien voulu me
le dire vous-mê>ne, que la pauvre demoiselle .-
s'ennuie loin de nous, dans cette grande ville
de Paris, où elle ne retrouve plus nos ajoncs,
nos genêts en fleur, et ces grands bois, et ces
vertes prairies qu'elle,aime tant. Vous lui
aviez promis d'aller la rechercher, Monsieur
le curé, et je suis sûre qu'elle vous attend à
cette heure, la chère et belle demoiselle. Que
va-'t-elle dire, quand elle verra que vous lui
manquez de parole?
— Allons 1 ma vieille Catherine, ne vas-tu
pas te mettre aussi de son parti contre moi ?
Louise n'est pas raisonnable, mais tu devrais
l'être,-toi, parce que tu as de l'âge et de
l'expérience. Louise est dans une maison ho
norable et digne de tous les respects, où elle
est traitée, non pas comme une lectrice,puis
que telle est sa condition, mais comme* une
fille d'adoption. C'est folie à elle de se lais
ser prendre par le mal du pays, et de vou
loir renoncer à tous I ps avantages qui lui
sont assurés chez Mme la marquise de Morvil
liers. Jen'ai point^voulu la brusquer, parce que
je connais son caractère, qui a toute l'opi
niâtreté de la Vendée et de la Bretagne en
semble; mais puisque tu m'y pousses, ma
bonne Catherine, je ne te cacherai point
que ma résolution à moi est bien prise
aussi. Je ne retournerai point à Paris.
Ce voyage m'a beaucoup fatigué, et l'ar
gent que j'y consacrerais de nouveau se
rait un larcin fait à mes pauvres, qui en au
ront bien besoin l'hiver prochain. D'ailleurs,
le moihent approche où Mme la marquise
d®jt se rendre dans ses terres. Louise l'ac-
coaipagnera nécessairement, et nous sau
rons alors si elle a des motifs vraiment sé
rieux de se séparer de sa bienfaitrice. Et
maintenant, ma bonne Catherine, que tu
sais mes intentions à ce sujet, ne me retar
de pas davantage et va-t'en seller Cocotte !
La vieille Catherine ne fut pas cette fois
assez maîtresse d'elle-même pour compri-
» mer. le soupir, qui gonflait sa poitrine. Elle
leva au ciel des yeux gros de larmes, et, joi
gnant les mains avec résignation, elle se di
rigea vers l'écurie, .sans prononcer une pa
role. Toby, le fidèle gardien de la cure, eu
proie à uner inquiétude qui se trahissait dans
tous ses mouremens, jugea devoir l'escorter.
Peu d'instans après elle rentrait dans la
salle, conduisant par la bride une vieille ju
ment, qu'elle avait assez lestement sanglée et
sellée. C'était Cocotte, qui se mit à hennir en
avançant sa tête intelligente mais déprimée
' par les années ; sans aucun, doute, Cocotte
n'eût pas hésité à franchir à la suite de la
palefrenière le seuil hospitalier du presby
tère et à s'introduire familièrement dans la
salle même,comme un hôte habituel dû-foyer,
si elle n'en eût été empêchée- par un petit
treillage mobile, destiné à préserver l'in
térieur* de la cure des. envahissemens
d'une demi-douzaine de poules qui, avec un
coq et deux canards non moins audacieux
qu'elles, composaient toute la basse-cour.
Toby avait, bien entendu, précédé la ser
vante, dont il se montrait en toutes circons
tances l'empressé satellite, et son attitude
était encore plus inquiète qu'auparavant.
Le vieux curé prit son bréviaire sous son
bras, se coiffa de son tricorne et embrassa
sur les deux joues sa fidèle servante, qui,
cette fois, donnant un libre cours à sa dou
leur, pleurait à chaudes larmes.
— Allons, niaboniie Catherine, lui- dit-il,
console-toi, avant un mois je serai de retour.
Toi, pendant ce temps-là, aie bien soin de la
cure. Ne manque pas de donner aux pauvres
toutes les fois qu'il s'en présentera. Ne te
laisse manquer de rien toi-même et cesse de
Sleurer. Tiens, voilà le vieux Toby, qui te
onne l'exemple. Tout à l'heure, il semblait
tout consterne. Maintenant, vois comme il
dresse la queue et les oreilles, et comme il
si livre à toutes sortes de gambades. A bas!
Toby, à bas ! -
Mais Toby, sourd aux exhortations de son
maître, et piqué par une sorte de tarentule,
mit en ce moment le comble à ses excentri
cités, en sautant par-dessus le treillage placé
devant la porte, ce qui ne lui était pas arrivé
depuis les premiers temps de sa jlunesse, et
en même temps il s'élança à l'extérieur du
presbytère, en aboyant de toutes ses for
ces.
; — r Qu'est-ce que cela signifie? dit le vieux
curé.
— Ecoulez, Monsieur le curé, reprit la
servante en prêtant elle-même l'oreille, n'en
tendez-vous pas le bruit d'une voiture qui
s'approche? *
Comme elle parlait ainsi, une cariole me-
m'e avec une certaine rapidité, apparut à
peu de distance, s'arrêta devant le presby
tère, saluée par les'aboiemens de Toby, de
venus plus éclatans que jamais, et, quelques
secondes après, une jeune fille en descendait
et venait.se jeter dans les bras du vieux prê
tre. Cette jeune fille, est-il besoin de la nom
mer? '
v A l'aspect des larmes qui inondaient le vi
sage de sa nièce, de la rougeur empreinte
sur son front, le bon curé, habitué depuis
longues années à scruter les plus intimes
replis du cœur humain, n'eut pas besoin
d'interroger Louise sur les motifs d'une dé
termination qui apparaissait enfin pour lui
dans tout son jour; il fit signe à sa servante
de se retirer, et,demeuré seul avec sanièce:
— Je comprends tout, mon enfant, lui
dil-il avec la plus affectueuse bonté, et tu
n'as rien à m'apprendre, tu as suivi le pré
cepte de l'Evangile : tu as fui le danger pour,
ne point y périr! Tu as sagement agi, Louise,
et je t'approuve. Hélas! à qui se fier main
tenant? Moi qui te croyais si en sûreté dans
cette maison, la plus sainte, la plus vénéréè
que je connaisse en ce pays!... N'en parlons
plus. Te voilà de retour à la cure ! sois-y la
bien-venue; mais, ma pauvre enfant, que
vas-tu faire ici? Je suis obligé de partir pour
aller en retraite à l'évêslié : c'est un voyage
que je ne>puis ajourner pour aucun motif;
quelques instans plus lard, tu ne me trou
vais même pas.
—Eh bien! mon bon oncle, reprit Louise
en essuyant ses larmes,quelque pénible qu'il
puisse être pour mol ae renoncer à vous
voir, dans un moment où j'aurais tant be
soin de vos consolations, de votre assistance,
je resterai avec Catherine; nous garderons
le presbytère ensemble, et ; quandgvous re
viendrez, vous aurez deux personnes au lien
d'une pour vous soigner. - '
— Tout cela est à merveille, repartit le
curé d'un ton plus grave; mais, ma chère
amie, je suis bien vieux ; jè n'ai rien à te
laisser. Que deviendras-tu après moi ? Je te
l'ai dit, ajouta-t-il en baissant presque ins-
tinctivemerit la voix, il n'y aurait qu'un
moyen .d'assurer ici ton avenir. M. Xavier
Durand...
A ce nom seul, Louise, saisie d'une crise
nerveuse,laissa de nouveau couler ses larmes.
— Non, mon oncle, s'écria-t-elle avec ex
plosion, je ne veux pas me marier, je ne me
marierai Jamais.
Le cure hocha la tête, et son front parut
s'assombrir.
— Il est difficile, reprit-il avec un peu de
sévérité, de croire qu'une jeune fille telle
que toi puisse avoir a cet égard une résolu
tion bien arrêtée. M. Xavier Durand est un
jeune homme que j'estime beaucoup et qui
tô fait honneur en te demandant en maria
ge. Je ne comprends réellement pas pour
quel motif tu jugerais devoir refuser une •
offre aussi avantageuse.
— Mon .oncle, mon bon oncle, s'écria
Louise, je vous en supolie ; ne vous opposez
pas à la résolution que j'ai prise d'entrer au
couvent. Les bonnes religieuses qui ont eu
soin de mon éducation ne refuseroat pas de
me recevoir-dans leur communauté, j'en
suis sûre, et vous serez dégagé ainsi de tou
tes les inquiétudes pour mon avenir:
— A la bonne heure, mon enfant, si tu te
sens suffisamment de courage et de résigna*
tion pour prononcer des vœux qui n'enga
gent pas devant les hommes, mais qui enga
gent devant Dieu, garde-toi bien de l'oublier
jamais!
Louise demeura pensive durant quelques
instans, et comme si, au moment de pren->
dre un grand parti, elle eût hésité encore,
puis, regardant fixément le vénérableprêtre :
— Mon oncle, dit-elle, je vous répète qu'il
s rue de Valois (Palali^Hoyal); tf 103
m&as
1853.
awiwM
MARDI m JUILLET.
WRSSoâ t'&EOKKElaSEÏII
PAfilS 13 F. PAfi TKIMESXKSS
^ARTKilBKS. 16 F. —
UN NUMÉRO : $0 CENTI&OESj
roua iss pats stkahqbbï , *6 reportfï
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sa tablera qui «era publié dans le joutai!,
tes 13 et as de chaque moisj ' ,
Les aàomement datent des l«* et H
de chaque moisi
S'adresser , franco, pour la rédaction, à M. GoCHSVAirCuaiairrî'
Les articles déposés ne sont pas rendus
JOURNAL POLITIQUE,
en chef. |
LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
On s'alterne, dans Va département, aux Messageries et aux Directions de poste.—A Lond^et, skei M!»î. C cwik et fiif !
— AStrasbourg, cfos M. AuSMDES, pour FAllemagne^
S'adresser, franco? pour l'administration] à M. D shaiî T , directeur.
Les asnosoes sont régnés an bureau d a journ&l ; et£abai M. PAJSIS, régisseur, H, phtoe ds 1g Boni sa
PARIS, 26 JUILLET.
Les dernières nouvelles qui nous sont par
venues (Ju Mexique confirment nos prévi
sions sur la crise prochaine dont cet empirff
est menacé. Un journal anglais, parlant ré
cemment de l'Etat de dissolution où la répu
blique mexicaine est tombée, disait avec rai
son que l'Espagne a beaucoup moins perdu
à renoncer à la souveraineté du Mexique,
que cette colonie à se séparer de l'Espa
gas. C'est, du resté, l'histoire de la plu
part des colonies espagnoles de l'Amérique.
L'Espagne, qui'les gouvernait, tirait d'elles
des"" revenu s trop considérables peut-être ;
les agens qu'elle y envoyait vivaient dans un
trop grand luxe à leurs dépens, et, en dic
tant des lois à ces établissemens lointains,
la mère-pktrie consultait quelquefois sa con
venance plus que leurs intérêts; mais ces
inconvéniens. étaient compensés par d'in
appréciables avantages. Erf'çffqt, l'Espagne
" assurait à sss colonies d'Amérique le bien
fait d'un gouvernement ferme et stable, à
l'abri duquel croissaient, sans trouble, tous
les élémens de l'activité coloniale. En pro
clamant leur indépendance, les colonies es
pagnoles ont proclamé l'anarchie chez elles
et se sont vouées à l'instabilité eî,à la ruine.
Ce que nous disons est prouvé par deux
exemples frappans. Comparez le Mexique
indépendant à l'Ile de Cuba soumise à l'Es
pagne. Ici, l'ordre, la richesse, les progrès
de tout genre en agriculture, en commerce,
en industrie et en population ; là,jles ruines
qui s'amoncèlent, la banqueroute qui se pré
pare, l'industrie languissante,, le commerce
anéanti, et un mal plus grand que tous' ces
maux : la division profonde et irréconcilia
ble des partis, indice certain de la dissolu
tion de l'Etat.
Avec quelle rapidité celte décadence est
arrivée à sa dernière période ! Il n'y a pas
plus d'un quart de siècle que le Mexique a
déclaré son indépendance; et, dans un si
court espace de t> mps, il a épuisé toutes les
sources de prospérité que le gouvernement
espagnol y avait ouveries. Tel est le résultat
d'institutions antipathiques au caractère
mexicain. La forme républicaine, imposée
souvent par la médiocrité et l'envie à tant
de populations dont elle contrarie les ins
tincts et les mœurs, mène vite, comme on le
voit, certains peuplés à l'abaissement et à la
ruine. -
Si le Mexique n'était pas occupé p.âr une
race habituée à se gouverner elle-même, on
.pourrait,'sans injustice, le comparer aujour
d'hui à l'infortunée république d'Haïti. Mais
il y a surtout cette différence entre ces deux
Etats,-que le Mexique a dans les Etats-Unis
un voisin puissant et envahissant qui ne le
laissera pas retomber, comme: Haïti, dans
la barbarie faute d'intervention. Depuis six
mois, les événemens ont marché dans ce pays
vers une crise suprême avec une rapidité in
croyable. Lé parlement mexicain a refusé au
général Arista, président de la république, les.
pouvoirs extraordinaires que celui-ci lui avait
demandés pour tirer le pays d'une situation
désespérée; bien plus, il s'estséparé, après une
courte session, fort mal remplie, saas donner
au pouvoir exécutif les moyens de sortir des
embarras financiers où l'Etat se trouve plon
gé. Ce pouvoir est ainsi dépourvu de toutes
ressources. L'armée, mécontente et mal payée,
est en désordre, incapable de à réprimer les
troubles intérieurs, à plus forte raison à as-
gurér l'indépendance du pays, si elle était me
nacée par un ennemi puissant. Les ordresdu
gouvernement sont' ouvertement mécon
nus dans les provinces. Des villes maritimes
réforment de leur propre mouvement leur
tarif douanier, sans prendre l'avis du pouvoir
«entrai. Les provinces du nord sont dévas
tées par les Indiens, et envahies par des
aventuriers de toutes nations. Les provinces
du^sud . profondément - troublées, tournent
leurs rpgards vers Santa-Anna, qu'une ré
' volution a chassé du pays et réduit à l'exil.
Il semble, ne rester au président Arista*,
dans cette extrémité, qu'une seule ressource:
c'est de consulter la loi suprême du salut
public et de prendre,en main des pouvoirs
extraordinaires qu'une assemblée, mieux
éclairée, lui eût certainement conférés. Mais
comment en. userait-il? Demanderait-il Je
concours d'une puissance étrangère , les
Etats-Unis, par exemple?. Chercherait-il dans
le pays même l'appui nécessaire à l'établis
sement, au moins momentané, de sa dic
tature? *
En l'état des esprits, il nous parait diffici
le qu'un pouvoir quelconque, cherchant à
s'établir au Mexique, puisse se passer du bon
vouloir, si ce n'est de l'aide des gouverne
mens étrangers. D'importans capitaux ont
été engagés, principalement par les Anglais,
les Français et les Américains, dans l'indus
trie du pays, et la première obligation de
tout gouvernement nouveau, serait de s'en
tendre avec les agens diplomatiques de Fran
ce, d'Amérique et d'Angleterre, pour garan
tir les intérêts de leurs nationaux respec
tifs. En. outre, le trésor public est vide,
et, peur remettre en mouvement les roua
ges de la machine gouvernementale, il se
rait indispensable de se procurer à l'étran
ger des ressources financières. Quel serait le
moyen de les obtenir? Un emprunt? On në
voit pas quelle garantie pourrait être donnée
aux prêteurs. La.vente d'une portion de ter
ritoire? C'est une, ressource extrême à la
quelle il serait possible qu'on eût recours'en
désespoir de cause.
Dans cette hypothèse, le Mexique trouve
rait vraisemblablement les États Unis dispo
sés à jeter dans l'abîme de son déficit une
somme de quelques millions dejjollars. En
échange, les Etats-Unis prendraient posses
sion du territoire où s'ouvre, à travers une
chaîne tle montagnes partout ailleurs in
franchissable, cette fameuse passe de Gua-
dilupe qui conduit de l'océan Pacifique dans
la mer Atlantique, de la Californie à la Nou
velle-Orléans, et qui est depuis long-temps
un objet de convoitise pour le cabinet de
Washington.
De tous les progrès que les Etats-"Jnis
n'ont cessé de faire vers la domination de
l'Amérique septentrionale, celui-ci serait
certainement le plus décisif. Nous avons ex
posé déjà combien l'annexion du Mexi
que à la confédération américaine aurait
de funestes conséquences. Le Times , qui
s'est également occupé de cette question,
a jugé bon de s'inquiéter des conséquen
ces d'une telle révolution dans les affai
res d'Amérique, au point de vue des
intérêts bien entendus des Etats - Unis
même. Il a engagé le gouvernement fédéral
à bien peser d'avance les dangers de réunir
à la confédération un territoire occupé par
des millions d'hommes, différens de la po
pulation actuelle de l'Union par la race, la
religion et les moeurs. Ce serait, d'après l'a
vis de notre confrère de Londres, introduire
dans le sein de la confédération un élément
très actif de discorde et de révolu tion.
Le Times est bien bon, en vérité. Le Yan
kee est juge compétent dans les affaires qui
le concernent, et les peuples européens
ont assez à faire dje défendre leurs intérêts
contré lui sans se constituer avocats offi
cieux dans sa propre cause. Ce n'est pas,
d'ailleurs, ayee des représentations et des
conseils qu'on arrête un peuple sur le pen
chant qui le pousse à la conquête et à l'a-,
grandissement. Il faut lui opposer une digue
plus forte. • ;
Dans la détresse du Mexique; l'intégrité
de son territoire et la plénitude de son indé
pendance sont encore les plus sûres garanties
des intérêts nombreux et considérables que
la France a dans ce pays. On parle de cé
der le territoire de Sonora et la passe de
Guadalupe pour 6 millions de dollars. C'est,
un arrangement auquel l'Angleterre et "la
France prêteraient difficilemgjrt les mains.
De deux choses l'une, en effet: ou cette somme
serait consacrée à désintéresser les étrangers
envers qui le Mexique a des engagemens à
remplir, et dans ce cas cet Etat s'affaiblirait
gratuitement , le gouvernement mexicain
serait dans la même pénurie après comme
avant cette vente funeste ; ou l'argent serait
employé aux divers services de l'Etat. Mais
cette somme, trop faible, serait biehfôtdissi-
pée, et, après quelques semaines d'une fausse
et trompeuse abondance, le Mexique n'au
rait point fait un seul pas pour sortir du
déficit où il s'enfonce. Seulement, par suite
de l'abandon d'un territoire important,
qui est la clé de toute l'Amérique du Nord,
les étrangers qui ont apporté leurs capitaux
et leur industrie dans le.pays, auraient perdu
un gage de la sééurité et de la protection
que le gouvernement du Mexique est tenu
de leur assurer.
• C'est à ce point de vue que la diplomatie
européenne serait fondée à intervenir entre
les Etats-Unis et leiSIèxique pour protéger
. le faible contre le fort et pour l'empêcher de
céder à ses propres entraînemens qui pré
cipiteraient sa chute. L'important est de
maintenir l'intégrité de l'empire mexicain,
et de prêter notre appui à tous lès essais de
réforme et de progrès intérieurs qui peu
vent prolonger son existence et son indé
pendance. L'intérêt des Etats - Jnis est de
précipiter le dén«ûmentde la crise actuelle,
celui de l'Europe est de l'éloigner le plus
possible.
Un événement pourrait rendre plus pres
santes les offres du gouvernement de Was
hington: c'est l'établissement, dans la provin
ce dé Sonora, d'un certain nombre d'émi
grés de Californie, Français pour la plupart,
qui sont l'avant-garde d'une multitude d'au
tres colons, et qui, une fois maîtres du ter
rain, formeront un obstacle aux projets d'a
grandissement des Etats-Unis. C'est là
une entreprise qu'il faudrait encourager
dans l'intérêt commun de l'Europe et du
Mexique. La Sonora est aussi riche en
mines que la Californie,le sol en est fertile,
le climat salubre , et les habitons ont
fait preuve de la pies grande bienveillance
pour nos nationaux.La colonisation delà So
nora par des Européens, Espagnols et Fi an
çais, par des catholiques, peut devenir une
barrière pour les envahissemens de la race
anglo-saxonne,
L'Europe trouverait dans l'exploitation dés
ressources immenses que la nature a don
nées à ces riches pays, une ample récompen
se des efforts qu'elle aurait faits pour retenir
le Mexique au moment de sa*chule. denain.
La résistance regrettable de l'épiscopat
piémontais à la loi qui doit faire précéder la
célébration du mariage d'un acte municipal
destiné à constater authentiquemënt l'union
des parties contractantes, prend un carac
tère de plus eu plus grave.' On lit dans le
journal l'Opinion, de Turin, la nouvelle
suivante qui constate à quelles extrémités on
est arrivé dans cette lutte déplorable.
«L'archevêque de Chambéry et les évèque&d'Aos-
te, de la Tarentaise, de Maurienne et d'Annecy,
ont imité l'exemple du haut elergé piémontais.
Ils ont publié une déclaration analogue à celle
de leurs frères. L'épiscopat de Savoie, après
avoir proclamé la loi du mariage inconstitu
tionnelle , immorale, anti-sociale et anticatholi
que , déclare que tout catholique soumis à la
juridiction diocésaine, qui osera contracter maria
ge dans une forme différente de celle prescrite'par
l'Eglise, encourra par lefaitseul l'excommunication
; tt premier degïé ; celui qui commettra cette er-
'
«sa ,vie durant et' à l'article de la mort, à moins
qu'il ne prenne le parti de faire réhabiliter son
m.iriage canoniquement, ou de renvoyer de chez
lui la personne que l'Egliser ne peut considérer
que comme sa concubine. S'il meurt sans se ré
concilier avec l'Eglise, il sera privé de la sépulture
ecclésiastique le? enfans nés de ce concubinage
seront déclarés illégitimes pour tous les effets ca-
•nopiques. »-
On lit dans la Gazette de Cologne du 25
juillet, spus la rubrique de Constantinople,
la nouvelle suivante :
« Le bruit s'est répands- tout récemment que
des ingénieurs et des officiers Tusses parcouraient
en ce moment la Servie pour Iraeer des plans et
étudier la situation militaire du pays. La Porte
ayant ordonné de l'aire une enquête, on a décou
vert que dix-huit officiers russes avaient parcouru
le nord-est de la Turquie européenne, levé le plan
de Widdin, Schumia, Rustohuk et Varna, et qu'ils
étaient en-ce momeni dans lès Balkans pour exa
miner les passages principaux. »
LE MARECHAL EXELMANS.
Nous avons reçu hier une lettre touchante.
Un soldat de l'Empire qui sollicite du pain
pour ses vieux jours, nous écrit pour s'asso
cier aux regrets qu'inspire à tous la mort
fatale du maréchal Exelmans. « Lui mort,
dîlail, jçjue d&viendroni-nous, nous autres
pauvres débris des armées impériales? IL
était notre père à tous, noire protecteur au
près du prince. Sa bourse nous était tou
jours ouverte et son cœur aussi. Il s'infor
mait de nos besoins, il compatissait à nos
maux, il nous accueillait en camarades. Le
plus obscur d'entre nous était sûr d'être bien
reçu par cet illustre homme de guerre. Il
était notre soutien, notre providence. Qui le
remplacera pour nous à l'avenir?» Cette der
nière crainte est exagérée : assurément il y
aura toujours auprès du chef de l'Etat des
généraux qui prendront la défense des sol
dats de l'Empire, et r à défaut d'intermédiai
re, le prince luX-même n'oubliera jamais les
intérêts des compagnons d'armes de l'em
pereur Napoléon. Mais enfin cette lettre
est un grand hommage rendu à la bonté
d'ame, à la générosité de caractère du ma
réchal Exelmans. Elle montre à quel point
ce vaillant capitaine, si justement renom
mé par sa bravoure impétueuse, avait su se
rendre cher, dans la haute position qu'il
occupait, à tous ceux qui faisaient appel aux
sentimens élevés de son cœur.
Il n'y a eu d'ailleurs, dans toute la France,
jçu'une.4j£ii£ée el_qu'un cri a k nouvelle du
funeste accident qui a tranché cette noble
existence. Tout le inonde a déploré cette
mort si soudaine et si inattendue; tout le
monde a partagé la douleur de sa famille.
Les uns avaient connu ce vieillard robuste,
qu'on voyait figurer, revêtu de son unifor
me, dans toutes les occasions solennelles, et
qui savait si bien, ingénieux et aimable cau
seur, se faire écouter dans un salon. Les au
tres savaient que le maréchal Exelmans était
le type dé l'honneur militaire et de la pro
bité politique; qu'il s'était signalé par son
intrépidité sur tous les champs de bataille
ôs l'Empire; qu'il avait eu, en 481Sj la
gloire de donner, comme bn l'a dit alors,
le dernier coup de sabre aux Prussiens,
que, depuis lors, toute sa vie s'est con
centrée dans une fidélité admirable aux
souvenirs de son héroïque jeunesse, et que
promu à la dignité de maréchal et au poste
de grand-chancelier de laLégion-d'Honneur,
il a employé toutes les forces de sa verte
vieillesse à protéger ses anciens camarades
et à faire le bien. Aussi, dans toutes les clas
ses decitoyens, â-t-on entendu le même lan
gage, et la presse, si divisée d'op'nion, s'est-
élle montrée unanime pour payer à-sa mé
moire un juste tribut d'éloges et de regrets.
Deux faits me semblent peindre le carac
tère du maréchal Exelmans et nous livrer
le secret de. cette nature.chgvaleresqqe. Je
veux parler de sa conduite à Waterloo et
sous les murs de Paris.
On se rappelle que, dans la courte campa
gne qui fut la dernière de l'Empereur et qui
«extermina au désastre de,Mont-Saint-Jean,
le général Exelmans avait été nommé com
mandant en chef du deuxième corps de cava
lerie de l'armée dunord. Malheureusement ce
corps d'armée, personne ne l'ignore, fut pla
cé sous les ordresdu maréchal Grouchy que
des ordres précis avaient éloigné du champ
de bataille où se jouait la fortune de la
France. Qui ne sait que la présence de
Grouchy, à ce moment décisif, eût assuré
la victoire à nos drapeaux ? Quel cœur fran
çais n'a saigné au souvenir de celle heure
d'angoisses et de désespoir où l'empe
reur Napoléon, au lieu d'une puissante
réserve, vit arriver sur les hauteurs voisines
les Prussiens de Blucher ? Quinze années au
paravant, à Marengo, la même situation s'é
tait reproduite. Là aussi un formidable corps
d'armée avait été écarté du lieu du combat.
Là aussi la journée avait été compromise;
mais là, du moins,- ce corps d'armée avait
paru à, temps. Uiyeune et savant général,
Desàix, par une heureuse inspiration, avait
marché (yj bruit du canon, avait fait fran-
chir à ses troupes , en. les enflammant
de son ardeur, des distances énormes,-
était arrivé à point nommé pour préve
nir une défaite, et, après avoir rétabli le
combat par sa présence, était tombé-glo
rieusement, percé de deux balles ennemies et.
comme enseveli dans son triomphe. A Wa
terloo, Exelmans eut une idée semblable.
Lui aussi, en l'absence d'ordres nouveaux,
il voulut aller là où on se battait, là où gron
dait le canon. Malheureusement, il dutcéder
à la volonté de son supérieur; mais il ne céda
qu'en frémissant de douleur et de colère.
S'il eût ét'é le général en chef, on-eût vu se
renouveler sans doute les péripéties de là
journée de Marengo, et l'avenir de la France
et de l'Europe eût peut-être été changé.
Le second àcte de la vie d'Exelmans qui, se
lon nous, révèle cetté ame ferme et dévouée,
c'estle combat de Verrières.Pour le bien com
prendre, il faut se reporter à la situation plei
ne d'anxiété où se trouvait Paris. Les armées
ennemies pressaient la capitale de toutes
pfirts. Blucher et ses Prussiens avaient eu l'au
dace dépasser la Seine et de faire une pointe
sur Versailles. C'est alors que, sur un ordre
donné à contre-cœur, et qui devait être chan
gé le lendemain en contre-ordre, le général
Exelmans se chargea de donner une leçon
éclatante à ces téméraires,, qui ne se souve
naient plus d'Iéna ; et de leur faire payer la
déconvenue de Waterloo. Les dispositions du
beau combat de Verrières sont connues. On
sait qu'un corps de cavalerie prussienne, cul
buté par la charge impétueuse du général
Exelmans, fût rejeté sur une embuscade sa
vamment préparée, et y resta presque tout
entier. Deux magnifiques régimens, ceux de
Brandebourg et de Poméranie , l'élite de la
cavalerie prussienne, furent anéantis. 6S
combat, qui fut livré le 2 juillet 1815, faillit
mettre un terme aux intrigues ténébreuses
du duc d'Otrante, et réveiller le patriotisme
des chefs de l'armée française.
On a attribué au général Exelmans le pro
jet de s^emparer de la personne de l'Empe
reur, alors combattu entre le désir d'épar
gner à son pays les horreurs de la guerre
«ivile et le regret de renoncer à la lutte,
pour le replacer, bon gré mal gré, à la tête
des troupes. Nous ne savons si ce coup
hardi a été, comme on l'a dit, dans la
pensée de ce courageux officier général ;
mais, assurément, il eût été dans son carac
tère. La conduite qu'il tint à Waterloo et à
Verrières prouve suffisamment quelle était
la disposition de son esprit. Notre pays of
frait un spectacle bien triste et bien navrant.
Les pouvoirs de l'Etat étaient livrés à l'a
narchie. Le sénat songeait à sa-dotation;
la chambre n'avait qu'une idée, échapper
au despotisme militaire, au moment où -le
despotisme militaire pouvait seul sauver le ,
territoire. La bourgeoisie, fatiguée d'une
lutte inégale, n'aspirait qu'au repos. Dans.-
l'armée, si héroïqueàWaterloo, presque tous
les chefs ne songeaient qu'à déposer leur
épée. L'énergie guerrière ne vivait plus qu'au'
cœur des soldats, Au milieu de cette atmos- ~
phère de découragement, l'homme du peu
ple, comme le soldat, avait le sentiment vrai
de la situation. Il eût voulu se battre, il
eût suivi volontiers dans la mêlée cet Em
pereur, trahi par la fortune, ■ et qui n'a ja
mais eu peut-être une popularité plus pré
cieuse que dans ses malheurs. Aussi voyait-
on une foule émue et passionnée se presser
autour de l'Elysée pour voir Napoléon et
pour l'inviter à un coup d'éclat, tandis
qu'ailleurs on désorganisait la résistance et
que les plus vaillans capitaines proclamaient
la lutte impossible.
Exelmans eut alors le mérite de penser
comme le peuple et les soldats. Dans cet af- ,
faissement général des plus fortes âmes, il
ne désespéra point du sa]ut du pays. Envi
ronné de généraux abattus et de maréchaux
découragés, il avait conservé l'ardeur de ses
jeunes années, l'enthousiasme qui l'avait
pohssé à seize ans dans les rangs de l'armée,
et qui pe s'était pointéteint en lui; l'exalta
tion généreuse d'Arcole et d'Austerlitz. Pbur ,
lui, l'Empereur, contre qui s'élevaient alors.
tant de voix insultantes et railleuses, était
avant tout l'homme de la nationalité fran
çaise, le mandataire armé du j>ays, le gar
dien du territoire menacé. Il ne lui eût
marchandé dans ce moment solennel ni le
pouvoir, ni le dévoûment, et son ambition
suprême eût été de le suivre dans une cam«
pagne dernière, de vaincre avec lui ou de
mourir.
C'est là, si nous ne nous trompons, le si*
gne distinctif, l'originalité de ce noble ca
ractère. Nous avons publié les états de ser
vices du maréchal Exelmans. On ne. saurait
en avoir de plus complets et de plus bril-
lans. Pour raconter ses faits d'armes, il fau
drait citer presque toutes les batailles que
nous avons gagnées. Aido-de-camp de Mu-
rat, il devint, par sa valeur impétueuse, par
sa science à manier les masses, par son ta
lent pour allumer l'audace de ses troupes,
le digne émule de ce paladin,/aux exploita
presque fabuleux, de la cavalerie frànçaiseJ -
Son nom est inscrit parmi ceux des Riche-
panse, des Làsalle , des Montbrun, des Bes-
sièrës. Mais, à nos yeux, toute cette gloire
s'efface devant l'obstination de son dévoû
ment à l'heure des calamités et du découra
gement. Nous admironsà coup sûr le coura
ge, l'habileté, que le général Exelmans a dé
ployés dans sa longue carrière militaire, mais
nous estimons encore à plus haut prix sa fidé
lité au malheur, et cette généreuse incrédulité
d'un soldat qui en 181 S, en présence de la
France envahie, ne pouvait croire à une dé
faite irréparable, tant qu'il avait un tronçon
d'épée à la main. '
Le général Exelmans fut deceuxqui n'ou
blièrent jamais 1815, ni l'affront qui avait
été infligé au drapeau français. C'est ce sen
timent qui lui fit applaudir à lavictQire po
pulaire en juillet 1830, qui lui inspira une
protestation célèbre contre le jugement et
la mort du maréchal Ney, lors du procès,
d'Armand Carrel, qui le conduisit auprès
de Louis-Napoléon, dès que la révolution
de février rouvrit à l'héritier de l'Em
pereur les portes de la France, qui le fit
monter à cheval le 2 décembre pour of
frir ses services au Président de la Républi
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 27 JUILLET.
IL FAUT QiI . œESSB,SE,?lSSr.
xx.
— Allons, ma bonne Catherine, voilà que
la chaleur du jour commence à tomber. Il
faut que je parte. Ma valise est prête, n'est-
ce pas? et tu as eu bien soin, d'y mettre ma
soutane neuve et tout le linge qui m'est né
cessaire pour une aussi longue, absence?
Maintenant, va-t'en seller Cocotte I "
Le personnage qui s'exprimait ainsi était
un petit homme en costume ecclésiastique,
sec, nerveux, aux traits hàlés par le soleil,
au visage profondément ridé, mais plein de
bonté, et dont la physionomie empruntait
un caractère plus vénérable encore à la che
velure blanche dont elle était enGadrée. Le
lecteur aura reconnu sans peine, dans ce
personnage, le vieux curé vendéen avec le
quel il a déjà fait connaissance au commfn-
cement de ce récit. Ajoutons bien vite, à pré
sent, que la bonne grosse paysanne à laquelle
s'adressait l'allocution qui précède, n'était
autre que la servante du vénérable pa?teur
auquel Mgr l évéque d'Angers avait confié,
depuis deux ans, le soin de desservir la pa
roisse du bourg de '**. C'est à une très petite
distance de ce bourg qu'était situé, comme
ou sait, le magnifique domaine où lajnar-
quise de Morvilliers avait coutume de se
rendre tous les ans vers le milieu de l'été et
• où elle prolongeait sa résidence jusqu'au
mois de novembre.
Catherine, qui;, malgré le double fardeau
des longs hivers qu'elle avait traversés et d'un
embonpoint sans cesse croissant, n'était pas
femme à demeurer un seul moment oisive,
était occupée à filer au rouet, lorsque l'in
terpellation de son vieux maître vint frapper
son oreille. Elle se leva avec une vivacité qui
* La reproduction est interdite
témoignait à la fois dé son obéissance et de
l'activité que les années n'avaient pu lui
faire perdre.
— Monsieur le curé, dit-elle en compri
mant un soupir et une larme, puisque vous
le voulez a'insi, je m'en vais seller Cocotte ;
mais il fait encore bien chaud ; le temps est
à l'orage, et tout : à-l'heure, sous votre res
pect, j'ai cru quej'allais m'endormir sur mon
escabeau. M'est avis que vous feriez mieux
d'attendre encore. . ;
—Jé ne le puis, ma bonne Catherine. C'est
demain que j'entre en retraite à l'évêché. Il
y a douze lieues d'ici là. C'est l'affaire de
cieux étapes. Il faut que j'en aie fait une
ce soir et je suis attendu, à cet effet, aujouy
d'hui même à la tombée de la nuit, cnez un
confrère qui veut bien me donner à souper
et à coucher. Demain à la pointe d.u jour et
dès que Cocotte sera reposée, je me remet
trai en route et j'arriverai à l'évêché dans la
matinée. Oh! j'ai bien fait tous mes calculs,
va! '
— Sans doute, Monsieur le curé, mais si
l'orage vous surprend sur le chemin?
— Eh bien ! il ne manque pas d'arbres
pour mettre à l'abri les serviteurs du bon
Dieu. Depuis quarante ans, vie'nne la Saint-
Louis, que j'exerce le saint ministère dans
ce diocèse, il m'est arrivé bien des fois de
me trouver en route par un orage, et je n'en
suis-pas mort, comme tu vois.
— Ali! Seigneur mon Dieu , comme le
temps va me paraître long, Monsieur le cu
ré, durant votre absence! Voyez comme
tout le mondo en est triste, à commercer
par ce pauvre Toby qui est là près de la por
te, laqueue et l'oreille basses; il sent que
vous allez partir, Monsieur le curé.
— En effet. Pauvre chien ! il est si fidèle
et de si bonne garde ! Malheureusement, il
ne vaut plus grand'chose à présent. Il se fait
vieux comme son maître, comme toi, Cathe
rine. Nous sommes tous vieux ici.
— Oui, tous, Monsieur le curé, excepté
Mlle Louise pourtant. Ah ! si elle était ici
cette bonne et chère demoiselle, la cure ne
me paratti ait pas si vid8 et si désolée, •.
— Tu sais, Catherine, quels devoirs la re
tiennent à Paris ?
— Je le sais, Monsieur le curé; mais je
sais aussi, puisque vous avez bien voulu me
le dire vous-mê>ne, que la pauvre demoiselle .-
s'ennuie loin de nous, dans cette grande ville
de Paris, où elle ne retrouve plus nos ajoncs,
nos genêts en fleur, et ces grands bois, et ces
vertes prairies qu'elle,aime tant. Vous lui
aviez promis d'aller la rechercher, Monsieur
le curé, et je suis sûre qu'elle vous attend à
cette heure, la chère et belle demoiselle. Que
va-'t-elle dire, quand elle verra que vous lui
manquez de parole?
— Allons 1 ma vieille Catherine, ne vas-tu
pas te mettre aussi de son parti contre moi ?
Louise n'est pas raisonnable, mais tu devrais
l'être,-toi, parce que tu as de l'âge et de
l'expérience. Louise est dans une maison ho
norable et digne de tous les respects, où elle
est traitée, non pas comme une lectrice,puis
que telle est sa condition, mais comme* une
fille d'adoption. C'est folie à elle de se lais
ser prendre par le mal du pays, et de vou
loir renoncer à tous I ps avantages qui lui
sont assurés chez Mme la marquise de Morvil
liers. Jen'ai point^voulu la brusquer, parce que
je connais son caractère, qui a toute l'opi
niâtreté de la Vendée et de la Bretagne en
semble; mais puisque tu m'y pousses, ma
bonne Catherine, je ne te cacherai point
que ma résolution à moi est bien prise
aussi. Je ne retournerai point à Paris.
Ce voyage m'a beaucoup fatigué, et l'ar
gent que j'y consacrerais de nouveau se
rait un larcin fait à mes pauvres, qui en au
ront bien besoin l'hiver prochain. D'ailleurs,
le moihent approche où Mme la marquise
d®jt se rendre dans ses terres. Louise l'ac-
coaipagnera nécessairement, et nous sau
rons alors si elle a des motifs vraiment sé
rieux de se séparer de sa bienfaitrice. Et
maintenant, ma bonne Catherine, que tu
sais mes intentions à ce sujet, ne me retar
de pas davantage et va-t'en seller Cocotte !
La vieille Catherine ne fut pas cette fois
assez maîtresse d'elle-même pour compri-
» mer. le soupir, qui gonflait sa poitrine. Elle
leva au ciel des yeux gros de larmes, et, joi
gnant les mains avec résignation, elle se di
rigea vers l'écurie, .sans prononcer une pa
role. Toby, le fidèle gardien de la cure, eu
proie à uner inquiétude qui se trahissait dans
tous ses mouremens, jugea devoir l'escorter.
Peu d'instans après elle rentrait dans la
salle, conduisant par la bride une vieille ju
ment, qu'elle avait assez lestement sanglée et
sellée. C'était Cocotte, qui se mit à hennir en
avançant sa tête intelligente mais déprimée
' par les années ; sans aucun, doute, Cocotte
n'eût pas hésité à franchir à la suite de la
palefrenière le seuil hospitalier du presby
tère et à s'introduire familièrement dans la
salle même,comme un hôte habituel dû-foyer,
si elle n'en eût été empêchée- par un petit
treillage mobile, destiné à préserver l'in
térieur* de la cure des. envahissemens
d'une demi-douzaine de poules qui, avec un
coq et deux canards non moins audacieux
qu'elles, composaient toute la basse-cour.
Toby avait, bien entendu, précédé la ser
vante, dont il se montrait en toutes circons
tances l'empressé satellite, et son attitude
était encore plus inquiète qu'auparavant.
Le vieux curé prit son bréviaire sous son
bras, se coiffa de son tricorne et embrassa
sur les deux joues sa fidèle servante, qui,
cette fois, donnant un libre cours à sa dou
leur, pleurait à chaudes larmes.
— Allons, niaboniie Catherine, lui- dit-il,
console-toi, avant un mois je serai de retour.
Toi, pendant ce temps-là, aie bien soin de la
cure. Ne manque pas de donner aux pauvres
toutes les fois qu'il s'en présentera. Ne te
laisse manquer de rien toi-même et cesse de
Sleurer. Tiens, voilà le vieux Toby, qui te
onne l'exemple. Tout à l'heure, il semblait
tout consterne. Maintenant, vois comme il
dresse la queue et les oreilles, et comme il
si livre à toutes sortes de gambades. A bas!
Toby, à bas ! -
Mais Toby, sourd aux exhortations de son
maître, et piqué par une sorte de tarentule,
mit en ce moment le comble à ses excentri
cités, en sautant par-dessus le treillage placé
devant la porte, ce qui ne lui était pas arrivé
depuis les premiers temps de sa jlunesse, et
en même temps il s'élança à l'extérieur du
presbytère, en aboyant de toutes ses for
ces.
; — r Qu'est-ce que cela signifie? dit le vieux
curé.
— Ecoulez, Monsieur le curé, reprit la
servante en prêtant elle-même l'oreille, n'en
tendez-vous pas le bruit d'une voiture qui
s'approche? *
Comme elle parlait ainsi, une cariole me-
m'e avec une certaine rapidité, apparut à
peu de distance, s'arrêta devant le presby
tère, saluée par les'aboiemens de Toby, de
venus plus éclatans que jamais, et, quelques
secondes après, une jeune fille en descendait
et venait.se jeter dans les bras du vieux prê
tre. Cette jeune fille, est-il besoin de la nom
mer? '
v A l'aspect des larmes qui inondaient le vi
sage de sa nièce, de la rougeur empreinte
sur son front, le bon curé, habitué depuis
longues années à scruter les plus intimes
replis du cœur humain, n'eut pas besoin
d'interroger Louise sur les motifs d'une dé
termination qui apparaissait enfin pour lui
dans tout son jour; il fit signe à sa servante
de se retirer, et,demeuré seul avec sanièce:
— Je comprends tout, mon enfant, lui
dil-il avec la plus affectueuse bonté, et tu
n'as rien à m'apprendre, tu as suivi le pré
cepte de l'Evangile : tu as fui le danger pour,
ne point y périr! Tu as sagement agi, Louise,
et je t'approuve. Hélas! à qui se fier main
tenant? Moi qui te croyais si en sûreté dans
cette maison, la plus sainte, la plus vénéréè
que je connaisse en ce pays!... N'en parlons
plus. Te voilà de retour à la cure ! sois-y la
bien-venue; mais, ma pauvre enfant, que
vas-tu faire ici? Je suis obligé de partir pour
aller en retraite à l'évêslié : c'est un voyage
que je ne>puis ajourner pour aucun motif;
quelques instans plus lard, tu ne me trou
vais même pas.
—Eh bien! mon bon oncle, reprit Louise
en essuyant ses larmes,quelque pénible qu'il
puisse être pour mol ae renoncer à vous
voir, dans un moment où j'aurais tant be
soin de vos consolations, de votre assistance,
je resterai avec Catherine; nous garderons
le presbytère ensemble, et ; quandgvous re
viendrez, vous aurez deux personnes au lien
d'une pour vous soigner. - '
— Tout cela est à merveille, repartit le
curé d'un ton plus grave; mais, ma chère
amie, je suis bien vieux ; jè n'ai rien à te
laisser. Que deviendras-tu après moi ? Je te
l'ai dit, ajouta-t-il en baissant presque ins-
tinctivemerit la voix, il n'y aurait qu'un
moyen .d'assurer ici ton avenir. M. Xavier
Durand...
A ce nom seul, Louise, saisie d'une crise
nerveuse,laissa de nouveau couler ses larmes.
— Non, mon oncle, s'écria-t-elle avec ex
plosion, je ne veux pas me marier, je ne me
marierai Jamais.
Le cure hocha la tête, et son front parut
s'assombrir.
— Il est difficile, reprit-il avec un peu de
sévérité, de croire qu'une jeune fille telle
que toi puisse avoir a cet égard une résolu
tion bien arrêtée. M. Xavier Durand est un
jeune homme que j'estime beaucoup et qui
tô fait honneur en te demandant en maria
ge. Je ne comprends réellement pas pour
quel motif tu jugerais devoir refuser une •
offre aussi avantageuse.
— Mon .oncle, mon bon oncle, s'écria
Louise, je vous en supolie ; ne vous opposez
pas à la résolution que j'ai prise d'entrer au
couvent. Les bonnes religieuses qui ont eu
soin de mon éducation ne refuseroat pas de
me recevoir-dans leur communauté, j'en
suis sûre, et vous serez dégagé ainsi de tou
tes les inquiétudes pour mon avenir:
— A la bonne heure, mon enfant, si tu te
sens suffisamment de courage et de résigna*
tion pour prononcer des vœux qui n'enga
gent pas devant les hommes, mais qui enga
gent devant Dieu, garde-toi bien de l'oublier
jamais!
Louise demeura pensive durant quelques
instans, et comme si, au moment de pren->
dre un grand parti, elle eût hésité encore,
puis, regardant fixément le vénérableprêtre :
— Mon oncle, dit-elle, je vous répète qu'il
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